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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 16 juin 1832

(Moniteur belge n°170, du 18 juin 1832)

(Présidence de M. de Gerlache.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

A midi la séance est ouverte. On procède à l’appel nominal.

La séance est suspendue pendant quelques minutes, parce que MM. les représentants ne sont pas en nombre pour délibérer.

M. A. Rodenbach. - Je demande la parole.

M. le président. - Nous ne sommes pas en nombre.

M. A. Rodenbach. - C’est pour ce motif que je demande la parole. On nous a convoqués pour onze heures ; il est midi passé, et nous ne sommes pas en nombre pour délibérer ; on devrait, par la voie des journaux, noter les noms des absents. Nous sommes dupes de notre exactitude.

M. Leclercq. - Avant un quart d’heure nous serons en nombre ; il est probable que plusieurs de nos collègues ne savent pas que la séance doit commencer plus tôt qu’à l’ordinaire.

M. le président. - C’est l’assemblée qui elle-même a demandé hier que l’on commençât de bonne heure. Les bulletins de convocation indiquent l’heure.

- Plusieurs voix. Les bulletins indiquent onze heures.

M. Leclercq. Il est possible que les bulletins portent onze heures ; moi-même je n’avais pas lu.

- Plusieurs membres. - On le sait ! les bulletins le disent !

- Le nombres des représentants s’accroît successivement, et après quelques minutes, la séance est reprise.

M. Dellafaille fait lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée sans réclamation.

M. le président. - Sur la proposition de M. Rodenbach, le nom des membres absents sera inséré au Moniteur.

Projet de loi portant organisation judiciaire

Discussion des articles

Titre I. De la cour de cassation

L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de loi sur l’organisation judiciaire.

Article 23

L’article 23 est ainsi conçu :

« Art. 23. Lorsqu’après une cassation, le second arrêt ou jugement est attaqué par les mêmes moyens que le premier, la cause est portée devant les chambres réunies, qui jugent en nombre impair.

« Si la cour annule le second arrêt ou jugement, il y a lieu à interprétation. »

M. Bourgeois. - Messieurs, j’ai cru qu’il fallait fixer le nombre des conseillers nécessaires pour rendre un arrêt régulier. Si le minimum du nombre des avocats n’était pas déterminé, on ne pourrait dire que les chambres réunies se composent de 9 ou de 11 membres puisque sept membres forment une chambre.

D’après la constitution, le jugement des ministres doit être rendu par les chambres réunies de la cour de cassation en nombre pair ; on doit fixer aussi le minimum du nombre des conseillers qui jugeront les ministres.

C’est d’après ces motifs que je propose une addition à l’article en délibération.

Il me semble que cette addition serait aussi bien placée à l’article 23 que dans une disposition générale ; au reste, je ne m’oppose pas à en faire une disposition particulière.

M. Destouvelles. - L’amendement me paraît inutile. Vous avez reconnu que les arrêts de la cour de cassation ne pouvaient être rendus que par le nombre fixe de sept membres ; quand on dit chambres réunies, il faudra au moins quatorze conseillers. Et puisque l’article dit « nombre impair, » il faudra au moins quinze. s’il n’y avait que treize conseillers, il n’y aura pas chambres réunies.

M. Bourgeois. - Chaque chambre de la cour de cassation est composée de neuf membres, ce qui fait dix-huit pour les chambres réunies. Il en faut au moins quinze pour les cas prévus par l’article 23, et 16 pour le cas prévu par la constitution.

M. Devaux. - Je crois que l’amendement est inutile ; mais il faudrait en faire l’objet d’un article général. Il y a trois cas où la cour de cassation prononce chambres réunies : pour les conflits, en cas de désaccord de la cour avec les cours d’appel, et en cas d’accusation des ministres. Je proposerai d’ajourner l’amendement.

- La discussion sur l’amendement est renvoyée à un autre article.

Articles 24 et 25

« Art. 24. Le procureur-général transmet les jugements et arrêts au gouvernement qui provoque une loi interprétative. »

- Adopté sans discussion.


« Art. 25. Jusqu’à ce que cette loi ait été rendue, il est sursis au jugement de la cause par la cour ou par le tribunal auquel elle est renvoyée.

« Les cours et les tribunaux sont tenus de se conformer à la loi interprétative, dans toutes les affaires non définitivement jugées. »

- Adopté sans discussion.

Article 26

« Art. 26. Les accusations admises contre les ministres sont, en exécution de l’article 90 de la constitution, jugées par les chambres réunies.

« Les juges doivent siéger en nombre pair. Si les conseillers, non légitimement empêchés, se trouvent en nombre impair, le dernier nommé s’abstient. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Ici vient l’article additionnel de M. Bourgeois.

M. le président. - Si personne ne demande la parole sur l’article 26 lui-même, je vais le mettre aux voix.

- L’article 26 est adopté sans discussion.

M. Jullien. - C’est ici qu’il faut mettre la disposition générale relative aux chambres réunies.

M. Bourgeois. - Je crois qu’il suffira d’ajouter : « Dans tous les autres cas où la cour jugerait, chambres réunies, elle sera en nombre impair, et il y aura quinze conseillers au moins. »

M. H. de Brouckere. - Mais il faut aussi dire quel sera le nombre des conseillers qui jugeront les ministres.

M. Bourgeois. - Je vais rédiger un article qui comprendra tous les cas.

M. Lebeau. - On peut continuer la discussion.

Article 27

« Art. 27. Le ministère public est entendu dans toutes les affaires. »

- Adopté.

Article 28

« Art. 28. Le procureur-général peut, après l’expiration des délais, dénoncer à la cour de cassation les arrêts et jugements contre lesquels aucune des parties sera réclamée.

« La chambre des requêtes est chargée de statuer définitivement sur ce pourvoi. Si le jugement ou l’arrêt est cassé, les parties ne peuvent se prévaloir de la cassation. »

M. Jaminé. - La première partie du second paragraphe est inutile.

M. le président. - M. Liedts propose une modification.

M. Liedts. - L’énoncé de ma proposition contient ces motifs. Voici mon amendement :

« Le procureur-général peut dénoncer à la cour de cassation les arrêts et jugements. Néanmoins, dans tous les cas où le pourvoi est ouvert aux parties, le pourvoi dans l’intérêt de la loi, ne peut avoir lieu qu’après l’expiration des délais.

« Si l’arrêt est cassé, les parties ne peuvent se prévaloir de la cassation. »

M. le président. - Je vais donner une seconde lecture de l’amendement : « Néanmoins, dans tous les cas où le pourvoi est ouvert aux parties, le pourvoi dans l’intérêt de la loi, ne peut avoir lieu qu’après l’expiration des délais. » C’est dans ces mots que se trouve la modification présentée par M. Liedts.

M. Helias d’Huddeghem. - Je ferai remarquer qu l’amendement de M. Liedts paraît en contradiction avec l’article 441 du code d’instruction criminelle.

Cet article est ainsi conçu : « Lorsque, sur l’exhibition d’un ordre formel à lui donné par le ministre de la justice, le procureur-général près la cour de cassation dénoncera à la section criminelle des actes judiciaires, arrêts ou jugements contraires à la loi, ces actes, arrêts ou jugements pourront être annulés, et les officiers de police ou les juges, poursuivis, s’il y a lieu, etc. »

D’après la remarque de M. Favard de Langlade dans son recueil de jurisprudence, il en résulte que le procureur-général ne peut se pourvoir sans autorisation du ministre, tandis que par l’amendement il pourrait dans tous les cas se pourvoir sans cette autorisation. Mais, pour lever toute espèce de doute, il conviendrait de mettre dans l’amendement ces mots : « en toute matière. »

M. Lebeau. - Il me semble que l’amendement de M. Liedts ne remplit pas le but de son honorable auteur. J’avais fait observer que la rédaction de l’article 16 était conçu en termes tellement absolus qu’elle excluait le pourvoi du ministère public pour violations de la loi. Pour faire disparaître cet inconvénient, j’avais proposé de mettre dans l’article : « Il n’y a ouverture à cassation, si ce n’est dans l’intérêt de la loi pour les jugements en dernier ressort rendus par les juges de paix.

Si l’amendement de M. Liedts n’est pas modifié, il faudra modifier l’article 16.

M. Liedts. - Mon amendement me paraît suffire et prévenir tous les cas ; car je dis : « Le procureur-général peut dénoncer à la cour de cassation les arrêts et jugements. Néanmoins, dans tous les cas où le pourvoi est ouvert aux parties, le pourvoi dans l’intérêt de la loi, ne peut avoir lieu qu’après l’expiration des délais. »

M. Lebeau. - L’article 16 s’applique aussi bien au ministère publié qu’aux parties. Je crois qu’il faudrait amender l’article 16 dans ce sens : « Il n’y a pas d’ouverture à cassation, si ce n’est dans l’intérêt de la loi. » De cette manière tout marcherait.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne crois pas que de la manière dont les articles sont rédigés, on puisse élever un doute raisonnable sur la faculté laissée au ministère public de se pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi, même contre les jugements des juges de paix.

C’est sur des articles de la législation française que les article 16 et 28 sont calqués, et en France où le sens en est connu apparemment, on n’élève aucun doute que le ministère public puisse se pourvoir en cassation dans l’intérêt de la loi contre les jugements en dernier ressort, rendus par les juges de paix.

Les dispositions du projet de loi ne sont pas moins claires que les dispositions des lois antérieures.

On voudrait introduire des énumérations dans la rédaction des articles ; je les crains parce qu’on peut en tirer des arguments a contrario sensu.

Il faut que le ministère public ne puisse se pourvoir avant que le jugement n’ait reçu force de chose jugée.

Je crois que la rédaction proposée par la section centrale suffit pour remplir l’objet que l’on se propose.

M. Destouvelles. - Je ferai observer que l’article 16 considère le pourvoi dans ses rapports avec les parties, tandis que l’article 28 le considère dans ses rapports avec le ministère public.

Cependant je crois pouvoir dire : « Le procureur-général peut dans tous les cas, et après l’expiration des délais… »

M. Lebeau. - Dites : « dans tous les cas prévus... »

M. Destouvelles. - « Dans tous les cas prévus. »

M. Helias d’Huddeghem. - L’addition de M. Destouvelles lèverait l’anomalie que présentent l’article 88 de la loi du 27 ventôse an VIII.

M. H. de Brouckere. - Il faut nécessairement que la loi soit claire, et si l’on prévoit, en la faisant, que les termes donneront lieu à des discussions, à des controverses, il faut les remplacer par d’autres non sujets à équivoque. Ce que vient de dire M. le ministre de la justice prouve que les articles occasionneront des difficultés ; ce que propose M. Destouvelles peut aussi occasionner des contradictions. Nous voulons que le ministre puisse se pourvoir en cassation dans tous les cas, et alors même que le pourvoi entre les parties est ouvert. Il faut donc une autre rédaction qui enlève le doute.

M. Jullien. - C’est pour enlever ce doute que je vais proposer une rédaction de l’article 28. Un amendement à l’article 16 est impossible, puisqu’il a été adopté. Ce ne serait que dans le vote définitif qu’on pourrait y revenir, si toutefois il avait été amendé.

« Le procureur-général peut, dans tous les cas de l’article 16 comme dans tous les autres cas, et après les délais, se pourvoir en cassation. »

Telle est la disposition que je présente.

M. Lebeau. - Il faudrait dire : « Nonobstant les dispositions de l’article 16. »

M. Jullien. - Oui, « nonobstant les d’expositions de l’article 16 » lèvera toutes les difficultés.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je suis loin de m’opposer à la clarté. Le pourvoi ne doit être ouvert au ministère public qu’après les délais : un juge de paix rend un jugement, il faut attendre l’expiration des délais du pourvoi pour les parties ; il faut que le ministère public attende jusqu’à ce que le jugement soit passé en force de chose jugée.

M. Devaux. - Il faudrait dire : « Nonobstant la disposition de l’article 16, le procureur-général peut toujours, et après l’expiration des délais, s’il y a lieu, déférer à la cour de cassation les jugements des juges de paix rendus en dernier ressort. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Toujours les parties peuvent se pourvoir en cassation contre les jugements des juges de paix.

M. Helias d’Huddeghem. - La difficulté pourrait être levée par l’addition du paragraphe suivant :

« L’exception contenue en l’article 16 n’est pas applicable au ministère public. »

M. Jullien. - Ce n’est pas une exception.

M. H. de Brouckere. - Vous me pardonnerez, c’est une exception.

M. Jonet. - Je proposerais de mettre : « Dans les cas où le recours en cassation est ouvert aux parties, le procureur-général, après les délais, forme pourvoi ; dans les autres affaires, le procureur-général pourra se pourvoir immédiatement. » (Non ! non ! non ! Le procureur doit attendre les délais !)

- Un membre. - M. le ministre a raison, il faut que le ministre attende.

M. d’Elhoungne. - Je proposerai de mettre : « Le procureur-général peut, après l’expiration des délais, dénoncer à la cour de cassation tous arrêts ou tous jugements pour violation de la loi. »

M. Devaux. - Il me semble que l’amendement de M. H. de Brouckere est le meilleur ; il faudrait cependant en retrancher deux mots pour qu’il fût plus clair.

M. Jullien. - J’appuierai cet amendement qui rentre dans les considérations que j’ai exposées à la chambre. M. de Brouckere, en ne parlant que de l’article 16, semble interdire les autres pourvois.

M. Barthélemy. - J’adopte l’amendement ; mais je demande qu’on ajoute : « Après l’expiration des délais accordés aux parties. »

M. le président. - Voici l’amendement que présente M. Devaux :

« Nonobstant les dispositions de l’article 16, le procureur-général peut, dans tous les cas, et après l’expiration des délais accordés aux parties, dénoncer à la cour de cassation les jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix. »

M. H. de Brouckere. - J’aurais voulu rendre l’idée plus claire ; je ne tiens pas à ma rédaction. Voici celle que je proposerais : « Cette faculté est laissée au procureur-général même, dans le cas où il n’y a point ouverture à cassation pour les parties, mais toujours après l’expiration des délais. »

- Plusieurs voix. - La rédaction présentée par M. Devaux est plus claire !

M. Devaux. - Il est entendu que mon amendement n’est qu’un paragraphe additionnel ; s’il est adopté, il faudra ensuite délibérer sur l’article 28.

M. le président fait une seconde lecture de l’amendement de M. de Brouckere.

M. Devaux. - Cette rédaction est très équivoque !

M. H. de Brouckere. - Ce que je propose fera suite au premier paragraphe de l’article 28. (La clôture ! la clôture !)

- La chambre ferme la discussion sur les amendements du premier paragraphe de l’article 28.

M. Bourgeois. - Est-ce qu’on va tout éliminer dans le second paragraphe ?

- Plusieurs membres. - Il y a clôture ! on ne peut plus discuter !

M. Liedts. - Je réunis mon amendement à celui de M. Devaux.

M. le président. - Il y a trois amendements, ceux de MM. d’Elhoungne, Devaux et de Brouckere.

Voici celui de M. d'Elhoungne : « Le procureur-général peut, après l’expiration des délais, dénoncer à la cour de cassation tous arrêts, tous jugements, pour violation de la loi, contre lesquels aucune des parties n’a réclamé. »

Cet amendement remplacerait le premier paragraphe.

M. Van Meenen. - Il faut d’abord mettre aux voix cet amendement.

M. H. de Brouckere. - Je demande qu’on lise l’amendement de M. Devaux, qui sera une addition au premier paragraphe.

- Les amendements de MM. Devaux et d’Elhoungne mis aux voix sont adoptés. On les rédigera en un seul.

M. Liedts. - Il faut maintenant mettre aux voix la suppression des premiers mots du second paragraphe, puisque nous n’avons plus de section des requêtes.

M. Leclercq. - Il faut adopter l’article, sauf rédaction.

- Un membre. - Ah ! vous voulez revenir sur la section des requêtes !

- Des voix. - Mais l’amendement adopté se lie mal avec la rédaction du premier paragraphe

M. le président. - On peut supprimer dans l’amendement le mot « procureur-général. »

M. Liedts. - Il faut mettre « jugements et arrêts » au pluriel.

M. le président indique comment on peut lier l’amendement au premier paragraphe ; puis l’article est mis aux voix avec la dernière partie du second paragraphe, et cet article est adopté.

- La chambre passe à la discussion d’un autre article.

Article additionnel

M. le président. Voici un article additionnel présenté par M. Bourgeois :

« Dans tous les cas où la cour jugera chambres réunies, le nombre de quinze membres au moins est nécessaire pour rendre arrêt ; dans le cas de l’art, 26, il faut seize membres au moins. »

M. Bourgeois, en riant. - Mais il y a quelque chose qui précède cet amendement et qui est écrit de la main de M. le ministre. (Hilarité.)

M. le président. Je vais donner lecture de la totalité :

« Chaque chambre de la cour de cassation est composée d’un président et de huit conseillers.

« Le premier président présidera la chambre à laquelle il voudra s’attacher. Il présidera l’autre chambre quand il le jugera convenable. Il présidera les chambres réussies et les audiences solennelles.

« Dans tous les cas où la cour jugera chambres réunies, le nombre de quinze membres au moins est nécessaire pour qu’elle puisse rendre arrêt.

« Dans le cas de l’article précédent, lorsqu’il s’agira du jugement d’un ministre, ce nombre sera de seize membres au moins. »

M. d’Elhoungne. - Il me semble que si l’on adoptait l’amendement de M. Bourgeois, il faudrait supprimer l’article 26 tout entier, et faire subir un léger changement à cet amendement ; on peut dire : « Il faut quinze membres au moins pour les chambres réunies, statuant sur les pourvois des particuliers, après deux décisions semblables des cours d’appel, et seize au minimum pour juger les ministres. »

M. H. de Brouckere. - Il faut, pour les ministres, mettre toujours « en nombre pair ; » car si vous mettez pour minimum seize, on pourra prendre dix-sept conseillers, ce qui n’est pas pair.

On peut laisser l’article 26 tel qu’il est.

M. Delehaye. - Je vois un grand inconvénient pour le nombre pair, car il peut y avoir une partie civile ; dans ce cas, s’il y a partage, que fera-t-on ?

M. Lebeau. - L’accusé est acquitté.

M. Delehaye. - Quand il serait acquitté les parties civiles out toujours des droits. (Non ! Non ! Oui ! oui !)

Je suis étonné que l’on dise non.

M. H. de Brouckere. - Dans le cas d’une partie civile, la cour de cassation ne jugera pas comme chambre criminelle ; c’est sur une action séparée qu’elle juge.

- L’amendement de M. Bourgeois est adopté et fait l’article 29 du projet de loi. La chambre décide que les articles 27, 28, 29, etc., prendront des numéros respectivement plus grands d’une unité.

Article 30

« Art. 29 de la section centrale (et qui devient l’article 30). Les arrêts de cassation sont transcrits sur les registres des cours et tribunaux ; mention en est faite en marge des arrêts ou jugements. »

M. Van Meenen. - Entend-on que la cassation sera transcrite sur les registres de toutes les cours et de tous les tribunaux ?

M. Jullien. - J’appuierai la réflexion de M. Van Meenen, parce qu’on pourrait comprendre cette disposition comme étant une obligation pour toutes les cours et pour tous les tribunaux, de transcrire l’arrêt de cassation sur leurs registres . Si l’on veut être clair, il faut adopter la rédaction de la loi française : « Les arrêts de cassation seront transcrits sur les registres des tribunaux et des cours dont les décisions auront été annulés. »

M. Destouvelles. - Les cassations seront mentionnées en marge des arrêts et des jugements ; or, ces arrêts et ces jugements ne sont que sur les registres de la cour et du tribunal qui ont prononcé. L’article est suffisamment clair.

M. Van Meenen. - La première partie de l’article est très générale.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je ne m’oppose pas à la proposition de M. Van Meenen ou à celle de M. Jullien. Dans le projet du gouvernement il était clairement écrit la même chose que ce que l’on demande.

M. Destouvelles. - La section centrale a cru qu’il fallait accoler les deux dispositions l’une près de l’autre.

La modification présentée par MM. Julien et Van Meenen est adoptée. Elle fait l’article 30 de la loi.

Article 31

« Art. 30 de la section centrale (et qui devient l’article 31). Sont établis près la cour des officiers ministériels portant le titre d’avocats. ils ont le droit de plaider et exclusivement celui de postuler et de prendre des conclusions.

« Peuvent les parties adjoindre, à leurs frais, à ces avocats, tels autres qu’elles jugent convenable d’employer.

« Les avocats à la cour de cassation sont nommés par le Roi, sur la présentation de la cour.

« Leur nombre est déterminé par le gouvernement, avec l’avis de la cour.

« Ils ne peuvent être nommés si depuis six ans au moins, ils ne sont docteurs ou licenciés en droit.

« Cette dernière condition est requise pour pouvoir plaider comme avocat-adjoint.

« Les avocats à la cour de cassation peuvent plaider devant la cour d’appel. »

M. Liedts. - Je demanderai à l’honorable rapporteur si l’intention du paragraphe 6 de cet article est d’exiger que les avocats-adjoints qui plaideront en cassation soient docteurs ou licenciés en droit depuis six ans au moins.

M. Destouvelles. - Oui.

M. Liedts. - Dans ce cas, la disposition de l’article est en contradiction avec les motifs qui l’ont dicté. En effet, on a voulu que, tout en maintenant à la cour de cassation des avoués sous le titre d’avocats, la confiance des parties ne fût pas forcée, et qu’il leur fût libre de continuer aux avocats qui ont plaidé la cause en appel la confiance qu’elles y avaient placée. Or il se pourra et il arrivera même assez souvent que les avocats qui auront plaidé en appel, et qui possèdent toute la confiance des parties, ne seront pas licenciés depuis six ans. Je crois donc que ce paragraphe de l’article devrait être modifié et que, pour être conséquent, il ne faudrait pas exiger que les avocats-adjoints soient licenciés depuis six ans au moins.

M. Destouvelles. - La section centrale a cru que lorsqu’un avocat avait joui de la confiance d’une des parties en appel, on ne pouvait le priver de cette confiance en cassation. Mais d’un autre côté, comme on exige des conditions de l’avocat à la cour de cassation, on a voulu que l’avocat-adjoint réunit les mêmes conditions.

M. Devaux. - Messieurs, je ne vois pas pourquoi on adopte le titre d’avocat plutôt que celui d’avoué ; le titre d’avocat en général est pris dans une autre acception que celle qu’on veut lui donner ici.

Pourquoi suivre l’usage de France ? Pourquoi empêcher les avoués de porter la parole ? En plaidoiries comme en industrie, il ne faut pas restreindre la concurrence ; je propose de la laisser tout entière. Je demande que l’on conserve le titre d’avoué, et que l’on ne mette par avocat pour avoué.

M. H. de Brouckere. - La différence des officiers ministériels de la cour de cassation avec les officiers ministériels des cours et tribunaux, c’est que les premiers peuvent plaider. En général les avoués ne peuvent plaider, ils ne peuvent que postuler : en cassation ils peuvent plaider et postuler.

M. Van Meenen. - Nous ne devons pas donner le titre d’avocats aux officiers ministériels. Les officiers dont on parle ici sont attachés à la cour de cassation comme officiers ministériels ; par cela seul, ils ne peuvent conserver le titre d’avocats.

M. Gendebien. - J’ai entendu des discussions de détail ; mais je n’ai entendu personne prendre la parole contre le fonds de l’article. Je ne comprends pas comment on fera des séries d’avocats pour plaider devant la cour de cassation.

Il me semble qu’ici vous prenez des mesures dans l’intérêt des avocats. Comment, vous allez obliger une partie qui a confiance dans un avocat à faire un autre choix, à s’adresser à une autre catégorie d’avocats ? Le mémoire pour recours en cassation sera fait par l’avocat d’appel dans lequel on a confiance, et la réponse au mémoire ne pourra parvenir que par les mains d’un avocat accrédité ? La liberté en tout et pour tous !

Je demanderai la suppression de l’article tout entier ; que tous les avocats puissent plaider devant la cour, sauf ceux qui, trop jeunes, feraient perdre un temps précieux à la cour ; que le jeune avocat donne des gages de science, qu’il soit inscrit au tableau d’une cour. Si vous voulez imposer des conditions, voilà les seules que vous devez admettre.

On ne peut exiger que les plaideurs passent par le bureau de tel ou tel avocat qui aurait obtenu par brevet le droit d’attacher sa signature à des écrits qui ne sont pas de lui. Tous les avocats ont un titre pour plaider devant la cour de cassation ; ils ont tous le seul brevet nécessaire, ils ont la confiance des parties ; il n’ont pas besoin d’une autre autorisation.

Il faut laisser aux citoyens le droit de se défendre comme ils l’entendront, et par les instruments qui leur conviennent.

Je ne comprends pas la nécessité d’un avocat spécial pour signer un acte. Rien n’est si simple que la procédure en cassation : dépôt du mémoire au greffe ; signification par un huissier à la partie adverse de se trouver à l’audience tel jour.

Ce qui vaudrait mieux, ce serait de ne pas déposer le mémoire au greffe, et de le signifier à la partie.

Vous voulez faire nommer des avocats selon le bon plaisir des ministres : tels ou tels seront nommés parce qu’ils plaisent aux dépositaires du pouvoir ; tels ou tels ne seront pas nommés parce qu’ils déplaisent au gouvernement ou aux ministres, ce qui est la même chose.

Au nom des avocats dont j’ai l’honneur de porter la robe, je demande que l’on ne mette aucune distinction entre eux. Il n’y a pas profit pour la justice, si ce n’est profit pour le ministre qui sera sollicité par les avocats de leur donner un titre exclusif.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je ne m’arrêterai pas à ce qu’on vous a dit sur la nomination des avocats par le bon plaisir d’un ministre : vous avez vu, par la lecture de l’article, que c’était sur la présentation de la cour qu’ils étaient nommés.

Je crois, néanmoins, que la question soulevée est d’une très haute importance.

Si nous admettons des officiers ministériels près des tribunaux de première instance et des cours d’appel, il faut qu’il y en ait de la cour de cassation.

La question de savoir s’il fallait des officiers ministériels près de la cour de cassation a été discutée. La qualité d’officier ministériel ou de procureur a été abolie. On a, pendant la révolution, poursuivi par un fondé de pouvoir. On ne s’en est pas bien trouvé, et on a rétabli les officiers ministériels sous le nom d’avoués. Or, avec la création de la cour de cassation, chacun pouvait plaider lorsqu’il croyait en avoir le moyen.

Il faut envisager la question sous toutes ses faces. Et comme je ne pense pas que l’on ait l’intention de supprimer les officiers ministériels devant les cours et tribunaux, il me semble que l’on doit avoir des officiers ministériels près de la cour de cassation.

Leur droit exclusif consiste à postuler, à prendre des conclusions, à suivre toutes les procédures. Ils ont une responsabilité. On doit avoir près de la cour de cassation des personnes qui connaissent les formes ; et quoiqu’elles soient fort simples, il faut les connaître, sans quoi on peut préjudicier beaucoup aux parties. Sous ce rapport vous voyez la grande utilité des avocats près de la cour de cassation.

Je partage l’avis de M. H. de Brouckère, que le titre d’avocat est le titre qui leur convient, parce qu’ils portent la parole. Ils plaident à la fois par mémoire et oralement.

Quant à la seconde disposition, relative aux avocats-adjoints, je m’en rapporte à la sagesse de la chambre.

M. Lebeau. - Messieurs, je partage l’opinion de M. Gendebien, opinion déjà professée par M. Devaux. Je ne puis conserver tout l’article 30. Il ne m’est pas démontré qu’on ne puisse se passer d’officiers ministériels près de la cour de cassation.

Il y a des actes auxquels on doit donner une date ; il y en a d’autres auxquels on doit donner de l’authenticité ; il y a une foule de procédures auxquelles il faut donner également de l’authenticité, et auxquelles les avocats ne peuvent concourir, parce qu’ils ne sont pas fonctionnaires publics.

Je demanderai que l’on donne aux avocats près la cour de cassation la qualification à laquelle ils doivent prétendre, celle d’avoués, et qu’ensuite on supprime le paragraphe 2 de l’article en discussion. Je crois qu’on devrait interdire aux avoués près la cour de cassation le droit de plaider.

- Des voix. - Vous n’en trouverez pas !

M. Lebeau. - Ce que je veux, c’est que la partie puisse les réduire au simple rôle d’avoués. Dans le cas où ils plaideraient, alors ils seraient taxés comme avoués.

M. Jullien. - Il semble, messieurs, qu’on veuille faire ici un code nouveau de procédure. J’entends parler d’avocats, d’avoués, de liberté en tout et pour tous. Il me semble que tout cela n’a guère de rapport avec le véritable état de la question.

On ne doit pas régler les attributions des avocats à la cour de cassation dans l’intérêt de la liberté, mais dans l’intérêt des parties. Or, cet intérêt exige que de telles fonctions soient remplies par des hommes dignes de la confiance des justiciables et qui offrent aux plaideurs quelque responsabilité. On nous propose des avoués à la cour de cassation au lieu d’avocats, c’est là une innovation que je ne saurais approuver. En France on n’a jamais connu d’avoués à la cour de cassation, il n’y a jamais été question que d’avocats ; la procédure et les règlements ont été faits en conséquence, et si vous changiez la dénomination aujourd’hui, il vous faudrait les remanier.

Que sera-ce qu’un avoué à la cour de cassation ? Déjà devant les cours d’appel le ministère des avoués est insignifiant ; mais à la cour de cassation ce ministère ne sera rien du tout. Là en effet, la procédure est on ne peut pas plus simple. Le pourvoi se fait au moyen d’une requête, et d’après le règlement cette requête doit être communiquée à la partie adverse, et déposée au greffe. Aussitôt le dépôt effectué, les plaidoiries commencent ; voilà toute la procédure. Or, les plaidoiries sont l’affaire des avocats et non des avoués.

Vous le voyez, les avoués, seulement avoués, seraient là complètement inutiles. Je ne m’oppose pas à ce que tous les avocats soient admis à plaider à la cour de cassation, mais je m’opposerai toujours à ce que tout le monde puisse signer des requêtes en cassation ; sous ce rapport, j’appuierai l’article de la section centrale, jusqu’à ce que la réforme générale de l’organisation judiciaire nous permette de nous occuper aussi de l’ordre des avocats.

M. Destouvelles. - Messieurs, si vous voulez borner les officiers ministériels près la cour de cassation à la postulation, ce seront des officiers ministériels qui n’auront pas d’existence, parce que là la procédure sera très simple, et elle sera bien loin d’être aussi lucrative que pour les avoués de première instance. Les avocats, en général, ne seront pas exclus de la plaidoirie devant la cour de cassation, loin de là ; mais les avocats attachés à cette cour auront aussi le droit de plaider, et exclusivement celui de postuler. Il faut que cela soit ainsi.

La cour de cassation doit avoir auprès d’elle des hommes qu’elle connaisse, avec qui elle ait des relations habituelles, qui seules peuvent établir la confiance ; les parties auront toujours le droit de leur adjoindre l’avocat de leur choix. Pour satisfaire à toutes les exigences, on pourrait supprimer le paragraphe 6 de l’article, et ajouter au paragraphe dernier une disposition qui permettrait à tous les avocats de plaider devant la cour de cassation, et réciproquement aux avocats de la cour de cassation de plaider devant les cours d’appel et les tribunaux.

M. H. de Brouckere. - Messieurs, si, au lieu de nous borner à mettre nos lois judiciaires en harmonie avec la constitution, on avait trouvé bon de réviser toutes nos lois d’organisation judiciaire, je m’étais proposé de présenter une disposition tendant à supprimer les officiers ministériels dans tous les degrés de juridiction. Je les trouve au moins inutiles, aussi bien en première instance qu’en appel, et je ne vois pas pourquoi on force les plaideurs à prendre, pour défendre leur cause, deux hommes dont l’un reste complétement passif ; une telle obligation constitue les parties en doubles frais, sans que cet inconvénient soit compensé par des avantages réels. Mais puisqu’il nous est impossible, en ce moment, de nous occuper des avoués de première instance et d’appel, nous devons, pour être conséquents, admettre les officiers ministériels près la cour de cassation.

On a proposé de borner ces officiers ministériels à la postulation : il faut remarquer d’abord que devant la cour de cassation la procédure est plus simple que partout ailleurs ; en second lieu, il y aura très peu d’affaires à juger ; quelqu’un en a réduit, je crois, le nombre à 60 par année. Je vous demande comment vous trouveriez des hommes instruits et capables, disposés à accepter une charge d’avoué près la cour de cassation, alors que vous borneriez leurs fonctions à signer quelques requêtes par an. Il faut nécessairement que vous leur laissiez la faculté de plaider, sauf à admettre par réciprocité les avocats d’appel et de première instance à plaider devant la cour de cassation.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, je n’aurai que peu de choses à ajouter après ce que vous ont dit les précédents orateurs et le préopinant. Cependant je dois dire que je ne suis pas de son avis, quant à la suppression du ministère des avoués près les cours et tribunaux. Mais il convient lui-même, que ce n’est pas le moment de s’en occuper, je me bornerai donc à une seule remarque.

Vous savez que devant les tribunaux de commerce, le ministère des avoués n’est pas admis. Cependant dans les grandes villes, celui qui a la procuration des parties et qui fait la procédure, est tout autre que l’avocat. Je crois qu’en effet, dans les grandes villes les avocats ont trop de travail pour pouvoir donner leurs soins à la procédure, et c’est bien assez pour eux de s’occuper du fond des affaires et des plaidoiries. On lit dans le dernier paragraphe de l’article 30 : « Les avocats à la cour de cassation peuvent plaider devant la cour d’appel, » et l’on propose d’ajouter à cette disposition, que réciproquement les avocats près des cours d’appel, pourront plaider devant la cour de cassation. Je crois utile d’adopter cet amendement, mais je crois qu’il faut permettre également aux avocats à la cour de cassation de plaider devant les tribunaux de première instance ; car nous ne voulons rien ôter de leur profession d’avocat ; nous ne voulons que les doter d’un titre et d’un privilège qui nous assure, et qui assure aux plaideurs, que leurs intérêts devant la cour de cassation seront confiés à des hommes probes et capables.

M. Gendebien. - Messieurs, on a cherché à étendre la discussion sur un terrain plus large parce qu’on a senti que celui sur lequel j’avais placé la discussion était trop étroit pour pouvoir manœuvrer. On a dit que la question avait une haute portée, et qu’il fallait l’examiner sous toutes ses faces ; que si l’on supprimait les officiers ministériels devant la cour de cassation, il fallait les supprimer dans tous les autres tribunaux.

Messieurs, je l’ai déjà dit, il n’y a aucune analogie entre la procédure devant la cour de cassation et celle qui a lieu devant les cours d’appel et les tribunaux ; et aujourd’hui que vous avez supprimé la section des requêtes les formalités seront plus simples encore ; elles se borneront à dresser une requête, à la notifier à la partie et à la déposer au greffe. Je vous le demande, est-il besoin d’officiers ministériels pour cela ?

On a dit qu’autrefois on avait essayé de se passer d’officiers ministériels et qu’on s’en était si mal trouvé, que force avait été de les rétablir ; cela est vrai. Mais quand cela se passait-il ? Quand on créait des hommes de loi à volonté, quand tout était dans un chaos complet, que toute la législation avait été changée. Alors, certes, il est facile de comprendre qu’il y eut peu d’hommes capables de répondre à l’attente des tribunaux et à l’intérêt des parties. Mais je proposerai une expérience contraire. Dans le Hainaut autrefois, il n’y avait pas de procureurs. En a-t-on jamais éprouvé des inconvénients ? Non. La seule différence qui existait entre ce qui se passait là et ce qui se faisait ailleurs, c’est que les procès dans le Hainaut, étaient jugés un peu plus vite.

Si j’examine, d’ailleurs, de quelle utilité sont les avoués, je trouverai qu’en première instance ils peuvent être utiles. Mais en appel, leur ministère est plus gênant qu’avantageux. Je n’en veux pour preuve que ce qui se voit tous les jours aux audiences. L’avocat plaide seul le plus souvent, s’il veut changer de conclusions, il a besoin de son avoué, l’avoué n’est pas à ses côtes, on est obligé de courir après lui pour signer les conclusions nouvelles.

Mais, dit-on, il faut des officiers ministériels responsables. Et depuis quand, messieurs, un avocat ne présente-t-il pas la même surface responsable qu’un avoué ? Toujours la profession d’avocat est basée sur l’honneur. Vous la trouverez donc, cette responsabilité que vous demandez, bien plutôt chez un avocat que chez un avoué.

Pour les formes de la procédure ? Mais j’ai déjà répondu sur ce point. La procédure est des plus simples. Une requête à signifier à la partie, de la part du demandeur avec, si vous voulez, l’indication de l’avocat qui occupera pour lui, la réponse du défendeur, qui se fera par le ministère d’un huissier. Dépôt de la requête au greffe. Voilà toute la procédure. Les parties n’auront plus rien à faire. Alors le président nommera un rapporteur, le procureur-général, celui des avocats généraux qui portera la parole, s’il ne la porte pas lui-même, et après cela les plaidoiries commencent.

Je vous demande si pour deux signatures à donner il est nécessaire d’avoir des avocats en titre à la cour de cassation, et s’il est nécessaire d’accabler les parties de frais en les forçant à se servir de leur ministère. Quand il était question de la chambre des requêtes on nous disait : pourquoi voulez-vous que les parties soient obligées d’employer deux avocats ? Pourquoi, vous dirais-je à mon tour, les forcer à en prendre quatre ?

Un honorable orateur a dit qu’il partageait entièrement mon opinion, et cependant il a demandé que l’on restreignît les officiers ministériels près la cour de cassation au rôle d’avoué. Je crois, messieurs, que le remède serait pire que le mal.

Il faudra, dit-on, faire notifier des qualités sur lesquelles il faut que les deux avocats tombent d’accord, et cet accord ne peut être constaté que par un acte authentique. Eh ! bien, faites le notifier pas un huissier ; voilà un officier ministériel, si vous y tenez tant, et un officier ministériel auquel il ne manquera pas même l’institution royale que vous demandez pour vos avocats.

On vous a dit que la requête ne pouvait être remise sans le ministère d’avocats. Je réponds à cela que, aujourd’hui que la section des requêtes est supprimée, le dépôt de la requête sera parfaitement inutile et si vous voulez d’ailleurs avoir des garanties, exigez que des avocats qui voudront plaider devant la cour de cassation un exercice préalable de leur profession pendant 6, 8 ou 10 années, Voilà des conditions que vous pouvez imposer, qui auront un but d’utilité, sans nuire au public, tandis que ce que l’on propose n’a pas d’utilité et nuira aux plaideurs en augmentant leurs dépenses.

Il faut, a dit un orateur, des hommes qui soient en relation habituelle avec la cour. Messieurs, j’ai plaidé pendant 16 ans devant la cour de cassation, et je n’ai jamais vu que la cour fût en relation avec les avocats. Ces relations ne sont nullement nécessaires, elles seraient même dangereuses. Il faut des hommes de capacité. Oui, mais ce ne sera pas un ministre qui donnera la capacité. Laissez aux parties le soin de chercher leurs défenseurs, dame faveur n’y sera pour rien, et ce seront toujours les plus capables qui occuperont devant la cour. Et du reste si les parties s’adressent mal, tant pis pour elles.

Je pense donc que c’est le cas de renvoyer l’article à la section centrale, a l’effet de régler les conditions qui seront exigées des avocats pour plaider devant la cour. Je ne crois pas, au reste, qu’on en puisse exiger d’autres que l’inscription au tableau depuis un temps plus ou moins long.

M. Devaux. - Messieurs, si je n’ai pas été d’abord aussi loin que M. Gendebien, ce n’est pas que je ne partage pas son avis, au contraire ; mais j’ai craint que la chambre ne voulût pas décider la question d’une manière générale, car tous les arguments de l’honorable membre contre les officiers ministériels près la cour de cassation s’appliquent également à tous les avoués de première et d’appel, et les raisons qui militent pour la suppression des uns, militent pareillement pour la suppression des autres. On ne pense pas que ce soit le moment de s’occuper de cette question en thèse générale, cela peut être ; quant à moi je me rallie à l’opinion de M. Gendebien ; en attendant que la révision ait lieu sur une plus large échelle, je propose de donner aux avocats à la cour de cassation le titre d’avoués.

M. Jullien a dit que jamais il n’avait été question d’avoués en France, près la cour de cassation ; c’est une erreur ; je crois, et si ma mémoire ne me trompe pas, que la loi de ventôse an VIII ne leur donne que cette dénomination, ce n’est que plus tard que l’on a songé à créer cette espèce de titre nobiliaire d’avocat pour les officiers ministériels près la cour du cassation.

Si vous adoptez ma proposition, je demande aussi qu’on ne leur accorde pas le droit de plaider ; sans cela ce serait réellement leur accorder le monopole. Il est certain qu’étant déjà en possession du procès, par économie ou par d’autres raisons, les parties n’iront pas chercher d’autre avocat pour plaider. On dira à cela que ce sera une économie pour les parties : je n’en sais rien ; il est même à présumer que ce sera tout le contraire, parce que l’avocat étant seul et ne craignant pas de concurrent, demandera des honoraires exorbitants.

Vous ne trouverez pas d’avoués, a-t-on dit, parce que le peu d’affaires à juger ne leur offriront pas de moyens d’existence. Il y a un moyen bien simple de remédier à cela ; on pourrait faire un amendement qui dirait : « Tous les avoués près la cour de Bruxelles pourront exclusivement postuler devant la cour de cassation. De cette manière, vous n’auriez pas de monopole quant aux plaidoiries. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Messieurs, un des préopinants a dit que ce serait doubler la dépense que d’instituer des officiers ministériels près la cour de cassation. Je ne vois pas comment il en pourrait être ainsi.

En effet, si les avocats à la cour de cassation plaident, ils auront les honoraires de la plaidoirie et l’émolument de l’instruction. S’ils se bornent à postuler, ils n’auront que ce dernier émolument, mais alors il faudra que la partie prenne et paie un avocat ; dans les deux cas, comme vous voyez, les frais seront les mêmes.

On a prétendu qu’on ne pouvait pas assimiler les officiers ministériels près la cour de cassation à ceux de première instance et d’appel parce que la procédure sera plus simple. Pour moi, messieurs, j’ai la conviction que, même pour la procédure ordinaire, les officiers ministériels seront nécessaires. Mais indépendamment des procédures ordinaires, il peut se présenter des incidents, des questions de forme, de fins de non-recevoir, et tout cela peut conduire à des procédures très graves. Et par exemple, supposez qu’on se pourvoit contre un arrêt, et que devant la cour on prétend que cet arrêt n’a pas été rendu par le nombre légal des juges. Pour faire la preuve de cette allégation, il faudra s’inscrire en faux contre l’arrêt ; le cas s’est présenté en France : eh bien, dans cette circonstance la procédure la plus grave qui existe, celle d’inscription de faux devra être instruise devant la cour de cassation. Prétendra-t-on qu’une telle procédure n’a pas besoin d’être faite par des officiers ministériels ? On ne l’oserait sans doute, et c’est pourquoi les officiers ministériels sont nécessaires et ils sont totalement institués dans l’intérêt des parties, le seul qu’il faille consulter comme l’a très bien dit M. Jullien.

On a demandé qu’ils fussent réduits à postuler sans plaider. Déjà, messieurs, on a réfuté cette opinion ; je n’ajouterai qu’un mot. Il est désirable qu’ils puissent plaider et postuler en même temps parce qu’ils auront l’expérience du genre d’affaires qui se plaideront devant la cour, et les plaidoiries s écarteront un peu des plaidoiries ordinaires, en ce que la cour n’a à s’occuper que de questions de droit. Je crois de plus, qu’il faut des officiers ministériels distincts près la cour, et non pas que ce soit les avoués de la cour d’appel. Car pourquoi n’y admettre que les avoués de la cour de Bruxelles, et en exclure les avoués de la cour de Liége et de la cour de Gand ? Je crois, messieurs, que nous ne changeons rien à la procédure par les lois existantes, nous ne devons rien innover non plus, quant aux attributions des officiers ministériels chargés de l’exécuter.

M. Barthélemy. - Messieurs je ne crois pas nécessaire d’avoir des officiers ministériels près la cour de cassation, mais il serait nécessaire de dire quelle forme de procédure on y suivra, et la régler de manière à pouvoir se passer d’officiers ministériels.

J’ai remarqué que toujours les avocats qui avaient plaidé la cause en appel entendaient mieux l’affaire que les avocats de la cour de cassation, et que c’étaient eux qui ordinairement rédigeaient la requête. Ensuite on l’envoyait à Paris, et là, seulement, pour signer la requête et en faire le dépôt, l’avocat à la cour de cassation demandait 1,200 fr. Ici il y aura trois cours. L’avocat qui aura plaidé croira avoir trouvé un moyen de cassation, il rédigera la requête, la fera notifier à la partie, il en fera le dépôt au greffe et les plaidoiries viendront après. Un avocat de Liège et de Gand peuvent faire tout cela aussi bien que les avocats de Bruxelles. Permettons-le-leur, messieurs, et ne créons point de privilèges pour quelques avocats. (La clôture ! la clôture !)

M. Gendebien. - Je propose de décider d’abord en principe s’il y aura ou non des officiers ministériels devant la cour de cassation. (Appuyé !)

M. H. de Brouckere. Dans le cas où cette question serait résolue définitivement, nous pourrions encore voter sur l’amendement de M. Devaux. (Oui ! oui !)

M. le président. - Voici la question sur laquelle je vais consulter l’assemblée : Y aura-t-il des officiers ministériels chargés exclusivement de postuler et de conclure devant la cour de cassation ?

- Cette question est résolue affirmativement.

M. le président. - Voici maintenant l’amendement de M. Devaux :

« Les avoués près la cour de Bruxelles ont exclusivement le droit de postuler et de prendre des conclusions devant la cour de cassation ; ils n’ont pas celui de plaider.

M. de Robaulx. - De qui dépendront-ils pour la discipline ?

M. Devaux. - On fera un règlement. D’ailleurs la chambre des avoués subsistera toujours.

M. de Robaulx. - On culbute tout.

M. Jullien. - On détruit les institutions sans savoir ce qu’on mettra à la place.

- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix et rejeté.

M. Jullien. - Je propose l’amendement suivant :

« En attendant l’organisation judiciaire les avocats près les cours d’appel rempliront les fonctions d’avocat près la cour de cassation.

M. Devaux. - Qu’est-ce que c’est qu’avocat à la cour de cassation ?

M. Jullien. - Je demande à développer mon amendement.

L’orateur développe son amendement et soutient que les avocats près les cours d’appel présentent toutes les garanties désirables pour remplir les fonctions devant la cour de cassation. Ce qu’on propose jetterait, selon lui, la confusion dans l’ordre de choses existant ; et on ne doit y toucher que quand on s’occupera de l’organisation générale de l’ordre judiciaire.

M. Devaux. - On a déjà rejeté cet amendement en adoptant le principe.

M. de Robaulx. - Je demanderai une explication à l’honorable M. Jullien. Il veut par son amendement que les avocats des trois cours d’appel exercent près la cour de cassation. Mais M. Jullien n’ignore pas que lorsque les procédures commencent il peut se présenter des incidents, des interlocutoires, tout cela exigera des procédures, des notifications. Je demande à présent où devront être faites ces notifications.

Moi par exemple je suis à Liége, l’avocat adverse est à Gand, je ne suis pas obligé d’aller chercher l’avocat où il lui plaira d’aller se réfugier. Fera-t-on les notifications à la partie ? Mais des actes de procédure ne notifient pas à la partie. Quel mode suivra-t-on ? Fera-t-on la signification au greffe ? Il me semble, messieurs, que voilà bien des embarras sur lesquels cependant il faudrait s’expliquer.

Voilà l’inconvénient d’innover, de renverser tout sans savoir si ce qu’on propose sera praticable ou non. En procédant ainsi, tout à l’heure vous allez ne plus savoir quelles lois seront applicables à la cour de cassation et quelle procédure on y suivra. Sera-ce celle de France ? Mais déjà vous avez rejeté, je ne sais pas trop pourquoi, la chambre des requêtes ; il n’est donc pas possible de recourir à la procédure française. Voulez-vous suivre la procédure pratiquée depuis 1814 devant nos cours ? Mais dans ce cas, tâchez de faire des choses qui se coordonnent et se concilient avec la constitution et avec nos institutions nouvelles. Je voudrais d’abord qu’on décidât ceci : y aura-t-il des officiers ministériels attachés à la cour de cassation ? (C’est déjà décidé !) et ensuite que l’on mît ce principe en action. Sans cela tout à l’heure, vous croirez avoir organisé une cour de cassation, et vous n’aurez rien organisé du tout.

M. Van Meenen. - Les arguments de l’honorable M. de Robaulx me ramènent à cette observation : qu’ayant déjà décidé qu’il y aurait des officiers ministériels devant la cour de cassation, et ayant rejeté l’amendement de M. Devaux, nous nous trouvons dans la nécessité d’admettre des officiers ministériels, c’est de cela que nous devons exclusivement nous occuper ; il faut donc voir quel nombre d’avocats nous rattacherons à la cour de cassation. Je crois que ce nombre doit être assez restreint.

M. le président. - Vous avez voté déjà le principe.

M. de Robaulx. - Il faut mettre aux voix l’article de la section centrale…

M. Jullien. - Je demande la parole (La clôture !). Je voulais d’abord répondre que je ne connais pas encore de cour à Gand et qu’il n’est pas décidé qu’elle ne sera pas à Bruges (hilarité) ; c’est une simple observation que je fais et pas autre chose (nouvelle hilarité).

M. de Robaulx. - Je n’ai entendu rien préjuger à cet égard, car je voterai pour Bruges.

M. Jullien. - Maintenant à propos de la procédure à suivre devant la cour de cassation, je dirai, que si lors du vote définitif de la loi, on revient sur la décision prise à propos de la chambre des requêtes et que la chambre des requêtes soit établie, il faudra revenir aux règlements de la cour de cassation de France. Si nous restons dans le système actuel, il faudra nous en tenir aux règlements qui nous régissent depuis 1814. Dans ce cas il n’y a qu’un mémoire à signifier à la partie, un rapporteur à nommer, après quoi viennent des plaidoiries. Voilà toute la procédure ; pour cela on n’a pas besoin d’un officier ministériel, l’avocat fera toujours, ou le plus ordinairement, la requête ; qu’aura à faire l’avoué ? A y apposer sa signature, et voilà tout ; et pour cela vous voudriez que les plaideurs payassent deux personnes ! Ce serait véritablement un hors-d’œuvre, ce qu’on appelle des frais frustratoires ; vous éviterez cet inconvénient, messieurs, en adoptant mon amendement. (Aux voix ! aux voix !)

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole ! (C’est inutile ! Aux voix !) Je serai très court. L’orateur revient en peu de mots sur ce qu’il a dit précédemment, que des procédures très compliquées pourront avoir lieu devant la cour de cassation et qu’il est indispensable qu’elles soient faites par des officiers ministériels. (Aux voix ! aux voix !)

M. Jaminé. - Aux voix ! L’article paragraphe par paragraphe.

- Un membre. - Aux voix ! D’abord l’amendement !

- Un autre membre. - Il faut d’abord clôturer la discussion sur l’article 30.

M. Destouvelles. - Voici l’amendement que je propose de substituer au dernier paragraphe :

« Les avocats à la cour de cassation pourront plaider devant la cour d’appel et devant les tribunaux de première instance, et les avocats de première instance pourront de leur côté, plaider devant la cour de cassation, s’ils réunissent les conditions nécessaires pour être nommés avocats près de cette cour. »

- La clôture sur l’article 30 est mise aux voix et ordonnée.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Jullien.

M. Jullien. - Comme on a adopté le principe, qu’il n’y aurait pas des officiers ministériels à la cour de cassation, je retire mon amendement.

- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix et rejeté.

Les paragraphes 1, 3, 4 et 5 de l’article 30 sont ensuite adoptés sans amendement.

Les paragraphes 2 et 6 sont supprimés.

M. le président. - Il reste pour remplacer le paragraphe 7, l’amendement propose par M. Destouvelles.

M. H. de Brouckere. - D’après les derniers mots de cet amendement, il semblerait que pour plaider à la cour de cassation, il faudrait être avocat depuis 6 ans. Est-ce comme cela que l’entend M. Destouvelles ? (Oui ! oui !) C’est impossible !

M. Devaux. - On a supprimé le paragraphe 6, précisément parce qu’on ne voulait pas que les avocats pour plaider devant la cour de cassation fussent tenus de réunir les qualités qu’on exige pour les officiers ministériels. Il faut donc effacer de l’amendement les mots : « s’ils réunissent, etc. »

M. de Robaulx. - Ce n’est pas ainsi qu’on l’a entendu. Pour ma part quand j’ai voté la suppression du paragraphe 6 c’est que j’avais entendu l’amendement de M. Destouvelles et je pensais qu’on était dans l’intention d’en adopter la dernière partie, sans cela j’aurais voté contre la suppression. Nous ne sommes pas liés à voter la suppression si l’amendement n’est pas adopté.

M. H. de Brouckere. - Nous ne sommes pas liés c’est vrai ; mais de la diversité d’opinions qui se manifeste résulte la nécessité de voter sur le sous-amendement par lequel on demande la suppression des derniers mots de l’amendement. Ceux qui voudront que tous les avocats puissent plaider devant la cour de cassation voteront pour cette suppression, tous ceux qui penseront le contraire voteront contre.

M. de Robaulx. - S’il en est ainsi, voici ce qui va arriver. Vous savez que jusqu’à aujourd’hui les cours ne sont pas d’accord sur la question de savoir si le décret de 1810 est encore en vigueur. Pour être admis à plaider devant une cour il faut y avoir fait stage de 3 ans et être inscrit au tableau. Un avocat inscrit au tableau d’un tribunal de première instance, du tribunal de Huy par exemple, ne peut pas plaider devant la cour de Liége. Eh bien, si vous adoptez l’amendement de M. Destouvelles, ce même avocat qui ne peut par plaider à Liége, ne pourra plaider devant la cour du cassation. Messieurs, cela n’est pas admissible. Il faut au moins être conséquent quand on fait des lois et les coordonner entre elles.

M. Devaux. - Je ne sais jusqu’à quel point la disposition du décret de 1810 est respectable, mais en tout cas je ne crois pas que l’on doivent partir d’un abus pour en autoriser un autre. Il ne faut pas restreindre le cercle des avocats, il faut l’étendre au contraire, c’est là le bénéfice des parties. Les anciens avocats ont assez d’avantages, sans leur en donner de nouveaux par votre loi. Je demande que l’on retranche la condition des six années et que les jeunes avocats, comme les anciens, soient admis à plaider devant la cour de cassation.

- La clôture est prononcée.

M. Destouvelles corrige son amendement qui reste ainsi conçu :

« Les avocats à la cour de cassation peuvent plaider devant la cour d’appel et les tribunaux de première instance ; les avocats des cours d’appel peuvent plaider devant la cour de cassation. »

- Le paragraphe 7, ainsi amendé, est mis aux voix et adopté.

L’article 30 est ensuite mis aux voix dans son ensemble : il est adopté.

Article 31

« Art. 31. Les huissiers près la cour de cassation sont nommés par le roi sur la présentation de la cour.

« Leur nombre est fixé par le roi, sur l’avis de la cour.

« Ils instrumentent exclusivement dans la commune où siège la cour, pour les affaires qui sont de sa compétence. Ils peuvent exploiter, concurremment avec les autres huissiers dans le ressort du tribunal de première instance de l’arrondissement de Bruxelles. »

M. le président. - Voici un amendement :

« J’ai l’honneur de proposer à la chambre de fixer ces traitements... » (Interruption. Après l’article !)

M. le président. - Que ceux qui adoptent l’article veuillent bien se lever.

- L’article est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Voici un article additionnel de M. Mary :

« Art. 32. Le traitement des conseillers de la cour de cassation sera de 6,000 francs.

« Le premier président aura un supplément de moitié en sus ; les présidents de chambre du quart en sus.

« Le procureur-général aura le même traitement que le premier président ; les avocats-généraux le même traitement que les conseillers.

« Le traitement du greffier en chef sera de 6000 francs et celui des commis-greffiers de la moitié.

« Le traitement des huissiers audienciers sera de 1,000 francs. »

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Je demande la parole.

M. le président. - M. Mary n’a pu encore développer son amendement.

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - C’est pour une motion d’ordre. En présentant le projet de loi actuellement en discussion, il a été annoncé qu’une loi serait présentée pour fixer le traitement des membres de l’ordre judiciaire ; cette loi sera incessamment présentée. J’ai cru qu’il était convenable de constituer ce corps avant de s’occuper du traitement qui serait alloué à ses membres. La proposition du préopinant n’est pas un amendement, mais une disposition qui ne peut trouver place ici. (Appuyé ! appuyé !).

M. Mary. - Ce n’est pas sans surprise que je n’ai pas vu la fixation du traitement des magistrats accompagner le projet qui les constituait. Des antécédents nous faisaient croire que le ministre n’aurait pas reculé devant cette proposition, car la loi des ventôse an VIII, en fixant les attributions, fixait aussi les traitements. Je crois absolument essentiel de nous en occuper et voici pourquoi : Nous connaissons très bien maintenant les devoirs imposés aux magistrats, l’importance de leurs fonctions, et nous sommes bien à même de les apprécier puisque nous faisons une loi qui règle leurs attributions. Quand la loi des traitements nous sera présentée, nous aurons perdu de vue la discussion actuelle, et si nous la refusons, l’organisation est indéfiniment ajournée ; je ne vois pas pourquoi nous ne les fixerions pas aujourd’hui. Au reste je ne m’oppose pas à ce que ma proposition soit renvoyée à la section centrale, car je sens que l’on pourrait varier sur la somme des traitements. Mais je persiste à penser qu’il est nécessaire de les fixer dans la loi.

M. Brabant. - D’abord l’amendement est-il appuyé ?

M. Lebeau. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

- Plusieurs voix. - Mais est-il appuyé ?

M. Seron. - La première chose dont on a à s’occuper, c’est de la motion d’ordre.

M. Lebeau. - J’ai demandé la parole pour interroger M. le ministre de la justice ; je désirerai savoir si M. le ministre entend que cette loi sera présentée avant la clôture de la session ?

M. le ministre de la justice (M. Raikem). - Il n’y a pas de doute, elle sera incessamment présentée.

M. Mary. - Alors j’ajourne ma proposition.

M. de Robaulx. - Je le crois bien, puisque personne ne l’a appuyée !

Titre II. Des cours d'appel

M. le président. - Nous venons au titre II, « Des cours d’appel.

Article 32

« Art. 32. Trois cours d’appel sont établies dans les lieux et pour les provinces ci-après :

« A Bruxelles, pour les provinces d’Anvers, du Brabant et du Hainaut ;

« A Gand, pour les provinces de la Flandre orientale et de la Flandre occidentale ;

« A Liége, pour les provinces de Liége, de Namur, du Limbourg et du Luxembourg. »

M. le président. - M. Julien a déposé un amendement, par lequel il demande que le siège de la troisième cour d’appel soit à Bruges, au lieu d’être à Gand. (Hilarité.) Il a la parole pour le développer.

M. Jullien. - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer, est très simple comme vous voyez, puisqu’il consiste uniquement à substituer un mot à un autre. (Hilarité.)

La ville de Bruges et la ville de Gand réclament toutes deux le siège de la troisième cour d’appel qui d’après la constitution doit être établie dans le royaume.

Aucune des villes des deux Flandres ne s’est mise sur les rangs, et ne se croit en droit de leur disputer la préférence. Le débat sur lequel vous avez à prononcer est donc uniquement entre Bruges et Gand.

Dans cette position j’ai hésité un instant, je vous l’avoue, si je prendrais la parole ; bourgeois de Bruges et avocat, j’ai craint que cette double qualité ne vous inspirât quelque défiance, mais un peu de réflexion m’a bientôt décidé ; et d’abord je me suis dit que depuis que j’ai l’honneur de siéger dans cette enceinte, je n’ai donné à personne le droit de supposer que mes opinions auraient jamais été influencées par l’intérêt personnel, ou par l’esprit de localité.

Représentant de la nation je n’ai jamais vu, jamais considéré, que les intérêts généraux du pays. C’est encore cette ligne de conduite que je suivrai dans la question qui nous occupe, et si on parvient à me démontrer que dans l’intérêt général la troisième cour doit être établie à Gand, c’est pour Gand que je voterai.

Mais si je reste convaincu, que dans l’intérêt public, dans celui de la justice et des justiciables, comme aussi d’après les principes d’équité et de justice distributive, Bruges doit avoir la préférence, vous ne me désapprouverez pas sans doute, messieurs, si tout en remplissant mon devoir de loyal député, j’acquitte la dette de la reconnaissance, en soutenant les justes prétentions de la ville qui m’a envoyé ici, et qui depuis plus de trente ans m’a donné à plusieurs reprises des témoignages d’estime et de considération.

Le mémoire qui vous a été distribué par la régence de Bruges a rendu ma tâche facile ; je me bornerai quant à présent à vous exposer les principaux moyens, bien persuadé que mes honorables collègues de la Flandre orientale me fourniront amplement l’occasion de donner à ces moyens le développement dont ils pourraient encore avoir besoin.

La principale considération qui doit nous toucher, c’est l’intérêt public ; or, cet intérêt est ici de rapprocher autant que possble la justice des justiciables, et cette considération toute puissante est évidemment en faveur de la ville de Bruges ; car veuillez, messieurs, examiner la carte que vous avez sous les yeux, et vous remarquerez que sur sept arrondissements judiciaires qui composent les deux Flandres, cinq, qui sont Ypres, Furnes et Courtrai, dans la Flandre occidentale, Gand et Audenaerde, dans la Flandre orientale, sont seulement éloignés de huit à douze lieues de Bruges.

L’arrondissement de Termonde, ou plutôt les points extrêmes de cet arrondissement, car il ne faut pas compter l’arrondissement de Bruges, sont seuls à une plus grande distance, c’est-à-dire de 16 à 17 lieues, tandis que les arrondissements de Furnes et d’Ypres sont éloignés de 18 à 20 lieues et plus de la ville de Gand.

Bruges est donc le point le plus central.

Si on réfléchit maintenant que dans le pays de la Flandre occidentale qu’on appelle le Furne-Ambacht, les routes sont impraticables en hiver et dans la saison des pluies, tandis que la Flandre orientale est occupée en tous sens par de belles chaussées fréquentées et à toute heure du jour, par des voitures publiques qui établissent une libre et facile communication avec la ville de Bruges, on verra que de ce côté l’avantage est encore à cette dernière ville.

Mais j’entends déjà murmurer à côté de moi, cette objection qui vient de mon honorable ami, M. Delehaye : les justiciables des Furne-Ambacht, me dira-t-on, doivent de toute nécessité arriver à la chaussée à travers leurs chemins impraticables, soit qu’ils aillent à Bruges ou à Gand ; or, qu’importe pour la décision de la question, l’impraticabilité de ces chemins ?

A cela, messieurs, la réponse est facile, c’est que celui qui a épuisé ses moyens de transport dans de mauvais chemins, a beaucoup plus de facilité à parcourir 7 à 8 lieues qui lui restent à faire pour arriver à temps, que s’il devait faire le double de chemin pour aller à Gand.

Une autre considération, qui est encore puisée dans l’intérêt général, c’est le nombre de causes fiscales qu’amènera la triple frontière de la Flandre occidentale, et vous venez encore, tout récemment, d’établir une croisière de douaniers sur les côtes maritimes, ce qui ne manquera pas d’augmenter le nombre des procès qui devront être portés devant la cour.

Bruges a sur Gand l’avantage de posséder un des plus beaux palais de justice du royaume, tandis, c’est un fait notoire, qu’on est obligé de tenir la cour d’assises de Gand dans le local de la maison-de-ville.

Si nous examinons maintenant l’intérêt des juges, il est incontestable qu’avec les traitements qu’on se propose de leur allouer, ils vivront beaucoup plus honorablement à Bruges qu’à Gand, parce que la vie y est meilleur compte, et les loyers à beaucoup meilleur marché.

Dans une ville de haut commerce, on sait que la magistrature est complétement éclipsée par les fortunes commerciales, ce qui tend à lui faire perdre quelque chose de la considération qui lui est due.

La bruyante activité d’une ville aussi industrieuse que Gand ne convient pas non plus aux habitudes paisibles des magistrats, et c’est pour ce motif sans doute qu’en France, comme dans ce pays, on a presque toujours choisi les villes les plus tranquilles pour y fixer les grands corps judiciaires. C’est aussi que, lorsqu’en France les villes d’Aix, Colmar, Douai, Orléans, Pau, Rennes, ont sous leurs juridictions Marseille, Strasbourg, Lille, Tours, Bayonne et Nantes, chez nous le grand conseil était établi à Malines, d’où ressortissaient Anvers, Bruxelles, Bruges et Gand.

Il y a même cela de remarquable, c’est que dans son mémoire la régence de Bruges a très bien établi que les causes qui dans les temps anciens ont fait transférer de Bruges à Gand le conseil de Flandres sont précisément les mêmes qui doivent déterminer aujourd’hui l’établissement de la cour d’appel à Bruges plutôt qu’à Gand.

Mais, messieurs, laissons là toutes ces considérations particulières auxquelles je n’attache pas plus d’importance qu’elles ne méritent, et qu’il me suffise d’avoir établi que la préférence due à la ville de Bruges était puisé dans l’intérêt des justiciables et par conséquent dans l’intérêt public.

Il me reste à examiner la question sous le rapport de la justice distributive.

Dans tout gouvernement, je ne dirai pas constitutionnel, mais seulement juste et équitable, les avantages comme les charges doivent être réparties également entre les citoyens.

Le meilleur gouvernement est sans contredit celui qui se rapproche le plus du gouvernement de la famille ; eh bien, que diriez-vous d’un père qui prodiguerait ses biens à un de ses enfants et qui ne donnerait rien à l’autre ? C’est la nature qui établit l’égalité entre les enfants d’un même père ; ce principe d’égalité est dans nos mœurs, il est écrit dans nos lois avec la dernière sévérité, et je ne connais que l’intérêt général de la société, comme de la famille qui puisse le faire fléchir.

Voyez, je vous prie, comment il a été observé entre les deux villes.

Gand a été dotée d’une université par l’ancien gouvernement, elle en outre un grand commandement militaire, une direction générale du génie militaire et civil, un évêché avec son chapitre cathédral et son séminaire, une maison générale de détention, une administration supérieure des domaines, etc.

Tous ces établissements sont institués pour les deux Flandres, et c’est la ville de Gand seule qui en jouit.

Et Bruges, autrefois la première des villes de la Flandre, n’a rien, absolument rien, que le souvenir de sa grandeur passée ! Je vous le demande, messieurs, est-ce la de la justice ?

Je crois vous avoir démontré jusqu’à l’évidence, que dans l’intérêt général, dans celui de l’administration de la justice, la préférence étant due à la ville de Bruges, et quand même les droits des deux villes pourraient se balancer, que les simples règles de l’équité et de la justice distributive ne permettraient pas d’hésiter.

J’attends maintenant assez bien de vous, messieurs, pour être persuadé que vous ferez mentir l’épigramme de Martial, par laquelle la régence de Bruges a cru devoir terminer son mémoire, et qui dit en français : « Si tu es pauvre, tu resteras pauvre, car dans ce siècle de corruption, on ne donne les biens et les richesses, qu’aux riches. »

M. le président. - Un nouvel amendement vient d’être déposé. M. Taintenier propose que le siège de la troisième cour soit à Mons (Hilarité générale et prolongée.)

M. Taintenier. - Je demande à développer mon amendement.

M. le président. - MM. Van Innis et de Roo sont d’abord inscrits, ils doivent être entendus avant vous. La parole est à M. Van Innis.

M. Van Innis. - Messieurs, l’intention de la constitution, en ordonnant la création d’une troisième cour d’appel, a été toute dans l’intérêt des justiciables, c’est donc cet intérêt qu’il faut considérer et qui doit nous guider dans la question de savoir où vous placerez cette troisième cour d’appel. La question n’est pas de savoir si Bruges a plus de titres que Gand, ou Gand plus de titres que Bruges. Il s’agit seulement d’examiner où le véritable intérêt des justiciables des deux Flandres exige la troisième cour. Le Gantois n’y a pas plus de droits que le Brugeois, le Brugeois que le Gantois, et ceux-ci pas plus que les autres villes des deux provinces, ainsi d’après l’exacte justice, il faut que chaque justiciable soit à une égale distance de sa cour d’appel. Dans l’établissement de cette cour vous devez donc chercher à vous rapprocher de cette égalité.

Je suis d’accord avec l’honorable M. Jullien, que c’est la stricte équité qui doit nous déterminer. Maintenant prenons la carte en main et voyons où se trouve le centre de la juridiction de la cour. Ici vous remarquerez d’abord, que Bruges est loin d’être au centre de sa propre province, et si peu au centre que prenant un compas et traçant un cercle au milieu de la Flandre orientale, Bruges se trouverait en dehors de la circonférence tandis que Gand au contraire, présente très peu d’inégalités dans les distances ; bien plus les deux tiers des justiciables de l’arrondissement de Courtrai se trouvent plus rapprochés de Gand que de Bruges.

Ainsi donc, la seule inspection de la carte doit vous convaincre que le véritable intérêt de la justice et des justiciables exige que la cour d’appel soit placée à Gand et non à Bruges.

Si vous placez la cour d’appel à Bruges, il en résultera que vous ferez faire aux deux tiers des justiciables de la Flandre orientale 8 lieues de plus, tandis que ceux de la Flandre occidentale qui se trouvent les plus éloignés, vous leur ferez faire 3 ou 4 lieues de plus. On vous dit que certaines localités sont à 16 ou 17 lieues de Gand et que les plus éloignés de Bruges ne sont qu’à cette distance. Néanmoins, comme vous devez décider entre l’une ou l’autre ville, vous ne pourrez balancer entre ceux qui n’ont que 3 eu 4 lieues à faire pour se rendre à leur cour, et ceux qui en ont 8.

Il y a plus, consultez la disposition de la constitution qui fixe une troisième cour d’appel, elle a voulu par là introduire un bienfait pour certaines provinces ; si vous établissez la cour à Gand, il n’y aura pas un justiciable qui ne se ressente du bienfait. Ceux de la Flandre orientale se trouveront rapprochés de dix lieues, tandis que je vous demande quel avantage il y aurait dans la cour d’appel à Bruges ? Termonde est à 5 lieues de Bruxelles, 5 lieues de Gand, Ninove est à 5 lieues de Bruxelles et à 3 lieues de Gand, les localités les plus éloignées ne le sont que de 6 à 7 lieues, et par l’amendement, vous leur ferez en faire 16 à 17 pour se rendre à Bruges. La plupart perdraient tout au changement.

L’honorable M. Jullien vous a dit que dans les gouvernement, comme dans les familles, il fallait une bonne et juste répartition des charges, des bénéfices et des faveurs. J’admets bien volontiers ce principe ; mais il est un autre principe non moins respectable, c’est celui-ci que les faveurs ne doivent être accordées que quand elles ne consacrent pas d’injustice, et il ne faut pas enrichir des justiciables pour en appauvrir d’autres.

Vous parlez des habitants de Bruges, moi je vous citerai ceux de Termonde et du plat pays qui sont intéressés aussi à être près de leurs juges. Ceux-là aussi supportent des charges, et ils n’ont pas à espérer que jamais il leur arrive de faveurs semblables à celle que vous demandez, Ceux-là pourraient se plaindre à bien plus juste titre, et puisqu’on a parlé de Martial, je dirai qu’ils seraient bien mieux placés dans leur bouche ces mots :

Semper eris pauper, si pauper es Emiliane

Dantur opes nulli nunc nisi divitibus.

(Moniteur belge n°174, du 22 juin 1832) « A M. le rédacteur sténographe du Moniteur belge

« Dans le compte rendu de la séance du 17 juin dernier, vous avez mis dans ma bouche des absurdités que je tiens à relever ; je vous prie, en conséquence de redresser de la manière suivante les passages qui ont été le plus dénaturés.

« J’ai l’honneur, etc.

« Van Innis.

« 1° Vous remarquerez d’abord que Bruges est loin d’être au centre de sa propre province, et si peu au centre que, prenant un compas et traçant un cercle au milieu de la Flandre occidentale, Bruges se trouverait en dehors de la circonférence tandis que Gand est à peu près au centre de sa province, et, s’il s’en éloigne, c’est vers la Flandre occidentale ; et remarquez surtout que Bruges se trouve sur un point extrême de la Flandre occidentale diamétralement opposé au point où cette province s’étend le plus en largeur, de telle sorte que les deux tiers des justiciables de l’arrondissement de Courtrai sont plus près de Gand que de Bruges.

« 2° Si vous placez la cour d’appel à Bruges, il en résultera que vous ferez faire 8 lieues de plus aux deux tiers des justiciables de la Flandre occidentale, car les deux tiers de cette province se trouvent derrière Gand respectivement à Bruges, tandis qu’en plaçant la cour à Gand la plupart des justiciables de la Flandre occidentale qui seraient les plus éloignés de la cour n’auraient à faire que trois ou quatre lieues de plus ; car vous observerez que, lorsqu’on vous parle des justiciables de la Flandre occidentale les plus éloignés de Gand on a soin de ne pas vous dire que ces mêmes justiciables sont à trois ou quatre lieues près aussi éloignés de Bruges que de Gand. Maintenant comme vous devez vous décider entre les deux villes de Gand et de Bruges, vous ne pourrez balancer, vous devez sacrifier les justiciables de la Flandre occidentale qui n’auront à se plaindre que de trois ou quatre lieues, si vous placez la cour à Gand, à ceux de la Flandre orientale qui auraient à se plaindre d’une distance de huit lieues si vous placiez la cour à Bruges.

« 3° Après les mots « pour certaines province. » Si de la Flandre occidentale qui ne se ressente du bienfait ; tous les justiciables de cette province se trouveront rapprochés de 10 lieues de leur cour d’appel tandis que tous les justiciables de la Flandre orientale ne gagneraient pas même au changement. Voyez Termonde, Alost et leurs environs, ils sont à une égale distance de 5 lieues de Gand et de Bruxelles ; les habitants de Ninove perdraient même au changement ; ils ne sont qu’à 4 lieues et demie de Bruxelles, tandis qu’ils sont à 6 et 7 lieues de Gand. Mais quelle injustice criante ne leur feriez-vous pas si vous placiez la cour d’appel à Bruges, à 14 et 15 lieues de leurs domiciles ! »

(Moniteur belge n°170, du 18 juin 1832) M. de Roo. - Messieurs, la constitution posant les principes fondamentaux de l’institution judiciaire, décrète, article 95, une cour de cassation, et article 104, trois cours d’appel en Belgique. Le projet de l’organisation judiciaire présenté par la section centrale, d’accord en ceci avec M. le ministre de la justice, en maintenant deux de ces cours à Bruxelles et à Liège, assigne la troisième à la ville de Gand.

Nulle doute que la troisième cour d’appel, doit avec justice être établie dans les Flandres, formant un tiers de la population du pays, ayant des propriétés toutes divisées, un commerce étendu, une ligne de douanes considérable, lesquelles relations toutes enfantent un faisceau de procès, qui se poursuivent très souvent en appel et même en cassation. Or, je trouve peu fondé toute objection qui aurait pour but d’établir ailleurs qu’en Flandre, la troisième cour d’appel.

Le tribunal de Mons, il est vrai, réclame la troisième cour d’appel pour la province du Hainaut, en donnant pour motifs que cette province a été de temps immémorial en possession d’une cour souveraine, dont le siège était établi, tantôt à Tournay, tantôt à Douai ; mais cette allégation même ne prouve-t-elle pas que ce ne fut point pour le Hainaut seul que cette cour fût établie, mais en même temps pour une partie de la France, telle que Douai et sa banlieue. Je n’appuierai plus sur ce point, puisque les représentant du Hainaut, ne le demandent plus au préjudice des Flandres, comme leur tribunal.

Je conviens cependant avec le tribunal de Mons, qu’il ne faut pas créer des privilèges pour quelques villes particulières du royaume qui jouissent déjà de tant de faveurs, telles que les villes de Bruxelles, Liége et Gand. C’est comme si les autres villes du royaume ne méritaient pas l’attention du gouvernement, que ses vues portent toujours sur les mêmes lieux et places

Telle, par exemple, la ville de Bruges, aussi ancienne et plus ancienne peut-être, que la ville de Gand ; si on puise dans l’incertitude de l’ancienneté, une raison pour établir un droit tel que le fait un député de la Flandre orientale, dans son précis historique des institutions judiciaires de la Belgique.

Avant et pendant le quatorzième siècle, la ville de Bruges était la ville la plus florissante et la plus riche, non seulement des Flandres, mais de la Belgique entière ; elle comptait passé les 100,000 habitants dans ses murs et 600 vaisseaux dans son bassin ; elle était la résidence des comtes de Flandres et ducs de Bourgogne, telle que le fût après elle, la ville de Gand ; mais, jamais cette dernière ville n’a pu parvenir à ce degré de splendeur et d’opulence qui existât dans la ville des Bruges, ce qui causa même l’envie de Jeanne, fille de Philippe le bel.

Elle est dégénérée, il est vrai, et Gand s’est élevée par ses manufactures récentes, par son commerce et par une protection toute particulière de l’ancien gouvernement de Guillaume. L’établissement d’une université, un siège épiscopal, le creusement d’un canal, qui, quoique sans utilité, a causé des frais énormes, ses nombreuses fabriques, érigées par une singulière magnificence de l’ex-roi, puisant profondément dans le million Merlin, telles furent les constantes sollicitudes de ce roi, envers sa chère ville de Gand.

Lorsqu’on ajoute à ceci, qu’elle possède encore un grand commandement militaire, une direction générale militaire et civile, un séminaire, une maison de force, une administration supérieure de domaines, une garnison et dépôt continuel de cavalerie, etc., etc., tandis que la ville de Bruges possède, par contre, un dépôt de mendicité, qu’on veut encore lui disputer.

Après tant de bienfaits accumulés, tant de libéralités successives exercées au détriment des autres villes, trouve-t-on, que sans commettre une injustice on doive la favoriser davantage en y instituant une cour d’appel ! Je ne pense pas, messieurs, surtout lorsqu’avec un avantage égal de localité, avec une communication facile et commode avec toutes les parties de la Flandre orientale, s’élève une ville trop longtemps et injustement abandonnée, une ville qui n’a cessé de montrer son attachement à la cause nationale, tant par l’adhésion spontanée de son administration au gouvernement provisoire que par la noble conduite de ses habitants, qui ont si vaillamment combattu contre nos oppresseurs, une ville dont les milices citoyennes ont les premières marchées vers l’ennemi et ce aux frais de la ville, et ont eu la insigne bonheur ou plutôt l’honneur de le refouler jusque dans ses marais en remportant sur lui une victoire complète, qui ne fut couronnée d’un même succès ailleurs. Je me fais gloire de le dire, messieurs, que ses habitants en maintenant la position si importantes du Hazegras, ont conjointement avec une partie de la sixième division, coulés bas trois canonnières ennemies, dont l’honneur est dû à un artilleur, bourgeois de la ville, et lui ont pris trois pièces de canon, qui maintenant arment notre marine.

Nous avons parlé messieurs, des localités. Il nous reste à démontrer la facilité des communications qu’ont les six districts de la Flandre orientale avec la ville de Bruges. Par des chaussées commodes, qui ont des embranchements dans presque toutes les communes de ces districts, desservies par des voitures publiques, les habitants en sont transportés dans un temps rapproché et à moitié de frais au chef-lieu de la Flandre occidentale, dont en tout cas ils sont moins distants que ne le sont les habitants des huit districts de la Flandre occidentale.

Les cantons de St-Nicolas et Beveren, points extrêmes de la Flandre orientale, ne sont de Bruges tout au plus que 15 à 16 lieues, tandis que les cantons de Haringue, Poperingen, Ransbrugge et toute la ligne jusqu’à Adinkerke et La Panne (Flandre occidentale) sont séparé de Gand de 20 à 22 lieues.

D’un autre côté, le plat pays de la Flandre occidentale offre peu de communications et des routes impraticables dans la mauvaise saison, où il n’existe d’ailleurs aucun service de voitures publiques, et ses habitants fort éloignés de la ville de Gand, devront surtout en hiver faire des dépenses considérables pour se transporter dans cette ville.

Il faut donc désirer à chaque juridiction une localité territoriale telle qu’il soit au pouvoir des habitants de s’y transporter à moins de frais et où la communication est la plus commode et facile, de manière à ce qu’il puisse s’y rendre le plus vite et également s’en retourner le plus tôt chez lui, afin de ne vaquer trop longtemps à ses occupations et affaires.

La province de la Flandre orientale comprend les ressorts de trois tribunaux, celle de la Flandre occidentale en a quatre ; peu de provinces offrent et offriront plus d’affaires concernant le fisc et les impôts de l’Etat que la Flandre occidentale par suite de la fraude active tant sur terre que par mer, exercée sur la triple frontière, frontière de mer, frontière française et frontière hollandaise.

Elle comprend deux ports de mer, Ostende et Nieuport, dont l’importance ne peut qu’accroître de jour en jour ; Ostende déjà fait un commerce des plus actifs, et ces deux ports et ces trois frontières froueront par la suite de nombreuses et importantes contestations, c’est donc dans le centre de ces intérêts qu’il faut l’établir, c’est à Bruges.

Ce n’est pas toujours le nombre des habitants que l’on doit envisager pour l’établissement d’une cour ou tribunal dans un endroit plutôt que dans l’autre ; mais la facilité des communications et moyens d’y parvenir à moins de frais, la disposition des localités, le nombre des causes, et le moyen d’y trouver bonne et prompte justice. Sous ces rapports la ville de Bruges l’emporte de beaucoup sur la ville de Gand.

Quant aux moyens de communication, nous avons déjà démontré à l’évidence que les moyens dans la Flandre occidentale, pour parvenir au chef-lieu de la Flandre orientale, contient le double, les voitures y étant payées généralement plus cher, et en beaucoup d’endroits il n’y en a pas, le chemin étant impraticable et ne servant à aucun grand passage.

Pour la localité, nous avons démontré que les extrémités de la Flandre orientale, d’avec la ville de Bruxelles sont de 18 lieues, tandis que celles de la Flandre occidentale d’avec la ville de Gand en sont de 20 à 22.

Pour le nombre des causes, d’après un relevé fait en 1826, le nombre des causes en appel (puisque ce ne sont que les causes d’appel que nous devons envisager et mettre ici en rapport) de la Flandre orientale se portaient à 141 et celles de la Flandre occidentale à 138 ; donc la Flandre orientale l’emportait seulement de six causes ; mais ajoutez que depuis, la Flandre occidentale a acquis une frontière de douane de plus, deux ports de mer qui commencent une nouvelle carrière commerciale, plus de mouvements et de trafics dans les affaires, qui engendreront des contestations inévitables et porteront les causes d’appel à un tiers de plus.

Pour le moyen d’y trouver bonne et prompte justice, cela dépendra beaucoup du personnel dont seront composées les cours ; mais un moyen accessoire est aussi de pouvoir en peu de temps être à même de se porter sur les lieux, et de veiller en personne à ce que les affaires acquièrent l’activité dont elles sont susceptibles.

Les raisons qui ont milité pour l’établissement du tribunal de Furnes, confirment la nécessité d’établir la cour d’appel à Bruges plutôt qu’à Gand, et la communication difficile avec les autres chefs-lieux où sont établis les tribunaux les plus rapprochés, tels que Bruges et Ypres, on ne parvient qu’après avoir passé une journée entière à lutter contre le mauvais passage, et les chemins de terre impraticables et couverts d’eau une partie de l’année, qui force les habitants à les franchir dans une frêle barquette, souvent au péril de leurs jours, de sorte qu’en arrivant à Bruges ils ont déjà passés une journée entière pour y arriver : certes, on les dispensera de faire encore dix lieues pour arriver à Gand, tandis que ceux de cette province se rendent avec toute la facilité possible, et sans inconvénient, à Bruges, et s’en retournent chez eux, la plus grande partie, en 24 heures, et les plus éloignés en 36 heures tout au plus.

Il faut aussi ajouter que la moitié de l’arrondissement d’Eecloo est plus rapprochée de Bruges que de Gand, dont les extrémités se trouvent à une lieue et demie des portes de Bruges, et sont distantes de huit et demie lieues de Gand. Tels sont les cantons de Maldeghem et de Knesselaere qui, de tout temps, ont été dépendants du franc de Bruges, et n’en ont été détachés que par la formation d’un arrondissement composé de la Flandre zélandaise, et dont, après sa dissolution, les lambeaux ont été joints injustement, quant à cette partie, au tribunal de Gand, et ainsi incorporé à cette province.

Dans la section centrale, messieurs, composée je ne sais trop comment de sept rapporteurs, au lieu de six et d’un membre adjoint, qui y a également pris la parole, et ainsi malheureusement composée de quatre membres de la Flandre orientale qui, après avoir fait valoir leur opinion indubitablement par trop en faveur de la ville de Bruges, ont néanmoins et la délicatesse de s’abstenir d’émettre leur vote.

Les trois autres étrangers aux provinces des Flandres, dont je suis loin de contester les bonnes intentions ; mais cependant à en juger d’après le rapport très peu au fait des connaissances locales, ont jugé de placer la troisième cour à Gand.

Je respecte leur opinion, mais pas la justesse de leur motif. Ils commencent à raisonner. Pour la ville de Bruges, on fait valoir que Gand renferme dans son sein de grands établissements, qui contribuent puissamment à sa prospérité : une université, une académie de peinture, une maison de force, etc. etc. etc. Certes, le nombre des avantages pour Gand était trop grand pour pouvoir les énumérer tous. Que Bruges, au contraire, n’en possède aucun. Sur ce point, je dois dire à celui qui fait les intérêts de Bruges, qu’il s’est trompé, et que Bruges possède une académie de peinture, et avant même que Gand connût ce que c’était que la peinture ; puisque c’est Jean Van Eyck, Brugeois, autrement dit Jean de Bruges, qui est le père du peintre et le fondateur de l’école flamande de peinture.

A ces observations, un membre oppose l’intérêt des justiciables, et cet intérêt doit dominer toute la question, les rapprocher de leurs juges, tel est le but principal qu’il faut atteindre. En plaçant la troisième cour à Bruges, ajoute ce membre, on fait sous le rapport de la distance regretter à une partie des habitants de la Flandre orientale leur séparation de la cour de Bruxelles ; car dans cette hypothèse, cette partie se trouverait beaucoup plus éloignée de Bruges qu’elle ne l’est de Bruxelles. Ce raisonnement est sans doute très juste dans son hypothèse ; mais je demanderai si la cour à établir en Flandre est seulement pour une partie de la Flandre orientale, ou bien pour les deux Flandres en général ; si on répond que oui, ce raisonnement déterminant n’est donc d’aucune valeur.

D’un autre côté, ajoute-t-on, la facilité des communications milite en faveur de Gand, Je dois m’arrêter ici, et dire, avec toute l’honnêteté possible, que cela est hors de toute vérité, et totalement erroné ; ce que j’ai eu l’honneur de dire, doit avoir convaincu la chambre du contraire, il est donc inutile de le répéter.

Voilà donc, messieurs, les seuls motifs qui ont été déterminé, d’après le rapport, les quatre membres de la section centrale à placer la troisième cour d’appel à Gand. Vous jugerez maintenant combien ces motifs vous paraissent fondés, et j’aime à croire que les honorables membres, qui ont fait partie de la section centrale, n’hésiteront pas à décider qu’ils n’ont point d’opinion fixée à cet égard.

Le comité de conservation de la ville de Gand, prenant fait et cause dans cette discussion, s’attache à refuser quelques observations du tribunal de Bruges, croyant par là tout avoir réfuté ; si réfutation il y a, ce que nous sommes loin de croire ; mais que le comité a plutôt, par ses considérations, démontré que le siège de la cour, dans l’intérêt de tous, devrait être à Bruges, ceci est hors de doute.

Un examen exact de ses observations le démontrera à l’évidence,

Il commence par dire qu’il est vrai que la Flandre occidentale a quatre tribunaux, et que jadis la Flandre orientale en possédait autant ; mais que par la suppression du tribunal d’Eccloo en 1814, ordonnée par mesure d’économie, après avoir détaché la Flandre hollandaise du département de l’Escaut, on a réduit ses tribunaux à trois, et s’étonne de ce qu’en n’a pas fait la même chose d’un tribunal de la Flandre occidentale ; mais il n’y a rien d’étonnant dans tout ceci, ni même rien d’injuste, et c’est à tort que la Flandre orientale se plaint de cette mesure. Il est certain qu’en ôtant de la Flandre orientale la Zélande, pour laquelle ce tribunal d’Eccloo était principalement installé, en y joignant même une partie du franc de Bruges, partie qui se trouve à une lieue et demie de ses portes. Certes, lorsque l’on détache la Flandre zélandaise de la Flandre orientale, il faut lui ôter ce tribunal ; mais l’injustice et la seule injustice que j’y trouve, c’est l’incorporation de la partie du franc de Bruges, située aux portes de la ville.

Il dit en outre que leur province l’emporte en étendue et en population sur la province de la Flandre occidentale. Ici, je crois que ce comité se trompe fortement, lorsqu’il prétend que la Flandre orientale l’emporte en étendue sur la Flandre occidentale. (Voyez l’ouvrage de M. Quetelet, tableau n°9). Vous y voyez que la Flandre occidentale a une étendue de 316,585 hectares, tandis que la Flandre orientale n’en a que 282,361, et la Flandre occidentale en terres cultivées 296,915 et la Flandre orientale seulement 264,988, et d’après le tableau fourni à la chambre, par le cadastre, au premier janvier 1832, Vous y voyez le nombre des bonniers de la Flandre occidentale qui monte à 321,330 et celui de la Flandre orientale seulement à 300,087, de sorte que c’est là, une erreur palpable.

Quant à la population, je conviens qu’elle est tant soi peu plus grande dans la Flandre orientale. Mais que fait la population pour l’établissement d’un tribunal ? Une ville de 60 mille âmes doit-elle avoir plus un tribunal qu’une ville de 40 mille. Je ne le pense pas.

Messieurs, un tribunal suffit pour l’une comme pour l’autre ; mais ce sont la distance, les localités, le lieu d’où la communication est la plus facile avec tout le ressort qui exige l’établissement d’un tribunal. Ainsi vous avez un tribunal à Furnes, vous avez 5 tribunaux dans le Luxembourg, quoique sa population ne soit pas du quart de celle de l’une des Flandres. Mais tirez une ligne droite entre les deux principales villes des Flandres, et vous verrez quelle partie l’emportera et en étendue et en population. Je vous l’ai déjà dit, messieurs, la lisière de la Flandre orientale passe à une lieue et demie des portes de Bruges, tandis que celle de la Flandre occidentale la plus rapprochée de la ville de Gand en est à 6 lieues.

Quant aux autres moyens, messieurs, je crois qu’ils ne valent pas la peine d’une sérieuse réfutation ; car pour dire qu’il n’y aura pas de fraude dans la Flandre occidentale parce qu’il n’y a qu’une grande route de Bruges en Zélande, je ne sais si cela prouve trop peu ou trop, ou rien du tout ; parce que tout le monde sait trop bien que ce n’est pas sur et par les grandes routes que la fraude se fait, mais par les petites traverses et plus souvent par les endroits les moins connus ; dire qu’il n’y en a pas, ce serait nier l’évidence. Mais nous n’avons pas seulement une frontière à comparer à la Flandre orientale, mais il y en a trois, comme nous l’avons déjà fait suffisamment connaître.

Quant aux communications faciles de la Flandre orientale avec la ville de Bruges, ils en conviennent ; mais ils ajoutent que ce n’est pas là une raison pour établir la cour à Bruges, puisque la population elle-même est parvenue à créer ses routes, aussi bien que les établissements et autres institutions dont elle est gratifiée doivent leur origine à la munificence des particuliers. La force, messieurs, de cet argument se trouve tout à fait dans le million Merlin. Tout le monde connaît la profusion avec laquelle il a été versé à pleines mains dans la province de la Flandre orientale et quelque origine, d’ailleurs, que vous donniez à vos routes, il n’est pas moins vrai qu’elles existent, et que les communications faciles que nous soutenons exister sont prouvées et confirmées par vos propres allégations.

L’on tire un autre argument de ce que l’université étant à Gand, il faut également y installer la cour d’appel pour l’instruction des jeunes gens. Ce n’est point, messieurs, à la cour d’appel que les jeunes gens doivent s’instruire ; mais si longtemps qu’ils étudient, ils ont assez d’occupations dans leurs écoles, et une fois leurs études achevées, s’ils ne veulent en premier lieu fréquenter les bureaux d’un avocat ou avoué, ils peuvent fréquenter les tribunaux de première instance, et pour les phénix qui tout d’un coup veulent être avocat d’appel, ceux-ci pourront se transporter là où la cour sera établie. Ce n’est certainement pas pour les jeunes gens qui à peine ont passé licence, qu’on établir les cours d’appel, parce qu’il faudrait les établir partout là où il y a des universités. Ainsi, il faudra pour pareil motif établir la cour d’appel du Brabant à Louvain, plutôt qu’à Bruxelles.

Quant à la rivalité des deux villes, ceci ne mérite pas de réfutation : nous ne sommes plus à cette époque où les habitants marchaient contre l’un l’autre pour s’entre-détruire ; s’ils marchent actuellement, ce ne peut être que sous la même bannière de l’indépendance, et pour se porter aide et assistance l’un à l’autre.

Maintenant, je crois avoir démontré, messieurs, que de quelque face possible, sous quelque point de vue que vous envisagiez la question d’établir une troisième cour d’appel pour les deux Flandres, on la doit avec justice et convenance, résoudre en faveur de Bruges, chef-lieu de la Flandre occidentale, tant pour les communications faciles, commodes et moins dispendieuses pour les habitants des deux provinces, que pour sa bonne conduite dans la révolution et par un principe de justice distributive en écartant le cumul et les privilèges formellement proscrits par la constitution.

Qu’importe à la chose actuelle l’ancienneté du conseil de Gand, plutôt que les bienfaits actuels répandus continuellement sur cette ville. Bruges n’a-t-elle pas en son franc, si respectable par son prompte justice que le conseil de Gand si vanté, dont les procès ne touchèrent à leur fin qu’après deux ou trois générations, et de même, le grand conseil n’était-il pas autrefois à Malines, tandis qu’actuellement on le place à Bruxelles ? Non, messieurs, un principe sage, c’est de laisser jouir chaque ville, autant que possible, de la munificence royale, et en donner l’exemple par la chambre, en leur distribuant les institutions à créer ; vous leur rendez ainsi à toute la vie si nécessaire dans les temps actuels, tandis qu’en donnant tout à une même ville, vous créez des privilèges, vous ajoutez une nouvelle source d’abondance à celles qui en jouissent déjà, et vous plongez les autres dans la misère à ne plus en sortir sans des secours pécuniaires du gouvernement, et au détriment de tous ; et pour les mêmes motifs, vous détachez leurs habitants de la cause sacrée de la révolution et du gouvernement qu’ils ont si hardiment amplecté, et pour laquelle ils ont si vaillamment combattu.

Nous espérons que les représentants de la nation ne seront pas sourds à ces actes de dévouement à la cause nationale, et que réunis à la parole royale, ils sauront rendre à cette ville trop longtemps abandonnée sa spendeur première et concourront à y établir et voter une institution qu’elle réclame à juste titre.

- Avant la fin du discours de l’honorable membre, la chambre n’était plus en nombre. La discussion est renvoyée à lundi.

La séance est levée à 4 heures.


Noms des membres qui n’ont pas répondu à l’appel nominal à la séance du 15 : MM. Angillis, Barthélemy, Boucqueau de Villeraie, Coghen, Cols, Brabant, Dautrebande, Ch. De Brouckere, de Foere, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Robaulx, de Sécus, Desmet, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Elhoungne, Dugniolle, Dumont, Dumortier, Fallon, Gelders, Gendebien, Lebeau, Legrelle, Mary, Nothomb, Osy, Pirmez, Pirson, C. Rodenbach, Rogier, Seron, Thienpont, Vandenhove, Vergauwen, Ch. Vilain XIIII, H. Vilain XIIII, Watlet.

Noms des membres absents sans congé à la séance du 15 : MM. Angillis, Boucqueau de Villeraie, Cols, Dautrebande, de Foere, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Sécus, d’Hoffschmidt, Dugniolle, Dumont, Fallon, Gelders, Pirmez, Pirson, Rogier, Thienpont, H. Vilain XIIII.