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GOUVERNEMENT_ROGIER_FREREORTESCH Victor (1812-1892)

 

 

 

 

 

 

 

TESCH Jean-Baptiste, Victor, né en 1812 à Messancy, décédé en 1892 à Messancy

Libéral. Elu par l'arrondissement d’Arlon de 1848 à 1892.

 

Biographie

Interventions sessions (1848-1892)

 

BIOGRAPHIE

 

(Extrait de : Ch. TERLINDEN, dans Biographie nationale de Belgique, t. XXIV, 1926-1929, col. 726-731)

TESCH (Jean-Baptiste-Victor), homme politique et grand industriel, né à Mes­sancy, le 12 mars 1812, y décédé le 16 juin 1892. Il était fils de Frédéric Tesch, docteur en droit et notaire, et de Céline Nothomb, tante du célèbre homme d'Etat J.-B. Nothomb, et appartenait à une famille de juristes ; son grand-père avait été, sous l'ancien régime, un des avocats les plus en vue au Conseil souverain de Luxembourg.

Après avoir fait des éludes de droit à l'Université de Liégé, Victor Tesch s'établit comme avocat à Arlon, conquit rapidement la première place au barreau de cette ville. Nommé en 1837 conseiller communal, il entra, en 1838, au Conseil provincial du Luxembourg et devint secrétaire, puis, en 1846-1847, vice-président de cette assemblée. Propriétaire-rédacteur de l'Echo du Luxembourg, il soutint jusqu'à sa chute le cabinet unioniste, présidé par son cousin J .-B., Nothomb, et défendit chaleureusement la loi scolaire de 1842.

Les événements de 1848 accentuèrent ses idées et le poussèrent vers le libéralisme exclusif. Lorsque, par application de la loi du 25 mai 1848 sur les incompatibilités, J.-B. Nothomb, nommé ministre de Belgique à Berlin, eût abandonné son siège de représentant pour l'arrondissement d'Arlon, il fut, le 13 juin 1848. remplacé par Victor Tesch, à qui les électeurs arlonnais renouvelèrent quinze fois de suite son mandat, jusqu'aux élections pour la Constituante du 14 juin 1892.

Dès ses débuts au Parlement, Victor Tesch donna la mesure de ses talents de juriste et d'économiste. Dès la session de 1848-1849, on le voit intervenir dans la discussion des projets de loi sur le tarif criminel, sur la compétence en matière criminelle et de police, sur la composition des cours d'assises, et déposer un rapport très remarquable sur la proposition Lelièvre, concernant les poursuites en .matière de milice. Son activité le fait, au cours de la sessions 1849-1850, désigner comme rapporteur du projet de loi sur les faillites, banqueroutes et sursis, où il s'affirme défenseur des idées nouvelles contre les rigueurs de l'ancienne législation. Il est également rapporteur du projet de loi instituant la Caisse générale d'Epargne et de Retraite, ainsi que du projet de loi instituant la Banque Nationale. Sa vaste intelligence, ses profondes connaissances juridiques, son caractère plein d'énergie, son esprit ferme et droit, servi par une parole toujours sûre d'elle-même, lui donnent à la Chambre une situation de premier plan.

Bien que libéral, il prit une attitude très indépendante vis-à-vis du cabinet Rogier-Frère Orban, dont il combattit notamment la politique militaire. Ainsi, lorsque M, de Haussy eut quitté le ministère de la Justice pour devenir directeur de la Banque Nationale, le chef de cabinet fit-il appel, pour le remplacer, au jeune député luxembourgeois. Au cours de son premier passage au ministère, du 12 août 1850 au 31 octobre 1852, Victor Tesch dota notre législation d'une loi sur le régime hypothécaire, « la meilleure peut-être », dit M. de Lantsheere, et la plus parfaite qui, depuis 1830, ait pris place dans nos codes », de la loi sur l'expropriation forcée, de la loi sur la juridiction des consuls, du Code forestier, de la loi sur la détention préventive, de la loi sur les loteries. De même, il soutint la discussion à laquelle donnèrent lieu les premiers livres du Code pénal, et se distingua particulièrement par le talent et l'autorité avec lesquels il défendit, contre un grand nombre de ses amis de gauche, le maintien de la peine de mort. Par contre, en 1851, il avait fait supprimer du Code pénal maritime les peines trop rigoureuses de la cale et des coups de corde.

La chute du cabinet Rogier, le 31 octobre 1852, fit entrer Tesch dans l'opposition. Son activité n'en fut pas amoindrie ; il déposa un rapport très remarqué sur le projet de loi organisant l'enseignement agricole et sur le projet de loi relatif à la bienfaisance, œuvre de Faider, mais dont Tesch avait préparé les éléments au cours de son passage au pouvoir. Il se distingua également dans la discussion du projet de loi sur les établissements de bienfaisance, déposé par le ministère de Decker, en l857, et connu sous le nom de « loi des convents ». Ses talents d'orateur et de juriste parvinrent à donner à l'opposition violente et désordonnée. de la gauche un caractère plus sérieux et contribuèrent à faire échouer ce projet, dans lequel les libéraux se plaisaient à voir une « énorme machine de guerre » du parti catholique.

Son départ du ministère en 1852 avait permis à Victor Tesch de tourner une partie de son intelligente activité vers les grandes affaires industrielles, dans lesquelles il allait développer sa fortune dans des proportions jusqu'alors inconnues en Belgique. La loi du 18 juin 1846 avait autorisé la création de la Compagnie des Chemins de fer du Luxembourg, chargée d'étendre le réseau ferré belge jusqu'à la frontière du Grand. Duché. C'était une entreprise considérable et difficile pour l'époque que de tracer une ligne internationale au travers d'une vaste province montagneuse et, en ce temps là, trop pauvre pour rémunérer les frais de premier établissement et d 'exploitation. L'ingénieur anglais sir William Magnay, chargé de diriger ce travail, en avait compromis l'exécution par son incapacité financière et les chantiers avaient dû être abandonnés faute de fonds. Victor Tesch fut, en 1854, nommé directeur-président du conseil d'administration de la Compagnie, à la veille de la déconfiture. Il sut inspirer confiance aux actionnaires démoralisés, ramener le crédit, réorganiser les finances de la société et, avec le concours d'un entrepreneur énergique, M. Arraase, mener les travaux à bonne lin et créer ainsi pour la province de Luxembourg, tenue jusque-là à l'écart du développement économique du royaume, une source de prospérité.

Le 9 novembre 1857, à la chute du cabinet de Decker, Victor Tesch reprit le portefeuille de la Justice dans le ministère Rogier- Frère Orban. Il allait le conserver jusqu'au 12 novembre 1865, pour faire place à un représentant d'une nuance plus accentuée du libéralisme, Jules Bara. Victor Tesch qui avait, en plus, assumé l'intérim du ministère des Finances du 3 juin au  26 octobre 1861, fut, à sa sortie du gouvernement, élevé, le 14 novembre 1865, à la dignité du ministre d'Etat et, plus tard, nommé grand cordon de l'Ordre de Léopold.

Le second passage de Victor Tesch au ministère fut marqué par une activité aussi grande que le premier. Il poursuivit les discussions relatives au Code pénal et déposa un projet de loi sur le temporel des cultes, qui provoqua une si vive opposition de la part du clergé et des catholiques que le gouvernement fut obligé de le laisser dormir pendant plusieurs années. Ce ne fut pas sans difficulté non plus qu'il parvint à faire voter par le Sénat la loi du 19 décembre 1864., qualifiée par les catholiques de « spoliatrice », sur les fondations et bourses d'étude.

Après son départ du ministère, l'activité politique de Victor Tesch se ralentit. Il se consacra de plus en plus aux grandes affaires. Son intelligence et son expérience le rendaient apte à participer à la direction et à l'organisation des entreprises les plus diverses : métallurgie, charbonnages, ateliers de construction, banques, chemins de chef. Partout il apportait la même compétence et la même sûreté de coup d'œil. Il fonda et dirigea les grands établissements de Sarrebruck, d'Esch, de Dudelange, apportant à la gestion de ces affaires une largeur de vues et une ampleur de conception qui font de lui un des précurseurs de la grande métallurgie contemporaine. Ce n'est pas sans stupeur et sans inquiétude que le public parlait de 15millions qu'il avait investis dans les hauts fourneaux et aciéries de Dudelange. Les faits ont démontré depuis combien il avait su prévoir les nécessités des grandes affaires modernes et en comprendre le mécanisme. En 1877, il remplaça le baron Liedts comme gouverneur de la Société Générale et, en dépit de la crise intense qui avait succédé à la prospérité trop rapidement développée des années 187l et 1872, il parvint, par son énergie, sa prudence et ses initiatives intelligentes, à maintenir en activité, à force de sacrifices et d'efforts, les nombreux établissements et charbonnages patronnés par le grand établissement financier dont il était devenu la principale autorité.

Le ralentissement de l'activité politique de Vidor Tesch ne doit pas être attribué uniquement au dévelopmement de son activité industrielle, mais aussi à sa répugnance à l'égard des idées de plus en plus novatrices mises en avant à partir de 1860 par le « jeune libéralisme ». Libéral convaincu, et même anticlérical, il pratiquait le libéralisme de l'ancienne école, un «  doctrinaire » dont l'esprit philosophique ne s'accommodait guère aux aspirations progressistes. C'est ainsi qu'il combattit les idées de son successeur au ministère, Jules Bara, concernant l'abolition de la peine de mort, la contrainte par corps, de l'abrogation de l'article 1781 du Code civil, etc. Et même, au cours d'une joute oratoire restée célèbre, il combattit, avec une logique froide et implacable et sa netteté d'esprit juridique, une proposition de M. Janson, tendant à conférer au jury la connaissance des procès, même civils, intentés a la presse. Il résulta de cette attitude que Victor Tesch se mit en butte à l’animosité de la presse radicale et progressiste, comme à celle de la presse de droite. Il eut également eu 1869, des dissentiments graves avec M. Frère-Orban au sujet du projet de vente à la Compagnie de l’est français du réseau de la Compagnie du Luxembourg. Ou sait que Frère-Orban sut parer au danger qu’offrait cette opération, au point de vue national, en faisant élaborer et voter en vingt-quatre heures une loi autorisant la reprise des chemins de fer luxembourgeois par l’Etat belge.

Ses talents de juriste et sa compétence au point de vue des affaires avaient valu à Victor Tesch la confiance personnelle de nos souverains. C’est ainsi qu’après la mort au Mexique du malheureux Maximilien, il fut chargé par Léopold II de plusieurs missions à Vienne pour le règlement des intérêts de l'impératrice Charlotte.

Il venait, le 14 juin 1892, d'être réélu pour la seizième fois député d'Arlon, lorsque la mort vint le surprendre. Gravement malade pendant tout l'hiver précédent, on le croyait en convalescence lorsqu'il fut emporté par une congestion pulmonaire, le 16 juin 1892.

On racontait que, pour assurer son élection à la Constituante, par l'entente de toutes les forces libérales de l'arrondissement d'Arlon, il avait déclaré « qu'entre le système électoral de l'occupation proposé par M. de Smet et le suffrage universel, il n'hésiterait pas un instant. » Cette allégation, contraire à l'esprit dont il avait fait preuve depuis 1851, n'est nullement démontrée. Cette capitulation était du reste inutile, car le prestige de Victor Tesch dans l'arrondissement d'Arlon, appuyé sur l'ensemble des influences locales, que ses adversaires appelaient, non sans dépit, la « Tescherie », était telle que, même lors des élections désastreuses pour les libéraux de juin 1884, il avait été, avec M. Houvier, le seul élu parmi les candidats de gauche. Ce qui montre la force de son prestige personnel dans l'arrondissement d'Arlon, c'est que, à peine disparu, il fut remplacé, le 16 juillet 1892, par un catholique, lequel, par une coïncidence curieuse, n'était autre que son cousin Alphonse Nothomb, frère cadet de Jean-Baptiste Nothomb, à qui Tesch avait lui-même succédé en 1848.

Ch. Terlinden.

 

INTERVENTIONS AU COURS DE LA SESSION