Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 novembre 1831

(Moniteur belge n°140-141, des 2 et 3 novembre 1831)

(Présidence de M. de Gerlache.)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Jacques fait l’appel nominal.

Au moment où il entend son nom, M. Barthélemy, préoccupé sans doute par le vote des 24 articles, répond oui. (Hilarité générale.)

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance publique.

Pendant ce temps, M. Van de Weyer entre et va prendre place au banc des ministres.

Pièces adressées à la chambre

M. Lebègue présente l’analyse de quelques pétitions, qui sont renvoyées à l’examen de la commission.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à signer le traité de séparation entre la Belgique et la Hollande

Motion d'ordre relative à la décision, prise en comité secret, de voter sur l'ensemble du projet

M. le président. - Messieurs, le but de notre réunion est le vote sur les considérants et sur l’ensemble du projet de loi présenté par MM. les ministres.

M. Pirson. - Je demande la parole.

M. le président. - Pourquoi ?

M. Pirson. - Pour un rappel au règlement.

M. le président. - Je ne peux pas vous accorder la parole. Il va vous être donné lecture de la décision prise par la chambre.

M. Dellafaille donne lecture de la décision, qui est ainsi conçue : « La chambre décide qu’on ne pourra demander la parole sous aucun prétexte, ni sur les articles, ni sur les considérants, ni sur la position de la question, ni sur le rappel au règlement, et qu’on se bornera purement et simplement à voter tant sur l’article unique et les considérants que sur l’ensemble de la loi. »

M. le président. - Est-ce bien là, messieurs, votre décision ? (Oui ! oui ! Non ! non ! Bruit et agitation prolongée).

M. Pirson, placé au milieu de l’hémicycle au bas de la tribune, parle au milieu du bruit ; il insiste pour obtenir la parole, en gesticulant avec violence. Le tumulte nous empêche d’entendre ce qu’il dit.

M. le président. - La décision prise hier par la chambre est une loi pour tout le monde.

M. Pirson s’élance à la tribune ; il tient le règlement à la main ; il insiste avec force pour obtenir la parole.

M. le président. - Vous n’aurez pas la parole.

M. Pirson. - Je l’aurai.

- Le tumulte va croissant. On n’entend que des cris partant de tous les coins de la salle. Parlez ! parlez ! disent les uns. A l’ordre ! à l’ordre ! disent les autres.

M. le président agite la sonnette et dit, au milieu du tumulte. - L’assemblée est liée par sa propre décision ; je dois la faire respecter.

M. Pirson. - C’est une décision votée par fraude. (A l’ordre ! à l’ordre !) L’orateur gesticule, frappe tantôt sur la tribune, tantôt sur le bureau de M. le président, qu’il interpelle avec une violence extrême ; il nous serait aussi impossible d’en donner une idée à nos lecteurs que de lui faire connaître les interpellations qui se croisent dans tous les sens. Enfin, l’exaspération est à son comble.

M. Poschet de Chimay, se lève et s’écrie. - C’est scandaleux ! La chambre ne peut se laisser manquer ainsi. Je déclare que, si elle ne maintient pas sa dignité, je me retire.

M. H. de Brouckere et un grand nombre d’autres orateurs demandent la parole au milieu du bruit, et ne peuvent l’obtenir.

M. le président insiste pour que la décision de l’assemblée soit exécutée.

M. de Robaulx. - Vous ne pouviez pas décider hier qu’on ne pourrait pas obtenir la parole aujourd’hui.

M. Gendebien. - Je demande la parole.

M. le président. - Je ne peux vous l’accorder, d’après la décision d’hier.

M. Gendebien. - C’est précisément contre cette décision que je demande à parler. (Tout ceci se dit au milieu du tumulte.)

M. le président, profitant d’un court moment de calme. - Messieurs, n’avez-vous pas décidé hier qu’on ne pourrait prendre la parole sous aucun prétexte, mais qu’on voterait pas assis et levé sur les considérants, et par oui et par non sur l’ensemble ? (Oui ! Oui ! Dénégations de la part de plusieurs membres.)

M. Gendebien, M. Blargnies, M. Rogier et plusieurs autres demandent vainement la parole.

M. le président. - Il faut que force reste à la décision de l’assemblée. (Oui ! oui ! Non ! non !)

M. Pirson. - Je ne peux pas me soumettre à une décision abominable. (A l’ordre ! à l’ordre ! à l’ordre !)

- Le tumulte s’accroît de plus en plus ; la plus grande confusion règne dans l’assemblée.

M. le président. - Je déclare la séance suspendue pour une heure. (Il quitte le fauteuil.)

M. Pirson. - Qu’on en finisse avec moi, qu’on me mette à la porte, car mon intention est de remonter à la tribune aussitôt après la reprise de la séance.

M. Rogier s’élance au pied de la tribune, en interpellant M. Pirson avec vivacité.

M. F. de Mérode retient M. Rogier et l’éloigne de la tribune.

- Cependant tous les membres ont quitté leur place et se forment en groupes fort animés au milieu de la salle.

A une heure et quart, le président et les secrétaires rentrent dans la salle et montent au bureau.

M. Pirson monte à la tribune.

Lord Durham, S. R. Adair et le général Belliard sont dans la tribune diplomatique.

M. le président. - Il va vous être donné lecture de la décision que vous avez prise hier, et qui tout à l’heure ne vous avait été qu’imparfaitement présentée. Voici les termes de cette décision : « La chambre décide qu’on ne pourra demander la parole sous aucun prétexte, ni sur les articles, ni sur les considérants, ni sur la position de la question, et qu’on se bornera purement et simplement à voter tant sur l’article unique et les considérants que sur l’ensemble de la loi. »

M. le président explique que, s’il n’a pas d’abord présenté exactement la décision qui avait été prise hier par l’assemblée, c’est qu’elle avait été rendue au milieu du tumulte, et que les véritables expressions de la délibération lui avaient échappé. Je crois donc, après cette explication, que M. Pirson peut être entendu.

- Un membre. - Sur quoi ?

M. Pirson. (Il est retourné vers le bureau.) - C’est pour une motion d’ordre et pour expliquer ce qui s’est passé. (- Parlez à l’assemblée !) Je me suis adressé, pour avoir la parole, à M. le président ; c’est à lui je devais m’adresser. (Parlez ! parlez !) Il existe un règlement qui a été discuté et voté en séance publique. Il fait la loi de l’assemblée. Hier, à la fin du comité générale (et je n’assistais pas à la fin de la séance), on a changé le règlement. Je pense qu’on ne peut en dénaturer les dispositions en comité secret ; je le pensais tout à l’heure, et j’ai demandé la parole pour un rappel au règlement, parce que je lis dans l’article 23 de ce règlement : « On peut toujours demander la parole pour un rappel au règlement, pour la position de la question et pour un fait personnel. » M. le président me l’a refusée. Ce refus m’a paru une sorte d’opposition : j’ai résisté. Mais s’il m’est échappé des paroles désobligeantes, soit pour la chambre, soit pour son président, je vous en demande pardon à tous, ainsi qu’à M. le président ; mais en sa seule qualité de président, et non pas comme homme, parce que je sais comment je dois le traiter d’homme à homme. J’ajouterai que la décision prise hier ne me paraît pas obligatoire pour les absents (dénégations, murmures), et qu’on ne peut déroger aux dispositions du règlement en comité secret. Je passe à mon observation sur le rappel au règlement. (M. Pirson tire un manuscrit de sa poche. Hilarité.)

J’ai demandé la parole pour rappeler au règlement et articles réglementaires de la constitution. Quoi ! Dans la circonstance la plus grave où puisse se trouver une assemblée délibérante, dans une circonstance où il n’est pas un seul vrai Belge qui ne soit inquiet sur le sort de la patrie, dans une circonstance où chacun se demande : « Par quelle issue allons-nous sortir du danger qui nous environne ? », dans une circonstance où tous les yeux sont tournés vers nous, où notre dernier mot est attendu comme un sauveur (on le sait, la plus petite parcelle d’espoir est encore un dernier refuge pour les malheureux) ; eh quoi ! dis-je, c’est en pareille circonstance (le pays est-il assez malheureux !) qu’on aurait clos définitivement en comité secret la discussion d’une loi de vie ou de mort pour notre indépendance ! C’est lorsqu’il fallait du courage, c’est lorsqu’il fallait ranimer le patriotisme agonisant, que six mortelles doses d’opium lui ont été administrées en comité secret ! Pourquoi ne propose-t-on point aussi le vote en comité secret, de la loi qui a été discutée en comité secret ? Le peut-on ? « Pourquoi pas ? dira quelqu’un, cela n’est écrit nulle part. » Il n’est écrit nulle part non plus que la discussion d’une loi doive avoir lieu en public.

Que signifieraient donc ces mots de l’article 33 de la constitution : « Les séances des chambres sont publiques ? » Ne seraient-elles publiques que pour la lecture du procès-verbal ? « Mais les deux paragraphes du même article autorisent les comités secrets. » Oui sans doute, la prudence le demande, et cette disposition est sage ; mais elle n’est applicable qu’aux choses qui doivent rester secrètes, et non à la discussion proprement dite ou au vote de la loi. M. le président ou d’autres membres ont pu croire avec raison que dans la circonstance il convenait de se réunir en comité secret, afin que nous puissions nous communiquer réciproquement des motifs d’adoption ou de rejet que nous n’aimerions pas nous dire en public.

J’admets qu’en suite de ces communications, la chambre peut décider, à la majorité absolue, si la séance doit être reprise en public sur le même sujet. Quel sujet ! Le sujet secret, sans doute. L’article 33 de la constitution est précis : « Les séances des chambre sont publiques ; » voilà le principe. Les deux paragraphes ne font point exception à ce principe ; ils ne tombent que sur les incidents qui peuvent surgir de la discussion et demander le secret ; mais il est impossible d’admettre que la discussion toute entière d’un projet de loi puisse avoir lieu et être close en comité secret, ou que l’on puisse voter en secret sur certain projet de loi. S’il en est ainsi, si un précédent aussi dangereux pouvait s’établir, le sanctuaire de la loi pourrait devenir un véritable guet-apens, où une majorité démoralisée sacrifierait une minorité vertueuse. Je m’explique, messieurs, et quand j’aurai fait connaître le danger, qui est bien loin dans l’avenir sans doute, qui n’arrivera jamais, j’espère, mais qui cependant serait possible, je suis certain que je ne trouverai pas un seul contradicteur ici.

Je suppose que, de précédent en précédent, ou même par une décision fondée sur une fausse et perfide interprétation de l’article 33 de la constitution, on établisse le droit qu’aurait la majorité de restreindre dans un comité secret la discussion tout entière d’une loi : je suppose que l’on abuse (car on peut abuser de tout), je suppose donc que l’on abuse de la faculté des comités secrets ; que pour le rendre véritablement secret, on prononce de fortes peines, non seulement contre ceux qui trahiraient le secret, mais aussi contre ceux qui, par un moyen quelconque, publieraient ce qui a été dit et fait en comité secret. On en viendra là, si un jour on abuse des comités secrets. La législation en secret une fois établie fortement et sévèrement, je suppose que, dans un cas analogue à celui-ci, une majorité, corrompue par l’or ou les promesses de l’étranger, vende le pays tout entier ou en partie à cet étranger. Pour parvenir à son but, la publicité est un obstacle ; elle ordonne un comité secret, dans lesquels elle délibère en secret et vote même en secret.

Autre cas : je suppose une majorité composée de fonctionnaires richement payés, de pensionnaires qui auront déjà vendu leurs suffrages à l’autorité, enfin d’hommes vaniteux, et pourtant valets de cour, prêts à tout sacrifier à la faveur. Il est question de budget : on ne voudra pas faire connaître aux contribuables certains articles du budget comme, par exemple, le paiement des dettes ou autres folies de quelques grands personnages, le détail de gros appointements, etc. Si l’on craint les explications que demanderaient des représentants, vrais défenseurs des contribuables, on proposera un comité secret ; on ne manquera pas de prétextes. Dans ces deux cas et autres semblables, quel moyen aurait une minorité en nombre, ou réduite à quelques hommes courageux, pour déjouer les intrigues de la majorité et conserver sa pureté dans l’opinion de ses concitoyens, si tout moyen de publicité lui était interdit ? Déjà le règlement défend d’insérer au procès-verbal les motifs du vote, et bientôt il sera peut-être interdit à la presse de dire le plus petit mot sur ce qui se passe en comité secret ; car j’entends tout le monde, je me trompe, tous les partisans du secret se récrier sur les abus de la presse. Je vous le demande, quel serait le rôle d’une pareille majorité sous un gouvernement constitutionnel ? Ce serait un comité occulte de l’absolutisme, une chambre ardente qui se jouerai de la liberté, de la fortune et de la vie des citoyens.

Les choses ainsi organisées par suite des temps, quel serait l’honnête homme qui voulût entrer dans une chambre qui, je le répète, serait devenue un véritable guet-apens pour l’honneur et la probité ?

Eh bien ! sans la publicité de la discussion et du vote de la loi, une pareille majorité pourrait se former.

Ne soyez donc pas surpris de l’ardeur que je manifeste pour combattre un antécédent qui pourrait nous conduire là. Je sais bien que cela n’est pas imminent, qu’il n’y a pas ici un seul membre qui le voulût ; mais soyons en garde contre la corruption des temps à venir.

La chambre, toute préoccupée de l’intérêt du fond de la question qui nous intéresse à un si haut degré, n’a pas réfléchi aux conséquences du vote qu’elle a émis en comité secret sur un incident réglementaire : il s’agit de savoir si la discussion de la loi, le vote même de la loi, peut être secret. Quant à moi, je suis si intimement persuadé du contraire que, défenseur obligé des libertés publiques par mon mandat, je crois devoir employer tous les moyens pour leur conservation.

Sans doute, il y a des circonstances où l’on peut voter sans discussion préalable, lorsque personne ne réclame la parole pour s’opposer à un projet de loi ou l’appuyer ; mais, au moins, le président doit s’en assurer, en demandant si la chambre est suffisamment instruite (article 26 du règlement). Je réclame aujourd’hui pour consacrer le principe de la discussion et du vote publics de la loi. Je le réclame comme la seule garantie de nos libertés, comme moyen donné à la nation de connaître les opinions et la conduite politique de ses représentants, comme moyen aussi, donné à chacun de nous, de mériter la plus belle récompense de ses services envers la patrie : la considération et l’estime de ses concitoyens.

M. le président aurait-il la bonté de consulter l’assemblée ? J’attends sa décision avec calme et confiance.

- M. Pirson est deux fois interrompu par M. Delehaye, qui demande que l’orateur ne s’écarte pas de la question qu’il veut traiter.

M. le président s’excuse à son tour du refus formel qu’il a dû faire de la parole à M. Pirson, qu’il n’a voulu nullement blesser, et il ajouter qu’il n’a voulu faire respecter que la dignité de la chambre.

M. Pirson. - Je demande à présenter une dernière observation. (Non ! non !)

M. de Robaulx. - Mais vous ne savez pas sur quoi. Laissez parler.

M. Pirson. - Je ferai cette seule observation qui m’est suggérée par la lecture des journaux c’est que la conférence s’occupe d’arranger les affaires de la Grèce. (A la question ! M. Pirson quitte la tribune.)

M. de Robaulx. - Je demande la parole.

M. le président. - Sur quelle question ?

M. de Robaulx. - Aussi sur le rappel au règlement. Messieurs, dit l’orateur, je n’ai pas assisté à vos délibérations secrètes, parce qu’il m’a paru que pour une semblable discussion, la publicité n’était pas de trop. C’est votre affaire. Mais ce que je devais faire constater ici (mouvement)… Ne vous effarouchez pas, je ne parlerai pas sur le fond (hilarité), ce sont les droits de la minorité. J’ai cru que la publicité était l’essence des débats parlementaires, et que cette publicité était la seule garantie de la minorité. Je viens donc m’élever contre la décision que vous avez prise, parce que vous m’obligez à répondre seulement non, et à renfermer ma protestation dans ce seul mot : non. Vous ne pouvez pas ôter à la minorité le droit de faire connaître son opinion. Ce droit est aussi celui de la majorité, et jamais il ne nous est venu la pensée de le lui contester. Réfléchissez bien, messieurs, au refus que vous faites à la minorité de faire entendre sa voix. Les minorités d’ailleurs ont quelquefois, et souvent même, raison, témoin cette minorité qui, sous Charles X, fut si souvent flétrie, qui se trouva réduite à 12 hommes courageux. Eh bien ! si la majorité d’alors, si les 300 de cet homme qui sera l’exécration de la postérité, de M. de Villèle, avaient voulu rendre toutes les séances secrètes, c’en était fait du gouvernement représentatif et de la liberté ; car alors on n’aurait pas connu les intentions coupables du pouvoir et le but qu’il voulait atteindre. Encore une fois, messieurs, réfléchissez bien à la décision que vous avez prise ; gardez-vous de poser de semblables précédents : avec eux, vous perdriez bientôt votre gouvernement représentatif et votre constitution.

M. le président. - Il me semble, M. de Robaulx, que vous retombez dans la discussion.

M. de Robaulx. - J’y retombe d’autant moins que je n’ai pas dit un mot des 24 articles. Je n’ai parlé que de la décision prise hier. Je demande que la publicité soit rendue à la fin de la discussion.

M. le président. - Mais le contraire a été décidé quand M. Gendebien a fait sa proposition.

M. Gendebien demande la parole. - Je serais fâché, dit l’honorable membre, qu’on pût interpréter défavorablement pour moi les paroles de M. le président. C’est par suite de la proposition que je fis, de rendre la séance publique, que le contraire fut décidé. L’orateur rappelle qu’on a introduit furtivement dans la section centrale la question du secret ; que seul il s’y est opposé ; qu’il a fait observer, lorsqu’on a renouvelé en comité général la proposition de la section centrale, qu’on voulait juguler la constitution, et qu’alors il fallait avoir le courage de le faire en public. Il ajoute qu’il est venu aux séances secrètes, mais que toujours il désirait que la discussion fût reprise en séance publique. L’orateur espère que ses explications le justifieront pleinement aux yeux de ses collègues et du public.

M. le président présente une observation tendante à prouver que jamais il n’a voulu dire que ce fût sur la demande de M. Gendebien que le comité général a eu lieu.

M. de Robaulx. veut continuer son discours. (Non ! non !) Messieurs, il est évident que je ne parlerai pas si vous ne voulez pas m’entendre ; je n’ai pas l’intention d’aller m’accrocher à la tribune, mais je laisserai sous la responsabilité de ceux qui étoufferont ma voix la conduite qu’ils tiennent en ce moment.

M. A. Rodenbach. - Je demanderai qu’on prononce en séance publique la clôture de la discussion.

- Plusieurs membres. - La discussion a été close hier.

M. de Robaulx. - Prenez garde à la décision que vous avez prise.

M. Seron. - Messieurs, chacun a fait insérer dans les journaux l’opinion qu’il a énoncée dans le comité secret ; je n’ai pas fait imprimer la mienne, parce que je l’ai modifiée : la voici.

M. le président. - La chambre ne peut vous accorder la parole. (Non ! non ! non !)

M. de Robaulx. - Nous demandons acte du refus qui nous est fait.

- Un membre. - M. le président, donnez acte de ce refus.

M. Seron fait la même demande.

M. le président. - On va passer au vote par assis et levé sur les considérants, et au vote par oui et non sur l’ensemble du projet.

M. de Robaulx. - Je vais faire une proposition ; je demande la question préalable.

M. le président. - Vous ne pouvez faire aucune proposition.

M. de Robaulx et M. Seron montent avec leurs discours à la tribune des journalistes. (Murmures.)

- Messieurs, leur dit M. de Robaulx, vous serez sans doute plus libéraux que la chambre.

Vote sur les considérants et sur l'ensemble du projet

On vote par assis et levé sur les considérants : ils sont adoptés par assis et levé. On procède à l’appel nominal sur l’ensemble.

Voici le résultat :

59 membres pour l’adoption.

38 membres contre.

La chambre adopte.

Deux membres, MM. Rouppe et Nothomb, s’abstiennent.

Les trois députés manquant à l’appel sont : MM. Ch. de Brouckere, ministre de la guerre, l’abbé de Foere et Zoude de Saint-Hubert. Les pouvoirs de ce dernier n’ont pas encore été vérifiés.

Ont voté pour : MM. Barthélemy, Goblet, Van Innis, de Terbecq, Lefèvre, Ullens, de Muelenaere, de Theux, W. de Mérode, Raymaeckers, Dugniolle, Coppieters, Verhagen, Lebègue, Lebeau, CH. Vilain XIIII, Mesdach, Vuylsteke, Mary, Cols, Dellafaille, Brabant, Pirmez, Dumont, Dewitte, Duvivier, Poschet, Delehaye, Thienpont, F. de Mérode, Vanderbelen, Hye-Hoys, de Nef, Morel-Danheel, H. Vilain XIIII, Le Hon, Verdussen, Fallon, Van Meenen, Sécus, Osy, Polfvliet, de Roo, Dautrebande, Milcamps, Legrelle, de Woelmont, Jonet, Coghen, Olislagers, Devaux, Boucqueau de Villeraie, Bourgeois, Raikem, Vandenhove, Serruys, Desmanet de Biesme, Angillis et de Gerlache.

Ont voté contre : MM. Vergauwen, C. Rodenbach, d’Huart, Jaminé, Corbisier, d’Hoffschmidt, Rogier, Pirson, Dams, Gelders, Watlet, Jamme, Leclercq, H. de Brouckere, Jullien, Tiecken de Terhove, Destouvelles, de Haerne, Blargnies, Gendebien, Desmet, Domis, Lardinois, de Meer de Moorsel, Jacques, Seron, Coppens, Fleussu, Davignon, Berger, Dubus, Helias d’Huddeghem, A. Rodenbach, Dumortier, de Robaulx, Liedts, Goethals et d’Elhoungne.

M. le président. - Conformément au règlement, j’invite MM. Rouppe et Nothomb à expliquer les motifs qui les ont fait s’abstenir.

M. Rouppe. - Messieurs, je croyais avoir développé suffisamment les motifs de mon abstention, qui d’ailleurs a reçu une publicité entière.

L’homme qui se trouve sous le poids d’une injuste condamnation, s’il est doué d’une certaine force d’âme, ne se débat point contre l’exécuteur. Protestant contre l’arrêt inique, il pose sa tête sur le bloc et succombe noblement.

Eh ! messieurs, ne croyez pas que, par un inutile refus, je veuille exposer mon pays aux maux dont on nous menace. Ceux qui ont pu nous dicter le prétendu traité de paix ne se feraient aucun scrupule de l’exécuter violemment. Ils ont pour eux la force, ils n’argument que par la force.

Comme représentant de la nation, je me soumets aux 24 articles ; mais je ne saurais les accepter, et l’adhésion à intervenir en vertu de la loi projetée emporterait, à mon sens, acceptation indirecte, surtout si cette adhésion était accompagnée de réserves et conditions desquelles la ruse diplomatie se hâterait de nos concéder la plus innocente pour en tirer contre nous la conséquence d’un consentement volontaire sur le tout.

M. Nothomb. - J’ai exposé dans mon discours les motifs de mon adhésion, je ne pourrais que me répéter ; j’avais d’avance satisfait au règlement à cet égard.

- La séance est levée à deux heures.