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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 13 juin 1832

(Moniteur belge n°167, du 15 juin 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A une heure et demie on procède à l’appel nominal.

M. de Robaulx est remis de son indisposition ; il est présent à la séance.


M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Jacques fait connaître l’objet de plusieurs pétitions adressées à la chambre ; ces pétitions sont renvoyées à la commission spéciale.

Projet de loi portant organisation judiciaire

L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation judiciaire.

Discussion des articles

Titre III. De la cour de cassation

Article 21

M. le président. - Nous en sommes restés à l’article 21.

M. Barthélemy propose un amendement sur l’article 21. Cet amendement modifie en même temps les articles 2, 3, 18 et 20. Le voici :

« La cour de cassation se compose d’un président, d’un vice-président et de 14 conseillers.

« Elle se divise en deux chambres, l’une de neuf, l’autre de sept membres, siégeant à des jours différents, à fixer par son règlement de service.

« En cas d’empêchement du président ou du vice-président, ils sont remplacés par les doyens d’âge.

« En cas de récusation ou d’empêchement des conseillers de l’une des chambres, ils sont remplacés momentanément par les conseillers de l’autre chambre, en suivant l’ordre du tableau.

« La chambre composée de neuf membres s’occupe particulièrement des pourvois en cassation en matière civile et des questions de conflit d’attribution.

« Les autres affaires sont portées à la chambre composée de sept membres.

« Le parquet est composé d’un procureur-général et d’un avocat général. »

L’article 21, proposé par la section centrale, est ainsi conçu : « Les arrêts ne peuvent être rendus que par neuf membres y compris le président. »

M. Leclercq. - Messieurs, la partie de l’amendement relative au nombre des conseillers qui prononceront arrêt en cassation, diffère de l’article 21 du projet qui vous est soumis ; dans l’article 21 du projet de la section centrale, les arrêts de la cour de cassation doivent être rendus en matière civile et en matière criminelle au nombre de neuf conseillers ; dans l’amendement il y aurait sept membres à la section criminelle et 9 membres à la section civile. La section centrale a cru qu’il fallait même nombre de conseillers pour les matières criminelles que pour les matières civiles ; quoique généralement les questions criminelles soient assez simples, il s’en présente cependant qui, par les difficultés dont elles sont hérissées, et qui par leur importance pour les accusés, demandent les mêmes garanties que les questions civiles. Les décisions en matière civile, n’exercent d’influence que sur la fortune ; en matière criminelle, elles exercent une influence sur la liberté, la vie, l’honneur et même sur la fortune. C’est par cette considération que la section centrale n’a pas cru qu’il fallait rendre différent le nombre des conseillers dans les deux chambres.

M. Barthélemy. - Messieurs, il y a erreur de fait dans ce qu’on vient de dire.

En matière criminelle la cour de cassation ne juge pas sur la vie des citoyens ; elle juge si les formalités de la procédure ont été observées et c’est là une question très minime. Si les formalités n’ont pas été observées, la cour casse la procédure et elle renvoie l’affaire devant une autre cour.

Il y a une autre question qui peut aussi se présenter en matière criminelle ; c’est de savoir si la loi a été bien appliquée au fait, déclaré constant par le jury, c’est-à-dire si l’on a appliqué la peine légale. Ces questions ne me paraissent pas aussi difficiles que les questions en matière civile.

J’ai dit en présentant mon amendement pourquoi les juges qui décidaient en matière civile devaient être plus nombreux. C’est pour inspirer plus de respect à la cour de cassation, quand elle casse un arrêt pour violation de la loi ou usurpation de pouvoirs.

Au surplus il y a encore une chose qu’il faudrait prévoir et qui ne me paraît pas prévue dans le projet, si on veut mettre sur la même ligne la section criminelle et la section civile de la cour de cassation.

On a bien dit qu’en matière civile, lorsque l’arrêt d’appel sera cassé, l’affaire sera renvoyée à une autre cour d’appel, jugeant chambres réunies, et que si la question revenait une seconde fois à la cour de cassation, elle serait examinée par les sections réunies, mais on n’a rien dit de semblable pour les matières criminelles, quand il y a fausse application de la loi ; on n’a pas déclaré que dans le cas où la question se présenterait pour la seconde fois, la cour de cassation délibérerait les sections réunies ; on ne s’est pas occupé non plus de la manière dont la cour d’assises doit juger.

Quand il s’agit de vices de formes dans la procédure, on renvoie l’affaire à une autre cour d’assises ; mais quand on n’annule l’arrêt que pour fausse application de la loi, on est tout à fait dans le même cas que quand on annule en matière civile.

Il faut distinguer les matières criminelles des matières civiles, tout autre système ne me paraîtrait pas praticable.

M. Destouvelles. - La proposition de l’honorable préopinant et les moyens qu’il a présentés à l’appui, n’ont à mes yeux d’autre mérite que celui d’une novation extrêmement dangereuse. D’abord en jetant nos regards sur la cour de cassation française, nous verrons que par la loi organique du 22 ventôse an VIII, cette cour était divisée en trois sections, chacune composée de 16 magistrats, et ne pouvant juger qu’au nombre de 11 conseillers au moins. Ces règles étaient applicables, et aux sections qui jugeaient en matière civile et aux sections qui jugeaient en matière criminelle.

Je ne reproduirai pas les observations faites par l’un des honorables préopinants, et qui ont déterminé la section centrale à ne mettre aucune différence entre le nombre des juges pour le criminel et pour le civil ; quant à moi, si je pouvais établir une différence entre les sections, elle serait en faveur de la section criminelle. Je préférerais mettre 11 conseillers au criminel, que de les mettre au civil, Les intérêts discutés à la chambre criminelle sont d’une bien autre portée, que ceux discutés à la chambre civile.

On a dit, pour justifier une étrange disparité, qu’en cassation, pour le criminel, il ne s’agissait que d’examiner si la procédure était régulièrement instruite, que de voir si les formes avaient été observées ; que la cour de cassation n’a pas à juger de la culpabilité de l’accusé qui est définitivement fixée par le jury… Autant de mots, autant d’erreurs. En principe général la cour de cassation casse et annule pour défaut de formes. Je ne sais pas pourquoi on veut traiter les unes d’importantes et les autres d’indifférentes ; s’il y a des formes importantes c’est dans la procédure criminelle, parce qu’elles sont d’une autre nature que celles relatives aux matières civiles.

La cour de cassation ne connaît pas des faits… Sans doute ; mais il n’est pas vrai de dire que tout est irrévocablement consommé par rapport à la déclaration du jury, car si elle casse et annule, elle renvoie soit devant la cour d’assises, soit devant le magistrat qui le premier s’est écarté des formalités de la loi. Et dans cette hypothèse, il n’est pas seulement procédé à une nouvelle application de la loi, mais à une nouvelle déclaration du jury. Il n’y a que le seul cas où l’arrêt est cassé pour fausse application de la loi que la déclaration du jury subsiste. Alors on renvoie devant une autre cour pour infliger la peine.

Vous voyez donc, messieurs, que les motifs qui ont déterminé la section centrale ne sont nullement atténués par les arguments du très honorable préopinant. Je ne vois pas de raison, je le répète, pour établir une disparité entre les chambres civiles et criminelles de la cour de cassation.

J’ai appelé votre attention, dans la dernière séance, sur l’article 23. Lorsqu’après une cassation, le second arrêt ou jugement est attaqué par les mêmes moyens que le premier, la cause est portée devant les chambres réunies qui jugent en nombre impair.

Il importe particulièrement dans ces circonstances d’avoir une réserve de magistrats qui n’aient pas connu l’affaire, afin de verser de nouvelles lumières dans la discussion, et d’y apporter une opinion exempte de prévention, si la section civile juge au nombre de 9, et si vous n’ajoutez à cette section que sept magistrats, les préventions résultant d’une première décision prise peuvent dominer.

D’après ces considérations je crois qu’il n’y a pas lieu de donner le moindre accueil à la proposition de l’honorable M. Barthélemy.

M. le président. - La parole est à M. Jullien.

M. Jullien. - Je renoncerai à la parole parce que les observations présentées par l’orateur rentrent à peu près dans celles que je voulais soumettre à la chambre.

M. Bourgeois. - Je ne puis admettre l’amendement de M. Barthélemy. Dans aucune législation antérieure, il ne se trouve de disposition d’après laquelle on jugerait en cassation autrement en matière criminelle qu’en matière civile.

La loi de ventôse au VIII, comme vous l’a dit l’honorable préopinant, statuait que la cour de cassation de France se divisait en trois chambres composées chacune de 16 membres ; un article de cette loi dit que les sections ne pouvaient juger en nombre moindre que 11 conseillers. Il ne se trouve pas d’autre disposition. Les lois postérieures n’ont rien changé sur ce point.

Comme la cour de Bruxelles dans ses observations avait mis qu’en France, la chambre civile jugeait au nombre de 11 conseillers, et que la chambre criminelle jugeait au nombre de 9 conseillers, j’ai cherché toutes les lois antérieures à celle de ventôse an VIII, pour voir s’il se trouvait une loi, ou un avis du conseil d’Etat qui eût statué à cet égard. Je n’ai rien trouvé. Je n’ai rien trouvé non plus ni dans la loi portée en 1815, ni dans la charte de France, ni dans les dernières ordonnances portées en 1826. Je pense donc, que ce serait la première fois que l’on proposerait de composer la cour de cassation d’un nombre différent de membres.

On a dit que la chambre criminelle n’avait à juger que des points de droit, savoir si les formes avaient été observées ; de là on a pensé qu’il y aurait moins d’importance à juger les questions relatives à l’application de la loi dans les matières criminelles, que dans les matières civiles. Mais croit-on que l’application de la loi pour les travaux forcés à temps, à perpétuité, pour la perte de la vie, soient d’une importance moindre que s’il s’agissait simplement de la fortune ? Croit-on que la vie, la liberté et l’honneur des citoyens ne doivent pas être mis dans les mêmes balances où l’on pèse leur fortune ?

Il n’est pas vrai que les tribunaux criminels, appelés à juger, n’aient à prononcer que sur l’application de la peine ; ils peuvent avoir à résoudre des questions de dommages et intérêts pour la partie civile, questions très difficiles et très importantes. C’est même une des raisons qui ont fait augmenter le nombre des juges au criminel, l’on a senti qu’il ne convenait pas de faire décider par trois juges seulement des questions de cette importance, qui au civil étaient jugées par six magistrats.

On a dit : mais vous êtes obligés de prévoir un cas qui n’est pas énoncé dans le projet de la section centrale ; vous n’avez pas prévu ce qui arriverait si une seconde cour d’assises jugeait de même que la première.

A cela je réponds que par l’article 23 du projet de loi tout est prévu et qu’il n’y a point de lacune.

En matière criminelle que peut-il arriver si la cour de cassation annule l’arrêt ? C’est devant une autre cour d’assises qu’elle renvoie ; l’article 22 n’avait donc pas à s’occuper de ce cas.

Si la seconde cour d’assises juge de même que la première, il est certain que l’affaire doit être portée en cassation, toutes les chambres réunies comme pour les affaires civiles. L’article 23 porte : « Lorsque après une cassation le second arrêt ou jugement est attaqué par les mêmes moyens que le premier, la cause est portée devant les chambres réunies qui jugent en nombre impair. »

Envisageons maintenant l’amendement sous un autre point de vue. Il tend à diminuer le nombre des membres dont la cour de cassation sera composée, à la restreindre à quatorze conseillers, plus un président et un vice-président.

Il a été provisoirement admis que la cour d’appel ne jugera qu’au nombre fixe de 5 conseillers. Si ce nombre reste définitivement déterminé, je conviens que le nombre de 7 conseillers doit suffire en cassation. Si, au contraire, comme on l’a annoncé, on revient avec de nouveaux arguments contre cette décision, et que le nombre des conseillers de la cour d’appel soit porté à sept pour rendre jugement, le nombre 7 ne peut plus suffire en cassation.

Il y aura pourtant des membres qui, nonobstant l’augmentation du nombre des conseillers en appel, croiront que 7 conseillers suffisent pour rendre un arrêt en cassation ; je ne partage pas cette opinion.

Mais dans le moment actuel, comme je ne sais pas définitivement le nombre des conseillers qui rendront arrêt en appel, je ne puis me prononcer sur le nombre des conseillers qui composeront la cour de cassation.

En supposant 7 membres pour la chambre criminelle, je dis que les deux chambres doivent être composées d’un nombre pareil de conseillers. Il faut qu’il y ait de plus un président, deux vice-présidents, ce qui ferait 17 ; mais, en le restreignant à ce nombre, il faut donner une assurance de santé à ces magistrats ; s’il n’y a pas une compagnie d’assurance qui puisse les garantir des maladies, il faudra bien composer la cour de cassation de 19 membres. (On rit.) En attendant je voterai contre l’amendement de M. Barthélemy.

M. Barthélemy. - M. le ministre de la justice a proposé sept conseillers pour chaque chambre de la cour de cassation ; j’ai pensé qu’il en fallait neuf pour la chambre civile, je persiste dans ma proposition. Si la chambre veut de l’uniformité dans les deux chambres j’admettrai l’amendement de M. le ministre.

Quant aux compagnies d’assurances pour garantir la santé des magistrats, il n’en est pas besoin, les deux sections de la cour de cassation n’auront pas chacune pour six mois d’occupation par an ; ainsi les conseillers pourront facilement passer d’une chambre à l’autre.

M. Lebeau. - Je pense aussi qu’il y a lieu de mettre le même nombre de conseillers siégeant à la section civile et à la section criminelle.

Quand on compare les intérêts discutés à la section civile aux intérêts discutés à la section criminelle, il y aurait une sorte d’inconvenance, un acte de lèse-humanité, à subordonner d’une manière aussi ostensible la gravité des intérêts qui se rattachent à une cause criminelle, à la gravité des intérêts civils.

Il faut bien remarquer que les formes en matière criminelle sont pour constater le droit de défense, et que la société n’exerce le droit de punir qu’à condition que le droit de défense reçoive son plein et entier développement. La cour de cassation est établie pour surveiller l’usage du droit ; on a vu des arrêts prononçant la peine capitale annulés en cassation pour violation des règles de la défense, et donner lieu ensuite à des arrêts d’acquittement.

Voilà les considérations qui ne permettent pas d’établir la section criminelle dans un degré inférieur à celui de la section civile.

Je voudrais qu’on fixât à sept le nombre des conseillers pour rendre arrêt en matière criminelle et civile. Si vous voulez être conséquents avec une décision prise, vous devez vous borner actuellement au nombre de sept conseillers. Ce nombre est d’ailleurs conforme au projet primitif du ministre de la justice.

Je ne sais pas si la vérité, l’infaillibilité sont attachées à tel nombre ou à tel autre ; je crois que le choix des membres est tout à fait arbitraire. Si vous pensez que les membres puissent avoir une valeur absolue, je vous ferai remarquer qu’il faut onze conseillers à Paris, et que ce qui est vrai à Paris doit l’être en Belgique.

Ne procédons ici sous l’influence d’aucune espèce de précédent. C’est ainsi que vous l’avez fait pour la cour d’appel ; c’est ainsi que je vous propose de le faire pour déterminer le nombre des conseillers à la cour de cassation. Le nombre 7 me paraît suffisant pour chaque section.

Il est inutile de rappeler les considérations qui ont servi à faire triompher devant vous les amendements sur lesquels vous avez statué ; ce n’est pas simplement en vue d’une économie d’argent, on vous l’a dit, que vous devez vous déterminer ; c’est en vue d’une économie de capacités ; en fait de capacités nous sommes encore plus pauvres qu’en fait d’argent. (On rit.)

Si vous avez moins de conseillers, vous pourrez mieux les rétribuer ; vous pourrez mettre au concours les hautes fonctions de la magistrature, et par là vous aurez l’élite du barreau.

M. le président. - M. le ministre de la justice propose cet amendement : « Art. 21. Les arrêts ne peuvent être rendus qu’au nombre fixe de sept conseillera, y compris le président. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, d’après les observations qui viennent d’être présentées j’aurai peu de chose à dire sur l’amendement de l’honorable M. Barthélemy.

La section centrale propose le nombre fixe de 9 conseillers pour chaque chambre de la cour de cassation ; je propose de fixer ce nombre à 7.

Comme l’amendement de M. Barthélemy consiste uniquement à établir une différence entre les deux chambres, il me semble que si on le discute, je dois me restreindre à traiter la question de savoir si l’on doit juger en nombre différent au criminel et au civil. On nous a déjà fait remarquer que les matières criminelles présentaient des questions très importantes et aussi ardues que les questions provenant des matières civiles ; que de plus, au criminel, on traitait des intérêts les plus chers, puisqu’il s’agissait de la vie de l’homme, de la liberté des citoyens, et qu’ainsi il n’y avait pas lieu à distinction entre les deux chambres, quant au nombre des conseillers.

Tous les motifs ayant été développés à cet égard, je crois devoir me borner à ajouter une seule observation.

Le projet de M. Barthélemy porte : « La chambre composée de neuf membres s’occupe particulièrement des pourvois en cassation en matière civile, et des questions de conflit d’attribution. Les autres affaires sont portées à la chambre composée de sept membres. »

Ainsi la chambre criminelle n’aura que sept conseillers ; mais les questions agitées devant cette cour sont souvent bien plus graves que les questions relatives aux matières civiles où il ne s’agit quelquefois que d’un mur mitoyen. Les prises à partie de juges doivent être portées devant la section criminelle ; ce sont des questions aussi importantes que les conflits d’attribution.

Je crois qu’il n’y a aucune distinction à faire entre les deux chambres pour le nombre des juges.

M. Barthélemy. - Je me rallie à la proposition de M. Lebeau, qui demande 7 membres dans chaque chambre.

M. le président. - L’amendement de M. Lebeau est le même que celui de M. le ministre de la justice.

M. Lebeau. - Alors je retire ma proposition et j’appuie celle du ministre.

M. Leclercq. - On a dit que pour être conséquent avec nous-mêmes, qu’après avoir fixé à 5 le nombre des membres jugeant en appel, il fallait fixer à 7 le nombre des conseillers jugeant en cassation. Je ne rappellerai pas toutes les considérations que l’on a fait valoir, On a dit que 7 conseillers éclairés présentaient plus de garanties que 5 ; je crois en effet que 7 hommes capables présentent plus de garanties que 5. Quant à la pénurie des hommes capables, je crois que quatre ou cinq hommes pris dans le barreau et dans un pays où le droit est cultivé, ne doivent pas effrayer. Aujourd’hui les chambres de cassation à Liége et à Bruxelles prononcent au nombre de 11 conseillers, tandis qu’en appel on peut prononcer au nombre de 5. Vous serez donc fidèles à ce qui existe et à ce que vous avez fait, en fixant le nombre 9 en cassation après avoir fixé 5 en appel.

M. Lebeau. - Je suis de l’avis du préopinant : sept conseillers donnent plus de garanties que cinq ; et tirant les conséquences de son raisonnement, je dirai que neuf conseillers instruits présentent plus de garanties que sept ; que onze en présente plus que neuf ; que treize en présente plus que onze, etc. ; on peut parcourir avec cet argument une série de chiffres sans limites.

Mais je dis que vous devez fixer le nombre arbitrairement, que vous devez le fixer de telle manière que vous puissiez améliorer le sort des magistrats, et non faire des réformes et déplacer des existences consacrées par la loi.

Si le nombre choisi est insuffisant pour rendre la justice, il vous sera facile de l’augmenter ; mais au moins faites-en l’expérience. Si au contraire, vous choisissez un nombre trop élevé, vous serez attaché à perpétuité à l’abus, parce qu’à côté de l’abus se trouvera créé un droit respectable, et des existences auxquelles vous ne pourrez toucher.

Messieurs, il faut qu’une nation soit modeste, comme un individu ; cette vertu est utile à tout un peuple. Vous trouverez facilement quatre ou cinq capacités dans le barreau ; mais à côté de la cour de cassation vous créez d’autres cours ; eh bien, je vous le demande, quand vous créez un personnel d’à peu près cent conseillers, n’êtes-vous pas exposés à un peu de pénurie, surtout quand ce traitement est tel que les capacités se prononcent en faveur des professions indépendantes, en faveur du barreau ?

Quand nous aurons fixé le strict nécessaire, il nous sera beaucoup plus facile de faire une position telle à la magistrature, qu’elle puisse se recruter dans le barreau et dans l’élite du barreau, véritable pépinière des magistrats.

Je demande que mon amendement, qui n’est pas tout à fait le même que celui de M. le ministre de la justice, soit mis aux voix. Il est en harmonie avec ce que vous avez décidé sur le nombre des juges de première instance et des conseillers d’appel.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - L’amendement que j’ai proposé rentre dans celui de l’honorable préopinant. Il était rédigé avant que l’on ait mis dans la loi le mot « fixé » pour les tribunaux de première instance et les cours d’appel.

On a fait quelques objections contre l’amendement considéré en lui-même. Je ferai observer que d’après les précédents que vous avez adoptés, le nombre 7 présente une graduation par deux dans tout l’ordre judiciaire.

Pour la justice de paix il y a un juge.

Pour les tribunaux de première instance il y en a trois.

Pour les cours d’appel il y a cinq conseillers.

La cour de cassation en aurait sept dans chaque chambre.

Ainsi, c’est une graduation qui a lieu depuis la sommité de l’ordre judiciaire jusqu’au fonctionnaire le moins élevé.

Je crois que le nombre sept est suffisant.

Les arguments tirés de l’économie de la dépense méritent d’être pris en considération, quoique l’économie ne soit pas à elle seule un motif suffisant pour se restreindre.

On a prétendu qu’il y avait un précédent contraire au nombre favorable au nombre 9, on a cité les cours de Liége et de Bruxelles, qui rendent des arrêts en cassation au nombre de 11 conseillers. Mais dans ces cours il y a une espèce d’anomalie ; elles jugent en cassation au nombre de 11 membres pour les affaires civiles, et au nombre de 7 membres au criminel. Je ne crois pas que l’on se soit plaint jusqu’ici de ce dernier nombre, ni que l’on ait trouvé qu’un plus grand nombre de conseillers ait rendu de meilleurs arrêts.

Déjà l’on a établi que l’on ne pouvait faire de différence, quant au nombre, entre le criminel et le civil, parce que les matières criminelles sont aussi importantes que les matières civiles.

En prenant le nombre sept, nous ne faisons que maintenir ce qui existe actuellement pour le criminel.

Il y a d’autant plus lieu de conserver ce nombre uniformément aux deux chambres, qu’il y a 5 conseillers en appel au civil et au criminel.

Je ne crois pas qu’un plus grand nombre de conseillers à la cour de cassation donnerait plus de garanties.

Il me semble que 7 bons jurisconsultes peuvent tout aussi bien saisir une question, l’apprécier, que 9 ; que dans ce nombre 7, vous aurez des garanties suffisantes et qu’il n’y a nullement lieu à l’augmenter.

M. Jullien. - Je crois qu’il y a un remède contre la perpétuité de l’abus signalé par M. Lebeau. Il a dit qu’en admettant 18 conseillers au lieu de 14, on ne pourrait plus par la suite déranger des existences légales. Si cependant l’expérience avait prouvé que le nombre des conseillers peut être diminué, le remède à cet inconvénient est dans la mort des conseillers, dans les vacances qui viendront dans un temps même assez court pour qu’on n’ait pas pu faire d’expérience de la loi que vous voulez porter.

En France il y a 48 conseillers, indépendamment du président, des vice-présidents, du procureur-général et des avocats-généraux.

Chaque section est composée de 16 conseillers et il n’y a pas d’arrêt quand il n’y a pas 11 conseillers.

On dira que la population est plus considérable en France ; mais la population ne fait rien là-dedans. Le nombre des conseillers doit être déterminé par la bonté du jugement ; la cassation est un remède extrême ; elle exige une garantie et dans la capacité et dans le nombre de ceux qui doivent en connaître.

S’il fallait établir le nombre des conseillers d’après l’échelle de la population, nous dirions : pour 32 millions d’habitants il y a 48 conseillers, pour 4 millions il en faudra 6. Ce résultat vous démontre l’erreur du raisonnement,

Si vous voulez une cour de cassation, il faut l’établir avec les conditions de son existence, avec un nombre suffisant de conseillers.

Si l’expérience prouve qu’on peut diminuer le nombre des conseillers, la mort ou les vacances ramèneront les choses à l’équilibre, et par une loi vous fixerez un nombre inférieur.

Certainement vous augmenterez les attributions de la cour de cassation, Elle aura à juger des questions concernant les gardes civiques, les milices, les droits électoraux, etc. Les pourvois du fisc lui donneront de l’occupation indépendamment des pourvois en matière civile et criminelle, et je suis persuadé qu’elle en aura toute l’année.

D’après les recueils des arrêtistes, on voit qu’en France les arrêts viennent au bout de 18 mois, deux ans après le pourvoi. Il y a donc en France insuffisance de conseillers.

Je voterai pour un nombre égal de neuf conseillers dans la chambre de la cour de cassation.

M. Devaux. - Je me prononcerai aussi pour le nombre de 7 conseillers. On vous a dit que ce n’était pas une raison que la différence de population, dans une question de ce genre, et que nous ne pourrions pas faire avec 7 conseillers, ce qu’en France on a jugé nécessaire de faire faire par 11. Je sais que la population ne peut pas être prise comme une base absolue ; cependant il y a une raison assez péremptoire à en tirer en faveur du système que je soutiens. C’est que sur une population de 32 millions d’habitants, il est facile de trouver plus de capacités que sur une population de 5 millions.

Il y a encore une autre observation à faire. Vous remarquerez qu’en France les conseillers à la cour de cassation peuvent remplir en même temps d’autres fonctions dans l’administration ; ici ils seront exclus de tout emploi salarié et même des chambres ; tous les membres de la cour de cassation sont confisqués au profit de l’ordre judiciaire. C’est une raison de plus pour en être avare.

Un honorable préopinant a dit : commençons par neuf conseillers, et si l’expérience prouve que sept soient un nombre suffisant, nous y reviendrons. Mais comment voulez-vous qu’il soit jamais prouvé que sept conseillers suffiront, si nous commençons notre expérience par le nombre de neuf.

Quant au nombre de pourvois que la cour de cassation sera appelée à juger, rien ne donne lieu de croire que le nombre fixé d’après la proposition de sept pour chaque chambre, ne soit suffisant.

Voici ce qu’on lit dans l’avis des cours et tribunaux sur le projet : « La cour de Bruxelles, siégeant en cassation, n’a reçu depuis 1814 jusqu’en 1830 que 600 pourvois ; donc, moins de 40 par année. La cour de Liége depuis 1815 jusqu’en 1830 n’en a reçu que 301 ; donc, vingt par année. » J’admets cependant que d’un côté les pourvois seront plus nombreux, parce que ce ne sera plus une fraction de cour qui cassera les arrêts d’une autre fraction, et par cela même la cour de cassation inspirera plus de confiance aux justiciables.

Mais, d’un autre côté, il y aura une cause de diminution dans l’éloignement. Il est certain que les justiciables des cours de Liège et de Gand se pourvoiront moins que si la cour de cassation se trouvait à leur chef-lieu. Il leur faudra changer d’avocat, faire des voyages, se déplacer, en un mot, l’éloignement les exposera à de plus fortes dépenses, et cela influera nécessairement en moins sur le nombre des pourvois. Mais quand leur nombre serait doublé et même triplé, je crois que le nombre de sept conseillers pour chaque chambre sera suffisant. Il y aura toujours avec ce nombre assez de garantie pour les justiciables.

Qu’arrive-t-il, en effet, lorsqu’il y pourvoi contre un arrêt ? La cour de cassation casse ou confirme. Si elle confirme, sa décision est forte non seulement du nombre de ses votes, mais encore de ceux de la cour dont elle maintient la décision ; si elle casse, son vote sera fortifié par celui de la cour à qui elle renverra, si cette cour juge dans le même sens, et si elle juge dans un sens opposé, vous savez que la cause sera soumise à la décision des chambres réunies, et, par conséquent, jugée par un bien plus grand nombre de conseillers.

Il est une autre cause qui pourrait rendre désirable que la cour fût plus nombreuse, lorsqu’il s’agira de l’accusation des ministres par exemple ; mais, dans ce cas, la constitution l’a ordonné, la cour siégera sections réunies Il faudrait aussi que les conflits d’attribution fussent jugés par un plus grand nombre de conseillers. Ce sont des matières trop importantes pour ne pas les environner de garanties plus grandes, s’il se peut, que toutes les autres. On pourrait décider que les conflits d’attribution seront jugés chambres réunies ; mais dans aucun cas, comme on voit, il ne serait nécessaire d’augmenter le nombre des conseillers siégeant dans chaque chambre. D’après ces considérations, je voterai le nombre de 7.

M. Ch. de Brouckere. - Je partage l’opinion du préopinant et je dirai comme lui que la population ne doit pas influer beaucoup sur le nombre des conseillers nécessaires pour rendre un jugement ; en prenant pour base la population, si nous avons ici deux chambres, il en faudrait seize en France, car il y a 8 fois autant de population en France qu’en Belgique. Mais s’il y a 8 fois autant de population en France qu’en Belgique, en supposant l’égalité des lumières dans les deux pays, il y aurait aussi 8 fois autant d’hommes capables. Et cependant là il n’y a que 3 chambres et il y en aura deux chez nous ; c’est une raison de plus pour diminuer ici le nombre des membres. L’élément du nombre n’est pas fait du reste pour exercer une influence absolue sur la bonté des jugements a beaucoup près, et si l’on pouvait faire abstraction des lumières des juges pour n’avoir égard qu’à leur nombre, en cas de partage le nombre 7 offrirait plus de chances de vérité que celui de 9.

Je vois d’honorables membres qui font des signes de dénégation ; je vais prendre pour exemple un nombre beaucoup plus fort. Je suppose 201 juges ; en cas de partage, 100 jugeant d’une manière, 101 de l’autre, je dis qu’il vaudrait autant jouer à tête ou croix pour savoir de quel côté est le bon droit ; car, je vous le demande, qu’est-ce qu’une voix sur 200 ? Si donc on fait abstraction des lumières, le moindre nombre serait celui qui présenterait le plus de garanties. Pourquoi demande-t-on un grand nombre de juges ?

Parce qu’il y a plus de chances, avec plus de lumières, d’arriver à la vérité. Mais si vous forcez le nombre relativement au nombre d’hommes instruits que présente le pays, vous le faites aux dépens des lumières, parce qu’il est bien certain qu’une fois le nombre d’hommes éclairés dépassé, plus vous augmentez le nombre des juges, plus vous diminuez les chances d’arriver à un bon jugement. Il y a, du reste, trop d’éléments dont il faut tenir compte dans la décision d’un tribunal, pour que le nombre des juges qui la rendent soit autre chose qu’une chose tout à fait arbitraire pour la bonté du jugement, et comme on vient de vous le dire, les arrêts de la cour de cassation sont toujours corroborés par la décision d’une autre cour. Je voterai pour le nombre de sept conseillers.

M. Leclercq. - Il me semble, messieurs, que les deux préopinants ont détourné complétement la question. Certainement, il faudrait avoir égard à la population s’il s’agissait de déterminer le nombre des tribunaux. Car, si vous avez 100 procès à juger par année, ou 40 seulement, il est bien évident que dans le premier cas vous aurez besoin d’un plus grand nombre de tribunaux que dans le second.

Mais quand il s’agit de savoir par quel nombre de juges sera rendu un arrêt, qu’il y ait 10 procès à juger, qu’il y en ait 40, il n’en faut pas moins le même nombre de juges pour chaque arrêt, et il faut autant de lumières pour en rendre un que pour en rendre 10. Vous voyez donc que les honorables membres ont complètement détourné la question. Il ne s’agit pas ici de déterminer le nombre de conseillers dont sera composée la cour de cassation, mais de savoir combien il faut de juges réunis pour rendre un arrêt, et vous voyez que la question tombe en la posant de cette manière. Si nous posons neuf juges pour rendre un arrêt en cassation, on nous dit que sept suffisent, qu’il y a, en cas de partage, plus de chances d’arriver à la vérité avec ce dernier nombre, et qu’au reste, plus on l’augmente, plus ces chances diminuent. Cela serait vrai si les membres d’une assemblée donnaient leur voix au hasard, mais ce n’est pas là la question.

Je dis qu’avec 9 juges il y a plus de garanties de découvrir la vérité que quand il n’y en a que 7, parce que neuf hommes, probes, éclairés, impartiaux, se communiquant leurs lumières, présentent assurément plus de garanties qu’un moindre nombre. Eh ! messieurs, n’est-ce pas une vérité reconnue et pratiquée, tous les jours ailleurs que dans les tribunaux, les avocats, les médecins, quand des cas difficiles se présentent à eux, que font-ils ? Ils appellent les lumières de leurs confrères, ils en réunissent plusieurs autour d’eux pour délibérer, parce qu’ils savent bien qu’avec le concours de leurs lumières, ils se tireront plus aisément d’embarras. On nous a dit que le nombre de voix n’avait pas de valeur absolue pour garantir la bonté du jugement. J’en conviens ; aussi n’avais-je dit rien de semblable.

Le nombre de 9 est, dit-on, arbitraire ; non, messieurs, car nous avons pour nous l’expérience, et c’est plutôt le nombre de 7 qui est arbitraire, puisqu’en l’adoptant vous faites du nouveau ; vous changez ce qui est aujourd’hui sans pouvoir calculer les résultats de ce changement. On vous a dit enfin qu’en matière criminelle la cour de cassation délibérait aujourd’hui au nombre de sept juges. Cela est vrai ; mais vous savez aussi que la section civile est composée de onze juges, et jamais on n’a élevé de réclamations contre ce dernier nombre, tandis que l’on s’est plaint fort souvent de la composition de la section criminelle. Je persiste, par ces motifs, à demander que les chambres soient composées chacune de neuf conseillers. (Aux voix ! aux voix !)

M. Destouvelles. - Messieurs, je ne conçois pas qu’on puisse se prévaloir de la population pour fixer le nombre de juges qui devront concourir à un arrêt ; on pourrait s’en prévaloir tout au plus pour fixer le nombre des chambres et là où il y a une population de 32 millions d’âmes, il est évident qu’il faut plus de chambres que là où l’on n’en compte que 4 millions ; mais comme on ne juge qu’une affaire à la fois, il est certain qu’à chacune d’elles, le même nombre de juges est nécessaire quelle que soit la population du pays, parce que quand il s’agit de la nullité d’un testament par exemple, la question est tout aussi grave et tout aussi difficile, chez nous où l’on compte 4 millions d’habitants, qu’en France on l’on en compte huit fois autant.

Quant au nombre d’affaires que la cour aura à juger, ce n’est pas sérieusement, je pense, que l’on a invoqué celui dont les cours de Bruxelles et de Liége ont connu depuis 15 ans, parce que l’on sait bien que la bizarre composition de la cour de cassation ne présentant aucune garantie aux justiciables, il en était un grand nombre qui renonçaient à se pourvoir ; les pourvois étaient en quelque sorte devenus illusoires ; j’invoque à cet égard le témoignage de plusieurs de nos honorables collègues, qui ont eu comme moi l’occasion de se convaincre de la vérité de ce que je dis.

Je n’entrerai pas dans des calculs ni dans des comparaisons pour établir quel nombre de voix présente le plus de garanties d’un bon jugement, mais on ne peut se dissimuler que, pour commander à l’extérieur, un nombre plus grand n’est pas sans influence. Quelques membres sont demeurés d’accord, que le commun des plaideurs ajoutait plus d’importance aux décisions de neuf juges qu’à un nombre moindre. C’est déjà quelque chose que la confiance des plaideurs dans leurs juges, et puisque un plus grand nombre de juges commande beaucoup plus qu’à l’extérieur, il faut adopter le nombre, quand il est d’ailleurs en harmonie avec les besoins et avec les ressources du pays.

M. H. de Brouckere. - Les deux honorables préopinants ont déjà répondu à l’argument pris de la population et à l’influence qu’elle doit exercer sur la composition de la cour de cassation. Mais je vais plus loin qu’eux, et je soutiens que plus la population d’un pays est grande, plus le nombre des conseillers doit être restreint (ah ! ah !) et voici comment je le prouve.

Plus la population d’un pays est grande, plus on y trouve d’hommes instruits. Là où il y a des hommes instruits, je consentirai volontiers à n’être jugé que par cinq juges. (Hilarité) Mais là où il n’y a pas d’hommes instruits, j’en demanderai un plus grand nombre parce que là où je ne trouverai pas la qualité, je veux pouvoir m’en indemniser par la quantité. (Nouvelle hilarité.)

Voilà, messieurs, comment tous ces arguments se rétorquent, et juger du peu de fondement qu’il y faut faire. Un préopinant a dit que plus le nombre de juges était augmenté, plus la garantie diminuait, et il a pris pour exemple un jugement qui serait rendu par 201 juges, disant qu’en cas de partage, il vaudrait autant chercher à tête et pile de quel côté est le bois droit. D’abord ce cas se présentera rarement, ou, pour mieux dire, jamais ; mais quand il se présenterait, vous auriez autant de garantie avec ce nombre qu’avec un autre, parce que lorsque 100 juges auront prononcé d’un côté et 100 d’un autre, la cause sera décidée par le deux cent unième, et c’est comme si vous vous en étiez remis au jugement d’un seul juge. Je dis donc que plus le nombre des juges est considérable, plus il y a de chances pour que la vérité triomphe. D’après ces considérations, je voterai pour le nombre de neuf conseillers, et j’espère bien que sur le vote définitif de la loi, on reviendra sur la réduction de 7 à 5 prononcée pour les cours royales, décision que je trouve mauvaise et qui est sujette à bien des inconvénients.

M. de Robaulx. - Messieurs je regrette aussi la décision par laquelle la chambre a réduit à cinq les conseillers des chambres de cours royales, surtout pour ce qui concerne les appels de police correctionnelle. Une disposition, une des premières dispositions bienfaisantes du gouvernement provisoire fut de donner plus de garantie aux accusés en matière correctionnelle. Il peut se présenter des délits politiques ou de la presse, et si une majorité d’une voix peut condamner...

- Plusieurs voix. - Mais c’est le jury qui jugera ces délits.

M. de Robaulx. - Je me trompais ; mais il y a des délits pour lesquels le gouvernement est tout aussi intéressé à obtenir une condamnation contre leurs auteurs, et certes il est bien plus facile d’influencer un magistrat que plusieurs. Je ne fais point ici injure à la magistrature ; mais quelque respect que je lui doive, on a malheureusement vu des corps de magistrats qui déshonoraient l’ordre judiciaire et sur lesquels le gouvernement exerçait une influence évidente. J’aurais au moins voulu qu’on ne mît pas dans l’article le mot « fixé » et qu’on laissât aux cours le droit de délibérer au nombre de plus de 5 conseillers.

Quant à la cour de cassation, la discussion en ce moment est entre ceux qui demandent 9 conseillers et ceux qui n’en veulent que 7. Je me réunis aux premiers. Je ne suis pas de ceux qui pour fixer tel ou tel nombre pensent qu’il faut avoir égard à la population, mais je pense que le nombre de 9 est nécessaire pour donner toutes garanties aux justiciables dans tous les pays, et parce que nous ne sommes que quatre millions d’habitants, nous avons autant d’intérêt que les Français à conserver notre fortune, notre honneur, notre vie.

Je ne suis pas du tout de l’avis de M. Ch. de Brouckere qui pense que la garantie décroît en raison directe de l’augmentation des juges. J’ai toujours entendu dire qu’il y avait plus d’esprit dans deux têtes que dans une seule. Non pas que je ne sache que quatre imbéciles ne valent pas un homme d’esprit, et je n’ignore pas non plus qu’on a dit autrefois de l’académie : ils sont 40 qui ont de l’esprit comme quatre (on rit) ; mais je parle ici d’hommes éclairés et capables de rendre un jugement, je dis que de ces hommes réunissant plus de lumières que 7, sont certainement plus capables de donner garantie et sécurité aux plaideurs.

J’examinerai, d’ailleurs, la question sous un autre point de vue, sous celle de l’influence que le pouvoir peut exercer sur les tribunaux. Vous avez gémi comme moi, messieurs, de ces nombreux procès du fisc où des malheureux ont été poursuivis avec outrance. Eh bien, qu’arrive-t-il dans de tels procès ? Le fisc vous poursuit, et vous savez qu’il a le pro deo, il plaide gratis lui. Si vous gagnez, vous n’avez rien à récupérer contre lui, vous en êtes pour vos frais ; si vous perdez au contraire il récupère tout contre vous. Je vous le demande si vous étiez en procès avec le fisc, n’aimeriez-vous pas mieux être jugés par neuf que par sept ?

Croyez-moi, messieurs, la tendance de tous les pouvoirs est la même ; tous tenteront toujours d’influencer les juges quand ils seront intéressés dans la cause, et quand la cour de cassation siégera à Bruxelles elle se ressentira plus ou moins du voisinage du pouvoir. C’est une considération que le législateur ne doit jamais perdre de vue.

Quand il s’agit d’affaires criminelles pour lesquelles vous avez institué le jury, vous avez cru qu’il fallait une majorité assez imposante pour condamner l’accusé ; vous avez voulu 8 voix contre quatre et quand la condamnation est prononcée à la simple majorité vous avez exigé que la cour se réunît à la majorité, c’est-à-dire que 12 voix contre cinq se prononçassent pour la condamnation, et quand il s’agira de questions aussi importantes que celles que décide le jury, une simple voix cassera un arrêt !

Songez, messieurs, qu’il est des questions de droit dont la solution entraîne des conséquences de la plus haute importance. L’article 300 du code pénal relatif à l’infanticide, par exemple, entraîne la peine de mort contre l’auteur du crime. Eh bien, l’interprétation de cet article par la cour peut envoyer à l’échafaud l’auteur du meurtre sur un enfant de 10 ou de 20 jours. Et c’est à la majorité d’une seule voix que cette question pourra être résolue ! Quand il s’agit de questions aussi importantes, il me semble qu’on ne saurait donner assez de garanties aux accusés.

M. Devaux a parlé des conflits qu’il voudrait voir juger chambres réunies. Eh bien, messieurs, je suppose que vous décidiez le contraire, car encore il n’y a rien d’arrêté à cet égard, eh bien ! comme un conflit est un débat entre le gouvernement et des particuliers, une seule voix pourra prononcer sur des intérêts très majeurs. Ce sont des considérations importantes que je vous livre et l’on sent que dans une improvisation on ne peut pas prévoir tous les cas qui peuvent se présenter. J’en reviens à ce que j’ai dit, qu’il faut prévoir l’influence du pouvoir sur la magistrature et la paralyser par tous les moyens possibles. (Aux voix ! aux voix !)

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole. (Aux voix ! aux voix !)

L’honorable préopinant a parlé des matières fiscales, pour lesquelles, dit-il, il faut donner plus de garantie aux plaideurs contre l’influence du gouvernement. Mais, messieurs, vous avez une garantie dans l’inamovibilité des juges ; et cette garantie, la plus forte que vous puissiez avoir, aura autant de force à l’égard de sept juges qu’à l’égard de neuf.

La deuxième objection consiste à dire qu’une seule voix pourra faire pencher la balance de tel ou tel autre côté. Mais il n’est personne de vous qui n’ait déjà fait la réflexion qu’il en sera toujours de même, que le nombre de juges soit de neuf ou de sept seulement. Je crois donc qu’il faut s’en tenir au nombre de sept, c’est du reste ce que vous devez faire si vous voulez être conséquents avec le vote émis pour les cours royales, et d’après lequel elles ne jugeront qu’à cinq conseillers. Je conçois qu’on puisse y revenir lors du vote définitif, mais jusque-là vous êtes censé travailler sur vos errements, et pour être conséquents, je le répète, vous devez adopter le chiffre de sept. (Aux voix ! aux voix !)

M. Jullien. - C’est précisément parce que nous sommes conséquents que nous, qui avons demandé sept conseillers pour les cours royales, nous en demandons neuf pour la cour de cassation. (Les cris : aux voix ! redoublent.)

M. Bourgeois. - Je demande la parole. (Aux voix ! C’est assez !). C’est pour une motion d’ordre. (Non ! non !)

M. A. Rodenbach. - On n’en finira pas. (Aux voix ! aux voix !)

M. Bourgeois. - Je n’ai qu’un mot à dire et c’est pour une motion d’ordre (Mouvement d’impatience.). Je demande, puisqu’on parle de revenir sur ce qui a été voté, lors du vote définitif de la loi, que l’ordre pour le vote des articles, soit suivi, d’après celui qui a été observé dans la discussion de la loi. C’est-à-dire qu’on commence par les tribunaux de première instance pour de là passer aux cours, et ensuite à la cour de cassation.

M. H. de Brouckere. - C’est entendu. (Aux voix ! la clôture !)

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

On met aux voix la question de savoir si les chambres seront composées de sept juges, comme l’a proposé M. le ministre de la justice.

L’épreuve est douteuse. (L’appel nominal !)

M. le président. - Comme la question est très importante, on va procéder à l’appel nominal.

- Voici le résultat : Votants, 64. Oui, 34 ; non, 30.

L’amendement de M. le ministre de la justice est adopté.

Ont voté pour : MM. Barthelemy, Berger, Boucqueau de Villeraie, Ch. de Brouckere, de Foere, de Muelenaere, de Terbecq, Devaux, Dewitte, d’Hoffschmdit, d’Huart, Domis, Dubus, Dumortier,, Hye-Hoys, Jacques, Lebeau, Legrelle, Mary, Milcamps, Morel-Danheel, Olislagers, Osy, Poschet, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Ullens, Vergauwen, Verhaegen, Ch. Vilain XIIII, Vuylsteke, Zoude et Goethals.

Ont voté contre : MM. Taintenier, Bourgeois, Brabant, Cols, Coppieters, H de Brouckere, Delehaye, d’Elhoungne, Dellafaille, de Robaulx, de Roo, Desmanet de Biesme, Desmet, Destouvelles, Dumont, Fleussu, Helias d’Huddeghem, Jonet, Jullien, Lebègue, Leclercq, Lefebvre, Mesdach, Raymaeckers, Seron, Vanderbelen, Van Innis, Van Meenen, Watlet et de Gerlache.

Article 2

On revient à l’article 2 du projet ainsi conçu :

« Elle (la cour de cassation) est composée d’un premier président, de deux présidents de chambre et de 22 conseillers. »

Ici s’applique le premier paragraphe de l’amendement de M. Barthélemy (Voir plus haut.)

M. Barthélemy. - Messieurs, je combats d’abord l’idée d’un premier président. On a inauguré cela lors du règlement impérial, on accorda alors au premier président des prérogatives très considérables, et on voulut l’élever très haut. C’étaient des idées de pouvoir que l’on réalisait. Nous n’avons pas besoin de tant d’étalage, ni de faire du grandiose. Nous avons eu des cours souveraines autrefois dans notre bon petit pays (hilarité) et nous n’avons jamais eu de premier président. Nous avions le conseil de Brabant qui n’avait qu’un président, le chancelier, et ce ne fut qu’au déclin de son âge qu’on lui adjoignit un vice-chancelier.

Ici donc on peut se contenter d’un président et d’un vice-président, sans faire pour une place de premier président une dépense que nous n’avons pas le moyen de faire. Après eux, 14 conseillers et à la rigueur nous pourrons nous contenter de 12, puisque le président et le vice-président tiendront lieu de deux et suffiront pour faire le service.

La seule objection faite contre ce nombre, est une plaisanterie de M. Bourgeois, qui a demandé si l’on trouverait une compagnie d’assurance contre les maladies. J’ai déjà répondu à cette objection, et j’y répondrai encore de la même manière ; je défie qui que ce soit de me prouver que la cour aura de l’occupation pour toute l’année ; j’ai dit qu’il pouvait y avoir par an 200 affaires, et c’est beaucoup, dont 150 à rejeter sur le banc, et les 50 autres après discussion. Quant à toutes les autres affaires, on en expédiera 5 ou 6 par jour sans beaucoup de peine ; parce que dans toutes ces affaires en cassation, il y a le rapporteur qui seul prend connaissance de l’affaire, avec le ministère public à qui l’on communique les pièces. Quand le rapporteur et le ministère public sont du même avis, l’arrêt passe toujours sans difficulté.

- Plusieurs voix. - Et les avocats.

M. Barthélemy. - Les avocats sont entendus avant le ministère public ; mais ça n’y fait rien (hilarité), l’arrêt passe toujours (nouvelle hilarité.) quand il y a différence d’opinion, la cour se partage aussi, parce que les uns s’en rapportent au ministère public, les autres au rapporteur. (Hilarité nouvelle.) Vous avez beau vous récrier, messieurs ; cela se fait ainsi. Les pourvois en matière électorale et autres semblables seront tous jugés en 15 jours. Je ne vois donc pas pour si peu de travail la nécessité d’avoir plus de 14 membres. Cependant, comme la majorité de la chambre ne me semble pas disposée à en réduire le nombre jusque-là, je consentirai à maintenir le nombre de 16, y compris le président et le vice-président.

M. Ch. de Brouckere. - Je m’oppose à la proposition de M. le ministre de la justice, qui demande un premier président, deux présidents, et je crois, pour ma part, qu’il ne faut qu’un président et un président de chambre. Je ne veux pas qu’on perpétue l’abus qui existe dans les parquets où les procureurs généraux (et je pourrais même citer des procureurs du roi qui font de même) qui, parce qu’ils ont le nombre de substituts nécessaire pour siéger à toutes les chambres, se dispensent de jamais paraître à l’audience. Autrefois, et quoique je ne sois pas jurisconsulte, j’ai assez de données là-dessus pour en parler, les procureurs du roi siégeaient toujours. Cela se passait ainsi à Bruxelles, jusqu’à une certaine époque où nous avons eu un magistrat qui ne siégeait jamais. Je demande donc qu’il n’y ait qu’un président et un président de chambre, qui présideront chacun une section de la cour.

M. H. de Brouckere. - J’avais demandé la parole tout à l’heure, quand M. Barthélemy parlait, parce que je croyais qu’il ne voulait que 14 conseillers, mais comme j’ai entendu qu’il consentait à ce qu’il y en eût seize…

- Plusieurs voix. - Il n’y a pas consenti.

M. Barthélemy. - 14 conseillers, un président et un vice-président.

M. H. de Brouckere. - Puisqu’il n’y consent pas, je demanderai la permission de dire quelques mots pour combattre son amendement.

- Plusieurs voix. - C’est inutile.

M. H. de Brouckere. - On dit que c’est inutile, dans ce cas je me rassieds. (Hilarité.)

M. Jullien. - Si on doit juger les affaires à la cour de cassation, à la façon de M. Barthelemy (on rit), que le rapporteur et le ministère public se bornent seuls la peine d’examiner l’affaire, et que l’arrêt passe sur leur avis, sans que la cour s’en embarrasse plus que cela, il ne faut que le ministère public et le rapporteur ; tout le reste est de luxe (explosion d’hilarité) alors le nombre des conseillers devient tout à fait indifférent et l’on ne doit pas se gêner pour le réduire.

Mais messieurs, moi je ne crois pas que les choses se passent ainsi, et que les conseillers de la cour jugent des causes sans en avoir pris une entière connaissance : Un homme droit, un homme juste ne siège pas dans une cour, ne donne pas sa voix dans une affaire sans la connaître, et vous ne pouvez pas faire à la cour de cassation, à la première cour du royaume, l’injure de croire qu’elle s’en rapporterait au rapporteur ou au ministère public et qu’elle suivrait aveuglément l’avis de l’un ou de l’autre. Ainsi ces arguments ne méritent aucune espèce de considération.

On dit que la cour de cassation n’aura pas assez de besogne pour toute l’année. Messieurs, on dissimule ici la réalité des faits qui se passent. Il n’y a pas un seul arrêt fiscal qui ne donne lieu à un pourvoi en cassation ; il y en a en ce moment 50, peut-être 100, que l’on ne poursuit pas, parce que les parties attendent que le fisc se décide à poursuivre, ne voulant pas elles-mêmes presser le jugement ; elles attendent que le fisc dise : il me plaît de poursuivre ou il ne me plaît pas. Moi-même j’ai depuis trois ans des causes qui restent en suspens, parce que le fisc n’est pas prêt. Le nombre des causes de ce genre est très considérable, parce que, je le répète, il n’y a pas un seul arrêt sur l’appel, contre lequel on ne se pourvoie en cassation.

Il ne faut donc pas craindre que la cour manque de travail. Vous verrez, messieurs, messieurs, quand viendront les pourvois en matière électorale, le nombre de causes qu’elle aura à juger. Elle aura du travail soyez-en certains, non pas pour six mois, comme on vous l’a dit, mais pour toute l’année, et largement. Je voterai donc contre la proposition de M. Barthelemy.

M. Helias d’Huddeghem. - Messieurs, je crois qu’il faut de toute nécessité nommer un président à la cour de cassation. Il est à noter que les présidents ne sont pas attachés à une seule chambre, mais à toutes, et le règlement leur prescrit même de siéger de temps en temps à chacune d’elles, une ou deux fois au moins tous les trois mois. Il faut donc maintenir le premier président.

M. H. de Brouckere. - Ce que vient de dire le préopinant n’est pas applicable à la cour de cassation, mais aux cours d’appel. A la cour de cassation je ne vois pas pourquoi le premier président ne serait pas attaché à une chambre. Remarquez que le président d’une cour supérieure composée de quatre ou cinq chambres a beaucoup d’occupations. A la cour de cassation les affaires seront beaucoup moins nombreuses et un premier président y serait fort inutile ; il ne faut donc pas mettre à la tête de la cour un homme à sinécure.

M. Helias d’Huddeghem. - Je n’ai pas dit que la chambre fût obligée d’adopter un premier président ; mais j’ai dit qu’en France le premier président était obligé de présider tour à tour chaque chambre.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - La différence qui existe entre l’amendement de l’honorable M. Barthélemy et le mien consiste en ce que, d’après lui, le nombre total des membres de la cour de cassation serait porté à 16 et que, d’après moi, il serait fixé à 19.

Je ne sais pas, d’abord, si je dois répondre à ce qu’il a dit, qu’en créant sous l’empire la place de premier président, on voulut faire du grandiose. Je ferai observer que, quand pour la première fois on créa la première présidence, ce fut sous le senatus-consulte du 28 floréal an XII, et le traitement attribué au premier président fut fixé à la somme de 5,400 fr. Vous voyez que ce n’était pas vouloir faire du grandiose. Il est vrai que depuis, les appointements du premier président ont été augmentés, mais cela ne fait rien à la dénomination ni au but qu’on se proposait en instituant la première présidence.

On paraît assez d’accord sur le nombre des conseillers. Je propose qu’il soit fixé à 16, afin que deux conseillers soient toujours disponibles et prêts à suppléer leurs collègues en cas de maladie. La seule différence qui existe entre quelques préopinants et moi, c’est qu’ils demandent la suppression du premier président et d’un président de chambre, qui ont cependant été admis par la section centrale.

On a prétendu que la place de premier président serait une sinécure. Messieurs, le premier président aura sa chambre à présider, il devra s’y rendre comme les conseillers eux-mêmes, et je ne vois pas en quoi sa place serait une sinécure. On dit que s’il a assez de présidents de chambre, il fera comme font les procureurs-généraux qui ont assez de substituts, il s’abstiendra de siéger : c’est une erreur, même avec un président de chambre, le premier président n’est pas dispensé de siéger, ni de faire sa besogne ; mais quand les sections seront réunies ne faut-il dans ces audiences plus solennelles qu’un premier président soit placé au-dessus de tous les autres ?

Quant à ce qui concerne la suppression d’un président de chambre, je ferai remarquer qu’un premier président peut tomber malade, il n’en est pas plus à l’abri qu’un conseiller, il peut aussi avoir de légitimes motifs d’empêchement ; en son absence il est à désirer qu’il y ait un président en tête pour présider l’audience. Remarquez d’ailleurs, que d’après la manière dont se fera le choix du président, devant son élévation à l’élection de ses collègues, ses égaux, il y aura dans ce choix, une garantie de capacité telle, qu’il sera toujours désirable qu’un président en titre siège dans chaque chambre. Et, regardez quelle serait l’économie que vous obtiendriez par la suppression qu’on vous propose. Ce serait toute la différence du traitement d’un président de chambre à celui d’un conseiller ; c’est-à-dire, la différence d’un quart du traitement de conseiller, aucun président de chambre n’a qu’un quart en sus des appointements d’un conseiller. Vous voyez que la suppression réduirait l’économie à très peu de chose.

M. Legrelle. - Je demande la parole, non pas pour discuter la question, car je ne suis pas jurisconsulte, mais pour relever une erreur de calcul échappée à M. le ministre. Il a dit que l’économie ne serait que du quart du traitement d’un conseiller ; il se trompe, car M. de Brouckere propose la suppression d’un président de chambre. Ce sera donc une économie d’une somme égale à ce traitement.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ce serait une question toute différente, mais cela ne changerait en rien mon argumentation sur la nécessité de faire présider chaque chambre par un président en titre.

M. H. de Brouckere. - L’observation de M. Legrelle est parfaitement juste, puisqu’il y a en ce moment sur le bureau un amendement tendant à réduire à 18 le nombre des membres de la cour de cassation. Quant à la suppression en soi, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on laisse se pratiquer à la cour de cassation, ce qui se pratique aux tribunaux de première instance des chefs-lieux, où il n’y a qu’un président et un vice-président, chacun présidant une chambre. Si l’un des deux tombe malade, le plus ancien conseiller présidera à la place.

Qu’arrivera-t-il si vous admettez l’amendement de M. le ministre de la justice ? Une chambre sera présidée par le premier président et par un président de chambre ; l’autre n’aura qu’un président de chambre. Si dans celle-ci le président tombe malade, M. le ministre veut-il que le deuxième président aille la présider ? Evidemment non ; ce sera le plus ancien conseiller qui présidera. Donc, même avec le système du ministre, il n’y aura pas toujours à chaque chambre un président en titre. Je vote pour qu’il n’y ait qu’un président et qu’un président de chambre (Aux voix ! aux voix ! La clôture !)

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole (Aux voix ! aux voix !) Je n’ai que de très courtes observations à faire. Je demanderai d’abord la discussion de la proposition de M. de Brouckere, et je demanderai qu’on vote : 1° sur la proposition de savoir si la cour sera composée de 19 membres ou de 18 ; 2° si la place de premier président sera supprimée.

Je n’ai pas dit qu’il y eut nécessité que chaque chambre fût présidée par un président en titre et ce que j’ai dit, n’a nullement été affaibli par ce qu’on m’a répondu. Mais, dit M. H. de Brouckere, cela ne sera pas toujours possible puisqu’en cas de maladie du président de la deuxième chambre, il sera remplacé non pas par l’autre président, mais par le plus ancien conseiller.

Remarquez, messieurs, que d’après le règlement, le premier président est autorisé à présider telle chambre qu’il trouve à propos ; par conséquent, dans la supposition faite par le préopinant, il lui sera loisible d’aller présider la deuxième chambre. Ainsi les observations que j’ai faites subsistent dans toute leur force.

M. le président. - Il y a trois amendements. Celui de M. Barthélemy qui propose que la cour soit composée de 16 membres ; celui de M. Ch. de Brouckere, qui demande qu’elle soit composée de 18 en supprimant la place de premier président et un président de chambre. Enfin, celui de M. le ministre de la justice qui propose que la cour soit composée de 19 membres ; je vais mettre d’abord aux voix l’amendement de M. Barthélemy. (Non ! non !)

- L’amendement de M. Barthélemy est mis aux voix, il est rejeté. L’honorable membre s’est levé seul pour le soutenir.

M. le président. - Vient maintenant l’amendement de M. de Brouckere.

M. Lebeau. - On a demandé la division ; il faut d’abord mettre aux voix le nombre de membres dont se composera la cour.

- On met cette première partie de l’amendement aux voix. Elle est rejetée après deux épreuves.

Le nombre de 19 membres, proposé par M. le ministre de la justice est adopté, ainsi que la dénomination de premier président.

D’après cet amendement, l’article reste ainsi conçu : « Elle est composée (la cour de cassation) d’un premier président, de deux présidents de chambre et de seize conseillers. »

- Cet article 2 ainsi rédigé est mis aux voix et adopté.

Article 18

M. le président. - Nous passons à l’article 18 ; sur cet article M. de Roo a présenté un amendement.

M. de Roo. - Je maintiendrai le paragraphe quatrième de l’article 18 pour ajouter à l’amendement de M. Jonet, si cet amendement était adopté. (A demain ! à demain ! à demain !)

M. le président. - Comme la section centrale se réunira encore demain, je proposerai à la chambre de se former en séance publique à une heure.

- La séance est levée à quatre heures.