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Note
d’intention
Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du vendredi 27 septembre 1833
Sommaire
1)
Projet de loi portant règlement des comptes des exercices 1830 et 1831
2)
Projet de loi portant le budget du département des finances pour l’exercice
1833. Discussion générale. Société générale et caissier de l’Etat (Legrelle, Duvivier, Dubus, Lebeau), droit d’entrée sur
les garances (Donny, Duvivier, A. Rodenbach, H. Dellafaille,
Donny, Coghen, Legrelle,
de Brouckere), mode de nomination du personnel de
l’administration fiscale, politique commerciale du gouvernement (subsides aux
industriels), droit d’accise sur les vins et eaux-de-vie (de Brouckere), réplique générale (Duvivier),
mode de nomination du personnel de l’administration fiscale (de Brouckere), nécessité de modifier le système
général des impôts (A. Rodenbach, Duvivier),
nécessité de modifier le système général des impôts, droit d’accise sur les
vins et eaux-de-vie et système des entrepôts, société générale et caissier de
l’Etat (Meeus), société générale et caissier de l’Etat (Legrelle), nécessité de modifier le système général des
impôts (Faider), société générale et caissier de l’Etat
(Milcamps, Duvivier, Jadot), nécessité de modifier le système général des impôts
(A. Rodenbach), reprise des observations formulées
dans la séance, comptabilité publique (budget pour ordre) (Dumortier),
système des entrepôts, comptabilité publique (budget pour ordre) (Duvivier), comptabilité publique (budget pour ordre et
structure du budget) (Dumortier, Verdussen,
Duvivier), traitement du ministre (Dumortier, Duvivier)
(Moniteur belge n°272, du 29 septembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
M. Quirini fait l’appel nominal à dix heures et
demie. La chambre n’est pas en nombre suffisant pour délibérer.
Un quart d’heure après, la
séance est ouverte.
M. Quirini donne lecture du procès-verbal la
rédaction on est adoptée.
M. Cols demande une prorogation de congé.
PROJET
DE LOI PORTANT REGLEMENT DES COMPTES DES EXERCICES DE 1830 ET 1831
M. Donny, organe de la section centrale qui a été chargée d’examiner le projet de
loi portant règlement des comptes des exercices de 1830 et 1831, est appelé à
la tribune.
M. le président. - Quand désire-t-on discuter ce projet de
loi.
Plusieurs membres. - Après le budget ! après
le budget !
Discussion
générale
M. Legrelle. - Hier, j’ai cru devoir interpeller M. le ministre des finances sur
quelques points relatifs au discours de M. Jadot. J’ai demandé si la commission
nommée en février dernier, pour examiner notre état financier vis-à-vis de la
banque, avait commencé ses travaux. Comme cette question est extrêmement grave,
le pays et la banque doivent désirer d’en finir.
La commission, après l’arrêté
royal qui l’a instituée, s’est constituée sous la présidence ou la
vice-présidence de M. Dubus, lequel m’a dit que, désirant traiter une matière
aussi grave en présence de tous les membres qui la composent, il avait eu les
plus grandes difficultés à les réunir tous en ville.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai jamais cessé de demander que la
commission continuât ses travaux, et j’ai même demandé qu’elle passât outre à
l’examen qui lui est confié, quand même elle ne serait pas complète.
M. Dubus. - La commission s’est réunie plusieurs fois ;
mais jamais elle n’a été complète, et n’a pas nommé de président. La
dissolution de la chambre a interrompu ses travaux, et depuis elle n’a jamais
pu délibérer.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - De tout ceci il ne peut résulter aucun
reproche à adresser au gouvernement. Le gouvernement, en nommant une commission
dont le personnel est une garantie pour le pays, a rempli son devoir ; mais la
commission n’est pas tellement à la disposition du gouvernement qu’il puisse
lui imposer des jours de réunion. Les membres de cette commission, qui sont à
Bruxelles, sont disposés à s’occuper vivement de l’objet qui leur est soumis ;
ils se proposent même de se réunir dès demain.
M. Donny. - Messieurs, l’on est assez généralement d’opinion que, de toutes nos
administrations, celle des finances s’éloigne le plus de la perfection ; je
suis d’autant plus disposé à partager cette opinion, que j’ai moi-même à
signaler à la chambre un fait assez important, et qui à mes yeux constitue un
véritable abus et un abus très grave.
Messieurs, chaque fois que
d’honorables membres de cette assemblée ont élevé la voix contre le Moniteur, MM. les ministres sont venus
nous dire que cette feuille était en quelque sorte indispensable, en ce qu’elle
donne à la nation une connaissance prompte et générale des actes du
gouvernement, connaissance que la nation ne peut acquérir d’une manière
suffisante au moyen du Bulletin officiel,
attendu que le Bulletin n’est lu que
de fort peu de personnes. Vous vous rappellerez, messieurs, que c’est là le
langage qui a été tenu lorsque, tout récemment encore, un honorable membre de
Tournay voulait à toute force remplacer le
Moniteur par un Miroir du Parlement.
D’après ce qui a été dit
alors, et dans d’autres circonstances encore, vous avez pu croire que, pour
être au courant des actes du gouvernement, il vous suffisait de lise
attentivement la partie officielle du
Moniteur qu’on nous distribue tous les jours ; messieurs, je l’ai cru comme
vous et de bonne foi, et comme vous j’ai été dans l’erreur. Tout n’est pas
inséré au Moniteur, et je tiens en
main un arrêté royal important pour le commerce, et qui n’a point paru au Moniteur ; c’est un arrêté du 30 août,
pris sur la proposition de M. le ministre des finances, et qui n’a été inséré
qu’au Bulletin officiel.
L’absence de publication
suffisante est un premier reproche que je crois pouvoir adresser au ministre,
mais ce n’est pas là que se bornent les reproches que mérite l’arrêté royal ;
car selon moi il est inconstitutionnel, injuste et partial.
Messieurs, lorsque je laisse
échapper de ma bouche des expressions aussi fortes, je dois prouver à l’instant
même la vérité de mes assertions.
Un arrêté du gouvernement
provisoire du 7 novembre 1830, époque à laquelle le gouvernement jouissait de
tous les pouvoirs, a frappé les garances, sans distinction de qualité, d’un
droit d’entrée de 2 fl. les 100 kil. : l’arrêté du 30 août réduit ce droit de
70 p. c. en faveur d’une marchandise que l’arrêté qualifie de mull ou résidu de garance.
L’arrêté est
inconstitutionnel, ai-je dit ; et en effet, il est en opposition avec l’art. 78
de la constitution ainsi conçu : « Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux
que lui attribuent formellement la constitution et les lois particulières
portées en vertu de la constitution même. »
Je cherche vainement, et dans
la constitution et dans les lois portées en vertu de la constitution, une
disposition quelconque qui permette au pouvoir exécutif de modifier, soit
directement, soit indirectement, les tarifs existants sur les douanes.
L’arrêté est en en opposition
encore plus évidente avec la dernière partie de l’art. 112 de la constitution :
« Nulle exemption ou modération d’impôts ne peut être établie que par la loi. »
Enfin, il est
inconstitutionnel sous un autre rapport encore, et c’est ici que l’arrêté prend
le caractère d’injustice et de partialité. La modération d’impôt accordée par
l’arrêté royal du 30 août n’est pas accordée à
Il résulte de cet état de
choses que les négociants d’Anvers paient un impôt beaucoup moindre que les
autres négociants. Cependant on lit à la fin de l’art. 112 : « Il ne peut
être établi de privilège en matière d’impôt. »
Je me
borne à signaler l’abus : député d’Ostende, ville lésée par l’arrêté, je dois
m’abstenir de tout ce qui pourrait faire penser que je suis influencé par un
esprit de rivalité étroite, bien éloigné de mes sentiments.
Mais je déclare à M. le
ministre des finances que je regarde comme un devoir de voter contre son budget
tout entier si, avant le vote définitif, l’abus que j’ai signalé ne se trouve
redressé. Je me conduirai en cela selon le principe du gouvernement
représentatif :
« Point de redressement
de griefs, point de subsides. »
J’ai encore d’autres
observations à présenter ; mais comme elles se rapportent au chap. III,
j’attendrai pour les exposer que nous en soyons arrivés à la discussion de ce
chapitre.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Messieurs avant de soumettre à la sanction royale l’arrêté dont il vient
d’être parlé, j’ai agité moi-même la question de savoir si cet arrêté entrait
ou non dans les attributions du pouvoir exécutif ou s’il devais être l’objet
d’une proposition de loi ; et il a été reconnu que le pouvoir exécutif pouvait
dans l’espèce prendre la mesure dont il s’agit, parce que cet arrêté ne touche
en rien aux droits de tarif établis par un arrêté du gouvernement provisoire.
Les commerçants de Gand, ayant
trouvé que la taxe sur le résidu de garance était trop élevée, réclamèrent près
de l’administration une diminution, et voici dans quelles circonstances.
On se rappelle que c’était la
partie septentrionale des Pays-Bas qui fournissait la garance à la partie
méridionale ; depuis la séparation, cette marchandise devint rare. Un
industriel de Gand forma un établissement dont le résidu de garance était la
matière première. Son but était de préparer la garance dont
Il demanda que le résidu de la
garance, qui contient à peine le quart de véritable garance, ne payât que
proportionnellement à la proportion de cette substance qu’il renferme.
Cependant, ne voulant rien donner au hasard, je me suis adressé à mon collègue
de l’intérieur, et lui fis connaître que, quoique la culture de la garance
s’introduisît en Belgique, on ne pouvait en recueillir des quantités
suffisantes, et qu’il fallait prendre en considération la demande de
l’industriel.
Le ministre de l’intérieur m’a
répondu par une dépêche du 17 août. Il n’a trouvé aucun obstacle à ce que l’on
procédât comme j’ai procédé ; il n’a vu là qu’un acte d’utilité pour
l’industrie belge.
L’avis de la commission
d’industrie est tout à fait conforme à la lettre du ministre.
Par
l’arrêté du 30 août 1833 a-t-on touché aux droits établis ? Je ne le pense pas,
et c’est par cette raison que j’ai cru pouvoir le soumettre à la signature
royale. il me paraissait de toute équité de ne pas
percevoir les droits en entier sur une matière qui ne contient que quelques
portions de garance.
Mais, dit-on, il y a eu
privilège dans la mesure : si l’on veut bien faire attention aux considérants
de l’arrêté, on verra qu’il n’y a aucun privilège ; car toutes les villes qui
réclameront obtiendront la même faveur. Il n’y a que l’industriel de Gand qui
ait fait une demande, et il a indiqué lui-même le bureau d’Anvers ; tout autre
bureau jouira du même privilège si on le réclame. Si on fait une demande en
faveur du bureau d’Ostende, ce bureau sera ouvert d’après l’article 113 de la
loi générale de 1822 : « Le Roi a le droit de fermer et d’ouvrir les
bureaux à volonté, selon les besoins du commerce. »
M. A. Rodenbach. - Si j’ai bien compris l’honorable député
d’Ostende, le droit sur la garance est de 2 fl. les
En vertu d’un arrêté, l’entrée
des garances y est interdite ; elles ne peuvent entrer que par le port
d’Anvers. Or, je ne puis pas croire qu’il y ait encore chez nous des favoris et
des benjamins. Sous l’ancien gouvernement, nous savons tous que Rotterdam était
favorisé au préjudice d’Anvers ; mais aujourd’hui j’en appelle au patriotisme
des Anversois, voudraient-ils que le même abus se renouvelât à leur avantage ?
(On rit.)
Je crois que si les habitants
d’Ostende sollicitaient pour que les garances entrassent dans leur port, ils
l’obtiendraient ; mais pourquoi solliciteraient-ils quand leur droit est établi
par la constitution ? On dit que les employés des douanes d’Anvers ont des
connaissances plus spéciales pour distinguer la garance mull ; mais si l’on
veut classer les employés par catégories, ceux d’Ostende pourraient prétendre à
leur tour qu’ils connaissent mieux d’autres objets : la percale anglaise, par
exemple ; d’où il suivrait que la percale anglaise n’entrerait plus qu’à
Ostende. II faut que le ministre des finances nous donne des explications
satisfaisantes sur la mesure qu’il a prise, et à laquelle je suis persuadé que
les autres ministres n’ont point pris part, mesure qui est une violation
formelle de la constitution.
M. H.
Dellafaille. - Les
honorables députés d’Ostende et de Roulers me paraissent n’avoir pas bien approfondi
la matière. Nous n’avons, dans notre pays, qu’une seule fabrique de résidu de
garance ; c’est celle établie par les frères Verplancke, auprès de Gand. Ce
sont ces fabricants eux-mêmes qui ont demandé que l’entrée de cette marchandise
eût lieu par le port d’Anvers, et le ministre n’avait pas de raisons de
l’accorder par le port d’Anvers, puisqu’on ne la demandait pas. La garance est
frappée d’un droit de 2 fl. par
M. Donny. - Tout ce que l’honorable préopinant vient de dire se borne à ceci :
Attendu qu’il n’y a que les frères Verplancke qui connaissent la manière
d’employer le résidu de garance, M. le ministre des finances a fort bien fait
de fouler aux pieds la constitution et les règles de la justice en faveur de
ces fabricants.
Maintenant je répondrai à M.
le ministre des finances lui-même. Il a placé la question sur un tout autre terrain
que celui où elle devrait rester. Il a cherché à établir qu’il y avait de
bonnes raisons pour ne pas faire payer le droit de 2 fl. au mull de garance. Il
a dit que cette marchandise était mélangée de terre, et qu’il fallait à cet
égard changer la tare. Je veux bien admettre qu’il y a lieu à diminuer le droit
d’entrée quant au mull ; mais ce n’est pas de cela que j’ai entretenu la
chambre. J’ai parié sur l’arrêté et non pas sur la diminution en elle-même, et
j’ai prouvé qu’il n’y a ni constitutionnalité, ni justice dans cet arrêté.
M. le ministre vous a fait
lecture d’un rapport de la commission d’industrie, et il s’est appuyé sur la
loi du 26 août 1822. D’abord je n’ai pas entendu dans ce rapport que la
commission lui proposât de faire par arrêté ce qu’il a fait...
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Je n’ai pas lu le rapport, mais une lettre qui accompagnait.
M. Donny. - Dans tous les cas, je pense que cette commission ne sera pas allée jusqu’à
conseiller à M. le ministre la marche qu’il a suivie. Ainsi son rapport ne peut
être invoqué dans cette circonstance.
Quant à la loi du 26 août
1822, elle ne peut ôter à l’arrêté le vice d’inconstitutionnalité dont il est
entaché. M. le ministre est, je le pense, dans l’erreur à ce sujet. Nulle part,
dans la loi de 1822, il ne trouvera de disposition qui l’autorise à modifier,
par arrêté, ni directement ni indirectement, au tarif de douanes. On vous dit,
messieurs, que l’arrêté du 30 août n’introduit pas un changement au tarif, mais
un changement de tare. J’accepte cette explication ; mais qui a donné au
ministre le droit de modifier la loi qui établit la tare ? Car la tare est
fixée par une disposition légale. L’art. 4 de la loi du 26 août 1822 porte :
« La tare sur les marchandises imposées au poids, et pour lesquelles il
n’est point fixé de tare au tarif, sers réglée ainsi qu’il suit : etc.,
etc. »
D’après cette loi, et le tarif
qui en fait partie, la tare a donc été fixée par la législature, et par suite
elle n’a pu être modifiée par arrêté, même pas sous le gouvernement précédent,
qui lui-même n’a jamais eu le droit de changer par ses arrêtés des dispositions
législatives ; mais en supposant même que le gouvernement précédent ait eu la
faculté de changer la tare, le gouvernement actuel ne jouirait pas de cette
faculté, parce que, depuis la promulgation de notre constitution, un pareil
droit serait évidemment abrogé.
M. le
ministre a cité un article de la loi générale, l’art. 313 qui, dit-il, lui donne
le droit de supprimer et de placer comme il l’entend les bureaux d’entrée. Je
ferai remarquer d’abord qu’il ne s’agit pas ici de suppression et de placement
de bureaux d’entrée, mais de changements au tarif on à la tare. Ensuite, le
législateur a-t-il voulu, par l’art 313, donner au gouvernement le droit de
fermer un port de mer ? Non certainement.
Il y aurait absurdité à croire
qu’on eût entendu accorder au roi Guillaume un pouvoir aussi exorbitant. S’il
en était autrement, les habitants d’Anvers devraient lui rendre des actions de
grâce pour n’avoir pas usé à leur égard d’un droit légal, pour n’avoir pas
fermé l’Escaut, alors qu’il en avait le pouvoir.
M. Coghen. - C’est contre la légalité de l’arrêté
de M. le ministre des finances que s’est élevé M. Donny. En effet, quand on
considère les lois organiques sur la matière, on a peine à justifier la
régularité de cette mesure, qui cependant était vivement réclamée et que j’ai
appuyée parce qu’elle devait tourner au profit d’une industrie naissante, et
que je désire voir encouragée par le gouvernement. Je ne crois pas que les lois
permettent de changer les droits des douanes par un simple arrêté, et il me
semble que le ministre des finances ferait bien de soumettre à la législature,
qui connaît toute l’urgence de cette mesure, un projet de loi qui ne
comprendrait qu’un seul article et ne susciterait pas de discussion bien
sérieuse.
M.
A. Rodenbach. - De cette manière
nous sommes d’accord.
M. Legrelle. - Je n’ai pas l’intention de prolonger
ce débat ; mais je prie l’honorable membre qui en a appelé au patriotisme des
Anversois, d’être persuadé qu’ils ne sont pour rien dans la mesure dont il
s’agit.
Des fabricants, a dit M. H.
Dellafaille, ont demandé que l’entrée de 1a garance mull eût lieu par le port
d’Anvers. Si l’on avait demandé qu’elle se fît par d’autres ports, on l’aurait
accordée également. La commission d’industrie a donné un avis favorable, autant
toutefois que la commission permettrait à M. le ministre d’établir la
modification du tarif. Quant à moi, je pense que le ministre a pu prendre la
mesure ; mais s’il y a des difficultés sur la question de légalité, il pourrait
soumettre un projet de loi à la législature.
M. de Brouckere. - Messieurs, je me suis fait une loi de ne pas prolonger la discussion
des budgets plus qu’il n’est rigoureusement nécessaire, et j’ai déjà fait ma
profession de foi à cet égard ; mais je ne puis m’empêcher de vous soumettre
dans cette circonstance deux ou trois observations.
La première a pour but
d’engager M. le ministre des finances à respecter un peu plus la justice
distributive dans la collation des emplois et dans les avancements. Je pose en
fait, et je pourrais le prouver, qu’il n’y a pas une seule partie des finances
où des injustices à cet égard ne puissent être signalées. Sans la répugnance
que j’ai à citer des noms propres, je pourrais confirmer par des exemples ce
que je viens de dire. Du reste, si M. le ministre le veut, je lui exposerai en
particulier plusieurs faits qui, j’en suis persuadé, le feront convenir qu’on
est tombé dans de grands abus.
Un autre reproche que je dois
faire à M. le ministre des finances, c’est d’être un peu léger dans la manière
de démissionner les employés. Je croit que, parmi les nombreuses démissions qui
ont eu lieu dans son département, il en est quelques-unes de méritées ; mais il
en est d’autres qui n’auraient pas été prononcées si on avait réfléchi un
instant et si l’on ne s’était pas laissé aller à un premier mouvement d’humeur.
Je dirai en outre qu’au
ministère des finances se représente le même abus que celui qui a été signalé
pour le ministère de la justice, c’est-à-dire que certaines places s’y vendent
et s’y achètent. J’ai connaissance que des receveurs en fonctions ont passé
avec des solliciteurs des contrats dans lesquels il était stipulé, d’un côté,
que les titulaires donneraient leur démission et feraient toutes les démarches
nécessaires pour obtenir la nominations des autres parties contractantes, et de
l’autre, que celles-ci s’engageaient à payer telle somme.
J’ai entre les mains copie
d’un acte signé par un receveur, des environs de Bruxelles, qui s’oblige à
donner sa démission et à faire toutes les démarches possibles pour qu’un
solliciteur soit nommé à sa place moyennant 2,100 fr. que ce dernier
promet de lui payer ; et ce solliciteur a été nommé huit jours après. Ce n’est,
sans doute, que lorsque le solliciteur avait acquis la certitude que les démarches
auxquelles s’était engagé le titulaire ne resteraient pas sans succès, qu’il a
pris l’obligation de payer la somme de 2,100 fr.
Il ne sera pas inopportun,
messieurs, de dire quelques mots sur ce qui regarde les nombreuses créances du
gouvernement à charge des particuliers auxquels ils fait des avances. Il est
quelques-uns de ces particuliers qui sont dans un incontestable état d’opulence
et auprès desquels ou n’a tenté nul effort, on n’a fait nulle réclamation.
Il en est un, entre autres,
auquel le gouvernement a fait des avances depuis la révolution, et qui est bien
loin de travailler dans l’intérêt de l’ordre de choses actuel. Il ne laisse
échapper aucune occasion de demander de nouveaux prêts, menaçant chaque fois de
cesser son entreprise si on ne le satisfait pas : le gouvernement se laisse
intimider par ses menaces ; il lui prête toujours, et il finira par se mettre
dans l’impossibilité de rien recouvrer jamais.
J’engage M. le ministre des
finances à faire toutes les démarches nécessaires pour faire rentrer au trésor
les sommes immenses qui nous sont dues, et nous dispenseront de contracter
encore des emprunts onéreux.
Je passe à un autre objet, et
vous me rendrez, messieurs, la justice de reconnaître que je ne suis pas long.
Vous vous rappelez que, le 30
août dernier, les marchands de vins et liqueurs de la ville de Bruxelles ont
présenté une requête ayant pour but de demander :
1° La conversion, à l’égard du
droit d’accises sur les eaux-de-vie étrangères, du crédit permanent en crédit à
terme avec suppression des permis de transport ou passavants ;
2° L’augmentation à 6 p. c. de
la déduction du déchet de coulage ;
3° La suppression des frais
d’ouverture et de fermeture des entrepôts particuliers.
Sur ma proposition, cette pétition
a été renvoyée à la commission des pétitions, avec invitation de présenter son
rapport avant la discussion du budget des finances.
Ce rapport nous a été présenté
en effet le surlendemain par l’honorable M. d’Huart. Il concluait au renvoi de
la pétition au ministre des finances, avec demande d’explications. Ce renvoi a
eu lieu, et M. le ministre s’est empressé de nous transmettre des explications.
Je les ai sous les yeux ; et comme elles ne me satisfont pas, je prie la
chambre de me permettre de lui soumettre quelques observations sur le contenu
de cette pétition.
Sur le premier point, je dirai
qu’il est vrai que, sous le régime des crédits permanents, les droits ne sont
dus, pour les eaux-de-vie étrangères, que lors de leur livraison. Mais, quant
aux facilités qu’il prétend que les crédits permanents font au commerce, je dis
qu’elles sont illusoires. La preuve, c’est que les marchands eux-mêmes ont
demandé la conversion des crédits permanents en crédits à terme pour les
eaux-de-vie indigènes. On a fait droit à leur demande, et les marchands s’en
applaudissent.
Si les crédits permanents
étaient aussi avantageux, ils ne s’applaudiraient pas de ce qu’ils ont obtenu.
Le commerce préfère à toutes
ces prétendues facilités une liberté entière d’action. D’ailleurs, s’il veut
s’exempter de payer des droits sur les eaux-de-vie pour un temps illimité, il
le peut toujours, en plaçant les marchandises dans des entrepôts publics ou
particuliers. Ce contrôle perpétuel et sans limites de l’administration qui
peut leur envoyer des employés à toute heure du jour, voilà ce dont les
marchands se plaignent et voudraient être délivrés. Je m’étonne qu’on insiste
pour le maintien des crédits permanents ; car avec eux on ne peut compter sur
aucune rentrée certaine, taudis que les crédits à terme donnent des rentrées
fixes.
Quant au second point de la
pétition, il est sans doute permis au gouvernement d’accorder ou de ne pas
accorder des réductions pour le coulage : il s’agit seulement de voir ce qui
est juste ; or le gouvernement hollandais, qui était aussi fiscal qu’aucun
autre, avait fait droit à la demande des négociants à cet égard. Le projet de
budget décennal avait porté cette déduction à 6 p.c. La révolution seule a
empêché le commerce de jouir de ces avantages, ainsi que de l’établissement des
crédits à terme.
Quant au troisième point, je
demanderai, si l’on veut maintenir les frais d’ouverture et de fermeture des
entrepôts, dans quelle partie de budget figure cette recette qui doit être
assez considérable.
J’ai vu avec plaisir M. le
ministre invoquer l’art. 319 de la loi générale. Voici cet article : « Les
frais, pour autant qu’ils ne puissent être supprimés totalement, seront portés
à un taux aussi modéré que les intérêts du trésor, conciliés avec ceux du
commerce le permettront. »
Qu’on réduise donc ces frais
de moitié, et ils seront alors portés à un taux modéré, et l’on fera un acte de
justice, et l’on favorisera le commerce des vins et eaux-de-vie.
Si je suis bien informé, le
gouvernement de
Il me reste à répondre à une
allégation de M. le ministre des finances. M. le ministre nous dit que les
marchands avaient été prévenus, avant le deuxième semestre, de l’obligation où
ils étaient de prendre des gelei-billetten pour les eaux-de-vie étrangères : cette
assertion est inexacte. Il est vrai que le receveur de Bruxelles a rappelé, au
mois de juillet dernier, par un avertissement écrit, la nécessité pour les
marchands de séparer les eaux-de-vie étrangères des eaux-de-vie indigènes, et
de les tenir dans un magasin séparé ; mais il n’est fait, dans cet
avertissement, aucune mention de la remise en vigueur des gelei-billetten. S’il n’y a jamais eu de
disposition formelle qui les abolit, comme j’en suis convenu moi-même, il est
certain que, sous le ministère de l’honorable M. Coghen, cet usage a été
totalement abandonné, et j’en appelle à son témoignage.
Le receveur de Bruxelles s’est
borné à afficher sur sa porte un avertissement par lequel le rétablissement des
gelei-billeten
était annoncé : il ne devait peut-être pas faire plus ; mais tous les
marchands, n’allant pas chaque jour au bureau du receveur, n’ont pas pu tous en
prendre lecture, et il en est qui ont été pris en contravention de la meilleure
foi du monde.
Les marchands de Bruxelles ne
sont pas les seuls qui réclament : déjà la ville de Gand a adressé une pétition
à la chambre qui est la reproduction de celle de Bruxelles ; les autres villes
suivront cet exemple. J’ai lieu de croire que M. le ministre des finances ne
fermera pas l’oreille à toutes ces réclamations. Je l’espère d’autant plus que
M. le ministre, alors qu’il était directeur des accises, avait la réputation
d’être le moins fiscal des employés de la province. (On rit.)
Quant
aux garances, la chambre m’a paru être d’accord. Sans cela, je me ferais fort
de prouver que l’arrêté du ministre est inconstitutionnel et injuste. En effet,
messieurs, ou bien il modifie la loi, ou bien il n’a été rendu que pour
l’exécution de la loi. S’il modifie la loi, il est inconstitutionnel ; s’il
n’est rendu que pour l’exécution de la loi, il est injuste, car il consacre une
faveur pour la ville d’Anvers au préjudice de la ville d’Ostende.
La ville d’Ostende n’a pas
réclamé, dit-on ; mais peu importe.... La justice est indépendante de toutes
les réclamations. J’espère que M. le ministre rendra bientôt un arrêté qui
fasse disparaître ce que celui-ci a de défectueux ; j’espère enfin qu’il le
retirera s’il est inconstitutionnel, et que s’il n’est qu’injuste, il étendra à
toutes les villes la faveur accordée jusqu’à présent à une seule.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Je crois avoir déjà donné tous les renseignements qui prouvent ma conviction
profonde et ma bonne foi, lorsque j’ai fait prendre au pouvoir exécutif un
arrêté que je croyais dans ses attributions ; car, messieurs, il ne s’agissait
que d’augmenter la tare pour les raisons très justes que j’ai fournies ; aucune
modification n’était apportée au tarif.
On a dit que j’avais pris cet
arrêté de mon propre mouvement. Mais, messieurs, j’ai fait connaître la marche
que j’ai suivie avant de porter la pétition dont on a parlé au pouvoir royal.
Cette pétition a été soumise à l’avis de M. le ministre de l’intérieur, qui l’a
soumise à l’avis de la commission d’industrie.
Il est donc certain que ce
ministre a eu connaissance de l’objet qui nous occupe ; il est une lettre de
lui qui en ferait foi au besoin.
Vous voyez donc qu’aucune
formalité n’a été omise pour arriver à la solution de la question : le rapport
de la commission d’industrie vous confirmerait encore dans l’opinion que
j’avance.
Je le répète, la chambre a
connaissance de tous les motifs qui m’ont dirigé ; je serais bien malheureux si
j’avais fait, avec d’aussi bonnes intentions, un acte qui méritât l’improbation
de la chambre. Si vous trouvez que j’ai eu tort, je n’éprouve aucune répugnance
à vous soumettre telle disposition qui rende à la législature le pouvoir
qu’elle voudrait exercer. Sous peu de temps, nous vous proposerons quelques
modifications indispensables à certains articles du tarif ; la chambre pourra
faire passer alors ce qui fait l’objet de l’arrêté dont il est question.
Quant au privilège dont on a
parlé, je crois avoir détruit cette assertion en vous faisant connaître l’art.
313.
Un reproche bien grave, s’il
était mérité, c’est celui d’avoir démissionné légèrement des employés. A cet
égard, le ministre a déjà eu l’honneur de vous déclarer que jamais une
démission n’était accordée que sur le vu de pièces officielles authentiques,
ayant tous les caractères possibles de vérité. Je n entends pas dire par là que
le ministre n’ait pas pu être induit en erreur. Mais il faudrait avouer que
c’est un piège grossier, indigne de tout honnête homme, que de délivrer un
certificat d’invalidité absolue à l’individu qui le réclame sans qu’il lui soit
dû réellement. La commission nommée pour examiner les titres des pensionnaires
de la caisse de retraite se réunira, je l’espère, sous peu de jours, et alors
elle reconnaîtra que nous avons été trompés, ou bien que les certificats ont de
la valeur. Je ne demande pas mieux que ce fait soit éclairci.
Des places, a-t-on dit, se
vendent et s’achètent. Si l’on m’avait rendu le service de me prévenir de ce
fait d’une manière quelconque, je déclare que ces employés auraient été perdus
pour toujours, vendeur et acheteur.
On a fait allusion à des
personnes dont je crois avoir découvert les noms. On a avancé qu’elles avaient
été démissionnées par suite d’arrangements. Pourtant je puis assurer que jamais
démission pour cause d’invalidité n’a été mieux accordée qu’une de celles-là,
puisque le démissionnaire est mort.
M. de Brouckere. - Les personnes auxquelles j’ai fait allusion se portent très bien.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Eh bien, si ces personnes nous étaient signalées, et que je fusse appelé à
manier encore les affaires publiques, je les frapperais d’anathème, et jamais
il ne leur serait donné d’avancement.
On a parlé de recouvrements considérables
à faire du chef d’avances faites sur de fonds particuliers mis à la disposition
du gouvernement pour aider à certaines industries. Je n’entrerai pas dans le
détail des raisons qui ont fait établir ce genre de dépenses ; je dirai
seulement que plusieurs des personnes qui ont reçu ces avances se trouvent
actuellement, et pour avoir voulu donner à leur industrie un développement que
le pays et les circonstances ne comportaient pas, dans un état de gêne qui les
empêche de satisfaire à leurs obligations, et ne leur permettent pas d’opérer
les remboursements aux époques qui avaient été fixées. S’il en est dont la
position soit favorable, le gouvernement ne négligera rien pour faire rentrer
le plus promptement possible les avances dont elles lui sont redevables.
Je ferai tontes diligences
possibles pour que le trésor rentre dans les avances qu’il a faites. Sur ce
point, je dirai que des pétitions m’ont été adressées pour réclamer des délais
; les circonstances, disent les commerçants, ne leur permettent pas encore
d’opérer les remboursements. Le gouvernement doit agir avec prudence à cet
égard.
Quant à la requête des
marchands de vins, tendant à convertir le crédit permanent en crédit à terme,
je pense qu’il sera possible d’avoir égard à cette demande. Sous peu il
deviendra nécessaire de soumettre à la chambre une loi qui modifiera l’impôt
sur les eaux-de-vie étrangères ; alors il sera convenable d’introduire le
nouveau mode de crédit pour le vin et les eaux-de-vie étrangères.
Jusqu’à
ce jour, les eaux-de-vie ne doivent la taxe qu’au moment où elles sont en
circulation, et il n’y a que les passavants qui puissent justifier les
déplacements.
C’est comme facilité pour le
commerce que le crédit permanent a été accordé, parce que le droit n’est acquis
à l’Etat qu’au fur et à mesure que le commerce a placé sa marchandise.
J’ajouterai que le crédit à terme n’est pas sans inconvénients pour le trésor ;
car le trésor éprouve des pertes par suite des faillites et d’autres
circonstances fâcheuses, provenant du commerce des liquides.
Je pense aussi qu’on pourra
modifier d’une manière avantageuse au commerce les droits sur la fermeture et
l’ouverture des entrepôts particuliers.
On a dit que le commerce
n’avait pas été prévenu à temps de la nécessité des passavants ; j’ai été
informé officiellement que les avertissements avaient été donnés
convenablement.
M. de Brouckere. - J’aurais mauvaise grâce de déclarer que je ne
suis pas satisfait des explications données par le ministre des finances ; mais
je dois faire observer que mes observations ne portent que sur l’avenir : si,
par suite de ce que j’ai dit, un seul employé devait être frappé, je serais
fâché d’avoir parlé ; je prie M. le ministre des finances de fermer les yeux
sur le passé et de ne les ouvrir que pour l’avenir. Je suis persuadé qu’il n’a
pas eu connaissance de ce qui s’est passé ; cependant il aurait pu mettre plus
de prudence dans les nominations. Les personnes dont j’ai entendu parler vivent
toutes deux ; la démission de l’une n’a précédé que de huit jours la nomination
de l’autre.
Le régime des passavants
pourra cesser, a dit le ministre ; c’est une bonne nouvelle qu’apprendra le
commerce Quoi qu’il en soit, le ministre pourrait, par ses instructions, rendre
ses agents moins exigeants relativement à une formalité qui n’est pas bien
importante. Son prédécesseur n’était pas sévère sur ce point, et le trésor n’y
perdait rien.
M. A. Rodenbach. - Puisque le ministre des finances
soumettra sous peu des modifications au tarif des douanes, et que dans ces
modifications seront compris les résidus de garance, je m’abstiendrai d’en
parler. Mais, puisque la parole m’est donnée, je ferai observer que l’on ne
s’occupe plus de la discussion générale sur le budget des finances. On veut
sans doute gagner du temps ; quoi qu’il en soit je ferai une question. On nous
a promis en 1831, en 1832, en 1833, de changer notre système financier, et
cependant rien n’est changé. Il n’est donc pas possible de tenir compte des promesses
ministérielles.
On devait nous soumettre une
loi sur les patentes, et nous n’avons pas encore vu cette loi.
Il existe dans les cartons du
ministère une loi sur l’impôt personnel, impôt inique, impôt qui n’est pas dans
nos mœurs, impôt qui nous vient de l’odieux gouvernement hollandais, et qui est
tout à fait en faveur du riche ; pourquoi cette loi ne nous est-elle pas
présentée ?
Il ne faut pas nous faire
rouler plus longtemps dans l’ornière de la routine financière. La routine est
sans doute plus commode pour les habitudes ministérielles ; mais comme MM. les
employés sortent de la routine lorsqu’il s’agit de leurs appointements, qui
sont majorés de 40,000 fr. cette année, ils pourraient bien nous préparer de
bonnes lois. J’aperçois ici cinq commissaires du Roi, tous d’une grande
capacité ; ils peuvent formuler des projets financiers que réclament le pays,
les chambres, que le congrès a demandés. On ne peut pas supporter plus
longtemps le système odieux et fiscal du tyran que nous avons chassé depuis
trois ans.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Malgré les travaux nombreux auxquels a dû se livrer le ministère des
finances, l’on n’a pas un instant perdu de vue le désir, souvent exprimé dans
cette chambre, de voir refondre notre système financier. Aussi une nouvelle loi
générale des douanes est entièrement rédigée et se trouve en ce moment soumise
à l’avis des chambres de commerce et de la commission supérieure d’industrie et
de commerce, dont on attend les observations.
Une loi sur la contribution
personnelle est aussi préparée et a même déjà été communiquée officieusement à
quelques membres de cette chambre ; ces deux projets vous seront présentés dans
les premiers jours de la session prochaine.
Un projet de loi en matière de
patentes s’élabore également, et je prends l’engagement de vous le soumettre
avant que les chambres aient achevé leurs délibérations sur ceux dont je viens
de vous entretenir. Je vous rappellerai aussi qu’un projet de loi d’accises sur
les sels, formé par les soins de la commission chargée de la révision des
impôts, a déjà été présenté à la chambre dans une précédente session ; mais il
n’a pas été livré à la discussion, et il résulte des explications et des
renseignements demandés alors par la section centrale, qu’il s’est présenté
beaucoup de difficultés qui n’ont pas été aplanies, surtout en ce qui concerne
le mode d’importation de cette denrée. Une nouvelle loi sur les distilleries,
rédigée par une commission composée de membres de cette chambre, a remplacé une
loi infiniment plus productive, mais repoussée comme fiscale, vexatoire et
opposée aux intérêts de l’agriculture.
Plusieurs modifications
importantes ont encore été apportées à notre système financier par les lois des
budgets, et lui ont ôté ce qu’il avait de réellement odieux. C’est par suite de
ces modifications que les contribuables se trouvent délivrés de l’obligation de
renouveler chaque année des déclarations de tous leurs objets imposables, et
peuvent se référer aux bases de leur cotisation précédente ; qu’ils évitent la
visite des experts, sauf dans quelques cas d’exception ; que le droit de
patente est beaucoup plus modéré ; que des formalités gênantes ont été
supprimées pour le transport de la plupart des liquides soumis aux accises, et
que d’autres améliorations encore ont été successivement introduites.
Toutes les
lois sont d’ailleurs exécutées avec une telle modération par les agents de
l’administration, que je ne crois pas qu’il existe un pays où il s’élève moins
de plaintes, tant sur les lois elles-mêmes que sur la manière dont elles sont
appliquées. Cela se conçoit, du reste, facilement ; car, abstraction faite des
impôts moulure et abattage, supprimés dès le premier jour de notre émancipation
politique, ce n’est pas tant le système des finances en lui-même contre lequel
on s’est tant récrié, puisqu’en définitive les mêmes objets sont soumis à
l’impôt dans la plupart des Etats ; mais ce sont les formalités compliquées
auxquelles les redevables étaient astreints, et la fiscalité tracassière
qu’elles amenaient qui ont excité de justes plaintes. Aussi, tout en
remplissant les engagements pris dans cette chambre de proposer de nouvelles
lois, je vous avoue que ce n’est pas sans appréhension que, dans l’incertitude
des événements et lorsque la paix n’est pas encore définitivement conclue, je
verrai, en renversant la législation actuelle, compromettre les ressources de
l’Etat, en introduisant un nouveau système qui, bien que fait dans des vues
d’amélioration, devra nécessairement froisser beaucoup d’intérêts, et
présentera toujours quelque incertitude dans ses résultats. Ce sera donc plutôt
en acquit d’engagements contractés que par la conviction intime de
l’opportunité d’introduire dès à présent de nouvelles lois de finances que je vous
soumettrai les projets dont je viens de vous entretenir ; ce sera à votre
sagesse et à votre prévoyance de juger, messieurs, s’il sera convenable de vous
en occuper immédiatement, on s’il ne sera pas plus prudent d’en ajourner la
discussion jusqu’à une époque où de pareils essais pourront se faire sans aucun
danger.
M. Meeus. - Ainsi que vient de vous le dire M. Rodenbach, beaucoup d’hommes
distingués sont attachés au ministère des finances (je veux parler de MM. les
administrateurs-généraux) ; s’ils pouvaient, en raison de leur nombre,
contribuer à nous donner un nouveau et un bon système financier, depuis trois
ans nous devrions déjà l’avoir obtenu. Personne ne rend plus justice que moi
aux talents de MM. les administrateurs et à la bonne volonté de M. le ministre
des finances ; mais dans ma pensée, tant que le ministère sera divisé, comme il
l’est aujourd’hui, en cinq parties, on ne pourra avoir un système financier
convenable aux intérêts de
Un bon système, sur une telle
matière, doit sortir de la tête d’un seul homme, directeur par lui-même de
toutes les parties de l’administration financière ; c’est en dirigeant
l’administration entière qu’on comprend la relation des parties qui la
constituent. On se fie trop aujourd’hui sur chaque administrateur ; et le
ministre ne s’occupant pas assez des sections de son département, n’en connaît
pas tous les rapports. Je doute que, tant que l’organisation intérieure du
ministère sera telle qu’elle est aujourd’hui, on puisse jamais faire des
changements utiles. On pourra démolir, mais on ne pourra pas édifier.
Je ne développerai pas
davantage ces considérations ; c’est l’année prochaine, quand on discutera le
budget, que la chambre décidera si elle veut rester dans la voie actuelle, et
si elle veut continuer une répartition aussi injuste que celle qui existe
aujourd’hui en matière d’impôts.
C’est alors qu’il faudra, par
le rejet du budget, obliger le gouvernement à appeler à la tête des finances,
non un ministre ad interim, mais un ministre
définitif et qui ait assez de lumières pour saisir toutes les parties de
l’administration ; un tel ministre pourra nous présenter un plan complet,
différent de celui que nous avons et que je suis le premier à reconnaître comme
très vicieux.
J’appuierai ce qu’a dit
l’honorable M. de Brouckere relativement au commerce sur les vins et
eaux-de-vie ; j’espère que le ministre ne tardera pas longtemps à présenter une
loi sur cette matière, laquelle fera cesser les abus introduits pour les
crédits et pour l’ouverture des entrepôts.
J’ignore si vous connaissez
l’arrêté ministériel qui fixe le droit d’ouverture des entrepôts ; ce tarif est
injuste et fiscal ; pour 8 heures d’ouverture les négociants sont obligés de
payer 2 fl. 50 c.
Pour 8 heures et demie, 2 fl.
70 c.
Pour 9 heures, 2 fl. 64
c.
Pour 10 heures, 2 fl. 50 c.
Il m’est impossible de
concevoir les motifs qui ont pu faire établir ces disproportions ; mais ce qui
m’est connu, c’est que ces droits exorbitants rapportent des sommes
considérables qui ne sont pas portées au budget ; du moins on n’a pas répondu à
la demande de M. de Brouckere sur ce point.
Si je suis bien informé, ces
droits rapportent dans la ville d’Anvers, 22,000 fr. Ils doivent donc rapporter
proportionnellement dans les autres villes. J’interpelle à mon tour M. le
ministre, et le prie de nous dire l’emploi de ces sommes.
J’ai été charmée d’entendre de
la bouche du ministre des finances que l’on va modifier la loi dont se
plaignent les marchands de vins et d’eaux-de-vie, mais, en attendant, je crois
qu’il ferait bien de revenir pour l’ouverture des magasins à une disposition
qui n’entraverait pas le commerce. La loi de 1822 dit que l’on prendra
relativement à l’ouverture et à la fermeture des entrepôts, des dispositions
propres à éviter aux intéressés toutes charges onéreuses ; de là il suit qu’on
ne doit pas mettre à la charge des négociants les droits dont il s’agit.
Quatre des principaux
marchands d’Anvers paient chacun au-delà de 1,500 francs pour l’ouverture de
leurs magasins. Vous avouerez, messieurs, que c’est exorbitant après avoir déjà
payé le droit de patente. Je prie donc M. le ministre de satisfaire le plus tôt
possible à ces réclamations.
Je passerai maintenant aux
discours prononcés dans la séance d’hier par MM. Jadot et Legrelle. J’y suis
obligé par suite de ce qui a été dit dans une séance précédente, alors qu’une
sortie fut faite contre la banque par MM. Dumortier et Legrelle. Je n’assistais
pas à cette séance, et je n’étais pas en droit de prendre la parole le
lendemain pour réveiller une discussion terminée, et cependant la chambre a eu
la bonté de m’entendre ; je la remercie de sa bienveillance. A cette époque M.
le ministre de la justice a demandé la clôture, et il a fondé sa demande sur
des motifs très justes. Il a dit entre autres choses : Nous ne reconnaissons à
personne dans cette enceinte le droit de se faire avocat de la banque.
Certainement cela est rationnel ; mais si de la tribune il tombe des
accusations, on signale des faits contre un établissement, il doit appartenir
aux membres qui sont initiés aux actes de cet établissement de répondre, sans
quoi la tribune ne serait plus qu’un moyen d’accuser. C’est donc comme député,
sachant des faits contraires à ceux qu’on a signalés, et non pas comme
gouverneur de la banque, que je parle.
Je dirai d’abord que si je
suis bien informé, la banque ne se soucie pas du tout d’être caissier de
l’état. Ce ne sont pas ses intérêts qui le lui commandent ; mais, ainsi que le
porte le titre de son institution, elle croit devoir concourir autant qu’elle
le peut à servir le pays, l’industrie et le commerce. Si donc elle ne renvoie
pas les caisses au ministre des finances, c’est qu’elle ne veut pas assumer sur
elle la responsabilité immense de cesser de rendre des services à l’Etat, alors
qu’on n’a pas jugé convenable de lui retirer ses fonctions.
L’honorable M. Jadot a établi
des chiffres que je suis forcé de rectifier, parce qu’ils pourraient induire la
chambre en erreur. D’abord, il s’est plaint de ce que jusqu’au 30 septembre
1830, toutes les recettes ont été portées au compte du précédent gouvernement.
Messieurs, il devait en être ainsi. Pendant les journées de septembre aucune
recette n’avait lieu, ou bien c’était si peu de chose qu’autant vaut ne pas en
parler : d’ailleurs, sur ce point on s’est mis d’accord avec le gouvernement
provisoire.
Sur le solde qui restait à
l’ancien gouvernement, M. Jadot trouve dans le compte rendu au 30 septembre et
celui rendu au 30 décembre une différence de 1,400,000 fr. Cette différence
provient des paiements qui ont été faits par les ordres mêmes du gouvernement
provisoire. Il avait interdit à la banque de rien payer sans ses ordres, mais
il a donné l’autorisation de solder les Belges porteurs d’assignations sur les
caisses de l’Etat. Chaque fois qu’il s’élevait des doutes, M. Coghen, alors
ministre, était consulté, et il donnait des instructions, Les différentes
sommes fournies par l’ancien gouvernement se sont élevées à 1,861,000 fr. :
voilà le chiffre exact.
L’honorable M. Coghen a
demandé la remise des fonds versés par les villes dans les caisses de la
banque. La ville de Gand avait réclamé de ce chef une somme assez forte, et
quoique la consultation des avocats de la banque lui fût contraire, nous avons
reconnu que ses droits étaient tellement justes, que nous n’avons pas cru
devoir refuser de lui rendre les fonds qu’elle avait versés.
M. Jadot fait remarquer aussi
que les dispositions courantes, s’élevant à 10 millions environ portés dans le
compte du 30 septembre 1830, ne figurent plus dans les comptes postérieurs. La
raison en est fort simple, c’est que du jour où le gouvernement a dit à la
banque de ne plus rien payer, nous avons considéré comme nulles toutes les dispositions
de l’ancien gouvernement.
M. Jadot ajoute : « Quant
à l’augmentation de 621.906 fl. 60 c., qu’a subie le
solde en caisse au 30 septembre 1830, des agents de la banque en Hollande, il
m’est impossible d’en deviner le motif. »
Ce motif, messieurs, c’est que
lorsque l’on a demandé un compte au 30 septembre, nous n’avions pas reçu de
toute la province les états de situation qui étaient arrêtés à toutes les
postes. Ce n’est même que longtemps après que plusieurs nous sont parvenus :
par exemple, celui concernant la ville de Maestricht. Dès que nous les avons
obtenus, nous les avons renseignés au ministre.
Quant à la question de savoir
si la banque a bien ou mal fait de refuser de payer au gouvernement belge les 6
millions qui devaient lui rester en caisse comme le caissier de l’Etat, elle a
été trop débattue pour que j’y revienne ; c’est un point litigieux que la
banque aussi désire voir résolu. Si la chambre ne trouve pas ses apaisements
dans l’avis des jurisconsultes choisis dans l’élite du barreau de Bruxelles,
qui ont décidé que, sans compromettre sa responsabilité, la banque ne peut
compter qu’avec les deux gouvernements ; si cet avis ne semble pas fondé, rien
n’est plus simple que d’appeler la banque en justice. Du reste, la compensation
qu’elle fait valoir était certainement une raison de n’en pas venir à cette
extrémité ; car si l’Etat réclame une somme d’elle, elle à son tour peut
réclamer de lui une somme beaucoup plus forte qu’elle lui a prêtée ; mais
j’avoue malgré cela qu’après tout ce qui s’est passé dans la chambre, si
j’étais appelé moi-même au ministère des finances, j’attaquerais la banque
immédiatement.
Je ne saurais voir aujourd’hui
d’inconvénient dans une poursuite judiciaire. Peut-être eût-ce été un acte
impolitique dans une autre circonstance ; mais maintenant que la banque le
provoque elle-même depuis deux ans, je ne vois pas pourquoi on ne le ferait
pas.
M. Jadot a dit que la banque
devait au syndicat une somme très forte ; ce fait est exact en partie. Le
syndicat n’a pas reçu la somme que la banque devait en raison de sa
participation à l’emprunt de 30 millions ; mais si vous avez présent à la
mémoire le projet d’emprunt, vous reconnaîtrez, messieurs, qu’il ne s’agissait
pas de payer en écus, mais bien en los-renten ;
ainsi, ce n’est que du papier, papier que nous avons dans nos caisses. Nous
n’en comptons pas avec le syndicat, parce que nous avons avec lui bien d’autres
comptes qui nous regardent autant que l’Etat.
M. Jadot a dit aussi :
« La société générale n’a pas été instituée dans l’intérêt public, aucune
idée généreuse n’a participé à sa création ; elle est une association de
spéculateurs dont le principal est Guillaume de Nassau, qui l’a favorisée dans
ses seuls intérêts par tous les moyens dont il pouvait disposer comme roi.
« C’est lui qui l’a
constamment surveillée et dirigée, qui exerce encore sur elle en ce moment
l’influence que lui donnent le nombre et l’importance de ses actions sociales
non séquestrées, nonobstant l’arrêté du gouvernement provisoire, de sorte qu’on
peut dire qu’il est encore aujourd’hui notre caissier-général. »
Messieurs, si ceux qui sont à
la tête de l’administration de la banque se croyaient les agents du roi
Guillaume, plusieurs, et j’ose dire, tous ne tarderaient pas à révoquer leur
mandat. Non, ce n’est pas dans les intérêts particuliers du roi Guillaume que
la banque est instituée, mais dans l’intérêt du pays. Quant à l’influence qu’il
exercerait sur elle, je ferai remarquer qu’après la révolution la banque a
déclaré, en conseil général, que le roi Guillaume et les Hollandais, devenus
étrangers à
Je viens maintenant à ce qu’a
dit l’honorable M. Legrelle ; il s’est exprimé ainsi :
« Vous le savez, 75,000
fl. se trouvaient entre les mains de l’agent financier à Turnhout, et ils
furent livrés aux Hollandais. » Il est vrai que cet agent a été surpris
par les Hollandais. Mais le gouvernement ne lui avait pas donné d’ordre, car on
comptait sur l’armistice qui n’a pas été respecté par le roi Guillaume.
Il a ajouté : « Eh bien
! si les Hollandais fussent venus jusqu’à Bruxelles, le dépôt de la banque
aurait-il été plus sacré ? » Je m’applaudis de ce que M. Legrelle a mis en
doute les intentions de la banque à cette époque, puisque cela me donne
l’occasion de vous faire connaître le procès-verbal du conseil général de la
banque, qui a été tenu alors. Voilà le texte de ce procès-verbal :
« M. le gouverneur expose
que, dans les circonstances critiques où se trouve le pays, il a convoqué le
conseil général pour lui soumettre diverses questions d’une haute importance
pour la société générale.
« M. le ministre des
finances a invité la direction à prendre les mesures nécessaires pour être
prête à expédier à Mons, au premier avis qu’il donnera, tous les fonds
appartenant au trésor public, et dont la société générale est dépositaire, dans
sa qualité de caissier général de l’Etat. Le ministre demande cependant que la
direction conserve un million de florins, et que, jusqu’au dernier moment, elle
tienne cette somme à la disposition du gouvernement.
« Le conseil général
déclare que la société générale, comme caissier-général de l’Etat, doit se
conformer exactement, et entièrement aux instructions de M. le ministre des
finances, relativement aux fonds qui appartiennent au gouvernement, et dont
elle n’est que dépositaire.
« M. le gouverneur
demande ensuite au conseil quelles sont les mesures qu’il juge convenable et
conforme aux intérêts de la société générale de prendre relativement aux
billets de banque et aux valeurs de toutes espèces, en effets publics qui,
appartenant à ladite société, ou déposés par des établissements et des
particuliers, se trouvent au trésor, ainsi que dans la tour, à l’abri du feu.
« Le conseil décide :
« 1° Quand aux billets de
banque, qu’ils seront tous, s’il y a lieu, et si la direction le juge
convenable, frappés du timbre d’annulation, renfermés dans un paquet cacheté et
transportés hors de Bruxelles au même lieu ou seront réunies les valeurs en
fonds publics appartenant à la société générale.
« 2° Quant aux effets et
fonds publics, que ces titres seront transportés à Tournay où M. le gouverneur
et M. le directeur Rittweger sont invités à se
rendre, aussitôt que le gouvernement croira devoir prescrire la translation des
sommes qui lui appartiennent.
« 3° Qu’en attendant que
M. le gouverneur et M. le directeur Rittweger
puissent se rendre à Tournay, la direction pourra, si elle le juge convenable,
en conséquence des événements, faire partir pour Tournay, avec deux employés du
trésor, les billets au porteur, les sommes, effets et fonds publics appartenant
à la société générale, ou déposés au trésor. »
Aussi, je le déclare, à
l’exception de 300,000 fl. environ, qui restèrent pour faire le service d’une
journée, tous les autres fonds de la banque furent mis à l’abri pour le cas où
le malheur aurait voulu que les Hollandais revinssent à Bruxelles.
Messieurs, c’est assez vous
entretenir de ce qui regarde la banque ; mais puisqu’on a entamé la question du
caissier de l’Etat, permettez-moi de vous donner mon opinion à cet égard. Si je
n’appartenais pas à la banque, je dirais que l’organisation du caissier de
l’Etat n’est pas entière, parce qu’elle n’apporte pas au pays, en suite des
dispositions relatées dans les actes passés avec le gouvernement, la garantie
d’un trésor séparé du ministère des finances. Qu’est-elle aujourd’hui comme
caissier de l’Etat ? Elle est aux ordres du ministère des finances, à tel point
que si tout à l’heure le ministre de ce département voulait, par un mandat,
disposer de tout le solde du caissier de l’Etat, le caissier ne pourrait le lui
refuser sans violer son contrat.
Si vous voulez que la banque
reste caissier de l’Etat, il fait la rendre encore plus indépendante du
gouvernement qu’elle ne l’est aujourd’hui ; il faut que vis-à-vis du ministre
de finances ainsi que des autres ministres elle ne puisse payer qu’en vertu du
visa de la cour des comptes. Si l’on n’avise pas au moyen d’établir un tel état
de choses, vous resterez dans une position fort désagréable ; vous n’aurez pas
de garanties que le ministre n’outrepassera point les crédits que vous lui
accorderez, ou bien qu’il n’emploiera pas des sommes par avance sauf à les
régulariser ensuite.
Si, au contraire, vous décidez
qu’il n’y aura plus de caissier de l’Etat, et qu’on rétablira les
receveurs-généraux, soit ; mais encore les paiements ne devront-ils se faire
qu’en vertu du visa de la cour des comptes. Quant à moi, je ne conçois pas
qu’on puisse établir quelque chose de mieux pour les caisses de l’Etat que ce
qui et aujourd’hui.
On dit qu’il n’y a pas de
contrôle avec la banque ; mais il y a, au contraire, un double contrôle.
Ainsi, avec la situation qui
vous est remise tous les 15 jours, vous êtes en état de contrôler par les
agents du trésor ; et avec les situations que vous remettent ces derniers, vous
contrôlez le caissier de l’Etat.
On vous a parlé des ports de
lettres ; je répondrai que si vous aviez des receveurs-généraux, faudrait bien les exempter de ces frais-là.
En définitive, ce n’est donc
qu’un poste d’écriture et de comptabilité indispensable.
Quant à l’administration de la
banque, elle coûte moins cher à l’Etat qu’une administration spéciale ; et s’il
fallait établir des receveurs-généraux, je doute que les anciens employés
auxquels on a donné des pensions puissent reprendre leurs fonctions, et il est
douteux que l’on parvienne à composer avec eux une organisation complète.
Dans l’intérêt du pays, il
faut laisser à la banque les caisses de l’Etat ; mais il convient d’apporter
quelques modifications dans vos arrangements avec elle.
Je crois qu’il faut l’obliger
à ne rien payer que sur un visa de la cour des comptes.
Maintenant je ne ferai pas
valoir les avantages qui résultent pour le pays de ce fait, que la banque est
caissier de l’Etat ; si la banque cessait de l’être, ses billets ne seraient
plus échangeables partout. Or, ce serait là un inconvénient très fâcheux pour
un pays comme le nôtre, que son système monétaire, que je suis loin
d’approuver, expose à avoir peu de numéraire chez lui. D’un autre côté, la
banque, ne pouvant plus avoir des agents dans toutes nos grandes villes, ne
serait plus à même d’être utile au commerce et à l’industrie sur tous les
points du royaume.
Je crois donc qu’il faut
réfléchir mûrement avant d’ôter à la banque les caisses de l’Etat. Mais il faut
organiser les services de façon ce qu’elle ait une comptabilité régulière, et
qu’aucun ministre, pas même le ministre des finances, ne puisse disposer des
fonds sans visa préalable de la cour des comptes.
On a
parlé des actions du roi Guillaume par rapport au séquestre. Mais je ne
comprends pas ce qu’on nous a dit à cet égard. M. Jadot doit savoir que la
banque a pris, vis-à-vis de l’honorable M. Coghen, lorsqu’il était ministre des
finances, l’engagement formel de ne pas permettre qu’un seul centime soit versé
dans les mains du roi Guillaume et de ne lui laisser la disposition d’aucune de
ses actions. Nous avons dû respecter cet engagement dans l’intérêt du
gouvernement, et aussi, je puis vous le dire, dans notre propre intérêt. Car,
messieurs le roi Guillaume avait garanti aux actionnaires un intérêt de 5 p. c.
Aussi, en 1830, la banque ayant éprouvé une perte considérable, ce fut au débet
du compte du roi Guillaume que les intérêts furent payés aux actionnaires.
Quant au séquestre, il ne faut
pas s’en occuper. Le roi Guillaume doit plus à la banque qu’il n’aura à
réclamer d’ici deux ou trois ans. Quand la banque aura été remboursée de ses
avances, alors on pourra venir lui faire la demande du surplus, demande qu’elle
accueillera volontiers en tant que l’on mette sa responsabilité à couvert. J’ai
dit.
M. Legrelle. - Il me semble que toute discussion sur
le fond de cette question serait intempestive, inopportune, puisqu’une
commission spéciale est chargée de l’examiner. Je relèverai seulement quelques
expressions échappées à l’honorable préopinant. Il a prétendu que j’avais mis
en doute les sentiments du directeur de la banque. Cette assertion est erronée
; j’ai manifesté mes regrets sur la somme de 75,000 fl. qui nous a été enlevée
par les Hollandais à Turnhout. C’est sous l’impression de cette perte, que nous
n’aurions pas dû éprouver, que j’ai demandé ce que seraient devenues notre
nationalité et notre indépendance, si le trésor était aussi devenu la proie de
nos ennemis. Du reste, je prie l’honorable préopinant, et toutes personnes
attachées à la banque qui peuvent être intéressées dans cette question, de
croire que je n’ai jamais douté de leurs sentiments personnels.
M. Faider, commissaire du
Roi. - A l’occasion
de la discussion du budget des finances, plusieurs membres ont manifesté le
désir de voir exécuter enfin les dispositions de l’art. 139, c’est-à-dire,
qu’il soit pourvu d’une manière complète à la révision de nos lois financières.
Cette tâche est difficile, messieurs : déjà plus d’une fois des discussions se
sont élevées sur la manière dont il faudrait opérer ce changement. L’honorable
M. Seron a conseillé de résoudre la difficulté par le système de l’an VII de la
république française ; il nous a conseillé du moins de nous en rapprocher
beaucoup. Mais, messieurs, les principes de ce temps-là ne sont plus
applicables aujourd’hui, parce que les éléments politiques constitutifs du
gouvernement ont changé. Et les lois financières doivent s’approprier à ces
éléments constitutifs.
En l’an VII il n’y avait qu’un
élément, l’élément démocratique. Depuis nous avons eu, du moins en assez grande
abondance, l’élément aristocratique. Aussi avons-nous entendu l’honorable M.
Meeus donner un autre conseil et demander que la contribution foncière devînt
impôt de quotité, d’impôt de répartition qu’elle est aujourd’hui ;
c’est-à-dire, qu’il veut transformer, par son principe de perception, la
contribution foncière en contribution aristocratique.
Cependant, messieurs, les deux
avis que je viens de rapporter s’accordent mal ensemble. Aucun orateur ne s’est
élevé contre ces deux systèmes contradictoires, et rien n’a manifesté de quel
côté inclinait la majorité de cette chambre. Pour mettre le gouvernement dans
la bonne voie, il conviendrait donc que MM. les membres fissent usage de leur
droit d’initiative.
Car, messieurs, nous marchons
à tâtons dans la révision des lois financières, et cela se conçoit : il faut,
en effet, que nous conservions les éléments politiques dont j’ai parlé ; il
faut que nous ayons des impôts démocratiques et aristocratiques répondant aux
éléments dont se compose notre gouvernement. Un système nouveau qui s’éloignerait
de ces deux principes serait extrêmement dangereux : car, on ne peut pas
répondre du produit d’un impôt avant l’expérience. Voyez le système financier
de 1822, il a mis trois années à se développer et à produire ce qu’on avait
attendu de lui.
D’ailleurs, ce nouveau système
que l’on demande, nous ne savons pas sur quelles bases l’établir. On demande un
changement complet ; mais ce n’est pas là ce que veut l’art. 139 ; il veut
seulement que l’on purge le système financier de tout ce qu’il a de contraire
aux nouveaux éléments introduits dans la constitution. Et puis enfin, avant
d’établir un nouveau système, avant d’abolir les accises, il faut que nous
essayions peu d’impôts et qu’il soit facile de faire des essais financiers ; il
faut que nous soyons dans une position toute différente.
Il ne
suffit pas de se plaindre, de donner des conseils ; il faut les formuler.
On dit que nous ne marchons
pas assez vite en fait de révision ; ce reproche est injuste. Nous marchons
sagement ; nous hâter serait nous exposer à démolir avant d’avoir rien
construit, et l’Etat pourrait bien se trouver sans recettes.
Le système de l’an VIII été
appliqué jusqu’en 21 ; celui de
M. Milcamps. - Je ne veux pas examiner si, soit en vertu du
droit de conquête ou de simple occupation, le gouvernement belge a qualité, ou
si, en vertu du droit civil, il a action pour agir en reddition de compte
contre la banque, et la contraindre au paiement des sommes dont on la dit
dépositaire.
On n’agit en justice en
reddition de compte que lorsque le comptable refuse de le rendre par la voie
amiable, et lorsqu’il a été mis en demeure.
Je désire donc savoir, et je crois
devoir en faire l’objet d’une interpellation à M. le ministre des finances si
la banque dénie au gouvernement belge qualité pour lui demander compte en
action, ou si elle se refuse seulement à restituer les sommes qu’elle a reçues
antérieurement au 30 septembre 1830, époque jusqu’à laquelle elle prétend avoir
encaissé au profit du gouvernement précédent.
Je conçois difficilement les
motifs qui puissent la porter à refuser de présenter un compte de sa gestion,
qui mette le gouvernement à même d’apprécier ses droits. Quant au versement du
reliquat dans la caisse du trésor belge, je puis concevoir qu’elle fasse
difficulté, et qu’elle n’effectue ce versement que par suite d’un jugement ;
car il lui importe peu savoir si, en opérant ce versement elle sera valablement
libérée.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier).
- La banque se récuse. Mais, messieurs, cette question ne peut être traitée
avec connaissance de cause que lorsque la commission chargée de l’examiner à
fond aura présenté son rapport au gouvernement.
Je saisirai cette occasion de
citer quelques faits que ma position m’a mis à même de connaître, au sujet de
la somme de 75,000 fl. tombée au pouvoir des Hollandais. Je sais qu’une enquête
a eu lieu pour expliquer la conduite plus qu’extraordinaire du comptable de la
banque, et qu’il est bien loin de s’être disculpé du reproche de négligence et
de conduite suspecte. Lorsque cette somme, qui était en or, a été prise par les
Hollandais, un des commissaires du Roi, ici présent, s’est vu au moment de
tomber au pouvoir des ennemis ; il a eu le temps de se sauver, lui et tout ce
qu’il avait ; je pense que le comptable dont il s’agit, pouvait en faire
autant.
Ou nous dit qu’il n’avait pas
d’instructions. Mais, dans des occasions comme celles-là, on prend ses
instructions de soi-même, et l’on file (on
rit) avec les deniers de l’Etat dont on est dépositaire, dût-on oublier les
siens.
Quelques membres. - Bien ! bien !
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je persiste à penser que ce comptable
est dans son tort.
D’ailleurs, messieurs, le
général Niellon qui était sur les lieux avait averti
du danger que l’on courait dans cette position. Les comptables de
l’administration n’ont pas perdu un écu ; ils étaient cependant sur la ligne et
plus exposés que l’agent de la banque. Eh bien ! ils ont tout sauvé : argent,
livres, documents.
Je n’ai pas à m’expliquer
maintenant sur la responsabilité de la banque ; c’est une affaire à examiner
ultérieurement.
M. Jadot. - M. Meeus a dit : « M. Jadot s’est plaint. » M. Jadot ne s’est
pas plaint ; il a soumis des observations à la chambre, c’est à la chambre à
les apprécier.
M. Meeus a cité des arrêtés du
gouvernement provisoire, des instructions du ministre à la banque, et encore un
engagement pris entre le ministre et la banque, qui s’oblige à ne pas permettre
l’aliénation des actions de la banque appartenant au roi Guillaume.
Eh bien ! messieurs, ces arrêtés,
ces instructions, ces engagements, je ne les ai trouvés nulle part ; et je suis
secrétaire-général des finances.
Il a dit que pour prendre part
à l’emprunt ouvert par le syndicat, il fallait avoir des los-renten ; mais, messieurs, vous savez tous comme moi que les
los-renten ne sont que des obligations délivrées en
échange de numéraire ou des effets de la dette hollandaise : les los-renten sont le produit de l’emprunt, et ne l’ont pas
précédé.
(Erratum au Moniteur belge n°275, du 2
octobre 1833) Cette accusation de M. Meeus, à l’occasion d’une dette de
Quant à ce qu’il a dit que le
contrôle actuel suffisait, je me rapporte à ce que la cour des comptes en a dit.
J’ai soutenu seulement qu’il n’y a pas de contrôle lorsqu’un employé supérieur
ne peut exiger des comptables la représentation des espèces en caisse.
Je maintiens pour vrai tout ce
que j’ai dit de la banque. J’en avais le droit, j’en ai usé, et j’en userai
librement aussi longtemps que j’aurai l’honneur de siéger dans cette enceinte,
sans consulter en cela la susceptibilité de qui que ce soit.
Je bornerai là mes
observations, car vous devez reconnaître messieurs, que M. Meeus n’a rien
détruit de ce que j’ai avancé ; nous sommes d’accord sur les objets principaux.
M.
A. Rodenbach. - Il ne faut pas
détruire quand on ne sait pas reconstruire, vient de dire M. le commissaire du
Roi ; mais le ministère précédent, en promettant des changements dans l’ordre
financier, concevait donc la possibilité de réédifier. Pourquoi ces promesses
n’ont-elles pas été tenues ?
Le ministre des finances, pour
l’époque de 1831, dans une séance du sénat, promit formellement de réviser
notre système financier de faire disparaître les lois fiscales, d’imposer les
cafés, les bois exotiques, les rentes, les tabacs et une foule d’autres
articles. Cependant les cafés ne paient encore qu’un droit excessivement
faible.
Dans l’une des séances du mois
de juin dernier, j’ai signalé l’iniquité de l’impôt personnel actuel : par
suite de la manière dont cet impôt est assis, il y a plus de six mille
personnes à Bruxelles qui ne le paient pas.
Avec
On vient de vous entretenir
des changements qui auraient déjà été apportés au système financier ; mais les
changements qui ont eu lieu ont été proposés, non par le gouvernement, mais par
des commissions formées des membres de cette assemblée. Le gouvernement n’a
proposé aucun changement. Il n’y a pas de nouvelle loi sur le sel ; le projet
en existe dans les cartons des sections. La douane a toujours le même tarif :
il existe bien un projet de tarif nouveau en deux ou trois cents articles ; il
repose dans la poudre des cartons ministériels.
Une seule chose a été bien
faite dans les douanes ; j’en dois parler comme je dois signaler les abus : on
a augmenté la part que doivent avoir les employés dans les prises ; cette
augmentation a produit un bon effet. De toutes parts on m’informe que la
surveillance des douaniers est plus active. J’en félicite
l’administrateur-général M. Delannoy.
Mais les autres parties
ont-elles été modifiées utilement ? l’enregistrement a-t-il subi des
changements ? On a supprimé le serment exigé par les Hollandais, et voilà tous.
On a peur de toucher à ce système fiscal et vexatoire, parce qu’on craint de ne
pas réussir à faire aussi mal.
Une
commission avait été nommée pour réviser les impôts. Qu’a-t-elle fait ? rien ;
le Moniteur ne nous entretient pas de
ses travaux.
Vous nous dites de ne pas nous
en tenir à des demandes générales, et de faire des demandes formulées ; mais
est-ce à nous à prendre toujours l’initiative ? C’est à vous, hommes spéciaux,
à savoir ce qui serait utile au pays, ce qui serait conforme à la justice, à
nos lois politiques fondamentales ; à nous proposer des projets de loi : vous
avez les lumières nécessaires pour préparer de bonnes lois ; faites-en usage
dans l’intérêt de votre patrie.
On craint qu’avec des lois
plus justes on ne reçoive pas cette année 96 millions pour nos dépenses, et les
sommes plus considérables qu’il nous faudra pour l’année prochaine. Ces
craintes ne m’empêcheront pas de demander des modifications à notre système
financier.
Il nous faut un système
nouveau, complet ; je ne veux pas de lambeaux de lois ; je ne veux pas de la
marqueterie ; je veux un tout dont les parties soient en harmonie entre elles,
et avec les principes d’éternelle équité. Je veux que l’on consulte le pays,
les chambres de commerce. Je veux même que l’on examine les systèmes financiers
prussien, français et anglais, et qu’on en extraie ce qu’ils peuvent renfermer
d’utile. Je ne demande pas qu’on travaille en aveugle. (On rit.)
M. Dumortier, rapporteur. - Je n’avais pas l’intention de prendre
la parole dans la discussion générale ; mais je ne puis m’empêcher de faire
remarquer que tout ce qu’a dit le ministre ne répond pas à ce qu’a dit la
section centrale.
La discussion générale a de
plus soulevé plusieurs questions fort intéressantes et fort importantes, sur
lesquelles il est bon que la chambre arrête son attention.
Quant au tarif de douanes sur
les résidus de garance, l’illégalité qu’on lui reproche est plutôt apparente
que réelle. Je ne sais pas jusqu’à quel point le pouvoir exécutif est en droit
de baisser la tare ; mais s’il est en droit de fermer et d’ouvrir des bureaux
de douanes, il a pu prendre l’arrêté qu’on vous a signalé.
Comme on l’a très bien dit, il
est à désirer que le ministère sente enfin la nécessité de rester dans la
constitution : nous ne voyons que trop souvent des exemples d’infraction à la
loi des lois ; nous vous en avons signalé quelques-unes, on pourrait vous en
signaler beaucoup d’antres.
On pourra vous montrer une
telle infraction dans un crédit demandé par le ministre de la guerre ; on
pourra vous citer des étrangers qui sont promis à des emplois ; on pourra vous
citer des arrêtés qui stipulent sur des objets qui sont du ressort de la loi.
Sous le roi Guillaume, un des plus grands griefs était cet abus des arrêtés.
Quant à la banque, je pense
qu’il serait impossible d’avoir un meilleur caissier de l’Etat ; mais je pense
en même temps que, quoiqu’elle nous procure une économie de receveurs-généraux
et particuliers, elle devrait avoir d’autres relations avec le ministre des
finances : elle ne devrait pas être à la merci de ce ministre. Ici je ne parle
pas de tel ministre, mais d’un être moral. Les clefs du trésor public,
relativement aux recettes et aux dépenses, ne peuvent pas être dans les mêmes
mains.
C’est le visa de la cour des
comptes qui doit autoriser les paiements ; le mandat de la cour des comptes ne
doit pas passer encore par le ministère des finances.
En ce qui concerne la dette de
la banque, je demande que la question soit enfin décidée. La banque doit à
l’Etat, et cependant l’Etat est obligé de lever des capitaux à un prix très
élevé tandis que la banque nous prête nos propres deniers. Je sais bien que les
directeurs de la banque attendent qu’un jugement les dégage de toute
responsabilité personnelle ; mais c’est pour le gouvernement un devoir de
provoquer cet arbitrage.
Quoique l’art. 115 de la
constitution porte que chaque année les chambres arrêtent la loi des comptes,
que toutes les recettes et les dépenses doivent être portées dans les comptes
et aux budgets, on s’est dispensé de se conformer à cette prescription de la
loi fondamentale.
Je demanderai où l’on voit
figurer dans les comptes ou dans les budgets les sommes perçues pour
l’ouverture des entrepôts la part que les employés ont sur les saisies.
Beaucoup d’autres droits encore se perçoivent de la manière la plus
inconstitutionnelle et la plus illégale.
Lorsque nous en serons à la
fin de la discussion du budget, il sera nécessaire d’y introduire un chapitre
de dépenses et de recettes pour ordre, ainsi que cela se pratique en France ;
j’aurai l’honneur de vous faire une proposition à cet égard.
Ce que
je viens de dire suffit, je crois, pour rencontrer les objections principales
qui se sont présentées dans la discussion actuelle. Quant à moi, je désire que
la discussion générale finisse, car il est temps d’examiner le budget des
finances dans ses détails ; mais avant je vous ferai remarquer, messieurs, que
toutes les sections ont manifesté le vœu de voir repousser toutes les
augmentations de dépenses qui ne seraient pas complètement justifiées. La
section centrale a adopté pour les dépenses relatives au personnel le même
chiffre que l’année dernière. Si donc vous trouvez que les sommes allouées en
1832, après une mûre délibération, étaient suffisantes, elles doivent encore
suffire en 1833.
Je pense qu’on simplifierait
la marche de la discussion si l’on se bornait à voter les chiffres de la
section centrale. Si, au contraire, la division était demandée, alors cela la prolongerait
beaucoup et sans profit. Quant à la division que nous avons établie nous-mêmes
et à laquelle M.. le ministre paraît ne pas être
disposé à se rallier, nous ne l’avons pas faite pour sa commodité, mais parce
que les sections ont pensé qu’il fallait catégoriser les dépenses et je suis
persuadé que la chambre sera unanime pour adopter ce mode. Je ne vois pas
quelles raisons pourrait avoir M. le ministre des finances de s’y opposer. Je
demande donc que l’on vote article par article.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- J’ai effectivement laissé sans réponse ce qu’on a dit relativement aux frais
d’ouverture et de fermeture des entrepôts. Cependant, j’ai promis à un orateur
de réviser ce tarif, et de l’adapter autant que possible avec la loi. Quant au
montant de ces frais, il me serait impossible maintenant de déterminer à
combien ils s’élèvent sans prendre des informations précises au ministère ; je
crois cependant qu’on les a exagérés. Si on le désire je pourrai demain donner
le chiffre exact. Mais, dit-on, ces fonds ne figurent nulle part au budget.
Cela provient de ce que ces fonds n’ont pas le caractère de fonds perçus au
profit de l’Etat.
Il en est de même du produit
des amendes et confiscations, qui est également destiné à être réparti entre
des parties prenantes, lorsque l’affaire est terminée soit par jugement, soit
par transaction.
L’honorable rapporteur de la
section centrale désire qu’on en fasse un chapitre spécial, sous le titre de
fonds pour ordre, comme en France ; je ne m’y oppose pas, mais je crois qu’en
France les fonds pour ordre ne sont pas des fonds de la même nature que ceux
dont il s’agit, mais des fonds qui se perçoivent par les employés de l’Etat,
tels par exemple, que ceux de la légion d’honneur, et qui ont une destination
spéciale.
Quant
au travail de la section, dont le principe dominant est d’écarter toutes les
augmentations de dépenses, j’aurai l’occasion de démontrer, dans le cours de la
discussion, que ces augmentations sont suffisamment justifiées, et qu’il n’y a
pas lieu de les repousser.
En ce qui concerne la nouvelle
division des articles, à leur nouveau mode de distribution, je soutiens qu’il
est impraticable. En effet, messieurs, voilà bientôt 9 mois de l’exercice
d’écoulés, et il résulterait un très grand désordre dans la tenue des écritures
du ministère, si nous devions nous écarter de la marche tracée dans le budget.
Toutes nos demandes à la cour des comptes ont été rédigées dans cette prévision
qu’il n’y aurait rien de changé à cette marche. Si donc une nouvelle division
était introduite, il s’en suivrait une grande perturbation dans les écritures
du ministère vis-à-vis de la cour des comptes.
A l’égard des employés de
l’enregistrement, je pense que vous pouvez laisser les choses dans l’état où
elles sont, avec d’autant plus de sécurité, que la section centrale n’a rien
changé au taux de la remise à laquelle les employés ont droit.
Enfin, messieurs, je pense
qu’il y a lieu à voter les articles tels qu’ils vous sont proposés.
M. Dumortier, rapporteur. - M. le ministre prétend que l’époque
avancée de l’exercice rend tonte classification nouvelle impossible. Je
concevrais cette objection si la section centrale avait introduit de nouvelles
dépenses ou coupé des crédits en deux, mais il n’en est rien. On voudrait bien,
je le conçois, pouvoir vous dire : Nous demandons 6 millions pour tel chapitre,
nous en avons dépensé 5 et nous n’avons rien à ajouter de plus. Mais la chambre
n’autorisera pas une pareille comptabilité, et déjà le rapporteur vous a
déclaré qu’il fallait que l’administration donnât des comptes plus détailles.
Les arguments de M. le
ministre n’ont donc aucune valeur. C’est comme si le ministre venait nous dire
: La chambre ne vote que des crédits globaux ; je ne rendrai que des comptes en
masse. Certainement vous repousseriez une prétention de cette nature. En
France, messieurs, les comptes du ministère de la guerre forment à eux seuls un
volume de plus de 300 pages ; ici tout est dit dans une seule ligne. Je
comprends bien que si l’on veut disposer à son gré des crédits, il est fort
désagréable d’avoir à détailler les dépenses. Mais il faut pourtant se
conformer au vœu de la chambre.
Quant au personnel de
l’enregistrement, la section maintient ce qu’elle a établi à cet égard.
M. Verdussen. - M. le ministre a reconnu lui-même qu’il y a des dépenses et des
recettes qui ne figurent nulle part. Cependant, messieurs, il serait important
pour nous d’en savoir le montant. Voici que nous allons voter le budget des
finances : nous allons nous apitoyer peut-être sur le modique traitement d’un
employé, lorsque, par un traité secret, ce traitement est doublé, triplé
peut-être.
Enfin, messieurs, et c’est
l’objet de mon interpellation, M. le ministre nous a dit qu’il ne s’opposait
pas à ce que des recettes et des dépenses pour ordre fussent portées à la fin
de son budget ; mais je voudrais savoir s’il prend l’engagement formel de faire
figurer ces recettes et ces dépenses à la fin du budget de 1834.
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- Lorsque j’ai dit que je ne m’opposais pas à l’introduction des articles dont il
s’agit dans mon budget, c’était assez indiquer que je les ferais figurer dans
le budget à venir. Il est bien entendu que ces chiffres seront très éventuels,
car ils s’appliquent à des produits et à des dépenses fort douteux, et très
mobiles de leur nature.
Maintenant, je dois déclarer à
la chambre, en réponse aux observations de M. Dumortier, qu’il serait plus
facile de laisser achever l’exercice sur les indications portées à mon budget.
Du reste, messieurs, il n’y a pas eu d’arrière-pensée dans la manière dont les
dépenses sont fixées ; j’ai agi de bonne foi avec le désir de satisfaire la
chambre. Je devrai me conformer au vœu de la chambre, mais je dois aussi la
prévenir qu’adopter la classification de la section centrale, ce serait
déranger la tenue des écritures du ministère vis-à-vis de la cour des comptes.
(La clôture ! la clôture !)
- La clôture de la discussion
générale est mise aux voix et adoptée.
Discussion
des articles
M. le président. - Nous passons à la discussion des
articles.
Chapitre I. - Administration centrale
Article premier
« Art. 1er. Traitement du ministre : fr.
25,000. »
La section centrale en propose
21,000.
M. Dumortier, rapporteur. - Je vais expliquer cette différence entre
les deux chiffres. La section centrale n’a pas pensé qu’il y eût nécessité
d’allouer une indemnité de logement au ministre
M. le ministre des finances
(M. Duvivier)
- L’indemnité de logement des ministres a été l’objet des discussions de la
chambre, à l’occasion du ministère de la guerre et de celui des affaires
étrangères. Il est ressorti de cette discussion la reconnaissance d’un principe
incontesté, c’est que les ministres qui ne peuvent pas être logés à l’hôtel du
ministère ou dans un local de l’Etat, doivent recevoir une indemnité de
logement que vous avez fixée à 4,000 fr.
Aucun doute ne peut s’élever
sur l’impossibilité qui existe de loger le ministre à l’hôtel des finances ;
aussi n’est-ce pas pour ce motif que la section centrale a rejeté l’allocation,
mais bien parce que le ministre est intérimaire. Il est à remarquer toutefois
qu’une seule section a opiné pour rejeter ce crédit, et que c’est à cette
opinion que la section centrale s’est ralliée.
Le ministre, étant intérimaire,
dit-on (et notez que cet intérim date de près d’une année), ne doit pas toucher
l’indemnité. Cependant, vous reconnaissez qu’il peut toucher le traitement.
A vos yeux comme aux siens, il
est responsable de ses actes ; et cette tribune ne lui épargne aucune des
tribulations qui semblent aujourd’hui être l’apanage des fonctions de ministre.
Je concevrais que le titre
d’intérimaire pût être invoqué contre les prétentions d’un fonctionnaire tenant
le portefeuille pendant l’absence ou la maladie d’un titulaire ; mais je ne
puis concevoir qu’un ministre, qui tient un portefeuille par suite de vacance,
qui encourt toute la responsabilité de ses actes, et en faveur de qui ce titre
d’intérimaire ne serait certes pas invoqué s’il était question de le blâmer,
soit considéré comme n’étant ministre qu’à demi, lorsqu’il s’agit de lui
allouer le dédommagement dé à sa position.
Vous ferez cette distinction,
messieurs, et ne consacrerez point un principe contraire : c’est pour ce
principe plus encore que pour mon propre intérêt que je demande le maintien au
budget de l’allocation de 4,000 fr. pour l’indemnité du logement du ministre
des finances.
En tous cas, vous ne trouverez
pas étrange, avec plusieurs sections, que cette allocation ait été reproduite
au budget de 1833. Si elle a été supprimée à celui de 1832, c’est parce qu’à
cette époque on croyait que les ministres pourraient être logés dans les hôtels
des ministres.
Il en a été ainsi pour deux
départements : celui de la justice et celui de l’intérieur ; mais il n’a pu en
être de même pour ceux des affaires étrangères, de la guerre et des finances.
Vous n’avez point trouvé
étrange que l’indemnité figurât au budget pour les deux premiers, vous l’avez
allouée comme due aux ministres de la guerre et des relations extérieures ;
vous trouverez juste d’en agir de même pour celui des finances.
M. le président. - La chambre n’est pas en nombre
suffisant pour prendre une délibération valable. (A demain ! à demain ! à demain !)
A quelle heure veut-on fixer
la séance ? (A dix heures ! à dix heures
!)
M. de Brouckere. - Messieurs, avant d’entrer en séance, il faut que nous ayons le temps de
réfléchir sur les objets que nous avons à traiter ; je demande que la séance ne
commence qu’à midi.
M.
A. Rodenbach. - Il faut que nous puissions lire les discours de nos honorables
collègues.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Tout le monde est d’accord pour une
séance à midi.
Plusieurs membres. - C’est d’ailleurs l’heure indiquée par le
règlement.
- La séance est levée à trois
heures.