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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 12 décembre 1833

(Moniteur belge n°348, du 14 décembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, il est donné lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

Quelques pétitions sont renvoyées après analyse à la commission des pétitions.

M. le président. - Nous avons suspendu, hier, le vote de l’article enregistrement, parce que M. le ministre des finances à demandé un délai pour donner des explications.

Motion d'ordre

Statistiques des entrées et sorties de céréales

M. Eloy de Burdinne. - Je désirerais faire avant une interpellation à M. le ministre, relative aux grains.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Ce n’est pas le moment : nous nous occupons maintenant des domaines.

M. Eloy de Burdinne. - Je voudrais savoir quelle quantité de grain est entrée en Belgique et quelle quantité en est sortie, et si le gouvernement a l’intention de nous proposer sur la matière un projet de loi qui soit en rapport avec la législation de France et d’Angleterre. Comme il serait très possible que je présentasse moi-même une proposition, je le prie de me donner ces renseignements afin que cette proposition soit discutée avant le vote sur l’ensemble des voies et moyens.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Cela concerne mon collègue le ministre de l’intérieur.

M. A. Rodenbach. - Il paraît que M. Eloy de Burdinne demande des détails statistiques sur l’entrée et la sortie des grains. Or, il peut se les procurer au ministère.

M. de Robaulx. - Il faut maintenir l’ordre de la discussion. M. Eloy de Burdinne a fait un travail relatif aux grains, mais cela ne regarde nullement les domaines et l’enregistrement. S’il veut présenter une proposition, qu’il la dépose, et elle suivra la filière ordinaire ; mais nous ne pouvons nous occuper en ce moment de cet objet, et je demande l’ordre du jour. (Appuyé !)

- La chambre passe à l’ordre du jour.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1834

Discussion du tableau des recettes

Enregistrement

Droits additionnels et amendes

« Enregistrement : fr. 7,600,000. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je vais déposer sur le bureau l’amendement que je propose à l’occasion de cet article, ainsi que l’exposé des motifs qui l’accompagnent, car la chambre en ordonnera probablement l’impression.

- Plusieurs voix. - Lisez au moins l’amendement.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) donne lecture de cet amendement, ainsi conçu :

« 1° Les ventes et adjudications des coupes de bois taillis ou de futaies, autres que celles qui doivent être abattues dans l’année, à compter du jour de la vente, seront considérées comme ventes ou adjudications d’immeubles pour la perception du droit d’enregistrement, et quant à l’expertise.

« Il y aura lieu de rectifier la perception, sur le pied du droit dû pour les immeubles, lorsque les coupes vendues ou adjugées, pour être abattues, ne l’auront pas été dans le cours d’une année.

« Les articles 20 et 21 de la loi du 31 mai 1824, en ce qu’ils ont de contraire, sont rapportés.

« 2° Le délai pour l’enregistrement des ventes publiques de marchandises qui, en vertu du décret du 17 avril 1812 sont faites à la bourse et aux enchères, par le ministère des courtiers et des autres actes relatifs à ces ventes, est le même que pour les actes d’huissiers.

« Les obligations et pénalités déterminées pour les huissiers par la loi du 22 pluviôse an VII, par les articles 26 , 29, 34, 41 et 42 de la loi du 22 frimaire an VII, et celles relatives à la tenue d’un répertoire, sont communes aux courtiers, quant auxdites ventes et actes y relatifs.

« 3° Les ventes publiques de marchandises, faites par les courtiers, sont assujetties au droit proportionnel de 50 centimes par 100 francs.

« 4° Les ventes ou adjudications d’objets mobiliers, autres que les marchandises vendues de la manière indiquée par l’articles 2, sont assujetties au droit proportionnel de 2 fr. par 100 fr.

« 5° Les articles 13, 14 et 15 de la loi du 31 mai 1824, sont abrogés.

« 6° Toutes dispositions législatives sur la matière, non contraires, sont maintenues. »

M. d’Huart. - Je demande que l’amendement soit renvoyé à la section centrale, qui l’examinera et qui verra s’il ne convient pas mieux d’en faire une loi spéciale, d’autant plus que le budget est une loi annale qui cesse à la fin de l’exercice.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne m’y oppose pas.

M. Faider, commissaire du Roi. - Je ne crois pas, messieurs, que l’amendement de M. le ministre des finances soit un motif pour vous d’ajourner votre décision sur l’évaluation du produit de l’enregistrement ; car en supposant que la masse des objets mis en adjudication s’élevât à 4 millions, la différence en plus résultant de l’augmentation du droit ne serait que de 60,000 fr., ce qui fait une somme très minime à côté de celle de 7,600,000 fr., montant de l’élévation totale du produit de l’enregistrement. Remarquez que cette élévation est déjà peut-être trop élevée eu égard à la diminution de la valeur vénale des propriétés, occasionnée par la baisse du prix des produits de l’agriculture.

M. de Robaulx. - Je ne conçois pas à la vérité comment on entend ici la confection du budget. Comment ! vous estimez à 7,600,000 fr. le produit de l’enregistrement, et quand nous proposons une augmentation de droit sur certaines ventes, augmentation que vous adoptez avec empressement, parce qu’elle doit grossir le chiffre, vous ne voulez pas en tenir compte ! On dit : La différence ne sera que de 60,000 fr. ; ainsi apportez tout ce que vous voudrez dans le gouffre du budget, on ne dira jamais que c’est trop.

L’augmentation qu’on a fait valoir pour laisser le chiffre tel qu’il est absolument fausse. On s’appuie sur la déprécation des propriétés : mais remarquez au contraire, messieurs, que les propriétés n’ont jamais atteint le prix où elles sont parvenues maintenant. Si les denrées subissent une baisse, le taux des mercuriales n’influe en rien sur la valeur des biens-fonds. Chacun de vous est à même de donner sur ce point un démenti à M. l’administrateur. Du reste, si l’on ne regarde pas le produit devant provenir de l’augmentation dont il s’agit comme nécessaire, pourquoi surcharger notre système financier de nouvelles dispositions favorables au fisc. Quant à moi, si l’on ne veut pas tenir compte de cette somme et qu’on n’en reconnaisse pas l’utilité, je voterai contre.

M. d’Huart. - Si j’ai bien compris M. l’administrateur, il a dit que l’augmentation ne serait que de 60,000 fr., et comme l’évaluation n’était qu’éventuelle, qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter au chiffre total une somme aussi minime. Dans le fait, je ne vois aucun inconvénient à voter le chiffre de 6,700,000.

M. de Robaulx. - 60,000 fr, c’est l’évaluation de M. l’administrateur. Mais je voudrais savoir au juste si l’augmentation ne s’élèvera pas plus haut. Du reste, je ne regarde pas 60,000 fr. comme une bagatelle.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je prie l’honorable membre de remarquer qu’il ne s’agit ici que de voies et moyens. Nul doute que si le produit s’élève plus haut que le chiffre provisoirement fixé, on en tiendra compte. Quant au montant de l’augmentation, on l’établit d’après le produit des dispositions antérieures qui ont été abrogées, et que celle actuellement en vigueur.

M. Pirson. - Je ne suis pas tout à fait de l’avis de l’honorable collègue avec lequel je vote habituellement.

M. de Robaulx. - Pas trop habituellement. (On rit.)

M. Pirson. - Nous sommes à la veille de changer de système financier, et si au 1er janvier 1835 nous voyons qu’il y a une augmentation de revenu sur l’enregistrement, elle ne sera pas perdue, et nous pourrons alors diminuer le chiffre des autres contributions qui nous paraîtront les plus onéreuses.

M. de Robaulx. - Il faut pourtant que l’on s’entende. Quand on crée de nouvelles ressources au trésor, il est nécessaire que le gouvernement nous dise ce qu’elles produiront, afin d’établir la balance des voies et moyens et des dépenses. Si l’on ajoute d’un côté, il faut diminuer de l’autre. Je sais bien que dans un an on saura plus positivement le montant du produit et qu’on pourra le fixer ; mais il en est de même pour tous les autres objets. Par exemple, on met 3 millions pour le sel et on ne sait pas si le sel n’en produira pas quatre. Ainsi donc, l’argumentation de M. Pirson ne signifie rien. Le budget des voies et moyens et l’évaluation des ressources doivent balancer les besoins, et il ne faut pas voter une somme présumée supérieure à nos dépenses.

M. Angillis, rapporteur. - La section centrale, en appuyant le vœu émis par les sections particulières, relativement aux bois de haute futaie et de taillis, a eu en vue de rendre au trésor ce qui lui était dû et de rétablir l’harmonie existante dans la loi du 22 frimaire, et qui avait été rompue par celle de mai 1824.

La vente des bois n’est sujette qu’à un droit d’un demi pour cent, tandis que celle du mobilier d’un malheureux subit un droit de 2 p. c. La loi de 1824, qui consacre cette disproportion, a été faite en faveur des propriétaires ; je l’ai combattue quand elle n’était encore qu’en projet, et l’événement a prouvé que j’avais raison. Il est encore plusieurs choses qui doivent disparaître de la loi de 1824, mais ce n’est pas le moment d’en parler. La section centrale, en adoptant pour la vente des bois la base de la loi du 22 frimaire an VII, a fait un acte de justice, et elle persiste dans sa proposition. Cependant, comme M. le ministre a présenté à cet égard un projet de loi qui paraît très compliqué, tandis qu’il aurait pu faire une disposition en deux lignes, il faut que nous ayons le temps de l’examiner, et je demande que la discussion soit suspendue sur cet objet jusqu’à ce que la section centrale ait fait son rapport.

M. de Robaulx. - En mettant seulement dans le budget que la perception du droit dont il s’agit sera rétablie d’après les dispositions de la loi de frimaire an VII, on évitera de longs débats auxquels donnerait lieu la proposition de M. le ministre des finances.

J’appuie la motion faite par M. Angillis de renvoyer cet objet à demain. (Appuyé ! appuyé !)

Projet de loi modifiant l'uniforme de la garde civique

Dépôt

Projet de loi accordant une indemnité aux victimes de l'agression hollandaise

Dépôt

Projet de loi accordant une pension aux blessés de septembre

Dépôt

Projet de loi accordant des pensions individuelles

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) présente :

1° Un projet de loi tendant à modifier la législation sur la garde civique en ce qui concerne l’uniforme des gardes.

2° Un projet de loi sur le principe des indemnités à accorder aux victimes des dégâts causés par le fait de l’agression des Hollandais depuis le 23 septembre 1830.

3° Un projet de loi tendant à modifier ou étendre les dispositions de l’arrêté du gouvernement provisoire en date du 6 novembre 1830, concernant les pensions auxquelles ont droit les citoyens qui ont été blessés en combattant pour l’indépendance nationale, ou les veuves, enfants, pères, mères et aïeuls de ceux qui ont succombé.

4° Un projet de loi accordant une pension à la nommée Marie-Catherine-Josèphe Penningue, domiciliées à Namur ; aux sieurs François-Jean Meeuws et Frédérix de Poortter, domicilié à Gand, et à la nommée Jean-Catherine Wailly, domicilié à Alost ;

5° Un projet de loi accordant une pension annuelle et viagère à la veuve du sieur Engelspach-Larivière ;

6° Et enfin, un projet de loi accordant une pension de 200 fr. à la veuve Delin, d’Anvers.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) lit les motifs accompagnant ces trois derniers projets.

Il lui est donné acte de la présentation des cinq projets de loi. La chambre en ordonne l’impression et la distribution, et les renvoie à l’examen des sections.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1834

Discussion du tableau des recettes

Enregistrement

Domaines

« Intérêts et recouvrements sur le capital du fonds de l’industrie : fr. 700,000. »

M. le président. - Voici l’addition proposée par la section centrale :

« Recouvrement des avances faites au séquestre des biens de la maison d’Orange-Nassau, jusqu’au besoin 1833, 208,000 fr. »

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, ainsi que j’ai en l’honneur de vous en faite la promesse dans la séance d’hier, je vais déposer sur le bureau un état général des recettes et dépenses faites pour le compte du séquestre pendant les années 1831, 1832 et les six premiers mois de 1833 et un registré détaillé à l’appui. Il en résulte que la recette s’élève à fr. 108,438 36

Et la dépense fr. 336,544 29

Partant l’avance faite au séquestre et due par lui est de fr. 230,105 93

Nous avons trouvé une erreur à l’avantage du trésor de 21,000 fr. sur le chiffre renseigné d’abord à la section centrale, et qu’elle consigne dans son rapport.

M. Dumortier. - Messieurs, vous remarquerez qu’il s’est déjà opéré un changement depuis hier soir dans les comptes relatifs au séquestre. Hier l’avance faite par le trésor ne s’élevait qu’à 208,941 fr 94 c., et aujourd’hui voilà que l’on déclare qu’elle monte à plus de 230,000 fr. Cependant cela ne concorde pas encore avec les renseignements qui ont été fournis sur cet objet à l’ancienne section centrale.

Je désire qu’on m’explique l’énorme différence qu’il y a entre le chiffre établi d’après ce documents et qui est de 574,211 fr 29 c., et celui qu’on nous présente en ce moment. Je demanderai aussi un petit éclaircissement sur un autre point. Comment se fait-il que l’administration du séquestre, qui les années précédentes, loin de pouvoir payer ses arriérés, nous demandait de l’argent peur subvenir à ses propres besoins, depuis qu’on a parlé de vendre ses biens, propose de rembourser les avances du trésor ? Où donc a-t-elle trouvé ces ressources ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Avant de répondre à l’interpellation du préopinant, je le prierai de me dire d’où lui sont venus les renseignements qui feraient monter les avances du trésor au séquestre à près de 600,000 fr.

M. Dumortier. - Du ministère.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mais ce n’est pas de moi.

M. Dumortier. - L’ancienne section centrale les a obtenus du ministère.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mais encore une fois je demande s’ils viennent de moi. Je me suis toujours fait un devoir de répondre à toutes les demandes de documents qui m’ont été adressées par les sections ; c’est encore ce que j’ai fait aujourd’hui ; mais qu’on me montre ma signature. Si ce sont des renseignements puisés à une autre source, je les repousse, tandis qu’au contraire je garantis ceux que je présente en ce moment comme étant officiels.

M. A. Rodenbach. - Je demande que l’état et les renseignements dont vient de parler M. le ministre des finances soient renvoyés à la section centrale pour qu’elle examine ces divers comptes avec la plus grande attention ; car il paraît qu’on a payé les dettes du prince d’Orange avec les deniers du trésor. Elle verra si ce fait est vrai, et si la somme avancée monte réellement à 574,211 fr. 29 c.

On l’avait déjà portée à 208,941 fr. 94 c., et maintenant on accuse 230,105 fr. 93 c., et cela, après l’intervalle d’une seule nuit. Il est possible qu’après quelques nuits encore, la somme s’accroisse de beaucoup. Quoi qu’il en soit, je ne puis m’empêcher d’exprimer mon étonnement de ce que le gouvernement soit venu nous demander chaque année 80,000 fr. pour le séquestre, et qu’il ait fait servir le produit des sueurs du peuple à payer les dettes d’un prince exclu à l’unanimité, ainsi que sa famille.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il n’a été voté en tout pour le séquestre qu’une somme de 211,000 fr. Depuis que le gouvernement cesse de lui faire des avances, on s’occupe du moyen de vendre divers objets appartenant à cette administration, pour qu’avec le produit de cette vente et ses autres recettes elle soit à même de subvenir à ses besoins. Quant à l’erreur de 21,000 et des cents francs, elle est tout à l’avantage du trésor, je le répète. L’état détaillé que je me suis procuré est l’image fidèle de toutes les recettes et dépenses opérées jour par jour, et je le déposerai, ainsi que je l’ai déjà annoncé.

M. A. Rodenbach. - Je prierai M. le ministre d’y vouloir bien joindre les quittances ; ce sont, dit-on, des pièces très curieuses. (On rit.)

M. Angillis, rapporteur. - Il y a une créance exigible depuis le mois de mai 1832, qui s’élève à 100,000 fl., ce qui fait environ 211,000 fr. C’est presque la totalité de ce qui nous est dû d’après les comptes établis. Je ne dirai pas le nom de la personne qui la doit, à moins que la chambre ne le veuille ; mais je demanderai pourquoi on n’a pas fait rentrer cette somme qui nous aurait mis à couvert d’une partie de nos avances.

M. Faider, commissaire du Roi. - La réponse est extrêmement facile. Depuis que la créance est exigible, on a fait des poursuites ; un jugement de première instance a déjà été rendu, et l’affaire est en appel, où elle sera plaidée à son tour.

M. Dumortier. - J’appuie la proposition faite par mon honorable collègue M. A. Rodenbach de renvoyer les pièces communiquées par M. le ministre des finances à la section centrale. il faut que l’obscurité qui entoure cet objet disparaisse et que tout devienne clair. Il est constant que depuis qu’on a parlé de vendre les biens du séquestre, les choses sont tout à fait changées car, avant, l’administration ne pouvait suffire à ses besoins, et aujourd’hui, loin de nous demander de l’argent, elle nous en offre pour empêcher la vente. Quant à moi je déclare n’être pas satisfait de ce qu’on nous dit. Au mois d'août, ou a fait voir que l’avance du trésor au séquestre s’élevait à près de 600,000 fr.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Qui ?

M. Dumortier. - Vous devriez le savoir, on a établi, d’après les pièces du ministère, que les dépenses s’élevaient à fr. 689,764 fr. 60 c.

Et les recettes à fr. 115,553 fr. 31 c.

D’où il suivait qu’il était dû au gouvernement fr. 574,211 fr 29 c.

Maintenant je n’ai pas vu le tableau de M. le ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le voilà.

M. Dumortier. - je n’ai pas le temps de vérifier, mais je vois que ce qui est dû au trésor par le gouvernement n’est porté qu’à 230,105 fr. 93 c. Il ne s’agit pas d’examiner ce qui a été voté dans le budget, car le gouvernement a eu des moyens très faciles pour les dépasser.

Vous vous rappellerez, messieurs, qu’en 1831, on n’a pas voté le budget, mais seulement un crédit global ; en 1832, le budget n’a été fait qu’au mois de juin, et les cinq premiers mois de l’année le service a marché avec des crédits provisoires ; vous vous souviendrez en outre que par suite de la dissolution de la chambre, arrêtée par le ministère pour se maintenir au pouvoir, le budget de 1833 n’a encore pu être voté qu’au mois d’octobre. On a donc pu faire des dépenses pour le séquestre sans rencontrer d’obstacle. Eh bien ! quand on me dit que le séquestre a dépensé juste la somme allouée au budget, cela ne me satisfait pas. Il y a là quelque chose de louche, surtout quand on considère que cette administration qui depuis trois ans nous demande de l’argent, nous en offre aujourd’hui parce qu’on a parlé de la vente de ses biens.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je ne cesserai de demander au préopinant sur quels documents officiels transmis par le ministre des finances il élève l’avance faite au séquestre à 574,211 fr. 29 c. ; car je regarde tous les autres renseignements comme pris à une source impure et comme inexacts. C’est le ministre qui doit les fournir.

Si on est allé trouver des sous-ordres, on s’est exposé à commettre des erreurs : ce n’est pas la première fois que d’honorables représentants se sont ainsi adressés à des employés du ministère. Or, de quel droit ces employés, sans la signature et l’autorisation de leur chef, se mettent-ils en contact avec les présidents des sections centrales ? C’est au ministre lui-même qu’il appartient de le faire. C’est peut-être avec des renseignements inexacts puise à cette source qu’on vient signaler des détournements. Mais puisqu’on exige que le ministre s’explique, le ministre demande à son tour qu’on s’explique aussi sur ce point.

M. A. Rodenbach. - J’emploierai à l’égard du ministre des finances les mêmes armes parlementaires qu’il emploie contre M. Dumortier, et je lui demanderai comment il se fait qu’un chiffre officiel, qui était hier de 208,941 fr. 94 c., se soit métamorphosé en celui de 230,105 fr. 93 c. ce qui fait plus de 21,000 fr. de différence. On l’avait pourtant renseigné à la section centrale, et l’honorable M. Angillis l’a fait figurer dans son rapport. D’un autre côté nous avons lieu d’être surpris de la conduite de M. le ministre. Pourquoi a-t il fallu que ce fût la chambre qui prît l’initiative en ce qui touche le séquestre ? Il faut qu’il sache qu’il est Belge et qu’il sera Belge à jamais.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je n’ai besoin des avertissements de personne pour me souvenir que je suis Belge. J’ai vécu et je mourrai tel, c’est une qualité dont je me fais honneur, et que je soutiendrai, s’il le faut, aux dépens de ma vie. Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je répète que j’ai déposé un état présentant les détails les plus circonstanciés. Nous avons avoué une erreur ; mais cela doit-il occasionner tant de bruit ? Est-on donc infaillible, surtout quand il s’agit de chiffres ? D’ailleurs cette erreur est avantageuse au trésor, car il a droit à 21,000 francs de plus qu’on ne croyait.

M. Dumortier. - Ce n’est pas à M. le ministre des finances, dont je ne suspecte nullement les intentions, que s’adressent mes paroles. Quant à lui, je l’ai toujours regardé comme un honnête homme, et si je le dis, c’est que je le pense. Mais tout le monde, dans un ministère, ne se ressemble pas, et des abus peuvent s’être glissés dans cette partie de l’administration.

Il est incontestable que les documents produits aujourd’hui ne s’accordent pas du tout avec ceux fournis à la section centrale, et que j’ai fait valoir moi-même alors que je suis venu m’opposer à l’allocation de 80,000 fr. qu’on nous demandait pour le séquestre. Ces renseignements alors, on ne les a pas révoqués en doute : si cependant il n’avaient pas été fondés, on n’aurait pas manqué de le dire.

Il est des choses qu’on ne peut pas divulguer, mais j’affirme qu’ils sont de la plus grande exactitude. Je ne prétends pas qu’il y ait un faux de la part du ministre. Mais toujours est-il qu’il existe une énorme différence entre les deux communications qu’a reçue la chambre, et ce n’est pas la première fois que cela arrive. Je pourrais le démontrer si j’en avais le temps. Il y a là quelque chose de louche.

D’où donc l’administration du séquestre, qui nous demandait de l’argent chaque année, tire-t-elle ses nouvelle ressources, puisqu’aujourd’hui elle offre de nous payer ? Est-ce du nord ou du midi ? C’est une question que je n’examinerai pas ; mais toujours est-il que, si elle avait les mêmes moyens les années précédentes, vous avez manqué à votre devoir en lui prodiguant les deniers des contribuables. Répondez à cet argument : vous ne le pourrez jamais.

Il semble qu’on soit préoccupé par des idées de restauration, et qu’on veuille se mettre bien avec le roi Guillaume ; c’est ainsi qu’on n’a pris aucune mesure conservatrice pour empêcher le paiement de nos domaines d’aller grossir les caisses du roi Guillaume. Quant à la question du séquestre, elle est couverte de ténèbres, et nous avons besoin de la voir éclaircir.

M. Faider, commissaire du Roi. - L’honorable préopinant nous demande comment il se fait qu’en 1831, 1832 et 1833 nous n’avions pas de fonds pour subvenir aux frais de conservation, aux dépenses relatives au séquestre, et que nous en trouvons aujourd’hui assez pour faire face à ces dépenses et même pour rembourser les avances du trésor. La réponse est extrêmement facile. Nous trouvons nos ressources dans l’aliénation de valeurs capitales, qui ont été mises sous le séquestre ; je l’ai déjà dit hier. Ce moyen est assez rationnel. J’ai dit encore hier que jusqu’ici on n’avait pas trouvé politique de réaliser les valeurs capitales du séquestre ; j’ai dit pourquoi l’opinion du gouvernement avait changé.

J’en appelle aux honorables membres qui faisaient partie du ministère qui était au timon des affaires avant celui qui les dirige aujourd’hui, ces membres pourront corroborer mes paroles ; ils vous diront que, lors du traité des 24 articles, on avait l’espérance de voir tous les jours, ou sous un très bref délai, l’arrangement de nos affaires avec la Hollande, et qu’on ne jugeait pas politique de jeter en avant de nouvelles causes d’irritation par des actes relatifs au séquestre.

La chambre elle-même a partagé cette opinion, car elle n’ignorait pas que le séquestre possédait une grande quantité d’objets mobiliers de grand prix, puisqu’elle a consentis à fournir les fonds qui lui étaient demandés pour la conservation de ces objets. Les sommes qu’elle a mises à la disposition de l’administration du séquestre n’ont pas été allouées sans connaissance de cause, sans savoir pourquoi ; et le pourquoi, c’est ce que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer.

Aujourd’hui les circonstances ont changé : la convention du 21 mai a placé les relations de la Belgique avec la Hollande sur un autre terrain ; l’époque de la terminaison de nos affaires est indéterminée ; vous avez d’ailleurs faire connaître votre pensée en refusant tout subside en 1833 ; dès lors le gouvernement a pris des mesures pour opérer la réalisation de valeurs suffisantes pour couvrir les avances du trésor public et pourvoir à la conservation des valeurs qui resteront entre les mains de l’administration du séquestre.

Quant aux los-renten, la question de savoir si la Belgique pouvait refuser de les recevoir en paiement des domaines vendus par l’ancien gouvernement a été l’objet d’un examen mûr et réfléchi. Je vois dans cette chambre un savant jurisconsulte qui a été consulté, lors de la révolution, comme jurisconsulte, comme membre du congrès et comme membre du gouvernement provisoire, et qui a signé une consultation portant que, d’après les lois qui avaient réglé la vente des domaines nationaux sous l’ancien gouvernement, il n’était pas possible de refuser aux acquéreurs la faculté stipulée dans le contrat de se libérer des los-renten ; qu’on ne pouvait pas même recevoir le paiement en numéraire, non pas d’après la valeur nominale (car tout débiteur est fondé à se libérer en numéraire), mais au cours du jour. Cette question n’est pas nouvelle dans cette chambre ; vous avez déjà eu l’occasion de l’examiner, et vous savez fort bien qu’elle n’est pas de la nature de celle qu’on peut trancher d’après telle ou telle opinion, mais qu’on ne peut la résoudre qu’en se conformant aux lois et aux stipulations des contrats.

M. Jadot. - Ce que vient de dire M. Dumortier faisant planer des soupçons sur le personnel du ministère des finances, comme je suis attaché à ce ministère, ces soupçons pouvant m’atteindre, je l’inviterai à s’expliquer à mon égard ici ou ailleurs. (Mouvement.)

(Addendum au Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1833) M. Dumortier. - Je n’ai rien à vous répondre ici ; ailleurs, c’est quand vous voudrez.

M. de Robaulx. - Messieurs, j’ai demander la parole pour réclamer des explications sur le document que vient de citer M. Dumortier.

Il résulterait de ce document que la dette du séquestre vis-à-vis du trésor serait de 5 à 600,000 fr., au lieu de 208,000 fr., comme le prétend le ministre, ce qui ferait une différence de 300,000 fr. au produit de l’Etat. Il est certain que le document dont il s’agit a été produit à la section centrale ; je déclare que je ne l’ai pas vu ; je n’ai pas l’honneur d’être membre de la section centrale ; je n’ai jamais l’honneur d’être de la section centrale (on rit), et je ne l’ambitionne pas.

Le document qui vous a été signalé, présentant une différence de 300,000 fr., la somme est assez importante pour mériter un examen spécial. Loin de moi la pensée de faire planer des soupçons sur qui que ce soit ; mon plus grand désir est que cette différence s’explique. Je n’ai jamais été prendre des renseignements au ministère ; on ne m’en a jamais donné de faux ni de vrais.

Le but de mes observations est de demander le renvoi à la section centrale pour qu’elle fasse des recherches relativement au document dont parle M. Dumortier, qui vous a déclaré en avoir fait lui-même usage précédemment. Quand l’examen par la section centrale aura eu lieu, quand toutes les pièces auront été vérifiées, la discussion et les explications seront plus faciles.

Si vous ne consentiez pas à l’enquête que je demande, voici quels seraient mes soupçons : à Dieu ne plaise que je les regarde comme véritables ; mais si on ne me donne pas pleine satisfaction, d’après tout ce qu’on a dit, je serais autorisé à penser qu’il y a eu falsification, non pas de la part du ministre, mais de la part des sous-ordres, et particulièrement de l’enregistrement dont le commissaire du Roi est le chef ; car on a produit sur le même fait, sur le montant de la créance du trésor, deux documents dont le chiffre diffère de 300,000 fr. Il faut, pour faire taire tout soupçon, que M. le directeur de l’enregistrement nous ouvre ses registres et nous fasse voir s’il eût été possible de changer la somme qui aurait été précédemment portée, car je ne fais aucun doute qu’il a été tenu un compte du séquestre à l’administration des domaines, et dans ce cas les pièces doivent être cotées et paraphées. L’administration, d’ailleurs, doit avoir des moyens de contrôle, pour empêcher toute destruction ou substitution de pièces.

Eh bien, tant et si longtemps qu’on n’aura pas donné à la section centrale tous les renseignements nécessaires pour expliquer la différence signalée ; tant et si longtemps que l’administration n’aura pas ouvert ses propres livres, de graves soupçons pèseront sur elle. Il faut, comme l’a dit M. Dumortier, que la chose soit tirée au clair, il faut qu’on sache d’où est venue cette erreur. Je persiste donc à demander le renvoi à la section centrale ; ce renvoi est dans l’intérêt des ministres eux-mêmes, car s’il y a dans le sein de l’administration des hommes qui fournissent des documents faux, dont on se fait une arme pour les combattre, il leur est impossible de se défendre. Le renvoi que je propose leur fournira les moyens de s’en assurer.

Je n’ai pas l’habitude de défendre les ministres, ils le savent bien ; mais il s’agit ici d’une question de bonne foi ; l’intérêt de la chambre et du pays, l’honneur des ministres et celui de M. Dumortier lui-même, se trouvant également intéressés à la proposition que j’ai l’honneur de faire, je pense qu’elle ne rencontrera aucune opposition.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’applaudis de toutes les forces à la proposition qui vient d’être faite par l’honorable préopinant, et je demande qu’il y soit donné suite de telle manière qu’on sache de quel côté étaient les documents faux.

M. Gendebien. - D’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, qui a reconnu la nécessité de l’investigation demandée par M. de Robaulx, et qui a offert de fournir tous les documents désirables, nous n’avons plus rien à faire jusqu’à ce que l’enquête ait eu lieu. Il me reste à vous dire un mot, en réponse à M. le commissaire du Roi.

Il vous a parlé d’une consultation au sujet des los-renten qui aurait été signée par un jurisconsulte, membre du gouvernement provisoire, et actuellement membre de cette chambre ; plusieurs de mes collègues paraissant croire que c’est moi que l’orateur a voulu désigner, je dois déclarer que je n’ai donné ni signé aucune consultation.

Maintenant, je vous demanderai la permission de vous dire mon opinion au sujet de los-renten et ce que nous avons fait. C’est peut-être la chose qui ait le plus pesé sur notre responsabilité. Les Hollandais ont quitté Bruxelles le 27, à 4 heures, et quelques heures après je me décidai à partir pour Paris. Avant mon départ, je rédigeai à la hâte une note que je laissai à mes collègues sur les principales choses à faire, et dans cette note il était question des los-renten : c’était le premier article de la note, mais je n’ai jamais signé de consultation.

Nous avons toujours regardé la mesure à prendre, à l’égard des los-renten comme faisant peser sur nous la plus grande responsabilité ; nous avons consulté tous les hommes de finances qui avaient des connaissances sur cette matière ou qui passaient pour en avoir, et nous avons proposé de faire estampiller tous les los-renten qui étaient dans le pays. Cette mesure nous paraissait à tous praticable, mais on nous fit voir tant d’inconvénients que nous n’avons pas osé en prendre sur nous la responsabilité. A plusieurs reprises cette question a été l’objet de nos délibérations, et nous avons pris la responsabilité de n’adopter aucune résolution. A la fin on a soumis la question au congrès ; le congrès a prononcé, et dès lors nous avons pensé que notre responsabilité était à couvert. Je persiste à croire que si les banquiers avait adopté la mesure que nous proposions, on n’aurait pas aujourd’hui à déplorer de graves inconvénients.

Je répète, en terminant, que je n’ai donné aucune consultation, et que je n’ai fait qu’émettre tout d’abord l’avis que la meilleure mesure à prendre était de faire estampiller les los-renten qui étaient dans le pays. Dans le cas où ma mémoire me servirait mal, je prierais M. le commissaire du Roi de s’expliquer.

M. F. de Mérode. - Tout ce que vient de dire M. Gendebien est parfaitement exact ; les faits se sont passés comme il vient de le rapporter, et il n’est pas à ma connaissance qu’il ait signé de consultation au sujet des los-renten.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Quoiqu’il s’agisse de faits qui ne se sont pas passés sous mon administration, je puis dire qu’il existe dans les bureaux du ministère plusieurs consultations relatives aux los-renten, qui sont revêtues des signatures des avocats les plus distingués. Ainsi que vient de le dire l’honorable M. Gendebien, la question était si délicate qu’on n’a jamais osé prendre de résolution.

M. Dumortier. - Messieurs, je viens appuyer la motion de M. de Robaulx. Nous avons eu à la section centrale un document duquel il résulte que le trésor est à découvert de 574,000 fr. vis-à-vis du séquestre ; hier on est venu nous dire que le découvert n’était que de 208,000 fr., et aujourd’hui c’est de 230,000. Il y a là un fait grave qu’il est important d’éclaircir. Comment ! trois documents sont successivement présentés., et tous trois diffèrent ! C’est une erreur d’addition ; on ne comprend pas qu’on fasse des erreurs semblables quand on a 200 employés à son service. Il est heureux que cette discussion ait amené 10,000 fl. de plus dans le trésor de la Belgique.

Je voudrais savoir jusqu’à quel point les documents remis à la section centrale du mois d’août concordent avec l’état réel des choses. Il faut pour cela que l’administration ouvre ses registres à la commission, afin qu’elle puisse tout voir. Alors seulement, nous pourrons savoir quels étaient les documents faux.

Quant aux los-renten, la question est de la plus haute importance, car il reste encore 12 ou 15 millions à payer ; et si on ne prend pas les mesures les plus prompts, les quinze millions iront dans les mains du roi Guillaume. Toutes les personnes qui ont acheté des bois font venir des los-renten, des quittances du roi Guillaume, et avec cela viennent s’acquitter vis-à-vis du trésor public. Notre argent va en Hollande ; et non seulement le trésor ne reçoit pas un sou pour la vente des domaine mais il paie les employés charges de recevoir et d’enregistrer les quittances de Guillaume. Il en résulte une double ruine pour le pays : ruine en ce que nous ne recevons rien contre l’aliénation de nos domaines ; ruine en ce que nous payons des employés pour recevoir des quittances qui ne nous produisent rien.

Je reconnais l’embarras où a dû se trouver le gouvernement provisoire, mais aujourd’hui les choses sont changées ; la révolution dure toujours, et elle durera jusqu’à ce que la Belgique soit reconnue par toutes les puissances : eh bien, puisque nous sommes en révolution, agissons révolutionnairement, adoptons une mesure révolutionnaire. Ce qui prouve que nous sommes en révolution, c’est que quand on parle de vendre les biens du prince d’Orange on trouve de l’argent pour empêcher cette résolution.

Je prie donc la chambre de se hâter de prendre une mesure, si elle ne veut pas faire cadeau au roi Guillaume de 15 millions qui sont le produit de nos forêts et de nos beaux domaines. S’il y a des documents relatifs à cette affaire, je demande qu’ils soient renvoyés à la section centrale, afin qu’elle puisse nous proposer une résolution. Le cas est urgent.

M. de Brouckere. - Si une commission doit être nommée, ou si la question doit être renvoyée à la section centrale, il me semble fort inutile de continuer la discussion en ce moment qu’on est privé de document ; il vaut mieux l’ajourner jusqu’à ce que la commission centrale ait pu faire son rapport. Au moins alors on saura sur quoi s’appuyer.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je demande la parole pour faire une simple observation. L’erreur de 10 mille florins qui se trouve entre le document fourni hier et celui produit aujourd’hui n’est pas du fait du ministre ; elle se trouvait dans les documents que j’avais déposés, et elle a été relevée ce matin dans mon cabinet. En compulsant les pièces, on pourra se convaincre de ce que j’avance.

M. Coghen. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres. - Non ! non ! c’est inutile maintenant.

M. le président. - On a demandé le renvoi à la section centrale.

M. d’Huart. - Il serait très utile d’entendre des explications de la part de l’ancien ministre des finances, que la discussion qui s’agite en ce moment concerne plus particulièrement, que le ministre actuel. En conséquence, je m’oppose à la clôture.

- Voix diverses. - La clôture ! la clôture Non ! non !

M. de Robaulx. - C’est à M. Coghen à savoir s’il a des documents à produire. Si ce ne sont que des observations qu’il veut faire, je pense qu’elles trouveront mieux leur place quand la section centrale aura fait son rapport.

M. d’Huart. - La discussion qui vient d’avoir lieu a produit sur moi une impression fâcheuse, en ce qui concerne M. Coghen, et je crains qu’elle ne produise le même effet dans le public. Je désirerais qu’il donnât quelques explications.

M. Coghen. C’est sur les los-renten que je désire prendre la parole.

- Quelques membres. - Parlez ! Parlez !

- D’autres membres. - Non ! non ! C’est inutile ! La clôture !

- La clôture mise aux voix, n’est pas adoptée.

M. Coghen. - Messieurs, quant aux erreurs de chiffres concernant la situation du séquestre qui nous ont été signalées, je désire que la chambre ordonne le renvoi à la section centrale, afin que ces irrégularités soient expliquées.

Lorsque j’ai été appelé à la direction des finances de mon pays, le bruit du canon hollandais grondait encore aux portes de Bruxelles. La question des los-renten a été l’objet de mon attention immédiate.

Je n’ignorais pas qu’il y avait encore à payer, du chef des domaines vendus, au-delà de 22 millions de florins. Le gouvernement provisoire, comprenant aussi l’importance qu’il y avait à conserver cette somme à la Belgique en a souvent fait l’objet de ses délibérations ; mais on a toujours reconnu qu’il était impossible de prendre aucune mesure à cet égard.

On a réuni en conseil les avocats les plus distingués du pays, et ils ont été unanimes pour déclarer qu’il était impossible de prendre aucune mesure, sans porter atteinte aux droits des tiers porteurs des los-renten et aux droits des acquéreurs des domaines, parce que, lorsqu’on en a fait la vente, il a été stipulé que ces papiers-monnaie seraient reçus en paiement, et même il a été stipulé que les domaines ne pourraient se payer autrement qu’avec ce papier. De sorte que ce mode de paiement n’était pas seulement une faculté, mais une obligation ; les appoints seuls pouvaient se payer en argent. Il y avait donc un droit acquis aux porteurs de bons du syndicat et aux acquéreurs des domaines vendus.

Lorsque la question fut posée devant le congrès, la commission à laquelle elle fut renvoyée, l’a examinée dans tous ses détails, et là encore il a été reconnu impossible de prendre aucune résolution sans porter atteinte à des droits sacrés pour tous ceux qui ne méprisent pas le respect dû aux actes.

Il est vrai qu’une grande masse de los-renten était entre les mains des capitalistes hollandais, mais il était à ma connaissance qu’il y en avait aussi beaucoup dans le pays ; et au besoin je pourrais citer des banquiers qui en avaient pour des sommes considérables.

Au surplus, c’est un objet de liquidation avec le syndicat d’amortissement ; et si d’une part il y a un solde favorable pour la Belgique, ce qui ne peut pas être révoqué en doute, vous avez entre les mains au moins l’équivalent de ce qui doit vous revenir lors de cette liquidation.

Car vous devez, du chef de l’arriéré de la dette, au-delà de 25 mille florins, dont peut-être vous parviendrez à obtenir la remise d’une partie comme dédommagement pour les armements forcés que la résistance de notre ancien roi nous a obligés de faire ; et puis n’avez-vous pas la redevance de ce que doit la banque du chef de la cession des domaines ?

M. Pirson. - Messieurs, je n’ai qu’un mot à dire, c’est sur les los-renten. Je crois voir été un des premiers à indiquer au gouvernement provisoire qu’il fallait estampiller ceux qui se trouvaient dans le pays ; mais n’importe, le fait est que nous étions en révolution, et révolution veut dire absence de tout ce qui est légal ; si vous aviez voulu conserver comme légal tout ce qui était antérieurement à la révolution, il n’y aurait pas eu révolution et Guillaume serait encore ici. Je conviens qu’après une révolution, il faut revenir à la légalité le plus tôt possible ; mais quand une fois on en veut faire une, il ne faut pas la faire à demi. Guillaume, qui n’était pas en révolution, a fait tout ce que vous auriez dû faire. N’est-il pas vrai qu’il s’est emparé en Hollande de tous les revenus de la banque belge dont il était le principal actionnaire, parce qu’il ne voulait pas que l’argent de la Hollande vînt en Belgique pour servir à lui faire la guerre ?

Si vous aviez été des hommes prévoyants, vous auriez empêché aussi que l’argent belge passât en Hollande pour servir à vous faire la guerre ; vous n’aviez qu’à faire estampiller dans les deux ou trois fois 24 heures les los-renten qui se trouvaient dans le pays.

Cela viendra en liquidation, vous a dit M. Coghen. C’est vrai ; mais aujourd’hui qu’il y a encore 15 millions à payer, au lieu d’entrer en liquidation et de figurer dans vos caisses en papier sans valeur, y seraient en espèces, tandis que vous êtes obligés de faire des emprunts. Si lors de la liquidation, où ces valeurs vous seront portées en compte, vous aviez été obligés de donner de l’argent en place, et de contracter également des emprunts, du moins alors, comme vous auriez été en paix, vos emprunts se fussent faits à des conditions plus avantageuses.

Aujourd’hui, par vos emprunts, vous êtes obligés d’entretenir les joueurs à la hausse et à la baisse. Un ministre de France, en établissant une contribution extraordinaire, disait : « Les Français chantent-ils ? S’ils chantent, ils paieront. » Aujourd’hui c’est un autre système : il faut mettre en circulation, pour ouvrir un crédit public, beaucoup de fonds ; on ne fait rien sans crédit public, et il ne s’établit qu’en mettant en circulation des effets de toute espèce. Si les révolutions continuent, ce système mettra les joueurs à bas, et les joueurs cesseront de jouer comme les Français ont cessé de chanter.

M. Legrelle. - La question dont il s’agit est de la plus haute importance, malheureusement pour la Belgique. Je regrette que le gouvernement provisoire n’ait pas pris une résolution. Si les propriétés domaniales étaient payées, le fait était consommée, je ne prendrais pas la parole ; mais comme il reste encore 15 millions à payer en los-renten, je pense que la question mérite de fixer l’attention de la chambre et du ministère, et il est urgent d’adopter une mesure, si on ne veut pas que ces millions soient payés en los-renten qu’on ira acheter aux bourses de La Haye et d’Amsterdam.

Il y a quelque temps qu’il n’y en a plus sur les places de la Belgique, car j’ai été obligé d’en faire venir moi-même de Hollande pour des personnes qui avaient acheté des domaines. On dit que nous sommes sous l’empire d’engagements pris ; mais on ne considère pas que ces engagements avaient été pris, quand les deux pays étaient réunis, et qu’il importait peu que les acquéreurs fussent belges ou hollandais ; mais depuis que la force des choses nous a séparés des habitants des provinces septentrionales, on aurait dû faire une distinction des détenteurs de los-renten de ce pays et de la Hollande ; il aurait fallu, par une mesure énergique très prompte, faire estampiller les los-renten qui appartenaient aux Belges et déclarer les autres nuls. Je ne me serais pas trop plaint qu’on admît ceux qui appartenaient à des particuliers hollandais. ; mais il fallait appliquer la mesure à ceux qui étaient entre les mains du syndicat, car c’est maintenant de la caisse du syndicat que viennent les los-renten que nous recevons en paiement de nos domaines.

Je sais que cet argent nous rentrera ; mais maintenant ne nous serait-il pas de la plus grande utilité ?

Une voix. - Et la légalité !

M. Legrelle. - J’entends dire : Et la légalité ? Mais alors pourquoi avez-vous établi une différence entre les los-renten et les intérêts de ces capitaux ? Ne sont-ils pas aussi sacrés ? Ils ont même hypothèque. Si vous avez trouvé juste de faire payer les domaines par des los-renten, par le même principe vous devez payer les intérêts.

Qu’ont fait les Hollandais ? ils ont établi une différence entre les los-renten estampillés à Bruxelles et ceux estampillés en Hollande, et ils ont dit que les los-renten inscrits chez eux, dont le remboursement n’aurait pas eu lieu a une certaine époque, seraient considérés comme de véritables obligations. Ce sont eux qui ont apporte cette modification à leurs propres fonds ; ils ont fait une distinction entre les los-renten qui appartenaient aux deux nations. N’y aurait-il pas moyen, en faisant une vente, de faire retourner en Hollande une partie de ces los-renten ?

M. Jadot. - Ce que vient de dire l’honorable M. Coghen tend à faite croire que tous nos domaines non vendus et le prix non payé de ceux vendus servent de garantie au remboursement des obligations dites los-renten, mais je crois pouvoir démontrer que cette opinion est erronée.

L’on se tromperait grandement si l’on assimilait ces obligations aux rescriptions qui, sous le gouvernement français, étaient admissibles en paiement des domaines de toute nature et dont elles étaient réellement la représentation.

Le gouvernement français, soit qu’il ne fût pas en position de payer en numéraire, soit qu’il voulût qu’on fût obligé d’acquérir ses domaines, afin de consolider la révolution française, avait pris le parti de se libérer avec les rescriptions dont je viens de parler sans qu’il fût permis aux porteurs d’en exiger le remboursement autrement qu’en acquisition de biens nationaux.

Mais ici il y a eu emprunt ; ceux qui y ont pris part ont reçu, en échange des valeurs qu’ils ont versés dans cet emprunt, ces obligations, dites los-renten, dont on a pu exiger le remboursement chaque mois à partir du 1er avril 1830, pour le recevoir six mois après. C’est le syndicat qui a encaissé les valeurs versés, et qui en a disposé.

La condition que le prix des domaines à vendre serait payé avec ces obligations n’autorisait pas le syndicat à en refuser le remboursement ; cette condition a été imposée comme moyen de les faire valoir au bénéfice des prêteurs, tous Hollandais ou affidés du syndicat, et nullement comme garantie en faveur des futurs acquéreurs de nos domaines.

Emises à 88, ces obligations ne tardèrent pas à s’élever, et elles auraient dépassé le pair sans les événements de 1830, de manière que ces acquéreurs se seraient trouvés à la merci des porteurs de los-renten qui, au pis-aller, pouvaient se faire rembourser au pair.

D’un autre côté , outre que l’avis précité du 19 juin avait admis les souscripteurs à l’emprunt à fournir leur mise en certificats de la dette active, la loi du 24 décembre suivant avait encore autorisé les porteurs de la dette différée et des billets du sort, qui ne voudraient pas courir la chance d’un tirage, à les échanger à un taux déterminé contre des los-renten.

C’est par suite de cette disposition que le syndicat est devenu propriétaire d’un capital de 363,812.600 fl. en dette différée, lequel figure dans l’actif de son compte du 15 janvier 1829, approuvé le 15 mars suivant.

Il reste donc évident que nos domaines n’étaient pas le gage d’une somme prêtée au syndicat pour être employée dans nos intérêts, mais que l’emprunt, au contraire, a été inventé pour faire passer le produit de ces domaines entre les mains des Hollandais et en acquit de cette dette.

C’est ainsi que ces créanciers ont reçu, outre la valeur de cette dette suivant le cours ordinaire, 12 p. c. sur le montant des los-renten qui leur ont été délivrés en échange à 88 et qui sont remboursables au pair.

Et c’est après la révolution, lorsque nous avons sauvé le peu de domaines qui restent au pays, et une faible portion du prix de ceux vendus, du gouffre sans fond qui devait les engloutir, ou plutôt lorsque nous les avons rachetés en nous engageant à supporter pour la Hollande une dette annuelle de 8,400,000 fl. qu’on voudra prétendre que les débris restent encore grevés des dettes du syndicat !

Quant à moi je suis d’avis que, après la révolution nous aurions dû refuser de recevoir ces los-renten, et même de ceux dénoncés à Bruxelles, puisqu’en les recevant nous les remboursions ; nous faisons ce que la Hollande refuse de faire à l’égard de ceux dénoncés à Amsterdam ; il est vrai qu’au lieu de deux p. c. elle paie 5 p. c. d’intérêt de ces obligations.

On pourrait peut-être adopter la même mesure en Belgique, cela vaudrait mieux que de les recevoir en paiement ; car, ainsi que je viens de le dire, les recevoir c’est les rembourser.

Au moment de la révolution, il restait 23 millions de florins à recevoir sur le prix de nos domaines ; il en reste encore dans ce moment environ 15.

Cette somme nous appartiendrait par droit de conquête tout aussi bien que les autres domaines échappés à l’escamotage hollandais, et il n’y aurait pas plus de raison de la leur livrer que de leur permettre de disposer de nos domaines non aliénés, lors même que nous n’aurions pas consenti à les racheter moyennant une dette annuelle de 8,400,000 fl. Gardons-la donc jusqu’au moment où nos ennemis auront eux-mêmes consenti à exécuter les 24 articles, alors nous l’emploierons à acquitter cette dette, la seule dont nous puissions être tenus, puisqu’elle est le prix moyennant lequel nous avons été dispensés d’en pays aucune autre.

On en objectera sans doute la clause du contrat d’acquisition, suivant laquelle le prix des domaines vendus doit être payé en los-renten.

Mais faut-il, parce que les acquéreurs peuvent dans ce moment gagner 6 p. c. en se libérant en los-renten, que nous consentions à ce que nos ennemis reçoivent les 94 autres centièmes qui nous appartiennent incontestablement ?

Au surplus, il y aurait un moyen de concilier ce que nous devons à nos intérêts et à notre sûreté avec ce que nous devons aux individus qui ont traité avec le syndicat ; ce moyen consisterait à faire ordonner, par une loi, que tout ce qui resterait dû au 1er janvier 1834, ou à toute autre époque à déterminer, sur le prix des domaines vendus par le syndicat, et payable en los-renten, fût acquitté en numéraire sur le pied de 94 fl. pour cent. C’est ainsi que l’on garantirait aux acquéreurs un bénéfice de 6 p. c., le seul qu’ils puissent espérer en ayant en los-renten, et que le trésor recevrait du numéraire, dont il a besoin, au lieu de valeurs mortes qui ne lui sont d’aucun secours ; à la vérité, il ne recevrait que 94 au lieu de 100 ; mais le pays n’a jamais emprunté à si bas prix.

On me dira peut-être aussi qu’au point où sont parvenues nos négociations avec la Hollande, il y aurait quelque inconvénient à admettre ma proposition.

Je laisse le gouvernement juge de l’à-propos ; par ce motif, je m’abstiens de faire moi-même cette proposition à la chambre.

Mais il était de mon devoir de lui faire part de mes observations sur cet objet d’une si grande importance pour le pays, afin de justifier la confiance à laquelle je dois l’honneur de siéger ici.

M. Gendebien. - Messieurs, bien que les actes dont il s’agit ne m’appartiennent pas, je ne veux pas décliner la part de responsabilité qui peut peser sur moi, comme membre du gouvernement provisoire.

Je déclare dont itérativement que, bien que, révolutionnairement parlant, l’estampille parût à tous les membres du gouvernement la mesure la plus efficace, cependant des hommes instruits ont contesté l’efficacité de cette mesure ; mais ce qui nous a frappés le plus, nous membres du gouvernement provisoire qu’on a accusé d’exagération et d’excès d’énergie, ce qui nous a arrêtés, c’est le respect pour le droit des tiers.

J’ai toujours pensé que rien ne pouvait excuser une injustice : c’est le seul motif qui nous a arrêtés ; nous aurions passé au-dessus de tous les autres, et s’il ne se fût agi que du roi Guillaume, nous n’aurions pas hésité. Parmi ceux qui ont pris la parole dans cette discussion et qui nous ont accusés de faiblesse, il y en a beaucoup qui n’auraient pas eu l’énergie du gouvernement provisoire.

On a dit que nous aurions dû nous emparer de la banque. A peine les Hollandais avaient-ils quitté la ville de six heures, que déjà nous nous en occupions. On s’en est occupé tant que je suis resté là, et même encore après mon départ. Sur la note que j’ai remis en partant à mes collègues, c’était le second point sur lequel je les invitais à porter leur attention, et ils ont fait tout ce qui était possible.

Lors de mon second voyage à Paris, le 23 octobre, le gouvernement de la banque, un directeur et le trésorier avaient été mandés ; c’était pour la dixième fois qu’on s’occupait de cette question. On a beau répéter qu’on y aurait trouvé des compensations ; mais ces éléments de compensation n’existaient pas, c’est ce qui nous a arrêtés.

Le gouverneur et le trésorier nous ont dit : Nous n’avons un sou en caisse, et si vous exigez le solde de nos comptes, nous serons obligés de retirer le crédit aux banquiers, aux industriels et aux commerçants : il en résultera une secousse qui amènera une banqueroute générale. Voyez si, lorsque déjà le commerce et l’industrie étaient en souffrance à cause de la révolution, on pouvait s’exposer à de pareilles chances. Voilà la seule raison qui nous a touchés ; sans cela nous aurions donné ordre à un sergent avec 5 baïonnettes d’aller prendre dans les caisses ce qui nous appartenait.

On pourra nous accuser de trop ou de trop peu d’énergie ; quant à moi, je suis content qu’amis et ennemis puissent dire que nous avons agi en honnêtes gens.

Puissiez-vous vous tirer aussi honorablement que nous du mauvais pas où vous vous êtes engagés !

M. Coghen. - M. Legrelle regrette que le gouvernement provisoire n’ait pas employé des moyens violents pour assurer à la Belgique le prix des domaines vendus. Cependant M. Legrelle sait bien que ces mesures violentes ne pouvaient être provoquées et employées qu’en violant les droits acquis des tiers, et en foulant aux pieds le droit sacré du contrat. Je comprendrais qu’on agît ainsi dans une peuplade de sauvages ; mais dans un pays civilisé, dans un pays où il y a des lois, des juges, et où l’on n’invoque pas en vain la justice, tous les droits doivent être respectés. Je m’étonne d’avoir entendu de pareilles doctrines et de semblables paroles sortir de la bouche d’un homme qui occupe un rang aussi élevé dans le commerce et dans la société.

Je n’ai pas été moins étonné de lui entendre dire qu’il fallait refouler vers la Hollande les los-renten que le gouvernement belge a reçus en paiement. Il a sans doute oublié que la loi consacre leur annulation, et que les émettre de nouveau après qu’ils ont cessé, en vertu de la loi, d’avoir une valeur légale, ce serait un acte de la plus insigne mauvaise foi.

M. Dumortier. - Je suis enchanté que la discussion soit tombée sur cet objet fort important. Le montant des domaines qui restent à payer s’élève à plus de 30 millions de francs. La plupart des membres de cette assemblée connaissent l’origine des los-renten. Il y a trois catégories de ces papiers : les los-renten inscrits à la banque de Bruxelles, les los-renten inscrits à Amsterdam, et d’autres qui ne sont inscrits ni à l’une ni à l’autre banque. Vous savez que, lors de la ventes des domaines du pays, le roi Guillaume avait établi, à la charge des acquéreurs, de payer en los-renten. Au moment de la révolution ces papiers étaient à peu près au pair, et les acquéreurs de domaines étaient occupés à en acheter. Qu’est-il arrivé quand la révolution éclata ? Le gouvernement du roi Guillaume refusa en paiement les los-renten inscrits à Bruxelles.

Le gouvernement provisoire se trouvait dans une position très difficile : on crut que le moyen le plus sage était de laisser les choses comme elles étaient, et l’on remît à des temps plus favorables les mesures à prendre. Ces temps sont arrivés, et il nous faut empêcher de verser dans les caisses publiques les los-renten qui viennent de Hollande.

A Bruxelles, il en a été inscrit pour 6 millions 500 mille florins. Il y avait 20 millions de moins à payer. Aussi plusieurs particuliers qui ont acheté pour des sommes considérables, ont été obligés de demander des los-renten à la Hollande et à y envoyer leurs écus. Une maison de commerce belge a fait offrir au gouvernement de payer en numéraire ses acquisitions de domaines ; le gouvernement a été contraint de refuser, et il a fallu envoyer 4 à 500 mille florins en Hollande pour avoir des quittances du roi Guillaume, car les los-renten ne sont que des quittances du roi Guillaume.

Dans le budget il n’est pas porté un sou pour le paiement des domaines, et cependant tous les ans on en paie pour plusieurs millions. Il en est autrement en Hollande, le roi Guillaume voit augmenter chaque année son budget des recettes de quatre millions environ ; car c’est à la Hollande que l’on paie réellement en donnant des los-renten au trésor belge.

On a dit que les los-renten étaient matière à liquidation avec la Hollande. Mais je ferai observer que ce n’est pas avec du papier qu’on fait marcher une révolution : aussi longtemps que vous aurez dans vos caisses des quittances du roi Guillaume, vous ne ferez pas fleurir vos finances. Il faut maintenant exiger que les paiements se fassent réellement à la Belgique.

Lors du gouvernement provisoire, on a proposé d’estampiller les los-renten qui étaient en Belgique afin de les admettre seuls en paiement ; le gouvernement provisoire a vu de grandes difficultés dans l’exécution de cette mesure : si on voulait maintenant y revenir, on en estampillerait peut-être pour 15 millions, parce qu’il en viendrait de la Hollande. Cependant, si le roi Guillaume a le droit de prendre une mesure contre les los-renten inscrits à Bruxelles, nous avons un droit semblable contre ceux inscrits à la bourse d’Amsterdam. On peut de même refuser en paiement les los-renten non inscrits. D’ailleurs, il ne s’en trouve plus en Belgique. On dira peut-être qu’il s’en trouve dans les caisses de certains particuliers, ces particuliers pourront toujours recevoir le montant de leurs créances au syndicat.

Je pense que l’honorable M. Jadot va trop loin quand il dit qu’on devrait ne pas recevoir même les los-renten, inscrits à la banque de Bruxelles. Toutes les personnes qui avaient des inscriptions à Bruxelles étaient Belges, ou doivent être considérées comme telles. Pour ce qui est des inscriptions faites à Amsterdam, c’est l’inverse qui doit avoir lieu. Il n’y a que le parti que je propose à prendre pour empêcher de verser dans le trésor public les quittances du roi Guillaume. Il faut exiger le paiement des domaines en numéraire ou en los-renten belges.

J’ai entendu combattre mon système, parce que, a-t-on dit, on ne peut nuire aux droits des tiers. Quand un gouvernement est en révolution, la première chose qu’il doit considérer, c’est son existence : lorsque 30 ou 40 millions de francs peuvent nous être enlevés par le roi Guillaume, on ne doit pas être arrêté par des considérations secondaires.

Le temps n’est pas éloigné où vous devrez prendre une décision sur cette question. C’est le 31 décembre qu’un versement doit être effectué : si vous ne prenez pas de mesures, on vous apportera encore des quittances, et l’argent ira en Hollande.

M. Angillis, rapporteur. - Tout en reconnaissant que l’objet en discussion est important, je pense que cette discussion trouvera mieux sa place à une autre époque. Il y a déjà plusieurs réclamations adressées à la chambre pour le paiement des intérêts des los-renten ; la chambre a décidé que toutes ces réclamations seraient renvoyées à la section centrale du budget et la section centrale doit donc faire un rapport ; alors on discutera le fond et la forme.

Je dirai cependant qu’on n’est pas fondé à exiger que le paiement soit fait en numéraire : ce serait violer la foi des contrats. Seulement on est tenu à un appoint en numéraire. En 1830 et 1831, on a reçu 40 mille francs en numéraire par cet appoint. Par un traité politique, la liquidation du syndicat est arrêtée ; ainsi, les los-renten sont à la banque une valeur morte ; cette valeur n’équivaudra à de l’argent que lors de la liquidation. Voilà la question dans toute sa simplicité. Il faudra en finir avec le syndicat avant que nos affaires soient arrangées.

On assure que l’on va en Hollande chercher des los-renten ; je connais en Belgique des personnes qui en possèdent pour 400 mille florins. S’il y a davantage de los-renten en Hollande, c’est qu’on y paie l’intérêt de ce papier tandis qu’on ne le paie point en Belgique.

Je demande que la discussion sur cette matière soit remise à l’époque où la section centrale fera son rapport sur le paiement des intérêts des los-renten.

Relativement à ce qu’on a dit sur la conduite du gouvernement provisoire, je crois qu’on a tort de le censurer. Moi, j’ai admiré sa conduite quand il s’est trouvé sans argent, sans crédit, il a eu assez d’énergie pour respecter les droits des tiers et la foi due aux contrats ; dans ces temps difficiles il n’a suivi d’autre règle que celle dictée par la conscience ; les deniers de la nation n’ont pas été détournés de leur destination : honneur au gouvernement provisoire et à ces hommes énergiques qui ont sacrifié leur fortune et leur vie à la conquête de la liberté !

M. Meeus. - Je suis parfaitement de l’opinion de l’honorable préopinant : la discussion sur les los-renten trouvera mieux sa place lors du rapport de la section centrale sur les réclamations concernant ces valeurs. Mais, comme je me rappelle les motifs qui, sous le gouvernement provisoire, ont prévalu pour empêcher de prendre la mesure que l’on conseille aujourd’hui, parce que j’ai été sur la question, je me permettrai de vous les exposer ici.

Pour exclure les los-renten inscrits à Amsterdam, il fallait prendre des mesures pour ne pas froisser les intérêts des Belges. Or, à cette époque il existait, j’en suis certain, en Belgique plus de los-renten inscrits à Amsterdam, qu’il n’en existait en Hollande d’inscrits à Bruxelles. Les los-renten inscrits à Bruxelles montent à 7 millions de florins, et n’appartenaient pas tous à des Belges et presque tous les los-renten inscrits à Amsterdam appartenaient à des Belges.

L’ancien gouvernement ne voulait d’abord recevoir, en paiement que ceux inscrits à Amsterdam. C’est sur la réclamation des banquiers anversois que le roi de Hollande revint de sa première décision : Les fortes ventes de domaines faites sous le gouvernement du roi Guillaume avaient engagé les acquéreurs à acheter une grande quantité de los-renten : ils n’avaient quelquefois pas des capitaux suffisants : alors ils déposaient les papiers chez de riches banquiers et à la banque. De cet état de choses il résultait que le gouvernement provisoire aurait frappé bien plus les Belges que les Hollandais en estampillant les los-renten.

Outre les los-renten, la Belgique avait des sommes énormes en dette active, en syndicat, et en d’autres fonds hollandais, En prenant une mesure rigoureuse contre la Hollande, celle-ci n’aurait pas manqué de saisir ce prétexte pour agir contre vos capitalistes. Quel est le pays qui aurait le plus souffert ? c’est évidemment la Belgique.

La justice, la foi du contrat, l’intérêt des tiers sont les autres motifs qui, ajoutés à ceux que je viens de présenter, ont déterminé le gouvernement provisoire à ne rien faire. Je crois qu’il faut méditer cette question qui touche au crédit public, et qu’il faut la soumettre à une commission.

M. d’Hoffschmidt. - Je crois que notre honorable collègue a exagéré le mal en disant qu’on va acheter des los-renten en Hollande. Le gouvernement a d’ailleurs accordé des délais. Je ne me plaindrai que d’une chose, c’est qu’on ne prend pas des mesures assez rigoureuses contre les acquéreurs de domaines. Il en est qui ne paient pas, et qui cependant exploitent les bois comme s’ils avaient payé. Il n’en reste que le sol nu. Il faudrait empêcher ces dilapidations.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Si des délais s’accordent, c’est sous caution tellement forte que le gouvernement ne court aucun danger.

M. Legrelle. - Je demande la parole pour un fait personnel. J’en appelle à l’assemblée, je ne crois pas avoir tenu le langage violent qu’on m’a attribué. Je me suis exprimé en forme de doute ; j’ai dit que la question était très grave. J’ai émis mon opinion. J’ai dit qu’il serait à désirer qu’on trouvât un moyen de refouler les los-renten en Hollande ; j’ai proposé dans ce but l'aliénation de los-renten qui sont au trésor. Je demanderai à M. Coghen si déjà, sous son ministère, on n’a pas aliéné pour 300 mille florins de los-renten du trésor.

M. Coghen. - Je n’ai point accusé M. Legrelle de violence ; il n’en est pas capable… (On rit.) Il a reproché au gouvernement provisoire de ne pas avoir pris des mesures violentes, et j’ai été étonné qu’un semblable reproche partît de sa bouche.

Il vient de dire qu’on a aliéné 300 mille florins de los-renten appartenant au trésor : il est vrai que cette opération a eu lieu ; mais les papiers dont il s’agissait n’étaient pas de ceux qui avaient été donnés en paiement et qui ne peuvent plus être mis en circulation.

- La chambre, ferme la discussion sur les los-renten.

M. le président. - Nous en sommes restés à l’article :

« Intérêts et recouvrements sur le capital du fonds de l’industrie : fr. 700,000. »

- L’article, mis aux voix, est adopté.

« Recouvrement des avances faites au séquestre des biens de la maison d’Orange-Nassau, : fr. 208,000. »

- Adopté.

Recettes diverses

« Recettes diverses : passeports et ports d’armes de chasse : fr. 125,000. »

- Adopté.


« Cinq pour cent sur les recettes faites pour des tiers : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Recettes diverses de l’Etat : fr. 810,000. »

- Adopté.

Fonds spéciaux

« Produits des barrières sur les routes de première et de deuxième classe : fr. 2,265,000. »

- Adopté.

Postes

Produits de la poste

« Postes et lettres taxées : fr. 1,800,000. »

- Adopté.


« Affranchissements, chargements, droits de 5 p. c. sur les articles d’argent : fr. 360,000. »

- Adopté.


« Divers : fr. 80,000. »

- Adopté.


« Postes rurales : fr. 100,000. »

M. de Robaulx. - Je crois que ce produit doit être plus élevé.

M. Delfosse, commissaire du Roi. - Il y a en effet erreur dans les chiffres relatifs aux postes. Le premier, concernant les lettres taxées, n’est pas de 1,800,000 fr., mais il est exactement de 1,720,000 fr., et il y a 80,000 fr. à ajouter aux postes rurales dont le chiffre sera 180,000 fr. Le total des deux produits sera toujours, après la rectification ,de 2,340,000 fr.

- La rectification est admise.

Trésorerie générale

Recettes diverses

« Remboursements d’avances faites pour achat de matières premières pour le travail des prisons, et bénéfices sur le travail : fr. 1,400,000 fr. »

- Adopté.


« Abonnements au Moniteur : fr. 12,000. »

- Adopté.


« Abonnements au Bulletin officiel : fr. 42,000. »

- Adopté.


M. de Robaulx. - Je vois, dans les articles qui suivent celui qu’on vient de mettre en délibération, qu’on insère les produits de la culture du mûrier ; je demanderai pourquoi on ne parle pas du produit de la culture du maïs, de la vigne, des pommes de terre ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - C’est sans doute par suite des plaisanteries auxquelles se livre habituellement l’orateur qu’il demande l’insertion des produits dont il a donné la nomenclature. Sans doute, tous les produits doivent figurer aux voies et moyens. Mais je ferai observer d’abord que les produits du vignoble modèle et de la culture du maïs appartiennent aux cultivateurs. Quant au produit des pommes de terre, on sait qu’on les emploie avec avantage pour défricher des terres incultes ; si elles donnent un bénéfice, ce bénéfice sera mentionné.

M. de Robaulx. - Je ne trouve rien de plaisant à demander que des produits soient insérés au budget ; vous insérez bien les dépenses ; je ne vois pas pourquoi vous négligeriez les recettes. C’est dans l’intérêt de la culture et dans celui du ministère que je fais la demande. Quand nous en serons au budget des dépenses, pensez qu’on vous fera remarquer que vous n’avez rien porté aux voies et moyens, et ne vous étonnez pas alors si vous trouvez de l’opposition. Je prie le ministre de ne pas considérer comme des plaisanteries les observations que je présente.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je réponds sérieusement que la culture du maïs et celle de la vigne sont les profits de ceux qui font les essais. Quant aux pommes de terre, le revenu qu’elles donneront figurera dans un compte. Je ne sait pas si elles donneront un bénéfice ; on ne le saura qu’à la fin de l’année. Je ne sais pas même si on en cultivera encore en 1834. Aussi je n’ai pas porté de chiffre.


M. Dumortier. - Le produit des brevets d’invention doit figurer parmi les recettes pour ordre. Je demande que le transfert de ce produit ait lieu.

M. Angillis, rapporteur. - M. Dumortier a raison ; mais puisque la somme est portée en dépense, il faut la porter en recette. Il vaudrait sans doute mieux la porter pour ordre et en recette et en dépense.

M. Dumortier. - En mettant actuellement pour ordre la recette, nous mettrons pour ordre la dépense quand nous discuterons le budget des dépenses. Je maintiens ma proposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne vois pas ce que le budget des recettes y gagnera en régularité. (Aux voix ! aux voix ! aux voix !)

- La proposition de M. Dumortier n’est pas admise.


« Produits des brevets d’invention : fr. 10,000. »

- Adopté.


« Produits des diplômes des artistes vétérinaires : fr. 1,500. »

- Adopté.


« Produits de la culture du mûrier : fr. 2,000. »

- Adopté.


« Produits de l’emploi des capitaux des cautionnements et consignations : fr. 124.000 fr. »

- Adopté.


« Produits de l’emploi des capitaux des cautionnements et consignations : fr. 124,000 »

- Adopté.


« Produits de la fabrication des monnaies (mémoire) »

M. Kerchoven, commissaire du Roi. - Messieurs, votre section centrale, par son rapport du 27 novembre dernier, vous a fait remarquer que l’administration des monnaies figure au budget des dépenses, mais qu’elle est inconnue jusqu’à présent dans celui des voies et moyens.

En effet, messieurs, aucune somme n’est portée de ce chef en recette au budget des voies et moyens qui vous a été présenté pour 1834 ; mais cela provient de l’impossibilité où on s’est trouvé de déterminer exactement le chiffre de cette recette, ainsi que le chiffre de la dépense.

Le gouvernement a été autorisé à faire battre un million de cuivre ; cette opération a été commencée cette année et ne pourra être terminée que dans les premiers mois de 1834 ; jusque-là il nous serait impossible de fixer le bénéfice qui en résultera.

Ce bénéfice n’est pas exactement la différence entre le prix d’achat de la matière première, c’est-à-dire entre les flans de cuivre fournis, et la valeur des pièces mises en circulation, attendu que sur cette différence il y a encore à prélever le prix de confection et de multiplication des carrés, le prix de fabrication à payer au directeur, l’échange ou la refonte de l’ancien cuivre en circulation, et enfin les frais de toute nature occasionnés par l’émission du nouveau système monétaire, auxquels frais nous avons encore à ajouter la prime de 3 pour mille accordée pour la fabrication d’argent.

Or, jusqu’à ce jour, toute l’opération s’est bornée à l’achat de la matière première, et les versements des nouvelles espèces de cuivre se feront successivement, jusqu’à l’achèvement complet du cuivre dont la fabrication a été autorisée. Notre intention était de vous présenter alors un compte détaillé qui serait soumis à l’examen de la cour des comptes, et de porter ensuite le reliquat où le bénéfice en recette à l’article des recettes accidentelles qui se font par l’intermédiaire de la trésorerie générale.

Ces considérations, on les a fait valoir auprès de la section centrale ; mais elle persiste à ce qu’on porte au budget de 1834 le produit présumé de la fabrication de monnaie. Eh bien, messieurs, voici comment je pense que ce produit pourra figurer au budget des voies et moyens.

Les versements faits en 1833 et à faire en 1834 en nouvelles espèces de cuivre peuvent être évalués à la somme de 995,000 fr., et le dépenses de toute nature à 774,000 fr. Je vous propose donc d’insérer d’abord au budget des voies et moyens, comme recette pour ordre, celle de 995,000 fr., et ensuite au budget des dépenses, celle de 744,000 fr. ; la différence entre la recette et la dépense s’élevant à 251,000 fr., je vous propose de la porter en recette, comme crédit présumé, à l’article recettes diverses (trésorerie générale). Le ministre de finance déposera un amendement conçu en ce sens.

M. Dumortier. - Je suis d’avis qu’on régularise ce qui regarde la fabrication des monnaies ; mais on ne peut mettre les chiffres qui les concernent dans les recettes pour ordre ; ce n’est pas là une recette ayant une destination particulière ; c’est une recette générale de l’Etat. Il faut placer la recette des monnaies dans le budget que nous discutons ; on placera ensuite les dépenses dans le budget des dépenses.

M. Kerchoven, commissaire du Roi. - Rien ne sera plus facile que de porter le recettes au budget ; mais si vous fabriquez pour 10 millions, 20 millions de monnaie, les dépenses seront considérablement augmentées. En France, on ne porte ces dépenses que pour ordre.

M. A. Rodenbach. - Il paraît que c’est sur le bénéfice considérable de monnayage du cuivre que l’on se propose de payer l’indemnité de 3,000 fr. pour le million en pièces d’argent qui seront fabriquées.

On dit qu’on ne se bornera pas à fabriquer pour un million d’espèces en argent ; cependant, j’espère qu’avant de battre monnaie, on consultera la chambre, et qu’on ne donnera pas 3,000 fr. pour les autres millions.

M. Coghen. - Il me semble qu’on pourrait porter à l’article une somme de 270,000 fr. pour le bénéfice sur le cuivre ; si le bénéfice est plus considérable, il se retrouvera dans les comptes.

M. Meeus. - On parle du bénéfice que le gouvernement fera en fabriquant des monnaies de cuivre pour un million ; mais, avant de fabriquer, s’est-on assuré qu’on pourra placer en Belgique des monnaies de cuivre pour un million ? Je ne crois pas qu’on puisse répandre pour un million de pièces de dix centimes.

M. Coghen. - Le gouvernement ne fabrique pas des pièces de 10 centimes, mais des pièces de 2 centimes. Un million en petites pièces semblables n’est pas trop. Il y avait en anciennes monnaies de cuivre pour 14 à 1,500 mille francs.

M. Meeus. - Sur quelles bases le gouvernement s’est-il fondé pour savoir si on peut émettre 1 million en pièces de cuivre de 10 centimes, de 5 centimes et de 2 centimes ? Je ne crois pas qu’il existât autrefois pour 500,000 fr. de cuivre.

M. A. Rodenbach. - On en a envoyé pour 1 million à Batavia.

M. Verdussen. - Il faut que les recettes générales entrent dans le budget, et qu’elles en sortent avec une affectation spéciale.

M. Kerkhoven, commissaire du Roi. - Si on veut ici porter toute la recette, il faut inscrire 950,000 fr. ; on portera ensuite aux dépenses 744,000 fr. La différence entre ces chiffres est la recette réelle qu’on devrait seulement inscrire, à ce qu’il me semble.

M. Legrelle. - Il ne faut pas grossir inutilement le budget. La section centrale porte l’article pour mémoire ; de cette manière, la cour des comptes sera chargée d’examiner les dépenses et les recettes ; alors aucune somme ne pourra être payée illégalement.

M. A. Rodenbach. - Le ministre nous a dit que pour battre de la petite monnaie d’argent, on avait rendu l’arrêté du 11 novembre ; mais je ferai observer qu’on ne battra que pour 20 mille francs de pièces d’un demi-franc sur un million d’argent fabriqué.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Dans le budget de 1833 une observation se trouve relativement aux frais extraordinaires occasionnera par la fabrication des monnaies. D’après cette observation la chambre demande un compte général des dépenses et des bénéfices de fabrication ; il me semble alors qu’on ne devrait écrire que la différence proposée par M. le commissaire du Roi.

M. Dumortier. - Il n’y a rien qui gêne plus le commerce que la trop grande masse de cuivre. On prétend qu’on en veut fabriquer pour 34 millions… (Bruit.) Alors les paiements seront extrêmement pénibles à faire. On ne doit pas gêner le commerce pour le plaisir de faire quelques bénéfices. Je demande pour combien on battra de monnaie de cuivre.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’arrêté qui a réglé la fabrication des cuivres n’établit le compte que pour un million de francs. On ne pourrait, quant à présent, donner plus d’extension à la fabrication qu’en demandant l’autorisation de la chambre.

M. Verdussen. - Je ne comprends pas la répugnance que montre le gouvernement à porter la recette totale au budget des voies et moyens. Pour la régularité, et sans avoir égard à toute autre considération, on doit établir le principe de l’insertion de toutes les recettes ; on insère bien toutes les dépenses.

M. Kerkhoven, commissaire du Roi. - Nous ne faisons aucun obstacle à ce que les chiffres soient portés au budget ; mais nous croyons toujours qu’ils enfleront inutilement le budget.

M. A. Rodenbach. - A-t-on l’intention de battre plusieurs millions en argent en vertu de l’arrêté du 11 novembre, ou bien de ne battre que pour un million ? C’est ce que je demande, et je le demanderai dix fois s’il le faut. Le ministre nous a dit que sur un million le directeur de la monnaie ne devait frapper que pour 20 mille francs de pièces d’un demi-franc.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’arrêté porte qu’il sera frappé pour 40 mille francs de pièces d’un franc et d’un demi-franc ; en France on n’en frappe que pour 25 mille francs pour million.

M. Lardinois. - L’observation de M. Rodenbach est importante, si nous avons besoin de 2 millions de petite monnaie d’argent, il faut frapper 50 millions de pièces de 5 francs, à raison de 40 mille francs par million.

Le directeur aura par là une prime de 150,000 fr. Il faut que le ministre s’explique ; qu’il nous dise combien on battra de petites monnaies d’argent sous l’empire de l’arrêté du 11 novembre. Nous n’avons pas besoin de pièces de 5 francs.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La chambre sera consultée quand on voudra frapper pour plus d’un million de monnaie d’argent.

M. Lardinois. - Je demande que le vote de l’article concernant les monnaies soit renvoyé à demain, attendu l’heure avancée.

- La séance est levée à quatre heures et demie.