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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 13 juin 1833

(Moniteur belge n°166, du 15 juin 1833)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Quirini fait l’appel à midi et demi ; la chambre n’est pas en nombre pour délibérer.

- A une heure moins un quart la séance est ouverte.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.


M. de Renesse. - Vous avez chargé hier le bureau de nommer la commission qui sera chargée de l’examen du projet de loi sur les distilleries. Voici la composition de cette commission : MM. A. Rodenbach, Brabant, Berger, E. de Smet, Dautrebande, d’Hane.

Nomination des commissions permanentes

Commission de comptabilité

Aux termes du règlement, continue M. le président, la commission de comptabilité doit être nommée par la chambre en assemblée générale ou en sections ; je proposerai que la nomination ait lieu dans les sections (Appuyé ! appuyé !)

- La proposition de M. le président est adoptée.

Commission des finances

M. le président. - Une opération a été commencée hier ; c’est la nomination de la commission des finances. Il reste un membre à nommer par un scrutin de ballottage entre MM. Coghen et Lardinois.

M. Coghen. - Je ne puis accepter les fonctions de membre de la commission des finances. Je remercie beaucoup ceux de mes honorables collègues qui veulent bien me donner leurs suffrages ; je les prie de les porter sur M. Lardinois. Je voudrais pouvoir accepter mais je ne le puis dans la position où je me trouve ; ayant été deux fois à la tête de l’administration des finances et la commission pouvant avoir à s’exprimer sur ma gestion. Je désire ne pas faire partie de la commission.

- La chambre procède au scrutin de ballottage entre MM. Lardinois et Coghen.

D’après le, dépouillement du scrutin, M. Lardinois a obtenu 50 voix, et M. Coghen 14.

En conséquence, M. Lardinois est proclamé membre de la commission des finances. Cette commission se trouve complétée par cette nomination.

Motion d'ordre

Etat des négociations diplomatiques

M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Hier, vous avez nommé une commission pour rédiger un projet d’adresse en réponse au discours prononcé par le Roi. Le Roi a parlé d’un traité nouveau. Dans peu de jours une discussion s’ouvrira sur le projet d’adresse ; mais pourrons-nous établir une discussion sur un traité que nous ne connaissons pas ?

Jusqu’ici on avait coutume, au commencement de la réunion des chambres, de présenter un rapport sur les relations diplomatiques du pays. Pendant deux mois la chambre a cessé d’exister, pendant ce temps de grands événements ont eu lieu ; il me semble que le ministre des affaires étrangères devrait nous présenter un rapport sur nos affaires extérieures. Je demande donc que la chambre écrive au ministre des affaires étrangères pour avoir communication des traités, si des traites existent.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’ai pas vu ce matin M. le ministre des affaires étrangères ; cependant je crois savoir que son intention est de faire demain une communication à la chambre et que des circonstances indépendantes de sa volonté l’ont empêché de faire cette communication plus tôt.

M. le président. - M. Dumortier persiste-t-il dans sa demande ?

M. Dumortier. - Non, M. le président ; ma demande est maintenant sans objet d’après la promesse du ministère.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Liége

M. Ernst. - Je me m’attacherai qu’aux moyens de nullité qui concernent les quatre bulletins ; ma tâche, ainsi réduite, sera encore longue et difficile ; je vous prie, messieurs, de m’accorder une attention bienveillante ; j’ose même espérer que j’obtiendrai un jour votre confiance ; pour la mériter, je prendrai toujours pour règle la vérité et la justice ; jamais l’esprit de parti, jamais l’esprit de localité ne m’égareront.

C’est ainsi que je comprends mon mandat, j’aurai toujours le courage de le remplir envers et contre tous.

Posons nettement la question :

Le bureau du sud, ou de la deuxième section, a-t-il annulé les bulletins portant Raikem de Behr, d’Elhoungne et Rococo ?

Ces bulletins contenaient-ils des suffrages autres que ceux annulés ?

Un bulletin qui ne contient que des votes nuls, entre-t-il en ligne de compte pour fixer le nombre des votants ?

Après avoir examiné les deux points de fait, je traiterai la question de droit.

Je pense que le bureau du sud n’a pas annulé les bulletins ; il ne les a pas retranchés du nombre total ; nous en trouvons la preuve dans le procès-verbal même et dans l’explication qu’en a donnée le secrétaire du bureau.

Voici le passage du procès-verbal qui concerne ce point :

« Dans le nombre de deux cent soixante-seize votants ont été compris les bulletins portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne, Rococo, déclarés nuls par le bureau comme ne contenant pas une désignation suffisante. »

Il en résulte que le bureau a compris ces quatre bulletins comme les autres au nombre total des votants.

Ce qui est dit ensuite que ces bulletins ont été annulés, a rapport aux suffrages et non aux bulletins mêmes.

En effet, la raison invoquée dans le procès-verbal est le défaut de désignation suffisante, raison qui porte sur le suffrage même ; il est évident que le bureau a entendu faire l’application de l’article 34 de la loi électorale, ainsi conçu : « Sont nuls tous les suffrages qui ne portent pas désignation suffisante. »

Ce qui le prouve encore, ce sont ces termes : « déclarés nuls par le bureau. »

L’article 34 laisse, en effet, au bureau la décision sur la validité ou la nullité du suffrage ; mais il en est autrement quand il s’agit de bulletins : ceux-là sont nuls de plein droit dans les deux cas que détermine l’article 34.

Cette explication est d’ailleurs la seule admissible.

Si le bureau avait entendu que les bulletins étaient nuls, il les aurait déduits du nombre des votants ; ils les y a compris parce qu’il ne voyait de nullité que dans les suffrages.

Non, dit l’honorable rapporteur de votre commission, le bureau a entendu annuler les bulletins et point les suffrages car il porte les suffrages en ligne de compte.

C’est là une grave erreur ; le bureau a noté avec raison au procès-verbal les suffrages annulés, mais il ne les a imputés à personne ; les suffrages Raikem et de Behr n’ont pas été comptés à MM. Raikem et de Behr.

D’ailleurs, par ce raisonnement, M. le rapporteur se met en contradiction avec lui-même, car les bulletins ne pourraient pas être nuls si les suffrages avaient été tenus pour valables.

Pour adopter notre manière d’interpréter le procès-verbal, il suffit de croire à la possibilité que le secrétaire du bureau se soit trompé d’expression, et ait cent bulletins au lieu de suffrage.

Nous avons deux fortes raisons de croire que cela est non seulement possible, mais est réellement.

La première est puisée dans le procès-verbal même, où nous lisons le passage suivant :

« Dans ce nombre (de votes donnés à M. de Behr), le bureau a admis 82 bulletins portant de Behr, président, sans autre qualification. »

Là, le mot bulletin est certainement employé par erreur au lieu de vote ou suffrage.

La deuxième raison se fonde sur la déclaration de M. Fabry dans laquelle il dit expressément qu’il a confondu les mots bulletin et suffrage.

M. Fabry est un homme d’honneur, de probité, dans une position indépendante, que les opinions politiques ne porteraient pas à favoriser un candidat libéral. La vérité seule a pu l’engager à faire cette déclaration.

Eh quoi ! messieurs, si le secrétaire d’un bureau se permettait de faire une déclaration pour dénaturer le procès-verbal, pensez-vous que les cinq membres du bureau ne protesteraient pas contre une explication mensongère ?

Le bureau doit bien savoir s’il a annulé les bulletins ou seulement les suffrages, et son silence est encore une preuve puissante que le secrétaire n’a fait qu’exprimer la pensée de tous les membres du bureau.

Il ne s’agit pas, comme l’a dit l’honorable M. Dumortier, de changer le procès-verbal, mais de l’expliquer, et c’est dans le procès-verbal même que nous puisons les principaux moyens de l’interpréter.

Il est démontré que la deuxième section du sud n’a pas annulé les quatre bulletins, qu’elle les a comptés au nombre des votants ; le bureau principal a été induit en erreur par les termes du procès-verbal du bureau du sud, en prenant des suffrages nuls pour des bulletins nuls, et en diminuant, par suite de cette méprise, le nombre total des votants.

En rectifiant cette erreur, on trouve que M. de Behr n’avait pas la majorité absolue, et qu’il n’est pas valablement élu.

Nous passons au deuxième point de fait.

Les quatre bulletins contenaient-ils d’autres suffrages valables ?

Nous le pensons, messieurs ; tout le monde conviendra que la chose est très vraisemblable, car ce serait un bien grand hasard que les bulletins dans lesquels un électeur n’a pas suffisamment désigné MM. Raikem, de Behr et d’Elhoungne, se trouveraient sans autre suffrage.

Telle est la présomption naturelle ; est-elle détruite par le procès-verbal ? Loin de là, il la confirme.

Pour en être convaincu, il suffit de recourir encore aux deux passages que nous avons déjà cités.

Il est parlé des quatre bulletins portant Raikem, sans laisser aucunement supposer qu’ils ne contenaient pas d’autres suffrages.

Il est parlé dans les mêmes termes des 82 bulletins portant : de Behr, président ; et si on ne peut admettre que ces 82 bulletins ne portaient que de Behr, il n’est pas plus permis de supposer que les quatre autres ne portaient que Raikem , etc.

La déclaration du secrétaire vient à l’appui du procès-verbal, quoi qu’en dise M. le rapporteur ; car il en résulte que le bureau a seulement considéré les suffrages comme nuls à l’égard des candidats qui n’étaient pas suffisamment désignés, et a par conséquent donné effet aux bulletins, quant aux autres suffrages.

Les attestations de MM. de Thier et Forgeur ne laissent plus du reste le moindre doute à cet égard.

L’avocat de Thier était présent au dépouillement du scrutin, il a vu que le bulletin portant Raikem contenait quatre autres suffrages qui ont été imputés aux candidats.

L’avocat Forgeur ne fait qu’attester un fait analogue qu’il tient de la bouche du secrétaire Fabry.

Ces deux avocats sont incapables de donner un témoignage contraire à leur conscience.

Ces attestations seraient sans force si, comme M. le rapporteur l’a dit, elles étaient opposées au texte du procès-verbal, si le procès-verbal disait ou supposait que les quatre bulletins ne contenaient qu’un nom ; mais nous venons de voir qu’elles ont pour appui le procès-verbal même et la présomption naturelle.

M. le rapporteur s’est trompé quand il a vu de l’analogie entre cette question et celle qui s’est élevée sur l’élection de l’honorable M. Jadot. Il n’y a pas la moindre comparaison à faire entre les deux hypothèses.

L’élection de M. Jadot était attaquée sous le prétexte que 22 personnes auraient exercé le droit électoral sans payer le cens requis ; la chambre a décidé avec raison que les pétitionnaires n’ayant pas apporté à l’appui de leur assertion les preuves qu’ils auraient pu et dû fournir, leur réclamation ne pouvait être admise, et qu’il fallait maintenir une élection valable dans la forme attaquée sans fondement.

Mais la chambre n’a jamais décidé et ne décidera jamais, nous en avons la confiance, qu’une présomption naturelle, confirmée par le procès-verbal d’élection lui-même, ne puisse être appuyée sur d’autres pièces justificatives.

L’honorable rapporteur a cru pouvoir invoquer les chiffres à l’appui de ses conclusions.

Mais son calcul ne prouve rien.

Le nombre total des voix s’élève à 1,363 : 276 bulletins à cinq suffrages feraient 1,380 ; donc les 276 bulletins ne portaient pas chacun cinq suffrages. Voilà la seule conséquence qu’il soit permis de tirer de ce calcul. Or, cette conséquence n’a rien que de simple et de naturel ; mais il n’y a aucune induction à tirer de ce fait relativement au nombre des suffrages que contenaient les quatre bulletins portant Raikem, etc.

L’honorable M. Dumortier s’est aussi prévalu de ce qu’on n’a pas proposé ce moyen de nullité quand le bureau de la 2ème section siégeait encore, et de ce qu’il n’en a pas été dit un mot dans la première protestation.

Cependant cela se conçoit facilement : les électeurs n’avaient aucunement à se plaindre de ce bureau ; il avait maintenu le chiffre de 276 votants, il y avait compris les quatre bulletins en question ; il avait annulé seulement et avec raison quatre suffrages qui n’étaient pas suffisamment désignés. Les résultats constatés par le bureau étaient conformes à ceux notés par les électeurs présents au dépouillement.

Savez-vous, messieurs, quand les plaintes ont éclaté avec force ? C’est lorsque le bureau principal a réduit les 276 bulletins à 272 ; et ce n’est qu’alors aussi que les griefs commençaient, lorsqu’en voyant proclamer un député qui n’avait pas la majorité absolue, d’après les résultats marqués à tous les bureaux, par les hommes de toutes les opinions.

On s’est plaint dans la protestation de ce qu’on avait confondu des suffrages nuls avec des bulletins nuls ; on n’a pas ajouté que les bulletins portant des suffrages annulés contenaient aussi des suffrages imputés ; c’est une chose dont personne ne doutait et qu’on ne s’attendait pas à voir contestée.

Nous arrivons à l’examen de la question de droit :

Des bulletins qui ne contiennent que des suffrages annulés, faute de désignation suffisante, sont-ils nuls ?

Non, la loi électorale le prouve évidemment.

Cette loi, qui est vicieuse sous plusieurs rapports, distingue très bien la nullité du bulletin de l’annulation des suffrages et détermine clairement quand un bulletin est nul, quand un suffrage peut être annulé par le bureau.

D’après l’article 31, « les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître, sont nuls ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. »

Ainsi la loi ne déclare le bulletin nul que dans deux cas, lorsqu’il est signé ou imprimé.

Quant aux suffrages, l’article 34 déclare nuls ceux qui ne portent pas une désignation suffisante.

Mais alors le bulletin n’est pas nul, et le nombre des votants n’est pas diminué.

Au contraire, lorsque les bulletins sont nuls, ils n’entrent pas en ligne de compte pour fixer le nombre des votants (article 32.)

Comme cette disposition n’a aucune application en cas de nullité de suffrages, on comprend pourquoi le législateur l’a placée immédiatement après celle qui statue sur la nullité de bulletin, et avant celle qui concerne la nullité de suffrages.

Voilà donc une loi claire dans ses expressions, facile à expliquer ; il faut la suivre et non chercher des difficultés qui n’existent pas.

Il en résulte qu’un bulletin contenant un suffrage annulé est valable, et doit entrer en ligne de compte pour fixer le nombre des votants.

Qu’oppose-t-on à ce raisonnement décisif ?

L’article 34, dit-on, en parlant seulement de suffrages nuls, suppose que le bulletin contient en même temps d’autres suffrages valables.

Je réponds à cela qu’il n’y a pas un mot dans l’article 34 qui autorise cette supposition. L’article 34 ne fait aucune distinction ; il n’a aucun rapport avec la nullité du bulletin réglée par l’article 31.

C’est une erreur de droit évidente que de dire que l’article 31, qui fixe les cas de nullité de bulletins, n’est pas limitatif.

En matière de nullité, toute disposition législative est essentiellement limitative , toute interprétation excessive est prohibée ; la nullité est l’exception, la validité est la règle.

C’est avec tout aussi peu de fondement qu’on affirme que la disposition de l’article 33 a été séparée du texte de l’article précédent pour la généraliser ; car l’article 33 n’a aucune application aux causes de nullité de bulletin, mais seulement aux effets de cette nullité.

Pour introduire des nullités que la loi électorale repousse, on tire argument d’un décret du 13 mai 1806, d’un avis du conseil d’Etat du 16 décembre 1806, approuvé le 25 janvier suivant, et enfin des anciens règlements des régences et des états provinciaux.

Mais ces dispositions étaient rédigées tout autrement que la loi électorale qui nous régit ; on est obligé d’en convenir, elles n’avaient pas nettement tracé la distinction entre la nullité du bulletin et la nullité du suffrage.

Notre loi est claire, et on peut être surpris qu’on veuille en modifier l’application, en revenant à des décrets et règlements faits à des époques si différentes de celle où nous vivons, et que n’ont eu aucune influence sur le texte ou l’esprit de la loi nouvelle.

Ces anciennes dispositions sont complètement abolies par la loi électorale qui y a substitué des règles contraires. On prétend que, quoique le texte soit autre, la pensée est la même ; c’est une assertion dénuée de tout fondement.

Une autre objection qu’on fait au système que nous défendons, est celle-ci :

Un bulletin ne contenant qu’un suffrage annulé comme bulletin blanc, ce n’est pas un bulletin : d’après l’académie, un bulletin est un suffrage donné par écrit.

Nous dirons qu’il y a une grande différence entre un bulletin blanc et le bulletin contenant un suffrage dont la désignation n’est pas suffisante.

Dans le premier cas il n’y a pas de suffrage, et celui qui le dépose n’a pas l’intention d’en donner ; dans le deuxième cas, le bulletin contient un suffrage, quoique ce suffrage ne puisse être imputé à l’un des candidats, et le plus souvent le votant a cru donner un suffrage valable, mais il s’est trompé dans la désignation.

D’ailleurs, quand même il y aurait des motifs pour annuler un bulletin contenant un seul suffrage inefficace, il suffit que la loi ait prononcé la nullité dans d’autres cas et non dans celui-là pour que nous soyons contraints de l’appliquer telle qu’elle est, tant qu’elle n’est pas changée.

On ne peut rayer un électeur capable, et qui en fait a voté, de la liste des votants, sans porter atteinte au droit de cet électeur et aux droits de tout le district, puisque de cette manière, la majorité se trouverait changée.

On a demandé pourquoi on fait entrer en compte un bulletin dont le suffrage est annulé, tandis qu’on retranche les bulletins imprimés ou signés.

Voici la raison de la différence : celui qui dépose un bulletin imprimé ou signé, viole sciemment la loi, et abdique volontairement son droit électoral ; il n’en est pas de même de celui qui, par erreur, n’a pas bien qualifié un candidat ; dans le dernier cas, il y a une voix perdue, mais il y a un votant ; c’est au fond la même chose que si la voix avait été donnée à une personne à laquelle le votant a seul pensé, et qui ne recevra pas d’autres suffrages.

M. le rapporteur nous a dit que la commission s’est décidée d’après les précédents de la chambre. Si je suis bien informé, le seul précédent qu’on puisse invoquer est celui d’un bulletin portant uniquement Rococo.

Rococo n’est pas un nom, et on peut croire que celui qui dépose un bulletin contenant ce sobriquet, n’a pas eu l’intention sérieuse de voter ; mais il en est tout autrement des bulletins portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne. En sorte que, en appliquant même ce précédent à l’espèce actuelle, on ne pourrait retrancher du nombre des votants que le bulletin portant Rococo, et non les trois autres bulletins : le nombre des votants serait encore de 1,294, la majorité absolue de 648, et l’élection de M. de Behr, qui n’a eu que 646 suffrages, devrait toujours être annulée.

Il reste à répondre à une dernière objection :

Il est de principe, dit-on, qu’une disposition législative doit s’entendre dans le sens où elle peut recevoir son exécution.

C’est très vrai, et, comme nous l’entendons, la loi reçoit et pourra toujours recevoir son exécution.

On va supposer une hypothèse qui ne se présentera jamais, et on veut en tirer des conséquences pour s’éloigner du texte de la loi.

Quiconque a étudié les lois, sait bien qu’en imaginant des hypothèses chimériques, on met en défaut les meilleurs textes. De là cet axiome : De minimis non curat praetor.

Je vous ai exposé, messieurs, mon opinion consciencieusement ; je souhaite que je vous aie fait partager ma conviction. Quoi qu’il en soit, je crois avoir fait mon devoir.

M. Simons prononce un discours écrit que nous ne pouvons faire connaître. Cet honorable membre ne nous a pas communiqué son manuscrit.

M. Quirini. - Messieurs, l’élection de M. de Behr à la représentation nationale est attaquée pour quatre motifs différents.

Un seul de ces moyens m’a paru assez grave pour devoir influer sur l’élection de M. de Behr, et digne de fixer l’attention de la chambre ; c’est le quatrième : il est fondé sur ce que quatre bulletins ont été retranchés de la liste totale des votants comme ne portant pas une désignation suffisante.

Ces quatre bulletins doivent-ils concourir à former la majorité absolue, ou bien ont-ils pu être écartés valablement par le bureau principal ? Telle est la question qui est soumise à notre décision.

Dans le premier cas, si les quatre suffrages annulés pour désignation insuffisante ont dû être comptés pour régler le chiffre total des votants, ce chiffre aura dû être porté à 1,295 ; la majorité absolue ayant été de 648 votants, et M. de Behr n’ayant réuni que 646 voix, M. de Behr n’aura pas réuni le nombre de suffrages exigé par l’article 35 de la loi électorale.

Si au contraire les quatre suffrages dont il s’agit, nuls pour désignation insuffisante, ont par cela même entraîné la nullité des bulletins sur lesquels ils étaient portés, M. de Behr aura réellement réuni la majorité des suffrages, et il doit être admis à siéger dans cette assemblée.

C’est dans le texte de la loi que nous devons chercher la solution de la difficulté.

Il est d’abord certain, messieurs, que si, outre les quatre noms que portaient les 4 bulletins, quatre noms qui n’étaient pas suffisamment désignés, il s’en était trouvé d’autres suffisamment désignés ; il est certain, dis-je, que ces quatre bulletins n’auraient pas pu être annulés. Mais je veux aborder franchement la difficulté, et j’admettrai pour un moment que les quatre bulletins annulés pour désignation insuffisante ne contenaient chacun qu’un seul suffrage ; dans cette supposition toute gratuite, qui n’est fondée sur aucune présomption, dans cette supposition combattue par M. Ernst, je le demande, les quatre bulletins ont-ils pu être déclarés nuls pour insuffisance de désignation ? En d’autres termes, la nullité des suffrages entraîne-t-elle la nullité des bulletins ?

Il suffit d’examiner, attentivement la loi électorale et de combiner les diverses dispositions qu’elle contient pour résoudre la question négativement.

Aux termes de l’article 35 de la loi électorale, « nul n’est élu à la représentation nationale s’il ne réunit au premier tour de scrutin la majorité absolue des suffrages. »

Cette majorité de suffrages se détermine d’après le nombre total des votants. Et le chiffre total des votants représente évidemment la réunion de tous les citoyens qui, ayant les qualités requises pour ce droit, concourent effectivement à l’élection du député en déposant leurs bulletins dans l’urne électorale. En partant de ce principe qui me paraît incontestable, il est impossible de ne pas voir que c’est le nombre total des bulletins déposés dans l’urne électorale, et qui correspond à celui des électeurs, qui détermine en dernier résultat quel a été le nombre total des électeurs.

C’est pour constater d’une manière certaine et officielle le nombre total des votants que l’article 27 de la loi électorale exige l’inscription du nom de chaque votant sur deux listes.

C’est pour vérifier si le nombre total des votants égale ou correspond à celui des bulletins qui ont été déposés dans l’urne, que l’article 29 prescrit aux collèges électoraux de vérifier ensuite le nombre des bulletins avant de passer au dépouillement du scrutin.

Toutefois, il est impossible de déterminer le nombre total des votants, de préciser la majorité absolue avant le dépouillement du scrutin. Il se peut, en effet, que quelques bulletins soient annulés. En règle générale, tout bulletin doit être compté ; mais la loi électorale a posé une exception. L’article 31 porte : « Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître sont nuls, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. »

Cette disposition exceptionnelle, qui se trouve écrite dans la loi, ne fait que confirmer la règle générale, et qui est également fondée sur la loi, qu’il y a autant de votants qu’il se trouve de personnes qui concourent à l’élection, et conséquemment qu’il y a de bulletins ; et que c’est d’après le nombre total de bulletins qu’il convient de régler la majorité absolue.

Cette vérité est tellement incontestable, que le législateur, pour diminuer le nombre total des bulletins, a lui-même senti la nécessité d’en faire l’objet d’une disposition formelle dans l’article 32, qui dit que « les bulletins n’entrent point en ligne de compte pour fixer le nombre des votants. »

Ainsi, à l’exception des deux cas exprimés par la loi, les bulletins doivent entrer en compte.

Après avoir énuméré les bulletins nuls, la loi traite séparément de la validité des suffrages.

L’article 34 porte : « Sont nuls tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. Le bureau en décide comme dans tous les autres cas, sauf réclamation. »

Ainsi, la distinction entre les suffrages annulés et les bulletins nuls est clairement établie dans la loi. D’abord elle parle des bulletins nuls et elle détermine les effets de cette nullité dans ses rapports avec l’opération électorale. Ensuite elle établit la nullité des suffrages. Ce sont donc deux objets différents, et qui ne doivent pas être confondus.

C’est en appréciant ces diverses dispositions de la loi que je me vois à regret dans la nécessité de déclarer que je pense que l’élection de M. de Behr ne peut pas être validée.

M. Donny. - Messieurs, la commission de vérification des pouvoirs vous propose l’admission, comme membre de cette assemblée, de M. de Behr, président de la cour de Liége, Pour pouvoir prononcer cette admission, il faut de toute nécessité que la chambre admette d’une, part que M. de Behr a réuni 646 suffrages valides, et d’autre part que le nombre de 646 suffrages est égal au moins à la majorité absolue.

Dans les réclamations qui ont été faites contre cette élection, on soutient, et que M. de Behr n’a pas obtenu le nombre indiqué de 646 suffrages, et que la majorité absolue s’élève au-delà de ce chiffre de 646.

Quant à ce qui regarde le nombre des suffrages obtenus, je n’ai jusqu’ici pu arrêter mon opinion. Mais je me placerai pour le moment dans l’hypothèse la plus favorable à M. de Behr, et j’admettrai comme le bureau, mais par supposition, qu’il a réuni réellement 646 votes valides. Je me borne ainsi à examiner la question de la majorité absolue.

Pour établir cette majorité, le bureau principal a fixé le nombre total des votants à 1,295 ; il a ensuite réduit ce nombre jusqu’à 1,291 par suite de l’annulation de quatre bulletins dans la deuxième section électorale ; et ce nombre de 1,291 lui a donné pour majorité absolue le chiffre de 646. Cette opération n’est exacte et régulière que pour autant que la réduction des quatre bulletins ait été faite à bon droit, et que de plus le nombre total des votants n’ait réellement été que de 1,295.

Quant à la validité de la réduction, je me placerai encore dans l’hypothèse la plus favorable à M. de Behr, et je regarderai cette réduction comme ayant été faite à juste titre. Après ces concessions, il ne me reste donc plus à examiner que le point de savoir si le nombre total des votants n’a pas été fixé d’une manière inexacte.

Les électeurs de Liége ont été répartis en 5 sections. Dans chacune de ces sections on a constaté, par un procès-verbal et par une liste nominale faite en double, arrêtée et signée par tous les membres du bureau ; on a constaté, dis-je, quel était le nombre des électeurs qui ont remis dans les mains du président leur bulletin électoral. Pour avoir le nombre total des bulletins, il n’y a donc qu’à faire tout simplement l’addition des totaux indiqués dans chacune des sections électorales. Eh bien ! je fais cette addition et je trouve :

Dans la première section, 264 votants ;

Dans la 2ème, 276 ;

Dans la 3ème, 265 ;

Dans la 4ème, 242 ;

Et dans la 5ème, 249.

Total, 1,296.

Et non pas 1,295, comme l’a calculé le bureau principal.

Le nombre total des votants étant ainsi fixé à 1,296 me donne pour majorité absolue 647 et non pas 646, et comme M. de Behr n’a réuni que 646 suffrages, il est clair qu’il n’a pas obtenu un nombre de voix suffisant pour être admis dans cette enceinte. Je voterai donc, par cette raison, contre la proposition de la commission. Je dois cependant m’attendre à une objection qui m’a déjà été faite, et qui sera sans doute renouvelée. Comme je n’ai pas l’habitude de parler plusieurs fois sur le même objet, je vais, dès à présent et pour n’y plus revenir, tâcher de la réfuter.

On me dira probablement que c’est d’après le nombre des bulletins, et non d’après le nombre des votants, qu’il fut calculer la majorité absolue. Or, dira-t-on, le nombre total des bulletins ne s’est pas élevé à 1,296, mais à 1,295, et la majorité qu’on doit tirer de ce nombre est de 646, ainsi que le bureau principal, l’a établie.

Voici ce que je réponds.

D’abord, je n’admets pas en principe que c’est d’après le nombre des bulletins, et non d’après le nombre des votants qu’il faille fixer la majorité absolue. Si ce principe était admis, il faudrait bien admettre aussi toutes les conséquences qui en découlent. Eh bien une de ces conséquences serait celle-ci : Lorsqu’il se trouverait dans un scrutin un nombre de bulletins supérieur à celui des votants, à celui des électeurs présents, et même à celui des personnes inscrites sur la liste électorale, il faudrait, d’après le même principe, prendre pour base ce nombre des bulletins, nombre évidemment fautif et en tirer une majorité absolue évidemment fausse. Messieurs, énoncer cette conséquence naturelle et nécessaire du principe posé, c’est réfuter le principe lui-même, et répondre déjà à l’objection.

Mais ensuite, est-il bien vrai en fait qu’il n’y ait eu que 1,295 bulletins ? Voyons. Les procès-verbaux des sections, pièces authentiques qui doivent être crues jusqu’à inscription de faux, les procès-verbaux constatent que 1,296 électeurs ont remis leurs bulletins au président. Cette déclaration formelle des procès-verbaux est corroborée par les listes nominales arrêtées et signées par chacun des membres des bureaux et qui se trouvent jointes au dossier ; et pour vous faire voir de quelle manière ce fait a été constaté, je prendrai la liberté de vous lire un extrait du procès-verbal de la 5ème section :

« Chaque électeur appelé remet son bulletin écrit et fermé au président, qui le dépose dans la boîte placée sur le bureau.

« Au moment, où chaque votant remet son bulletin au président, son nom est inscrit sur deux listes, l’une tenue par un des scrutateurs, l’autre par le secrétaire. »

Je dis donc que, d’après la contexture des procès-verbaux, il doit être constant, jusqu’à inscription de faux, non seulement qu’il y a eu 1,296 votants, mais encore que chacun de ces 1,296 votants a remis un bulletin au président. Or, il est évident que, si 1,296 électeurs remettent chacun un bulletin séparé, il y a en tout 1,296 bulletins de remis et non pas 1,295 comme on le prétend.

Il est vrai, messieurs, que lorsque dans la 5ème section on a procédé au dépouillement du scrutin après que toutes les opérations électorales étaient consommées de la part des électeurs, on n’y pas trouvé dans l’urne le nombre de bulletins qui devait y être, puisqu’au lieu de 249 bulletins on n’en a compté que 248 ; mais cette circonstance, en la supposant exacte, a-t-elle pu détruire le fait déjà prouvé, que 1,296 bulletins ont été remis au président et peut-elle permettre de douter de l’existence de ces 1,296 bulletins ? Non : tout ce qu’on peut inférer de cette circonstance, c’est que le président aura omis, bien involontairement sans doute, de déposer un bulletin dans l’urne, ou bien que lorsqu’on a fait l’ouverture de la boîte, un de ces bulletins se sera égaré, on bien encore qu’il s’en sera glissé un dans un autre. Ce dernier fait ne serait au reste pas extraordinaire. J’ai assisté tout récemment à une élection, et je faisais partie du bureau. Le nombre des votants était de 259. Au premier examen on n’a trouvé que 258 bulletins, et ce n’est qu’en faisant une seconde vérification et en y apportant une attention plus scrupuleuse qu’on s’est aperçu qu’un bulletin s’était glissé dans les plis d’un autre. Si dans ce bureau on avait fait comme on a fait à Liége, on aurait constaté qu’il n’y avait que 258 bulletins, et cependant il y en avait réellement 259.

Je pense que l’argument que je viens de vous soumettre n’est pas susceptible d’une réfutation sérieuse. Cependant je puis l’abandonner et vous en proposer un autre qui me paraît d’un poids tout aussi grand.

La circonstance que, dans la 5ème section électorale de Liége, il s’est trouvé un bulletin de moins que le nombre de ceux remis entre les mains du président, est tout moins une grave irrégularité. Qu’on applique donc à cette irrégularité la jurisprudence constante de la chambre.

Messieurs, vous le savez, lorsque dans une élection il y a une irrégularité telle qu’elle a pu déplacer la majorité obtenue par un candidat, il est de jurisprudence que cette irrégularité doit tourner à son désavantage. C’est ainsi que lorsque de faux électeurs se sont introduits dans un collège électoral, vous commencez par supposer que ces faux électeurs ont pu voter et ont voté en faveur du candidat. Et dans cette supposition, vous déduisez des votes obtenus par le candidat un nombre de suffrages égal à celui de ces faux électeurs. Si après cette déduction il reste encore au candidat un nombre de voix suffisants, il est admis ; mais dans le cas contraire vous annulez son élection. Il en est de même encore quand des électeurs qui doivent être convoqués ne l’ont pas été, et se sont vus privés ainsi de l’exercice de leur droit électoral. Dans ce cas vous ajoutez au nombre total des votants le nombre total des électeurs non convoqués ; vous établissez en conséquence la majorité absolue, et vous n’admettez le candidat que lorsqu’il a obtenu un nombre de voix qui s’élève au-dessus de cette majorité qu’on peut en quelque sorte qualifier d’artificielle.

Eh bien ! appliquez à l’espèce cette jurisprudence, et le candidat de l’élection de Liége sera repoussé. Ajoutez au nombre total des bulletins trouvés dans l’urne le bulletin qui s’est égaré, et qui devait s’y trouver, et vous aurez 1,296 pour chiffre du total des bulletins, ce qui vous donnera une majorité absolue de 647. Ainsi quand bien même la majorité absolue devrait se calculer d’après le nombre des bulletins, cette majorité serait encore toujours supérieure à celle obtenue par M. de Behr.

Je me vois donc dans la nécessité de repousser M. de Behr, et de voter contre la proposition de la commission.

M. Dewitte. - Messieurs, je pense avoir trouvé dans la loi électorale même la solution de la question qui nous occupe, en tant qu’elle tend à révoquer en doute que M. de Behr a eu la majorité requise pour être élu représentant. C’est le seul point qui paraît mériter quelqu’attention.

L’article 34 dit : « Sont nuls tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. »

L’article 35 : « Nul n’est élu au premier tour de scrutin, s’il ne réunit plus de la moitié des voix. »

Il résulte d’après moi, de la disposition de ce dernier article, que pour être élu au premier tour de scrutin, il faut réunir, non pas plus de la moitié du nombre des électeurs qui ont remis un bulletin au président, non pas plus de la moitié du nombre des billets qui lui ont été remis, mais plus de la moitié du nombre des voix, ou suffrages, que j’estime être synonymes en fait d’élection, c’est-à-dire plus de la moitié du nombre des électeurs qui ont réellement et valablement voté ; enfin remis un billet contenant au moins un suffrage portant désignation suffisante de l’individu auquel ils ont entendu donner leur voix, vote, ou suffrage.

Et par conséquent plus de la moitié du nombre des billets qui sont de véritables bulletins, en un mot des bulletins contenant au moins un suffrage portant désignation suffisante, et par ainsi un suffrage valable aux termes de l’article 34.

Les quatre électeurs qui ont remis au président de la 2ème section les billets déclarés nuls par celle-ci, à cause qu’ils ne portaient pas une dénomination suffisante, n’ont réellement pas voté. Ils n’ont émis ni suffrage, ni vote, ni voix. Donc, ils ne peuvent entrer en ligne de compte pour le calcul de la majorité absolue des voix.

Les billets qu’ils ont remis ne contiennent aucun vote, aucune voix, aucun suffrage valable ; ce ne sont pas des bulletins puisque d’après le dictionnaire de l’académie, bulletin est un suffrage écrit.

Or, tout suffrage, et ainsi le suffrage écrit étant, d’après l’article 34, nul, s’il ne porte une désignation suffisante, il en résulte que ces quatre billets n’étaient pas des bulletins, et qu’ainsi ils n’ont dû ni pu être comptés pour fixer la majorité des voix.

Il reste d’après cela souverainement vrai qu’il n’y a eu dans la 2ème section que 272 électeurs qui ont réellement voté ; que dans cette section il n’y a eu que 272 véritables bulletins ; enfin que dans cette section il n’a été émis que 272 voix, votes ou suffrages ; que le relevé général des cinq sections n’a donné que 1,291 voix, et que, pour être élu au premier tour du scrutin, on devait avoir, aux termes de l’article 35, plus de la moitié du nombre desdites 1,291 voix, et ainsi 646 voix qui font une voix de plus que la moitié.

Le procès-verbal du bureau principal, la seule pièce à laquelle je m’attache, porte que M. de Behr a eu 646 voix, et par conséquent la majorité absolue des voix. Il a donc, d’après l’article 35, bien et valablement été proclamé représentant par M. le président ; et je voterai par ainsi pour son admission.

M. Trentesaux. - La commission termine son rapport de la manière suivante : « Je dois de plus faire observer que les opinions de la commission ne sont pas tellement arrêtées qu’elle ne soit prête à les modifier si de la discussion qui va s’ouvrir il surgit des idées nouvelles, fortes de justice et opposées à celles que nous venons d’émettre. »

Messieurs, si dans le peu de mots que je vais vous dire il n’y a pas beaucoup d’idées nouvelles, il y en a au moins une qui me paraît fort simple, pleine de vérité et qui conclut dans un sens directement opposé à celui de la commission.

Je n’ai rien à dire sur l’application qui a été faite à M. de Behr, président de la cour de Liège, des suffrages portant M. de Behr, président. Je reconnais qu’à cet égard le bureau a usé de son droit, et je me garderai bien de toucher à ce qu’il a fait. Mon observation portera seulement sur la soustraction de quatre voix opérée par le bureau principal, et mes conclusions montreront que c’est à tort. Ce n’est pas au 2ème bureau que ces 4 bulletins ont été défalqués, c’est au bureau principal.

Pour opérer cette défalcation, le bureau principal a fait un raisonnement. Nous devons voir si ce raisonnement est bien fondé sur les prémisses qu’il a invoquées. Les prémisses qu’il a invoquées sont tout uniment un passage du procès-verbal du 2ème bureau ainsi conçu : « Dans le nombre de 276 votants ont été compris les bulletins (combien ? le procès-verbal ne le dit pas et vous verrez par la suite qu’il ne devait pas le dire) portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo, déclarés nuls par le bureau comme ne contenant pas une désignation suffisante. »

Messieurs, quand j’ai entendu la lecture du rapport, et qu’on en est venu à ce point-là, voici l’idée qui s’est présentée à mon esprit. A quoi doivent se rapporter les mots : déclarés nuls ? Selon les règles de la syntaxe, c’est à bulletins. Mais en examinant tout ce qui s’est fait, en me mettant dans la position des membres du deuxième bureau, il m’a paru évident que ce n’était pas à bulletins que s’appliquaient les mots : déclarés nuls, que c’était à Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo (on rit), et que le mot votes ou suffrages était demeuré dans la plume ; ou même, à la rigueur, si vous voulez, cette phrase est encore construite d’une manière satisfaisante pour dire : Raikem, de Behr, etc., déclarés nuls (nouveaux rires) et non pas pour dire : bulletins déclarés nuls.

En interprétant ainsi tout ce passage, l’affaire marche parfaitement. Dans le cas d’une interprétation contraire, il n’y a plus rien qui coïncide, qui s’accorde. D’abord, je vous l’ai déjà fait remarquer, le procès-verbal porte : les bulletins, et n’en détermine pas le nombre. Dans mon sens, il n’en voyait pas la nécessité. Mais, ensuite, réfléchissez, messieurs, à ce que vous faites faire au bureau, si vous appliquez les mots : déclarés nuls, aux bulletins. Il s’ensuivrait une chose complètement absurde. Le bureau aurait dit : Je déclare ces bulletins nuls, et cependant je les fais entrer dans le nombre total. Le rédacteur du procès-verbal me paraît comprendre parfaitement la loi, et cependant il porterait en compte ce qu’il sent ne pouvoir être mis en compte. Non, messieurs, il est évident que celui qui a employé les expressions : déclarés nuls, se reportait, non pas à bulletins, mais à Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo. (Hilarité.) J’ai dit que le rédacteur du procès-verbal me paraît très bien comprendre la loi, et en effet c’est avec raison, selon moi, que l’on annule les suffrages ne portant que Raikem, de Behr, etc. ; et l’on en dit le motif, c’est faute de désignation suffisante.

Voilà donc comme il faut entendre les mots : déclarés nuls. Sans cela, que deviendrait la déclaration de M. Fabry ? M. Fabry n’avait pas sous les yeux le procès-verbal, mais il avait la conscience de ce qui s’était fait dans le bureau et il a dit « Ce ne sont pas les bulletins, ce sont les suffrages que nous avons annulés. »

Cette réflexion que je vous soumets sur le sens à attacher à ce passage du procès-verbal, s’est présentée à mon esprit, et c’est tout simple. En l’interprétant ainsi, tout marche ; tandis que si on veut l’entendre d’une autre manière, on ne peut plus l’expliquer. Dans mon système, nous n’avons pas à examiner s’il y a d’autres moyens de nullité, celui-là me suffit.

Je crois avoir été compris de la chambre ; et je n’ai pas besoin d’ajouter autre chose. Si mon système est attaqué, alors je me réserve de répondre.

M. de Theux. - Messieurs, je m’attacherai seulement à réfuter l’argumentation de M. Donny sur le nombre réel des votants, et les objections que l’on a présentées relativement à la majorité absolue, établie par le bureau principal.

L’article 29 de la loi électorale porte : « Le nombre des bulletins sera vérifié avant le dépouillement. Ensuite un des scrutateurs prendra successivement chaque bulletin, le dépliera, le remettra au président, qui en fera lecture à haute voix et le passera à l’autre scrutateur.

« Le résultat de chaque scrutin est immédiatement rendu public. »

Mais la loi ne statue pas sur ce qu’il faut faire lorsque le nombre des bulletins diffère du nombre des votants portés sur la liste. Je conviendrai que si le nombre des bulletins se trouve supérieur à celui des votants, on doit déduire à chaque candidat autant de suffrages qu’il y a de bulletins en plus ; et la raison en est bien simple, c’est que les votants remettent leur bulletin fermé au président, et qu’il est très difficile d’empêcher qu’ils ne portent deux bulletins à la fois. Il n’y a aucune garantie contre cette possibilité ; aussi, lorsque le nombre des votants se trouve inférieur au nombre des suffrages, on doit de préférence admettre qu’un votant a déposé deux bulletins : Mais au contraire, lorsque c’est le nombre des suffrages qui est inférieur au nombre des votants, alors la raison conduit à admettre comme probable que l’erreur provient de la tenue des listes.

Si l’on rejetait cette probabilité, il faudrait donc supposer que l’un des bulletins a été soustrait lors du dépouillement du scrutin. Mais, messieurs, les bulletins sont déposés dans une urne par le président ; l’urne est placée en face de tous les électeurs, le président y dépose les bulletins au fur et à mesure qu’ils lui sont remis, et le procès-verbal mentionne en toutes lettres que chaque bulletin a été remis dans l’urne par le président. Maintenant pensez-vous que l’on puisse soustraire un bulletin ? Non sans doute et d’ailleurs ne sait-on pas que les bulletins sont enfermés dans une boîte à double serrure ? que les clés en sont remises à des membres différents ? qu’elle reste toujours exposée aux yeux de l’assemblée ? Enfin, lorsque la boîte est ouverte, tous les bulletins qu’elle renferme sont comptés et c’est l’opération à laquelle le bureau apporte la plus grande attention pour s’assurer de la conformité du nombre des votants avec celui des bulletins.

M. Donny vous a parlé d’un fait dont il a été témoin ; il vous a dit : Lors d’un recensement qui eut lieu dans mon bureau électoral, dont je faisais partie, il se trouva un bulletin de moins ; on procéda à un deuxième recensement, et le billet manquant d’abord fut retrouvé dans les plis d’un autre billet. Eh bien, messieurs, le fait ne prouve-t-il pas en faveur de tout ce que j’ai dit ? S’il n’y avait pas eu erreur dans la tenue de la liste des votants, le bulletin se serait retrouvé au dépouillement.

La soustraction d’un bulletin ne se suppose pas ; on sent la gravité d’un pareil acte, qui expose celui qui le commet à la peine du carcan. Et comment d’ailleurs soustraire un billet en présence de toute une assemblée ? Comment supposer qu’un citoyen ose seulement le tenter ?...

Ainsi donc, entre les deux chiffres différents, tout conduit à admettre comme vrai le nombre des bulletins. Le procès-verbal des élections qui nous occupent dit : On a vérifié le nombre des bulletins ; ils s’élèvent à 248, nombre égal, moins un, à celui des votants, qui était de 249.

Ce résultat ayant été annoncé à haute voix, le président a déclaré qu’il allait être procédé au dépouillement, ce qui a eu lieu sans réclamation.

Ainsi, ne nous montrons pas plus difficiles que l’assemblée elle-même ; admettons qu’il y a eu erreur dans la tenue des listes.

J’aborde le quatrième moyen de nullité contre les élections de Liége. On nous a dit que le bureau de la 2ème section n’avait réellement pas voulu annuler 4 bulletins ; on nous a dit encore qu’il était douteux si ces 4 bulletins ne portaient pas, outre les désignations insuffisantes, des suffrages valables.

Pour moi, je trouve que les expressions du bureau sont tellement précises, qu’il n’aurait commis un faux si sur ces 4 bulletins il s’était trouvé des suffrages valables.

Mais non, messieurs, la relation finale du procès-verbal est concordante avec le commencement, et ne laisse aucun doute. Voici le commencement :

« Le président et le secrétaire, dépositaires des deux clés, font ensuite l’ouverture de la boîte contenant les bulletins. Le nombre vérifié de ceux-ci est de 276, égal à celui des votants. Le nombre des électeurs votants et celui des bulletins ayant été annoncés à haute voix, le président a déclaré qu’il allait être procède au dépouillement des bulletins. »

Voici maintenant comment le procès-verbal se termine :

« Dans le nombre des 276 votants ont été compris les bulletins portant : Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo, déclarés nuls par le bureau comme ne contenant pas une désignation suffisante. »

Je n’admettrai pas, comme l’honorable M. Trentesaux, que ce sont les hommes qui ont été déclarés nuls, mais bien les bulletins portant les noms.

Ces quatre bulletins ont été déclarés nuls comme ne contenant pas une seule désignation suffisante. S’ils avaient contenu un seul nom suffisamment désigné, le bureau ne les aurait pas déclarés nuls. Le bureau se composait d’hommes qui ont trop d’expérience des affaires pour commettre une faute aussi lourde.

Le résultat du dépouillement du scrutin a été proclamé, et pas une réclamation n’a été faite. Que prouve la déclaration du secrétaire ? elle confirme entièrement les termes du procès-verbal ; car il n’eût pas manqué, s’il y avait eu lieu, de déclarer que les bulletins annulés contenaient des suffrages valables. Le but du secrétaire a été qu’on ne s’abusât pas sur la signification du mot bulletin, et de prévenir la difficulté qu’on veut tirer de l’article 34 ; M. Fabry a voulu dire que, dans la pensée du bureau, les mots suffrages et bulletins nuls étaient équivalents.

La question à examiner est donc celle de savoir si la nullité d’un suffrage équivaut à la nullité d’un bulletin. Je vais l’examiner en peu de mots L’article 32 de la loi électorale porte : « Les bulletins nuls n’entrent point en compte pour fixer le nombre des votants ».

L’article 32 ne se réfère pas plus aux articles antérieurs qu’aux articles postérieurs ; reste à savoir quand les bulletins sont nuls. L’article 31 détermine deux nullités de forme, savoir : quand les bulletins sont signés et quand ils ne sont pas écrits à la main. Mais l’article 34 admet une autre nullité fondamentale, c’est lorsqu’un bulletin ne contient pas de désignation suffisante. Cette nullité n’avait pas besoin d’être exprimée, et cependant la loi la prononce. Sans doute, s’il se trouvait qu’un bulletin portant plusieurs noms en désignât un suffisamment et laissât les autres incertains, sans doute ce bulletin subsisterait, on ne pourrait pas le déclarer nul. Mais que tous les suffrages soient annulés, que reste-t-il du bulletin ? Evidemment rien. Et en effet, un suffrage donné par écrit forme un bulletin ; si le suffrage est annulé, il ne reste qu’un chiffon de papier sans valeur.

Nous dira-t-on que lorsque des électeurs se présentent, c’est qu’ils ont voulu voter ; que, par la manifestation de cette volonté, ils ont usé d’un droit, et que ce serait les en priver que de ne pas tenir compte de leur acte pour faire la majorité absolue ? Mais c’est la même chose quand ils déposent un bulletin imprimé ou signé. On dira peut-être que dans ce dernier cas il y a infraction à la loi, et que les électeurs doivent en porter la peine. Mais, dans les autres cas, celui qui porte un nom avec désignation insuffisante, fait un acte également contraire à la loi, contraire à la raison. Comment valider un acte qui manque à une loi, et surtout à une loi aussi connue, qui est affichée, et dont il est donné lecture avant de voter ? Comment excuser une désignation insuffisante lorsque le nom de chaque candidat est répété, recommandé par chaque parti ? Et c’est sur ce point-là même que l’on voudrait nous faire supposer et valider l’ignorance des électeurs ! Non, cela n’est pas possible.

Il est évident que lorsque les électeurs ont déposé un billet sans désignation suffisante d’un candidat, ils voulaient seulement se soustraire à des importunités.

Sans cette supposition, je ne comprends pas qu’ils n’aient pas rempli les formalités de la loi.

J’ajouterai que les articles 35 et 36 de la loi suffisent à eux seuls pour lever toute la difficulté.

M. de Witte a cité l’article 35, ainsi conçu :

« Nul n’est élu au premier tour de scrutin s’il ne réunit plus de la moitié des voix. »

Et il a dit qu’il fallait entendre des suffrages valables. L’article 36 prête un nouvel appui à cette opinion : en voici le commencement :

« Si tous les députés à élire dans le district n’ont pas été nommés au premier tour de scrutin, le bureau fait une liste des personnes qui ont obtenu le plus de voix. »

Or, quand cet article parle de ceux qui ont obtenu le plus de voix, il entend ceux qui ont obtenu le plus de suffrages valables ; les articles 35 et 36 ont donc la même signification. Je ne comprendrais pas qu’on révoquât en doute la similitude de signification des deux articles.

La loi est-elle douteuse ? A quelle interprétation devons-nous recourir ? C’est aux lois antérieures. En effet, messieurs, la meilleure manière d’interpréter une loi, c’est de se reporter aux lois antérieures, autant qu’il y a concordance dans les deux systèmes. Or, notre loi électorale actuelle, dans ce qui concerne les suffrages, se trouve en pleine harmonie avec les lois antérieures. Il existe un décret de 1806 qui a une analogie remarquable avec la disposition que nous discutons l’article. 25 du décret porte :

« Les membres du bureau rayeront de tout bulletin :

« Les noms qui ne désigneraient pas clairement l’individu auquel ils s’appliquent. Il sera statué à cet égard par le bureau. »

Et l’article 27 porte :

« Pour être élu, il faudra avoir obtenu un nombre de suffrages égal à la majorité absolue des votants qui auront concouru à l’élection. »

Ici le décret semble plus favorable à l’opinion de nos adversaires, mais je dois rappeler que l’article dont il s’agit a donné lieu à des doutes qui ont été levés par une décision du conseil d’Etat, insérée au Bulletin des lois, et qui, par conséquent, a force de loi. (L’orateur en donne lecture.)

Ainsi, lorsque la loi offrait des doutes, et semblait favoriser la doctrine de nos adversaires, voilà que le doute a été levé en notre faveur. Si donc vous n’étiez pas encore fixés sur le sens de la loi, vous devriez adopter l’interprétation du décret, parce qu’elle est toute rationnelle. Le mode qu’il a déterminé était en usage pour la formation des états et des conseils de régence ; il est encore usité pour la nomination des tribunaux de commerce.

Et quel motif aurions-nous donc de nous éloigner d’une législation antérieure si conforme à la raison ? Ainsi donc, une simple nullité de forme ne produirait rien pour la majorité, et une nullité substantielle produirait quelque chose ? Mais ne voyez-vous pas qu’une telle proposition doit être rejetée ? Je crois, messieurs, avoir suffisamment développé mon opinion sur ce point, et je m’abstiendrai de traiter les autres griefs parce que déjà ils ont été suffisamment réfutés.

M. Angillis. - Je tâcherai de réduire la question à son expression la plus simple ; j’admets dans leur intégrité tous les procès-verbaux ; j’admets tout ce qu’on a dit, et je raisonnerai d’après les termes de ces procès-verbaux eux-mêmes. Avec un peu d’attention, nous reconnaîtrons bientôt que le problème dont on présente la solution comme si délicate et si épineuse, n’offre aucune difficulté réelle.

Toute la difficulté réside dans la question de savoir si, un bulletin renfermant des suffrages annulés comme ne portant pas une désignation suffisante, est nul ? Voilà, messieurs, toute la question à résoudre.

La loi n’admet que deux nullités absolues, savoir : les bulletins signés et les bulletins imprimés. Cependant un morceau de papier blanc n’est pas un bulletin, et un semblable bulletin doit être retranché du nombre des votants. Un électeur, quoique présent, qui dépose dans l’urne électorale un bulletin en blanc, énonce évidemment l’intention de ne prendre aucune part à l’élection. Un pareil bulletin est donc nul, non pas parce que la loi les déclare nuls, mais parce qu’un papier blanc n’est pas un bulletin, et il serait absurde de faire compter de tels bulletins, pour former la majorité absolue. Un électeur qui dépose un papier blanc ne vote pas, ne prend point de part à l’élection et ne peut être compté parmi les votants.

Mais en est-il de même des bulletins dont les suffrages sont annulés pour le motif qu’ils ne contiennent pas de désignation suffisante ? Non, messieurs, évidemment non. Je dis non, parce que dans ce cas l’électeur a pris une part active à l’élection ; il a inscrit sur son bulletin les noms des personnes à lui connues, et il a pu croire que ces personnes-là étaient assez connues des membres du bureau. Il a donc satisfait à la loi, et s’il n’a pas bien désigné pour la satisfaction du bureau, il peut avoir commis une erreur, mais aucune disposition de la loi n’annule son bulletin pour ce défaut de désignation ; elle se contente d’annuler son suffrage.

Le bureau a décidé autrement, il a annulé les suffrages comme non opérant ; il a pu le faire parce que la loi l’autorisait, mais dans ce cas il n’a pu annuler le bulletin parce que la loi ne l’autorisait pas. Et en annulant un bulletin pour le motif que les personnes qu’il contenait n’étaient pas suffisamment désignées, il a excédé son pouvoir en créant une nullité que la loi n’admet pas.

Les nullités sont toujours de stricte interprétation ; elles doivent être formellement prononcées par la loi. Si la loi était à faire, sans doute je réclamerais pour que les bulletins de cette espèce fussent déclarés nuls ; mais il s’agit de prononcer d’après une loi existante et ses dispositions sont la règle que nous avons à suivre ; nous ne pouvons pas décider d’après la conscience ou la raison, mais d’après la loi, et c’est la loi à la main que moi je pense qu’un bulletin qui renferme des suffrages annulés comme ne portant pas une désignation suffisante, doit valoir comme bulletin.

M. Milcamps. - Messieurs, on paraît d’accord sur le point de fait. Il résulte du procès-verbal du 2ème bureau, qui n’est combattu que par de simples allégations, que lors du dépouillement des votes, quatre bulletins ont été recueillis, portant : Raikem, de Behr, d’Elhoungne, Rococo.

Le deuxième bureau a pensé que ces trois noms, faute d’indication de prénoms ou de qualifications, ne désignaient pas clairement les individus auxquels ils semblaient s’appliquer, et a déclaré les quatre bulletins nuls, en vertus de l’article 34 de la loi électorale.

Cet article est ainsi conçu : « Sont nuls les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. »

Si, conformément au texte littéral de cette disposition, le 2ème bureau avait déclaré nuls les suffrages contenus dans ces quatre bulletins, aucune réclamation ne s’élèverait contre sa décision. Mais ce sont les quatre bulletins eux-mêmes qu’il a déclarés nuls ; De là la difficulté.

Au premier abord, j’avoue que, lorsque tous les suffrages d’un bulletin sont nuls, j’ai pensée à concevoir la validité du bulletin ; mais je fais pour le moment abstraction de cette distinction, et je pose la question suivante :

Le deuxième bureau, en déclarant nuls les quatre bulletins dont il s’agit, a-t-il fait une juste application de l’article 34 de la loi électorale ?

Pour faciliter l’examen et la solution de cette question, il n’est pas inutile de rappeler la législation qui a précédé la publication de cet article 34.

Ici je dirai, en passant, que je conviens avec l’honorable M. Ernst qu’il ne faut pas décider par les lois de l’empire et par les règlements la question qui nous occupe ; mais il conviendra, je pense, qu’il est permis de recourir à la législation ancienne pour interpréter par voie de doctrine les dispositions de la loi nouvelle.

Aux termes de l’avis du conseil d’Etat approuvé le 25 janvier 1806, la majorité devait être établie sur le nombre des votes valables, d’après la décision du bureau, et non sur le nombre des votants.

Remarquez ces expressions : sur le nombre des votes valables.

Suivant l’ancien règlement des états provinciaux (article 41), on n’avait point égard aux bulletins qui étaient, ou non signés de la main du votant, ou non remplis (article 56.) Le bulletin n’était pas valide, si l’assemblée électorale jugeait que l’indication de la personne n’était pas assez claire, ou que le bulletin ne pût être pris en considération (article 57.) Celui qui avait la moitié des suffrages émis, ou qui devaient être pris en considération, était élu.

Vous voyez, messieurs, dans l’ancien ordre de choses, la majorité s’établissait sur le nombre des votes valables, c’est-à-dire, sur le nombre des votants avec effet.

Notre loi actuelle a-t-elle dérogé au décret de 1806, qui est la raison écrite ? A-t-elle introduit parmi nous un droit nouveau ? Je ne saurais le penser. Que nous dit-elle en effet ? j’y vois :

Article 31. « Les bulletins dans lesquels le votant se ferait connaître sont nuls, ainsi que ceux qui ne sont pas écrits à la main. »

Article 32. « Les bulletins nuls n’entrent point en compte pour fixer le nombre des votants. »

Article 34. « Sont nuls tous les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante. »

Article 35. « Nul n’est élu au premier tour de scrutin, s’il ne réunit plus de la moitié des voix. » Ce qui signifie bien plus de la moitié du nombre des votants avec effet.

Mais lorsqu’on examine sans prévention toutes ces dispositions, ne demeure-t-on pas convaincu que la majorité doit s’établir sur le nombre des votes valables, ce qui, je le répète, s’entend du nombre d’individus qui ont voté valablement.

S’il en est ainsi, c’est avec raison que le 2ème bureau de Liége a déclaré nuls quatre bulletins qui ne contenaient pas de votes valables, car je ne puis concevoir la validité d’un bulletin dont tous les suffrages sont nuls.

Dans l’esprit de notre loi électorale et de celles qui l’ont précédée, les mots bulletin, suffrage, vote, sont employés indifféremment dans la même acception.

J’ai déjà eu l’honneur de dire que l’article 56 de règlement portait que le bulletin n’est pas valide si l’assemblée électorale juge que l’indication de la personne n’est pas assez claire. Notre article 34 n’exprime-t-il pas la même idée lorsqu’il dit : « Sont nuls les suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante ? « Supposez que tous les suffrages du bulletin soient nuls.

Et lorsque l’article 32 dispose d’une manière générale et absolue que les bulletins nuls n’entrent point en compte pour fixer le nombre des votants, est-il possible qu’un bulletin qui ne contient exclusivement que des suffrages nuls puisse entrer en compte ?

Oui, dit-on, parce que, dans l’article 31 qui précède immédiatement l’article 32, le législateur a déterminé spécialement les bulletins nuls, et que dans l’article 31 il dispose que les bulletins nuls n’entreront pas en compte. Je réponds que dans l’article 31 le législateur a seulement déclaré quels étaient les bulletins nuls par la seule force de la loi ; ce sont ceux que la loi déclare nuls, comme présumés faits en fraude de ses dispositions, d’après leur seule qualité. C’est la présomption légale ; dans ce sens je conviens avec M. Ernst que l’article est limitatif. Mais l’article 34 détermine quand des bulletins seront nuls par une présomption de l’homme, ce sont ceux dont les suffrages ne porteront pas une désignation suffisante ; l’appréciation de cette désignation est abandonnée aux lumières et à la prudence des membres du bureau.

Maintenant pourquoi des bulletins nuls par l’effet d’une présomption légale n’entreraient-ils pas en compte pour fixer le nombre des votants, tandis que des bulletins qui ne contiendraient que tous suffrages nuls y entreraient ?

On répond que celui qui signe son bulletin ou qui ne l’écrit pas à la main sait ou doit savoir qu’il viole manifestement la loi. Il erre en droit, il est présumé ne pas vouloir voter, tandis que celui qui remet un bulletin contenant des suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante peut se tromper ; par exemple, il peut croire, en votant pour M. Raikem, qu’il n’existe qu’une seule personne de ce nom. Il erre en fait, il est présumé avoir voulu voter.

Je doute fort qu’une si subtile distinction soit venue à l’esprit des auteurs de la loi électorale Quoi ! venez-vous nous parler d’intentions ou d’erreur de fait, alors que dans l’hypothèse proposée, la recherche de l’intention et la preuve de l’erreur de fait sont impossibles ?

Et s’il s’agissait dans l’espèce de rechercher l’intention, diriez-vous qu’il est présumé avoir voulu voter valablement celui qui, dans son bulletin émet des suffrages qui ne portent pas une désignation suffisante, et qui se terminent par quelque chose, si pas offensant ou injurieux, au moins ridicule ou plaisant ?

Non, les auteurs des quatre bulletins dont il s’agit n’ont pas voulu voter valablement, et leurs votes ne doivent pas être pris en considération pour fixer le nombre des votants.

M. de Brouckere. - Messieurs, il m’avait semblé d’abord qu’il suffisait qu’une seule personne exposât la question pour que la chambre la saisît et la résolût ensuite avec la plus grande facilité. J’ai cru voir par les raisonnements des orateurs qui ont pris la parole jusqu’ici que la question n’avait pas encore été bien saisie, et j’ai demandé la parole pour la ramener à ses termes véritables, et démontrer qu’il est impossible de ne pas s’apercevoir que les élections de Liége sont radicalement nulles.

Messieurs, je n’insisterai pas sur le premier ni sur le troisième moyen qu’ont fait valoir les personnes qui ont réclamé contre les élections de Liége. Mais si je les passe sous silence, ce n’est pas par les motifs que nous a donnés M. Simons ; je ne pense pas que ces deux moyens soient odieux. Non, messieurs, ces moyens ne sont nullement odieux, on peut les soutenir avec une entière bonne foi, et j’aime à croire que si l’honorable membre qui a proféré ces paroles avaient voulu prendre la peine de voir quelles sont les personnes qui ont signé la pièce dont il s’agit, il n’aurait pas qualifié si légèrement leur conduite d’odieuse. Je soutiens que les moyens invoqués peuvent être défendu avec la meilleure foi. Et en effet, il n’est personne qui, ayant fréquenté une société quelconque, ne sache qu’il est souvent d’habitude pour les membres de qualifier de président celui qu’ils ont mis à leur tête. C’est ainsi que dans les sociétés d’harmonie on nomme président celui qui les dirige.

Eh bien ! maintenant que trouveriez-vous d’étonnant à ce que quatre ou cinq électeurs, appartenant à la classe des musiciens par exemple, puisque j’ai parlé des sociétés d’harmonie, aient cru devoir se conformer à leur habitude en désignant M. de Behr, président du Casino ?

Il paraît que cet honorable citoyen s’était mis en effet sur les rangs pour la députation.

Faire valoir cette possibilité et présenter ce moyen, je le demande, est-ce quelque chose d’odieux, et n’y a-t-il pas une étrange légèreté à se servir d’une qualification de cette nature ?

Nous avons entendu, de la part d’un des préopinants, un raisonnement qui tendrait à faire croire qu’il s’est trouvé des personnes qui ont voulu méchamment porter un billet nul dans l’urne, pour empêcher l’élection.

Je le déclare, si l’un de nos collègues avait dédaigné de faire valoir lui-même l’argument des pétitionnaires j’aurais appelé ce passage de la pétition une argumentation à la Bazile. (Rumeur sur plusieurs bancs.) Messieurs, mes paroles ne s’appliquent qu’aux pétitionnaires.

Depuis qu’un de mes collègues a repris cette argumentation, je suis obligé à des ménagements que je n’oublierai pas.

Mais, je vous le demande, si ce n’est pas de la part des pétitionnaires une calomnie que d’avancer sans preuves que des électeurs de Liége ont, pour empêcher une élection, jeté méchamment dans l’urne un bulletin portant pour désignation M. de Behr, président du Casino ?

Vous avez tous lu la pétition dont il s’agit et le passage auquel je fais maintenant allusion. Vous avez vu que les pétitionnaires y parlent avec une assurance telle qu’il semble qu’ils aient vu déposer le billet, et pu acquérir la certitude des mauvaises intentions des électeurs ; car ne faudrait-il pas être méchant pour venir déposer un bulletin que l’on a fait nul volontairement, en espérant que par ce moyen on empêchera l’élection ? Je n’insisterai pas toutefois sur ce motif, parce que le quatrième me paraît si simple, si péremptoire, qu’il est inutile de faire perdre du temps à la chambre en l’occupant du premier et du troisième. Je dis que le quatrième moyen est simple, et la première preuve que j’en offre, c’est qu’il n’a pas encore été réfuté d’une manière triomphante.

Ceux qui soutiennent ce moyen procèdent sans injures, sans reproches ; ils se tiennent dans l’examen exact des faits. De l’autre côté, au contraire, je vois que pour interpréter la loi électorale de 1831, on a recours à un décret de 1806 et à un avis du conseil d’Etat du 16 septembre 1806. Il faut avoir une singulière envie de chercher ses raisonnements en dehors des lois pour recourir à un décret suranné de 20 ans.

En 1806, on n’avait pas encore des idées bien arrêtées sur la manière dont il fallait procéder à des élections populaires ; il ne faudrait, donc pas s’étonner de trouver dans la législation de cette époque des dispositions qui nous sembleraient vicieuses aujourd’hui.

Permettez-moi donc de m’étonner que l’honorable M. Milcamps ait trouvé tout simple que l’on raisonnât de ces deux décrets, parce que, a-t-il dit, c’est la raison écrite. Je l’avoue, je n’ai jamais entendu dire que les décrets de Napoléon fussent toujours rédigés avec ce certain degré d’impartialité qui pourrait leur mériter le titre de raison écrite. J’ai entendu dire quelquefois, en parlant de la législation romaine, qu’elle était la raison écrite, parce qu’en effet elle se distingue par une sagesse telle que nos législateurs nouveaux ne l’ont pas encore surpassée. Les décrets de Napoléon, eux, portent trop souvent le cachet de l’arbitraire et de l’injustice pour mériter ce beau titre.

Ceux qui soutiennent l’élection de M. de Behr se sont livrés à des suppositions pour établir le chiffre de la majorité ; mais une fois dans le champ des suppositions, chacun s’arrête où il lui plaît, et je pourrais, moi, supposer qu’aucun électeur ne se présente pour voter. La supposition est absurde, sans doute ; mais elle ne l’est pas plus que celle par laquelle on dirait que 50 électeurs ont déposé dans l’urne un billet blanc.

Ainsi donc, messieurs, première preuve de la simplicité de la question puisée dans le moyen qui a été mis en avant, et par les réclamants contre l’élection et par les réclamants en faveur de l’élection.

Un deuxième moyen, c’est la manière dont est rédigé le rapport qui a été lu dans une séance précédente. Voici comment s’exprime ce rapport : « Messieurs, votre commission a longtemps hésité à donner une solution à la question de droit, née de la question électorale ; mais enfin, après une très longue discussion, elle s’est décidée d’après les précédents de la chambre. On s’est rappelé que pour d’autres élections ayant eu lieu aussi à Liége, des bulletins qui ne portaient pas désignation suffisante avaient été supprimés et n’avaient pas été comptés dans le nombre des votants. Prenant ces circonstances en considération, la majorité de la commission propose l’admission de M. de Behr. »

Vous voyez, messieurs, que la commission ayant adopté une opinion vicieuse ne trouve pas un seul argument pour la défendre. Elle dit : Nous sommes de cet avis, parce qu’un antécédent de la chambre nous y autorise. Mais du reste, pas un raisonnement, et je ne crois pas qu’il fût possible d’établir un raisonnement logique en faveur de cette opinion.

Maintenant, est-il bien vrai que la commission peut se fonder sur un antécédent de la chambre ? Je ne le crois pas. « On s’est rappelé, dit-on, que pour d’autres élections ayant eu lieu aussi à Liége, des bulletins qui ne portaient pas désignation suffisante avaient été supprimés et n’avaient pas été comptés dans le nombre des votants. » Mais savez-vous, messieurs, quels étaient ces bulletins ? L’un portait simplement le mot de Rococo, et l’autre était un compte d’auberge. J’en appelle, à cet égard, à la mémoire de tous les membres de l’assemblée. Eh bien pour abréger toute espèce de discussion, je consens pour ce qui me concerne à ce qu’on annula Rococo, et qu’on s’en tienne à MM. de Behr, Raikem et d’Elhoungne. Si ces trois bulletins doivent être portés en compte cela suffira pour ôter à M. de Behr la majorité absolue.

Ainsi donc, deuxième preuve de la vérité de ce que je soutiens et quand on veut défendre le contraire, on ne trouve pas un seul raisonnement à l’appui.

Après cela, traiterai-je de nouveau cette question de savoir si un bulletin et un suffrage sont la même chose ? Toute la difficulté gît là, et elle se trouve résolue par les articles 31 et 34 de la loi électorale.

Mais voyez comment on raisonne pour essayer de vous montrer qu’un bulletin et un suffrage sont la même chose. Voici ce qu’a dit un orateur : « Ce qui est nul ne peut avoir aucun effet. Pas de suffrage, pas de bulletin. » C’est aller un peu loin. S’il n’y a pas de suffrage, il n’y a pas de suffrage ; mais dire : S’il n’y a pas de suffrage, il n’y a pas de bulletin, cela n’est pas logique. Moi, je dis qu’il n’y a pas de suffrage, mais que, malgré cela, il y a bulletin, et je le prouve à l’aide de la loi électorale.

C’est, dit-on, une jurisprudence constante qu’un papier blanc n’est pas compté dans le nombre des votes, et qu’il est nul. Mais quand c’est un billet portant Raikem, ce n’est pas certainement un papier blanc. C’est un papier nul, comme suffrage, parce qu’il ne porte pas de désignation suffisante ; mais ce n’en est pas moins un bulletin, nul comme suffrage, valable comme bulletin. Voilà la jurisprudence de la chambre, et je défie qu’on me prouve le contraire.

Je crois même que je ne m’avancerais pas trop loin si je vous disais que je me fais fort de citer dix procès-verbaux d’élections mentionnant des suffrages nuls comptés comme bulletins. Voulez-vous un exemple ou deux pris au hasard ? Il y a eu aux élections de Mons plusieurs billets portant Corbisier de Mons. Eh bien ces billets n’ont pas été comptés comme suffrages au profit de l’honorable M. Corbisier qui siège à côté de moi, mais ils ont été comptés au nombre des bulletins.

Il en a été de même pour l’élection de M. Meeus. Des billets contenaient : M. Meeus, tout court, et, bien qu’il soit le seul de sa famille qui porte ainsi son nom sans y rien ajouter, ces billets ont été annulés comme suffrages quoiqu’ils aient été comptés comme bulletins. A Huy, des billets portant Joseph Lebeau, n’ont pas été attribués à M. le ministre de la justice, bien que l’autre personne portant le même nom ne pût pas être portée comme candidat, et j’ai applaudi à la décision du bureau de Huy qui, comprenant ce bulletin au nombre des votes, l’a déclaré nul comme suffrage. La même chose est arrivée à Virton et presque dans tous les bureaux d’élections.

Messieurs, je ne ferai plus valoir qu’un seul raisonnement ; mais je prie la chambre de me prêter encore un moment d’attention, parce qu’il me paraît tellement péremptoire, que je doute qu’on y puisse rien répondre.

M. de Theux a dit que s’il était vrai, comme on l’a annoncé que les quatre bulletins Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo portassent encore un autre nom, le bureau de Liége aurait commis un faux. Je suis fâché que l’honorable membre soit allé aussi loin, car je vais prouver que cela est exact, et ce sera sur des chiffres que je m’appuierai.

Voici ce que nous lisons dans le rapport de la commission :

« Pour arriver autant que possible à la vérité, nous avons cherché, dans le sein de la commission, à trouver dans les chiffres s’il n’existait pas un moyen de prouver l’inexactitude du procès-verbal ou un moyen de prouver la véracité des énoncés de cette pièce. Voici comment nous avons raisonné :

« Il y avait 276 votants dans le deuxième bureau. La ville de Liége avait cinq députés à nommer. En multipliant le nombre total des bulletins du deuxième bureau par 5, on obtient le chiffre 1,380 qui représente le nombre des votes. De ce nombre il faut en ôter quatre fois quatre votes, puisque d’après le procès-verbal il manquerait quatre votes sur chacun des bulletins objet du débat ; cette soustraction faite, il reste 1,364 votes.

« Maintenant, nous nous sommes dit : Si le nombre total des votes résultant du dépouillement dans le second bureau est supérieur à 1,364, il sera démontré jusqu’à l’évidence que le second bureau a commis une grande inexactitude ; mais si ce nombre est égal ou moindre à 1,364, on aura une présomption très forte que le procès-verbal dit la vérité. Eh bien ! en comptant les suffrages du deuxième bureau, et en y comprenant ceux portant Raikem, de Behr, d’Elhoungne et Rococo, nous avons trouvé que le chiffre total des voix s’élevait à 1,363. »

Eh bien ! c’est une erreur. Tout le monde, en vérifiant le calcul, trouvera le nombre 1,367. Ainsi donc la commission se condamne par ses propres calculs et prenant acte de ses paroles, il est évident que le bureau a commis une grande inexactitude. (M. Dumortier fait un mouvement sur son banc.) Je ne sais pas quels sont les chiffres qui ont été oubliés, mais voilà le total que j’ai trouvé.

M. Dumortier. - On vient de vérifier l’opération, et le calcul se trouve juste.

M. de Brouckere. - C’est que probablement ceux qui trouvent 1,364 ne comptent pas les quatre bulletins.

M. Dumortier. - Pardon ! nous les comprenons.

M. Vanderheyden. - Je défie qu’on trouve plus de 1,364, d’après le procès-verbal.

M. de Brouckere. - Je n’ai point le procès-verbal, mais le Moniteur, qui contient le rapport de la commission. D’ailleurs je vous prie de ne pas m’interrompre.

D’après toutes ces considérations, messieurs, je trouve que M. de Behr n’a pas obtenu la majorité qui lui était nécessaire pour être valablement élu, et je voterai contre les conclusions du rapport.

- La discussion est remise à demain, et la séance est levée à 4 heures et demie.