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DSCN8348FRERE-ORBAN Walthère (1812-1894)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FRERE-ORBAN Hubert, Joseph, Walthère, né en 1812 à Liège, décédé en 1894 à Bruxelles.

Libéral. Elu par l'arrondissement de Liège de 1847 à 1894.

 

 

Biographie

Interventions sessions : 1847-1848 (1848-1894)

 

 

BIOGRAPHIE

 

(Extrait de : N. LUBELSKI-BERNARD, Nouvelle biographie nationale, 1990, t. II, p. 161 et suivantes ; voir aussi : Maurice WILMOTTE : la Belgique morale et politique (1830-1900), (1902))

FRÈRE-ORBAN, Hubert-Joseph-Walthère, pseudonyme occasionnel : Jean Van Damme ; avocat, homme d’état libéral, président de la commission des hospices civiles de Liège, conseiller communal, né à Liège le 24 avril 1812, décédé à Bruxelles le 2 janvier 1896.

Walthère Frère naquit dans une famille modeste. Son père, Walthère-Joseph, employé des finances, finit sa carrière comme receveur des contributions. Sa mère, Rosalie-Josèphe Boucher était la fille d’un coutelier de Namur. Le couple eut six enfants dont aucun, à l’exception de Walthère, ne connut un destin remarquable.

Walthère Frère fit de brillantes études. Il fréquenta un établissement d’enseignement primaire mutuel, fondé à Liège par un jeune pédagogue français issu de l’école normale. Celui-ci eut une grande influence sur son jeune élève qui le suivit lorsqu’il créa un collège d’études secondaires. En 1830, ses humanités achevées, Frère accompagna son maître qui rentrait dans son pays. Arrivé dans la capitale française, il apprit que la révolution avait éclaté à Bruxelles et il se hâta de regagner Liège. Après les événements, il retourna à Paris où il suivit des cours de philosophie et de droit. Il fit la connaissance de personnalités telles que Jules Janin, le critique du Journal des Débats, Sainte-Beuve et Victor Hugo. Revenu à Liège, il poursuivit ses études à l’université, où il devint en 1832 candidat ès lettres puis candidat en droit. La même année, il présenta à l’Université de Louvain l’examen de docteur en droit romain et moderne. En avril, le Théâtre Royal de Liège avait représenté une comédie assez mièvre de Frère, Trois jours ou une coquette. Abandonnant des débuts peu prometteurs dans la carrière artistique, il embrassa le métier d’avocat. Le 6 novembre 1832, il fut admis au barreau et fit son stage chez maître Dereux. Très vite il se distingua par sa fougueuse dialectique, triompha dans de nombreux procès et acquit une belle clientèle. Ses succès à la barre lui permirent de figurer pour la première fois en 1840 sur la liste des électeurs de Liège. Jusque-là Frère n’avait pas dû payer de contributions directes.

En 1835, il épousa la fille d’un grand industriel, Claire-Hélène Orban (1819-1890). Ce riche mariage l’aida beaucoup dans son ascension professionnelle et sociale. Il demanda et obtint d’associer son nom à celui de sa femme et s’appela désormais Walthère Frère-Orban. De cette union, qui fut très heureuse, naquirent plusieurs enfants. L’aîné, Walthère-Jean (1836-1906), devint administrateur à Verviers du comptoir d’escompte de la Banque Nationale de Belgique (1869-1879), conseiller communal, bourgmestre et échevin d’Ensival (1867-1895). Le second, Georges (1838-1900), fut conseiller à la Cour d’Appel de Liège. Le cadet Armand, né en 1839, avait une santé délicate et mourut à l’âge de quinze ans.

En 1836, Frère-Orban devint membre puis président de la commission des hospices de la ville de Liège où il se fit remarquer par ses qualités d’administrateur. Elu conseiller communal en 1840, il entra dans la vie politique à un moment critique de remise en question des principes qui avaient guidé la Constitution , à un moment où l’on constatait l’institution d’une tutelle ecclésiastique dans différents domaines et notamment en matière d’enseignement. Aussi sa participation, entre 1840 et 1847, aux travaux et aux débats du conseil communal de Liège lui permit-elle de préciser les grands principes de son action future : le libéralisme économique, la séparation de l’église et de l’état, la sécularisation de la vie publique. C’est ainsi qu’il inspira une pétition contre les droits préférentiels qu’il estimait nuisibles à l’industrie et au commerce. C’est aussi sur sa proposition que le conseil communal vota, à l’occasion de la promulgation de la loi de 1842 sur l’enseignement primaire, une pétition adressée aux chambres pour leur signaler le caractère inconstitutionnel de l’admission du clergé à titre d’autorisé dans l’école publique et leur en demander la révision. Il protesta de même contre un projet de loi qui accordait la personnalité civile à l’Université de Louvain. Il collabora également de très près au difficile travail de constitution du libéralisme en un parti distinct. Déjà apparaissaient les oppositions, les scissions, les heurts qu’il allait combattre toute sa vie entre la tendance conservatrice et la tendance avancée. En 1842 fut fondée à Liège l’Union Libérale. Trois ans plus tard, celle-ci se scinda à la suite de l’antagonisme qui opposait les jeunes libéraux, qui souhaitaient s’occuper d’idées humanitaires, de réformes sociales, d’organisation du travail, à Frère-Orban et ses amis qui affirmaient qu’il fallait poursuivre une lutte sans répit contre la domination catholique. Ces derniers créèrent alors l’Association Libérale. Frère-Orban aiguisait sa pensée en collaborant à différents journaux libéraux, notamment le Journal de Liège. En 1846, sa réputation s’étendit au reste du pays. Délégué au Congres Libéral, il prit une part active aux délibérations qui se déroulèrent dans la salle gothique de l’hôtel de ville de Bruxelles. Dans le débat sur la réforme électorale, il exposa les dangers qu’il y aurait à abaisser le cens au minimum constitutionnel sans y ajouter « des garanties de lumière, d’indépendance et d’ordre ». Il affirmait déjà la position qui serait la sienne en matière d’élargissement du corps électoral. Frère-Orban fut en effet toujours partisan d’un système électoral basé sur la capacité intellectuelle dont le cens n’était qu’une présomption. Jusqu’à la fin de sa vie, il essaye de repousser les appels qui réclamaient de manière de plus en plus pressante la démocratisation de la vie politique sur la base du suffrage universel.

 

Le premier ministère (1847-1852)

 

Les élections de juin 1847 assurèrent aux libéraux une victoire éclatante. Elu député de Liège, Frère-Orban fut appelé dans le cabinet que Charles Rogier avait été chargé de former. On lui offrit le portefeuille des travaux publics. Le nouveau ministère arrivait au pouvoir pour réaliser le programme souhaité par la bourgeoisie censitaire de l’époque. Celui-ci prônait le respect de la liberté en matière morale, sociale et économique. Il réclamait l’indépendance du pouvoir civil et la laïcité de l’état. L’Eglise devait être séparée de l’état, mais la liberté religieuse devait être respectée sans que pour autant cette liberté puisse conduire à quelque privilège. Frère-Orban partageait ces principes et s’appliqua à les faire triompher dans tous les domaines. En effet, bien que jeune ministre, il exerça rapidement sur Rogier et ses autres collègues un ascendant tel qu’il ne confina jamais ses activités à celles de son département. Peu à peu, on le vit surtout intervenir dans les matières relevant des finances et de la justice. Au parlement aussi, il s’imposa immédiatement à ses amis comme à ses adversaires politiques par ses talents d’orateur et la rigueur de ses analyses. Il y défendit avec ardeur l’indépendance du pouvoir civil en matière d’enseignement et la laïcité de la bienfaisance dans la question de la liberté de la charité. Félix Delhasse a laissé un portrait frappant de ce ministre infatigable, à l’éloquence pressante et altière : « S’assimilant les matières les plus diverses, étrangères jusque-là à ses études, les finances publiques dans toutes leurs complications, les travaux publics dans toute leur étendue, et même la guerre, la politique et la science économique, saisissant toutes choses au premier abord et les exposant toujours avec une rare clarté, souvent avec une éloquence passionnée, courant à la tribune quand un de ses collègues y faisait défaut, répondant pour tous et à tous avec une égale aisance, Walthère Frère, comme orateur et comme homme d’affaires, avait conquis une des premières places à la chambre et dans le gouvernement. En six mois, ce jeune parlementaire, ce ministre d’occasion avait pris la tête de son parti et attiré sur sa personne de vives sympathies… ». Pendant son court passage au ministère des travaux publics (août 1847-juin 1848), il déploya une activité débordante, s’occupant de la réforme postale, de la situation critique des Flandres et de l’administration des chemins de fer. Malgré une situation financière défavorable, due au déficit important légué par les administrations antérieures, il réussit à faire voter de gros crédits au budget de son département. Il voulait équiper la Belgique en moyens de transport, développer le réseau des canaux et chemins de fer.

La révolution de 1848 en France et la crise économique et agricole que connaissait le pays renforcèrent la majorité libérale aux élections de juin. Frère-Orban, qui depuis un mois remplaçait le ministre des finances à la tête de son département, se vit offrir ce portefeuille. De 1848 à 1852, il occupa ce poste clé pour la gestion des affaires de l’état. Ces quatre années constituent sans doute la période la plus intéressante de sa vie politique. Il devancera parfois son époque par des réalisations hardies qui alarmeront les uns et déconcerteront les autres. C’est le moment aussi où il se pencha sur le sort des moins favorisés et où il essaye, sans succès, de réclamer un meilleur partage du fardeau de l’imposition. « Il faut, dira-t-il, que les classes pauvres de la société soient dégrevées ; elles ne peuvent l’être que par un sacrifice imposé aux classes supérieures ».

L’alerte révolutionnaire avait été chaude, aussi le gouvernement crut-il sage d’abaisser le cens au minimum fixé par la constitution. Frère-Orban se résigna bien qu’il fût opposé à cette mesure qui allait permettre la cléricalisation de plusieurs conseils provinciaux. En matière économique, il prit des mesures pour soulager la misère des travailleurs. Mais celles-ci avantageaient également les industriels, parmi lesquels se recrutait l’électoral libéral, car celles permettaient de pratiquer une politique de bas salaires et favorisaient les exportations de produits manufacturés. C’est ainsi qu’il allégea le coût de la vie en abandonnant la politique protectionniste qui frappait les céréales et les denrées alimentaires. Il supprima l’échelle mobile, moralement condamnée depuis la famine de 1848, et conclut une série de traités de commerce qui diminuaient les barrières douanières. Il fit voter certains dégrèvements d’impôts et réorganisa les finances publiques dont le déficit avait été aggravé par la nécessité de faire face à la crise économique et à la défense du pays. Son plan comportait des économies à réaliser sur les budgets et des nouveaux impôts de consommation. Il présenta surtout un projet de loi qui instituait un droit de un pour cent sur les successions en ligne directe. Celui-ci fut combattu avec une rare violence à la chambre et au sénat. Frère fut accusé de vouloir détruite la famille. Après deux ans de luttes énergiques et après avoir subi d’importants amendements, cette mesure, qualifiée de socialiste et même de communiste, finit par être votée au prix d’une crise ministérielle et d’une dissolution du sénat.

L’épanouissement économique de la Belgique exigeait l’organisation d’une circulation fiduciaire abondante et sûre. Il fallait faciliter l’escompte et donner des bases certaines au crédit. Dans ce but, Frère-Orban créa la Banque Nationale. L’œuvre la plus remarquable de sa carrière ou du moins une de ses réalisations maîtresses avait « été conçue et réalisée avec une sûreté de méthode, une précision de vue et une prévoyance rares ». Le ministre des finances voulut également encourager l’épargne, l’esprit d’initiative, d’entreprise. Pour réaliser ce vaste programme, il créa des institutions indépendantes mais qui devaient se prêter un appui mutuel. La première, la Caisse d’Epargne, devait procurer des moyens de placement aux petits capitaux, mais elle ne fut réalisée qu’en 1865. La seconde, le Crédit Foncier, devait fournir des moyens financiers à l’agriculture, alléger le sort des propriétaires modestes et permettant de contacter des emprunts hypothécaires à des taux plus favorables. Il fallait remédier à la situation difficile que connaissaient les agriculteurs qui subissaient les conséquences de la diminution du prix des céréales. Frère-Orban présenté en 1850 un projet de loi instituaient une Caisse de Crédit foncier, qui fut voté l’année suivante à la chambre mais définitivement rejeté par le sénat après la chute du cabinet. La troisième institution, la Caisse Générale de Retraite, concernait l’organisation de la prévoyance. Le point de départ était l’initiative privée, la libre démarche de l’individu qui s’engageait lui-même, grâce à des prélèvements sur le revenu de son travail, à se prémunir pour l’avenir. Le projet, voté en 1850, avait la caractère d’une association mutuelliste, fondée sous le patronage de l’état, la direction du gouvernement et la garantie du Trésor Public. Mais cette idée ne trouva guère d’écho dans la population.

Frère-Orban s’occupa encore d’un autre problème qui l’intéressait tout particulièrement : l’enseignement. En 1847, son premier discours au parlement avait été consacré à l’exposé de la manière dont il fallait entendre l’indépendance du pouvoir civil dans son application spéciale aux lois de l’enseignement. En 1850, il prit une part importante à l’élaboration et à la discussion du projet de loi organisant l’enseignement moyen public. Celui-ci confiait à l’autorité civile la direction exclusive des établissements scolaires où le clergé était invité à venir donner le cours de religion. Cette loi souleva contre Frère des tempêtes de protestation et ouvrit une période de longue contestation entre l’église et l’état. En septembre 1852, il fut amené à quitter le ministère à la suite d’un désaccord avec ses collègues au sujet des négociations du traité de commerce avec la France. En octobre, le cabinet tout entier le suivit dans la retraite. Le roi lui offrit le titre de Ministre d’Etat qu’il refusa car Charles Rogier ne s’était pas vu accorder le même honneur.

GOUVERNEMENT_ROGIER_FREREORFrère fit un longue séjour en Italie où il entra en relation avec de personnalités éminentes du mouvement national unitaire. Il fit la connaissance de Cavour dont il resta l’ami. Il assuma un rôle brillant dans l’opposition et reprit sa plume de polémiste. En 1854, il publia dans le Journal de Liège une série d’articles qui furent édités en brochure sous le titre Les Jésuites, l’enseignement et la Convention d’Anvers, Liège, 1854. Il y critiquait vivement «  la Convention d’Anvers », ce nouveau règlement d’ordre intérieur des établissements d’enseignement moyen qui consacrait une abdication du pouvoir civil devant l’autorité religieuse. Avec l’arrivée au pouvoir, en 1855, du ministère catholique De Decker qui subissait l’influence des ultramontains, Frère occupa à nouveau au parlement un rôle de premier plan. L’année suivante, le cabinet souleva la question de l’interprétation de l’article 84 de la loi communale relatif aux administrateurs spéciaux créés par les actes de fondation. Il déposa un projet qui voulait instituer la liberté de la charité en donnant à tout individu le droit d’établir des fondations perpétuelles sans le concours de l’état. Frère-Orban, combattit cette intention au nom d’un principe qu’il avait toujours défendu, celui de la sécularisation de la bienfaisance. Il publia, sous le pseudonyme de Jean Van Damme, La Mainmorte et la charité, Bruxelles, 1857. La loi de la charité fut bientôt appelée la « loi des couvents ». Elle déchaîna, avec l’aide des libéraux, une explosion de colère qui engendra des troubles à Bruxelles et dans les grandes villes. Sous la pression de l’opinion publique, le cabinet jugea prudent de retirer ce projet. Les élections communales de 1857 furent défavorables aux catholiques et amenèrent leur retraite.

 

Le second ministère (1857-1870)

 

Les libéraux furent rappelés au pouvoir. Rogier constitua un nouveau cabinet où Frère-DSCN2990Orban occupa le portefeuille des finances. En fait, Rogier ne conserva qu’une présidence nominale. Le véritable chef du cabinet fut Frère dont le talent et le prestige n’avaient cessé de grandir. Il s’imposait de plus en plus à tous, même au roi qui subissait son ascendant. Les relations entre les deux hommes furent parfois difficiles. Léopold Ier se plaignit à maintes reprises de son cabinet libéral et particulièrement du ministre des finances qui cherchait à lui forcer la main dans toute une série d’affaires. De son côté, Frère-Orban constatait avec amertume que le roi mettait des obstacles de tous genres aux mesures préconisées par les ministres. Il constatait aussi qu’il avait fallu, pour le contraindre, offrir la démission du cabinet, dans un grand nombre de circonstances. Il est vrai que ces treize années de pouvoir furent émaillées de crises graves. Frère-Orban quitta le ministère entre juin et octobre 1861 à cause d’un dissentiment qui l’opposait à ses collègues. En janvier 1864, le cabinet démissionna sans que pendant sept mois une issue puisse être trouvé à la crise. Rogier et Frère-Orban finirent par accepter de reprendre la direction des affaires. En 1867, des divergences entre Rogier et Frère et entre ce dernier et les généraux Chazal et Goethals provoquèrent la retraite du chef du cabinet et la dislocation du ministère. Frère étant depuis plusieurs années en fait, sinon en droit, le chef du parti libéral, Léopold II dut le choisir pour succéder à Rogier. De plus, le roi espérait qu’il pourrait faire réaliser rapidement les mesures militaires qu’il souhaitait pour la sécurité du pays.

Pendant son second ministère Frère joua un rôle des plus brillants et acquit une réputation qui dépassa nos frontières. Dans de nombreux domaines, il continua de lutter pour faire triompher la prépondérance du pouvoir civil. Mais il ne put atteindre ce but qu’au prix d’une centralisation du pouvoir et d’un renforcement du contrôle de l’état. Ce fut le cas dans le problème des administrateurs spéciaux des fondations charitables, dans l’irritante question des cimetières, dans la discussion des projets de loi sur les bourses d’études et le temporel des cultes.

En matière économique, il fut à l’origine de créations et de réformes importantes. En 1860, il abolit les octrois, ce qui abaissa le coût de la vie. Mais ces douanes intérieures constituaient la principale ressource des villes. Il fallut donc leur assurer un revenu équivalent en mettant sur pied un système de compensations fiscales basé sur la répartition d’un fonds communal constitué par l’état. Cette réforme fut très populaire mais elle limita l’indépendance des communes puisqu’elle mit leurs finances dans les mains du pouvoir central. La libération des échanges s’accentua tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. En 1866 une loi supprima les droits de barrière sur les routes de l’état. Les péages de l’Escaut furent rachetés. Des traités de commerce conclus de 1861 à 1863 lancèrent le pays dans la voie de la liberté commerciale et développèrent notre commerce international. A côté de ces mesures qui substituaient le libre-échange au protectionnisme, Frère-Orban continua à doter le pays d’établissements financiers. En 1860, il créa la Société de Crédit Communal, une institution originale qui procura aux plus petites communes le moyen d’obtenir aux meilleures conditions les ressources qui leur étaient nécessaires. Cinq ans plus tard, il compléta la Caisse de Retraite par la Caisse d’Eparge qui devait, comme le Crédit Communal, connaître un succès immédiat.

En matière monétaire, Frère avait des positions différents de celles de ses collègues. Il fut toujours un chaud partisan du monométallisme. Aussi en 1861 refusa-t-il de sanctionner, en la contresignant, la loi qui donnait cours légal à l’or français. Il donna sa démission et ne revint au pouvoir que quelques mois plus tard. En 1865, il dut accepter de transiger avec ses convictions. Sur son initiative, fut conclue une convention monétaire qui, sous le nom d’Union Latine, groupait la France , la Belgique , la Suisse et l’Italie. Il avait proposé d’adopter un étalon unique, l’or, mais devant l’opposition de la France , l’accord ne put se faire que sur la base du double étalon. Une polémique s’engagea sur ce sujet avec Emile de Laveleye partisan du bimétallisme. Il fit paraître alors des ouvrages intitulés La question monétaire. Examen du système et des effets du double étalon, suivant les idées de M. Emile de Laveleye, et réfutation des doctrines monétaires de M. Malou, ministre des finances, Bruxelles, 1874 ; Nos affaires monétaires, Bruxelles, 1889 ; La question monétaire en Belgique en 1889 – Echanges de vues entre M. Frère-Orban et M. Emile de Laveleye, Bruxelles, 1890.

Le domaine de la défense nationale préoccupa toujours Frère-Orban qui était convaincu que la neutralité du pays devait être armée pour être respectée. Connaissant la position de leur ministre, Léopold Ier comme Léopold II comptèrent sur lui pour faire aboutir les projets ambitieux qu’ils formaient pour la sécurité de la Belgique. Certains d’entre eux causèrent beaucoup de soucis au gouvernement et amenèrent même un recul du parti libéral. Frère dut souvent peser de tout son poids pour vaincre les tendances anti-militaristes de la droite et des radicaux, pour faire admettre par le parlement les dépenses importantes que réclamait la défense du pays. Mais là ne s’arrêtaient pas les difficultés qu’il devait surmonter. Il y en avait d’autres, plus sournoises, qui menaçaient l’existence du cabinet et qui étaient dues à l’influence qu’exerçait Henri-Alexis Brialmont sur Léopold II et sur la plupart des ministres de la guerre. En 1859, Frère-Orban défendit avec ardeur le projet de « grande enceinte » d’Anvers. Bravant l’impopularité, sacrifiant la députation libérale de la ville, il soutint la construction des fortifications qui devaient, en cas de guerre, transformer la métropole du nord en réduit national. Dès 1863, il dut s’opposer au roi qui voulait remplacer les citadelles par une extension des travaux militaires sur la rive gauche de l’Escaut. Politiquement, Frère-Orban ne pouvait accepter que le cabinet remette en question tout ce qu’il avait défendu et obtenu au prix de lourds sacrifices. Il refusa donc les nouveaux projets du roi qu’il estimait également financièrement et militairement impossibles vu le prix excessif des travaux demandés et les déclarations du ministre de la guerre qui avait assuré que la défense d’Anvers était complète. De plus ce dernier estimait que les forts de la rive gauche étaient inutiles grâce aux inondations et qu’ils nuiraient même à la sécurité de la ville. Ce problème faillit disloquer le cabinet. Frère continua de rester au roi et aux différents ministres de la guerre. Malgré la situation internationale tendue et l’instance de Léopold I, il souligna la nécessité de ménager le trésor car en cas d’hostilités le pays aurait besoin d’argent. Pendant ce temps, Brialmont essayait de faire pression sur l’opinion publique en publiant en 1866 une brochure qui réclamait la construction de nombreux ouvrages sur la rive gauche de l’Escaut. Après la crise ministérielle de décembre 1867, Frère-Orban devenu chef de cabinet céda au roi sur la question des fortifications.

Frère-Orban ministre des finances s’occupait également des affaires étrangères. Il participa aux polémiques ardentes que suscitèrent, tant dans la presse qu’au parlement, différentes questions relevant de ce domaine. En 1861, il intervint en faveur de la reconnaissance par la Belgique du Royaume d’Italie, longtemps retardée à cause des scrupules et des répugnances de Léopold Ier. Au parlement, il défendit le gouvernement de Cavour et repoussa les allégations de l’opposition qui prétendait que la Belgique devait, avant d’agir, attendre la reconnaissance du roi d’Italie par les grandes puissances. Il soutint les négociations parfois difficiles avec l’Angleterre et la Hollande pour le rachat du péage de l’Escaut. L’intérêt qu’il porta à nos relations extérieures suscita des conflits de compétence avec Rogier chargé du département des affaires étrangères. Ce dernier savait que le roi lui envoyait les dépêches diplomatiques et que le souverain suivait plus les avis de Frère que les siens. Il se plaignit de ce que ce dernier rencontrait nos diplomates et leur donnait des instructions qui étaient parfois opposées aux siennes. En 1867, deux affaires aggravèrent encore les rapports tendus qui existaient entre les deux ministres. La première concerne le Luxembourg que Rogier aurait aimé voir revenir à la Belgique même au prix d’une rétrocession à la France des cantons belges perdus après Waterloo. Frère, comme le roi, était totalement opposé à ce projet qu’il estimait très dangereux tant du côté français que du côté prussien. La seconde, la question romaine, précipita la crise. Napoléon III cherchait à sortir de l’impasse dans laquelle il s’était engagé par la réunion d’une conférence européenne. Rogier était favorable à cette initiative alors que Frère et Bara y étaient hostiles. Devant cette nouvelle opposition, il déclara ne plus pouvoir subir cette humiliation. Il reprocha à Frère de « vouloir tout dominer, tout gouverner à lui seul, de ne permettre à ses collègues ni d’agir, ni de penser ». En 1869, Frère déjoua les plans politique, économique ou stratégique de Napoléon III. Le gouvernement impérial avait, en effet, essayé de faire racheter par la compagnie de chemins de fer de l’Est français les réseaux de chemins de fer du Luxembourg et du Liégeois-Limbourgeois. Averti de ce projet qui était une menace pour le pays, Frère fit voter une loi qui interdisait toute cession de lignes ferrées sans l’autorisation du gouvernement. Afin d’expliquer la mesure qui venait d’être prise, il se rendit à Paris où ses qualités de diplomate désarmèrent le mécontentement français.

Dans d’autres domaines, la politique suivie par Frère-Orban suscita des critiques sévères. En matière sociale ou d’élargissement du corps électoral, le grand homme d’état ne se montra pas à la hauteur de ce que ses origines sociales, son intelligence, son sens politique auraient dû lui dicter. Il ne comprit pas les transformations que connaissait la société de son époque et refusa avec entêtement de tenir compte des aspirations démocratiques qui s’y faisaient de plus en plus jour. Il s’abstint de se pencher sur les problèmes dramatiques qui existaient dans le monde du travail. Au nom de la liberté et du refus de l’extension abusive du rôle de l’état, il ne défendit pas en 1869 les mesures visant à réglementer le travail des femmes et des enfants. On ne manqua pas de faire remarquer qu’il n’avait pas invoqué les mêmes principes quand il avait voulu contrôler la bienfaisance. Il repoussa aussi avec intransigeance toutes les tentatives de réformes électorales qui, pensait-il, desserviraient le libéralisme et conduiraient au renversement de la bourgeoisie. Il était de ce fait opposé à l’abaissement du cens même avec le correctif du savoir lire et écrire. Il ne voulait à aucun prix d’une modification du mode de votation qui « constituerait en arbitres du pays les manouvriers et les valets de ferme » et qui aboutirait à plus ou moins brève échéance au suffrage universel. Sous la pression des radicaux et de l’opposition, il proposa une certaine extension du droit de vote en admettant certaines capacités pour les provinces et les communes.

Les élections de 1870 réduisirent la majorité libérale à deux voix. Dans ces conditions, Frère-Orban estima ne plus pouvoir gouverner et le ministère se retira. Pendant huit ans, il se retrouva dans l’opposition, combattant avec une égale ardeur radicaux et cléricaux, imposant même parfois ses vues à ses adversaires. En 1876, il proposa et fit adopter par les chambres la loi sur l’enseignement supérieur qui accordait la liberté de collation des grades universitaires. Malgré des dissensions importantes, les libéraux remportèrent les élections de juin 1878. Frère se vit confier pour la dernière fois de sa vie la charge de former le cabinet.

 

Le troisième ministère (1878-1884)

 

http://www.ars-moriendi.be/FOTO_FREREORBAN.JPGPendant six années, Frère dirigea le pays en dominant le roi et le cabinet par sa personnalité autoritaire, son sens de l’état, sa longue pratique des affaires politiques et sa compétence indéniable en beaucoup de domaines. Au sein du ministère, il n’y eut pas d’oppositions irréductibles. Par contre avec le roi les relations furent parfois très tendues. Chaque fois que des difficultés graves surgirent entre eux, Léopold II s’effaça devant son ministre. Le roi supportait mal la tutelle constante que ce dernier exerçait sur le pouvoir mais il savait que sa position de souverain constitutionnel l’obligeait à s’incliner devant le chef de la majorité parlementaire. De plus, il croyait que Frère était le seul capable de transformer notre état militaire comme il le désirait. Ce furent là sans doute les principales raisons pour lesquelles il évita que leurs affrontements ne dégénérassent en crises ministérielles. De son côté, le chef du cabinet essayait de lui être agréable. Comprenant l’intérêt qu’il portait aux travaux publics, à certains agrandissements ou embellissements de ses domaines de Laeken, Tervuren ou Ardenne, il plaida la cause du roi devant le conseil des ministres et fit accorder les crédits demandés. On peut soupçonner Frère d’avoir facilité les penchants du souverain pour les grands travaux afin de compenser les violences que le cabinet était obligé de faire à la royauté pour mener à bien sa politique scolaire et sa politique de laïcisation de la bienfaisance et des cultes.

Les libéraux étaient revenus au pouvoir avec le projet de réviser la loi de 1842 sur l’enseignement primaire. Ils voulaient organiser un enseignement laïc et neutre soumis à la seule direction du pouvoir civil. La réalisation la plus retentissante du cabinet fut la loi de 1879 votée en ce domaine. Celle-ci déclencha une opposition intransigeante du clergé et de l’opinion catholique qui essayèrent par tous les moyens de combattre cette « loi de malheur ». La guerre scolaire déchaînée par les évêques renforça la solidarité du cabinet mais absorba une grande partie de ses activités. Pour réagir contre les attaques dont il était l’objet, le cabinet dut prendre des mesures de contraintes et de représailles. Celles-ci eurent pour conséquence de renforcer la centralisation du pouvoir au détriment des communes et de toucher aux privilèges dont jouissait le clergé. La réforme de l’enseignement primaire, la création de nouvelles écoles normales, d’athénées, d’écoles moyennes de garçons et de filles grevèrent lourdement le budget. L’enquête scolaire qui devait montrer les moyens employés par le clergé pour entraver l’exécution de la loi accrut encore le déficit de l’état. Toutes ces dépenses exigèrent la levée de nouveaux impôts qui constituèrent un argument redoutable en 1884 contre la majorité qu’avait conduite Frère-Orban. Si la réforme de 1879 fut coûteuse, si elle n’entraîna ni l’obligation, ni la gratuité de l’école primaire, réforme sociale à laquelle Frère comme les doctrinaires étaient opposés, elle eut quand même des conséquences positives. Elle fit « passer l’enseignement primaire d’une fonction relativement secondaire à un grand service public ».

La loi de 1879 eut aussi des répercussions sur nos relations extérieures. En formant le cabinet, Frère s’était réservé le département des affaires étrangères. La fermeté et la ténacité de son caractère l’amenèrent à diriger ce dernier en dehors de toute immixtion royale trop directe et à s’écarter ainsi d’une tradition qui s’était établie depuis 1830. Léopold II n’est intervenu avec l’assentiment de son ministre que lorsqu’il a estimé que les intérêts du pays étaient en jeu. Ce fut le cas lors de l’échange de vues avec le Vatican. Depuis des années, Frère voulait la suppression de la légation belge auprès du Saint-Siège qu’il estimait sans objet depuis la disparition des Etats Pontificaux. La décision de rompre avec Rome avait été renforcée par l’attitude intransigeante du pape Pie IX à l’égard des libertés modernes et par l’appui qu’il accordait à certains milieux ultramontains qui en Belgique attaquaient nos institutions nationales. Léon XIII qui était monté sur le trône pontifical, en février 1878, ne semblait pas partager les vues de son prédécesseur. Il demanda le maintien des relations diplomatiques entre les deux pays. Dans l’espoir d’apaiser les esprits, Frère entama alors des pourparlers avec Rome. Il voulait obtenir, grâce à l’intervention du pape, un assainissement de la situation politique, un apaisement des attaques ultramontaines contre la constitution. Mais quand ce premier conflit se doubla de la question scolaire, il demanda à Léon XIII d’intervenir afin de modérer l’épiscopat. Malgré ses talents de diplomate et d’habile négociateur, il échoua et dut rompre en 1880 avec le Vatican.

Un autre grand problème que connut le ministère des affaires étrangères fut celui de l’entreprise africaine. Comme la plupart des libéraux de l’époque, Frère était opposé pour ne pas dire hostile à tout projet colonial. Déjà en 1861, le Duc de Brabant lui avait reproché son indifférence en cette matière. Aussi la correspondance échangée entre les deux hommes n’aborde-t-elle que très rarement l’œuvre royale en Afrique dont « l’extraordinaire réussite » se situe pourtant entre 1878 et 1884. Léopold II estimait qu’il s’agissait là d’une œuvre privée qui ne regardait pas le cabinet. Ce fut également l’avis de Frère qui voulut éviter autant que possible que le gouvernement ne fût mêlé à ce qui se concluait en Afrique. Mais en certaines occasions, le département dut intervenir. Il ne put alors empêcher de faire des remarques quelque peu acides. A Jules Devaux, chef de cabinet du roi, il écrivit à propos des contrats conclus par le Comité d’Etudes du Congo avec des souveraines africains en 1883 : « J’ai remarqué des clauses qui ne sont guère en harmonie avec le caractère international et les déclarations du Comité, aussi bien qu’avec le but humanitaire que l’on assigne à l’entreprise. L’une des clauses exclut du commerce des territoires cédés le monde entier, à l’exception des agents du comité ; une autre gorge d’eau de vie, de gin et de genièvre les rois nègres pour prix des cessions auxquelles ils consentent. C’est une humanité que l’on pourrait mettre sur la même ligne que la traite des nègres. Il était au moins inutile d’en faire mention dans le contrat. Mais tout cela ne me regarda point et je me tais ».

Un autre problème, celui de la réforme électorale, qui depuis l’arrivée des libéraux au pouvoir avait été laissé de côté, ressurgit en 1881. Cette question suscita au sein du parti de graves déchirements. Les radicaux demandaient d’introduire à côté du cens le principe de capacité aux élections provinciales et communales. Mais constatent que la majorité était hostile à une extension importante du droit de vote, ils entamèrent une lutte acharnée contre le gouvernement et plus particulièrement contre Frère. Ce dernier restait comme auparavant irréductiblement opposé à toute révision de la constitution qui amènerait le suffrage universel. Il refusa dans un langage brutal que « le corps électoral soit désormais infecté par l’ignorance ». En 1883, il déposa un projet, présenté comme la formule du gouvernement, alors que les membres du cabinet n’y avaient pris aucune part, et qui comportait avec certaines restrictions l’adjonction de la capacité au cens. Comme le roi, Frère avait voulu repousser ce qu’il croyait être un danger socialiste et républicain. Il n’avait pas désiré modifier le régime électoral mais s’était borné à faire échouer « les réformes dangereuses dont la chambre avait été saisie ». La vote de cette loi augmenta l’impopularité des doctrinaires et les rancoeurs des radicaux. Elle n’épargna ni aux uns ni aux autres l’échec de 1884.

Comme sous le précédence ministère, Frère se préoccupa des problèmes de la défense nationale et ceux-ci lui causèrent de graves embarres. L’interprétation que Léopold II se faisait des pouvoirs militaires qui étaient confiés par la constitution fut à l’origine de la plupart des heurts qui opposèrent les deux hommes. Le roi estimait, comme son père, que la conduite des affaires militaires relevait du domaine privilégié du souverain à qui il appartenait de choisir et de diriger le ministère de la guerre. Tel n’était pas du tout l’avis de Frère. Il s’ensuivit une série impressionnante de conflits envenimés par le « ministère occulte » que dirigeait le général Brialmont. La mésentente existant entre le souverain et le ministre de la guerre fut à un moment donné si profonde que Frère suggéra à Léopold II de traiter directement avec lui les affaires militaires. Différentes mesures comme l’augmentation du contingent, l’amélioration du casernement, le parachèvement de la défense éloignée d’Anvers furent réalisées. Le roi, conseillé par Brialmont, demanda le service personnel obligatoire ainsi que la construction de fortifications sur la Meuse. Pour des raisons politiques, militaires, financières, le chef du cabinet y était opposé. L’attitude hostile et malveillante de Brialmont l’obligea à réclamer du roi des mesures disciplinaires contre cet officier. Lassé par un combat toujours renouvelé, il proposa plusieurs fois sa démission. Le souverain ne disposant pas d’une autre majorité au parlement dut s’incliner devant Frère. Pour désarmer sa colère, il le flattait ou essayait de lui témoigner publiquement son estime. Un jour, il voulut lui conférer le titre de « Président du Conseil ». Frère le remercia de ses bonnes intentions et le pria de ne donner aucune suite à ce projet. Avec dédain, il déclara : « Baron, comte, duc ou président du conseil, rien de semblable n’est propre à me séduire et me laisserait ce que je suis ».

Absorbé par la lutte contre les cléricaux et les radicaux, paralysé par la guerre scolaire, il ne réalisa pas entre 1878 et 1884 de réformes comparables à celles des précédents ministères. Après l’échec des élections de 1884, il rentra dans l’opposition et participa au parlement à tous les grands débats politiques, économiques, sociaux et militaires. Il intervint également dans la question congolaise et s’insurgea contre les revendications flamandes qu’il estimait exagérées et dangereux. Son intransigeance vis-à-vis de l’extension du droit de vote lui fut reprochée par l’opinion libérale. De plus en plus isolé, il fut accusé d’avoir sacrifié l’unité de son parti à ses convictions personnelles. En octobre 1894, il ne fut plus réélu à Liège. Les derniers moments de son existence furent attristés par la souffrance morale que lui causaient les déchirements de ses amis politiques. Miné par la maladie dont il souffrait depuis plusieurs mois, il s’éteignit le 2 janvier 1896.

Frère n’eut pas de funérailles nationales mais les villes de Bruxelles et de Liège lui rendirent un hommage solennel. Son fils Georges le fit inhumer selon le rite protestant pour répondre au désir du défunt qu’une parole religieuse confirmât sa foi spiritualiste. Cela étonna certains. Si l’éminent homme d’état était anticlérical, adversaire des conceptions théocratiques, opposé à tout dogme, il ne fut en réalité jamais antireligieux. Il était déiste et déclarait qu’il ne comprenait pas plus une société sans religion qu’un monde sans Dieu. Dans sa jeunesse, il avait été franc-maçon. Initié en 1830, il devint membre de «  La Parfaite Intelligence de l’Etoile Réunie à l’Orient de Liège ». Il cessa de fréquenter cette loge en 1840 après qu’il ait eu une querelle violente avec l’un de ses membres à l’Association libérale.

Frère-Orban fut un homme d’Etat brillant, doué d’une intelligence hors du commun, un orateur de talent et un ministre d’une intégrité absolue. Il donna le meilleur de lui-même à la nation. Il avait un caractère impérieux, irascible, une confiance en sa propre valeur. Il crut sincèrement que la politique qu’il préconisait était celle qu’exigeait le bien du pays. Il lutte toute son existence pour défendre les libertés individuelles et pour assurer la prééminence de la bourgeoisie censitaire libérale. Pour réaliser ces buts, il dut ébranler l’énorme puissance dont disposait l’Eglise en tous domaines, renforcer le pouvoir centralisateur et les possibilités de contrôle de l’état. En instaurant un système de liberté par contrainte, il orienta son parti vers des pratiques paradoxales qui s’éloignaient parfois des idéaux prônés. Avec obstination il refusa les transformations que le temps avait apportées aux conditions politiques, économiques et sociales qu’il avait connues lors de ses débuts dans la vie politique. Il repoussa les aspirations du monde ouvrier dont il avait favorisé le développement en adaptant le pays aux nécessités de l’industrie capitaliste. Il mourut en aimant la liberté mais en n’acceptant pas la démocratie.

Frère-Orban fut l’auteur de nombreux mémoires, publications, articles, projets de loi, discours, interventions au parlement, qui ont été imprimés sous forme de plaquettes. La liste de ses écrits a été publiée dans Notices Biographiques et Bibliographiques concernant les membres, les correspondants et les associés, Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique. Il a collaboré à différents journaux, dont Le Journal de Liège, l’Observateur, La Meuse , L’Echo du Parlement, La Liberté , La Revue de Belgique.

Le 4 mai 1891, l’Académie Royale de Belgique voulant témoigner son estime au penseur, à l’écrivain et à l’orateur, élit Frère-Orban membre de la Classe des Lettres. Mais l’âge et l’état de sa santé ne lui permirent jamais d’assister aux séances de cette illustre assemblée.

 

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INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION 1847-1848 (en tant que ministre des Finances)

 

(00) Vérification de ses pouvoirs comme membre nouvellement élu (élection non contestée) (10/11/1847)

(01) Renvoi d’une pétition relative à la concession ferroviaire de Louvain à la Sambre (31/03/1848)

(02) Confiance à accorder au gouvernement libéral homogène (17/11/1847, 21/12/1847)

(03) Projet de ligne ferroviaire entre Bruxelles et Gand, (20/11/1847, 25/01/1848)

(04) Service de la Meuse à Liége (20/11/1847, 27/01/1848)

(05) Chemin de fer et/ou canal de la Dendre (20/11/1847, 25/01/1848, 28/01/1848)

(06) Indépendance réciproque de l’Eglise et de l’Etat (enseignement primaire et enseignement normal) (17/11/1847, 17/12/1847), droit pour le gouvernement de refuser un legs fait à une fondation charitable, sécurisation de la charité et entraves à l’exercice de la charité privée (catholique) (22/01/1848)

(07) Organisation et réforme de la poste (20/11/1847, 23/11/1847, 24/11/1847, 25/11/1847, 26/11/1847, 24/12/1847, 31/01/1848, 04/02/1848)

(08) Droit de port et timbre des journaux (24/11/1847, 25/11/1847, 19/05/1848 (soir))

(09) Budget de la dette publique pour 1847, équilibre général entre recettes et dépenses (projets de recettes spécifiques (01/12/1847, 02/12/1847)

(10) Société générale (encaisse) (01/12/1847)

(11) Chemin de fer de l’Etat (01/12/1847, 24/12/1847, 25/01/1848, 26/01/1848, 27/01/1848, 31/01/1848, 01/02/1848, 03/02/1848, 24/03/1848, 05/04/1848, 13/04/1848, (+droits sociaux des ouvriers) 14/04/1848, 01/05/1848, 05/05/1848)

(12) Budget du département des finances pour 1847. Administration des forêts, personnel des ponts et chaussées, service des plantations (07/12/1847, 27/01/1848)

(13) Péages et droits de barrières (14/12/1847, 03/02/1848)

(14) Budget du département de l’intérieur. Droits des légionnaires de l’Empire (15/12/1847)

(15) Conseil des mines et/ou redevances sur les mines (23/12/1847, 01/02/1848)

(16) Fixation de l’ordre des travaux de la chambre (30/12/1847)

(17) Budget du département des travaux publics pour 1848 (30/12/1847, 25/01/1848, 26/01/1848), notamment service et inondations de l’Escaut (27/01/1848), routes (27/01/1848, 04/02/1848, 11/02/1848), canaux de la Campine, canal de l’Ourthe et/ou personnel des ponts et chaussées (28/01/1848, 18/02/1848, 18/03/1848, 15/05/1848), télégraphe (31/01/1848) chemin de fer (03/02/1848), crédits supplémentaires et situation sociale dans les Flandres (04/02/1848, 17/03/1848, 11/04/1848, 12/04/1848, 13/04/1848, 14/04/1848, 02/05/1848)

(18) Chemin de fer du Luxembourg (25/01/1848, 28/01/1848, 18/02/1848, 19/02/1848)

(19) Compte-rendu parlementaire (26/01/1848)

(20) Chemin de fer de la Flandre occidentale (28/01/1848)

(21) Droits sur les sucres (05/02/1848)

(22) Situation sociale dans les Flandres (27/01/1848, 18/02/1848)

(23) Mode de nomination des bourgmestres (24/02/1848)

(24) Canal latéral de la Meuse (02/03/1848, 18/03/1848, 27/04/1848)

(25) Emprunt forcé (17/03/1848, 06/04/1848, 18/04/1848), notamment retenue sur les traitements des fonctionnaires (21/04/1848 (après-midi), 21/04/1848 (soir), 22/04/1848)

(26) Politique monétaire (notamment cours forcé des billets de la Société générale (18/03/1848, 20/03/1848, 11/05/1848, 12/05/1848)

(27) Loi sur les irrigations (22/03/1848)

(28) Canal de Zelzaete à la mer du Nord (05/04/1848)

(29) Traitement des agents diplomatiques  (14/04/1848)

(30) Maintien en détention d’une personne gravement malade  (12/05/1848)

(31) Chemin de fer de Jurbise à Tournay (15/05/1848, 16/05/1848)

(32) Système des warrants (17/05/1848)

(33) Délai d’exécution des lignes ferroviaires concédées (18/05/1848, 19/05/1848 (après-midi))

(34) Droits sur la Sambre canalisée (20/05/1848 (après-midi))

(35) Incompatibilités parlementaires (20/05/1848 (soir))