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Chambre des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 avril
1832
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Projet de loi portant le budget de l’Etat
pour l’exercice 1832 (département des finances). Administration de
l’enregistrement (Coghen, Barthélemy,
Lebeau, d’Huart, d’Elhoungne, Destouvelles, H. de Brouckere, Fayder, Barthélemy, Fayder, Jamme, Ch. de Brouckere, d’Elhoungne, Lebeau, Fayder, Delehaye, H. de Brouckere), administration des postes, et plus
particulièrement service rural (Coghen, Jamme,
Ch. de Brouckere), administration du cadastre (Desmet, (historique du cadastre) Thiry,
Barthélemy, Thiry, d’Elhoungne, Thiry, Delehaye, Verdussen, Gendebien, Coghen, de Muelenaere, Coghen)
(Moniteur belge n°100, du 9 avril 1832)
(Préidence de M. de Gerlache.)
La séance est
ouverte à midi et demi.
Après l’appel
nominal, M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; il est adopté.
PIECES ADRESSEES A LA CHAMBRE
M. Lebègue
analyse ensuite quelques pétitions, qui sont renvoyées à la commission.
Discussion des articles
Chapitre IV. - Administration de
l’enregistrement et des domaines
L’ordre du jour
est la suite de la discussion du budget des finances.
Section
IV. - Matériel et dépenses ordinaires
Article
10
« Art. 10.
Frais de bureau des directeurs et du bureau des archives à Bruxelles : fl.
8,730. »
La section
centrale propose de n’allouer que 3,905 fl., montant du chiffre porté au budget
des finances de 1831.
Mais sur
l’observation faite par M. le ministre des finances (M. Coghen), que cette différence de 4,825 fl. provient de ce
qu’autrefois les frais de bureau dont il s’agit figuraient au budget de
l’intérieur, qui en est resté chargé pour tout le premier trimestre de 1831, et
que, comme ils y étaient compris pour une somme plus que suffisante, on avait
jugé que celle de 3,905 suffirait pour le deuxième trimestre, la réduction
proposée par la section centrale est rejetée.
- Le chiffre de
8,730 fl. est maintenu.
On passe aux
articles 17 et 18, relatifs aux greffiers, sur lesquels la section centrale ne
propose aucune réduction.
M. Barthélemy. - Je demande la parole.
M. Lebeau. - Il n’y a pas d’amendement sur l’article ; il
faudrait qu’on en présentât un pour qu’on pût prendre la parole.
M. d’Huart. - On ne peut pas refuser la parole à un membre de
cette assemblée, quand il la demande sur un article, ne fût-ce que pour avoir
une explication.
M. Barthélemy. - Mon intention est de proposer un amendement, car je
trouve les remises des greffiers de cours royales beaucoup trop élevées, et ils
ont encore obtenu le logement que les lois mettent à leurs frais. Je sais bien
que celle des greffiers des tribunaux de première instance ne sont pas aussi
élevées, mais ce sera au gouvernement à répartir entre eux la réduction que je
propose et qui consiste à n’allouer qu’une somme égale à celle de l’année
dernière.
M. d’Elhoungne trouve que l’allocation serait encore extrêmement
favorable ; mais il fait remarquer que, ces remises étant fixées par une loi,
ce serait un système vicieux que d’y toucher accidentellement et par un amendement
au budget. Il demande que, dans le cas où l’amendement serait pris en
considération, il soit renvoyé à l’examen de la section centrale.
M. Destouvelles. - Je voulais faire la même observation, messieurs ;
les remises de 30 centimes pour les greffiers de première instance et de 40
centimes pour ceux des cours royales sont fixées par une loi ; on ne peut venir
changer cette loi à l’occasion du budget.
M. H. de Brouckere. - Je ne sais pas, messieurs, si les remises des
greffiers sont trop élevées, mais je m’étonne très fort que l’amendement nous
soit présenté par M. Barthélemy ; car sous le gouvernement provisoire, il nous
a présenté un projet de loi où les traitements de ces fonctionnaires n’étaient
pas réduits. Et d’ailleurs, il doit se rappeler que des membres de la section
centrale, chargés d’examiner ce projet, lui ont montré des tableaux desquels il
résultait que les bénéfices évalués étaient fort exagérés.
M. Fayder fait observer que l’année 1831 avait été très peu
favorable, et que le bénéfice ne peut être évalué qu’approximativement.
M. Barthélemy. - On dit, messieurs, que les remises des greffiers
sont fixées par une loi ; mais c’est aussi une loi que nous faisons, et par
cette loi, nous pouvons en défaire une autre. Quant à ce qu’a dit M. H. de
Brouckere au sujet du projet de loi que j’ai présenté lors du gouvernement
provisoire, je me souviens que ce projet a été horriblement attaqué dans la vue
d’intérêts personnels, précisément parce que je diminuais considérablement les
remises des greffiers.
- M. Barthélemy
retirant son amendement, le chiffre du budget est maintenu.
« Art. 19.
Confection des timbres et impressions : fl. 25,000. »
La section
centrale propose de n’allouer que 15,000 fl.
M. Fayder lit le passage du discours de M. le ministre des
finances, relatif à cet article, où il est dit que l’administration avait
préféré faire faire à la fois une grande quantité d’impressions, pour les avoir
à meilleur compte, mais que si l’on veut s’en tenir strictement aux besoins de
l’année courante, sauf à payer plus cher l’année suivante, le ministre peut
consentir à la réduction proposée.
M. Jamme appuie la réduction de la section centrale.
M. Ch. de Brouckere. - Je ne conçois pas la manière dont nous faisons un
budget. Tout à l’heure, M. Barthelemy proposait une réduction sur une somme
éventuelle et maintenant c’est la section centrale qui vous en propose une
autre sur la confection des timbres et des impressions. Mais si nous réduisons
ainsi chaque objet, et que nous n’accordions pas le nécessaire, nous passerons
toute notre année à voter des crédits supplémentaires. S’il faut toujours
réunir la chambre pour de pareilles bagatelles, il s’en suivra qu’on dépensera
beaucoup plus qu’on ne veut ménager aujourd’hui. Un budget, c’est l’évaluation
approximative de toutes les dépenses de l’année ; il faut donc accorder ce qui est
nécessaire pour toute l’année.
M. Jamme. - Bien que je ne sois pas de l’avis de ceux qui
répètent souvent qu’une somme votée est une somme dépensée, opinion que je suis
loin de partager, je suis néanmoins fortement d’avis que, pour le budget
actuel, il ne suffit pas que les allocations soient éventuelles, que leur
emploi puise ne pas avoir lieu, et que, finalement, on doive justifier de ces
emplois vis-à-vis la chambre des comptes, pour que nous les votions facilement.
Non, messieurs,
nous devons apporter tous nos soins à ne pas enfler le chiffre du budget par
des crédits, ne fussent-ils qu’éventuels.
On n’attache pas
assez d’importance à la considération qui me fait désirer que le chiffre du
budget des dépenses ne s’éloigne pas trop du chiffre du budget des recettes, ne
perdons pas de vue que c’est de la différence que vous présentez en deux
chiffres, que l’opinion que l’on doit avoir de notre situation financière
actuelle va se former, et qu’elle pourra donner lieu à de fâcheuse prévisions
sur ce que seront nos ressources à la fin de l’exercice courant.
Je sais,
messieurs, qu’en des temps ordinaires les principes d’un budget sont que toute
dépense certaine et présumable y ait son crédit spécial, et que l’on ne puisse
opérer de transferts ; mais, dans le moment actuel, je persiste dans l’opinion
qu’il vaut mieux que le ministre vienne nous demander un supplément de crédit,
que de voter des crédits dont je persiste à croire qu’il n’aura pas besoin.
Quant
à la crainte que je viens d’entendre manifester que la chambre ne se trouverait
pas réunie lorsque la demande de ces nouveaux crédits pourra devenir
nécessaire, je crois, sur ce point, pouvoir rassurer l’honorable M. Ch. de Brouckere
; nous sommes, je pense, pour longtemps fixés sur nos bancs.
Je
me rallie donc à l’opinion de la section centrale, qui propose une réduction de
15,000 fl. sur l’article 19. Il est à remarquer, messieurs, que je prends ce
parti en me fondant sur ce qu’a dit M. le ministre de la possibilité que,
rigoureusement parlant, le service pourrait se faire nonobstant cette
réduction.
M. d’Elhoungne. - J’appuierai l’observation de M. Jamme par une autre
plus simple encore, c’est que le ministre lui-même a dit qu’il pouvait
consentir à la réduction si l’on voulait s’en tenir au strict nécessaire de
l’année. Il est inutile, messieurs, de charger les contribuables pour faire des
approvisionnements pour les autres années, tandis que 10,000 fl. suffisent pour
celles-ci.
M. Lebeau. - M. d’Elhoungne n’a probablement pas compris ce
qu’avait dit M. le ministre des finances dans le passage du discours qu’il a
cité : c’est qu’en faisant faire un grand nombre d’impressions à la fois, cela
coûtera beaucoup moins au trésor. Il est encore une autre considération à
envisager. Le papier a subi une baisse assez forte cette année, c’est un fait
notoire. Or, il ne faut pas empêcher l’administration de profiter de cette
baisse.
M. d’Elhoungne. - Je conviens qu’il pourrait en résulter quelque
économie ; mais dans les circonstances où nous sommes, je persiste à dire que
nous ne devons dépenser que le strict nécessaire pour l’année courante. Ne
blâmeriez-vous pas un père de famille qui, se trouvant dans une détresse
flagrante, voudrait faire des approvisionnements de 3 ans ! Eh bien ! il en est
de même pour nous. Je pense donc qu’il ne fait pas accorder plus que
l’administration n’aura rigoureusement besoin.
- La réduction de
la section centrale est mise aux voix et adoptée.
Article
20
Le chiffre de
l’art. 20 relatif aux achats de papier, y compris ceux à timbre, s’élevant à
15,000fl, et que la section centrale propose de réduire à 7,500 est maintenu.
« Art. 21.
Frais de poursuites et d’instances : fl. 19,500. »
La section
centrale propose de n’allouer que 10,000 fl.
M. Fayder commence à lire encore un passage du discours de M.
le ministre des finances, pour combattre la réduction…
M. Delehaye., l’interrompant. - Il est inutile de nous lire sans
cesse ce discours qui est imprimé et que nous avons lu. Cela nous fait perdre
du temps.
M. Fayder fait remarquer qu’il est impossible de fixer d’une
manière précise la somme qu’il faudra payer aux avocats, parce que cela dépend
de la nature des affaires qui interviendront.
M. Delehaye. - Mais il me semble que l’administration de
l’enregistrement plaide sur des mémoires et non point par avocats.
M. Fayder et M. H. de Brouckere font observer que cette administration ne plaide pas
toujours sur mémoire et qu’elle doit recourir au ministère des avocats comme
les particuliers, quand il s’agit de propriétés, de domaines et de poursuites
en cassation.
Plusieurs membres demandent quel est le montant de la somme dépensée
pour cet objet l’année dernière.
M. Fayder ne se trouvant pas à même, en ce moment, de répondre
à cette question, le vote de cet article avait été remis pour un instant.
Plus tard, M. le
commissaire du Roi ayant répondu que le chiffre de la somme dépensée l’année
dernière pour frais de poursuites et d’instances s’élevait, d’après les
tableaux, à 13,774 fl., M. le ministre des finances a proposé de fixer
l’allocation à 14,000 fl., ce qui a été adopté.
La somme totale de
tout ce chapitre, s’élevant à 175,230 fl., est également adoptée.
Article
22
Le chiffre de
l’article 22, relatif aux attributions d’amendes forestières, est maintenu.
Section
V. - Dépenses extraordinaires, éventuelles et imprévues
On passe à la
section V, intitulée : « Dépenses extraordinaires, éventuelles et
imprévues, » dont le chiffre primitivement demandé est de 128,000 fl.
La section propose
une réduction de 28,800 fl., à laquelle le ministre déclare pouvoir se rallier,
et qui est adoptée.
Chapitre V. - Administration des postes
Section
I. - Personnel
Articles
1 à 11
Sur les articles 1
à 11, s’élevant ensemble à 119,513 fl. 99 c., la section centrale propose une
économie de 1,400 fl., à laquelle le ministre se rallie également, et qui est
adoptée.
Articles
12 et 13
« Frais de
régie des directeurs : fl. 12,725. »
La section
centrale propose de n’allouer que 9,030 fl., comme au budget de 1831.
M. le ministre des finances (M. Coghen) fait remarquer que cette augmentation a été faite
dans la prévision de la nécessité, par suite de l’exécution des 24 articles,
d’établir de nouveaux bureaux frontières.
- En conséquence,
le chiffre intégral est maintenu, ainsi que celui de l’article 13.
Articles
14 et 15
« Art.14.
Frais de bureau du matériel : fl. 6,000. »
La section
centrale propose de n’allouer que 5,000 fl., comme en 1831 ; mais sur
l’observation faite par M. le ministre que cette augmentation est motivée sur
ce qu’il a fallu renouveler les timbres et cachets, le chiffre est maintenu,
ainsi que celui de l’article 15.
« Art.
16. Service rural : fl. 100,000. »
Le ministre a
consenti ensuite à une réduction de 40,000 fl.
La section
centrale propose de supprimer l’allocation entière.
M. Jamme. - Messieurs, je suis fort loin de partager l’opinion
de la majorité de la section centrale en ce qui concerne l’établissement du
service rural des postes. Le service rural des postes aura pour résultat
certain d’établir des relations régulières, sûres, promptes et à bon marché.
Le besoin de ce
service est vivement senti ; il est réclamé depuis longtemps par toutes les
classes commerçantes et industrielles.
On ne peut mettre
en doute les avantages qui en résulteront : la facilité, la sûreté, la sûreté
et la promptitude des communications auront toujours pour résultat un plus
grand développement des sources de la prospérité publique.
Il serait
difficile, messieurs, de calculer les sacrifices que doivent faire annuellement
le commerce et l’industrie pour suppléer au service des postes ; on y supplée
par un mode quelconque de relations, relations qui sont toujours irrégulières,
peu sûres, coûteuses, lentes, et, plus que cela, souvent dépendantes de la
volonté des messagers et s’interrompant aux moindres intempéries.
L’allocation que
l’on vous demande, messieurs, pour une chose d’une utilité si incontestable, si
éminemment utile, n’est pas une dépense ; ce n’est qu’une avance pour laquelle
le trésor recevra immédiatement un fort intérêt.
Le service général
des postes n’est pas une charge pour l’Etat ; c’est au contraire un revenu
auquel toutes les classes de la société s’empressent de subvenir. On ne peut
pas le considérer comme une charge, puisque chacun est libre d’y contribuer ou
de ne pas y contribuer selon que cela lui convienne.
Il est démontré
que les frais qui figurent aux budgets des provinces pour le transport des
dépêches dans les communes rurales, les frais supportés de ce chef par les
communes elles-mêmes, par l’administration des contributions et par celle des
domaines, s’élèvent, non compris la province de la Flandre orientale, à la
somme de 49,286 fl., de sorte qu’en y ajoutant la quotité de cette grande
province, déjà une somme qui dépasse de beaucoup la moitié de l’allocation
demandée est supportée par le trésor et par les communes en pure perte ; je dis
en pure perte, puisque par l’établissement du service rural il sera fait une
économie de tous ces frais, par la raison que les administrations ont le
contreseing, ce qui rend le transport des dépêches obligé pour l’entrepreneur
et gratuit pour les administrations. Ainsi, messieurs, ce n’est pas une dépense
que l’on vous demande, on vous demande les moyens de mettre à exécution une
mesure d’intérêt général vivement désirée, dont le succès n’est pas douteux,
dont le premier résultat sera une réduction des charges publiques de plus de
50,000 fl., et un acheminement, à mon avis, certain, à un revenu beaucoup plus
important pour le trésor.
Il
ne peut vous échapper, messieurs, que mes arguments n’ont rien d’hypothétique,
ils sont fondés sur les chiffres, et l’expérience que vient de faire la France
des avantages considérables qui résultent de l’établissement de la poste rurale
devrait suffire pour écarter toute hésitation de notre part.
En France, le
service rural des postes marche avec un plein succès, et cependant la
population en Belgique est plus compacte qu’en France, eu égard à l’étendue du
territoire et le commerce et l’industrie y sont plus généralement répandus et
sûrement plus actifs.
Il me reste à
émettre le vœu que le tarif soit aussi modéré que possible, et de voir partager
mon opinion.
Je voterai avec
empressement non pour le chiffre du ministre, mais la réduction à laquelle il a
consenti.
M. Ch. de Brouckere. Fait remarquer que, le service rural ne pouvant être
établi qu’au 1er juillet, il y a lieu de retrancher la moitié des 100,000 fl.
demandés.
- Le chiffre de
60,000 fl. proposé en dernier lieu par M. le ministre des finances est adopté.
Chapitre VI. - Administration du cadastre
Section
I. - Personnel
On passe ensuite
au chapitre VI, section première, personnel de l’administration du cadastre.
M. Desmet. - Je ne peux dire que la somme demandée par le
ministre, pour achever le cadastre, soit trop élevée ; j’accorderais très
volontiers le double, si on pouvait espérer une bonne fin à cette opération.
Mais je dis, avec le rapporteur de la section centrale, que nous sommes encore
loin d’être arrivés à ce terme… A la vérité, messieurs, nous en sommes bien
loin, et, depuis le jour où M. Guerick et ses agents cadastraux ont mis la main
à cette œuvre, la marche du cadastre a toujours été à reculons ; ils ont eu
l’art de défaire si adroitement la machine, que je défie le plus habile d’en
rassembler deux rouages qui puissent s’adapter. Quand j’examine la légalité des
lois que l’on prétend régir la matière, et que l’administration cadastrale
reconnaît comme lois ou brise à volonté, quand je découvre quantité d’articles
du recueil méthodique, que l’administration a foulés aux pieds par ses arrêtés
et ses mesures d’exécution ; quand je vois que, par des actes purement
arbitraires, on a totalement bouleversé les bases des évaluations et fixé des
nouvelles, comme, en substituant les années 1816 à 1826 aux années 1797 à 1809,
prises comme bases des évaluations cadastrales, elle a injustement, et contre
la sainteté du droit acquis, fait peser un accroissement de charges sur des
améliorations obtenues le plus souvent à grands frais par les propriétaires à
qui l’on avait garanti de a manière la plus solennelle qu’ils pouvaient s’y
livrer sans craindre de surtaxe ; quand je vois, dis-je, l’arbitraire et la
précipitation avec laquelle l’exécution a été conduite, toujours en opposition
avec les sages précautions du recueil méthodologique ; que l’expert, l’assemblée
cantonale, tout enfin a été dénaturé, je me demande qui pourra sortir de ce
casse-tête chinois, et quel résultat peut-on espérer de ce Colin-Maillard
fiscal… J’ai lieu de croire que le chef de cette administration sent comme nous
cette difficulté, et que c’est là la raison pourquoi il a eu la prudence de ne
pas se hasarder à donner les éclaircissements qu’on n’a cessé de lui demander
sur la machine cadastrale.
Je pense,
messieurs, que de notre côté nous devrions aussi user de prudence, et quand il
s’agit d’allouer des fonds pour une opération dont nous ne connaissons ni la
marche ni les moyens qu’on emploie pour toucher à un résultat que nous devons
tâcher d’en voir terminer une partie, pour pouvoir juger du travail et fonder
notre espoir sur le bienfait que nous obtiendrons par son entier achèvement.
Je suis donc
d’avis que la chambre n’accorde cette année que la somme nécessaire pour
terminer le cadastre de la province la plus avancée. On se convaincra alors si
on peut le continuer sur le même pied qu’on a travaillé jusqu’aujourd’hui, et
si vraiment il y a quelque chose de bon à attendre pour pouvoir établir une
péréquation tant soit peu passable !
Je voudrais aussi
que la chambre nommât une commission qui serait chargée d’examiner comment se
prolongent les opérations du cadastre et quel résultat on peut en espérer, et
qui se ferait remettre aussi le recueil méthodologique, ainsi que toutes les
instructions y faisant suite, publiées par le gouvernement hollandais depuis
1826 ; elle pourra alors juger celles qui lui sembleraient illégales, comme
reposant sur de simples décisions administratives, ou de simples arrêtés sans
le concours de la législation, et contraires aux lois existantes sur la
matière.
Car, messieurs, et
j’ignore si vous en êtes informés, la prétendue révision dont on s’occupe
actuellement ne se fait pas en vertu du recueil méthodologique, puisque, à
proprement parler, depuis 1826, on a a travaillé au cadastre sans s’être tracé
une route, sans s’être proposé d’autre but que d’en faire servir principalement
les résultats dans l’intérêt du fisc à un nouveau système hypothécaire. Pour
pouvoir procéder à une révision générale, il eût fallu pour cela que le
cadastre eût été achevé dans toute l’étendue de la Belgique ; or, c’est ce qui
n’existait pas à l’époque de 1816 ; et d’ailleurs, il fallait que cette
révision eût lieu, non pas en vertu d’une simple mesure d’administration, mais
par le concours du pouvoir législatif.
Le gouvernement
néerlandais avait agi arbitrairement en faisant recommencer le cadastre dans
toute l’étendue des provinces méridionales, comme vous pouvez vous en assurer
en consultant les articles 499, 1140 et 1141 du recueil méthodologique.
En conséquence de
ce que je viens d’avancer, la commission aurait à s’occuper de l’examen d’une
question du plus haut intérêt, celle de savoir si, tandis que le cadastre
n’était point achevé dans toute la Belgique, le gouvernement précédent était
autorisé par une simple mesure d’administration et sans intervention du
législateur, à bouleverser, sous prétexte de révision, tout ce qui avait été
fait antérieurement, et à enlever ainsi aux propriétaires leurs droits acquis
par les améliorations, les défrichements et dessèchements auxquelles ils
s’étaient livrés, confiants dans les encouragements qui leur étaient garantis
par la loi, jusqu’à ce qu’une révision générale fût ordonnée après l’achèvement
total du cadastre dans tout le pays, ce qui n’a jamais eu lieu.
Cette question est
de la plus haute importance dans l’intérêt des propriétaires qui se sont livrés
à des améliorations, ou bien des communes mêmes, qui ont vendu des parties
notables de terrains que l’on a récemment mis en culture, de terres vagues
qu’elles étaient, et qui vont maintenant être classifiées et recevoir des
évaluations sur le pied des autres propriétés, tandis qu’ils avaient droit de
continuer à jouir de leur cotisation primitive avant les améliorations et
changements apportés à ces propriétés depuis qu’elles ont été soumises à la
première opération cadastrale.
Elle aura aussi à
examiner dans quel but a été inventé le « replâtrage cadastral »
qu’on nomme, en terme de cadastre, l’ « atlas circulaire, » et
qui devait servir à faire coïncider les évaluations des parcelles limitrophes
des diverses provinces. Mais je crois que cette mesure n’a pas été employée
partout ; car, si elle l’eût été, les replâtreurs n’auraient pas laissé exister
aux limites de la Flandre et du Brabant, depuis près de la ville d’Alost
jusqu’à près de Lessines, cette lourde disproportion dans les évaluations
Je ne parlerai
point des fautes matérielles, quoiqu’elles soient abondantes ; elles pourront
être rectifiées, lorsqu’on communiquera le résultat aux propriétaires ; mais je
vous entretiendrai un moment de ces fautes inévitables, résultat nécessaire de
l’inexpérience et de l’incapacité des personnes auxquelles l’on a confié
l’exécution du cadastre, notamment sous le rapport de l’expertise.
En effet, et c’est
ici le lieu de le faire remarquer, depuis 1826 on a glissé dans tous les
cadastres des jeunes gens sans études ou connaissance de la valeur des
propriétés, sortis depuis peu des écoles, et cela pour entrer d’emblée dans une
carrière où il faut tant d’expérience et de discernement.
D’autre part, on y
a aussi employé des personnes tout à fait étrangères à ce travail, qui ont dû
en compromettre les résultats en y travaillant ainsi au hasard, accompagnées
d’experts également nouveaux et étrangers à cette besogne, dans laquelle ils
sont venus faire leur apprentissage aux dépens des propriétaires et d’un bon
travail ; qu’on juge d’après cela des résultats d’une infinité de communes, où
ces employés imbéciles et novices ont fait leur apprentissage !
On dit toujours
que le cadastre n’avance pas, qu’on doit aller plus vite, afin qu’on voie sa
fin ; pour moi, c’est le contraire : je trouve qu’on a mis partout trop de
précipitation dans les travaux, et je crains qu’elle ne soit cause d’une grande
imperfection. L’administration en apporte elle-même la preuve ; car, dans
l’article publié le 19 janvier dernier par le Moniteur, elle annonce que, malgré les circonstances difficiles où
le pays s’est trouvé, on a néanmoins expertisé 326 communes, contenant 311,000
bonniers ! Or, on ne tient pas même compte du mauvais temps, qui souvent oblige
à suspendre les travaux ; et malgré cela on a pu parcourir, voir et estimer la
valeur d’une aussi grande étendue ! Que l’on juge donc de la capacité des
habiles cadastreurs qui ont le talent de faire une telle opération au galop.
Mais on paie par parcelle, cela explique tout !
Pourquoi, d’ailleurs,
l’administration n’a-t-elle encore fait distribuer les bulletins dans aucun des
cantons cadastrés ? On pouvait alors juger du degré de confiance que méritent
les travaux des expertises !
Et, par la
nouvelle marche adoptée depuis trois ou quatre ans pour les mutations, et cela
toujours en attendant l’achèvement du cadastre, la confusion est dans les
matrices des rôles ; je demanderai à toutes les administrations rurales si déjà
on peut en sortir ?
Le conseil de
révision à tenir au bureau central, dont le Moniteur
dit être composé des agents principaux, qui, de ce chef, jouissent encore une
fois de frais de route et de séjour durant tout le temps qu’ils séjournent dans
la capitale, ce conseil est évidemment inutile et dérisoire ; car lorsque les
expertises ont été exécutées et surveillées dans chaque province par
l’interminable kyrielle d’employés poussant à la chaîne cadastrale, tels que
contrôleurs ordinaires et temporaires, contrôleurs principaux et inspecteurs
principaux, inspecteurs spéciaux et généraux ; lorsque cette série d’agents,
dis-je, a exploité le terrain et surveillé les travaux, quelles améliorations
peut encore y apporter le conseil à tenir dans le cabinet de M.
l’administrateur ? Car n’est-il pas évident que son examen est et ne saurait être
qu’une affaire de pure forme, qui ne vaut pas la dépense que l’on y affecte et
le temps qu’elle fait perdre à l’achèvement total des travaux ? Et, pour vous
convaincre, messieurs, du peu de soin que met l’administration centrale du
cadastre dans les opérations cadastrales, faites-vous remettre un
« tableau indicatif des propriétés, » où se trouvent les évaluations
du premier cadastre avec celles de la révision.
C’est un papier
curieux, jamais vous n’aurez vu un chiffon plus original, griffonné dans tous
les sens et peint de toutes les couleurs. Je défie le plus habile d’en sortir,
et cependant c’est là où on doit puiser les résultats de la dernière opération
cadastrale, et je crois même pouvoir vous assurer que de cette pièce, où se
trouvent les chiffres des premières expertises, il n’y a point de double dans
les archives de l’administration ; on confie l’original aux contrôleurs. C’est
une chose incompréhensible qu’un objet aussi intéressant que le cadastre soit
si scandaleusement négligé surtout par des employés qui gagnent tant d’argent
aux dépens du public ! Je ne vous ferai point, messieurs, le compte de chacun
de ces messieurs cadastriers, depuis l’expert jusqu’à l’administrateur-général,
quoique j’en aie le tableau près de moi ; je ne vous parlerai que de
l’inutilité de la place des inspecteurs extraordinaires, qui n’ont d’autre
besogne que de venir voir si l’on a assez évalué les propriétés bâties, et de
faire d’injustes évaluations au détriment des malheureux qui n’habitent que des
chaumières. A mesure qu’un canton est expertisé, ils viennent en parcourir les
communes, sous la jouissance de gros frais de route et de séjour qu’ils
reçoivent outre leur traitement fixe de 2,000 fl. des Pays-Bas ; et cela pour
venir dire çà et là qu’une misérable maison ou cabane que l’on aurait, je
suppose, estimée à 18 fl., doit être portée à 24 ou 30, suivant leur manière de
voir toujours la meilleure, quoique presque toujours ces experts absolus n’ont
aucune connaissance locale.
Ces
places ont été créées depuis 1826, lorsqu’on a commencé à faire du cadastre à
la course. Si, au lieu d’envoyer ces inspecteurs vraiment extraordinaires se
promener aussi dans les campagnes sans aucune utilité (car, lorsque les
propriétés bâties sont estimées par les employés de chaque province, et les
opérations contrôlées par les inspecteurs et contrôleurs, que veut-on que les
inspecteurs sans connaissance viennent faire ? Rien autre chose que de gâter
les évaluation), on les occupait plutôt au bureau central, on pourrait par là
diminuer d’autant la dépense qu’occasionne ce coûteux bureau ; car il est
évident que ces promenades des inspecteurs extraordinaires sont aussi inutiles
que dérisoires.
Par ces
considérations, je ne pourrais rien allouer pour le cadastre avant qu’on ait
nommé une commission qui ferait une enquête sur les opérations cadastrales qui
s’exécutent aujourd’hui et sur les moyens d’en corriger les divers abus, afin
d’arriver à un résultat aussi parfait que possible, et de ne pas continuer à
faire des dépenses journalières qui n’aboutiront à rien, ou du moins de
n’accorder pour cette année que la somme nécessaire pour terminer le cadastre
de la province la plus avancée, que nous pourrions fixer, si la chambre partage
mon opinion…
M. Thiry, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant a prétendu que les
opérations cadastrales, telles qu’elles se font aujourd’hui, étaient contraires
à la législation actuelle. Pour expliquer le changement de système qui a eu
lieu, je ferai brièvement l’historique du cadastre. Il fut commencé en Belgique
sous le gouvernement français ; mais il éprouva beaucoup de lenteurs parce que
le personnel en était très peu nombreux. Il fut interrompu en 1814, pendant
deux années environ, par suite de l’occupation du territoire par les alliés ;
ce ne fut qu’à la fin de 1816 qu’on a réorganisé le service. Mais, du reste,
les opérations se sont continuées d’après les errements du gouvernement
français, et avec la même lenteur, parce que l’organisation était restée la
même. Je dois dire un mot des provinces septentrionales : on s’était occupé de
quelques arpentages sous l’empire ; ils furent continués sur le gouvernement
des Pays-Bas, mais il n’était pas fait d’expertises.
Les choses en
était là en 1825, quand les états-généraux sollicitèrent l’achèvement du
cadastre, et alors le gouvernement résolut de prendre une mesure extraordinaire
pour faire droit à leur demande ; mais on eut à examiner si les bases du
gouvernement français pouvait s’accorder au gouvernement des Pays-Bas ; il ne
se trouvait plus de concordance. Deux branches du royaume s’étaient vues
placées dans des circonstances commerciales et politiques différentes, de sorte
qu’on fut forcé d’adopter une nouvelle série d’années pour calculer le produit
des propriétés. Cette mesure, qu’on vous a présentée comme illégale, est
pourtant exactement conforme à la loi qui se borne à désigner un nombre
d’années. On déduit la plus forte et la plus faible, et on a la moyenne.
Je dois dire,
messieurs, que la méthode du gouvernement français était vicieuse : c’est
encore celle qui est suivie en France. Aussi la France n’aura-t-elle jamais
qu’un cadastre communal, tandis que chez nous il sera harmonisé de manière à
nous amener à un système d’unité. Notre méthode consiste à prendre pour base
toutes les communes d’un canton ; et, après avoir mis dans les travaux toute la
régularité et l’accord nécessaire, les employés se réunissent, fixent ensemble
l’évaluation et déposent leur travail au gouverneur de la province, qui le
transmet à l’administration centrale. Vous voyez combien ce système est
supérieur au précédent.
Mais on a dit :
« Pourquoi avoir changé le mode d’opérations, lorsqu’elles étaient presque
terminées. » Le cadastre était bien loin d’être aussi avancé qu’on le dit,
messieurs ; il en était à peine au tiers. Du reste, l’arpentage, pour lequel on
suit une règle invariable, a été maintenu seulement. Comme il avait été fait
depuis 20 ans, il a fallu réarpenter par suite des mutations qui avaient eu
lieu ; et même, je dois tout avouer, on a été obligé de réarpenter un grand
nombre de communes.
Quant aux
expertises qui avaient été faites, elles ont été révisées pour les ramener aux
nouvelles bases. Vous pouvez juger d’après cela si les reproches qu’on a
adressés à l’administration du cadastre sont fondés. D’ailleurs, ce ne sont pas
les agents de cette administration qui ont opéré le changement, c’est le
gouvernement lui-même ; vous jugerez donc, messieurs, si l’on peut les comparer
à des chenilles dévorant la feuille sur laquelle ils sont placés. Non, les
agents du cadastre savent remplir leurs devoirs et ce n’est pas un vil intérêt
qui les fait agir. Le système suivi est donc légal, et l’observation de
l’honorable membre est sans fondement.
On vous a dit que
des opérations aussi importantes et qui touchent à tant d’intérêts étaient
livrées à des mains inhabiles ; il n’en est rien, messieurs ; le personnel du
cadastre se compose d’anciens employés qui ont tout l’expérience nécessaire. A
la vérité, par suite de nouvelles mesures prises, on l’a augmenté en 1826 ;
mais les mauvais employés ont été soumis à un surnumérariat.
On vous a dit
encore qu’on n’avait pas distribué les bulletins aux propriétaires. Il faut
distinguer, messieurs, les bulletins d’arpentage sont distribués immédiatement
après l’arpentage ; mais, quant aux autres, s’il avait fallu interrompre les
travaux pour les communiquer, il en serait résulté une grande perte de temps et
des dépenses énormes.
Pour les frais de
route des agents principaux, ce n’est qu’une somme très minime et qui est tout
à fait indispensable.
L’orateur a parlé
aussi des tableaux d’évaluation, et il a dit que, s’ils étaient remis sous vos
yeux, vous y verriez d’étranges résultats. Messieurs, ces tableaux sont déjà
déposés à l’administration centrale, et je me ferai un plaisir de les communiquer
à tous les membres de cette assemblée qui le désireront, et, loin d’y
rencontrer des défectuosités, ils acquerront la conviction que tous les
résultats possibles ont été obtenus.
Quant aux
inspections extraordinaires dont on a cru devoir parler, ils sont tous deux
Belges, mais comme un suffisait, l’autre a été employé dans la Flandre
orientale où les opérations avaient été retardées, opérations qui seront
cependant terminées en 1832, par suite de nouvelles mesures que j’ai prises.
On a dit que
l’agent cadastral était un agent fiscal tout à fait étranger aux communes, et
qui venait pour imposer la chaumière du pauvre. Non, messieurs, notre
administration n’est pas fiscale ; c’est une administration toute paternelle au
contraire, et qui a pour mission de faire cesser les vices de la répartition de
l’impôt foncier.
On a prétendu que
les experts étaient des ignorants. Messieurs, ces experts sont choisi après de
longues années de service, quand ils ont des connaissances agricoles jointes à
toute l’impartialité nécessaire. Au surplus, ils sont aidés par les indicateurs
de l’administration communale. Ils travaillent dans des communes qui leur sont
étrangères, parce que c’est une obligation qui leur est imposée par le
gouvernement, et cela pour éviter qu’ils accordent des faveurs particulières à
personne.
Tous les reproches
qu’on a dirigés contre cette administration ne sont donc nullement fondés, et
les opérations ont reçu tout le perfectionnement possible. Dès lors, j’aime à
croire que vous ne donnerez aucune suite à la proposition faite par l’honorable
membre de nommer une commission pour examiner les travaux.
Je demanderai au
contraire que les dépenses soient maintenues dans leur intégrité. Les
opérations sur le terrain seront terminées avant la fin de 1832, à moins
d’événements imprévus, et en 1834 sera entièrement achevé le cadastre qu’on
estimait devoir durer un demi-siècle. Je dois toutefois excepter les provinces
du Limbourg et du Luxembourg, parce que les archives sont restées enfermées
dans les forteresses de Maestricht et de Luxembourg ; pour ces provinces nous
ne pourrons assigner le terme des opérations que quand les archives nous seront
remises. Ainsi les crédits qui sont demandés pour le Limbourg et le Luxembourg
sont indispensables ; toutefois, comme quatre mois de l’année se sont déjà
écoulés et qu’il est probable que les travaux n’y dureront pas plus de 6 mois
cette année, on pourrait réduire ces crédits de moitié.
Quant
aux règles de comptabilité, elles ne sont aussi sévères dans aucune autre
administration. Les propositions sont faites par les agents supérieurs,
transmises à l’administration centrale, qui les fait passer à la cour des
comptes, et c’est quand la cour des comptes y a apposé son visa, que le
ministre des finances délivre les fonds. Vous pouvez juger d’après cela si,
comme on l’a dit, la comptabilité du cadastre est un véritable dédale.
M. Barthélemy. - M. le commissaire royal vient d’expliquer les
motifs du changement de système du cadastre, qui était devenu nécessaire pour
mettre en harmonie deux branches du pays qui s’étaient trouvées dans des
circonstances politiques différentes. Je demanderai maintenant si le nouveau
changement politique qui a eu lieu ne nécessiterait pas de nouvelles bases, et
si celles actuelles peuvent subsister sans inconvénient. Voilà pour un point. En voici un autre. La base du système français était l’état des
choses en 1819, tandis que dans ce nouveau travail on a pris pour base l’époque
présente, et l’on ne rétrograde pas, de sorte que l’on n’a aucune considération
pour les efforts et le travail des personnes qui ont amélioré leurs terrains.
C’est pour encourager le propriétaire que le gouvernement français avait pris
pour base une époque antérieure. De cette méthode différente il résulte une
très grande variété pour les propriétaires : ainsi, par exemple, si l’on avait
pris pour base l’époque du gouvernement français pour évaluer la ville de
Bruxelles, on aurait trouvé un tout autre résultat qu’aujourd’hui. Il me semble
que le système français était plus juste. Je demande donc si l’on peut suivre
les mêmes bases, aujourd’hui que nous sommes séparés de la Hollande, quand nous
étions réunis, et, d’un autre côté, si l’on aura égard à l’augmentation ou au
déchet des propriétés.
M. Thiry, commissaire du Roi. - J’aurai l’honneur de faire observer qu’il n’y a
aucun motif pour revenir sur les bases adoptées, et, dans le cas même où de
nouvelles provinces viendraient s’adjoindre à la Belgique, il n’y aurait pas
encore de difficultés ; car, si elles n’étaient pas cadastrées, on ferait à
leur égard les mêmes opérations que celles dont il s’agit ; si au contraire
elles l’étaient, on n’aurait plus qu’à les ramener aux bases du royaume belge.
On
a dit, messieurs, que dans le système français on prenait pour base une époque
antérieure ; mais c’est ce qui se fait encore aujourd’hui. On prend pour base
une certaine période d’années, 1823, 1826, etc. Ainsi le cadastre français n’a
sous ce rapport aucun avantage sur le nôtre.
On a demandé aussi
si on aurait égard aux diminutions ou aux augmentations des propriétés. Il faut
distinguer. L’évaluation est immuable ; on ne peut y toucher qu’après un
certain laps de temps suffisant pour constater un dommage notable. C’est dans
ce sens qu’est faite la loi elle-même, et, bien que les bases du système soient
changées, les principes qui dirigeaient le gouvernement français sont toujours
les mêmes.
M. d’Elhoungne. - S’il s’agissait de discuter ici l’utilité de l’administration
du cadastre, j’accepterais volontiers la question sur le terrain où l’a placée
M. le commissaire du Roi ; mais l’unique objet qui doit nous occuper en ce
moment, c’est le chiffre et sur le chiffre nous n’avons reçu aucun
renseignement ; sous ce rapport, j’invoque les lumières de M. le commissaire du
Roi.
M. le président. - Mais ces renseignements viendront tout naturellement à la discussion
des articles.
- On passe à celle
des articles
Article
premier
« Art. 1er. Personnel du cadastre : fl.
115,110. »
La section
centrale propose une diminution de 5,600 fl.
M. Thiry, commissaire du Roi. - J’ai déjà dit que ces 5,600 fl., portés pour le
Limbourg et le Luxembourg, étaient une dépense éventuelle ; cependant, comme quatre
mois sont déjà écoulés, je ne vois aucun inconvénient à réduire ce crédit de
moitié.
M. Delehaye. - Mais les appointements des employés du cadastre
sont fixes ; en conséquence, je ne vois pas pourquoi l’augmentation.
M. Thiry, commissaire du Roi. - Cette somme ne servira pas à augmenter le
traitement des employés, mais à compléter le personnel pour les opérations du
Limbourg et du Luxembourg.
M. Verdussen. - Mais existe-t-il un nombre fixe d’employés ?
M. Thiry, commissaire du Roi. - Oui, il est fixe, sauf ceux dont on complètera,
s’il y a lieu, le personnel pour les deux provinces dont j’ai parlé, et pour
qui est demandée l’allocation de 5,600 fl.
M. Gendebien fait remarquer qu’on aurait dû diviser la somme en
deux allocations, savoir : une pour les employés actuellement existants, et une
autre éventuelle pour ce qui concernait le Limbourg et le Luxembourg. Autrement
la cour des comptes pourra accorder la somme globale sans contrevenir à aucune
loi. Les ministres doivent savoir rédiger convenablement un budget.
M. le ministre des finances (M.
Coghen) répond qu’il a
rédigé son budget dans le sens de l’exécution des 24 articles.
M. Gendebien. - Nous ne sommes pas ici pour faire des explications
législatives, mais pour faire des lois ; et, je le répète, si l’on alloue la
somme globale sans la diviser, la cour des comptes pourra la délivrer sans
contrevenir à la loi. Il faudrait au moins adopter une marche régulière.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere).
- M. Gendebien a parfaitement raison, les explications ne peuvent pas servir à
travers la ligne à la cour des comptes ; mais, en supposant même que la somme
fût déduite, le but qu’il se propose ne serait pas encore atteint, car
l’allocation serait toujours à la disposition du gouvernement, qui
l’emploierait de la manière qui lui conviendrait.
- La discussion est
close.
La réduction de la
section centrale est rejetée.
Celle proposée par
M. le commissaire du Roi est adoptée. En conséquence, le chiffre est fixé à
112,300 fl.
Article
2
« Art. 2. Matériel et dépenses : fl.
234,900. »
La section
centrale propose de n’allouer que 159,200 fl.
M. le ministre des finances (M. Coghen) consent à une réduction de 50,000 fl.
- La réduction de
la section centrale est rejetée.
Le chiffre proposé
en dernier lieu par M. le ministre des finances est adopté.
PROJET DE LOI PORTANT LE BUDGET DE L’ETAT POUR L’EXERCICE 1832
(RESTITUTION ET NON-VALEURS)
Le titre VII,
intitulé : « Remboursement, restitutions et non-valeurs, » montant à 515,805
fl., sur lequel la section centrale ne propose aucune réduction, est également
adopté sans discussion.
La séance est
levée à 4 heures.