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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 24 octobre 1831

(Moniteur belge n°133, du 26 octobre 1831)

(Présidence de M. Destouvelles.)

La séance est ouverte à midi et demi.

M. Le Hon, ambassadeur à Paris, assiste à la séance ; l’honorable membre a repris la place qu’il occupait au congrès.

Appel nominal

M. Jacques procède à l’appel nominal.

- Comme plusieurs membres arrivent dans la salle avant la fin de l’appel, mais après que leurs noms ont été prononcés, un léger débat s’engagent pour savoir s’il sera fait un réappel. Plusieurs membres font diverses propositions à ce sujet.

M. Mesdach., vivement. - Il ne s’agit pas de dire : Faisons ceci, faisons cela ; je demande que le règlement soit exécuté, et que l’appel soit fait conformément à ce qu’il prescrit.

- L’assemblée décide que les membres arrivant pendant l’appel seront considérés comme présents.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue donne lecture d’une lettre par laquelle M. Legrelle, bourgmestre d’Anvers, expose que la position particulière de cette ville la mettant, vu les circonstances, dans un danger imminent, il prie la chambre de lui accorder un congé.

- Accordé.

Lecture du procès-verbal

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance ; il est adopté.

Projet de qui autorise le gouvernement à signer le traité de séparation entre la Belgique et la Hollande

Mise à l'ordre du jour

M. le président. - Messieurs, la chambre a été convoquée aujourd’hui, quoique rien ne fût à l’ordre du jour, à cause d’une lettre qui m’a été adressée par M. le ministre des affaires étrangères, et dont je vais vous donner connaissance.

« Bruxelles, le 23 octobre 1831

« M. le président,

« S. M. m’ayant exprimé son vif désir que les chambres voulussent s’occuper, sans succès, de l’examen et de la discussion du projet de loi relatif aux 24 articles du traité de paix imposé à la Belgique par la conférence de Londres, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien convoquer la chambre des représentants pour demain, afin de lui communiquer les intentions du Roi.

« Agréez, je vous prie, M. le président, l’expression de ma très haute considération.

« Le ministre des affaires étrangères, de Muelenaere. » (Agitations et chuchotements.)

M. de Robaulx dit à mi-voix quelques mots qui ne parviennent pas jusqu’à nous.

M. A. Rodenbach. - M. le ministre est-il là ? (Non !) Je demande la parole. Messieurs, dans la séance de vendredi dernier, j’ai demandé que les articles du traité fussent renvoyés en sections : il me semble que nous devons les examiner avec maturité. Il s’agit, qu’on ne l’oublie pas, de céder la moitié du Limbourg, la moitié du Luxembourg ; d’abandonner à nos ennemis, avec ces possessions, trois ou quatre cent mille de nos frères. Il s’agit, de plus, de payer plusieurs millions d’intérêts à nos ennemis. Cela mérite réflexion, et certes il sera toujours assez temps de faire ces énormes sacrifices : je ne vois donc pas qu’il y ait de si grands motifs d’urgence. Les chambres doivent être libres dans leur examen, et il faut qu’elles aient le temps nécessaire pour délibérer en sections avant de livrer le projet à la discussion publique.

- Voix nombreuses. - Appuyé ! appuyé !

M. A. Rodenbach. - Je demanderai donc ce qu’il y a à l’ordre du jour.

M. le président. - Il n’y a plus rien à l’ordre du jour.

M. A. Rodenbach. - On ne nous a distribué le traité et les pièces qu’aujourd’hui à 10 heures ; il faut avoir le temps de les examiner. (Nouvelle agitation.)

M. Devaux. - Je ne crois pas que M. le ministre demande autre chose, si non que l’on s’en occupe en section le plus tôt possible.

M. le président. - Oui, car la lettre dit : « l’examen et la discussion. »

M. Lebeau. - Peut-être le gouvernement a-t-il des motifs que nous ne connaissons pas pour désirer une discussion prompte. La question d’urgence peut se lier à des motifs que M. le ministre des affaires étrangères pourrait nous faire connaître. Je demande qu’il soit invité à se rendre au sein de l’assemblée.

M. A. Rodenbach. - MM. les ministres savent aussi bien que nous l’heure à laquelle commencent nos séances ; d’ailleurs, ils sont députés, ils peuvent s’y rendre comme nous. (Rumeurs.)

M. le président. - On va écrire à M. le ministre des affaires étrangères.

- Quelques voix. - Non ! non ! Oui ! oui !


M. le président. - M. l’abbé de Foere a été admis dans la dernière séance ; je l’invite à prêter serment.

- M. l’abbé de Foere prête serment.

M. de Robaulx, M. Vergauwen et autres. - Et les 24 articles ? (On rit.)

Motion d'ordre

Mise en état de siège de la ville de Gand

M. Mesdach. - Je demande la parole. Messieurs, d’après une décision de M. le général Niellon, la ville de Gand a été mise en état de siège. Voici les termes de cette décision. (L’orateur commence la lecture de l’arrêté du général.)

- Voix nombreuses. - Ce n’est pas à l’ordre du jour ! (Bruit.)

M. de Theux. - Aux termes du règlement, personne ne peut prendre la parole sur un objet qui n’est pas à l’ordre du jour. Si un membre veut faire une proposition, il doit la déposer ; elle doit être renvoyée aux sections, et ce n’est qu’après ces formalités que le proposant peut être entendu. Je demande que la parole soit refusée au préopinant. (Appuyé ! appuyé !)

M. Mesdach prononce, au milieu du bruit, quelques mots que nous ne pouvons entendre.

M. le président. - La séance est suspendue pour un quart d’heure.

Pendant la suspension de la séance, les membres se forment en groupes divers ; nous en remarquons un autour de M. Charles le Hon, où l’on paraît discuter l’opportunité de l’adoption ou du rejet du traité. La séance est reprise à une heure et demie. M. le ministre des affaires étrangères est introduit.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Neufchâteau

M. Dellafaille présente un rapport de la commission chargée d’examiner les élections. Il propose l’ajournement de M. Zoude, élu à Neufchâteau. Les conclusions sont fondées sur l’omission, au procès-verbal des opérations électorales, de la date de convocation des électeurs.

- M. Van de Weyer, commissaire du Roi, entre dans la salle et se place auprès de M. de Muelenaere.

M. de Theux n’estime pas qu’il soit absolument nécessaire que la date de la convocation des électeurs soit portée au procès-verbal, et il croit même que cette omission ne peut entraîner l’ajournement de l’admission de M. Zoude, si, au reste, toutes les formalités imposées par la loi ont été remplies.

M. de Robaulx combat le système de M. de Theux. Suivant l’honorable préopinant, dit l’orateur, le procès-verbal serait régulier dès le moment où il contiendrait le nombre des suffrages obtenus, et l’élection, comme résultat du scrutin ; car la plupart des formalités, dont l’observation doit être cependant rigoureuse, ne sont pas indiquées dans la loi électorale. Je crois que le procès-verbal doit consacrer, par son texte même, l’accomplissement de toutes les formalités. L’indication de la date de la convocation des électeurs me paraît une chose essentielle, et, dans le cas présent, il ne peut pas être certain aux yeux de la chambre que les électeurs du district de Neufchâteau aient été convoqués en temps utile. Je conclus pour l’adoption des conclusions de la commission.

M. Gendebien demande lecture du passage du procès-verbal relatif à la convocation.

M. Dellafaille se rend à l’invitation de M. Gendebien, et la date est relatée par ces mots : « en date du … » avec un blanc.

M. de Theux - Nous avons eu souvent des procès-verbaux qui ne faisaient pas mention de la date de convocation. Jamais nous n’avons trouvé dans cette omission un motif d’ajournement, et c’est seulement lorsque les électeurs se sont plaints d’une convocation tardive, que nous avons ajourné ou annulé une élection.

M. Devaux. - Il me semble que ces mots, insérés au procès-verbal : « les électeurs dûment convoqués, » sont suffisants pour que ce procès-verbal nous paraisse régulier. Nous l’avons décidé ainsi lors de l’admission de M. Pirson.

M. Gendebien insiste pour l’ajournement. Il pense que la durée du mandat qui est confiée aux députés mérite que la chambre, avant de (manque un mot) l’admission d’un nouveau membre, s’entoure de tous les renseignements pour s’éclairer avant de prendre une décision.

M. Jamme dit que la nécessité de rappeler dans le procès-verbal la date de la convocation est une garantie donnée aux électeurs.

- Après une épreuve et une contre-épreuve, l’assemblée adopte les conclusions de la commission, et l’admission de M. Zoude est ajournée jusqu’à ce que M. le ministre de l'intérieur ait donné des renseignements.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à signer le traité de séparation entre la Belgique et la Hollande

Formation du comité secret

M. le président. - Nous sommes réunis par suite de la lettre de M. le ministre des relations extérieures. M. le ministre veut-il donner quelques renseignements que des membres ont paru désiré ?

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Quels renseignements ?

M. le président. - Je suppose que c’est sur les motifs qui ont pu déterminer le gouvernement à demander d’urgence que la chambre s’occupât des 24 articles du traité de paix.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La lettre que j’ai eu l’honneur d’adresser à M. le président a été la suite d’une communication qui m’a été faite par M. le général Belliard (mouvement) et par sir R. Adair ; je ne crois pas que cette communication puisse vous être transmise publiquement ; mais, si la chambre désire l’entendre, je demande qu’elle se forme en comité général. (Appuyé ! appuyé !)

- Un membre. - A quand le comité général ? (De suite ! de suite !)

M. le président. - La chambre se forme en comité secret : huissiers, faites évacuer les tribunes.

M. Pirson. - Je demande, et pour des motifs qui seront facilement compris sans que je les développe, que M. le ministre de la guerre soit invité à se rendre dans le sein du comité général. (Appuyé !)

M. le président. - Aux termes du règlement, c’est une proposition qui, comme toutes les autres, doit être faite dans les formes ordinaires.

M. H. de Brouckere. - Non ! non ! M. le président peut, usant de son pouvoir, envoyer un message à M. le ministre de la guerre.

M. le président. - Je vais faire prévenir M. le ministre.

- Quelques mots s’échangent entre M. de Muelenaere et M. le président.

Rapports sur des pétitions relatives à l'indemnisation des victimes des événements de la révolution

M. le président. - M. de Muelenaere a quelques communications à vous faire, qui peuvent avoir lieu en séance publique ; la chambre veut-elle les entendre avant le comité général ? (Oui ! oui !)

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere) monte à la tribune. Il présente à la chambre un rapport sur deux pétitions que la chambre lui a renvoyées comme ministre de l’intérieur ; ces pétitions sont signées par plusieurs propriétaires dont les propriétés ont été dévastées par les événements de la guerre ; ils demande des indemnités. M. le ministre expose que les dégâts causés sur les propriétés par le pillage, l’incendie ou les inondations ont été estimés, et que la somme totale des pertes a été évaluée, pour les propriétés pillées ou incendiées à 4,599,000 fl., et pour les propriétés inondées, à 3,432,179 fl. Total ; 7,101,179 fl.

Dans cette somme ne sont pas comprises les valeurs des dégâts commis sur les propriétés dont il a été impossible de faire l’estimation, soit parce que l’ennemi les occupe encore, soit parce que les eaux dont elles sont couvertes les rendent encore inaccessibles.

M. le ministre fait observer que, s’il fallait payer tous ces dégâts, une somme égale à celle de l’emprunt récemment voté ne serait pas suffisante ; il en conclut qu’il est impossible de décider en principe qu’une indemnité sera accordée à ceux qui ont souffert.

- Le rapport sera imprimé et distribué.

Formation du comité général

- Après ce rapport, les huissiers font évacuer les tribunes.

La séance publique est levée à 2 heures et demie.

(Moniteur belge n°134, du 27 octobre 1831) La chambre a décidé hier, à la majorité de 56 voix contre 41, que la discussion des 24 articles, formant la base du traité de paix qui nous est imposé par la conférence, aurait lieu en comité secret.