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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 8 mars 1833

(Moniteur belge n°69, du 10 mars 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Parmi les pétitions adressées à la chambre il en est une relative aux barrières.

M. A. Rodenbach demande qu’il en soit fait lecture, et cette lecture a lieu.

Ordre des travaux de la chambre

M. Tiecken de Terhove. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. La loi sur les céréales est imprimée et distribuée.

J’avais espéré une loi plus complète sur cette matière ; mais le ministre la promet pour l’avenir. Il n’y a guère de différence entre la proposition que j’ai eu l’honneur de faire et celle du ministre, que la mesure relative aux grains étrangers. Cette mesure peut être favorable à notre industrie, mais, pour qu’elle soit efficace, il faut qu’elle soit promptement appliquée. Je demande que l’on s’occupe du projet ministériel dans les sections, et qu’il soit discuté après le projet sur les barrières.

M. A. Rodenbach. - Les sections s’occupent de la loi sur les milices.

M. Pirson. - Je demande la priorité pour les céréales

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - La loi sur les milices a son importance.

M. Tiecken de Terhove. - La loi sur les céréales occupera à peine 24 heures.

Projets de loi relatifs à la taxe des barrières

Article premier

M. le président. - L’ordre du jour est la continuation de la discussion des projets de loi, états aux barrières, la discussion générale sur le premier projet a été close, et l’on s’est occupé de l’article premier ainsi conçu : « La taxe des barrières établies sur les routes est maintenue. »

M. d’Elhoungne a proposé hier l’amendement suivant :

« Le droit de barrière sera perçu sur toutes les routes pavées, et ferrées de la Belgique, en raison d’une distance de 5 kilomètres. »

M. Jullien. - S’il ne s’agissait encore une fois que d’une loi transitoire ou provisoire, j’attacherais peu d’importance à l’amendement de M. d'Elhoungne ; mais il s’agit d’une législation complète, d’une législation autant complète qu’on a cru pouvoir la faire sur les barrières, et sous ce rapport, je pense qu’il est impossible que vous adoptiez une pareille loi, à moins que vous ne déterminiez de la manière la plus précise la base de l’impôt. Sous toutes les législations on a admis pour distance entre les barrières l’espace de 5 kilomètres ; dans la loi que nous discutons, il n’est rien dit sur cette base.

Lorsque l’on a déterminé les distances entre les barrières, le gouvernement s’est arrangé de façon à faire élever beaucoup de réclamations contre ces distances d’après lesquelles le voyageur payait souvent plus qu’il ne devait. Il y a des barrières près des villes, en sorte qu’on ne saurait aller se promener, en voiture ou à cheval sans payer le droit. Il faut faire disparaître ces abus et mettre le gouvernement dans l’impossibilité d’y revenir.

Il est important de fixer le point de départ ; ce point sera-t-il marqué au centre d’une ville ? L’article premier dit bien que la taxe est maintenue ; mais sur quelle base est-elle maintenue ? Le gouvernement n’aura, sans doute, pas la faculté de placer autant de barrières qu’il voudra.

On dit qu’il y a un tableau qui fixe les barrières ; en effet, dans la seconde loi, je vois ce tableau ; mais c’est un tableau de classement des routes…

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Le tableau des barrières est sur le bureau ; il n’a pas été imprimé.

M. Gendebien. - Dès qu’on établir la règle, le tableau n’est plus nécessaire.

M. Jullien. - Je profiterai de l’observation faite. Mettez les barrières à la distance que détermine la loi, et vous n’aurez pas besoin du tableau ; mais on fait diverses objections. Je vais les passer en revue.

Il y a des inconvénients à établir une base fixe à cause des embranchements ; cette base entraînerait des embarras pour les employés ; c’est à cause de ces embranchements que de Malines à Anvers il y a cinq barrières, tandis que de Malines à Bruxelles, il n’y en a que quatre, quoique la distance soit la même.

Mais cette difficulté est-elle une raison suffisante pour ne pas fixer les distances ? Si vous ne tombez pas jusque à 5,000 mètres, vous pourrez rapprocher ou reculer la frontière, en vous arrangeant de façon à ne percevoir le droit que sur chaque distance de 5,000 mètres. Si vous me faites payer plus que la distance fixée par la loi, vous m’imposez une contribution d’une manière arbitraire.

Il y a des lieux où il serait dangereux d’établir des barrières ; je crois que ces cas doivent être extrêmement rares. Il me semble que les routes sont plus ou moins sûres dans notre pays ; je n’ai pas entendu parler de forêt de Bondy dans ce royaume. S’il est des routes dans ce cas-là, allongez ou raccourcissez la distance, et faites payer proportionnellement.

L’amendement augmenterait les frais de perception : le grand mal que l’administration se donnât un peu de peine pour percevoir l’impôt ; les peuples ne sont pas faits pour les gouvernements et pour les employés ; ce sont les gouvernements et les employés qui sont faits pour les peuples.

C’est bien assez que de payer l’impôt ; c’est à l’administration à prendre les précautions nécessaires pour le percevoir.

Il est indispensable d’adopter l’amendement de M. d'Elhoungne ; vous n’aurez pas passé cinq ou six mois sans vous apercevoir de cette nécessité.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - L’honorable orateur s’est plaint d’abord de ce que les barrières de certaines villes étaient trop rapprochées du centre de ces villes ; pour que cet inconvénient n’eût pas lieu, il faudrait, l’amendement de M. d'Elhoungne étant adopté, que les barrières fussent à 2,500 mètres du centre de ces villes ; mais je demanderai, cette condition étant remplie, comment on s’y prendra pour placer les autres barrières quand la distance de deux villes ne sera pas exactement un multiple de 2,500 mètres ?

On a dit que le gouvernement pourrait mettre de l’arbitraire dans la position des barrières : mais vous avez un tableau de ces barrières ; vous allez le voter, et le gouvernement ne pourra pas le modifier et commettre d’illégalité.

On a parlé des soins que les agents du gouvernement doivent se donner pour percevoir l’impôt. Les barrières sont en ferme ; le gouvernement ne perçoit pas lui-même ; il élève d’autant plus le prix des baux que les frais de perception sont moindres.

M. de Robiano de Borsbeek. - Je pense que l’amendement de M. d'Elhoungne est très bien motivé ; mais je ne crois pas qu’il y ait assez de temps d’ici au 1er avril pour le mettre à exécution.

Sous le gouvernement autrichien, il y avait une base fixe et ou s’en trouvait bien. Cependant cette base fixe est, comme toute chose, susceptible de difficultés : je ne vois pas la possibilité de mesurer toutes les routes, et de fixer les barrières avant le 1er avril, époque où les adjudications doivent être renouvelées.

Si l’extrémité des 5,000 mètres se trouve au milieu d’une petite ville, pourra-t-on ne pas faire payer ceux qui y entrent, et faire payer ceux qui y circulent parce qu’ils passent la barrière ? Vous ne pouvez voter aujourd’hui une bonne loi ; les choses ne sont pas assez mûries. D’après l’amendement il faudrait prendre pour point de départ le centre de la capitale. Les embranchements présenteraient quelques difficultés qu’on pourrait lever.

Cet amendement est conçu d’une manière trop générale et trop absolue.M. d'Elhoungne propose de faire payer les routes pavées ou ferrées ; mais quelques communes rurales possèdent des routes qu’elles ont fait payer, est-ce qu’on donnerait au gouvernement le droit d’établir des barrières sur ces routes ?

Je me rallierai à l’amendement présenté par l’honorable M. Verdussen.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Messieurs, ainsi qu’on vous l’a fait remarquer, le tableau des barrières a été déposé sur le bureau de la chambre en même temps que les projets de loi sur les barrières ont été présentés.

L’emplacement des barrières a pour base la distance que M. d'Elhoungne voudrait assigner, 5,000 mètres, ou à peu près. Le gouvernement, en présentant ce tableau, fait un appel à son examen, à sa discussion ; le gouvernement le croit fait avec exactitude ; il y a mis de la bonne foi. Si l’on trouve que des abus peuvent résulter de tel ou tel emplacement de barrières, il faut les signaler, sinon, il faut tenir le tableau pour exact.

En fait, on a reproché hier un abus sur la route de Bruxelles à Anvers. Messieurs, il faut laisser une espèce de latitude au gouvernement et ne pas le gêner dans le choix de la position de la barrière : de Bruxelles à Anvers il y a 9 lieues, et il n’y a que 9 barrières ; et s’il y a 5 barrières d’un côté de Malines et 4 de l’autre, quoique la distance soit égale de Malines à Anvers et de Malines à Bruxelles le gouvernement perd d’un côté ce qu’il gagne de l’autre ; mais le voyageur ne paie que ce qu’il doit payer.

M. Dubois. - Nous perdons inutilement notre temps, Quelle est l’idée principale de M. d'Elhoungne ? C’est d’obliger le gouvernement à placer les barrières à 5,000 mètres de distance l’une de l’autre ; eh bien ! examinons le tableau et voyons s’il est contraire à ce principe. Quand vous aurez arrêté le tableau, il ne pourra y avoir d’arbitraire, puisque le gouvernement ne pourra rien changer.

Il y aurait une autre raison pour ne pas admettre l’amendement, c’est qu’il est trop général : l’impôt ne peut être perçu sur toutes les routes pavées ; il y a des provinces qui ne font pas payer sur les routes qu’elles ont établies.

M. d’Elhoungne. - Faut-il que la loi soit une règle de plomb qui plie selon le caprice ministériel, ou une règle de fer qu’il ne soit donné à personne de plier d’après ses caprices ou d’après ses passions ? Quand on pose la question de cette manière, je pense que dans le sein de la représentation nationale la solution ne peut être douteuse ; car le premier élément d’un gouvernement représentatif, c’est que les citoyens soient régis par la loi et non par les caprices des agents d’exécution.

Il y a un tableau : le tableau n’a pas été examiné. Et qui d’entre nous peut se flatter de posséder assez parfaitement la topographie de la Belgique pour pouvoir indiquer, à la simple inspection de ce tableau, toutes les dispositions défectueuses qu’il renferme ? De trois routes dont Bruxelles et Malines sont le centre, il y en a une qui est probablement la plus longue et sur laquelle il n’y a que trois barrières : les autres en ont cinq ; pourquoi cette inégalité ? Si le droit est bien assis sur les dernières, pourquoi le gouvernement perd-il sur la première ? Si le droit est bien assis sur la première, pourquoi le gouvernement grève-t-il les voyageurs sur les autres ?

Le tableau ne dispose que sur l’état présent : j’espère que nous ne resterons pas dans l’état stationnaire pour les routes, qu’on les améliorera et qu’on ouvrira de nouvelles communications.

La législature ne doit s’occuper que de règles générales ; le tableau est indigne de la majesté d’une loi.

Mais le principe de l’amendement est trop absolu. Messieurs, nous ne disposons que sur les routes qui appartiennent au gouvernement ; quant aux routes qui appartiennent aux communes, aux particuliers, nous n’avons pas le droit de nous en occuper ; ainsi l’amendement n’a pas besoin d’un mot d’addition pour exprimer l’idée qu’il s’agit des routes qui appartiennent à l’Etat. Pour faire disparaître tout doute, qu’on le termine cependant, si on veut, par ces mots : « appartenant à l’Etat ou aux provinces. »

On prétend que d’ici au premier avril on n’aura pas le temps de déterminer les distances : cela prouve que le projet n’a pas été présenté en temps utile, et qu’il faudrait proroger l’état actuel jusqu’à l’année prochaine. Je crois, en effet, que ce que nous avons de mieux à faire, c’est de continuer la loi portée l’année dernière.

M. A. Rodenbach. - Il est possible que le principe de l’amendement soit déjà mis en application ; M. le commissaire du Roi doit connaître la superficie de la Belgique, il peut nous dire comment les barrières sont établies.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Messieurs, il y a en longueur de routes 625 lieues, et il y 625 barrières dont l’établissement et proposé. La distance moyenne d’une barrière à l’autre est de 5,000 mètres. La distance entre les barrières est sensiblement la même que celle qui existait sous l’ancien gouvernement.

M. de Theux. - L’amendement de M. d'Elhoungne est incomplet ; en l’adoptant, il faudrait des dispositions additionnelles que l’on trouve dans les lois qui ont établi les barrières en France.

M. Jullien. - Quant au calcul des distances. Il n’est pas si difficile qu’on le croit bien ; en France on a pris pour règle de mesurer les routes de quart de lieue eu quart de lieue, à partir des tours de Notre-Dame.

Pourquoi faire insérer dans la loi un principe qui est dans le tableau ? Voilà une question que l’on nous adresse. Je préfère que le principe soit dans la loi.

Vous nous dites avoir suivi le principe de la distance de 5,000 mètres pour la perception du droit ; mais vous avez déclaré l’impossibilité pratique d’établir exactement une distance de 5,000 mètres entre une barrière et celle qui suit ; eh bien, rien n’empêche d’insérer le principe dans la loi et d’adopter le tableau. De cette manière nous serons assurés que le gouvernement ne percevra pas plus qu’il ne doit percevoir. Il ne faut pas s’en rapporter aux paroles des ministres. J’ai la plus grande confiance dans les paroles de M. le commissaire du Roi ; mais il peut cesser ses fonctions demain, et les distances être changées.

M. Gendebien. - Je ne comprends pas comment on peut rejeter un principe qui est une garantie positive, et que l’on prenne pour prétexte du rejet des tableaux qui nous sont remis. Y a-t-il un seul membre qui ait lu le tableau ? Voulez-vous qu’aveuglément nous adoptions un tableau pour règle ? Etablissez la règle, et alors nous serons certains qu’on ne percevra que ce qu’on doit percevoir.

Nous sommes ici pour poser des principes et non pour rectifier des tableaux ; vous ne pouvez pas vous jeter dans les détails de l’examen d’un tableau. Si dans le tableau il y a 6 barrières au lieu de 4, en l’adoptant on vous dira : C’est votre faute, vous avez voté le tableau. Tout le monde sait qu’il y a même distance entre Malines et Bruxelles qu’entre Malines et Anvers ; eh bien, avec cette certitude de distances égales, nous avons la certitude qu’il y a 25 p. c. de perception de plus d’un côté que l’autre. On ne peut pas consciencieusement repousser l’amendement par le tableau, parce que l’on ne peut pas consciencieusement voter ce que l’on ne connaît pas.

M. Dubois. - Je ne suis pas éloigné d’adopter le tableau, mais je ne puis adopter l’amendement parce qu’il est trop précis ; si l’on disait : « La distance sera à peu près de 5 kilomètres, » je pourrais le voter.

M. Legrelle. - Nous désirons tous que les distances soient fixées ; mais il est impossible de donner une fixité précise aux distances entre les barrières. Au reste, la distance sera dans la loi, puisque le tableau fait partie de la loi et est imprimé avec la loi. Le tableau est même la loi tout entière ; ainsi la distance de 5,000 mètres est dans la loi.

M. Gendebien. - Toute la discussion a pour base une erreur. Il ne s’agit pas d’établir à 5,000 mètres un poteau à point fixe : dans l’exécution on arrangera les choses de manière que les convenances seront observées. Sur une route de 15,000 mètres, il faut qu’il y ait trois barrières, sans qu’il soit indispensable qu’elles soient à 5,000 mètres l’une de l’autre chacune. Nous voulons un principe pour qu’il y ait quelqu’un de responsable ; nous vous demandons, non pas de régler l’exécution, mais d’établir une règle de perception. Le contribuable doit-il se fier à la parole d’un commissaire du gouvernement, d’un ministre ? Nous avons confiance dans le commissaire et dans le ministre qui sont en notre présence ; mais nous ne sommes pas ici pour imposer cette confiance à nos commettants, nous ne sommes ici que pour établir des principes. Il n’y aura pas un poteau de changé dans son tableau, si le gouvernement ne perçoit pas plus que la loi ne lui accorde. En vous occupant du tableau, vous vous immiscez dans l’administration. (La clôture ! la clôture !)

M. de Theux. - Je demande la parole contre la clôture. J’ai dit que l’amendement de M. d'Elhoungne était incomplet, et je demande à le prouver une loi à la main. (Parlez ! parlez !) C’est la loi du 3 nivôse an VI, qui a établi le droit de barrière à raison de la distance de 5,000 mètres ; mais, attendu que les barrières seront à distances inégales, la loi a statué sur cette inégalité comme tout le monde peut le vérifier. Une loi subséquente a complété encore les dispositions de la loi de nivôse an VI : c’est la loi du 14 brumaire an VII, dont l’article 14 porte qu’il ne pourra être établi de barrière à une distance moindre de 2 kilomètres et demi. La loi indique encore quelles fractions de distance doivent avoir de l’influence sur la perception du péage, et quelles fractions ne doivent pas en avoir ; elle règle enfin le tarif d’entretien de chaque barrière. D’après tout cela, vous voyez qu’il y a évidemment lacune dans l’amendement de M. d'Elhoungne.

Messieurs, ou vous devez voter de confiance le tableau que le gouvernement vous présente, ou vous devez ajourner la discussion pour compléter l’amendement. (La clôture ! la clôture !)

M. A. Rodenbach. - Je voudrais essayer de mettre d’accord les deux opinions qui partagent l’assemblée. On a dit qu’il ne fallait pas seulement mettre le principe dans le tableau, mais qu’il fallait encore le mettre dans la loi : nous l’y mettrons, en disant dans l’amendement que la distance sera approximativement ou environ 5,000 mètres.

M. d’Elhoungne. - Je proposerai aussi un sous-amendement : « Le gouvernement, dans le placement des barrières, pourra les avancer ou les reculer d’un kilomètre au plus, selon les localités. »

M. Marcellis. - Il me semble que l’intention de M. d'Elhoungne n’a d’autre inconvénient que d’être trop expresse. On a déjà élevé des difficultés restées sans solution ; en voici une autre : on devrait bien nous dire d’où partiront toutes les distances de 5 kilomètres : est-ce à partir de Bruxelles ? Si c’est à partir d’autres villes, il en résultera des inconvénients. Si l’on veut appliquer la règle d’une manière inflexible, elle occasionnera de grands embarras. J’invite M. dElhoungne à nous dire d’où partiront les distances.

M. de Robiano de Borsbeek. - Je suis partisan d’une base fixe ; mais je conçois que nous ne pouvons pas improviser une loi sur ce système ; il faut livrer ce système à l’examen, et, en attendant qu’on sache à quoi s’en tenir sur sa bonté, il faut voter le tableau.

M. Legrelle. - Sans doute que l’amendement de M. d'Elhoungne présente des garanties ; mais son sous-amendement en présentera moins que le tableau actuel ; car il donne au gouvernement la faculté d’avancer ou de reculer d’un kilomètre toutes les barrières existantes.

M. Poschet. - Par un exemple je puis montrer la nécessité de l’amendement. Il y a une ville où on fait payer la barrière quand on en sort ; la barrière est à un quart de lieue de la ville ; ainsi on ne parcourt pas la distance voulue par la loi pour payer le droit.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - L’article 6 de la seconde loi sur les barrières porte que les personnes dont les équipages, les chevaux, les voitures passent habituellement par la barrière, pourront ne payer qu’un droit proportionnel quand elles n’auront pas parcouru la distance de 5,000 mètres.

M. Poschet. - C’est cependant depuis l’année dernière qu’on paie la barrière dans la ville que j’ai citée.

M. Osy. - Nous tenons le tableau ; il ne présente rien de fixe surtout de Luxembourg à Thionville. On voit qu’il y a des barrières à 1,000 mètres de distance l’une de l’autre.

M. de Theux. - Je demanderai àM. d'Elhoungne si, d’après son amendement, on pourra placer les barrières à des fractions de distance, et quelles règles on suivra alors dans la perception du droit. La perception sera-t-elle proportionnelle ?

M. d’Elhoungne. - On a sans cesse confondu la fixation des barrières avec la fixation de l’impôt. La fixation des barrières est une affaire administrative. Ce que je veux, c’est qu’il puisse y avoir des barrières en avant et en arrière des distances de 5,000 mètres, mais que le droit ne puisse être que tant par distance de 5,000 mètres.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Il faut que les contribuables paient autant les uns que les autres ; en reculant de 1,000 mètres, il y aurait des distances de 4,000 mètres et d’autres de 6,000 ; les uns paieraient donc plus et les autres moins. Nous n’avons pas besoin de cette faculté. Notre tableau est dressé de telle façon, qu’en divisant la longueur totale des routes du royaume par 5,000 mètres, le quotient est égal au nombre des barrières qu’il présente.

M. Dubois. - Tout à l’heure j’avais confiance dans le tableau de gouvernement ; je viens de l’examiner, et je n’ai plus confiance que dans l’amendement de M. d'Elhoungne. Je voudrais qu’on mît dans cet amendement : « à 5,000 mètres environ. »

M. Teichmann, commissaire du Roi. - De quel point partez-vous pour établir la distance ?

M. d’Elhoungne. - De quel point partez-vous vous-même ?

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Des points qui présentent le plus de convenances pour la production de l’impôt ; mais de façon que dans une route entière on ne paie qu’à raison de 5,000 mètres.

M. Dubois. - La loi de l’année dernière doit avoir fixé les distances.

M. Fallon. - On a oublié quelque chose dans la loi des barrières, c’est que leur adjudication doit s’en faire promptement : quel que soit le principe que l’on adopte, il sera impossible de le mettre exécution au 1er avril : quand on examinera la loi concernant la classification des routes, nous examinerons les barrières et le principe de leur placement.

M. Gendebien. - Je désire qu’il soit bien compris, au-dehors de cette chambre, que si nous n’établissons pas un principe, la faute en est aux ministres, qui laissent écouler l’année pour nous présenter tardivement la loi. Voilà la seule observation que je voulais faire.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Quelle que puisse être la perspicacité d’un ministre, il était impossible de prévoir l’amendement de M. d'Elhoungne. Cet amendement, éclos dans la séance d’hier, n’a pas été présenté aux sections. Voilà deux années que la loi des barrières vous est soumise, et on n’a pas encore songé à demander au gouvernement les garanties qu’on réclame aujourd’hui. Le gouvernement ne peut être responsable des retards dont on se plaint ; j’ai présenté la loi le 6 février dernier.

Je crois que la proposition de l’honorable M. Fallon doit être adoptée. On a réservé à un autre temps l’examen de la classification des routes ; on soumettra probablement cet examen aux corps provinciaux ; ils pourront être en même temps consultés sur la question du placement des barrières.

M. Gendebien. - Sous le congrès, au mois de mars, on nous a fait voter une loi sur les barrières ; en 1832, on nous a demandé de voter une loi d’urgence en nous faisant les mêmes promesses qu’on nous fait aujourd’hui. Les ministres qui se sont succédé ont toujours été tardifs dans la présentation des lois ; il en sera de même sur tous les points de la législation. La loi sur les milices présentera les mêmes difficultés, et nous perdrons notre temps tous les ans pour n’arriver à rien de définitif.

M. d’Elhoungne. - L’observation de M. Fallon prouve que nous ne sommes pas dans le cas de faire une bonne loi. Je préfère faire la proposition formelle de rester dans la législation actuelle que d’adopter le tableau qui ne m’inspire aucune confiance, qu’il m’est impossible d’examiner, Ce tableau est tellement défectueux, qu’il y a des barrières dont le point de départ est dans l’étranger. Autant vaudrait mettre des droits sur la route de Paris à Rome.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Les lenteurs ne viennent pas du gouvernement ; elles viennent des amendements que l’on propose.

M. Dumortier. - Il est évident que nous perdons beaucoup de temps à examiner quelques parties d’une loi sans en examiner le système. Je demande la prorogation de la législation existante pendant une année, sauf à statuer sur les routes de seconde classe. On a beaucoup discuté, et nous n’avançons en rien. Je ne vois pas l’avantage qu’il y aurait à changer le droit de barrière. Nous avons changé le système monétaire, il est vrai ; mais il n’y a pas en circulation un nombre assez considérable de centimes pour payer les droits. Il y a une quantité prodigieuse de cents, et on peut payer en cents. Le trésor n’est pas assez riche pour que les fractions de cents ne soient pas en sa faveur.

M. Teichmann, commissaire du Roi. - Je me rangerai tout à fait à l’opinion de M. Dumortier.

M. Gendebien. - S’il s’agit d’adopter purement et simplement la loi de 1832, je m’y oppose, parce que je déposerai un amendement tendant à modifier le tarif.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Dumortier :

« La loi du 8 mars est prorogée pour le terme d’un an.

« Le produit des barrières de deuxième classe sera versé dans le trésor de l’Etat. »

M. Dumortier. - Messieurs, j’ai proposé cet amendement dans la vue d’économiser le temps de la chambre ; car il est inutile de consacrer de longs débats à l’examen d’une loi transitoire. Dans le courant de l’année, on pourra réviser toute la législation sur la matière. En attendant, nous pouvons proroger la loi de l’année précédente.

M. de Robiano de Borsbeek. - J’appuie l’amendement de M. Dumortier ; cependant, je voudrais qu’on remplaçât le système des florins par celui des francs. D’ici à quelque temps, nous aurons assez de monnaie nouvelle. Il me semble qu’il n’y aurait pas beaucoup de difficultés à payer en francs et centimes.

M. de Brouckere. - Puisque les lois sur les barrières présentent des défectuosités, et que cependant il est urgent de les voter sans délai, je trouve aussi que le meilleur parti serait de ne les adopter que pour une année ; mais nous ne pouvons admettre la proposition de M. Dumortier, et nous contenter de dire que l’ancienne loi est maintenue sans violer l’article 41 de la constitution, qui porte : « Un projet de loi ne peut être adopté par l’une des chambres qu’après avoir été voté article par article. »

Or, M. Dumortier nous propose une disposition tendante à remettre en vigueur une loi composée de 40, de 50 articles. Je ne puis adopter une pareille marche, et je crois qu’il faut voter article par article.

M. A. Rodenbach. - J’appuie en partie ce que vient de dire M. de Brouckere, et je ferai remarquer que ce n’est pas un amendement que présente M. Dumortier, mais un véritable projet de loi qui, sous peine de violation du règlement, doit être renvoyé en sections.

- Plusieurs voix. - Il y a urgence.

M. A. Rodenbach. - On ne peut objecter l’urgence quand il s’agit de violer le règlement.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Si le gouvernement a cru devoir d abord se rallier à la proposition de M. Dumortier, c’est que, comme j’ai eu l’honneur de le dire, les projets de loi ministériels diffèrent en très peu de points de la loi existante. La chambre paraît un peu fatiguée par suite de la discussion de l’amendement de M. d'Elhoungne ; mais je pense que si elle voulait continuer la délibération sur les projets de loi du gouvernement il n’y aurait plus maintenant de difficulté ; car, je le répète, ils ne contiennent que quelques modifications peu importantes et qui ne sont pas de nature à soulever de longs débats, sauf le tarif et la destination du produit des routes de deuxième classe.

M. Dumortier. - M. de Brouckere a présenté une objection qui serait très grave, si elle était fondée. Il a dit qu’il fallait toujours discuter les lois article par article. Mais il est complétement dans l’erreur. Les lois financières n’existent que pour un an, et cependant il arrive annuellement que dans le budget l’on dît : Telle et telle de ces lois reste en vigueur. Le système que je proposais est donc identique à ce que vous avez fait en maintes circonstances.

Maintenant que la question constitutionnelle se trouve aussi écartée, je passe à la question de convenance. Messieurs, vous avez un grand nombre de lois très importantes à faire, telle que la loi provinciale, la loi communale et beaucoup d’autres ; et si nous restons à discuter de cette manière sur chaque article des trois projets qui nous ont soumis, nous y serons encore dans 15 jours, tandis que nous pouvons adopter le tout dans cette séance. Si l’on veut faire à la loi des changements pour ce qui concerne le tarif, le produit des routes de deuxième classe, on peut y pourvoir par des dispositions additionnelles qui viendraient après celle que j’ai proposée.

M. Fallon. - Mais M. le ministre de l'intérieur consent-il à retirer ses projets de loi ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - J’insiste pour que l’on continue la discussion des projets présentés par le gouvernement.

M. Gendebien. - Messieurs, je désire que nous nous remettions à cheval sur les grandes routes, parce que, depuis que nous les avons quittées, nous battons la campagne. Il ne faut pas perdre de temps davantage.

- L’amendement de M. d'Elhoungne est mis aux voix et rejeté.

M. le président. - Maintenant, M. Verdussen demande la suppression de l’article premier. Ceux qui seront d’avis d’admettre sa proposition voteront contre cet article.

Articles 1 et 2

L’article premier et l’article 2 sont successivement mis aux voix et adopté en ces termes :

« Art.1er. La taxe des barrières établies sur les routes est maintenue. »

« Art. 2. Elle sera perçue à compter du 1er avril 1833, à minuit, conformément à la loi spéciale et au cahier des charges joints à la présente loi. »

Article additionnel

M. de Theux. - Je propose un article additionnel pour être placé entre l’article 2 et l’article 3. Il est ainsi conçu :

« La taxe des barrières établies sur des routes en vertu d’acte de concession sera perçue conformément à ces actes.

« Les dispositions de la loi spéciale réglant le mode de perception, et celles de la loi sur le cahier des charges, sont applicables à cette taxe, sauf les modifications résultant desdits actes de concession. »

Messieurs, cette disposition est littéralement conforme à l’article 3 de la loi du 8 mars de l’année dernière. Elle me semble nécessaire, et je crois que la chambre n’hésitera pas à l’admettre.

M. Dumortier. - Je ferai remarquer que la proposition que j’ai faite a été appuyée. Elle pourrait être maintenant prise en considération, tandis qu’on ne le pourra plus si l’on adopte un autre article ; il faudrait la mettre aux voix. (Non ! non !)

M. le président. - M. le ministre de l’intérieur a demandé que l’on discutât les projets du gouvernement, et il est d’usage d’accéder à une pareille demande.

- L’article proposé par M. de Theux est mis aux voix et adopté. Il formera l’article 3.

Article 4

« Art. 4. Les droits payés aux barrières sont exclusivement affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes. »

La section centrale a retranché le mot « exclusivement » dans sa rédaction.

M. Jonet. - Toute la discussion se résume pour moi dans ces deux questions : 1° Le droit des barrières perçu jusqu’à ce jour doit-il être considéré comme un impôt de l’Etat, ou n’est-ce qu’une indemnité ? 2° Si ce n’est qu’une indemnité, faut-il changer la législation sur la matière ?

Quant à la première question, le droit des barrières perçu aujourd’hui est formellement défini par le décret du 6 mars 1831, confirmé par la loi du 8 mars 1832. D’après leurs dispositions, il paraît évident que ce droit n’est pas un impôt de l’Etat, mais une indemnité aux entrepreneurs des routes, à ceux qui en font les frais. C’est ainsi que dans toutes les lois françaises il est qualifié de taxe d’entretien. Cette taxe est entièrement semblable à celle que perçoivent les entrepreneurs des canaux ; c’est une indemnité destinée à les rembourser des avances qu’ils ont faites lors de la construction des canaux, et de celles qu’ils sont obligés de faire pour l’entretien de ces canaux. Cela, d’ailleurs, est conforme aux actes de concession. Dans ces actes de concession, on a permis de percevoir un droit sur les routes, mais on n’a jamais entendu que ce droit fût perçu au profit de l’Etat. Il ne peut donc être considéré comme un impôt, mais comme un droit dû aux entrepreneurs et équivalant à leurs nombreuses dépenses.

Ce point étant établi, messieurs, je demanderai si pour l’avenir il faut changer la législation ; car c’est un véritable changement de système qu’on vous a proposé, en prétendant qu’il s’agit ici d’une matière imposable. Pour mon compte, je ne suis pas de cet avis, et je pense qu’avant d’admettre ce système, il faut bien réfléchir. Sur quoi serait établi cet impôt ? Sur les communications, c’est-à-dire sur le commerce, l’industrie et l’agriculture, qui ont besoin des grandes routes. Et remarquez bien que si vous établissez un impôt excédant les besoins réels de l’entretien des routes, vous allez mettre une foule de marchandises dans l’impossibilité de supporter cet impôt.

D’un autre côté, messieurs, si vous établissez un impôt sur les transports, il ne faut pas le faire peser seulement sur les routes mais l’étendre aux canaux et aux rivières. Il faudrait également l’établir sur les chemins de fer, si l’on en construit. Cependant, jusqu’ici on n’a pas pensé que les canaux fussent susceptibles d’une imposition au profit du trésor. Si j’ouvre le budget des voies et moyens, je vois bien le produit présumé des barrières, mais je ne vois pas que celui des canaux et rivières y figure. Il faudrait pourtant que cela fût pour être conséquent. Sans cela, on constituerait un véritable privilège.

Je le répète, l’impôt qu’on propose serait contraire à tous les actes de concession ; ces actes permettent de percevoir sur les routes une taxe modérée, mais aucun ne parle d’impôt au profit de l’Etat. Ce serait repousser les entreprises particulières qu’on voudrait faire, et il s’en suivrait que les entrepreneurs anciens ne seraient plus indemnisés de leurs frais, parce que les routes seraient moins fréquentées.

Je pense donc qu’il n’existe aucun motif fondé pour changer la législation existante, et, d’après ma manière de voir, le droit étant une indemnité, doit être proportionné aux besoins réels des entrepreneurs et ne peut pas excéder ces besoins. Comme, dans le budget de 1832, on porte une somme de 2,066,000 fr. pour le produit des barrières, tandis qu’au budget du ministère de l’intérieur je ne vois que 852,736 fr. pour les frais d’entretien des ponts et chaussées, il en résulte qu’il y a un excédant de 1,213,264 fr. Cette donnée vous prouve, messieurs, qu’on peut diminuer le droit des barrières. J’appuierai donc les propositions faites dans ce sens lorsque nous en serons venus à l’article 14.

J’appuierai aussi l’amendement de M. Pirmez relatif à la route de Charleroy. Ce n’est pas un privilège que nous réclamons, c’est une justice rigoureuse. Une foule d’aubergistes qui se trouvent sur cette route, ceux de Genappes, St-Gilles, Waterloo, etc., etc., sont réduits à une situation déplorable. Par l’établissement du canal de Charleroy on a tué leur industrie. Il est nécessaire de venir à leur secours.

M. Seron. - Messieurs, je demande la permission d’ajouter quelques observations à celles qui déjà vous ont été présentées sur la nature du droit de barrière.

Lorsque, après avoir pris l’idée de ce droit en Belgique, on l’étendit en l’an V à tous les départements de l’ancienne France, ce fut pour eux une charge nouvelle, généralement regardée comme vexatoire. Pour qu’on l’accueillît avec moins de défaveur, la loi avait permis que le produit en serait spécialement et uniquement affecté aux dépenses d’entretien, de réparation, de confection et d’administration des routes, ce qui n’empêcha pas, un mois plus tard, de les mettre, par une autre loi, au nombre des recettes générales de la république.

Mais, de quelque manière que la législation envisageât alors la taxe des barrières, cela ne fait rien à sa nature. Il est certain que ce n’est pas un impôt local. Indépendamment de ce qu’une foule d’étrangers le paient, soit en voyageant dans notre pays, soit en tirant nos marchandises, elle atteint, dans une proportion plus ou moins forte, toutes les classes de consommateurs régnicoles. Si vous ne sortez pas de votre domicile, vous ne la payez pas directement ; mais elle n’en pèse pas moins sur vous, puisqu’elle augmente nécessairement le prix du grain, du chauffage et d’une foule d’autres marchandises et denrées que vous consommez. Elle est bien plus générale que les droits d’entrée et d’accises sur les vins étrangers, dont sont exempts les dix-neuf vingtièmes au moins de la société, qui ne font pas usage de cette boisson.

Puisque les routes sont à l’usage de tout le monde et que tout le monde paie les droits de barrières, je ne vois pas comment on a pu dire que ces droits ne sont pas un impôt, ni pourquoi ils ne devraient pas entrer dans la caisse générale de recettes, et encore moins pourquoi ils devraient former un fonds spécial pour chaque province ; en sorte, par exemple, que les habitants du Luxembourg ou du Limbourg, ou du pays de Namur, n’auraient aucun droit sur le fonds, soit de la province du Brabant, soit de la province du Hainaut, et réciproquement.

La crainte de voir changer la destination des fonds destinés à l’entretien des routes et négliger cet entretien, fait peut-être pencher plusieurs honorables membres de cette assemblée pour le maintien de l’article 3 du projet. Mais je regarderai cette crainte comme puérile, tant que la taxe des barrières ne sera qu’annuelle et devra être renouvelée ou maintenue par une loi.

Je vote donc pour la suppression de l’article 3 du projet ministériel, non comme inutile, mais comme consacrant un principe erroné.

Je trouve d’ailleurs très juste un droit sur les canaux de navigation.

M. A. Rodenbach. - Notre honorable collègue, M. Seron, vient de dire qu’il n’admet pas l’opinion de M. Jonet. De mon côté je ne partage pas la sienne. Voici mes motifs : sous toutes les législations qui se sont succédé, le produit du droit de barrière a été exclusivement consacré à l’entretien des routes et à des créations de communications nouvelles. M. Seron a dit que sous la république on s’est emparé de ces fonds ; mais, parce qu’on a commis alors une iniquité, ce n’est pas une raison pour le faire encore aujourd’hui ; ce serait une violation manifeste de nos lois. D’ailleurs, je suis convaincu que notre cour des comptes ne permettrait pas qu’on disposât d’un sou de l’excédant. Adopter un pareil système, ce serait porter un coup funeste à notre commerce et à notre industrie.

M. Milcamps commence à lire un discours où il parle de pétitions qui demandent une diminution ; mais, sur la remarque faite par M. Gendebien que ses observations trouveront mieux leur place à l’article 5, il consent à les remettre jusque-là.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Quand nous en serons au tarif, ce sera le lieu d’examiner les propositions qui ont pour but des économies ; mais le gouvernement, en disant que les droits payés aux barrières sont exclusivement affectés à l’entretien et à l’amélioration des routes, n’entend pas porter atteinte au droit et au devoir qui lui appartient de construire des routes dans le royaume. Dans les circonstances où nous sommes, le pays a besoin d’être doté de nouvelles communications, et c’est pour cela que nous demandons que le produit des routes de deuxième classe soit versé dans les caisses du trésor.

Le gouvernement combattra de toutes ses forces les économies nouvelles qu’on voudrait proposer. Il faut bien comprendre l’esprit de l’article 3, et ne pas en tirer la conséquence que les droits payés aux barrières serviront uniquement à l’entretien des routes existantes ; il faut entendre aussi que l’excédant pourra être employé à des constructions nouvelles, et je pourrais dès à présent vous dire sur quels points le gouvernement se propose d’en établir ; mais je me réserve de le faire lors de la discussion du budget de l’intérieur.

Je pense que l’honorable M. Jonet a commis une erreur en disant que le revenu provenant des canaux n’était pas versé dans le trésor, parce qu’il ne figurait pas au budget des finances. Il doit figurer parmi les revenus des domaines, et, si cela n’est pas, c’est la suite d’une omission.

Du reste, puisque l’on est en quelque sorte convenu de ne pas aborder les questions de principes, il me semble qu’on pourrait laisser de côté celle de savoir si le droit de barrière est un impôt ou une indemnité. Il est toujours certain que c’est un revenu de l’Etat, ayant une affectation spéciale, comme une partie des produits des mines, comme celui des brevets.

D’après ces considérations, j’insiste pour qu’on adopte l’article en discussion, qui est à peu près le même que celui admis l’année dernière.

M. Legrelle. - Je demande le maintien du mot « exclusivement. » Il est incontestable qu’une des sources de la prospérité du pays, c’est l’amélioration et la multiplicité des routes. Or, si vous laissez au ministre le droit d’employer l’excédant, il arrivera que le ministre sera entrepreneur de routes et qu’il dépendra de lui de les entretenir bien ou mal.

M. de Theux. - Je dois, messieurs, vous expliquer le motif qui a engagé la section centrale à supprimer le mot « exclusivement ; » c’est que ce mot se trouve en contradiction avec l’article 5. D’ailleurs, si les fonds doivent être entièrement absorbés par les frais d’amélioration et d’entretien des routes existantes, comment voulez-vous les appliquer à des constructions nouvelles ? La disposition trouve mieux sa place à l’article 5.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier). - Le gouvernement ne s’oppose pas au retranchement proposé ; mais il entendait bien, en disant « amélioration, » que ce mot embrassait les constructions nouvelles qu’on pourrait faire. Il pourrait aussi y avoir des dépenses accidentelles, telles que les prétentions que les particuliers pourraient faire valoir contre le gouvernement, et qui devraient être payées sur le produit des routes. Je crois qu’il faudrait faire encore une autre modification, retrancher l’article 3 et le reporter, par addition, à l’article 5 qui serait ainsi conçu :

« L’emploi des fonds provenant de la taxe des barrières établies ou à établir sur les routes de première classe, sera proposé chaque année au budget du département de l’intérieur, dans le chapitre des dépenses relatives aux routes. »

M. d’Elhoungne. - Messieurs, si l’article 3 vous fournissait des garanties pour étendre les communications intérieures, je concevrais qu’on pût insister pour son adoption ; mais il n’offre pas ces garanties, et il peut devenir un obstacle pour l’Etat en l’empêchant d’affecter une branche de ses revenus à des dépenses plus urgentes. Je pense donc que l’article est tout à fait inutile et qu’il n’offre aucune garantie nouvelle contre le détournement des fonds ; car, quand on a dit que la cour des comptes pourrait empêcher ce détournement, on s’est trompé. Aussi longtemps que le gouvernement ne dépasse pas la limite posée par la chambre, la cour des comptes ne peut empêcher qu’on puise dans les caisses de l’Etat jusqu’au dernier sou. Ainsi il mettrait obstacle au service public, et, sous ce rapport, je voterai contre. Maintenant, quant à la question de savoir si ce revenu s’appellera impôt ou indemnité, ce n’est qu’une discussion de mots. Peu importe quel nom on lui donne, pourvu que le produit rentre dans la caisse du trésor.

Les concessions anciennes dont on a parlé n’ont plus de force et n’existent plus ; il en est de même de la loi de 1796, qui a été révoquée en 1804. L’article 3 rappelle le souvenir du gouvernement ancien, qui, par une prédilection injuste, n’a que trop souvent détourné les fonds de leur destination pour les affecter à des objets étrangers. Nous ne pouvons plus consacrer dans nos lois de pareils abus.

M. Legrelle propose un amendement consistant à ajouter à l’article 4 après ces mots « des routes » ceux-ci : « existantes, ainsi qu’à la construction de routes nouvelles. »

- Cet amendement est appuyé.

M. Jullien. - Messieurs, tout l’intérêt de la loi est réellement dans l’article 3, devenu maintenant l’article 4, et on s’en est si bien aperçu hier, que c’est principalement sur la disposition de cet article qu’a roulé toute la discussion générale. On a parlé hier de l’intérêt du trésor, des intérêts privés ; en même temps on a parlé de principes de justice, et on a soutenu que le droit de barrière était contraire à tous les principes de justice et de liberté. On a fait remarquer que c’était imposer une catégorie d’individus.

L’honorable M. de Muelenaere a répondu à cela que l’impôt ne pesait pas plus ici sur une catégorie d’individus que pour la contribution des patentes, pour la contribution foncière et pour les postes, parce que tous les industriels, tous les propriétaires étaient aussi des classes d’individus. Mais on a perdu de vue un grand principe, c’est que tout impôt, pour qu’on puisse lui donner ce nom, doit nécessairement frapper sur un produit, sur un revenu, enfin sur une matière imposable ; hors de là, il n’y a plus qu’emprunt forcé, contribution forcée, qu’impôt odieux et vexatoire. Pourquoi en effet, y a-t-il un impôt sur les patentes ? Parce que celui qui exerce un état est censé en retirer un produit. Pourquoi a-t-on imposé le foncier ? C’est parce que la principale richesse du pays se trouve dans le sol.

Mais, dans le cas qui nous occupe, sur quoi établiriez-vous l’impôt ? Sur les bâtiments ? La barrière n’est qu’un moyen de percevoir le droit ; sera-ce sur les routes ? Mais les routes ne produisent rien. Cependant, si c’est réellement sur les routes qu’on veut établir l’impôt, pourquoi ne frappe-t-il pas tous ceux qui les fréquentent ? Pourquoi ne frappe-t-il pas sur ceux qui sont à pied aussi bien que sur ceux qui sont à cheval ? La raison en est simple, c’est que cela serait trop odieux de dire à des citoyens libres : Vous ne sortirez pas de vos maisons sans payer le droit de circuler.

Est-ce sur les moyens de transport ? Mais les chevaux, les voitures sont déjà imposés. Tous ceux qui fréquentent la route ont déjà payé un droit pour la patente. Il y a donc évidemment ici double emploi.

Réduisons la chose à ses plus simples termes : Le droit dont il s’agit est un véritable droit de passe que le gouvernement vend à des citoyens libres. Voilà son étymologie légitime. Aussi, messieurs, ne croyez pas que ce soit pour rien que dès le principe on ait déclaré que le produit de ce droit serait appliqué spécialement à l’entretien et à l’amélioration des routes ; c’est parce que le gouvernement avait la pudeur de sentir que c’était un impôt immoral, voilà pourquoi il a été supprimé en France ; on a compris qu’il ne pouvait se concilier avec les principes de la liberté.

Tout le produit doit être appliqué exclusivement à l’entretien des routes existantes et à la construction de nouvelles communications. Si les routes ont été bien entretenues sous l’ancien gouvernement (et c’est une justice qu’on doit lui rendre), s’il a été fait en outre des travaux utiles, à quoi le doit-on ? C’est à ce principe consacré dans la loi fondamentale. C’est parce que ce principe a été maintenu par le gouvernement provisoire, que vous obtenez encore les mêmes résultats. Vous voyez donc la nécessité de n’y pas porter atteinte. Si vous ne dites pas dans l’article que le produit des droits sera affecté exclusivement à l’entretien des routes et à de nouvelles constructions, à quoi sert la disposition ? Tous les impôts et leurs produits ne sont-ils pas affectés aux dépenses de l’Etat ?

L’honorable M. de Muelenaere a dit qu’on pourrait très bien diviser ce produit, et dire qu’il serait employé, et à l’entretien et à l’amélioration des routes existantes ; 2° à des constructions nouvelles ; 3° et enfin que l’excédant serait versé dans les caisses de l’Etat.

Messieurs, cette division me paraît inutile et dangereuse : inutile, parce que, dès l’instant qu’il y aura un excédant, on ne le rendra pas aux contribuables ; s’il ne trouve pas d’application, il rentrera dans le trésor public : dangereuse, en ce sens que le gouvernement pourrait s’arranger de manière à forcer l’excédant en ne faisant que des réparations insuffisantes.

Je ne puis donc pas adopter cette proposition, non plus que la restriction qu’on veut apporter à l’article 4. Il faut que cet article subsiste en entier ; plus tard et quand on sera à même de rentrer dans la voie des principes, l’impôt lui-même devra disparaître : donnons au trésor public ce qu’il lui faut, mais qu’on ne puisse pas dire que c’est ignorance des principes que nous avons maintenu un impôt qui a disparu en France. En attendant que le droit des barrières soit aboli, j’insiste pour le maintien de ce qui existe.

M. A. Rodenbach fait observer qu’on n’est plus en nombre.

M. Gendebien demande, ainsi que plusieurs membres, qu’il y ait séance ce soir ; mais, sur la proposition de M. F. de Mérode, on convient d’ouvrir la séance demain à 10 heures du matin.

- La séance est levée à 4 heures et demie.