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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 3 juillet 1833

(Moniteur belge n°186, du 5 juillet 1833)

(Présidence de M. Dubus, vice-président)

M. Dubus, premier vice-président, occupe le fauteuil à demi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté sans opposition.

Pièces adressées à la chambre

Plusieurs pièces adressées à la chambre sont renvoyées à la commission des pétitions ; l’une d’elles est signée par la régence et plusieurs habitants notables de la commune d’Herzèles (Alost), qui exposent leurs vues et leurs désirs sur la direction à donner à la route projetée de Ninove sur Audenaerde.

M. H. Dellafaille. - Je demande le renvoi de cette pétition à la section centrale, chargée de la rédaction du projet de loi présenté par M. Teichmann.

- Nombre de voix. - Appuyé ! appuyé !

- La proposition de M. H. Delafaille est adoptée.

Projet de loi relatif à l'impôt des distilleries

Discussion générale

M. le président. - L’ordre du jour est la discussion du projet de loi sur les distilleries ; la discussion générale est ouverte. La parole est à M. de Foere.

M. de Foere. - Messieurs, le projet de loi sur les distilleries, tel qu’il est formulé maintenant, repose, sous le rapport de cette industrie, sur un principe qui est le seul admissible. Maintenant le fisc n’est plus en première ligne, il est subordonné à l’industrie. Je regrette de ne pas pouvoir porter le même jugement sur le principe de cette loi considéré sous le rapport du commerce. Sous ce rapport, le projet de loi impose des entraves vexatoires pour le commerce et même inutiles pour le fisc ; il est au surplus inconstitutionnel. Le rapport de la commission renferme des contradictions. En dernier lieu le projet est injuste.

J’ai dit, en premier lieu, que le projet impose au commerce des entraves vexatoires et inutiles.

L’article 28 exclut une ville maritime qui a toujours été considérée, sous tous les gouvernements et sous toutes les législations, comme un bureau d’exploitation. Sous l’empire de l’ancien gouvernement, on n’a jamais pensé à exclure de semblables villes.

Sons la législation qui régit maintenant l’espèce, la ville de Bruges est considérée comme bureau d’exploitation ; et lorsqu’une vérification sur un soupçon de fraude doit être faite à l’extrémité des frontières, elle doit avoir lieu aux dépens de la partie succombante. Si maintenant il s’élevait un soupçon de fraude, ou si, dans des intentions vexatoires ou des vues de rivalité, une vérification doit être faite, elle est aux frais de l’armateur.

J’ai dit que cet article est inconstitutionnel. Les Belges sont égaux devant la loi. La distance d’Anvers à Lillo est plus forte que celle de Bruges à Ostende. Cependant Anvers est maintenu comme bureau d’exportation. Cette inégalité est d’autant plus saillante que la fraude pourra s’exercer impunément sur les deux rives de l’Escaut jusqu’à Lillo, et que Bruges ne s’oppose à aucun moyen de surveillance ou de contrôle jusqu’à Ostende, et que même là la dernière vérification peut encore avoir lieu, pourvu qu’elle s’opère aux dépens de la partie succombante.

Or, je ne vois pas pourquoi ce privilège doit être accordé à la ville d’Anvers, tandis que la ville de Bruges se trouve exactement sur la même ligne.

Je dis en troisième lieu que le rapport de la commission renferme une contradiction, car elle n’a pas voulu établir une distinction entre les distilleries agricoles et les distilleries à appareils nouveaux, parce qu’il lui a semblé que cette distinction était contre l’esprit de la constitution et que l’on ne devait pas favoriser une industrie aux dépens de l’autre. Eh bien, le même principe devait diriger la commission à l’égard de la ville de Bruges et d’Anvers.

Maintenant, messieurs, la ville d’Anvers, considérée comme dernier bureau d’exportation, pourra frauder impunément sur les deux rives de l’Escaut. L’injustice est d’autant plus flagrante que le commerce de Bruges ne s’oppose pas au contrôle. Lorsque les navires sont chargés et plombés, il ne s’oppose pas même à la surveillance ni au convoi de la douane de Bruges jusqu’à Ostende, ni à une vérification faite à Ostende avant que les navires passent à la mer, pourvu que la disposition de la loi générale du 26 août 1822 soit maintenue et que la vérification ait lieu aux dépens de la partie succombante.

Ainsi, vous voyez, messieurs, que l’injustice est ouvertement consacrée car la ville de Bruges a à cet égard un droit acquis ; elle est en possession, depuis des siècles, de son bureau d’exportation, et aucun gouvernement, aucune législature, n’est venu lui disputer ce droit. Il ne s’est même élevé sur ce point aucune réclamation quelconque.

C’est par de misérables considérations qu’on veut s’y opposer ; c’est, dit-on, pour empêcher la fraude. Eh bien, vous voyez que le fisc est ici mis en première ligne et non pas le commerce, tandis que c’est le fisc qui doit être subordonné au commerce, et qui doit avoir assez de contrôle, assez de moyens de surveillance par lui-même pour empêcher la fraude. Ce n’est pas le commerce qui doit rester responsable de la moralité des agents du fisc. Si le fisc ne peut pas compter sur la moralité de ses agents à Bruges, comment pourra-t-il y compter à Ostende ? Si le chargement peut être opéré à Ostende sans crainte de la fraude, il peut l’être aussi à Bruges, d’autant plus que le commerce de Bruges ne s’oppose aucunement, ainsi que je l’ai dit, à tous les moyens de surveillance et de contrôle, pourvu que Bruges reste bureau d’exportation.

Le ministre, dans la dernière discussion qui a eu lieu sur les distilleries, a répondu à ces objections accablantes en soutenant que les choses demeuraient dans le même état ; que Bruges n’était pas privé de son bureau d’exportations et que la loi générale du 26 août 1822 était maintenue dans toutes les dispositions qui n’étaient pas contraires à celles du présent projet de loi. Eh bien, messieurs, il a été répondu au ministre par le texte même de la loi, qui exclut formellement le bureau d’exportation de Bruges. L’article 28 du projet de loi est conçu en ces termes : « Pour jouir du bénéfice des dispositions qui précèdent, l’exportation devra se faire par les bureaux d’Anvers, d’Ostende, de Nieuport et de Zelzaete. »

Voilà donc le bureau d’exportation de Bruges formellement exclu. Alors M. le ministre s’est retranché derrière un moyen inadmissible. « La loi, a-t-il dit, ne sera pas exécutée sous ce rapport dans toute sa rigueur. » Eh bien, moi, je dis que lorsque la loi peut être exécutée ou non à volonté par l’administration dans une partie ou dans l’autre, cette loi n’existe plus, et il n’y a personne dans cette chambre qui contestera que le devoir de la législature est de prévenir l’invasion de l’arbitraire dans l’exécution des lois.

Messieurs, je m’étendrai maintenant sur les conséquences fâcheuses qui résultent des entraves que l’on apporte au commerce extérieur.

Au 15 juin dernier, le gouvernement avait délivré 156 lettres de mer : nous avions donc 156 navires ; mais, depuis ce temps, 20 de ces navires marchands ont quitté le pays et sont passés sous le pavillon hollandais. Il y en a encore 4 ou 5 dans les bassins de Flessingue qui, selon toute apparence, iront aussi rejoindre la marine hollandaise. La Fortitude a déjà appareillé pour la Hollande ; le Schimmempenninck et 4 ou 5 autres s’apprêtent à en faire autant.

Ainsi, voilà notre marine marchande considérablement réduite ; je vous en ai signalé une cause puissante, c’est que nos armateurs ne trouvent pas de protection sur les mers, et que le pays ne songe pas à leur accorder cette protection.

A cette cause qui déjà existe, il faut en joindre d’autres qui détruiront nécessairement notre marine marchande, surtout lorsque ces causes sont des entraves tout à fait vexatoires pour le commerce, et d’ailleurs inutile pour le fisc. Remarquez bien que déjà notre marine marchande est insuffisante à nos propres besoins de consommation, consistant en marchandises étrangères. Ces besoins annuels s’élèvent approximativement à 147,000 lasts ; l’importation de ces denrées exige 2,673 navires au taux moyen de 110 tonneaux A ces navires, ajoutez encore 100 autres pour l’importation des matières brutes destinées à l’alimentation de nos fabriques et manufactures, ce qui en élève le nombre a 2,773. Or, je vous ai déjà fait remarquer que nous n’en possédons actuellement que 136.

Ainsi, comme vous le voyez, c’est l’étranger qui déjà enlève en grande partie les bénéfices de consommation, de navigation et d’importation des denrées, et d’autres bénéfices qui en résulteraient.

Est-ce bien à nous, messieurs, de faire les affaires de l’étranger ? Je le demande encore une fois, dans une semblable position, lorsque notre marine est si éloignée de suffire à nos propres besoins, faut-il encore décourager nos armateurs en opposant à leur industrie des entraves vexatoires et complètement inutiles, même pour le fisc ?

Réfléchissez, messieurs que nos exportations se font souvent simultanément pour différents produits à la fois, produits parmi lesquels j’ai lieu de croire que le genièvre prendra sa place, d’autant plus qu’il sera fabriqué chez nous à moins de frais que chez aucune nation étrangère. D’où il suit que nous pouvons le placer sur les marchés étrangers a moins de frais que les autres, le commerce d’exportation de ce liquide nous sera bien certainement très favorable.

La Hollande comprend sous ce rapport admirablement ses intérêts. Elle sait combien lui vaut un commerce exercé par ses propres navires Aussi elle n’épargne rien pour arriver à ce but. Elle possède actuellement une marine qui lui rapporte 80 millions, et elle consacre tous les ans 7 a 8 millions aux frais d’entretien de cette marine et pour de nouvelles constructions.

Un fait très remarquable dans l’espèce vient de se passer en Hollande. Vous avez ou vous ne savez pas, messieurs, que le roi de ce pays a porté le 3 mai dernier un arrêté par lequel il met tant d’entraves à l’importation du genièvre et de tous les liquides, sans excepter le vin, dans ses colonies de l’Inde, que désormais aucun navire étranger ne pourra y faire ce genre d'importation et que tout devra passer par la marine hollandaise.

N’en voilà-t-il pas assez pour songer à nos propres intérêts ? N’st-ce pas là une preuve évidente que la Hollande craint notre concurrence sur les marchés étrangers, et la loi sur les distilleries qui nous gouverne actuellement n’en est-elle pas à elle seule la preuve la plus palpable ?

Je vous signalerai une dernière conséquence.

Vous avez le but avoué de protéger nos distilleries, parce qu’à leur tour elles agissent puissamment sur la prospérité de l’agriculture. Eh bien ! messieurs, vous n’aurez rien fait pour l’agriculture si vous ne faites rien pour le commerce d’exportation de genièvre, et si au contraire vous jetez des entraves dans le commerce, il est inutile d’en espérer aucun avantage.

La raison en est bien simple. Sous la législation des distilleries qui nous régit actuellement, la fabrication du genièvre n’a jamais manqué à la consommation, de sorte que si vous attendez des avantages de la loi actuelle pour l’agriculture, ces avantages ne peuvent être obtenus qu’en élargissant le cercle de la fabrication ; et comment élargir de cercle si ce n’est par l’exportation de genièvres ?

La consommation est la règle et la limite de la fabrication, et c’est seulement sur les marchés étrangers qu’il faut chercher l’agrandissement de cette industrie. Au surplus vous voyez approcher le moment où nos bestiaux seront exportés en France avec plus de facilité. Or, cette exportation ne peut être qu’en raison de la fabrication des genièvres.

Enfin, messieurs, je ne puis m’empêcher de vous citer un fait extrêmement remarquable qui vous prouvera jusqu’à la dernière évidence l’immense influence qu’exercent les distilleries sur l’agriculture. Avant que les distilleries eussent reçu les développements qu’elles ont maintenant, le district représenté par l’honorable membre qui siège devant moi était considéré comme le district le plus florissant de la Belgique. Tous nos anciens historiens parlent du district de Furnes-Ambacht comme du paradis du pays. Eh bien ! ce district a été surpassé depuis le développement des distilleries par celui de Courtray. Ce dernier lui est supérieur aujourd’hui en richesse, en industrie et en population, et s’il ne le dépasse pas pour l’agriculture, il s’est au moins porté à son niveau.

Eh bien ! tout cet accroissement de prospérité du district de Courtray, c’est uniquement aux distilleries qu’il le doit.

Les deux guerres de succession et celle de 48 ans avaient amené des armées dans ce district ; elles se trouvaient moins dans une disposition hostile que dans la disposition de faire assaut sur nos genièvres et sur nos bœufs. La fabrication était à une grande distance des besoins de la consommation. Eh bien de là l’élargissement de cette industrie et de l’état florissant de l’agriculture du district de Courtray ; cela a aussi influé sur l’industrie des toiles parce qu’on est parvenu, par les engrais des distilleries, à fertiliser des landes entièrement mortes et des terres tout à fait sablonneuses. C’est à ces causes que le commerce des lins et des toiles de cette localité doit sa principale prospérité.

Je vous le répète, si vous jetez des entraves dans l’exportation des genièvres, vous ne feriez rien par cette loi. Vous ne pouvez produire plus d’engrais et de bestiaux qu’en étendant cette industrie, et c’est par l’exportation qu’on peut y parvenir. Il faut faciliter les moyens d’exportation au lieu de lui opposer des entraves.

Je conclus par vous déclarer que je ne pourrai donner mon vote au projet de loi s’il n’est dégagé des entraves qu’il met au commerce.

Quant au droit de fabrication que le genièvre subira, je veux bien en faire l’essai ; et quant à la question de savoir s’il faut établir une distinction entre les distilleries agricoles et les distilleries à appareils nouveaux, je veux bien encore que le temps la décide, car ce sont les faits seuls et non les inductions qui doivent nous diriger dans cette question.

Je passe en outre sous silence le point de savoir si le projet de loi laisse à l’administration assez de moyens de surveillance et de contrôle pour empêcher la fraude.

M. Donny. - Messieurs, pour qu’un impôt soit établi d’une manière rationnelle et productive, il faut qu’il y ait entre le flux de cet impôt et les moyens de repousser la fraude une juste proportion.

Si l’impôt est léger, il suffira, pour tout moyen de répression, de quelques mesures de surveillance accompagnées de fortes amendes. Si au contraire les droits sont élevés, il faut que les moyens de répression soient puissants, et les formalités plus rigoureuses, plus acerbes. Un impôt léger, avec des formalités extraordinaires, serait un contre-sens ; un impôt élevé, avec des garanties faibles, serait improductif.

Pendant les 20 ans qui viennent de s’écouler, la Belgique a pu apprécier successivement deux systèmes différents d’impôt sur les distilleries ; savoir : un système à droits légers, et un système à droits élevés.

En 1814, l’impôt sur les boissons distillées à l’intérieur était faible. Il était tellement faible, qu’il ne s’élevait pas aux deux tiers de celui dont le gouvernement nous propose de grever maintenant les boissons. L’expérience a prouvé que ce système-là était avantageux et pour le trésor et pour le pays.

Il l’était pour le trésor, qui recevait des produits considérables parce qu’aucune partie de la matière imposable n’échappait à l’impôt : les avantages pour le pays étaient plus saillants encore. La Belgique se couvrait de nombreuses distilleries dont maintenant il existe à peine quelque restes ; la fraude extérieure était réprimée ; la fraude intérieure n’existait pas, et l’Etat trouvait contre cette fraude intérieure sa garantie, non pas dans des procès-verbaux, des visites domiciliaires, des procédures rigoureuses, des vexations de toute espèce, mais bien dans la faiblesse même de l’impôt qui ôtait tout appât à la fraude. Sous ce système, l’exportation de nos produits pour les marchés d’outre-mer était possible et se faisait en effet. Et vous savez, messieurs, que l’exportation dont je parle est un article de grande importance pour nos distilleries.

Cet heureux état de choses ne devait pas durer longtemps ; il convenait au précédent gouvernement de changer ce système ; il substitua aux droits légers des impôts plus élevés : par une conséquence nécessaire à ce changement de système, il fut forcé d’établir en même temps des formalités sévères, de prendre des précautions qui entravaient beaucoup la marche des distilleries. Les lois qui ont établi ce changement de système et toutes celle qui l’ont modifié depuis sont remplies de dispositions rigoureuses, et vous savez, messieurs, que ce qui dans une loi fiscale n’est que rigueur devient bien vite vexation dans la pratique.

L’expérience a également prononcé sur ce système ; il a été désavantageux au trésor, désastreux pour le pays. Désavantageux au trésor, en ce que malgré toutes les précautions qui étaient prises, malgré toutes les rigueurs qu’on mettait en usage et toutes les vexations qu’on se permettait, une grande partie de la matière imposable échappait à l’impôt.

Désastreux pour le pays ; car sous ce système les distilleries, si florissantes en 1814, ont disparu du moins en grande partie ; la fraude intérieure a pris une nouvelle vigueur, et est en quelque sorte devenue nécessaire ; la fraude extérieure s’est développée d’une manière effrayante, et il ne peut en être autrement, car elle offre de très grands bénéfices à ceux qui s’y livrent ; enfin toute exportation sur les marchés d’outre-mer sont devenues impossibles et tellement impossibles, que les négociants de la Belgique qui se trouvaient dans le cas d’envoyer des genièvres sur les marchés d’outre-mer, étaient forcés de les faire venir de Schiedam. Je pourrais citer un distillateur belge, dont l’établissement, monté sur une grande échelle, travaille à la manière hollandaise, et obtient des produits semblables à ceux de Schiedam, qui a été obligé, tout en ayant ses magasins remplis de ses propres produits, de faire venir de la Hollande les genièvres qu’il voulait envoyer sur les marchés étrangers.

La même loi régissait la Hollande et la Belgique, mais son exécution était différente dans les deux pays. En Belgique elle était exécutée d’une manière rigoureuse et même vexatoire, tandis qu’ en Hollande on trouvait toujours le moyen de concilier les intérêts du fisc avec ceux des producteurs, en sorte que le genièvre de Schiedam était réellement imposé de manière à pouvoir s’exporter tandis que l’impôt était applique à nos produits, de manière à rendre l’exportation impossible.

Vous êtes appelé à voter une loi nouvelle sur les distilleries. Vous avez à choisir entre les deux systèmes dont je viens de vous entretenir, entre le système d’impôt faible sans entraves, et le système d’impôt élevé avec des mesures rigoureuses. Vous avez le choix de l’un ou de l’autre ; mais vous ne sauriez établir un impôt élevé avec des précautions légères. Il faut adopter l’un ou l’autre système avec toutes ses conséquences.

Vous vous déterminerez dans votre choix d’après le but que vous vous proposez. Si votre but est de faire une loi purement fiscale et non industrielle, vous considérerez combien les boissons fortes sont susceptibles d’être frappées par un impôt élevé ; vous inclinerez probablement à préférer le système de droits élevés. Alors vous n’avez rien de mieux à faire qu’à vous en tenir au système hollandais que vous devez encore modifier : quand je dis que vous devez encore le modifier, je n’entends pas qu’il faille diminuer les entraves ; mais au contraire, qu’il faudra les augmenter.

Si vous adoptez le système d’un impôt élevé, il vous faudra inventer de nouvelles rigueurs, entraver la marche de toutes les distilleries, établir en quelque sorte les employés en permanence dans les distilleries.

Si au contraire vous vous proposez un but plus libéral, si vous voulez relever une industrie éminemment utile au pays, si vous voulez faire une loi industrielle enfin et non une loi purement fiscale, alors vous vous déciderez pour le système à faible impôt.

Quant à moi, mon choix n’est pas douteux ; déjà dans la session précédente, j’ai voté pour le principe libéral. Les motifs qui m’ont déterminé alors détermineront encore aujourd’hui mon vote, et je vais les expliquer en très peu de mots.

J’adopterai le projet qui nous est présenté avec les modifications que la commission y a déjà faites et celles que cette discussion pourra y faire encore. Je l’adopterai parce que j’y vois des avantages certains et n’y trouve qu’un seul inconvénient, et encore est-il d’une nature fort incertaine.

Les avantages sont : une plus grande somme de liberté ; l’affranchissement de toute entrave vexatoire ; le développement de notre industrie ; la répression de la fraude intérieure ; l’impossibilité de la fraude extérieure ; enfin la possibilité d’exporter nos produits dans des contrées éloignées : ces avantages sont certains, et sans doute on ne le contestera pas.

Quant à l’inconvénient que le projet peut présenter, il est, je le répète, d’une nature fort incertaine. Il a été présenté autrefois dans cette enceinte par un honorable membre qui siège à ma droite, dont les raisonnements ont depuis été reproduits dans une autre assemblée.

L’abaissement de l’impôt, a-t-on dit, doit nécessairement occasionner une diminution dans les produits ; cette diminution doit occasionner un grand déficit dans les finances, et nous ne sommes pas en position de supporter un déficit, tant soi peu extraordinaire ; voilà, messieurs, le raisonnement de l’honorable membre, et je ne crois pas l’avoir affaibli.

On y a répondu, d’abord, que quand il s’agissait d’une industrie aussi éminemment utile que celle-ci, il fallait au besoin savoir faire quelques sacrifices. On a dit encore qu’il n’était pas exact qu’une diminution de l’impôt dût amener nécessairement une diminution dans les produits, et à cette occasion l’on a cité ce qui s’est passé en 1814, époque à laquelle les droits étaient faibles et les produits considérables. On a cité divers faits, d’où il résulte que dans beaucoup d’occasions l’abaissement d’un impôt ; au lieu de diminuer les produits, les a au contraire augmentés.

Si ma mémoire est fidèle, on a cité des cas où l’augmentation résultant de l’abaissement de l’impôt s’est élevé à 50 et même à 100 p. c. de l’impôt primitif. Je sais bien que lorsqu’on veut se baser sur de pareils faits, les probabilités qu’on en déduit ne sont que des prévisions ; mais l’argument que l’on a à réfuter n’est lui-même qu’une prévision ; et certes, il est bien permis de combattre des prévisions par des prévisions.

Un honorable préopinant a dit qu’il se proposait de voter contre la loi ; il a expliqué les motifs de son vote. Si je les ai bien saisis, ils se réduisent à ceci : que les dispositions de l’article 28 ne conviennent pas à l’honorable membre. Ce qu’il a dit ne s’applique donc pas au projet, mais seulement à l’article 28. Je pourrais, je penser, réfuter d’une manière satisfaisante ce qu’il vous a fait entendre à ce sujet. Mais comme je m’aperçois que mon discours est déjà un peu long, et que d’ailleurs mes observations trouveront mieux leur place lorsqu’il s’agira de discuter l’article 28, je bornerai là ce que j’ai à dire sur l’ensemble de la loi, me réservant de reprendre la parole lorsque nous en serons venus à la discussion de l’article 28.

M. Zoude. - La ville de Bruges, étant éloignée de la mer et n’y communiquant que par un canal, ne peut être considérée comme place frontière et ne peut être assimilée à Ostende, Anvers, Zelzaete. La fraude serait trop facile à opérer de Bruges à la mer, et l’administration n’aurait pas les moyens de l’empêcher.

M. de Foere. - L’honorable orateur dit que la fraude serait trop facile à opérer à Bruges ; mais est-ce le commerce qui doit souffrir parce que l’administration des finances n’a pas assez de moyens pour empêcher la fraude ? La ville de Bruges ne s’oppose à aucun contrôle. J’ai signalé la différence qui existe entre Anvers et Bruges ; on a répondu qu’Anvers serait porté sur la même ligne que Bruges quand on pourrait transporter le bureau à Lillo. Je demande si l’on parviendra jamais à charger les navires à Lillo, et si le commerce d’Anvers pourrait souffrir les entraves que l’on voudrait mettre pour empêcher la fraude.

- Plusieurs membres. - Ce n’est pas là de la discussion générale.

M. de Foere. - Je discute le principe de la loi.

M. le président. - La parole est à M. de Foere.

M. de Foere. - Si on ne met pas d’entraves à Ostende parce que les employés sont plus exacts, pourquoi ne permute-t-on les employés d’Ostende et de Bruges ? C’est par de misérables objections que l’on s’efforce de combattre le principe que le commerce doit être libre dans ses opérations.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Cette discussion est spéciale et se rattache à un article de la loi, On sera dans le cas de faire valoir toutes ces considérations quand on en sera venu à l’article 28.

M. Verdussen. - Je prendrai la parole quand on en sera à l’article 23$ pour relever les inexactitudes échappées à l’orateur.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président - M. le ministre se rallie-t-il au projet de la commission ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je me rallie à l’ensemble du travail de la commission, à l’exception du taux de 20 centimes que je veux porter à 22 centimes et de quelques autres modifications.

- La discussion est ouverte sur les articles, dont M. le président donne successivement lecture.

Article premier

« Art. 1er. L’accise sur la fabrication des eaux-de-vie, décrétée par la loi du 12 juillet 1821, aura pour assiette la capacité brute de tous les vaisseaux dont les distillateurs feront usage pour la trempe, la macération et la fermentation des matières premières. La cuve de réunion sera imposable, lorsque les cuves à macération et à fermentation ne présenteront pas un vide égal à son contenu. On ne considère pas, en ce cas, comme vide, l’espace d’un dixième nécessaire à la fermentation. »

M. Trentesaux demande la suppression des mots « décrétés par la loi de juillet 1831 », contenus dans l’article premier. Nous avons, dit l’honorable membre, renoncé au système de cette loi ; nous n’avons plus la mouture, l’abattage etc. ; nous nous éloignons de ce système et nous nous en éloignerons encore, j’espère.

- La suppression est ordonnée, et l’article premier est adopté sans autre observation.

Article 2

« Art. 2. La quotité de l’accise est fixée, par jour de travail, à raison de 20 centimes par hectolitre de la capacité des vaisseaux à trempe, à macération et à fermentation sans égard à la nature des matières.

« Néanmoins, la mise en macération, la fermentation et la distillation des fruits à pépins et à noyaux, sans mélange d’autres matières produisant de l’alcool, sont exemptes de tous droit, sauf à en faire la déclaration préalable. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) demande que le chiffre soit porté à 22 centimes.

M. Legrelle. - Il me semble que le chiffre 22 centimes est le moins élevé que l’on puisse adopter. Dans la précédente discussion j’en avais proposé un de 25 centimes, et je n’avais fait cette proposition qu’après avoir consulté plusieurs distillateurs qui l’approuvaient. Le sénat avait admis 24 centimes ; je regarde le chiffre 22 centimes comme un moyen conciliatoire et si on l’abaissait, ce serait à regret que j’adopterais la loi.

M. A. Rodenbach. - Il s’agit ici des intérêts de l’industrie et non de votes conciliatoires. Lorsque la commission des distilleries s’est assemblée il a plusieurs mois, on avait décidé que le taux de l’impôt ne s’élèverait qu’à 14 centimes ; par voie de conciliation on est allé à 16 centimes ; par voie de conciliation encore il a fallu porter le chiffre à 18 centimes.

On veut renouveler l’emploi des voies de conciliation et porter le chiffre à 22 centimes. Si nous marchons ainsi de concessions en concessions, notre loi sera bonne à lacérer. Nous voulons faire une loi de liberté. Avec 18 centimes, il n’y a aucun intérêt à commettre la fraude ; à 22 centimes, il y a déjà un intérêt à la commettre. De plus, le distillateur voudra faire des charges épaisses au lieu d’en faire de légères, et on aura des eaux-de-vie dont la qualité ne pourra pas soutenir la concurrence avec les produits hollandais. Il faut, messieurs établir des lois dans des vues d’économie politique et non par des considérations tirées des voies de conciliation.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je considère le chiffre 22 comme étant celui qui amènera la loi au point où elle doit être ; je ne pense pas que de ce chiffre il puisse résulter aucun des inconvénients qu’on vient de signaler.

Je puis à cet égard pouvoir rassurer l’assemblée ; je la prie donc d’agréer ce chiffre, qui sera sans doute adopté par le sénat.

M. Zoude demande le maintien du chiffre présenté par la commission et lit un discours pour appuyer son opinion. L’honorable membre ne nous a pas communiqué ses notes.

M. Desmet. - Messieurs, je prends la parole pour défendre les intérêts du trésor, et pour vous démonter que l’amendement que vous présente M. le ministre diminuera ses revenus dans l’impôt sur les distilleries ; car vous ne pouvez ignorer que plus vous allez hausser le taux de cet impôt, plus vous diminuerez la recette du trésor ; il n’y a qu’un impôt modéré qui soit ruineux pour la fraude et productif pour l’Etat ; et quand on ne frauder plus, l’accise sur les eaux-de-vie indigènes produira considérablement. Toujours ce ne fut qu’à cause de la fraude que son produit n’a pas été comme il devait réellement être. Il est certain que, le taux de l’impôt n’étant que de 16 ou 18 centimes, on sera moins enclin à se livrer à la fraude que quand il sera porté à 22 ou 24 centimes.

J’appelle frauder quand on distille clandestinement des matières non déclarées, ce qui ne peut se faire que de trois manières par la nouvelle loi : 1° par l’emploi des cuves non déclarées ; 2° par celui de vaisseaux plus grands que ceux qui ont été déclarés, et finalement par l’agrandissement des cuves déclarées. Mais ce n’est pas seulement en contrevenant aux dispositions de la loi et en courant le risque de devoir payer les amendes qu’on fera du tort au trésor ; c’est aussi en travaillant mal, si je peux m’exprimer ainsi, c'est-à-dire que, pour gagner sur le montant de l’impôt, je prépare les matières à distiller à charge pesante, ou que j’en accélère la fermentation. Travaillant à charge pesante, je mettrai dans un hectolitre de liquide 12 à 15 kilogrammes de farine (mais jamais 18, comme on le croit au ministère des finances) ; tandis que quand je travaillerai à charge légère, je n’y mettrai, terme moyen, que 9 à 10 kilog. Il est évident que, par la charge pesante, le trésor perdra 30 à 33 p. c., employant un tiers moins de cuves à fermentation.

Il est donc clair que plus vous augmentez le taux de l’impôt, moins vous produirez au trésor, surtout quand l’élévation en est telle que vous avez lieu de craindre qu’elle engagera à la fraude ; nous en avons eu un exemple frappant en Angleterre. En 1823, on y avait diminué la taxe sur l’accise des boissons de 400 p. c. ; cette accise, avant cette diminution, ne rendait au trésor qu’environ 200,000 liv. sterl. par an. La première année après l’exercice de 1823, elle a produit au-delà de 600,000 liv. sterl. ; et l’augmentation s’est accrue d’année en année.

Mais, messieurs, ce n’est pas seulement le trésor qui aura un grand avantage de la taxe modérée, mais l’industrie et le commerce du pays en profiteront aussi considérablement ; et certainement cette considération n’est pas à dédaigner ; au contraire, elle me paraît la principale et est tellement importante, que j’ose avancer que si on entendait en Belgique tous ses intérêts, on y affranchirait les distilleries de tout impôt.

L’industrie et le commerce y trouveront, dis-je, un grand avantage ; car le distillateur, n’étant pas induit en erreur par l’appât d’un bénéfice sur le montant de l’impôt, n’y aura aucun égard et ne tâchera qu’à fabriquer du bon genièvre. Ce n’est qu’en travaillant à charge légère et en n’accélérant point la fermentation qu’on parviendra à fabriquer une liqueur aussi pure et aussi blanche que celle de nos voisins de Hollande, et à lutter avec eux dans le transport de cette marchandise au-delà des mers.

Que d'ailleurs on n’ait point d’inquiétude sur le montant de la recette que le trésor fera par la nouvelle loi, car si est facile à démontrer qu’il sera pleinement satisfait. J’oserais me faire fort qu’annuellement les distilleries produiront à l’Etat au moins 3 millions de francs. Je dis au moins, parce que je suis convaincu que le produit passera cette somme. Voici sur quoi je base mon calcul : le distillateur expérimenté donnera au moins deux jours de durée à la fermentation de ses matières à distiller, et il ne les chargera par hectolitre que de 10 kilog. de farine, qui lui donneront environ cinq litres de genièvre à 10 degrés. Le litre lui coûtera donc pour impôt, 8 centimes, ou 8 fr. l’hectolitre. Or, en prenant la population de la Belgique à 3,800,000 habitants, la consommation se montera dans l’intérieur à 456,000 hectolitres, qui donneront une somme de 3,648,000 fr. au trésor. Je dis que la consommation s’élèvera annuellement à 456,000 hectolitres, car l’expérience a déjà souvent de fois démontré qu’en Belgique l’habitant consomme 12 litres par tête, non pas pour boisson, mais aussi par l’emploi qu’on en fait dans les fabriques, telles que celles de chapeaux, de vernis, de meubles, de savon blanc, etc.

Je soutiens qu’on obtiendra ce produit, les exercices des années 1815 et 1816 en font foi ; étant régis par la loi libérale du 17 octobre 1814, ils ont produit au trésor, pour les provinces méridionales qui comprenaient seulement une population de 3,100,000 habitants, 1,700,000 fr. et la taxe de l’impôt ne s’élevait cependant qu’à 8 centimes et demi par hectolitre de matières macérées : ne pourrais-je donc pas espérer le double produit, quand l’impôt sera de 20 centimes ? Je l’obtiendrai indubitablement quand je ne hausse pas tellement la taxe, qu’elle prête à la fraude ou qu’elle engage à forcer le travail ; mais c’est parce que je crains que les 22 centimes proposés par le ministre ne produisent cet effet, que je m’y oppose, et surtout que je crains que cette élévation présentée sans de bons motifs ne gâte l’économie de la loi, et, tout est faisant du tort à l’industrie et au commerce, ne profite en rien au trésor.

Mais, messieurs, le ministre assume sur lui toute la responsabilité, et décharge à ce sujet celle des auteurs du projet de loi qui ont toujours émis l’opinion que le taux de l’impôt ne pouvait s’élever au-delà de 16 à 18 centimes, pour être le plus profitable au trésor. Je voterai donc contre l’amendement de M. le ministre des finances.

M. Dumortier. - Je viens appuyer l’amendement de M. le ministre des finances. Je ne suis pas de l’avis de ceux qui disent que les recettes croissent quand le taux de l’impôt diminue ; il résulterait de là qu’en détruisant les impôts, le trésor se remplirait. En économie politique, je sais bien que deux et deux ne font pas toujours quatre. Sous la loi ancienne les distilleries rapportaient 35 fr. ; aujourd’hui cet impôt rapportera 6 fr., dit-on ; je ne crois pas qu’il en rapporte 5, c’est tout au plus s il en rapportera 4 ; ainsi on ne recevra que le dixième du droit.

Il faudrait que la consommation fut sextuplée pour que l’impôt produisît autant qu’autrefois. Deux centimes de plus ou de moins ne feront pas faire la fraude, et je ne crains pas la fraude étrangère. Si on introduit une charge de vingt-cinq litres, on s’exposera à des peines graves, pour gagner un franc. Vous pouvez voter l’amendement du ministre ; pour moi j’en voterai l’adoption sans crainte.

M. de Theux. - On dit qu’en élevant l’impôt à 22 centimes on engagera les distillateurs à gâter leurs produits, ou à faire de la fraude ; ce sont là les assertions très graves, et qui certainement détermineraient mon vote en faveur du projet de la commission si elles étaient fondées. Je dois témoigner mon regret de ce qu’on n’a rien produit à l’appui de ces assertions. J’aurais désiré qu’on démontrât la facilité et l’avantage de la fraude. Je me suis entretenu avec plusieurs distillateurs sur le droit de 22 centimes ; ils n y ont trouvé aucun inconvénient ; je partage leur opinion, et pour en changer, j’attendrai des preuves, et non des allégations.

Je partage aussi l’avis de la commission qui a rejeté le classement des distilleries. S’il était nécessaire de faire une distinction en faveur des distilleries dites agricoles, on la ferait, mais dans le cas seulement où l’expérience aurait prouvé que la loi empêcherait, dans certains cantons, le défrichement ou l’amélioration des terres, ou, ce qui revient au même, diminuerait le nombre des distilleries agricoles élevées dans ce but. Le gouvernement sera informé de cet effet ; il présentera les modifications que la mise en pratique de la loi aura indiquées. En attendant, j’appuie l’amendement de M. le ministre des finances.

M. A. Rodenbach. - On fait entendre que le déficit sera considérable ; mais si la loi ancienne en 1832 a rapporté deux millions de florins, c est que nous avions cent mille hommes de troupes sur notre territoire. En 1831 la loi n’a rapporté que 900,000 fl.

L’impôt, tel qu’il existe, n’est pas si favorable au fisc qu’on le dit ; la loi de liberté que nous demandons produira davantage, et sera utile à l’industrie et à l’agriculture en même temps.

M. Dumortier est tombé dans une grande erreur, en disant que l’impôt actuel rapporte 36 fr, il ne rapporte que 27 francs. Avec un impôt aussi énorme, le trésor devrait recevoir au moins 10 millions ; mais la fraude qu’il provoque diminue le produit ; ceux qui sont parvenus à un haut degré de perfection dans l’art de frauder ; ceux qui ont atteint en ce genre le plus haut degré de civilisation (on rit), enlèvent au trésor, et a la nation par conséquent cinq à six millions au moins.

Il y a un moyen d’évaluer approximativement le revenu de l’impôt. Chaque individu, a dit M. Desmet, consomme environ 12 litres de liquide distillé ; l’ancienne commission a trouvé la consommation moins élevée. Son évaluation était basée sur de nombreux documents, elle a examiné au moins cinq cents pétitions. La moyenne donnée par le ministre des finances était de 7 litres. J’admets que la consommation que l’on fait des esprits pour la préparation des vernis et dans les arts, puisse augmenter le chiffre, et mettons-le à 10 litres. Pour quatre millions de Belges il faut une fabrication de 400,000 hectolitres ; si chacun rapporte au trésor 7 francs, le produit sera de 2,800,000 francs. Je pense qu’il sera au moins de 2,500,000 francs. Il ne faut donc pas dire qu’il y aura un énorme déficit ; d’autres impôts pourront d’ailleurs, comme l’a très bien fait observer M. le ministre, combler ce petit déficit.

Depuis six mois, dites-moi ce qu’a rapporté la loi ancienne, et vous verrez si l’impôt élevé est profitable au fisc.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La plupart des citations faites par l’honorable membre sont exactes. L’hectolitre peut, d’après l’impôt de la loi ancienne, revenir à 27 fr. Quant aux évaluations que l’on peut présenter sur la production des spiritueux, sur leur rapport, il y a plusieurs causes qui rendent incertains les résultats de semblables calculs. La quantité de farine employée dans la fermentation peut varier ; la production des eaux-de-vie varie également avec les mêmes proportions de farine ; la durée de la fermentation peut être faite en 36 heures ; quelques distillateurs prétendent qu’il faut deux jours ; d’autres l’ont terminée en 24 heures. A cet égard il y a autant d’assertions que de distillateurs consultés.

Il est extrêmement difficile d’évaluer ce que produira la loi.

On a tiré parti des produits de 1814 et 1815, qui ont été considérables alors que l’impôt n’était pas élevé ; j’avoue qu’il en a été ainsi ; mais oublie-t-on qu’alors nous avions chez nous nos soi-disant libérateurs qui ont augmenté la consommation ? En résumant toutes les circonstances, toutes les considérations, je persiste à demande que la chambre vote l’impôt à 22 centimes, et je suis intimement convaincu qu’il n’en résultera aucun inconvénient et qu’on n’aura aucun intérêt à frauder.

- Plusieurs membres. - Aux voix aux voix ! La clôture ! La clôture !

M. Verdussen. - La question n’est pas tellement épuisée qu’on ne doive pas entendre les orateurs inscrits.

- Plusieurs membres. - Ce n’est pas la peine tout a été dit !

- La chambre, consultée, ferme la discussion sur l’article 2 et l’amendement de M. le ministre.

Le chiffre 22 centimes est mis aux voix et adopté à une grande majorité.

L’article 2 ainsi modifié est adopté.

Articles 3 à 5

« Art. 3. On entend, par jours de travail servant de base à l’impôt, les jours effectifs de midi à midi, pendant lesquels l’on effectuera soit des trempes, des mises en macération ou des fermentations de matières, soit des bouillées, soit des rectifications. Les jours où les travaux ne seront pas continuels sont néanmoins comptés comme jours entiers. »

- Adopté sans discussion.


« Art. 4. Toutes les déductions précédemment accordées sur la capacité des vaisseaux qui servent de base à la liquidation des droits, ainsi que les centimes additionnels et autres taxes accessoires que le trésor perçoit au profit de l’Etat, sont supprimés. »

- Adopté.


« Art. 5. L’emploi de hausses mobiles et de tous autres moyens propres à augmenter la capacité des vaisseaux est prohibé.

Le séjour des matières dans la cuve de vitesse n’est permis que pendant la distillation. »

- Adopté.


Article 6

« Art. 6. Les distillateurs jouiront de termes de crédit, et l’exportation donnera lieu à la décharge des droits au taux fixé par l’article 29.

« Cette décharge ne sera pas accordée pour les eaux-de-vie de fruits à noyaux ou à pépins. »

M. Trentesaux. - Le deuxième paragraphe de cet article 6 me paraît inutile. Il n’y avait pas de droits sur les fruits ; je ne comprends pas la décharge de droits qui n’existent pas.

M. Berger, rapporteur. - L’observation de l’honorable préopinant est tellement juste, que dans la rédaction primitive de l’article on avait omis le second paragraphe ; quelques membres ont cru, dans la discussion, pour lever tous les doutes, devoir l’introduire, et il a été adopté. Le paragraphe est sans doute inutile mais il ne peut nuire.

M. Legrelle. - On a fait observer qu’il valait mieux que cela fût dit explicitement dans la loi ; c’était le désir de l’assemblée.

M. Trentesaux. - Je retire ma proposition ; j’ignorais les antécédents.

- L’article 6 est adopté.

Article 7 à 27

Tous les articles qui suivent, depuis le 7ème jusqu’au 27ème inclusivement, ont été adoptés sans discussion.

« Art. 7. Les eaux-de-vie ne sont admises qu’en entrepôt public et particulier.

« L’admission en entrepôt n’a lieu que lorsque le terme de crédit, relatif aux boissons à entreposer, n’est pas échu. »


« Art. 8. Nul n’obtiendra terme de crédit que sous caution, et en se conformant aux dispositions du chapitre 23 de la loi générale du 26 août 1822. »


« Art. 9. L’administration n’admettra les immeubles en cautionnement que pour les trois quarts de la valeur nette, et les propriétés bâties qu’autant qu’elles soient assurées. »


« Art. 10. Nul ne peut ouvrir une nouvelle distillerie ou remettre une ancienne en activité, sans en avoir fait au moins trois jours avant le commencement des travaux, la déclaration au receveur des accises du ressort, et il sera tenu de faire apposer au-dessus de chaque issue de l’usine donnant accès immédiatement à la voie publique, un écriteau peint à l’huile, portant le mot DISTILLERIE.

« Il sera également tenu de placer à l’entrée principale de son établissement une sonnette.

« L’acquéreur, le locataire, le cessionnaire, le régisseur d’une distillerie en activité ne peut s’en mettre en possession sans une déclaration préalable. »


« Art. 11. La déclaration énoncera les nom, prénoms, profession, domicile et raison de commerce du déclarant ; sa qualité de propriétaire, locataire, cessionnaire ou régisseur de l’usine ; le nom de la commune, hameau, rue, quai, et toutes autres indications propres à désigner clairement sa situation ; le nombre de ses issues et le nom des voies publiques qui y aboutissent ; le nombre, le numéro et la capacité des vaisseaux employés à la trempe, à la macération ou à la fermentation des matières ; le nombre, le numéro et la capacité des alambics ou chaudières, et leur destination spéciale, soit à faire des bouillées, soit à rectifier les flegmes, soit à chauffer l’eau nécessaire à la macération ; le nombre, le numéro et la capacité des cuves de réunion et de vitesse ; enfin le nombre, le numéro et la capacité des bacs et des citernes destinés à servir de réservoir aux eaux-de-vie. »


« Art. 12. Les distillateurs dont les usines seront en activité au moment de la mise à exécution de la présente loi, pourront se borner à déclarer qu’ils continueront, jusqu’à l’expiration de leur déclaration courante, l’exploitation de leur établissement sur le pied actuel. »


« Art. 13 - Avant de procéder aux travaux, les distillateurs feront une déclaration particulière pour une ou pour plusieurs séries de quinze jours consécutifs.

« Ils devront la remettre au receveur du lieu de la situation de l’usine, au plus tard la veille de la première mise en trempe et en macération des matières. »


« Art. 14. Outre les noms, profession, domicile et qualité du déclarant, ainsi que les indications précises de la distillerie par enseigne, situation et autres renseignements propres à la faire reconnaître, cette déclaration énoncera :

« 1° Le jour de la première mise en trempe ou en macération des matières ;

« 2° La durée des travaux par série d’une un de plusieurs quinzaines ;

« 3° Le nombre et le numéro des cuves à trempe, à macération et à fermentation ;

« 4° La capacité de chacune d’elles ;

« 5° Le numéro et l’emploi des alambics ou chaudières dont on fera usage ;

« 6° Les cuves de réunion et de vitesse qu’on emploiera ;

« 7° Le jour de la fin des travaux. »


« Art. 15. La déclaration des distillateurs de fruits, mentionnée à l’article 2, contiendra seulement les indications générales et les détails des n°1, 3 et 4 de l’article précédent.

« La veille de la distillation, ils feront déclaration du jour et de l’heure auxquels ils commenceront les bouillées, et indiqueront en outre le numéro, l’emploi des alambics ou chaudières, ainsi que le jour et l’heure de la fin des travaux. »


« Art. 16. La déclaration des travaux donnera ouverture au droit, lequel se liquidera sur le pied de la capacité brute des vaisseaux employés aux trempes, à la macération et à la fermentation, telle qu’elle résulte du procès-verbal d’épalement. »


« Art. 17. Hors du temps des travaux déclarés, le distillateur pourra rectifier les eaux-de-vie détériorées ou affaiblies au-dessous de 45 degrés de l’alcoholomètre de Gay-Lussac à la température de 15 degrés du thermomètre centigrade, sur simple déclaration, sans paiement des droits pour toute la durée de l’opération.

« La déclaration contiendra l’indication du commencement et de la fin du travail par jour et par heure, ainsi que l’alambic dont on fera usage. »

« Lorsque les eaux-de-vie détériorées se trouveront en entrepôt, l’enlèvement ne pourra avoir lieu qu’en fournissant caution pour les droits, lesquels deviendront exigibles pour la partie de la denrée qui n’aura pas été réintégrée à l’entrepôt dans le terme fixé par le permis. »


« Art. 18. Les comptes des distillateurs seront réglés de mois en mois et apurés à la fin de chaque exercice. »


« Art. 19. Les droits qui seront dus pour les déclarations de chaque mois seront payés en trois termes et par tiers de trois en trois mois.

« Ces termes courront du dernier jour du mois pendant lequel expire la déclaration des travaux. »


« Art. 20. Les droits d’accises qui seront dus pour les eaux-de-vie retirées de l’entrepôt, seront payés en une seule fois à l’expiration d’un nouveau terme, dont la durée sera égale au nombre de jours qui restaient à courir du droit primitif, lorsque le cours en a été suspendu par le dépôt de la boisson en entrepôt.

« Cependant le nouveau terme ne sera jamais au-dessous de trente jours.

« Il courra du lendemain de la sortie des eaux-de-vie de l’entrepôt. »


« Art. 21. Les marchands d’eaux-de-vie en gros jouiront de la faveur de l’entrepôt, ainsi que des crédits à terme.

« Pour eux, les termes de crédit ne seront autres que ceux qui restaient à courir pour le distillateur ou le marchand en gros, leur cédant, lorsque les eaux-de-vie sont passées des magasins de l’un dans les magasins de l’autre. »


« Art. 22. Le débit du compte ancien des distillateurs et des marchands en gros, résultant du règlement annuel sera transporté au compte nouveau et divisé en autant d’articles distincts qu’il se composera de sommes non échues, exigibles à des époques différentes. »


« Art. 23. Le débiteur apurera son compte, soit par le paiement effectif, soit par le transfert de l’accise au compte d’un tiers, soit par la décharge du droit pour exportation de la denrée ou interruption forcée des travaux, soit par le dépôt de ces denrées en entrepôt. »


« Art. 24. Lorsque, par cas fortuit ou de force majeure, le distillateur devra interrompre le cours de tous ses travaux, il obtiendra décharge du droit, en raison du nombre de jours pendant lesquels tous les travaux de la distillerie seront interrompus, sans que néanmoins on scinde la taxe pour le jour commencé. Les travaux ne pourront être repris que moyennant une nouvelle déclaration. »


« Art. 25. Il n’obtiendra cette décharge qu’autant qu’il aura fait sur-le-champ, au bureau des accises de la situation de l’usine, la déclaration par écrit de l’interruption ; le cas fortuit ou de force majeure sera constaté par les préposés de l’administration. »


« Art. 26. Le transfert de l’accise au compte d’un tiers, la décharge pour dépôt d’eaux-de-vie en entrepôt, et la restitution des droits pour cause d’exportation de la denrée imposée, auront lieu sur la déclaration et sur la reproduction au bureau de leur délivrance et dans les délais y mentionnés des permis dûment déchargés. »


« Art. 27. Le transfert, le dépôt à l’entrepôt, les sorties d’entrepôt et l’exportation avec décharge des droits, n’auront pas lieu pour des quantités de liqueurs au-dessous de dix hectolitres et marquant 50 degrés de l’alcohomètre de Gay-Lussac, à la température de 15 degrés du thermomètre centigrade.

« Lorsque les eaux-de-vie marqueront un degré de concentration inférieur ou supérieur à cette mesure, on devra augmenter, et l’on pourra réduire la quantité en raison directe de la différence.

« Néanmoins ces dispositions ne seront pas appliquées aux eaux-de-vie formant les approvisionnements des navires, lesquels pourront consister en des quantités inférieures et donneront toujours lieu à la restitution du droit. »

Article 28

« Art. 28. Pour jouir du bénéfice des dispositions qui précèdent, l’exportation devra se faire par les bureaux d’Anvers, d’Ostende, de Nieuport et de Zelzaete.

M. A. Rodenbach. - Sous le gouvernement français et depuis, la ville de Bruges a été considérée comme ville d’exportation : il ne faut pas mettre des entraves au commerce de cette ville, on devrait plutôt le favoriser ; je demande que la ville de Bruges soit comprise dans la nomenclature de l’article 28.

- L’amendement est appuyé.

M. Donny. - Messieurs, par l’article 6 que vous avez adopté, vous avez admis qu’il y aurait décharge de droits pour exportation. Pour jouir de cette décharge, il faut donc qu’il y ait exportation : exporter, c’est faire sortir du royaume, c’est faire franchir la frontière ; l’exportation doit donc se faire par un point qui se trouve sur la frontière : s’il en est ainsi, la ville de Bruges, d’après la situation que la nature lui a assignée, à quatre ou cinq lieues de la frontière, ne peut prétendre à être comprise dans les bureaux d’exportation désignés par l’article 28 ; à moins qu’on ne trouve le moyen de transporter la frontière à Bruges, ou la ville de Bruges à la frontière.

Si le système de l’amendement pouvait prévaloir, pourquoi la ville de Gand qui communique également avec la mer par un canal, pourquoi les villes de Bruxelles, de Louvain, qui ont des communications semblables, ne seraient-elles pas désignées comme bureaux d’exportation ?

L’honorable auteur de l’amendement sait sans doute que le bulletin qui accompagne les marchandises exportées doit être déchargé à la frontière ; je lui demanderai par qui il fera décharger ce bulletin si son système est admis ? Sera-ce par les employés de Bruges qui ont assisté à l’embarquement ?

Si ces employés déchargent le permis, ils commettent un faux : ils déclarent avoir vu franchir la frontière par les marchandises, tandis qu’ils n’ont vu que leur embarquement et le départ d’un bateau à l’intérieur.

Sera-ce l’employé de la frontière qui donnera la décharge ? Il fera encore un faux. Tout ce qu’il a vu, c’est un navire qui prenait la mer ; mais pour des marchandises, il n’en a pas vu.

Je sais bien qu’on peut me dire que les employés de la frontière auront confiance dans les opérations des employés de Bruges, et déchargeront le permis d’exportation comme s’ils avaient vu l’embarquement, mais cela ne saurait être admis : un employé ne peut constater un fait dont il n’a pas une connaissance personnelle ; s’il se le permet, il commet un faux.

On a beau parler de mesures de précaution : que sont-elles ? Elles consistent à plomber les issues du navire et à le faire convoyer. Mais on sait que, malgré ces précautions, il est souvent possible d’en extraire quelques marchandises ; on sait encore que les employés ne sont pas tous incorruptibles, et l’on sait par conséquent qu’en admettant ces précautions comme suffisantes, on est exposé à restituer des droits pour des marchandises qui ne sont pas sorties du pays.

D’après le système de l’amendement, on pourrait accorder à Tournay un bureau d’exportation aussi bien qu’à Bruges, puisque les bâtiments se rendent de Tournay à la mer, en descendant l’Escaut, et que le plombage et le convoi présentent autant de garantie à l’égard d’un navire venant de Tournay qu’à l’égard d’un autre qui viendrait de Bruges. Cependant, je vous le demande, est-il possible de considérer sérieusement Tournay comme frontière maritime ?

M. Devaux. - J’appuierai la proposition de M. Rodenbach : le voisinage de la mer, les exportations qui se font de Bruges pour les colonies par un des armateurs les plus considérables du pays, sont des motifs suffisants pour admettre cet amendement. Cependant, s’il n’obtenait pas votre approbation, subsidiairement, j’en proposerais un autre. A cet égard, je rappellerai quelques antécédents.

Dans la précédente discussion sur les distilleries, la même demande que l’on vous soumet fut faite par M. Jullien ; le ministre des finances répondit que la ville de Bruges réclamait une chose inutile, puisqu’elle était en possession des avantages qu’on paraissait désirer.

Pour preuve, M. le ministre lut, au sénat, les articles 67 et 68 de la loi générale d’août 1822. La ville de Bruges, dit-il, a, en vertu de l’article 68 de la loi générale non abrogée, la faculté de faire vérifier les marchandises à Bruges sauf des conditions.

Cette déclaration était très rassurante ; pour mon compte j’ai cru à l’assertion du ministre. Mais il s’est élevé une grande difficulté qui a alarmé tout le commerce de Bruges. On a trouvé qu’il n’était pas clair que l’article 68 ne fut pas abrogé ; des doutes furent élevés sur cet objet dans la chambre du commerce ; les employés de l’administration ne doutèrent pas, ils furent d’une opinion contraire à celle du ministre, ils avertirent qu’ils ne pourraient considérer l’article 68 comme existant encore. Ces opinions diverses constatent qu’il y a là une véritable obscurité. Je demanderai à la chambre qu’elle tranche la question d'interprétation dans le sens du ministre des finances, c’est-à-dire qu’elle déclare d’une manière formelle que l’article 68 n’est pas abrogé. Il n’y a aucun motif de mettre les eaux-de-vie une position différente des autres marchandises ; je crois donc pouvoir borner là les développements de la proposition que j’ai l’honneur de vous soumettre.

M. le président. - Voici la proposition de M. Devaux. Il faut ajouter à l’article 28 : « sans préjudice de la faculté accordée aux expéditionnaires par l’article 68 de la loi générale du 26 août 1822 (Journal officiel, n°38). »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je déclare me rallier en tout point à l’amendement. Je n’ai jamais compris l’abrogation de l’article 68 par suite de la loi en discussion. S’il s’est élevé des contestations à cet égard, ainsi qu’on vient de le dire, elles ne m’ont pas été soumises, car j’aurais toujours été d’avis que l’article 68 était en vigueur. Toujours mu par ce principe, je ne puis qu’approuver l’amendement.

M. Dumortier. - Si on veut considérer Bruges comme ville maritime parce qu’elle a un canal qui conduit à la mer, je demande que des bureaux d’exportation soient accordés à Malines, à Louvain, à Bruxelles… et à Tournay bien entendu. (On rit.)

M. Verdussen. - On a dit que le bureau d’Anvers serait transporté à Lillo quand nous serions en possession de ce fort ; mais Lillo est un misérable endroit qui n’est pas un port de mer. Sous le rapport de fort il peut avoir quelque importance, mais comme commune ce n’est rien.

Il n’y a pas onze cents âmes dans Lillo. Il peut y avoir un bureau de voir-passer, mais rien de plus.

Les véritables bureaux d’exportation ne peuvent être ailleurs qu’à Anvers, je crois, avec mes collègues, qu’on pourrait déclarer ports maritimes Louvain, Bruxelles, Tournay.

M. A. Rodenbach. - Quand j’ai présenté mon amendement, j’ai cru l’article 68 abrogé. Je le retire et me rallie à la proposition de M. Devaux.

- L’amendement de M. Devaux mis aux voix est adopté et fera l’objet d’un paragraphe supplémentaire à l’article 28, qui ensuite est adopté.

Article 29

« Art. 29. Le montant des droits est évalué pour les cas énoncés à l’article 27 suc le pied de 4 francs l’hectolitre d’eau-de-vie marquant 20 degrés de l’alcoholomètre de Gay-Lussac, et les qualités inférieures ou supérieures en force proportionnellement à cette base. »

La commission propose de remplacer le chiffre 4 fr. par 4 fr. 50 c.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je maintiens le taux tel qu’il a été calculé dans le projet.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, à raison de 4 fr l’exportation est impossible car les droits s’élèvent à 7 ou 8 fr et vous ne donnez qu’une restitution de 4 fr. ; c’est trop peu. La Hollande entend bien mieux ses intérêts, elle rembourse intégralement le droit. Je ne vois pas comment on pourrait s’opposer à l’augmentation qu’on nous propose. Peut-être, à 4 fr., les exportations ne seront-elles pas encore possibles et le commerce maritime sera-t-il obligé d’aller jusqu’à 5 fr., 5 fr. 50 c. ; c’est du moins ma conviction qu’une augmentation sera nécessaire.

Si vous voulez rivaliser avec la Hollande, il faut accorder des primes et favoriser les exportations ; sans cela le commerce extérieur est détruit.

M. Verdussen. - Ces observations sont trop justes pour qu’on puisse ne pas les admettre. Je crois que M. le ministre s’est mépris sur l’objet qui nous occupe, ou qu’il ne s’en est pas assez pénétré avant d’entrer dans cette séance. En effet, est-il possible qu’il veuille que les restitutions demeurent les mêmes quand les droits sont changés !

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il est constant que la même incertitude plane ici pour fixer le taux réel de l’exportation, que pour évaluer le produit de l’impôt. J’ai déjà parlé des trois circonstances qui ne permettent pas de raisonner juste. Le temps nécessaire à la fermentation est la pierre de touche de la question qui nous occupe. Faut-il 24 heures, faut-il deux jours ? Vous savez dans quelle incertitude la chambre s’est trouvée lorsque cette question a été soulevée. Je pense que le taux de 4 fr. est celui qui convient le mieux, parce qu’il est le mieux motivé sur le temps nécessaire à la fermentation.

M. Desmet. - Messieurs, si vous voulez que nos distilleries fassent des exportations, il faut qu’elles puissent soutenir la concurrence avec la Hollande ; il faut qu’elles fabriquent un genièvre aussi bon et aussi clair que les distilleries de ce pays. On sait que pour obtenir du genièvre de cette qualité, on est obligé de travailler comme les Hollandais, de ne charger que 8 à 10 kilogrammes de farine, et de laisser durer la fermentation au moins deux jours. En travaillant de cette manière, le litre de genièvre devra nécessairement coûter 8 c. ou 8 fr. l’hectolitre. Ainsi, si l’hectolitre coûte 8 fr. par hectolitre de droit/

Comment donc ne peut-on accorder que 4 fr. de décharge pour prime d’exportation ? Je me flatte que M. le ministre reviendra de son opinion, et se rallier à la proposition de la commission qui est de 4 fr. 50 c. pour cette prime. Je crois même que la décharge est trop peu forte ; mais le temps nous l’apprendra, et on pourra l’augmenter, si on trouve que l’exportation n’est point assez favorisée.

M. Legrelle. - Tout repose ici sur une évaluation ; il faudrait savoir en combien de temps la fermentation se fera. Si les grands distillateurs n’ont besoin que de 36 heures, l’impôt se trouve encore de 6 francs environ pour l’hectolitre ; et, de cette somme à 4 fr. 50 c. il reste encore une marge assez large pour adopter la restitution qu’on nous propose. N’oublions pas que les intérêts du pays réclament surtout les exportations, et que c’est sur elle que nous devons fonder le plus d’espérances pour cette branche de notre commerce.

M. Donny. - J’appuie les observations de l’honorable préopinant, et je rappellerai à l’assemblée que M. le ministre des finances, tout en nous disant que les éléments pour déterminer le produit de l’impôt étaient incertains, a cependant déclaré en même temps qu’il regardait 36 heures comme le temps moyen nécessaire à la fermentation. C’est sur ce même laps de temps que l’honorable préopinant a établi ses calculs qui le mènent à un produit de 6 francs par hectolitre. Dans ces circonstances je trouve que l’exportation à 4 fr. 50 c. est encore trop légère, et si je ne craignais de ne pas rencontrer d’appui, je proposerais un taux plus élevé. Dans tous les cas je me rallie au taux de 4 fr. 50 c., et voterai contre celui proposé par M. le ministre.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Tout dépend de la quantité de matière à macérer ; du reste, je me rallie au chiffre de 4 francs 50 centimes.

M. le président - Je mets l’article 29 amendé aux voix.

- Cet article est adopté.

Articles 30 à 48

La chambre adopte sans discussion les articles suivants, ainsi conçus :

« Art. 30. L’épalement des cuves à trempe, à macération et à fermentation, aura lieu, soit par les jaugeages, soit par le mesurage au moyen de l’empotement ou dépotement, au choix de l’administration et par ses agents, le distillateur présent ou dûment appelé. En cas de contestation sur l’exactitude du jaugeage, la vérification se fera toujours par empotement ou dépotement. »


« Art. 31. Le distillateur est tenu de fournir les hommes de peine, l’eau et les ustensiles nécessaires à l’opération. »


« Art. 32. Les employés dresseront procès-verbal en double de l’épalement, et ils inviteront le distillateur à le signer.

« Cet acte contiendra la désignation de l’usine, la description de chaque vaisseau, l’indication du numéro qu’il porte, ses diverses dimensions et sa capacité. Il mentionnera le concours du distillateur à l’opération, sa présence ou son absence et sa réponse à l’interpellation de signe. Le double lui sera remis dans les trois jours et en cas de refus de signer ou d’absence, il sera déposé à la maison commune. »


« Art. 33. Les cuves à trempe, à macération ou à fermentation seront numérotées, établies dans l’intérieur de l’usine, affectées à un atelier spécial et auront une place fixe.

« Le distillateur devra les représenter à toute réquisition des employés, même celles qu’il n’aurait pas comprises dans la déclaration des travaux courants. »


« Art. 34. Chaque série de cuves à trempe, à macération ou à fermentation aura sa marque distinctive, en couleur à l’huile, et chaque cuve portera, de la même manière, l’indication de sa capacité. »


« Art. 35. Lorsque le distillateur voudra faire réparer, changer ou remplacer une ou plusieurs cuves a trempe, à macération ou à fermentation, il devra en faire la déclaration préalable au receveur du ressort, et il ne pourra s’en servir de nouveau avant qu’elles n’aient été préalablement épalées. »


« Art. 36. Il lui est défendu d’employer dans ses usines des cuves à trempe, à macération ou à fermentation, dont les parois seraient entaillées ou échancrées. »


« Art. 37. Tout possesseur d’une distillerie en non-activité, d’appareils de distillerie, de chapiteaux alambics ou serpentins, est tenu d’en faire la déclaration au receveur de son ressort. »


« Art. 38. Sont dispensés de cette obligation :

« 1° Les directeurs des ventes à l’encan, les chaudronniers et autres artisans qui, par état, vendent, fabriquent ou réparent ces ustensiles, pourvu qu’ils ne soient pas maçonnés ou autrement fixés à demeure.

« 2° Les pharmaciens et les chimistes quand la capacité des vaisseaux ne dépassera pas les 50 litres et qu’ils ne s’en servent pas pour fabriquer des eaux-de-vie. »


« Art. 39. Les distillateurs et les détenteurs d’ustensiles mentionnés dans les deux articles qui précédent, ne pourront les vendre, louer, prêter, ou autrement les céder à des tiers sans en faire la déclaration au receveur des accises, dans les 24 heures. »


« Art. 40. Tous les appareils d’une distillerie en non-activité, autres que ceux désignés dans l’article 38, seront mis sous scellé par deux employés et aux frais de l’administration. »


« Art. 41. Les employés ne pourront procéder à cette opération qu’après avoir prévenu les détenteurs, et ils en dresseront procès-verbal contenant la désignation des ustensiles, le lieu du dépôt, le nom du dépositaire, et le nombre des scellés ou cachets qu’ils auront apposés sur chaque ustensile. »


« Art. 42. Le dépositaire est tenu de reproduire à toute réquisition les ustensiles ainsi mis sous scellé. »


« Art. 43. Le procès-verbal contiendra mention expresse de la présence, de l’absence et de la réponse du dépositaire sur les interpellations de signer l’acte.

« Copie lui en sera remise au même moment, à moins qu’il ne soit absent ou qu’il refuse de signer l’original ; dans ces cas, la copie sera déposée entre les mains de l’autorité communale du lieu. »


« Art. 44. Dans le territoire réservé, un passavant sera requis pour le transport de toute quantité d’eaux-de-vie supérieure à 2 litres jusqu’à 50, et un acquit à caution pour toute quantité plus forte. »


« Art. 45. Le receveur ne délivrera ces pièces que pour des eaux-de-vie dont le possesseur est détenteur en vertu, soit de déclarations de fabrication, soit de permis ou acquits antérieurs, d’une date qui ne remonte pas au-delà de six mois. L’administration pourra renouveler ces documents. »


« Art. 46. Lorsque l’expédition des eaux-de-vie viendra de l’intérieur, le permis requis pour circuler dans le territoire réservé sera levé, soit au bureau du lieu du départ, soit au dernier bureau de passage en deçà de la ligne.

« Sous peine de nullité, ces permis seront visés, sans frais, par les employés du premier poste sur le territoire réservé. »


« Art. 47. Le coût des acquits à caution et des autres permis nécessaires au transport et à la circulation des eaux-de-vie, sera de 50 centimes pour un à dix hectolitres et d’un franc pour toute quantité supérieure.

« Ces acquits, exempts du timbre, seront délivrés gratis pour toute quantité au-dessous de l’hectolitre.

« Le passavant, également exempt du timbre, sera aussi délivré gratis. »


« Art. 48. Les receveurs délivreront quittance sur un timbre fixe de 25 centimes. »

Article 49

« Art. 49. Les auteurs des faits ci-après détaillés encourront les peines suivantes :

« 1° Pour l’absence de l’écriteau à l’une des issues de l’usine, s’il n’est pas apposé dans les deux fois 24 heures après un premier avertissement, par écrit, donné par le receveur des accises du ressort, ainsi que pour l’absence d’une sonnette à l’entrée principale de l’établissement, une amende de 10 fr.

« 2° Pour la non-reproduction ou le déplacement d’une cuve à trempe, à macération ou à fermentation, ou l’emploi d’une cuve ne portant pas la marque prescrite, une amende d’un franc par hectolitre de la capacité des vaisseaux.

« 3° Pour toute vente, cession ou prêt d’ustensiles, sans déclaration, et pour la non-représentation de l’ampliation de la déclaration du travail, une amende de 25 francs contre le vendeur, prêteur, cédant ou distillateur.

« 4° Pour dépôt non déclaré d’un alambic, d’un chapiteau ou d’un serpentin, et pour tout essai de fausser, par des voies clandestines, le résultat d’un épalement, une amende de 100 francs.

« 5° Pour le bris ou l’altération des scellés apposés sur des ustensiles de distillerie ; pour la non-reproduction d’une des pièces scellées, une amende de 100 à 200 francs.

« 6° Pour dépôt clandestin d’un appareil de distillerie en non-activité, une amendé de 200 francs avec confiscation de tous les ustensiles.

« 7° Pour dépôt de hausses mobiles chez un distillateur, une amende de 20 francs par pièce.

« 8° Pour l’emploi de hausses mobiles et d’ustensiles semblables, ou de tout corps solide ayant l’effet d’augmenter la capacité des cuves à trempe, à macération ou a fermentation, une amende de 10 francs par hectolitre de la capacité de la cuve ainsi agrandie.

« 9° Pour dépôt de matières fermentées, dans les cuves de réunion, lorsque les cuves à fermentation ne présentent pas un vide égal à son contenu, et pour pareil dépôt dans les cuves de vitesse, hors le temps des bouillées, une amende de 10 francs par hectolitre de capacité de la cuve ainsi employée.

« 10° Pour refus d’exercice, une amende ainsi graduée :

« Lorsque l’usine possède moins que pour 20 hectolitres de capacité en cuves à trempe, à macération ou à fermentation, une amende de 100 francs ;

« De 20 à 50 hectolitres, 200 francs ;

« Pour 50 à 100 hectolitres, 400 francs ;

« Et pour plus de 100 hectolitres, 500 francs.

« Indépendamment des cas prévus par la loi générale, il y a refus d’exercice lorsqu’on n’ouvre pas aux employés après qu’ils auront sonné ou, en l’absence d’une sonnette, frappé a trois reprises, chaque fois avec un intervalle de trois minutes, ou que, par tout autre moyen ou voie de fait, on s’oppose à l’exercice des employés.

« 11° Pour l’anticipation de plus d’une heure des travaux déclarés, et leur prolongation au-delà d’une heure dans le même cas, une amende égale aux droits qui seraient dus pour un travail de deux jours.

« 12° Pour avoir, sans déclaration préalable, démonté, réparé ou autrement changé, au préjudice du trésor, la capacité des cuves à trempe, à macération on à fermentation ; pour avoir substitué aux cuves épalées d’autres de plus grande dimension, une amende égale au quintuple du droit à percevoir pour l’emploi de ces vaisseaux pendant un travail de 15 jours ;

« 13° Pour toute soustraction de liquide, soit dans les entrepôts, soit lors d’exportation avec décharge des droits, une amende du quintuple droit sur le manquant, à charge de l’entrepositaire ou de l’expéditeur.

« 14° Pour tout travail de trempe, de macération, de fermentation de bouillées et de rectification sans déclaration ; pour tout dépôt de matières macérées chez un bouilleur ou un distillateur, ailleurs que dans les cuves déclarées, ou l’introduction de ces matières du dehors dans l’usine ; enfin pour tout fait de fraude ayant pour résultat de soustraire à l’impôt la matière imposée, une amende égale au quintuple du droit qui serait dû en raison des vaisseaux déclarés et non déclarés pour un travail de 15 jours. L’amende sera double lorsque les faits se passent dans un lieu non déclaré. »

M. Pollénus. - Je lis au paragraphe 5° de cet article que le bris ou l’altération de scellés apposés sur une distillerie seront punis par une amende de 100 à 200 fr. ; mais ce délit a été prévu par la législation, et je ne sais aucun motif qui justifie la déviation qu’on nous propose à la règle établie par l’article 252 du code pénal.

Jusqu’à ce que M. le ministre ait justifié cette exception, je ne vois pas pourquoi nous dérangerions sans raison l’économie générale de la loi. Je pense que tous les changements que l’on veut introduire dans un code doivent d’abord être l’objet d’une mûre réflexion. (Erratum, Moniteur belge n°187, du 6 juillet 1833). Je demanderai la suppression de la première ligne du paragraphe 5°.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’assemblée se rappelle que cet article a déjà donné lieu à une discussion très prolongée, à laquelle les jurisconsultes qui siègent dans cette enceinte ont pris une part fort active. Si l’on a dérogé au code pénal, c’est, je crois, parce que ce code prescrivait des peines trop fortes et que généralement pour contravention à la loi sur les distilleries on n’inflige que des peines pécuniaires.

M. Pollénus. - Le paragraphe 5° introduirait une exception là où il n’en doit pas exister. Quand un bris de scellés se joint à une tentative de fraude, je ne trouve rien là qui justifie l’exception à la règle générale.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - On a dit que, par une circonstance indépendante de la volonté de la personne gardienne des scellés, les scellés pourraient être brisés et appeler sur elle les rigueurs un peu trop fortes du code pénal.

M. Pollénus. - L’article 49 dispose non à l’égard des personnes responsables des scellés, mais à l’égard des auteurs du bris des scellés.

M. A. Rodenbach. - Tout peine doit être proportionnée au délit. Voudriez-vous condamner aux galères un homme qui a cherché à gagner quelques francs ?

M. Pollénus. - L’article 252, après avoir disposé pour les bris de scellés accompagnés de circonstances aggravantes, dispose en outre que tous les autres bris de scellés seront punis de six mois à deux ans d’emprisonnement, et s’ils ont eu lieu par le gardien lui-même, par deux ans à cinq ans de la même peine. Je ferai observer qu’une disposition de l’article autorise le juge à diminuer la peine, et que l’article 463 permet de la réduire à une simple peine de police lorsque le préjudice causé n’excède pas la somme de 25 francs. Il me semble que les dispositions de l’article 252 combinées avec celles de l’article 463 doivent vous tranquilliser sur le trop de rigueur du code.

Par tous ces motifs, je persiste dans la suppression que j’ai demandée. Je pense qu’il faut des motifs d’un ordre supérieur pour déranger l’économie de la législation ; je pense, enfin, qu’il y a lieu à maintenir la règle.

M. A. Rodenbach. - Condamnerez-vous un homme à six mois ou deux ans de prison pour 26 fr. de préjudice qu’il aura causé ? Un ouvrier peut briser des scellés sans le vouloir ; le voilà donc exposé à être déshonoré ! Non, messieurs, il ne faut pas jeter ainsi l’alarme dans le commerce. N’augmentons pas ainsi les peines dans un siècle où l’on cherche à les adoucir ; ce serait marcher à reculons.

M. Fleussu. - Aux termes de l’article 50, les distillateurs sont responsables des contraventions commises dans leurs usines ; il en résulte qu’un bris de scellés autoriserait à arrêter cet homme, à le conduire devant un tribunal pour la faire condamner à six mois ou deux ans de prison.

- Un membre. - On n’applique jamais la peine de l’emprisonnement à celui qui est responsable ; on ne prononce contre lui qu’une amende. D’un autre côté, celui qui brise des scellés commet un délit assez grave pour être puni de l’emprisonnement. Mais lorsque le bris a lieu sans mauvaise intention, il n’y pas lieu à l’application de l’article. (Aux voix ! aux voix !)

- L’amendement est mis aux voix et rejeté.

Articles 50 et 51

« Art. 50. Les distillateurs sont responsables des contraventions commises dans leurs usines.

« Les propriétaires ou locataires le sont des contraventions découvertes dans les bâtiments qu’ils occupent à moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à la responsabilité. »

- Adopté.


« Art. 51. L’administration ne pourra transiger sur les peines encourues pour contravention à la loi. »

- Adopté.

Article 52

M. le président - L’article 52 se bornait à dire : « Le présente loi sera exécutoire, » sans fixer de date.

La section centrale propose la rédaction suivante :

« La présente loi sera obligatoire le vingtième jour après sa promulgation.

« Pendant les huit jours qui précéderont celui de sa mise en vigueur, les distillateurs et les marchands pourront déposer dans les entrepôts publics du gouvernement les eaux-de-vie indigènes jusqu’à concurrence des termes de crédit régulièrement pris à leur charge, et dont l’échéance est postérieure au jour de la mise en vigueur de la loi.

« Dans le lieux où il n’existe pas d’entrepôt public, les distillateurs et les marchands auront la faculté de faire mettre en dépôt sous scellés, dans des magasins à domicile dûment clos et fermés à la satisfaction de l’administration, les liquides de la même espèce, et seulement aussi à concurrence de leurs termes de crédit réguliers, non échus à l’époque ci-dessus.

« Pour jouir de cette dernière faveur, les intéressés seront tenus de faire, par écrit, dans les huit jours après la promulgation, au receveur de leur ressort, la déclaration des liquides qu’ils entendent ainsi déposer. Ils devront les placer de manière à en faciliter la vérification immédiate,

« Les employés procéderont sur-le-champ et provisoirement à l’apposition des scellés sur ces lieux de dépôt.

« Dans les trois jours qui précéderont la mise en vigueur de la loi, ils opéreront, sous la surveillance d’un employé supérieur, le recensement et la vérification en détail des quantités et degrés des buissons déposées, qui ne seront remises au propriétaire qu’après le jour de la mise à exécution de la loi.

« Le dépôt, soit en entrepôt, soit en magasin particulier ne pourra avoir lieu pour des quantités inférieures à 20 hectolitres à la force de 50 degrés de l’alcoholomètre de Gay-Lussac.

« Les détenteurs obtiendront, sur les quantités ainsi déposées et vérifiées, une décharge de 7 fr. par hectolitre de genièvre à 50 degrés de l’alcolholomètre ci-dessus pour compenser la différence de l’ancien au nouveau droit, sans que cette décharge puisse, en aucun cas, excéder sept dix-septièmes en principal des termes de crédit non échus, prémentionnés, pour lesquels le dépôt est effectué. Le reliquat sera acquitté dans la forme ordinaire aux échéances respectives de ces termes.

« Toute soustraction, substitution ou introduction clandestine de boissons, commise dans les magasins ci-dessus, seront punies d’une amende de 7 francs par hectolitre, indépendamment de la privation de la décharge pour toutes les quantités déposées.

« Toute altération ou bris de scellés donneront lieu à l’amende de 400 francs, à charge du détenteur, ainsi qu’à la même privation de décharge.

« Aucune décharge ne sera appliquée aux termes de crédit échus au jour de la mise en vigueur de la loi, non plus qu’aux droits non liquidés, résultant de procès-verbaux de contravention. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le gouvernement est convenu avec la section centrale d’une rédaction nouvelle qui rendre le sens de l’article beaucoup plus clair.

M. Zoude. - Le sens de l’article restera le même ; seulement il sera beaucoup plus clair d’après la nouvelle rédaction. Il me semble que l’on pourrait toujours discuter le principe, sauf à revenir demain sur la rédaction.

M. Verdussen. - Il me semble plus prudent de faire imprimer le nouvel article, et de renvoyer la discussion à demain.

- Plusieurs voix. - Continuons ! Continuons !

M. Verdussen. - L’heure est déjà avancée, et il faudra toujours revenir demain au projet pour la discussion finale.

M. Zoude. - Il n’y aurait aucun inconvénient à discuter l’article tel qu’il est rédigé dans le rapport.

M. Legrelle. - S’il ne s’agit que d’un changement de rédaction, nous pourrions confier ce soin au bureau.

M. Dautrebande établit, par des calculs, que le droit actuel s’élève à 23 francs et quelques centimes. Il demande dans l’intérêt des distillateurs que l’on accorde 9 fr. de décharge, au lieu de 7 fr. que propose l’article 52.

M. Desmet. - Si vous trouvez que les droits sont plus forts, c’est un motif d’adopter le changement proposé.

M. Berger, rapporteur. - Il y a ici une erreur de calcul de la part de M. le ministre des finances, ou de la part de l’auteur de l’amendement. Comme cette erreur pourrait léser des intérêts, je crois qu’il faut l’examiner, et remettre la discussion à demain. La commission se réunira et pourra vous présenter un chiffre qui ne sera pas contesté. (Appuyé ! Appuyé !)

- La séance est levée à quatre heures.