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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 décembre 1833
1) Pièces adressées à la chambre, notamment pétition relative aux obligations à charge de l’entrepôt d’Anvers (Verdussen)
2) Projet de loi portant le budget des voies et moyens pour l’exercice 1834. Discussion générale. (A : société générale ; B : fabrication de la monnaie) (A et gestion de la dette publique, émission de papier-monnaie (de Foere), A et gestion de la dette publique (Meeus, Dumortier), A et B (Verdussen), A (Lebeau, Donny, Dumortier, Dumont, Dumortier, Lebeau, (+los-renten) Dubus, Lebeau, Gendebien, Meeus, Duvivier, Meeus, A. Rodenbach, Dumortier)
(Moniteur belge n°341, du 7 décembre 1833)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à
midi.
Après l’appel nominal M. H.
Dellafaille, l’un des secrétaires, donne lecture du procès-verbal. La
rédaction en est adoptée.
PIECES
ADRESSEES A LA CHAMBRE
Plusieurs pétitions sont
renvoyées après analyse à la commission des pétitions.
M.
Verdussen. - Une de ces pétitions vient des porteurs des obligations à
charge de l’entrepôt d’Anvers. Je désirerais que la commission en fît rapport
aussitôt que possible.
PROJET
DE LOI PORTANT LE BUDGET DES VOIES ET MOYENS POUR L’EXERCICE 1834
Discussion
générale
M.
le président. - La parole est à M.
de Foere.
M.
Pirson. - Plusieurs membres désireraient que M. de Foere voulût bien
monter à la tribune pour qu’il fût entendu de tout le monde.
M.
le président invite M. de Foere à monter à la tribune.
M.
de Foere. - M. le président je parlerai de ma place.
Messieurs, les questions
qui ont été soulevées hier dans les deux discours prononcés, le premier par M.
Meeus et l’autre par M. le ministre des finances, sont telles, à mon avis, que
jamais peut-être depuis que nous avons l’honneur de siéger dans cette enceinte,
objets plus importants concernant les affaires intérieures du pays n’y ont été
agités.
Remarquez bien que
l’honorable M. Meeus, au lieu de traiter les objections que j’ai élevées, a
constamment cherché à les éviter et s’est rabattu sur l’utilité de la banque
considérée sous d’autre rapports, tandis que moi j’ai seulement considéré les
affaires de la banque dans son contact avec l’Etat, et dans l’odieux monopole
qu’elle exerce sur les affaires financières du pays, à l’exclusion de ses
autres banques et capitalistes.
Certes, messieurs, la
société générale de Bruxelles, en sa qualité de banque particulière, est une
institution comme une autre ; mais si M. Meeus veut prétendre qu’elle soit ou
qu’elle doive devenir une banque nationale, je lui dirai dès à présent qu’elle
ne le deviendra jamais, malgré tous les efforts qu’elle pourra faire. Qu’elle
se borne à des opérations particulières comme les autres banques, ce sont là
ses véritables attributions ; mais elle n’a pas le droit d’exercer à elle
seule, sur les affaires de l’Etat, l’influence la plus pernicieuse. Pour faire
valoir l’institution dont il s’agit, comme banque nationale, l’orateur a
invoqué l’exemple des banques de France et d’Angleterre. Eh bien ! les banques
de France et d’Angleterre ont tenu et tiennent encore, sous quelques rapports,
l’industrie et le commerce dans la plus fâcheuse dépendance ; et c’est
précisément à ce but que la banque de Bruxelles cherche à arriver par son
monopole, par l’accumulation de ses capitaux, pour en venir à traiter, par elle
seule, avec l’Etat, à tel taux, et avec les industriels du pays, à tel intérêt
qu’elle voudra.
La banque d’Angleterre a
commencé par une mise de 30 millions, et maintenant elle parvient à faire
présentement peut-être pour 200 millions d’affaires chaque jour. Ses opérations
échappent à tout calcul, et s’il n’y avait pas deux obstacles qu’elle ne pourra
jamais surmonter, elle parviendrait à exercer sur l’Angleterre, comme la banque
française sur
Le premier obstacle
c’est l’opinion publique. C’est là le seul frein qui retienne la banque
d’Angleterre et celle de France. Sans ce frein, l’esprit de lucre serait encore
poussé au-delà de toute modération. L’autre, ce sont les scrupuleuses
investigations du parlement et de la chambre. Nous avons nous le bonheur de
connaître les abus de ces deux banques, et il est de notre devoir de prévenir
chez nous le scandale qu’elles ont offert en abusant du crédit public par
l’intermédiaire de ministres serviles qui pouvaient toujours puiser dans leurs
caisses toutes les fois qu’ils avaient besoin d’argent. Ce n’est pas mon
opinion à moi seul, c’est l’opinion commune, que le ministre Pitt, par l’abus
du crédit, a fait plus de mal à
La banque, messieurs, doit
nécessairement être arrêtée et c’est la chambre qui doit l’arrêter. A moins que
la chambre et le pays tout entier ne tombent dans le plus stupide aveuglement,
ils veilleront à ce que cette société se borne à des opérations particulières,
et à concourir à servir l’Etat et le pays avec les autres banques et les autres
capitalistes. C’est le seul but que j’aie voulu atteindre par mon premier
discours ; j’ai voulu détruire non la banque, mais son monopole, son influence
pernicieuse, les privilèges odieux dont elle jouit à l’exclusion des autres
banques du pays et des autres capitalistes.
Ces assertions je les
prouverai en partie par la réfutation même du discours que l’honorable
gouverneur de la banque a prononcé dans la dernière séance.
« Je dirai avec franchise,
dit l’honorable M. Meeus, que si les principes de M. de Foere étaient admis,
ils conduiraient le crédit public à sa perte. »
Messieurs, quels sont
ces principes et comment l’honorable membre prouve-t-il son assertion ? En
premier lieu, par le taux des 12 millions, tel qu’il était coté un mois avant
la conclusion du premier emprunt.
Le premier principe que
j’avais avancé, c’est que tout pays qui emprunte doit prendre pour règle son
crédit actuel. Mais pourquoi l’honorable membre argumente-t-il du taux des 12
millions un mois avant la conclusion de l’emprunt ? Vous savez tous que le roi
de Hollande avait fixé par lui-même une espèce de suspension d’armes qui devait
finir le 6 octobre, et notre crédit public en était nécessairement affecté. Les
capitalistes pouvaient s’attendre à une reprise d’hostilité. Après le 6
octobre, la guerre n’éclata pas. Notre crédit monta graduellement, de manière
que, le jour même où le premier emprunt fut contracté, le 12 millions étaient à
83. Cependant l’emprunt a été fait au taux réel de 68.
Maintenant, je veux bien
accepter le taux que pose M. Meeus comme base de son raisonnement, et par
conséquent comme point de départ pour fixer le taux de notre deuxième emprunt.
Eh bien ! messieurs, le deuxième emprunt fut fait le 11 septembre 1832, et
précisément ce jour-là les 12 millions étaient à 99 1/2 ; et remarquez qu’ils
avaient atteint ce taux depuis trois mois.
Or, la banque, comme
cotraitant avec Rothschild, a l’impudeur de proposer, ainsi que je l’ai prouvé
par des chiffres qui n’ont pas été attaques, de contracter avec le
gouvernement, terme moyen, au taux réel de 70 p. c. Voilà comme M. Meeus ruine
lui-même le fondement sur lequel reposaient ses raisonnements. Voilà comme la
banque, en contractant à 70, lorsque notre crédit était à 99 1/2, rend des
services au pays et sert ses intérêts, alors qu’elle en a la mission et le
devoir, ainsi que M. Meeus l’a déclaré lui-même.
Le deuxième principe
qu’attaque M. Meeus c’est la publicité et la concurrence qui, selon lui,
auraient ruiné notre crédit public ; « car, dit-il, du jour où un emprunt,
livré à la concurrence publique, n’aurait pas été pris, il aurait fallu
recourir aux capitalistes étrangers. Ces derniers auraient bien voulu traiter,
mais à des conditions tellement onéreuses qu’elles n’auraient pu être admises.
Au lieu de 75 p. c. ils auraient prêté à 50 p. c. »
Vous allez voir,
messieurs, sur quelle base l’orateur fait reposer une semblable argumentation.
M. Meeus prend ici la publicité et la concurrence par voie de soumissions
publiques faites par les capitalistes du pays, tandis que moi, dans toute la
teneur de mon discours, j’ai blâmé seulement ce défaut de publicité et de
concurrence sous le rapport de l’exclusion des capitalistes du pays. La banque
seule a joui de l’odieux privilège de participer aux emprunts. Il y a là une
immense différence. Les capitalistes, les autres banques du pays, avaient aussi
le droit de connaître la maison traitante, ainsi que le taux et les conditions
de l’emprunt, et d’y prendre une part libre et volontaire, aussi bien que la
maison cotraitante, la banque de Bruxelles.
Pour prouver ce
privilège d’une part et cette exclusion de l’autre, je vais citer des faits
dont je vous garantis l’exactitude sur mon honneur et que je suis prêt à
sceller par la conscience du serment. Lors de la négociation du premier
emprunt, des capitalistes se sont présentés pour prendre une part dans cet
emprunt au même taux, aux mêmes conditions que la banque et la maison
Rothschild. Moi-même j’étais porteur, pour compte de tiers, d’une souscription
qui s’élevait au-delà d’un demi-million. La proposition fut d’abord rejetée ;
ensuite je me suis adressé à MM. Osy et de Brouckere pour leur demander qu’ils
voulussent bien traiter avec la maison Rothschild, en ce sens que les capitalistes
belges pussent prendre une part dans l’emprunt. La proposition fut acceptée. De
retour de leur mission, M. Osy me proposa une part seulement de 100,000 fr., et
quelques minutes après, sur mes observations, une autre part de
Je vous demande,
messieurs, si la banque de Bruxelles et celle d’Anvers ont eu la faculté de
prendre à l’emprunt telle part qui leur convenait, pourquoi les autres banques,
les autres capitalistes, n’y ont-ils, pas été admis. C’est cette influence
pernicieuse au pays, cet odieux monopole que j’ai signalés à la chambre pour
qu’elle les fît cesser, et non pas une publicité et une concurrence par voie de
souscription pour tout l’emprunt.
Dira-t-il maintenant, M.
Meeus, que cette concurrence, non de soumission, mais de participation à
l’emprunt, aurait conduit le crédit public à sa perte ? Soutiendra-t-il que si
le gouvernement avait annoncé que les capitalistes du pays pouvaient prendre
part à l’emprunt, concurremment avec la banque et la maison Rothschild, cette
publication aurait miné le crédit public ? Osera-t-il prétendre que la banque
de Bruxelles et celle d’Anvers eussent seules le droit d’être initiées au
secret et de participer seules à l’emprunt, et que les autres banques et
capitalistes du pays n’en jouissent pas ? Poussera-t-il l’exigence jusqu’à
soutenir que l’emprunt et toutes ses conditions devaient seulement être portés
à la connaissance de ces banques ? Si les autres capitalistes les avaient
connus et s’ils avaient été admis à prendre une part à l’emprunt, le crédit
public aurait-il été ruiné ?
Certes, messieurs,
l’honorable M. Meeus n’assumera pas sur lui le ridicule de soutenir de
pareilles prétentions ; mais alors il doit convenir que la banque de Bruxelles
jouit d’un odieux monopole, que le défaut de publicité et de concurrence reste
attaché comme un vice radical aux contrats de deux emprunts, que par conséquent
la banque a cherché à faire à elle seule les énormes bénéfices qu’elle a réalisés,
et que si cette participation publique avait été admise, les emprunts auraient
été contractés à un taux plus avantageux pour le pays.
Le deuxième emprunt a
été également contracté dans l’ombre et même avec plus de clandestinité encore
que le premier ; car, dans le premier, quelques Belges avaient été admis à
prendre une part, tandis que pour le deuxième ces mêmes Belges n’ont reçu
aucune information, et cet emprunt a été conclu à un taux très onéreux pour le
pays et très avantageux pour la banque.
Le gouvernement, comme
je l’ai dit, messieurs, a induit à cet égard le pays dans l’erreur. Il a publié
que le contrat avait été fait au taux de 79 ; et le fait est qu’il l’a été à
72. Pour arriver à peu près au même taux que le premier emprunt, on a usé de moyens
clandestins. Au lieu de diviser les termes des versements en 10 mois, et de
fixer les anticipations d’intérêt à 12 mois, ces termes ont été divisés en 12
mois, et les anticipations de l’intérêt ont été fixées en 17 mois.
Voilà encore une autre
raison pour laquelle le contrat a été clandestinement fait. La banque voulait à
elle seule en réaliser les énormes bénéfices. C’est une autre preuve de fait de
l’odieux monopole qu’elle exerce dans le pays, attendu qu’aucun autre
capitaliste, que je sache, n’a été admis à participer à l’emprunt.
Je vous demande,
messieurs, si les autres capitalistes du pays n’auraient pas été disposés à
prendre une large part dans un tel emprunt, et si l’emprunt, dans le cas où les
conditions auraient été connues avant le contrat, n’aurait pas été plus
avantageux pour le pays ?
Un troisième fait qui se
rattache aussi à cette clandestinité odieuse, à ce monopole, à cette exclusion
contraires à l’esprit de la constitution, à la justice et aux lumières du
siècle, c’est celui relatif aux bons du trésor. Voici les propres déclarations
qu’a faites M. le ministre des finances hier : il a été concédé à la banque et
à MM. Rothschild, dans les bons du trésor, une part de 8,474,000 fr. à 8 p. c.,
et au public une part de 6,526,000 et seulement à 7 p. c.
Ce fait est d’autant
plus odieux que, moi-même encore pour le compte de tiers, et j’adjure M. le
ministre des finances de confirmer ce que je dis, que moi-même, avant qu’il eût
proposé à la banque les 8 millions à 8 p. c., je lui communiquai une soumission
d’un banquier du pays qui a été encore rejetée.
Voilà comment on opère
clandestinement et dans les ténèbres. Si l’on me dit que la publicité et la
concurrence n’auraient pas amené de souscriptions suffisantes, je prouvera le
contraire par les faits, car les souscriptions ont excédé la somme demandée.
Pour que le monopole fût plus odieux encore, les capitalistes n’ont pas même eu
toute liberté de souscrire à ce reste de bons du trésor ; car, comme je l’ai
fait observer, l’excédant des inscriptions à quelques échéances n’était pas
réversible sur celles qui n’avaient point été remplies, et la banque seule a
joui du droit de les combler. Le délai de quatre jours qu’on a laissé aux
capitalistes, leur ôtait la faculté de délibérer, de déplacer leurs capitaux
pour les porter à Bruxelles et pour souscrire. Ce sont là encore d’autres
moyens apparents de publicité et de concurrence qu’on emploie, et précisément
pour éluder la publicité et la concurrence.
L’honorable M. Meeus
s’est ménagé un petit triomphe en annonçant que j’avais cité inexactement les
dates. J’aurais dû, dit-il, prendre des informations à la banque même. Eh bien
! messieurs, j’ai pris ces informations par l’intervention d’un tiers. Elles
ont été prises en mon nom. Jusqu’à présent, j’attends encore la réponse. Quant
aux dates, vous verrez bientôt à quoi se réduit le triomphe de M. Meeus.
La première publication
de la banque pour l’emprunt de 24 millions a été faite le 11 septembre 1832.
M. Meeus. - 1831. (Ici
une conversation à voix basse s’engage entre l’orateur et M. Meeus.)
M.
de Foere. - M. Meeus conteste la date, mais une explication va tout
éclaircir. Son erreur vient de ce qu’il parle des publications faites pour
élever le cours des 12 millions, tandis que moi j’entends parler, comme je l’ai
dit dans tout mon premier discours, de celles faites pour élever l’emprunt de
48 millions. Je répète donc que c’est seulement le 11 septembre 1832 que cette
première publication de la banque a eu lieu. Or, c’est précisément le même jour
que la banque a contracté concurremment avec la maison Rothschild le deuxième
emprunt.
Pourquoi la banque
a-t-elle tant tardé ? Evidemment pour que le deuxième emprunt pût être fait à
un taux très bas. Vous voyez, messieurs, quelles sont les ruses dont on fait
usage. La banque, ainsi que M. Meeus l’a dit hier, doit soutenir l’intérêt du
pays, le crédit public. Eh bien, il était de l’intérêt du pays de faire, en
faveur des 48 millions, la même promulgation qu’on avait faite précédemment
pour les 12 millions, et de la faire quelque temps avant le 11 septembre 1832,
afin que l’emprunt pût être négocié à un taux plus avantageux pour le pays.
Mais on a maintenu le premier emprunt au même taux pour contracter le deuxième
à des conditions plus avantageuses aux maison cotraitantes. Le prétendu
triomphe de M. Meeus se réduit dont à l’inapplicabilité de cette même
observation aux millions que l’on se proposait de lever lors de la discussion
de la dette flottante.
C’est donc à tort que
l’honorable M. Meeus a contesté l’assertion par laquelle j’affirmais, dans la
séance de lundi, que la banque, dans son intérêt exclusif, n’avait fait monter
les fonds qu’après la conclusion du deuxième emprunt. Pour en venir à un autre
résultat, il a dit qu’on a servi deux intérêts à la fois. Messieurs, je
demanderai si l’intérêt de la banque n’aurait pas été également servi dans le
cas où la publication aurait été faite antérieurement au 11 septembre 1832 ?
Elle aurait pu également élever la valeur de ses terres et ces obligations du
premier emprunt. Mais il lui fallait, au détriment du pays, un troisième
bénéfice.
Pourquoi a-t-elle
attendu jusqu’au 11 septembre 1832, jour même de la conclusion du deuxième
emprunt ? C’était, je le répète, pour contracter ce deuxième emprunt plus
avantageusement pour elle. C’est au milieu de ces faits qu’on vient nous dire
que le devoir de la banque est d’être utile aux intérêts du pays, et que, si
elle ne remplit pas ce but, il appartient à la chambre d’en créer une autre.
Je vais donner une
preuve plus évidente encore la banque avait fait monter au 21 novembre 1832,
par ses annonces antérieures les 12 millions jusqu’à 99 1/2 p. c. Eh bien ! si elle
avait fait monter de même les obligations du premier emprunt, au lieu de faire
le deuxième à 72 p. c., le pays l’aurait obtenu à 90. L’honorable M. Meeus a
raisonné lui-même sur la base que j’ai posée aussi, c’est-à-dire que tout pays
doit contracter au taux de son crédit actuel.
C’est quand les 12
millions avaient atteint le taux de 99 1/2 que la banque propose au pays 72. Je
sais bien qu’il y avait une différence entre les 12 et les 48 millions.
Les premiers étaient
remboursables avec intérêt trois mois après ; mais c’est M. Meeus lui-même qui
a posé cette base de comparaison, et je l’ai acceptée.
J’avais aussi fait ressortir la monstruosité
de la commission de 2 p. c. accordée par le gouvernement à la banque et à la
maison Rothschild. La question, dit M. Meeus, est de savoir si le gouvernement
pouvait émettre à un moindre taux. Eh bien ! les faits mêmes ne donnent-ils pas
la preuve que quelques jours après, les capitalistes du pays ont pris l’emprunt
à 1 p. c. de moins, et que l’achat des bons s’est fait certainement à 4 p. c. ?
Avec la commission de 2 p. c., les intérêts s’élevaient à 8 p. c. N’est-ce pas
une affreuse dilapidation, alors que les fonds du pays, les 48 millions,
étaient à 88 p. c. ? Le capital se réduisait ainsi de fait à 60 p. c.
M. Meeus, pour justifier
son assertion qu’il était impossible d’émettre à une commission moindre, dit
que dernièrement, lorsqu’il s’était agi d’une émission de 5 millions, 2
millions seulement ont été pris. Messieurs, je vous en ai déjà indiqué la
raison ; elle était tout éventuelle. M. Meeus ajoute : « C’est précisément
pour ces éventualités qu’une banque nationale doit être instituée, afin de
venir au secours du gouvernement. » Mais si l’on émettait, comme en
Angleterre, des billets de l’échiquier, comme je n’ai cessé de le conseiller,
le gouvernement ne devrait plus passer par les opérations ruineuses de la
banque ; et, dans des cas donnés, la banque elle-même, quand elle aurait un
excédant de numéraire, viendrait prendre des bons du trésor à 3 p. c.
J’avais proposé des
moyens pour réformer notre administration financière, en la considérant dans
ses rapports avec la banque.
Le premier, c’était la
publicité et la concurrence. M. Meeus prend encore ici la publicité et la
concurrence pour des soumissions publiques, tandis que moi j’entends uniquement
une libre concurrence et une libre participation de tous les capitalistes du
pays concurremment avec la banque. Il en résulterait de grands bénéfices pour
l’Etat ; il ne serait plus obligé de se livrer à des opérations ruineuses.
C’est cependant à cette publicité et à cette concurrence que se rattache
l’assertion de M. Meeus que mes principes conduiraient à la perte même du
crédit public !
Le deuxième remède que
j’ai suggéré, c’était de mettre le gouvernement hors du contact avec la banque.
Sur cela M. Meeus dit que j’ai conclu à la nullité de la banque, et que dans
mon sens elle serait même nuisible au pays. C’est alors qu’il a fait valoir ses
rapports avec la province du Hainaut, qu’il a cherché à lui donner quelque crédit
vis-à-vis de l’industrie et du commerce. Eh bien ! messieurs je prouverais,
s’il était nécessaire, que l’industrie de toutes les provinces du pays y
gagnerait, si la banque n’exerçait à elle seule le monopole du crédit ; je
prouverais que, lorsque la banque ne sera pas une banque nationale, chaque
province parviendra à lever de l’argent à un taux inférieur à celui qu’elle
s’arroge le pouvoir de fixer à elle seule.
Ce n’est pas, je le
répète, en sa qualité de banque privée particulière que je l’attaque ; qu’elle
borne là ses affaires mais qu’elle ne jouisse pas de monopoles criants. Qu’elle
se contente d’intérêts modérés, nous honorerons et nous protégerons cette
institution.
M. Meeus entre enfin
dans la question. Il soutient que la banque est avantageuse au gouvernement. Eh
bien, messieurs, vous avez déjà vu, par les opérations de la banque avec le
gouvernement, dans quel sens elle lui est avantageuse ? C’est uniquement pour
abuser de notre crédit et faire passer l’Etat par des conditions onéreuses. Si elle
n’avait exigé que des intérêts modérés, des intérêts de 5 p. c., je ne dirais
rien ; mais, comme banque nationale, quand elle pousse aussi loin l’amour
excessif du lucre, il est permis, il est de notre devoir d’attaquer ses
opérations, et de les signaler à la chambre et au public.
M. Meeus a cité le
gouvernement français dans ses rapports avec la banque de France. Lorsque ce
gouvernement a besoin de fonds, a-t-il dit, il s’adresse à la banque ; il doit
en être de même ici. Mais le gouvernement français prend de l’argent à la
banque à raison de 2 1/2 ou 3 p. c., tandis qu’ici notre gouvernement est
obligé d’en prendre à 8 p. c. Il y a, j’espère une énorme différence. Le
public, et M. Meeus lui-même en jugeront.
Le troisième moyen que
j’ai indiqué, c’est la préférence des impôts sur les emprunts. M. Meeus
convient que ce mode vaut mieux. Mais il existe, dit-il, des cas exceptionnels
où le gouvernement ne pourrait en user sans écraser les contribuables.
Messieurs j’ai parlé en
thèse générale et j ai dit que les impôts, pour fournir aux besoins de chaque
année, étaient préférables aux emprunts parce qu’il n’y a qu’une espèce
d’hommes, les banquiers, qui recueillent d’immenses bénéfices au moyen des
emprunts et au détriment des Etats, tandis que ceux-ci accumulent sur eux des
charges énormes qui finissent par les écraser. Voyez ce que sont devenus la
plupart des pays de l’Europe. Avec une administration des finances animée d’un
esprit d’ordre, de conduite et d’économie, ils seraient parvenus à des
résultats bien différents.
L’orateur convient aussi
de l’avantage d’une dette flottante ; mais il voudrait lui conserver le
caractère qu’elle a maintenant. Ce caractère, messieurs, l’a convertie
entièrement en un emprunt remboursable, et aussi longtemps qu’elle le conservera,
elle profitera, dans la plus grande partie de ses résultats, à la banque. Si
nous émettons de vrais billets d’échiquier, les billets de la banque de
Bruxelles doivent nécessairement être remplacés par les nôtres, parce que
ceux-là ne portent pas d’intérêt et que les billets d’échiquier en portent.
L’orateur pense que nous
ne pouvons pas émettre une dette flottante revêtue de ce caractère. Cela est
possible, dit-il, en Angleterre où l’argent reste et ne sort pas du pays. Mais,
il ne connaît certes pas les crises d’argent qui, malgré cette assertion, ont
existé en Angleterre dans les années 1819, 1825 et 1830. La masse des affaires
est telle en ce pays, que l’émission des billets de l’échiquier, loin de
présenter aucun inconvénient, leur est, au contraire, très favorable. Elles
n’en reçoivent que plus d’activité et de vie. Chez nous, selon M. Meeus, il y
aurait danger : mais si le gouvernement en émettait, non dans la proportion de
l’Angleterre, mais proportionnellement à ses besoins et aux affaires du pays,
il n’en résulterait pas plus de dangers qu’il n’en existe pour les billets de
la banque de Bruxelles. Et pourquoi l’Etat tout entier ne jouirait-il pas
d’autant de crédit que la banque de Bruxelles qui n’est qu’une partie de l’Etat
?
Une preuve, messieurs,
que cette émission serait reçue dans le pays, c’est qu’il commence à avoir de
la confiance dans ce papier monnaie. M. Meeus l’a confirmé lui-même, quand il
dit que jusqu’en 1830 l’émission des billets de banque ne montait qu’à 6
millions de francs et que maintenant la somme est doublée. Or, si nous émettons
des billets d’échiquier portant intérêt, ne les prendrait-on pas avec bien plus
de confiance encore et avec plus de goût et d’empressement, attendu qu’alors
les créanciers de l’Etat posséderaient des billets qui augmentent chaque jour
leurs capitaux, tandis que les billets de la banque de Bruxelles ne portent pas
d’intérêt, et que cependant ils entrent aujourd’hui en masse dans la
circulation ?
La seule vérité que
l’honorable membre a dite, c’est qui croyait que je n’avais aucun préjugé
contre la banque, parce que le roi Guillaume y a pour 3/4 d’actions. En effet,
il m’importe peu quels sont les actionnaires de la banque. Ce que j’examine, ce
sont les faits de la banque, ce sont ses opérations dans leurs rapports avec le
bien-être de notre pays.
Le cinquième moyen que
j’ai suggéré, c’était l’institution d’un conseil de finances. L’honorable
membre a dit que ce cinquième moyen était à peu près le même que le quatrième.
Or, quelle affinité y a-t-il entre des billets d’échiquier et un conseil de
finances ? Je me suis rencontré avec M. Meeus sur ce point qu’il faut réformer
notre administration financière. C’est l’opinion qu’il a émise sur la fin de la
dernière session. Tant qu’il n’y aura pas à la tête des finances un homme qui
sache arrêter la banque et lui tenir tête, elle fera d’énormes bénéfices au
détriment de l’Etat. Un conseil de finances, composé de trois membres, dont
l’un assumerait sur lui la responsabilité constitutionnelle, est le seul moyen de
mettre la banque de Bruxelles à sa place et de l’empêcher d’être nuisible au
pays. Alors elle restera dans les limites d’une banque particulière. C’est là
le cercle de ses attributions dans lequel il faut la renfermer.
Je n’ai que quelques
mots à dire sur le discours de M. le ministre des finances. Je lui avais
reproché d’avoir émis d’un seul coup les 15 millions de bons du trésor contre
l’esprit, le but, le caractère de notre dette flottante. Il a cherché à se
justifier par le motif que l’Etat en éprouvait le besoin, et qu’on ne
connaissait pas encore le résultat du traité du 21 mai et la réduction possible
du budget de la guerre. C’est aussi par le même motif qu’il a cherché à
justifier la démarche qu’il avait faite de lever 30 millions au lieu de 15, qui
lui ont été accordés et qui ont suffi pour le service de l’administration
pendant toute l’année.
Mais il devait savoir
quels étaient les besoins de l’administration ; il connaît les besoins courants
de 8 jours à 8 jours. C’est la chambre qui lui a prescrit, par un amendement
qu’a proposé mon honorable collègue M. Boucqueau de Villeraie, de différer la
levée des autres millions jusqu’à ce que le besoin s’en fît sentir. C’est là la
véritable manière d’administrer et nous pas d’aller demander de l’argent pour
des besoins éventuels, pour accumuler chez la banque des capitaux et pour
lesquels nous aurions payé, probablement à la banque même, d’énormes intérêts.
Je fais la même réponse à l’honorable M. Meeus, qui avait proposé 72 millions ;
car les faits l’ont démontré : si nous avions eu le malheur de lever en une
seule fois tous ces millions, l’Etat aurait payé inutilement et sans emploi des
intérêts ruineux pour des sommes énormes que la banque aurait employées à son
profit. La chambre ne doit accorder de l’argent que lorsque l’administration en
éprouve le besoin. Il ne faut pas lever des emprunts pour des besoins
éventuels. La chambre ne manquera jamais à ses devoirs.
M. le ministre dit en
outre qu’il n’a pas proposé l’emprunt. En bien ! qu’il relise le discours qu’il
a prononcé après que la loi du 16 février a été adoptée. Il dit en termes
propres à la commission qu’il s’en remettait à ses soins pour lui fournir les
millions que cette commission se proposait alors de faire lever par voie
d’emprunt. Cette commission, par suite des discussions qui ont eu lieu dans
cette enceinte, a été assez sage, non seulement pour ne pas proposer d’autres
millions, mais même pour ne pas s’assembler, afin de rédiger un projet de loi à
cet effet.
Je n’ai pas fait au
ministre le reproche d’avoir introduit une dette flottante. Au contraire, je la
voulais et je la veux encore, parce que c’est un moyen pour nous de nous
soustraire à l’action ruineuse de la banque. Mais ce que je n’ai pas voulu,
c’est la dette flottante telle qu’elle a été faite par l’exécution de la loi.
J’en ai signalé les abus et les charges.
Je n’ai pas affirmé que
tous les bons du trésor eussent été émis à 8 p. c. ; j’ai distingué. J’ai dit
que 6 millions avaient été émis à 8 p. c. et que les autres avaient été levés à
7 p. c. M. le ministre a nié qu’il eût envisagé la dette flottante comme une
institution établie. Voici ses propres termes : « Cette disposition,
purement d’ordre, est la conséquence de l’institution de cette dette. »
Or, par la mesure qu’il y rattache, il considère notre dette flottante, telle
qu’elle est établie, comme une institution permanente.
La loi du 16 février n’a
accordé que pour un an la levée de 15 millions de bons du trésor, et il serait
nuisible au pays de continuer la dette flottante avec le caractère qu’elle a
reçu. Nous devons profiter de l’expérience de
Je
n’ajouterai qu’un seul mot sur la convention conclue entre le gouvernement et
la banque. M. Meeus dit, au commencement de son discours, que cette convention
a fait l’objet de mes observations. Remarquez que je n’ai pas parlé du fonds ;
seulement, j’ai fait ressortir cette circonstance dans lesquelles la banque
avait proposé d’entrer en négociation avec le gouvernement. Nous avons perdu
beaucoup de temps. Le seul moyen d’en finir, c’est de nommer une commission
spéciale pour examiner cette convention. Sans cela, nous perdrons beaucoup de
temps encore, et nous n’obtiendrons aucun résultat après le rapport de cette
commission ; alors la chambre verra si elle doit approuver ou improuver la
convention.
M. Meeus. - Messieurs, la discussion qui a eu lieu
relativement à la banque est devenue presque stérile. L’attaque a été d’une
telle violence que je ne saurais comment la qualifier ; on l’a attaquée dans
son institution, dans ses rapports avec le gouvernement, on l’a attaquée
surtout à cause de la dernière convention qui a été passé pour le solde dû par
la banque comme caissier du royaume des Pays-Bas. Je m’étonne d’une chose,
c’est que dans ces discussions on déverse autant de blâme sur la banque en
elle-même. M. de Foere avec une douceur angélique, M. Dumortier avec une
acrimonie qui semble ne pas convenir à un débat parlementaire. Il ne s’agit pas
ici de combattre les Hollandais, il ne s’agit pas de sauver le pays : il s’agit
de transactions financières qui peuvent être critiquées sans s’échauffer
d’aucune manière.
Quand il est question de
la banque, on ne tient nullement compte ni des antécédents ni des arguments
irrésistibles que l’on a développés dans d’autres séances. A quoi se résume la
question à 1’égard de la banque, considérée comme caissier et comme détenteur
des deniers de l’ancien gouvernement ? Elle se résume en quatre points
principaux, en admettant la division proposée par M. Dumortier.
Premièrement : Oui, la banque,
en qualité de caissier de l’ancien gouvernement, avait, à la révolution, un
solde important. Ce solde est diminué ; en un mot le solde est réduit à
12,900,000 fr.
Deuxièmement : La banque
doit au syndicat d’amortissement, du chef de la cession faite par le roi
Guillaume, en lui imposant une somme annuelle à payer au syndicat, la première
année de 50 mille francs ; la seconde de 100 mille francs, et ainsi en
augmentant de 50 mille francs par année jusqu’à ce que le paiement s’élève à
500,000 francs.
Troisièmement : La
banque devait au roi Guillaume (mais bien au roi et non au prince comme
individu) 500,000 fr. par an.
Quatrièmement : La
banque tient une masse d’actions appartenant au roi, actions qui produisent des
intérêts chaque année pour le roi comme pour les autres actionnaires.
Tels sont les quatre
points sur lesquels la banque a été attaquée. Mais pourquoi s’échauffer en
discutant de semblables questions ? Que disent les administrateurs de la banque
? Ecoutez-les !.. Examinez, vous ont-ils dit, notre situation sous tous les
gouvernements ; examinez notre position vis-à-vis de l’ancien gouvernement.
Vous désirez que nous versions les sommes dues dans les caisses de l’Etat ; aux
termes de nos statuts nous devons consulter des jurisconsultes sur ce que nous
avons à faire. Que disent les jurisconsultes ? Il vous est impossible, à vous
administrateurs, sans assumer la plus grande responsabilité sur vous,
d’effectuer le versement demandé. Parmi les avocats consultés, se trouvent-ils
des hommes attachée à l’ancien ordre de choses, et qui n’auraient donné aucune
garante à l’ordre nouveau ? je citerai le nom de M. Barbanson ; celui de M.
Blargnies, qui a si souvent attiré votre attention par ses chaleureuses
improvisations.
Tout alors, tout se
réduit à une question de responsabilité. Ceux qui sont à la tête de
l’administration doivent se renfermer dans les termes des règlements ; s’il
s’en éloignaient, c’est dans ce cas qu’on pourrait leur dire : Vous êtes sortis
de vos attributions ; vous avez encouru une grande responsabilité morale. Que
répondrait-on à tout cela ? Que répondrait M. Dumortier lui-même s’il était
administrateur ? Compromettrait-il sa responsabilité ? Ceux qui administrent la
banque ne veulent point accepter cette responsabilité.
Il s’agissait de plaider
ou de transiger, comme l’a dit M. le ministre de la justice ; un procès pouvait
mener très loin. Une transaction que peut-être avoir d’humiliant ? Elle met en
main du gouvernement une somme de près de 13 millions qui profite au pays pour
environ 700,000 fr. par an. C’est une avance, car la transaction est telle
qu’on peut la considérer comme une avance gratuitement faite par la banque.
En vérité, je ne puis
concevoir comment on peut élever du doute sur la question de savoir si
l’opération est bonne ou mauvaise.
La banque a en Hollande
des biens qui rapportent un revenu égal à sa redevance au syndicat ; le roi
Guillaume a des revenus considérables comme actionnaire, dit M. Dumortier ;
mais il ne tient pas compte des dettes du roi Guillaume pour sommes avancées,
sur ses actions, à lui particulièrement, à sa cassette : ces sommes s’élèvent à
plus de quatre millions de florins. Cependant voilà ce que j’ai eu l’honneur de
dire à la session dernière, et l’on n’en reproduit pas moins les mêmes prétentions
relativement au syndicat et à la liste civile. Nos avocats nous défendent de
payer, attaquez-nous.
J’ai été on ne peut pas
plus étonné d’entendre l’honorable membre parler d’une petite loi, qui pourtant
ne pourrait pas agir sur le passé ; car la loi n’a d’action que sur l’avenir. A
moins de lui donner un petit effet rétroactif, comment pourrait-on forcer le
caissier de l’Etat à faire des versements dans les caisses de l’Etat ?
Si
c’est une loi qui doit agir pour l’avenir, la banque en déclinera peut-être
encore la compétence ; alors qui décidera ? Les tribunaux ; et vous serez
éloignés de rien recevoir pour le pays.
J’ai fait le compte du
syndicat ; j’ai fait le compte des avances de la banque au roi Guillaume ; j’ai
présenté ces comptes à la chambre l’année dernière. Mais l’orateur ne veut se
souvenir de rien.
M.
Dumortier. - Je demande la parole pour un rappel au règlement. Comment
l’orateur parle-t-il ? Est-ce comme directeur de la banque ? Il n’y a point ici
d’avocats de la banque ; il n’y a que des députés.
M. Meeus. - S’il est permis à un député d’attaquer un
établissement en Belgique, il doit être permis à d’autres députés de le
défendre. Je demande que M. le président me maintienne la parole.
Sans faire attention à
ce qui a été dit dans la précédente session, M. Dumortier vient déclamer contre
la banque ; il vient avec un accent patriotique pour déclarer qu’il travaillera
à l’anéantissement de cet établissement. Allez dire à votre gouvernement,
s’est-il écrié, que la nation a en horreur une institution qui peut causer la
ruine publique, et que la chambre saura prendre des mesures pour empêcher la
ruine de l’Etat. Cette phrase m’en rappelle une de Mirabeau, prononcée au sein
de la convention nationale.
Je ne me chargerai pas
d’aller dire cela au gouverneur de la banque, parce que je ne serais pas sûr de
la réponse que j’en rapporterais.
La chambre saura prendre
des mesures pour empêcher la banque de compromettre l’Etat ! Ouvrons notre
constitution et nous y verrons que l’association qui forme la banque de
Bruxelles y doit être protégée comme toute autre association. La constitution
n’a point porté d’exclusion contre les associations financières. Je dirai de
plus à MM. Dumortier et de Foere : Par suite des stipulations faites sous
l’ancien gouvernement, la banque se trouve enchaînées, se trouve sous la
tutelle du gouvernement. C’est ainsi que le gouverneur, le secrétaire, le
trésorier sont nommés par le Roi ; c’est ainsi que le Roi nomme les directeurs
sur la présentation de trois candidats.
C’est ainsi que la
banque ne peut émettre de nouveaux billets sans autorisation du gouvernement.
Eh bien, si tout à l’heure les actionnaires de la banque, servant en cela les
intérêts du roi Guillaume plus que ne le pense l’orateur, provoquaient la
dissolution de l’association, et, dès le lendemain, en reformaient, en
reconstituaient une autre, croyez-vous que ce serait avec les mêmes conditions
? Le gouvernement ne serait plus son tuteur ; le gouvernement ne pourrait plus
porter d’investigation dans son intérieur. Il n’y aurait plus de billets de
banque, a-t-on dit ; les billets de banque ne sont d’aucun rapport ; ils
occasionnent plus de frais que de bénéfices. Si nous avions comme la banque de
France 200 millions de francs en émission, nous aurions un très beau revenu ;
mais la banque de Bruxelles n’a pu mettre en circulation que pour 11 millions
de ses billets au porteur.
Ces onze millions se
réduisent tantôt à 5 millions, tantôt à six, selon l’exportation du numéraire.
La banque de Bruxelles
est une banque nationale, la rétroactivité ne pouvant la frapper. Elle a été
fondée sous l’ancien ordre de choses ; elle doit continuer à exister avec ses
statuts, en vertu de la constitution. Elle tomberait sous l’empire des
tribunaux si elle s’écartait des lois qui sont pour tout le monde.
Venant de vous prouver
ce qu’est vraiment la banque d’après la constitution, ai-je besoin de répondre
aux arguments qu’a fait valoir M. de Foere ? Irai-je lui dire : Si la banque a
trop gagné, si vous et vos amis avez trop peu gagné (car elle a eu 4 millions
dans l’emprunt, et vous 200,000 fr.), c’est qu’elle a été plus adroite que
vous. Mais a-t-elle été partie contractante ? Non ce qu’elle a obtenu, c’est la
maison Rothschild qui le lui a cédé.
Quant à la banque
d’Anvers elle n’a eu aucune part dans l’emprunt ; car cette banque n’est qu’une
succursale de celle de Bruxelles.
Vous prétendez que la
banque a plutôt contribué à déprécier les fonds publics qu’à les faire monter :
pour répondre à cette assertion, il ne faut que recourir aux feuilles publiques
de l’époque. M. de Foere assure que c’est au mois de décembre 1832 que l’on a
pris des mesures pour faire monter les 48 millions ; cependant, le jour même
que l’emprunt a été contracté, la banque a déclaré qu’elle recevrait les bons
pour paiement de ses bois. Malgré cette annonce, le cours de l’emprunt, qui
était à 75, est tombé, et il est resté de
Encore un coup, dans ce
second emprunt la banque n’était pas partie contractante. M. Rothschild ne
voulait pas des 24 millions ; il n’avait pas en notre jeune crédit la confiance
qu’il méritait. C’est néanmoins alors que la banque a pris de l’emprunt.
Pour ne pas absorber un
temps précieux, je me bornerai à relever quelques erreurs importantes soutenues
par les orateurs adversaires de la banque.
M. de Foere a dit :
« Pitt a fait un tort immense à l’Angleterre, en prélevant des sommes sur
la banque de ce pays. » Cela ne prouve rien contre la banque, mais cela
prouve contre Pitt. Il n’y a pas de bonne chose dont on n’abuse, voire même de
la presse : nous en avons la conviction tous les jours.
Dans le discours de M.
Dumortier il y a une phrase qui tombe sur l’administration de la banque ; vous
vous tromperiez étrangement si vous croyiez que je vais la relever. La banque
en définitive, a-t-il dit, ne profite qu’à cinq ou six personnes : je ne
répondrai rien à cette étrange opinion. Le premier ici, je dois l’avouer, je
suis tous les jours peiné de voir que dans les discussions on amène toujours
des personnalités. Au lieu d’ennoblir nos institutions aux yeux de l’étranger,
on se plaît à les dégrader. On n’a pas craint de dire hier qu’il était heureux
que la cour des comptes fût amovible. Messieurs, les hommes honorables qui font
partie de la cour des comptes n’ont pas besoin de l’inamovibilité pour remplir
dignement leur mission : que l’étranger le sache aussi bien que la nation ; ces
magistrats rempliraient leur devoir avec la même pureté de conscience, quand
même ils devraient quitter demain leurs fonctions.
Je
dois faire observer en terminant, à M. Dumortier, que c’est sur les places de
Londres, d’Anvers et de Bruxelles, que la banque a acheté les 12 millions 900
mille francs, et qu’elle les a achetés à 96 plus une fraction. La
correspondance est là pour le prouver.
M.
Verdussen. - Messieurs, déjà plusieurs fois dans le cours de cette
discussion il a été fait mention de la commission que le Roi, par son arrêté du
16 février
Par suite de ces
considérations, je sens le besoin de déclarer à mes honorables collègues que je
croirai, pour ma part, devoir me refuser à toute explication qui pourrait
m’être demandée dans une autre qualité que dans cette de mandataire de la
nation, et que comme tel, j’examinerai avec eux la transaction conclue entre le
gouvernement et la banque, comme si j’y portais mes regards pour la première
fois.
Que les organes du
gouvernement aient ou non cru pouvoir invoquer le témoignage de quelques
membres isolés de cette assemblée, consultés par eux comme individus, cela ne
change pas ma manière de voir, car je ne leur reconnais aucun droit de s’en
prévaloir devant la chambre, et je n’ai trouvé dans cette conduite qu’une
inconséquence qui m’a d’autant plus surpris, qu’elle partait principalement de
la bouche d’un homme d’Etat entièrement au fait des convenances et des formes
parlementaires.
Je vais me livrer
brièvement, et uniquement comme député, à l’examen des pièces qui ont été
soumises à la chambre relativement à la convention du gouvernement avec la
banque, dont il a été fait mention dans le discours du trône.
Je distingue, messieurs,
dans cette transaction deux points essentiellement différents ; le fond qui est
pour moi l’objet véritablement important, et la forme, qu’en général je
n’envisage que comme accessoire. Quant au premier point, qui est le fond, je
n’hésite pas un seul instant à lui donner toute mon approbation, persuadé que
je suis que, dans la position où se trouvait le gouvernement vis-à-vis la
société générale, il a fait un véritable bien à la chose publique, en
utilisant, en faveur du trésor, une somme importante qui restait, je ne dirai
pas oisive (ce serait faire injure aux talents financiers de MM. les
administrateurs de la banque), mais sans profit pour la nation. Ce n’est point
ici le moment, messieurs, d’examiner si la banque avait ou non le droit de
refuser au gouvernement le versement qu’il réclamait d’elle ; il ne faut que
voir le fait en lui-même, et les conséquences fâcheuses que pouvait avoir sur
le crédit public une action judiciaire intentée contre un pareil établissement,
quelle qu’en eût été l’issue ; car, pour l’emploi de la force, il ne peut
certainement pas en être question.
Ce serait abuser de vos
moments, messieurs, que d’entrer à ce sujet dans de grands développements, et
je ne ferai que vous répéter un imparfaitement ce que M. le ministre de la
justice vous a dit à cet égard ; je me permettrai cependant, en passant, de
relever une inexactitude qui a échappé à cet organe du gouvernement. Il s’est
trompe lorsqu’il vous a dit que les bons du trésor, que la société générale a
exigé comme garantie, seraient créés sans intérêts : le fait est que dans leur
création ils auraient été en tout assimilés aux bons ordinaires ; mais la
banque n’aurait point profité de l’intérêt, et c’est en cela seul que ces
effets auraient été différents de ceux mis en circulation.
Un honorable
représentant, qui siège à ma gauche, a cru pouvoir mettre à profit la
discussion qui est à l’ordre du jour, pour exhaler toute sa bile contre la
banque de Bruxelles ; j’ai écouté cette longue satire, parce que je n’ai pas le
droit de rappeler à la question l’orateur qui s’en écarte, mais j’ai celui de
le faire remarquer à la chambre, et de l’engager à ne point suivre un membre
dans des digressions aussi longues qu’inutiles. Que la chambre revienne de ses
décisions antérieures ; qu’elle adopte la proposition que M. Meeus lui a faite
un jour ; qu’elle décide d’examiner par elle-même la situation de la banque
envers l’Etat, je le veux bien, ; mais avant que tout cela ne soit résolu,
l’examen superficiel de cette grave question ne servira qu’à égarer la chambre
et à lui faire perdre un temps précieux.
N’attendez pas de moi,
messieurs, que je suive pas à pas l’honorable député de Tournay dans le
discours plus que chaleureux qu’il a prononcé dans votre séance d’hier, ni que
j’y distingue le juste de ce que j’y trouve d’exagéré ; je dirai même que nous
différons trop essentiellement dans les points principaux qui dominent la
question dont nous nous occupons, pour que je réfute en détail les arguments
qu’il a fait valoir. Selon lui, la banque comme caissier de l’Etat ne diffère
que par sa nature d’un autre receveur public, et cependant il voudrait que le
législateur votât un petit bout de loi pour forcer la banque à payer : c’est à
mes yeux au moins une inconséquence, car ce serait admettre que les lois
existantes sont impuissantes pour forcer un receveur ordinaire au versement des
deniers qu’il a encaissées ; l’honorable membre ne voit dans la banque qu’une
institution nuisible au pays, et moi je ne ferme point les yeux sur les
avantages que le public retire de cette institution malgré les bénéfices
énormes qu’elle procure à ses actionnaires ; enfin, M. Dumortier ne trouve
qu’une dilapidation des deniers publics dans la convention arrêtée, tandis que
je n’y vois qu’un véritable échange de valeurs mortes pour le pays contre des
valeurs donnant un intérêt de 5 p. c. au moins.
Au surplus, messieurs,
si, contre mes désirs et contre mon attente, la chambre désapprouvait la
transaction, il y a toujours moyen de rétablir les choses dans l’état où elles
se trouvaient il y a deux mois, en restituant à la banque les fonds dont elle
s’est désemparée, puisque la vente successive des obligations déposées
suffirait à la reproduction des deniers, tandis que les intérêts que ces
capitaux produisent journellement serviraient à couvrir, et au-delà, les frais
des deux opérations et la perte légère qui peut-être résulterait de la
variation du cours.
Pour ce qui regarde la
forme, qui n’est que l’accessoire, et, par conséquent, d’une importance très
inférieure à celle du fond de la convention conclue avec la banque, je dois
vous avouer, messieurs, que je ne saurais lui accorder mon approbation :
d’abord, parce que je regrette, pour la dignité du gouvernement, que dans sa
lettre du 25 octobre il ait eu l’air d’offrir bénévolement à la société
générale des garanties qu’en réalité celle-ci seule a réclamées. Une pareille
offre ne devait point venir de celui qui, par sa position, avait, suivant moi,
le droit d’exiger la remise des fonds qu’on lui a refusés ; il pouvait tout au
plus y consentir dans la vue de ne point élever des débats dont l’issue devait
toujours avoir de fâcheuses conséquences. Cette exigence était naturelle dans
la bouche des administrateurs de la société générale, comme en effet elle s’y
est trouvée placée : mais, dans la bouche de M. le ministre des finances, cette
prévenance a un caractère plus ou moins déshonorant.
Si je félicite le
ministère des réserves qu’il a stipulées dans l’article 2 de la convention
conclue le 8 novembre, je ne saurais approuver son langage dans les articles 3
et 4, dans lesquels il semble consentir plus ou moins directement à une
prétention, selon moi très peu fondée, de la banque, celle d’être appelée
elle-même à établir un jour sa liquidation à Utrecht avec le gouvernement de
Enfin, messieurs, si la
chambre avait pu être consultée sur l’emploi des fonds qui ont été mis à la
disposition du gouvernement, je n’aurais, pour ma part, point conseillé de
mettre toute la somme en fonds publics belges de l’emprunt de 48 millions ; au
risque de tirer momentanément un parti moins productif du placement de ces
deniers, j’aurais préféré d’en destiner une partie à l’extinction de notre
dette flottante dont l’existence doit sans cesse inquiéter l’administration
supérieure du trésor, à cause des échéances successives des bons émis et de
l’incertitude du placement des nouveaux bons destinés à remplacer ceux qui
échoient mensuellement.
En résumé, messieurs,
j’approuve le gouvernement dans la convention qu’il a faite avec la société
générale ; mais je regrette qu’il n’ait pas été scrupuleux sur le choix de la
forme qu’il a donnée en général.
Permettez,
messieurs, que je vous entretienne encore un instant pour faire une seule
remarque sur ce que mes honorables collègues MM. A. Rodenbach et Angillis ont
dit hier à l’égard du bénéfice résultant de la fabrication des monnaies. Je
partage tout à fait l’avis de ces messieurs quant à la nécessité de porter au
budget le bénéfice à prévoir de la fabrication future de monnaies, mais je
crois qu’ils se trompent en demandant que le bénéfice obtenu antérieurement
soit porté sur ce même budget. Ce produit ne doit figurer que sur le compte de
l’exercice auquel il se rapporte, car un budget ne doit jamais parler que de
l’avenir, tandis que le compte ne doit parler que du passé, même pour les
objets qu’on aurait oublié de porter sur les budgets antérieurs.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Je dois répondre à un reproche qui, sorti de la bouche de l’honorable
préopinant, serait motivé si je ne rappelais à la chambre un antécédent qui
expliquera parfaitement ma conduite. Je n’aurais pas parlé des rapports qui ont
eu lieu entre la commission de la banque et le gouvernement à l’occasion de
l’arrangement dont on s’occupe, si l’on n’avait, dans une séance antérieure,
accusé le gouvernement d’avoir agi clandestinement, d’avoir agi sans avertir la
commission. Ceci me place dans la nécessité d’une défense, et c’est pour cela
que j’ai cru devoir rectifier les faits. Du reste, je ne m’arrêterai pas plus
longtemps sur les critiques de l’honorable membre, et j’applique à d’autres la
loi que je m’impose à moi-même, c’est-à-dire de ne jamais reculer devant la
publicité d’une opinion.
M.
Donny. - Messieurs, j’ai quelquefois élevé la voix contre le ministre
des finances, et je prévois que je serai souvent encore dans le cas de le
faire. C’est là, messieurs, un motif pour moi de prendre la défense de ce
ministre, lorsque j’en trouve l’occasion, et je le fais aujourd’hui en
déclarant que, selon moi, la convention qu’il a faite avec la banque de
Bruxelles mérite l’approbation du pays.
Cette convention produit
évidemment un résultat matériel immédiatement avantageux au pays, en ce qu’elle
augmente les revenus actuels du royaume d’environ 2,000 fr. par jour.
On a dit : Mais ce
résultat avantageux, le ministre ne l’a obtenu qu’en sacrifiant les intérêts du
pays, qu’en blessant l’honneur national, attendu que d’un côté le ministre a
aliéné les droits de l’Etat, et que d’un autre côté il a été stipulé des
garanties pour le cas d’une restauration.
Messieurs, ce n’est que
dans le cours de cette séance que j’ai pu me procurer les pièces relatives à
cette affaire. L’examen fugitif que j’en ai fait m’a convaincu qu’il ne se
trouve dans cette convention, ni aliénation de droits, ni stipulation de
garanties pour le cas éventuel d’une restauration. Il n’y a sien, ni dans la
convention, ni dans la correspondance, qui indique une aliénation des droits
existants, et
Quant à la garantie
contre une restauration, qu’on lise les pièces, on n’y trouvera rien qui puisse
seulement rappeler l’idée d’une garantie pareille. On objectera, sans doute,
que si cette garantie n’est pas stipulée d’une manière formelle, elle résulte
du moins de l’esprit de la convention. La convention, dira-t-on, donne à la
banque des bons du trésor ; c’est bien pour la garantir contre une éventualité
quelconque ; et contre quelle éventualité la banque avait-elle à se garantir,
si ce n’est contre une restauration ? Messieurs, il est une autre éventualité
qui était à prévoir, et qui a été prévue par les partie contractantes ; voici
en quoi elle consiste : les comptes du caissier général de l’ancien royaume uni
des Pays-Bas devront un jour être liquidés, et c’est cette liquidation qui
fixera définitivement les droits de
Ce qui m’a porté à
croire que telle a été, en effet, l’intention des parties contractantes, c’est
que les bons du trésor, placés entre les mains de la banque, perdent le
caractère de garantie dans le cas d’une restauration, car, si demain une
restauration ramenait le roi Guillaume à Bruxelles, je vous demande quelle
serait, dès ce moment-là, la valeur des bons du trésor, quelle serait la
garantie que la banque en tirerait.
La convention dont
s’agit me paraît être un arrangement par suite duquel le caissier de l’ancien
royaume des Pays-Bas, attendant la liquidation de ses comptes, avec chacun des
deux Etats qui ont succédé à ce royaume, donne à l’un de ces deux Etats une
somme d’au-delà de 12 millions, à titre de provision et à charge de caution.
Cet arrangement n’est
certes pas le meilleur arrangement possible, et je crois, par exemple, que la
convention aurait été plus satisfaisante pour nous et pour le pays, qu’elle
aurait en même temps été plus honorable pour la banque elle-même, si aucune
garantie n’avait été stipulée, et si l’on avait majoré la somme payée par
provision du montant des intérêts du solde depuis qu’il est dû ; car ces
intérêts nous reviennent, et nous devons compter que nous les obtiendrons un
jour. En attendant, nous pouvons, je pense, nous contenter de la convention,
telle qu’elle a été conclue.
Tel ne sera pas sans
doute l’avis des honorables membres qui prétendent qu’il ne fallait pas
traiter, mais trancher le nœud de la difficulté, en forçant par une loi le
caissier général des Pays-Bas à verser dans les caisses de
Que cette loi serait
injuste est une proposition plus évidente encore, car cette loi serait un acte
par lequel
Je me dispenserai,
messieurs, pour ne pas fatiguer votre attention, d’examiner si la conduite du
ministère a été légale, si dans cette convention, il n’a pas excédé les
pouvoirs qui lui sont attribués.
Cette
question est pour moi d’un intérêts secondaire ; car quelle qu’en puisse être
la solution, je voterai toujours contre tout ce qui tendrait à blâmer la
convention, parce qu’elle me paraît faite dans l’intérêt du pays. Mon vote sera
donc, dans un cas comme dans l’autre, en faveur du ministère ; seulement, il
sera de nature différente. Si le ministère a agi d’une manière légale, mon vote
ne sera qu’une simple approbation de sa conduite ; si au contraire il a franchi
la limite de la légalité, ce vote prendra le caractère d’un bill d’indemnité.
M.
Dumortier. - Messieurs, il me semble que la discussion vient de placer
la question sur un terrain qui n’est pas du tout celui sur lequel elle doit
être placée. L’argument du député de Bruxelles ainsi que celui du député d’Anvers
reposent sur cette proposition : Le gouvernement a-t-il fait ou n’a-t-il pas
fait une convention avantageuse ? Et on répond : Oui, le gouvernement a fait
une convention avantageuse. La question est, selon moi : Le gouvernement a-t-il
ou non sacrifié les intérêts du pays ? Vous ne sauriez nier, vous-mêmes, que le
gouvernement a sacrifié une grande partie des intérêts de l’Etat ; il a négligé
de forcer la banque à payer une partie des intérêts de l’arriéré.
Il a anéanti les droits
du pays en le mettant dans l’impossibilité d’user des fonds que la banque a
dans ses mains et en consentant une aliénation véritable.
Examinez le contrat, et
vous verrez que ce sont les fonds du trésor qui sont donnés en échange, ainsi
on laisse une valeur égale dans les mains de la banque, on aliène les 12
millions qu’elle devait payer. Comme un grand jury, nous devons tous
dire : Oui, le gouvernement a négligé les intérêts du pays en n’exigeant
pas les intérêts et en amortissant un capital quand il n’avait pas le droit de
le faire.
Le ministère prétend que
je n’ai critiqué que le ministère actuel relativement aux questions, qui nous
occupent ; mais il ne doit pas oublier que dans les sessions précédentes j’ai
soulevé le premier et traité ces questions.
Que reproche-t-on au
gouvernement ? Est-ce de n’avoir pas assigné la banque devant les autorités
judiciaires ? Le ministère doit savoir que l’autorité judiciaire est
incompétente pour prononcer contre un comptable. La banque est un receveur
comme tous les receveurs de
Quand un de vos
percepteurs ne produit pas tous ses fonds, le traduisez-vous, devant les
tribunaux ? Point du tout : vous lui envoyez des garnisaires et vous vous
faites payer. La banque n’a pas d’autres droits que les autres receveurs. De
deux choses l’une : ou bien la banque a droit à demander des garanties, et le
ministère en doit à tous les receveurs ; ou bien les receveurs n’ont pas droit
à demander des garanties quand ils ont versé dans les caisses du gouvernement
provisoire les fonds dont ils étaient détenteurs et la banque n’a pas droit
d’en demander : puisque vous avez donné des garanties à la banque à la banque
contre le fait d’une restauration, vous devez, par équité, en donner aussi aux
5,000 receveurs de
On dit qu’une loi qui
aurait tranché la question aurait eu un effet rétroactif : je ne sais comment
on comprend cette loi. Qu’est-ce que nous avons à dire par une loi ? Que nous
statuons sur le principe en contestation, à savoir que le gouvernement de la
révolution a succédé aux droits et aux devoirs de l’ancien gouvernement. Le
gouvernement provisoire a fait cette déclaration, déclaration tout à fait juste
et dont l’application est facile.
On a invoqué la
responsabilité des directeurs de la banque ; j’ai dit que si j’avais été dans leur
position, j’aurais demandé à n’avoir aucune responsabilité.
Je sens que tout
comptable doit être à couvert pour sa responsabilité ; eh bien, si vous aviez
employé un moyen de vigueur, les comptables de la banque auraient été sans
responsabilité, puisqu’ils auraient été contraints.
En invoquant sa
responsabilité, la banque a conservé nos fonds dans ses caisses, et nous a
prêté nos propres fonds. C’est au moyen de ces arguties, il ne faut pas dire
arguments, qu’elle a spéculé avec l’argent de la nation.
Le ministre de la
justice a prétendu que j’avais négligé à dessein de lire l’art. 1er de la
convention citée ; je pense, moi, que le ministre n’a pas lu cet art. 1er,
d’après lequel : « le directeur de la société générale, croyant ne
pouvoir, d’après l’avis de son conseil, traiter dès à présent avec le
gouvernement belge du solde dû à l’ancien gouvernement, ni en effectuer le
paiement avant la liquidation avec
Vous voyez si les
reproches qu’on m’a adressés sont fondés.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - C’est une erreur qui m’est
échappée.
M.
Dumortier. - La banque jouira de l’intérêt, dans le cas où le roi
Guillaume rentrerait.
Mais, disait le
ministre, le jour où les fonds publics seront à 96, on vendra. Réfléchissez
donc que vous ne pouvez pas vendre les fonds de la banque, vous ne pouvez pas
négocier un papier de la banque sans le remplacer par un autre papier.
Considérez encore que
comme vous négocierez dans un moment de crise les 12 millions, vous perdrez sur
le capital.
Et qui est-ce qui
achètera ? Ce sera un grand établissement ou une grande maison ; c’est-à-dire
la banque, qui par conséquent gagnera encore.
Messieurs, je n’ai que
peu de mots à ajouter.
Vous remarquerez que
l’on n’a répondu à aucune objection principale et qu’on a laissé de côté ce
reproche si fondé que le gouvernement négligeait les intérêts du pays et
donnait des garanties de sa propre existence. J’ai été étonné que le
gouvernement ait négligé de parler du syndicat et de la liste civile.
Je ne sais ce que l’on
fera à cet égard ; mais, à juger l’avenir par le passé, je crois que le
gouvernement ne fera rien ou fera mal. Je pense donc qu’il faut nommer une
commission prise dans le sein de cette assemblée, pour examiner l’état des
choses. J’ai déjà fait une pareille proposition dans une session précédente ;
mais le gouvernement, ne voulant pas que la chambre portât ses investigations
sur certains objets, a nommé lui-même une commission.
Je ne répondrai pas à
l’honorable membre qui a des rapports si intimes avec le directeur de la
banque, et qui a fait aujourd’hui plutôt le rôle de gouverneur que celui de
député.
Si
cet orateur a cru trouver quelque chose de personnel dans mon discours, c’est
qu’en effet il se considérait bien plus comme gouverneur de la banque que comme
ami du gouverneur. J’ai toujours vu qu’il était difficile de défendre les
intérêts du trésor quand on avait à lutter contre des établissements puissants.
Un orateur qui s’élève et contre le gouvernement et contre l’institution avec
laquelle le gouvernement traite, rencontre de grandes difficultés ; mais ces
difficultés ne m’arrêteront pas et je combattrai le colosse.
J’ai été surpris
d’entendre taxer mon discours de divagation, et dire que l’on devait me
rappeler à la question, me rappeler à l’ordre.
Il se trouve toujours
dans un pays des hommes qui n’ont pas assez de patriotisme pour défendre le
trésor ; il se trouve toujours des hommes faibles et pusillanimes qui n’ont pas
assez de courage pour sauver l’Etat ; mais si quelqu’un de nous devait
s’attendre à de pareils reproches, était-ce celui qui défendait les droits des
contribuables ? Si quelqu’un doit être rappelé à l’ordre, c’est celui qui
soutient les intérêts de la banque contre les intérêts du pays.
M.
Dumont. - J’ai peu de chose à
vous dire. Dans la séance d’hier, un honorable député a adressé aux membres de
la commission dite de la banque une invitation de faire connaître l’opinion
qu’elle a émise lorsqu’elle a été consultée par le gouvernement : au moment où
l’invitation a été faite, j’ai pensé prendre la parole ; mais j’ai été retenu
par cette considération, que l’invitation ne comportait pas la politesse
parlementaire.
Je ne sais pas si la
majorité de la commission a opiné favorablement aux dispositions du ministère ;
mais j’ai fait connaître mon opinion. J’ai été d’avis que le moyen le plus sage
pour le gouvernement de rentrer dans la jouissance des fonds qui formaient le
solde de l’ancien caissier du royaume était d’accepter les propositions qui
étaient faites par la banque. Les motifs sur lesquels cette opinion était
fondée sont que j’ai pensé qu’il n’existait que deux moyens : ou la voie
judiciaire ou un arrangement amiable. Les moyens de contrainte m’ont paru se
réduire à un acte devant les tribunaux car, au premier acte de violence, la
banque aurait formé opposition, et les tribunaux auraient dû prononcer.
La banque prétend n’être
pas un receveur ordinaire ; elle n’a pas une simple nomination ; elle fait le
service de caissier en vertu d’un contrat passé entre le gouvernement et
elle-même. Je ne dis pas que les prétentions de la banque soient fondées ; mais
je dis que c’est là l’occasion d’une action judiciaire. J’ai préféré la
transaction à l’amiable, car je regarde l’issue de tout procès comme douteuse.
L’avis des jurisconsultes est bien fait pour inspirer quelque doute. J’ai donc
préféré la transaction, qui n’exige aucun sacrifice et d’où il ne résulte aucun
déshonneur. J’ai trouvé qu’une transaction ne déshonorait pas plus le
gouvernement qu’elle ne déshonorait un particulier qui fournit des hypothèques.
Le
gouvernement a transigé avec un tuteur, qui exigeait des précautions pour son
pupille bien plus grandes qu’il ne les aurait exigées pour lui-même. Est-ce
contre le fait de restauration que les garanties ont sont demandées ? Mais il y
a bien d’autres cas qui exigent de la part des tuteurs de la banque une
responsabilité.
Selon le préopinant, le
gouvernement aurait sacrifié une partie des intérêts du pays ; il est dans
l’erreur, puisque rien n’est préjugé sur les réclamations que le pays croira
devoir faire.
M.
Dumortier. - J’ai dit qu’on négligeait les intérêts du pays en
amortissant le fonds et en n’exigeant pas les intérêts.
M. Dumont. - Eh bien ! si le gouvernement a droit
d’exiger des intérêts, ses droits sont réservés par la transaction. On a voulu
que toutes les questions restassent intactes et que rien ne fût préjugé par la
rédaction de la convention.
- Il
est donné lecture d’une proposition de M. Dumortier tendant à faire nommer une
commission de sept membres pour examiner toutes les questions relatives à la
banque.
Cette proposition est
appuyée.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si l’on continue de discuter sur
le fond, je ne prendrai pas la parole ; mais je la réclame si on s’interrompt
pour délibérer sur cet incident.
M.
Dubus. - Je la demande pour donner aussi quelques explications, attendu
que j’ai été membre de la commission de la banque qu’on a consultée et qui
selon le ministre, aurait opiné favorablement à la convention faite avec la
société générale.
J’avoue que j’ai été
surpris d’entendre affirmer en premier lieu par le ministre des finances,
ensuite par le ministre de la justice, que la commission de la banque avait
donné un avis favorable sur cet arrangement.
Le ministre de la
justice a même ajouté que c’était à la majorité des membres, ce qui donne lieu
de croire qu’il y aurait là résultat d’une délibération commune. Déjà, messieurs, les explications qui vous ont été
fournies par M. Dumont vous ont montré qu’il y a tout au moins inexactitude dans
ces assertions, et si la majorité des membres de la commission s’est prononcée,
ce que j’ignore, ce n’a pu être que dans des conversations particulières avec
les ministres.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je demande la parole.
M.
Dubus. - M’autorisant du langage tenu par M. le ministre de la justice
lui-même, attendu que rien ne doit être caché, je dirai comment les choses se
sont passées.
La commission a été en
effet réunie et consultée sur un arrangement avec la banque, mais cet
arrangement était tout différent de celui qui a été conclu, car il était
question de donner à la société générale une garantie non pas de bons du
trésor, mais de los-renten qui dans nos mains ne sont pas négociables, et qui,
dans les mains de ceux à qui nous les donnerions en garantie, ne seraient qu’un
simple gage dont nous ne pourrions nous passer lors de la liquidation du
syndicat. D’après l’idée que je m’étais faite à cet égard, j’émis l’opinion que
la banque n’en voudrait point ; on m’a répondu : si, elle en voudra.
C’est sur cet objet que
la commission a été consultée, et encore on n’a pas voulu se prononcer
immédiatement ; car on a objecté qu’un tel acte était très délicat de sa
nature, qu’il intéressait l’honneur du gouvernement, et qu’il importait avant
tout de voir dans quels termes il serait rédigé. On avait annoncé qu’il le
serait le lendemain, et cependant cela n’a pas eu lieu. Mais la banque était
représentée dans notre petite assemblée, et celui qui la représentait a dit :
Nous ne voulons pas de los-renten, c’est une valeur morte : il nous faut des
fonds publics, des valeurs que nous puissions lancer dans la circulation de
telle sorte qu’il soit impossible de les distinguer d’avec les valeurs qui sont
aujourd’hui dans les mains des particuliers.
Je n’inculperai pas ces
paroles, je trouve très bien que les grands spéculateurs calculent ; mais
voici, je vous l’avouerai, comme je les ai comprises. Il m’a semblé qu’on ne
voulait une telle garantie que contre la chance d’une restauration. En effet,
pourquoi voulait-on une valeur telle qu’elle ne pût être distinguée des valeurs
que les particuliers ont dans les mains ? c’est parce qu’on a réfléchi que si
le roi Guillaume revenait, il pourrait l’annuler par un acte de son
omnipotence. Aussi, n’ai-je pas tardé à m’écrier qu’il ne fallait pas donner
cette garantie à la banque. Quant aux autres membres de la commission, aucun
n’a prononcé d’opinion ce jour, et le ministre n’a pu en recueillir.
Le ministre a même dit,
puisque tout doit être mis au grand jour : le ministre a même dit, après les
observations de la personne qui représentait la banque : « Mais c’est tout
autre chose que ce que je croyais hier. » Je ne sais si M. le ministre a
pu s’interroger à part l’un ou l’autre membre de la commission ; mais toujours
est-il que la commission n’a pas pu délibérer et qu’elle n’a pas pris de
résolution.
Maintenant nous avons à
examiner s’il faut que la chambre décrète dans son budget des voies et moyens
l’arrangement dont il s’agit. Je ferai d’abord une espèce de motion d’ordre.
Les pièces relatives à cette convention ne sont pas dans nos mains ; et
cependant il est bien intéressant que chacun de nous les ait sous les yeux.
Elles ont été adressées, il est vrai, au président de la chambre, mais presque
toujours il arrive que quand un membre en a besoin, un autre les tient ; on ne
les trouve même pas au greffe. Je pense donc qu’avant tout il faudrait ordonner
l’impression et la distribution de ces pièces, ainsi que d’un amendement très
important que le ministre des finances a annoncé et qu’il n’a pas déposé sur le
bureau. Il ne s’agit rien moins dans cet amendement que de faire décréter dans
le budget des voies et moyens l’arrangement conclu avec la banque.
Quant à cet arrangement
en lui-même, il faut considérer quelles étaient les objections de la banque
lorsqu’on demandait le paiement de son encaisse. La première était une
exception de compensation. Il peut paraître fort étrange que la banque l’ait
aussi facilement abandonnée dans l’arrangement dont il s’agit. L’acte a été
rédigé de manière à exclure toute exception de compensation, puisque la société
générale reconnaît devoir 12,990,000 fr. Il ne reste donc plus qu’à savoir si
elle les doit à la caisse du trésor belge ou à celle du trésor hollandais. Ce
n’est pas merveille cependant qu’elle ait abandonné son moyen de compensation
que le conseil de ses avocats regardait comme inexpugnable ; car si cette
exception lui servait à refuser le paiement des fonds de l’encaisse, elle aura
réfléchi que cela ne pouvait lui servir à tous effets ; qu’on ne peut pas
opposer une compensation de 12 millions alors qu’on prétend n’en payer que 6.
Mais voulez-vous savoir la valeur réelle de cette compensation ?
Quand le roi Guillaume
n’obtenait pas des états l’approbation de certaines dépenses, il s’en passait ;
mais il avait d’autres moyens de prendre l’argent : il avait le syndicat et la
banque. Il est donc arrivé que le roi Guillaume, en
Il garantissait de plus
qu’il prendrait pour son compte toute la partie de l’emprunt qu’on ne
négocierait pas, et la banque s’engageait à prêter l’argent nécessaire pour que
le roi empruntât. Telle est la singulière compensation que l’on présente
aujourd’hui pour équivalent de ce qui est dû par la banque au trésor.
La banque avait encore
stipulé dans cet arrangement une garantie spéciale : cette garantie spéciale
consistait dans les actions du roi, ou le capital de la société même.
La banque, qui a encore
cette garantie, prétend néanmoins retenir encore tout ce qu’elle doit à la
liste civile, tout ce qu’elle doit au syndicat, tout ce qu’elle doit au trésor
! Voilà ce que l’on nous disait ; mais je ne le croirai jamais, à moins de
l’entendre de la part même des organes de la banque.
Toutefois on a renoncé à
ces moyens. Quels sont ceux que l’on a employés ? La banque disait : J’ai été
caissier du royaume des Pays-Bas ; mais après 1830 je n’étais plus ce caissier,
et je ne l’étais pas de l’Etat belge ; ainsi je ne dois pas de compte à
La banque prétend
qu’elle ne doit payer qu’en vertu des traités politiques qui interviendront ;
qu’elle lise ces traités, elle verra qu’il y est question de la liquidation
entre
Si le principe du
paiement n’était pas dans vos lois, vous pouvez en porter une qui le proclame.
Sous aucun rapport il
n’y avait lieu à être arrêté par les objections de la banque. L’événement vous
prouve que la banque n’y avait pas confiance. C’est cependant dans ces
circonstances qu’a eu lieu la convention du 8 octobre.
Est-il vrai, comme je le
pense, que la garantie donnée est une garantie contre la chance d’une restauration
? Si c’est une autre garantie, en supposant que l’Etat se consolide, la banque
se défierait-elle de la solvabilité de la Belgique ? Si on le lui disait
cependant, elle crierait à la calomnie, elle crierait qu’elle a traité avec
notre jeune Etat et qu’elle est prête encore à le faire.
En
effet, elle ne peut courir aucun danger. Les prêts faits sur la foi publique
doivent rester, quelque changement qui arrive dans le gouvernement. Dans le cas
d’une restauration, si la banque payait au trésor belge ce qu’elle devrait
payer au trésor hollandais, elle craint qu’on ne déclare le paiement nul. Ainsi
ce n’est réellement que contre la chance de la restauration que la garantie est
donnée, et je trouve un tel arrangement déshonorant pour le pays ; telle a été
mon opinion, et telle elle est encore.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Si la question d’honneur était,
en cette circonstance, aussi claire que le prétend le préopinant, vous auriez
bien de vous étonner qu’il ait été seul de son avis, quoiqu’en contacte avec
quatre de ses collègues ; car on a opiné, et voici comment tous les membres de
la commission, ont été consultés successivement.
Il est très vrai qu’on
n’a pas ouvert de scrutin, qu’on n’a pas fait un appel nominal. J’ai été le
premier à dire alors : « Nous ne mettrons pas de questions aux voix, parce
que nous ne prétendons pas nous réfugier derrière la décision de la commission
pour dégager notre responsabilité. »
Hier, M. Brabant, avec
sa loyauté qu’on lui connaît, m’a autorisé à dire qu’il avait, lui aussi, émis
l’opinion que l’arrangement n’avait rien qui blessât ni les intérêts du pays ni
l’honneur national. D’autres membres m’ont tenu le même langage. Voilà comment
les choses se sont passés sur ce premier point.
Je prierai la chambre de
remarquer que, si nous sommes amenés sur ces détails intérieurs, c’est parce
que les critiques ont porté sur ce point, qu’on avait agi clandestinement et
sans l’avis de la commission. Vous voyez, messieurs, que s’il y a du scandale
dans cette affaire, il ne vient pas du gouvernement.
Les souvenirs du
préopinant, dont je n’accuse pas la bonne foi et dont j’honore le caractère,
lui ont failli. Il est vrai que le jour de la première conférence on a dit que
les garanties pourraient consister en un dépôt de los-renten ; mais on a
bientôt remarqué qu’il y avait quiproquo, que nous n’entendions parler que de
los-renten non négociables, tandis que la banque exigeait des los-renten
négociables : c’est alors qu’on en est venu à l’idée de l’échange du solde
contre des bons du trésor, sans intérêts à supporter par le trésor.
C’est à cette opinion
que se sont ralliés les membres de la commission, moins l’honorable M. Dubus,
qui, je dois le dire, n’a fait que reproduire aujourd’hui l’opinion qu’il a
émise alors. L’arrangement n’a pas été écrit, parce que nous aurions craint
d’abuser du temps de ces messieurs, arrivés de leurs provinces et retenus déjà
depuis deux jours à Bruxelles. Mais nous les avons consultés sur les bases de
l’opération. Vous avez vu que les souvenirs de MM. Verdussen et Dumont semblent
d’accord avec les miens. Je crois pouvoir en dire autant de l’opinion de
l’honorable M. Davignon.
J’aurais beaucoup de
choses à dire sur la théorie du préopinant, qui n’est que la reproduction du
système de M. Dumortier ; mais je ne m’attacherai qu’au reproche qu’il nous
adresse.
Quoi, dit-on, vous
faites une différence entre la banque qui est un grand comptable, et un petit
receveur qui est un petit comptable ! vous prétendez que vous deviez aller
devant les tribunaux ! Et là-dessus l’honorable préopinant se croyant sans
doute devant un tribunal, a fait un excellent plaidoyer pour prouver une
opinion, que du reste je partage, à savoir que l’exception de compensation
annoncée par la banque n’est pas fondée ; mais il a oublié que le plus mince
comptable, alors qu’il prétend ne rien devoir, alors qu’à tort ou à raison il
oppose une exception de compensation, vous conduit nécessairement devant les
tribunaux. Nous arriverions donc toujours à un procès. Eh bien ! vous jugerez
si, alors que nous rencontrions une résistance invincible dans la banque, nous
avons bien fait de traiter amiablement avec elle ; car voilà, je le répète,
toute la question.
Quant au remède que
propose l’honorable préopinant pour trancher le nœud de la difficulté, si la
loi dont il a parlé est si claire, si morale, pourquoi donc ne la propose-t-il
pas ?
M.
Dumortier. - Il est trop tard.
M. le ministre
de la justice (M. Lebeau) - Il est trop tard ! Mais vous avez eu deux ans pour réfléchir ; et il
n’en fallait pas tant à l’honorable préopinant qui m’interrompt pour rédiger et
présenter ce qu’il appelle un petit bout
de loi. Pourquoi ne l’avez-vous pas fait, si la fortune publique
périclitait chaque jour par suite de ce retard ? Ne voyez-vous pas que vous
faites les procès à la chambre tout entière, au sein de laquelle il ne s’est
pas rencontré un seul homme qui, à défaut d’action de la part du gouvernement,
ait pris l’initiative ? Quand le gouvernement paraissait avoir des doutes,
pourquoi, vous qui n’en aviez pas, ne faisiez-vous pas un projet de loi ? Il se
serait empressé de l’examiner, de le méditer ; et, s’il avait partagé l’opinion
de l’auteur, il se serait fait un devoir comme un plaisir de se rallier à son
œuvre.
M. Gendebien. - Je demande que la chambre
statue sur l’impression et la distribution des pièces, et sur l’impression du
contrat qui a constitué la banque caissier de l’Etat. Je demande en outre
l’impression des pièces qui contiennent les propositions de la banque et ses
objections. Personne ne peut s’opposer à cette impression.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce n’est pas moi qui m’y opposerai.
M. Meeus. - Il y a longtemps que ces pièces auraient dû
être imprimées ; mais M. Gendebien demande l’impression des motifs que la
banque a fait valoir pour refuser les propositions qu’on lui faisait : cela est
impossible.
M. Gendebien. - Je demande que l’on imprime les
diverses propositions mises en avant par la banque pour se dispenser de payer,
les prétextes qu’elle a employés pour opposer des compensations aux demandes du
gouvernement. On doit même imprimer les consultations. On a cité des noms
respectables, mais ils peuvent se tromper. Nous ne pouvons pas contraindre la
banque à nous donner ces documents. Cependant, si elle se respecte un peu, elle
communiquera les pièces que nous lui demandons.
- Ici, la plupart des
membres quittent leurs places.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Dans ce que vient de dire
l’honorable préopinant je dois voir une interpellation, je déclare qu’aucune de
ces pièces ne se trouvent dans les archives du ministère. Je ne puis donc les
déposer.
M. Gendebien. - Il serait plus qu’étonnant que
le ministre ait porté la légèreté jusqu’à traiter une affaire aussi majeure
sans avoir les pièces. Maintenant on veut obtenir de la chambre une sanction,
c’est-à-dire qu’on veut la faire agir avec la même légèreté ; ce serait une
chose honteuse pour la chambre que de donner sa sanction sans être éclairée.
Quant à moi, non seulement je ne prendrai point part à une pareille
délibération, mais je protesterai contre.
M. Meeus. - Le gouvernement n’a
effectivement pas en main les pièces que
réclame M. Gendebien. Il y en a
de plusieurs natures. Il y a les comptes de la banque comme caissier général,
les comptes avec le syndicat, puis les comptes avec le roi Guillaume comme chef
de l’Etat et comme particulier. M. Gendebien va plus loin. Il ne voit pas
d’inconvénient à ce que les consultations des avocats soient publiées aussi :
ceci s’adresse à la banque. D’après ses statuts elle doit renvoyer la question
à ses jurisconsultes ; mais s’ils donnent un avis favorable, je connais assez
l’esprit de la direction de la banque pour annoncer qu’elle s’empressera de
faire communication. (A demain ! à demain
!)
M. A. Rodenbach. - Tout ce qui vient d’être
dit prouve la nécessité d’une commission. Je demande donc qu’on décide, séance
tenante, s’il sera nommé une commission.
Plusieurs voix. - Nous ne sommes plus en nombre.
M.
Dumortier. - Je demande qu’on imprime toutes les pièces, non seulement
celles qui sont déposées, mais les autres dont nous avons besoin.
M.
le président. - Nous ne pouvons rien décider quant à la commission,
puisque nous ne sommes plus en nombre. Pour ce qui est des pièces, nous ferons
imprimer celles que nous avons. C’est à M. le ministre des finances à voir s’il
veut en produire d’autres.
- La séance est levée à
4 heures un quart.