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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 13 décembre 1833

(Moniteur belge n°349, du 15 décembre 1833)

(Présidence de M. Raikem)

La séance est ouverte à une heure et un quart.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

Après l’appel nominal, l’un des secrétaires donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.


M. le président fait connaître à la chambre une lettre de M. le ministre de l’intérieur qui annonce à la chambre que S. M. la Reine assistera au Te Deum du 16, et que la cérémonie est fixée à midi.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement d'Ypres

M. d’Hoffschmidt, rapporteur. - Messieurs, la commission chargée de la vérification des pouvoirs du représentant élu à Ypres, en remplacement de M. de Robiano n’a pu vous faire plus tôt son rapport, parce qu’elle a dû se faire produire des pièces qui ne lui sont parvenues que tout récemment.

Il résulte du procès-verbal d’élection, qui est fort en règle, que 372 électeurs, distribués en 4 sections, ont pris part au vote. La majorité absolue est donc de 187.

M. Constant Vuylsteke, propriétaire à Wervicq, a obtenu 283 voix.

M. Beck-Beck, négociant à Ypres, 98.

M. de Langhe, d’Ypres, 23.

M. Constant Vuylsteke a donc été élu à une forte majorité.

Mais deux réclamations ont été faite, le jour même de l’élection, et sont consignées au procès-verbal.

La première a été faite par le président et un scrutateur de la troisième section qui ont déclaré au bureau principal que l’un de leurs scrutateurs s’était absenté pendant que l’appel nominal des électeurs a eu lieu dans leur section.

Le bureau principal, ne croyant pas que ce fait puisse contenir un motif de nullité, a décidé qu’il poursuivrait ses opérations.

Votre commission a aussi trouvé, messieurs, que cette réclamation n’était pas de nature à vicier l’élection, et elle a passé outre.

La seconde réclamation est celle qui a occasionné la demande de pièces et renseignements par la commission.

La voici telle qu’elle est consignée au procès-verbal :

« Après la proclamation du nom de M. Constant Vuylsteke comme représentant, MM. Eugène Cumerlynck, électeur de la ville de Warneton ; Pierre Forrest, secrétaire à Wervicq, et Vanelvlande, échevin, électeurs de ladite ville de Wervicq, ont protesté contre cette élection, attendu qu’ils sont fondés à croire qu’il n’existe pas un nommé Constant Vuylsteke qui ait domicile à Wervicq ; par conséquent ils réservent tous leurs droits pour réclamer où et quand de besoin. »

Une protestation couverte de 15 signatures est en effet parvenue à la chambre en même temps que le procès-verbal d’élection ; mais au lieu de s’appuyer sur ce qu’il n’existerait aucun Constant Vuylsteke à Wervicq, elle proteste contre l’existence d’un Constantin Vuylsteke, de sorte que cette protestation n’en pas du tout en harmonie avec celle qui a été consignée au procès-verbal.

Cependant votre commission a voulu faire constater l’identité de la personne proclamée représentant sous le nom de Constant Vuylsteke, propriétaire à Wervicq, et il lui a été produit plusieurs pièces desquelles il résulte que M. Vuylsteke a été porté sur les registres de naissance de l’état-civil sous les prénoms de Ferdinand-Constantin, mais qu’il n’est connu dans le public que sous le nom de Constant Vuylsteke, et que c’est identiquement le même qui a été élu membre de la chambre des représentants.

Je vais, messieurs, vous donner lecture de la déclaration de la régence de Wervicq à cet égard.

« Nous, bourgmestre, échevins et membres du conseil de la régence de la ville de Wervicq, province de la Flandre occidentale, certifions que Ferdinand-Constantin Vuylsteke, fils de Pierre-Léonard et de feue Henriette-Angélique Cardoen, né et domicilié audit Wervicq, n’est connu par le public que sous le nom de Constant Vuylsteke, que c’est identiquement la même personne, et qu’aucun autre que lui, Vuysteke, propriétaire, n’habite la ville de Wervicq, sous le nom de Constant Vuylsleke. »

« Wervicq, 5 décembre 1833. »

(Suivent les signatures.)

Votre commission a donc eu à examiner, messieurs, si l’élection de M. Constantin Vuylsteke, élu sous le nom de Constant, ne présentait, sous ce rapport, aucun motif de nullité, et après avoir pesé les dispositions de l’article 34 de la loi électorale, le seul applicable à ce cas, et qui est ainsi conçu (l’orateur lit cet article), elle a trouvé que la désignation de Constant Vuylsteke, propriétaire à Wervicq, était suffisante, l’identité de la personne étant d’ailleurs parfaitement constatée ; et elle a l’honneur de vous proposer à l’unanimité, par mon organe, l’admission de M. Constant Vuylsteke, comme membre de la chambre des représentants.

M. le président se dispose à mettre aux voix les conclusions de la commission.

M. de Robaulx. - Je demanderai cependant si le procès-verbal d’élection constate que ceux qui ont formé le bureau reconnaissent eux-mêmes l’identité de l’individu nommé, car nous ne pouvons nous en rapporter à des déclarations de bourgmestre et d’échevins postérieures à l’élection.

M. d’Hoffschmidt. - Le procès-verbal ne parle que de Constant Vuylsteke, mais la déclaration de la régence de Wervicq, et d’autres pièces, dont je donnerai lecture si la chambre le désire, attestent qu’il n’y a pas d’autre Constantin Vuylsteke en cette ville ; et par conséquent c’est à M. Constantin Vuylsteke que les voix ont été données.

M. de Brouckere. - Je demanderai à l’honorable rapporteur s’il n’existe pas d’autre Vuylsteke à Wervicq et dans l’arrondissement, portant le prénom Constant.

M. d’Hoffschmidt. - Non, l’attestation dont j’ai donné lecture le prouve.

- Quelques voix. - Qu’on mette aux voix l’admission de M. Constant Vuylsteke.

M. de Robaulx. - Je ne conçois pas la régularité d’une pareille délibération. Vous allez mettre aux voix l’admission de Constant Vuylsteke et tout à l’heure ce sera Ferdinand-Constantin qui sera introduit.

- Une voix. - C’est le nom flamand et le nom français.

M. de Robaulx. - Je n’examinerai pas si saint Constant et saint Constantin se trouvent au calendrier, mais tout ce que je vois c’est que ce sont des noms différents ; et quant à moi je déclare que la déclaration du conseil de régence ne peut me faire admettre, sous le nom de Constant, un député qui s’appelle Constantin.

M. d’Hoffschmidt. - Je n’ai pas fait une étude particulière du calendrier des saints, mais partout on dit Constant au lieu de Constantin par abréviation. Du reste, l’identité est parfaitement constatée. (Aux voix !)

M. le président met aux voix la question de savoir si M. Constant Vuylsteke sera admis comme député.

- Cette question est résolue affirmativement.

Proposition de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1834

Rapport de la section centrale et disjonction d'un amendement en projet de loi distinct

Proposition de loi modifiant les droits d'enregistrement sur les ventes de bois et de récoltes

M. Angillis, rapporteur, a la parole, et s’exprime ainsi. - Messieurs, l’amendement de M. le ministre des finances, que vous avez renvoyé à l’examen de votre section centrale, a fait l’objet de ses délibérations ; elle s’empresse de vous en soumettre le résultat.

La première question qu’elle a examinée est celle de savoir si le changement réclamé pouvait être fait au moyen d’un amendement introduit dans une loi du budget, ou bien s’il ne conviendrait pas d’en faire l’objet d’un projet de loi spécial.

L’amendement a un double but, d’abroger et de rétablir : il abroge une disposition législative en même temps qu’il fait revivre une autre disposition qui fait partie d’une loi qui occupe le premier rang parmi nos lois fiscales ; un changement de cette nature à une législation existante ne doit pas se faire à l’aide d’un simple amendement intercalé dans une loi annale, dans une loi qui n’a d’autre destination que de régler, de fixer les recettes de l’Etat, mais qui ne s’occupe nullement ni de leur assiette ni de leurs recouvrements.

Ceux qui par état s’occupent spécialement de l’étude des lois n’iront pas chercher dans une loi du budget des dispositions sur les droits proportionnels d’enregistrement ; un amendement de cette importance, ainsi placé au milieu d’une loi des voies et moyens, resterait comme inaperçu aux yeux du plus grand nombre, et le moindre inconvénient serait de trouver dans une loi qui n’a qu’une existence limitée une disposition qui a le droit pour principe. La section a été unanimement d’avis qu’il fallait une loi spéciale pour toutes les dispositions qui ont un caractère de perpétuité.

Examinant ensuite le projet présenté par M. le ministre, la section centrale a reconnu que ce projet allait beaucoup plus loin que le vœu émis par l’assemblée ; et sans entrer dans un examen approfondi tel qu’un projet de cette nature réclame, la section a pensé qu’elle devait se borner pour le moment à formuler en projet de loi le désir exprimé par la chambre ; elle pense avoir rempli cette tâche, en vous proposant le projet dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture :

« Léopold, etc.

« Art. 1er. Les ventes publiques et aux enchères, de bois sur pied, de récoltes pendantes par racines et de fruits non encore recueillis, sont soumises aux dispositions de la loi du 22 frimaire an VII sur l’enregistrement. Les dispositions contraires de la loi du 31 mai 1824 sont abrogées. »

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1834.é

M. le président. - La chambre entend-elle se considérer comme saisie de cet objet ?

M. de Brouckere. - Cela est évident, M. le président ; car il y a assez longtemps qu’elle s’en est occupée.

M. le président. - A quand veut-on en remettre la discussion ?

- Quelques voix. - Après le budget.

M. de Robaulx. - Je demande que cette discussion ait lieu immédiatement. Ce n’est pas d’hier que la question est agitée ; on la traite depuis deux ans dans cette enceinte, et je pense que la proposition de la section centrale ne rencontrera aucune opposition.

M. Legrelle. - Je crois aussi qu’il est rationnel de discuter le projet immédiatement, parce que le chiffre que vous porterez au budget des voies et moyens sera la conséquence de cette disposition, et qu’elle doit être adoptée avant le vote du budget.

M. Jadot. - Il me semble qu’il conviendrait que chaque membre prît copie de l’article de la section centrale car je crois qu’il n’y est point parlé des marchandises, et je ne vois aucune raison pour les excepter de la mesure.

- Il est donné une deuxième lecture du projet.

M. Jadot. - Je propose d’ajouter aux objets compris dans l’article premier les marchandises.

- L’honorable député dépose un amendement ainsi conçu « Les ventes publiques de marchandises sont également soumises, aux dispositions de la loi du 22 frimaire an VII. »

M. de Robaulx. - Qu’on vote d’abord le premier article relatif aux ventes des bois, et sur lequel il ne saurait y avoir aucune difficulté. La proposition de M. Jadot fera un article à part.

M. Jadot. - Pardon, ma proposition doit se trouver comprise dans l’article. Je ne fais que rétablie l’ancienne disposition.

M. de Robaulx. - Dans tous les cas, je demande la division, et que M. le président mette d’abord aux voix le premier article de la section centrale.

M. de Theux. - D’après les termes du règlement, c’est l’amendement de M. Jadot qui doit être voté d’abord, et la proposition de la section centrale ensuite.

M. de Robaulx. - Je m’étonne qu’on cite ici le règlement pour l’interpréter d’une manière judaïque, pour en altérer l’esprit. En effet, qu’est-ce qu’un amendement ? C’est une modification à une proposition présentée. Or, la disposition de M. Jadot ne change en aucune manière l’article de la section centrale. Ce n’est qu’une addition et il n y a pas de motif pour lui accorder la priorité.

M. A. Rodenbach. - Il me semble que c’est une véritable proposition qui doit être renvoyée aux sections ou à une commission, car son admission ferait du tort au commerce.

M. d’Huart. - L’amendement de M. Jadot n’est pas une proposition nouvelle ; il se trouvait compris dans le projet de loi présenté hier par M. le ministre des finances et qu’a modifié la section centrale. Le motif qui a dirigé l’honorable membre, c’est que l’article 13 de la loi du 31 mai 1824 parlait aussi des marchandises. (Ici l’orateur donne lecture de cet article.)

Cependant, comme on peut bien n’être pas aussi unanime pour une disposition que pour une autre, il y aurait lieu d’examiner d’abord celle que propose M. Jadot.

M. de Brouckere. - Je dois déclarer que je ne ferai aucune difficulté d’admettre la proposition de la section centrale, mais je ne puis voter en ce moment sur celle de M. Jadot dont je ne puis saisir la portée au premier abord. Je demande donc la remise à demain pour que nous ayons le temps de l’examiner

S la chambre est unanime aujourd’hui sur l’article de la section centrale, elle le sera encore demain. Quant à l’observation de M. Legrelle qui consiste à dire que l’adoption de la loi doit avoir lieu avant le vote du budget des voies et moyens, elle n’est pas fondée ; car quand bien même nous aurions admis la disposition elle ne serait pas encore loi ; il lui faudrait encore l’assentiment de l’autre chambre et la sanction du Roi.

M. de Robaulx. - J’insiste pour que l’on vote la loi telle quelle est présentée par la section centrale. La proposition de M. Jadot avait déjà été faite par M. le ministre des finances et elle a été repoussée par la section centrale, parce qu’elle avait une portée plus large que celle relative aux bois et aux fruits pendants par racines. Il serait peut-être impolitique de notre part de l’adopter, alors que le commerce se plaint amèrement. Nous pouvons bien augmenter le droit sur les bois que le roi Guillaume avait diminué parce qu’une partie des bois du domaine lui appartenait, mais il n’en est pas de même de ce qui touche au commerce. Je crois que l’honorable M. Jadot prendra cette observation en considération, et je le conjure de retirer son amendement, sauf à en faire une proposition spéciale, s’il le juge convenable.

M. Jadot. - Je défère à l’invitation de mon honorable collègue.

M. Gendebien. - Je viens d’aller chercher les volumes à la bibliothèque pour voir les dispositions qu’il s’agit de faire revivre et je n’ai pas encore eu le temps de les examiner. Mon intention n’est pas de m’opposer à la mesure que nous propose la section centrale. Il y a longtemps que je l’ai réclamée moi-même comme une justice ; mais prenez garde, messieurs, d’être accusés de précipitation, et songez que la loi ne sera peut-être pas accueillie avec tant d’empressement à l’autre chambre.

Je désirerais qu’on fît imprimer le projet de loi et l’amendement de M. Jadot. Il ne résulterait de ce léger retard aucun préjudice pour le trésor, et la dignité de la chambre ne pourrait qu’y gagner. Le budget des voies et moyens n’en souffrira pas non plus car, en supposant qu’on adopte aujourd’hui tous les articles, nous ne pourrions voter sur l’ensemble que lundi.

M. de Robaulx. - Il n’y aura aucune précipitation. La question a été longuement élaborée au ministère par suite des réclamations faites dans cette enceinte. Ce n’est pas depuis hier, mais depuis deux ans et plus, qu’on se plaint du privilège dont jouissent les propriétaires de bois. Nous pouvons donc continuer la discussion qui a été commencée, et voter ensuite sur la proposition de la section centrale.

M. Desmanet de Biesme. - Je suis aussi d’avis que la discussion doit être remise à demain. Ce n’est pas que je m’oppose à la mesure, car je l’ai appuyée dans les sections. Mais il n’est pas exact de dire que le roi Guillaume n’a favorisé que les grands propriétaires, car la même faveur a été accordée au commerce. Il faut donc examiner si, au moment où les bois n’ont presque plus de valeur, il faut rétablir la disposition qui les soumet à un droit plus élevé, tandis qu’on excepterait de la mesure les marchandises.

M. Dumont. - J’appuie aussi le renvoi à demain, car jusqu’alors on n’a traité qu’une partie de la question, et elle a besoin d’être examinée en entier (A demain, à demain !)

M. Jadot. - Alors je maintiens mon amendement.

- La chambre décide que le projet de loi de la section centrale et l’amendement de M. Jadot seront imprimés et distribués, et elle en remet la discussion à demain.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1834

Discussion des articles du tableau

Enregistrement

Droits additionnels et amendes

M. le président. - Nous allons nous occuper de l’article relatif à l’enregistrement, qui a été ajourné hier. il est ainsi conçu :

« Enregistrement : fr. 7,600,000. »

M. Faider, commissaire du Roi. - La décision que vient de prendre la chambre me paraît devoir la déterminer à ne plus retarder le vote du chiffre qui concerne l’enregistrement, car comme on la fait observer avec raison, quand vous aurez adopté le projet de la section centrale, il ne sera pas encore loi, et devra obtenir la sanction de l’autre chambre et du Roi.

- Le chiffre de 7,600,000 fr. est adopté.

Domaines

On est arrivé ici

Séquestre

M. le président. - On passe à l’article relatif au séquestre, qui avait été également ajourné.

La parole est à M. Legrelle pour présenter un rapport au nom de la section centrale à qui les pièces concernant cet objet avaient été renvoyées.

M. Legrelle. - Messieurs, vous avez chargé hier la section centrale des voies et moyens de mettre en rapport le chiffre présenté par M. le ministre des finances relativement au séquestre, et celui qu’un honorable membre de cette assemblée avait cru pouvoir établir sur un document qui lui a été fourni dans le temps en sa qualité de rapporteur de la section centrale pour le budget des finances de l’exercice actuel. Nous avons examiné avec une profonde attention la question que vous nous avez soumise ; et votre section centrale, messieurs, a cru devoir désigner deux de ses membres pour compulser le registre tenu par le directeur de l’enregistrement, et un autre état tenu jour par jour à l’administration centrale des finances.

Après les investigations les plus scrupuleuses, il a été reconnu que, sauf une très légère différence, le chiffre présenté en dernier lieu par le ministre des finances est parfaitement exact.

Les recettes montent à fr. 108,438 36 c.

et les dépenses à fr. 338,544 29 c.

Ce qui porte le total des avances faites par le trésor à fr. 230,105 93 c. La différence que nous avons reconnue est seulement de quelques francs.

Ayant acquis la certitude que le chiffre ministériel ne laissait plus aucun doute, nous avons voulu savoir d’où venait la différence dans les renseignements d’après lesquels un de nos honorables collègues avait porté cette avance à 574,211 fr 29 c. La personne qui les avait fournis, non pas à l’honorable membre lui-même, mais à un employé supérieur de la trésorerie qui les avait réclamés, a été appelée dans le sein de la section centrale. Elle est convenue que son travail avait été fait trop à la hâte, et qu’il manquait d’exactitude ; que, selon toute probabilité, l’augmentation provenait de ce que les florins, déjà réduits en francs, ont été réduits une seconde fois comme si c’étaient des florins.

Cependant, après avoir recherché si le redressement d’un pareil calcul nous conduirait au chiffre posé par le ministère, nous avons encore trouvé une différence. De l’examen sérieux des registres mentionnés est résultée toutefois la preuve que le chiffre ministériel, tel qu’il a été rectifié hier, est exact. La section centrale a donc la satisfaction de vous annoncer, messieurs, que les craintes manifestées hier ne sont pas fondées, et que le ministère des finances n’a rien à se reprocher.

M. de Robaulx. - Si ce n’est de ne pas savoir l’arithmétique.

M. Legrelle. - Quant aux faits moraux, il est irréprochable, et quant à des erreurs de calcul, tout le monde peut en faire.

M. Jadot. - Maintenant que l’erreur dont s’est prévalu M. Dumortier pour jeter des soupçons injurieux sur les employés des finances est avérée, j’espère qu’il voudra bien la reconnaître s’il ne veut pas passer pour calomniateur. (Violentes marques d’improbatio.)

- Plusieurs voix. - Ne répondez pas, M. Dumortier !

- D’autres voix. - A l’ordre ! à l’ordre !

M. le président. - Je n’ai pas rappelé l’orateur à l’ordre parce que je n’ai pas entendu ses paroles.

M. Dumortier. - Je n’ai pas de réponse à faire ici au préopinant, car la manière dont il s’est exprimé la rend impossible. Mais je lui répéterai ce que j’ai déjà dit hier : Je suis prêt à lui répondre ailleurs.

M. Jadot. - J’ai regardé ce qu’a dit hier M. Dumortier comme s’appliquant à tous les employés du ministère des finances, et j’ai dû prendre ma part des soupçons injustes qu’il faisait planer sur eux. Cependant, messieurs, si vous pensez qu’en me servant de la dernière expression que vous avez entendue, je suis allé au-delà des bornes, je veux bien le reconnaître ; mais si j’ai parlé ainsi, c’est parce que j’ai ressenti vivement l’insulte que j’avais crue adressée aux employés du ministère des finances.

M. Dumortier. - Cela change bien les choses. Après cette rétractation publique je croirais manquer à mon devoir si je ne faisais remarquer que dans cette circonstance je n’ai parlé que de l’administration du séquestre à laquelle le préopinant n’appartient pas. Je trouve donc fort étrange qu’il se soit appliqué des reproches qui s’appliquaient à une tout autre administration.

J’arrive maintenant aux faits :

La section centrale a annoncé, par l’organe de son rapporteur, qu’elle avait examiné avec soin les documents fournis récemment à la chambre et qu’elle y avait trouvé la rectification d’une erreur consignée dans d’autres documents procurés à l’ancienne section centrale.

Cependant, messieurs, on n’a pas encore prouvé que ces renseignements étaient erronés ; on n’a pas surtout encore déclaré comment il se fait que l’administration du séquestre, qui autrefois manquait de fonds pour payer le courant de ses besoins, en a maintenant non seulement pour ses besoins courants, mais même pour les arriérés.

J’ajouterai que, d’après les informations que j’ai prises dans les lieux où nous avons le droit de les obtenir, je sais que l’administration du séquestre fait ses demandes d’argent de la manière la plus irrégulière ; qu’au lieu de les adresser, comme toutes les autres administrations, à la trésorerie générale et ensuite à la cour des comptes pour obtenir son visa préalable, elle dispose sur les recouvrements de l’enregistrement, de manière qu’elle échappe à tout contrôle.

La cour des comptes a déjà plusieurs fois élevé des plaintes à cet égard. Quant à moi je blâme formellement un pareil système parce qu’il tendrait à rendre toute investigation impossible en matière de finances. J’espère que M. le ministre des finances veillera à ce qu’un pareil abus ne se renouvelle plus.

M. Pirson. - Je demande une explication. Si le séquestre présenté un actif, il faudra en rendre compte à la liquidation qui aura lieu si la paix se fut avec le roi Guillaume. Or, que va devenir l’actif de ce séquestre ? Je crois qu’il doit être versé au trésor public, car ce sera la nation qui en définitive devra payer s’il y a eu erreur où détournement de fonds. Il est donc juste qu’elle profite aujourd’hui de l’actif. Quant au passif, il ne devrait pas y en avoir, car l’administration aurait dû suffire à ses besoins avec ses revenus.

M. Verdussen. - Les réflexions de l’honorable M. Pirson sont extrêmement justes. Il est certain que si l’on a bien trouvé des fonds pour mettre au courant le service du séquestre et même combler lés déficits, ses recettes dépassent ses besoins. Où doit donc être mis cet excédant ? Restera-t-il oisif dans une caisse particulière ? Je ne pense pas qu’on puisse agir ainsi. Si la nation a fait les dépenses, elle peut bien profiter des recettes en attendant la paix. Les fonds du séquestre sont dans la même catégorie que ceux des cautionnements ; c’est un dépôt dont nous rendrons compte lors de la liquidation.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai provoqué moi-même l’investigation de la chambre sur ce qui est relatif au séquestre, pour qu’elle fût enfin fixée sur la différence de chiffre qui existait entre une note qu’un honorable député certifiait de toute exactitude, et l’état que j’ai présenté à la section centrale et que je certifiais moi aussi très exact. C’est maintenant une affaire consommée, et je n’y reviendrai pas ; néanmoins, je dirai qu’il était impossible d’ajouter foi à une note fugitive émanée d’un employé en sous-ordre, comme on ajoute foi aux documents authentiques émanés du chef du ministère lui-même.

Maintenant j’ai encore une chose à relever, et je le ferai avec le plus grand ménagement. J’ai été mis hors de ce débat ainsi que M. Jadot, mais on a laissé planer des soupçons sur les employés du séquestre. Messieurs, il est de mon devoir de le déclarer, ces employés ont tout autant de probité qu’aucun de nous, et les soupçons ne peuvent pas les atteindre plus qu’aucun de nous.

Un honorable membre a parlé de la destination qui devait être donnée aux fonds du séquestre, s’il restait un excédant après le paiement des dépenses. Je ferai d’abord observer qu’on ne vendra qu’au fur et à mesure que les besoins se feront sentir, de sorte que l’excédant se bornera à fort peu de choses. Dans le cas où les recettes excéderaient les dépenses, il est certain que les fonds entreraient au trésor, qui en rendrait compte lors de la liquidation

M. Dumortier. - Je trouve fort étonnant encore une fois que le ministre des finances fasse intervenir ici les employés du séquestre. Chaque député, messieurs, a le droit d’exercer sa censure sur telle partie de l’administration et sur tels fonctionnaires qu’il croit convenable, sans qu’il soit tenu de rendre compte de ses paroles à personne. C’est cette liberté et cette indépendance du député que mon honorable collègue et ami M. Gendebien a maintenues hors de cette assemblée, et que je suis décidé à maintenir aussi en toute circonstance.

Messieurs, si le chiffre que j’oppose à celui qu’on nous présente aujourd’hui n’était pas exact, pourquoi donc le ministre ne l’a-t-il pas contesté lorsque que je l’ai posé pour la première fois dans la séance du 4 octobre dernier ?

J’ai dit alors que le trésor était en avance d’un demi-million, et le silence qu’on a gardé nous donnait certainement le droit, à nous représentants du pays, d’avoir des soupçons quand on est venu produire ici le chiffre de deux cent et quelques mille francs ; surtout quand l’administration du séquestre échappe au contrôle de la cour des comptes.

Ce qu’il a de plus étrange en cette circonstance, c’est que le ministre des finances n’est venu nous présenter les comptes du séquestre qu’après la demande faite par plusieurs orateurs de procéder à la vente de ses domaines. Puisque l’on manquait de fonds, et qu’on demandait chaque année à l’Etat 50 à 60,000 fl., comment se fait-il que maintenant on trouve, sans le secours du trésor, de quoi payer non seulement le courant, mais les arriérés ? Il y aura toujours du louche sur ce point dans mon esprit, jusqu’à ce que vous m’en donniez une explication satisfaisante.

Quant à la personne qui m’a communiqué la note sur laquelle je me suis appuyé, je répéterai encore à M. le ministre que je n’ai pas de compte à lui rendre à cet égard ; mais je dois déclarer qu’elle ne vient pas d’un employé en sous-ordre : elle émane d’un homme qui mérite toute confiance.

M. A. Rodenbach. - Mon honorable ami M. Dumortier m’a communiqué la lettre d’après laquelle il a établi le chiffre de 574,000 fr., et je déclare que si l’on m’en avait écrit une pareille, j’aurais agi comme lui. S’il a mis quelque vivacité dans ce débat, chacun sait que c’est par amour du pays et dans l’intérêt public. Vous vous rappellerez, messieurs, que quand on est venu nous demander 80,000 fr. pour le séquestre, on a demandé, moi tout le premier, la vente des biens du séquestre.

Qu’a dit alors M. Dumortier ? Vous venez demander 80,000 fr. et vous en avez 574,000. Le ministre n’a rien répondu. Il n’est donc pas étonnant que mon honorable collègue ait fait valoir ce dernier chiffre.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’honorable M. Rodenbach se trompe ; ces 574,000 fr. ne formaient pas un actif, mais un passif.

M. A. Rodenbach. - Peu importe, le fait de votre assentiment tacite n’en existe pas moins.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Quant à la note remise à M. Dumortier, la section centrale sait à quoi s’en tenir, car l’auteur a été appelé dans son sein.

M. F. de Mérode. - Je n’admets pas le principe que l’on peut inculper ici des citoyens étrangers à la chambre, sans être obligé de justifier les accusations dirigées contre eux. C’est précisément parce qu’ils ne sont pas ici pour se défendre que l’on doit être d’autant plus circonspect à leur égard.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 230,105 fr. 93 c.

M. A. Rodenbach. - Mais ce chiffre est-il bien exact, et ne s’augmentera-t-il pas encore demain ou après-demain ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Cela ne pourrait que profiter au trésor. C’est pour cela que j’ai signalé l’erreur de 21,000 fr. avec beaucoup de plaisir. (La clôture ! la clôture !)

M. A. Rodenbach. - Je demande l’impression des tableaux.

- La chambre ferme la discussion et se dispose une seconde fois à mettre le chiffre aux voix.

M. de Robaulx. - D’après le rapport de M. Legrelle, non seulement il y avait une omission dans le budget des finances, mais encore il y avait une erreur à rectifier dans le dernier chiffre qu’on nous a présenté. Je demande si cette rectification a eu lieu.

M. Legrelle. - La différence est insignifiante. Du reste je ferai remarquer qu’il est très peu important qu’on porte au budget une somme de 230,000 fr. ou une autre, parce que tout ce qui est dû par le séquestre devra nous être remboursé.

Maintenant il n’est pas difficile d’expliquer comment le ministre a pu faire les dépenses. Vous avez voté d’abord, pour le séquestre, une somme de 100,000 fr. Plus tard, le ministre avait demandé 80,000 fr. et on les lui a refusés ; mais dans l’intervalle, s’appuyant sur le vote précédent de la chambre, il avait ordonné une dépense provisoire de 18,000 fr.

Trésorerie générale

Recettes diverses
Produit de la fabrication des monnaies

M. Vandenhove. - Messieurs, hier, pendant les délibérations sur les monnaies, plusieurs honorables membres m’ont fait beaucoup de questions de détail qui ne m’ont point permis de prêter attention à la discussion et d’y prendre une part active ; ce matin j’ai le compte-rendu de la séance. j’y ai rencontré une grande divergence d’opinions et remarqué plusieurs questions que je ne crois pas nécessaire de traiter en public pour cause de politique extérieure.

Dans cet état de choses, j’ai l’honneur de proposer à la chambre de renvoyer la question à la section centrale, qui pourra inviter M. le ministre des finances de se rendre dans son sein pour donner tous les renseignements propres à éclairer la matière, Ainsi vous éviteriez, messieurs,, de longs débats, à la suite desquels je crois qu’il faudra toujours avoir recours au travail de la section centrale, avant d’aller aux voix sur l’amendement de M. le commissaire du Roi.

M. le président. - La proposition de M. Vandenhove est-elle appuyée ?

M. de Robaulx. - Si j’ai bien compris, la proposition de M. Vandenhove a pour but d’empêcher que les débats publics ne fassent connaître à la Hollande certains faits relatifs au monnayage de cuivre, qui doivent être révélés dans la discussion. Il paraîtrait que l’administration a à faire des communications qu’elle ne veut pas livrer au public. Dans ce cas c’est une demande de comité secret et qu’il doit faire.

M. Vandenhove. - La discussion pourra s’établir ici sur le travail de la section centrale.

M. de Robaulx. - Demandez le comité secret.

M. Vandenhove. - Je le veux bien.

M. de Robaulx. - Ce n’est pas une proposition que je fais, c’est de ma part une simple indication.

M. Legrelle. - Messieurs, la section centrale a déjà été saisie de cette question ; elle a cru que, pour ce qui regarde le monnayage de cuivre, ce qui avait été dépensé et reçu ne devait pas être au budget de 1834, que sa place était dans la loi de comptes : en effet, dans le budget il s’agit de prévoir des éventualités et non de régler le passé. Comme on s’est plaint de ce que les dépenses et les produits de la fabrication des monnaies ne figuraient nulle part, un article pour mémoire a été inséré au budget ; mais le chiffre n’a pas été déterminé, parce qu’on ne peut pas savoir à combien s’élèveront les sommes qui seront reçues ou dépensées de ce chef. Ce n’est donc pas, je le répète, dans le budget de 1834 mais dans la loi des comptes de 1833, qu’on doit s’occuper de cette question.

M. Angillis, rapporteur. - Je crois, comme l’honorable préopinant, que le renvoi proposé par M. Vandenhove est inutile. Si on croit, par ce moyen, cacher quelque chose au public, on n’y parviendra pas, parce que la section centrale viendra toujours dire à la tribune ce qui viendra à sa connaissance sur les intérêts du pays. Si des secrets lui étaient révélés, elle viendrait les exposer à la chambre. Sous ce point de vue, le renvoi est donc inutile.

Quant aux opérations de la monnaie, la section, n’ayant pas pu parvenir à en rendre compte, a proposé de les indiquer pour mémoire dans le budget : Si maintenant on était à même de donner des renseignements précis, je proposerais de porter en recette ce qui est reçu et ce qui est à recevoir, et en dépense ce qui est à dépenser. Par ce moyen, les opérations du monnayage figureraient dans le budget des recettes et dans celui des dépenses. Si on ne peut pas donner de compte assez détaillé pour déterminer un chiffre, je persiste dans la proposition de la section centrale de porter un article pour mémoire et l’année prochaine, quand les comptes seront rendus, on portera en recette le résultat.

M. Kerkhoven, commissaire du Roi. - Il est impossible de dire quelle sera la dépense faite par la monnaie pour la fabrication d’un million. En comptant environ 5,000 fr. pour le déchet, on aurait une somme de 995,000 fr. à porter en recette, et on porterait en dépense le prix de la matière première et les frais de fabrication évalués à 744,000 fr.

J’avais proposé hier de porter en recette pour ordre le produit de l’opération de 995,000 fr., et de porter en recette le résultat ou bénéfice de l’opération qui est de 251,000 fr. ; c’est à la chambre à décider ce qu’elle jugera à propos de faire.

M. de Brouckere. - M. le commissaire du Roi vient de nous dire : C’est à la chambre à décider comment elle veut qu’on fasse. Il est impossible qu’on en finisse de cette manière, il faut qu’on nous fasse une proposition sur laquelle la chambre puisse délibérer. Je le prie donc de formuler en amendement ce qu’il vient de nous dire.

M. Kerkhoven, commissaire du Roi. - La somme de 251,000 fr. étant le bénéfice présumable sur la fabrication des monnaies, on pourrait la porter à l’article recettes diverses de la trésorerie ; si ce chiffre n’était pas exact, comme ce n’est qu’une évaluation, on le rectifierait lors de la loi des comptes.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, dans la séance d’hier, j’ai demandé une explication sur l’arrêté du 11 novembre relatif à la monnaie. Mon honorable collègue M. Lardinois a dit que cet arrêté serait fatal à la prospérité publique, car la prime qui en résulterait pour le directeur de la monnaie pourrait s’élever à 150,000 fr. C’est une dépense assez considérable pour mériter de fixer l’attention de la chambre. Je le prie de vouloir bien répondre au député de Verviers, ainsi qu’à moi.

M. Verdussen. - M. le commissaire du Roi nous parle d’une opération terminée en 1833 et vous propose d’en faire l’objet d’un article du budget de 1834. En effet, il ne s’agit pas d’une opération de monnayage à faire en 1834, mais d’une opération accomplie dont le résultat a été déposé à la banque. Ce n’est donc pas dans le budget, mais dans la loi des comptes de 1833, que cette opération doit figurer. M. le commissaire du Roi ne me paraît pas pénétré de cette vérité qu’un budget porte toujours pour le futur et pas pour le passé.

M. Kerkhoven, commissaire du Roi. - Messieurs, l’opération dont il s’agit n’est pas terminée, elle ne pourra l’être que pour les premiers mois de 1834 ; on pourra la reporter toute sur l’exercice de 1834 en rédigeant ainsi l’article : « Pour compte sur la fabrication de la monnaie de cuivre en 1833 et 1834 : fr. 251,000. »

M. Dumortier. - Messieurs, si nous ne portions pas cette somme en recette pour 1834, ce serait une ressource dont nous ne pourrions disposer qu’après l’examen des comptes de 1833, c’est-à-dire en 1835 et peut-être en 1836. J’appuie donc la proposition de M. le commissaire du Roi.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La chambre a été prévenue que ce ne serait réellement qu’en 1834 qu’on pourrait porter en compte les recettes et les dépenses du monnayage ; car il y avait dans le budget de 1833 une note formelle relative à cet objet, que j’ai dû considérer comme admise puisqu’elle n’a été réclamée par personne.

D’après cette note il ne devait être présenté de compte de cette opération que quand elle serait terminée. Aujourd’hui, comme on sent que cette opération figure au budget de 1834, j’ai proposé un amendement qui est entre les mains de M. le président.

M. le président donne lecture de cet amendement. qui consiste à mettre à l’article : « Recettes diverses de la trésorerie générale, » au lieu de : « Produits de la fabrication des monnaies (mémoire), » cette disposition : « Produit résultant de la fabrication des monnaies en 1833 et 1834, 250,000 fr. »

Et à ajouter aux recettes pour ordre cette autre disposition :

« Résultat des opérations faites et à faire en nouvelles espèces de cuivre, 995 mille francs. »

- La première partie de cet amendement est adoptée sans discussion.

M. le président. - Je continue.


« Recettes et restitutions diverses : fr. 250,000 fr. »

- Adopté.

Recettes pour ordre

« Expertise de la contribution personnelle : fr. 40,000. »

- Adopté.


« Frais d’ouverture des entrepôts : fr. 14,000. »

- Adopté.

La recette pour ordre de 995 mille fr. proposée par M. le ministre est également adoptée.

Fonds de dépôts

« Cautionnements : fr. 30,000. »

- Adopté.


« Consignations : fr. 50,000. »

- Adopté.

Discussion des articles

M. le président. - Maintenant nous passons aux articles. La parole est à M. Lardinois.

M. Lardinois. - Je n’ai demandé la parole que pour rappeler à M. le ministre des finances qu’il nous a promis de nous donner des éclaircissements sur l’arrêté du 11 novembre relatif à l’émission des monnaies.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La loi monétaire en Belgique est la reproduction, en quelque sorte littérale, de la loi française sur le même objet. L’article 27 s’exprime ainsi :

« Art. 27. Il ne pourra être exigé de ceux qui porteront des matières d’or ou d’argent à la monnaie que les frais de fabrication. Ces frais sont fixés à 9 fr. par kil. pour l’or, et à 3 fr. par kil. pour l’argent. »

On voit donc par la teneur de cet article, qu’on ne peut exiger des particuliers qui apportent des matières à la fabrication, que 3 fr. par kil. pour l’argent, mais qu’il n’interdit pas au gouvernement la faculté de pouvoir prendre avec le directeur certains arrangements pour le monnayage, que des circonstances extraordinaires pourraient exiger.

A la vérité il peut résulter de ces arrangements une dépense, et c’est ce qui a eu lieu dans le cas qui nous occupe. On m’objectera sans doute que cette dépense ne pouvait être faite sans l’intervention des chambres, mais je répondrai que si je me suis écarté de ce principe, c’est en m’appuyant sur la marche adoptée avant moi, concernant les frais de monnayage, circonstance que la chambre n’a point ignorée, et qu’elle a même approuvée implicitement, ainsi que je l’ai dit à la séance précédente, en ne faisant aucune objection contre l’observation consignée au budget de 1833, et de laquelle il résulte que le gouvernement se proposait de soumettre à la législature un compte général de recettes et dépenses, lorsque la fabrication aurai reçu son complément.

J’étais d’autant plus autorisé à penser que de tels arrangements étaient dans les attributions du pouvoir exécutif, qu’ayant consulté la commission des monnaies à cet égard, elle m’a tracé la marche que j’ai suivie. Puisque dans votre séance d’hier, vous avez décidé que les bénéfices figureraient aux voies et moyens, vous avez admis par là que l’on déduirait des recettes brutes le montant des dépenses.

Telles sont les raisons qui ont déterminé l’arrêté que, sous ma responsabilité, j’ai fait prendre au Roi le 11 novembre, et dont deux honorables députés viennent de parler. On a cru, du moins je l’ai ouï dire, que je n’aurais pas consulté la commission des monnaies sur cet objet ; cependant on devait savoir que j’étais incapable d’agir autrement.

Aussitôt que le directeur de la monnaie m’a fait part de ses embarras, de l’impossibilité où il se trouvait de fabriquer, vu le taux considérable de l’argent, j’ai soumis à la commission des monnaies les propositions qu’il me faisait pour continuer la fabrication. La commission n’a pas précisément adopté le mode d’arrangement qu’il proposait ; mais elle a reconnu que, sur les pièces de cinq francs fabriquées jusqu’à ce jour, le directeur de la monnaie n’avait certainement pas gagné, qu’il les avait faites gratuitement. Elle a reconnu aussi qu’il en serait autrement s’il fabriquait des pièces subdivisionnaires, telles que des pièces de deux francs, d’un franc, d’un demi-franc et vingt-cinq centimes, moyennant une prime qui devait nécessairement tomber à la charge du trésor si on voulait que la fabrication continuât ; il y avait nécessité de faire un arrangement, ou il fallait renoncer à la mise à exécution de notre système monétaire.

Le directeur de la monnaie renonçait à faire des pièces de 5 fr. parce qu’il n’y trouvait aucun bénéfice, et la fabrication des pièces subdivisionnaires ne lui en présentant que très peu à cause de l’augmentation de main-d’œuvre, il était également impossible qu’il s’y livrât sans de nouveaux arrangements qui missent à la charge du trésor ces augmentations de frais. Tel a été le but de l’arrêté dont viennent de parler deux honorables membres de cette chambre.

Je pourrais donner à la chambre lecture de la lettre de la commission de la fabrication des monnaies, qui confirme ce que je viens de dire.

Quant à la légalité, j’invoquerai un précédent ; mon prédécesseur a rendu un arrêté semblable sur la même matière. C’est ce précédent et l’opinion de la commission des monnaies qui m’ont déterminé à faire prendre aussi sous ma responsabilité l’arrangement consigné dans l’arrêté du 11 novembre. Quant à l’arrêté qui précède le mien, il est du 5 juin 1832. Le chef de l’Etat arrête tous les frais relatifs au monnayage de cuivre.

M. Dumont. - Je ne sais pas quelle pourrait être l’utilité de la discussion actuelle ; elle ne peut avoir pour résultat que de nous faire perdre un temps précieux. La question dont il s’agit a été agitée lors de la discussion générale ; là je le concevais parce que l’on peut examiner tout ce qui a été fait dans le gouvernement. Mais, maintenant que nous sommes à la discussion des articles du budget des voies et moyens, l’examen de cette question est sans objet ; il trouvera sa place lors de la discussion des dépenses.

L’arrêté dont il s’agit portant une dépense, il faudra demander une allocation pour y faire face ; c’est alors qu’il y aura lieu de s’en occuper. Une autre considération non moins importante, c’est que la moitié du mois de décembre est déjà écoulée, et il ne reste pas trop de temps au sénat pour s’occuper des voies et moyens avant le 1er janvier. Si ma proposition de clore la discussion était adoptée nous pourrions terminer cette loi aujourd’hui et elle pourrait être soumise de suite au sénat.

M. de Robaulx. - D’après ce qu’a dit M. le commissaire de Roi, on doit terminer l’opération du monnayage dans les premiers mois de 1834. Comme, d’après les discussions précédentes, le budget des dépenses pourra donner lieu à d’assez longs débats et qu’on ne sait pas quand ils seront terminés, je ne sais pas jusqu’à quel point il serait prudent de continuer de payer une prime au directeur de la monnaie, sans savoir quelle sera la résolution des chambres.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mon intention est de faire stater la fabrication jusqu’à ce qu’il ait été statué sur cette question par le budget des finances.

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la commission centrale ?

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Oui, M. le président.

Article premier

« Art. 1er. - Les impôts directs ou indirects existant au 31 décembre 1833, en principal et centimes ordinaires et extraordinaires, tant pour les fonds de non-valeurs qu’au profit de l’Etat, des provinces et des communes, continueront à être recouvrés, pendant l’année 1834, d’après les lois qui en règlent l’assiette et la perception.

« Toutefois les centimes additionnels extraordinaires par franc, imposés par la loi du 30 décembre 1832, sont réduits comme suit : sur la contribution foncière à 20 c., sur la contribution personnelle et sur les patentes à 10 c. »

M. de Robaulx. - Je demande la parole. Puisqu’il s’agit de voter la loi de principe sur les voies et moyens, je demanderai à M. le ministre s’il persiste dans l’intention qu’il a manifestée de présenter un projet de loi qui modifie nos lois de finances ; c’est une promesse qu’il nous a faite, je la lui rappelle. S’il n’y persistait pas, je déposerais à l’instant un amendement ayant pour but de borner à trois ou six mois la loi des voies et moyens.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je présenterai très incessamment ce projet de loi. La question des sels a nécessité un travail très long ; il me manque encore plusieurs pièces importantes que je m’occupe de réunir. Je donne ces détails pour prouver que je m’en occupe activement.

- L’article premier est mis aux voix et adopté.

Articles 2 à 5

« Art. 2. Toutes les dispositions de la loi du 30 décembre dernier, auxquelles il n’est pas dérogé par la présente, et les dispositions de la loi du 29 décembre 1831, auxquelles ladite loi du 30 décembre se réfère, sont maintenues. »

- Adopté.


« Art 3 Le budget des recettes pour l’exercice de 1834 est évalué à la somme de quatre-vingt-trois millions cinq cent trente-quatre mille cinq cent soixante-dix-huit francs, conformément à l’état ci-annexé (83,534,578). »

- Adopté.


« Art. 4. Pour faciliter le service du trésor pendant l’exercice de 1834, le gouvernement pourra, à mesure des besoins de l’Etat, renouveler et maintenir en circulation les 15 millions de bons du trésor, dont l’émission a été autorisée par la loi du 16 février dernier. »

- Adopté.


« Art. 5. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1834. »

- Adopté.

M. le président. - Comme il y a des amendements au tableau, on croira sans doute qu’il y a lieu de renvoyer le vote définitif de la loi à lundi.

M. Verdussen. - On a déclaré l’urgence dans des circonstances moins pressantes que celles où nous nous trouvons. On pourrait fixer le vote à demain, et la loi pourrait être soumise au sénat lundi. Le sénat n’aura pas trop de temps pour examiner cette loi s’il veut le faire avec autant de soin que nous.

- Plusieurs voix. - Il n’y a pas de sénat.

M. de Brouckere. - il faudrait savoir avant si le sénat est convoqué. Je ne sache pas qu’il le soit pour lundi, ni même mardi. Je crois que la convocation est faite pour le 23.

- Plusieurs voix. - Il faut fixer ce vote à mardi.

- D’autres voix. - Non ! non ! à lundi !

- La chambre consultée renvoie à lundi le vote définitif de la loi des voies et moyens.

Rapport sur une pétition

M. d’Huart, rapporteur. - Messieurs, la commission à laquelle la chambre a renvoyé la pétition des ouvriers de Gand m’a chargé d’en faire le rapport. Je suis prêt : si la chambre veut m’entendre, je le lui soumettrai.

- La chambre décide que le rapport sera entendu.

M. d’Huart, rapporteur. - Messieurs, la commission des pétitions m’a chargé de vous présenter son rapport sur la pétition que vous lui avez renvoyée spécialement dans la séance du 11 de ce mois, et dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture.

La pétition est écrite en flamand ; en voici la traduction littérale :

« A la chambre des représentants du peuple belge.

« Représentants du peuple belge,

« Les ouvriers, formant une partie non méprisable de peuple belge, prennent leur recours vers vous.

« Nous nous sommes tus longtemps, longtemps nous avons espéré et pris patience ; mais les choses aujourd’hui en sont venues trop loin.

« Pendant les trois dernières années qui viennent de s’écouler, nous nous sommes trouvés durant des mois entiers sans travail, on bien nous n’avons eu de l’ouvrage qu’une partie de la journée ; de plus, le salaire d’un grand nombre d’entre nous est considérablement diminué.

« Il en est résulté que nous avons dû vendre ou engager au mont-de-piété, d’abord nos habits de dimanche et nos petits meubles ; ensuite le poêle, le pot, enfin la couverture de laine qui servait à nos femmes et à nos enfants.

« Et maintenant que nous n’avons plus rien à vendre ni à engager, nous sommes sans travail ; oui, représentants, sans ouvrage et par conséquent sans pain, car notre mince salaire journalier est la seule ressource qui nous reste au monde.

« Nous savons bien que quelques grands messieurs qui habitent de belles maisons, qui tiennent table ouverte, et jouissent de tous les plaisirs de la vie, chercheront peut-être à faire repousser le pauvre ouvrier et iront jusqu’à se moquer de sa misère. Mais vous ne les écouterez point, car vous êtes de vrais patriotes et nous avons foi dans votre amour de la justice.

« La source de nos malheurs, nous l’ignorons ; les moyens de nous soulager, nous les ignorons également. Mais ce que nous savons fort bien, c’est que nous ne voyons plus comme auparavant ces chariots pesamment chargés, et ces bâtiments de mer qui transportaient nos produits en pays étrangers et dans les contrées lointaines d’outre-mer.

« Ce que nous savons bien aussi, pour l’avoir souvent entendu raconter par nos compatriotes qui ont été en pays étranger, c’est que ni en France, ni en Angleterre, ni en Prusse, on ne trouve une aune de coton des Flandres, ou autres produits de la Belgique, et qu’on n’y porte que des habillements faits avec des produits indigènes, tandis que nous voyons de nos propres yeux que les boutiques des Flandres sont encombrées d’objets fabriqués en Angleterre, en France, en Suisse.

« Et alors nous nous demandons pourquoi on n’agit pas ici comme en France, en Angleterre et en Prusse, où les fabriques et le commerce prospèrent.

« Pardonnez, représentants du peuple, que nous qui sommes des ouvriers sans instruction, nous vous communiquions nos pensées avec tant de franchise ; et lors même que nous ne serions dans l’erreur sur les moyens de secours que nous indiquons, songez que nous sommes malheureux et écoutez nos plaintes.

« Nous ne demandons que du travail ; vous pouvez nous en procurer, et vous nous en procurerez. Nous devons vivre, il nous faut donc du travail, car nous ne pouvons ni ne voulons mendier : nos sentiments sont trop honnêtes et nos bras laborieux sont trop vigoureux pour cela.

« Aidez-nous donc dans la détresse, et nous, nos femmes et nos enfants prieront. Dieu qu’il daigne vous aider, à votre tour, dans la détresse.

« Gand, le 9 décembre 1833. »

Messieurs, la commission a pensé qu’elle ne devait s’arrêter en aucune manière sur la forme extraordinaire de la pétition ; elle a pensé aussi qu’il importait peu d’examiner jusqu’à quel point les marques, en forme de signatures, apposées sur la pétition, marques qui représentent plus des 9/10 des pétitionnaires et qui ne sont légalisées par personne, peuvent mériter considération.

Elle a cru qu’elle devait rechercher simplement dans la pièce les faits qui y étaient indiqués et des lors elle n’a considéré la requête que comme celle de citoyens qui annoncent se trouver dans le besoin et implorent la sollicitude du gouvernement pour les aider à sortir de cette pénible position.

La commission s’est convaincue que sa mission n’allait pas jusqu’à soumettre à la chambre des conclusions tendant à prendre, dès maintenant, une résolution définitive sur la pétition : le peu de temps que vous lui avez assigné pour faire son examen justifie cette opinion ; et d’ailleurs, comme l’objet se rapporte au commerce et à l’industrie, et que, pour traiter en connaissance de cause les questions difficiles que soulève une semblable matière, il faut nécessairement des notions spéciales que les membres de la commission des pétitions ne se flattent pas de posséder ; il leur a paru sage de proposer, avant tout, à la chambre, les moyens propres à l’éclairer sur ce point.

Du reste, comme il pourrait y avoir des erreurs ou de l’exagération dans l’exposé des pétitionnaires et qu’à cet égard il est indispensable aussi que la chambre ait préalablement une parfaite connaissance des choses, la commission a été d’avis qu’il conviendrait d’inviter le pouvoir exécutif à produire des renseignements positifs qui fussent le résultat d’une enquête de sa part, ou de toute autre investigation qu’il jugera la plus convenable.

Par ces divers motifs, j’ai l’honneur de vous proposer au nom de la commission, le double renvoi de la pétition :

1° A la commission de commerce et d’industrie, pour provoquer son rapport ;

2° A. M. le ministre de l’intérieur, avec demande de renseignements.

M. le président. - Les conclusions de la commission sont : 1° le renvoi à la commission d’industrie pour qu’elle fasse un rapport ; 2° le renvoi à M. le ministre de l’intérieur pour obtenir des explications.

Quelqu’un demande-t-il la parole ?

M. Desmaisières. - Je la demande. Messieurs, si je viens appuyer ici les plaintes d’une industrie qui, par ses développements et par le pain qu’elle procure à des milliers d ouvriers mérite à tous égards une sérieuse attention et une bienveillance toute particulière de votre part, on ne pourra pas du moins m’appliquer certain proverbe trop généralement connu pour que j’ai le besoin de le citer ; car je ne suis ni industriel, ni négociant en produits de manufactures soit indigènes, sort étrangères.

C’est donc sans crainte aucune de reproches personnels que j’aborde la discussion sur la pétition des ouvriers de Gand.

Quatre moyens de secourir l’industrie cotonnière dans la fâcheuse détresse qui la menace ont été indiqués, savoir :

1° Des primes d’exportation à accorder ;

2° Des droits à imposer à l’importation ;

3° De nouveaux débouchés à ouvrir à l’extérieur ;

4° Un meilleur système de répression à employer contre la fraude.

Tout à l’heure je me hasarderai à en indiquer un cinquième, mais je ne m’occuperai d’abord que de ceux que je viens d’énumérer et par lesquels il ne s’agit, au fond, que d’apporter des modifications aux lois et tarifs des douanes. Des discussions approfondies ayant eu lieu à cet égard dans cette enceinte, il y a quelques jours, je n’aurai que peu de mots à y ajouter pour appuyer les réclamations des industries de Gand.

L’un des plus graves reproches que l’on puisse faire au ministère, en ce qui concerne les finances, est sans contredit celui de persister à vouloir rester stationnaire, tandis que tout a marché et que tout marche encore rapidement autour de lui. C’est là cependant un reproche que je crois mérité.

En effet, messieurs lorsque d’honorables membres de l’une ou de l’autre des deux chambres législatives vient apporter dans les discussions des lois financières les nombreuses réclamations de leurs commettants qui se plaignent de ce que l’on a ajouté tant de centimes additionnels aux contributions foncière, personnelle et des patentes, si inégalement réparties entre l’habitant de telle province et celui de telle autre province et, ce qu’il y a de bien pire encore, entre le riche et le pauvre ; quand ces membres demandent qu’au lieu et place de ces centimes additionnels, il soit établi des impôts sur les bois venus de l’étranger et sur les denrées coloniales ; que leur répond le ministère ?

Tout se lie en industrie et en commerce ; un équilibre doit s’établir entre le prix de chaque denrée, et conséquemment entre chaque droit, et c’est risquer de rompre cet équilibre que de traiter isolément quelques points de ce vaste ensemble.

Nous avons donc dû remettre jusqu’au moment où l’on s’occupera exclusivement du système des douanes, la question de savoir à quel taux devaient être tarifées certaines productions étrangères.

Quand il s’agit dans cette chambre des diverses parties de l’impôt connu sous la dénomination de personnel, quand il s’agit des patentes ; lorsqu’on ne cesse de répéter depuis trois ans qu’il y a urgence de modifier ces impôts dont la répartition est on ne peut pas plus injuste, que répond encore le ministère ?

« Jusqu’à ce que les lois nouvelles sur la contribution personnelle et sur les patentes, qui doivent vous être présentées dans le courant de cette session, puissent recevoir leur application, il faudra conserver l’impôt tel qu’il est établi par les lois qui régissent ces matières. »

Et bientôt après, le même ministre qui s’est chargé de faire cette réponse vient avancer dans la séance du 3 de ce mois, que ce sont là des promesses sur lesquelles il ne faut pas trop compter. Car, comme notre génie des finances doit, à ce qu’il paraît, recevoir ses inspirations de celui de la France, on est venu nous dire que : « La loi sur les patentes est l’objet de l’attention du gouvernement français, et je suis le premier à reconnaître que ce qui se fera chez nos voisins pourra être d’une grande utilité pour ce que nous préparons ici, que notre ambassadeur est déjà entré à cet égard en relation avec le ministre de France ; qu’il transmettra au nôtre toutes les observations relatives à la loi des patentes ; que l’attente de ces renseignements n’est pas étrangère au retard qu’éprouve la présentation de la nouvelle loi sur les patentes, et qu’enfin les mêmes choses sont à dire quant au projet sur le personnel. »

Vous voyez donc, messieurs, que pour obtenir les améliorations que tous nous demandons à cet égard, que pour voir faire droit aux griefs des contribuables belges, il faudra attendre qu’il plaise au ministère de Louis-Philippe de travailler à améliorer le sort des contribuables français.

J’en ai dit assez, je crois, pour prouver qu’en fait de finances notre ministère semble avoir pris pour système celui de l’expectative et de l’imitation. J’espère cependant que la pétition des ouvriers de Gand aura servi à le tirer du sommeil vraiment léthargique où il paraît être plongé, et que par conséquent il va, sans plus attendre, s’occuper d’amélioration à introduire dans notre système de douanes.

Ici, c’est encore la France, dit-on, avec laquelle nous sommes sur le point de poser les bases de relations commerciales entre les deux pays, qui est l’obstacle à l’introduction immédiate des améliorations désirées. Mais, je vous le demande, messieurs, la France attend-elle de son côté après la conclusion de ce traité de commerce, pour apporter à son tarif des douanes les changements que l’expérience lui a démontré être nécessaires et urgents ? Non sans doute. Pourquoi donc n’agirions-nous pas de même ?..

La France ne demandera pas mieux d’ailleurs que nous établissions des droits plus élevés à l’entrée de notre pays sur les cotons manufacturés en Angleterre, qui sont prohibés à l’entrée chez elle. C’est même la facilité accordée jusqu’ici aux marchandises anglaises de se porter sur nos marchés qui a été un des plus grands obstacles à ce que la France, qui craignait l’infiltration de ce marchandises chez elle, consentît à un traité de commerce avec nous. Loin donc que les droits demandés par les industriels de Gand puissent nuire à nos relations de commerce avec la France, ils seront un acheminement de plus vers un traité établi sur une juste réciprocité.

Quant à ce qui est des principes émis par M. le ministre des finances, qu’un équilibre doit s’établir entre les prix des diverses denrées, et qu’il faut se garder de rompre cet équilibre, je suis loin d’en contester toute la justesse. Mais pour qu’il y ait risque de rompre l’équilibre, il fait d’abord qu’il y ait équilibre, et c’est là un fait que je conteste. Il me suffira, pour prouver que ce fait n’existe pas, de vous rappeler que le système de douanes qui nous régit est encore celui qui nous régissait lors de notre union avec la Hollande ; et en effet, messieurs, l’équilibre établi alors a dû être fortement rompu par le fait seul de la séparation des deux pays, dont on n’a jamais mis en doute la divergence des intérêts commerciaux.

L’équilibre qui doit s’établir n’existant pas, il devient urgent de chercher à l’établir, et on ne peut y parvenir que par des améliorations successives, que demandera l’intérêt bien entendu du pays. Aujourd’hui, par exemple, l’industrie cotonnière sollicite des primes d’exportation sur les cotons fabriqués et un droit élevé à l’importation des fabricats étrangers. Eh bien, messieurs, si cette demande est reconnue fondée, si elle est conçue dans l’intérêt bien entendu du pays, si enfin vous pouvez donner par là du pain aux milliers d’ouvriers qui vous en demandent, n’y a-t-il pas nécessité absolue de satisfaire à ces sollicitations, dès à présent et sans attendre plus longtemps, après une révision générale de nos lois sur les douanes, révision que l’on recule sans cesse, et tellement qu’on semble vouloir la renvoyer aux calendes grecques ?

La réponse affirmative ne peut certainement faire le moindre doute.

C’est avant tout, messieurs, pour protéger le commerce et l’industrie que l’on a créé des douanes. Toutes les fois donc que par des modifications aux lois existantes sur les douanes on peut protéger efficacement l’industrie et le commerce, il ne faut pas balancer à opérer de suite ces modifications. Mais je l’avoue, pour qu’elles soient faites de manière à porter fruit, il faut que le commerce et l’industrie aient été préalablement et consciencieusement consultés.

Plusieurs écrivains qui s’occupent d’économie politique et commerciale ont à cet égard émis récemment un vœu que je partage entièrement ; j’entends parler de la création d’un conseil général électif de commerce, d’industrie et d’agriculture, qui tiendrait des sessions dans l’intervalle de la législature, et qui élirait dans son sein un comité consultatif et permanent auprès du ministère de l’intérieur. Ce serait alors, messieurs, que les commissions permanentes dont l’article 56 de notre règlement ordonne sagement la formation à chaque session des chambres, pourraient être mises à même d’atteindre le but que par leur création la législature s’est proposée.

Les nombreux abus auxquels a donné lieu, dans le temps, la distribution d’un fonds de secours destiné à l’industrie et généralement connu sous le nom de million-merlin, ont tellement discrédité ce mode de secours que, j’en suis persuadé, les pétitionnaires n’ont pas osé en parler ; mais il est, ce me semble, un autre mode qui, malgré qu’il se rapproche beaucoup, est loin d’être identique avec lui. Il est de toute notoriété publique aujourd’hui, messieurs, que ce qui paralyse souvent tous les efforts et le progrès des industriels, c’est la manie d’agiotage qui s’est emparée des spéculateurs en marchandises, comme des spéculateurs en fonds publics. C’est même là peut-être une des principales causes de la grande gêne qu’éprouve en ce montent l’industrie cotonnière. Or, messieurs, je ne connais, moi, qu’un seul moyen d’obvier à ce grave obstacle apporté à la prospérité de l’industrie. Ce serait de mettre par le budget des fonds à la disposition du ministre de l’intérieur, qui pourrait alors, le comité permanent dont je viens de parler préalablement entendu, opérer des achats et ventes, soit de matières premières, soit d’objets fabriqués, lorsque, par des baisses ou des hausses factices et subites, telle ou telle industrie viendrait à être menacée d’un grand état de souffrance.

Je dois le dire, c’est là peut-être un moyen difficile à mettre en pratique ; aussi n’est-ce qu’une idée que je livre à vos méditations et à celles de MM. les ministres, et qui, je le reconnais, devra être bien pesée et bien examinée sous toutes les faces avant que de pouvoir penser à la convertir en loi.

Jusqu’ici, messieurs, j’ai raisonné dans l’hypothèse où les plaintes des industriels et des ouvriers de Gand seraient réellement fondées, et je vous avoue que dans ma conviction elle le sont. Comment penser, en effet, que des plaintes portées jusques à nous par 12,000 ouvriers ne soient nullement fondées ? Mais, je le sais, un corps législatif ne doit pas agir, ne doit pas faire droit à des plaintes, quelque nombreux que soient les plaignants, avant de s’être bien assuré s’il y a réellement sujet d’élever ces plaintes. Aussi je pense que les conclusions de la commission des pétitions doivent être adoptées.

M. A. Rodenbach. - Je n’ai réclamé la parole que pour demander à M. le ministre de la justice s’il est vrai que des colporteurs de pétitions, des contremaîtres aient battu des ouvriers pour les forcer à signer la requête. Je demanderai aussi si la justice poursuit ces contremaîtres assommeurs.

Quoi qu’il en soit, j’appuie les conclusions de la commission des pétitions.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Il y a quelque chose d’exact dans les renseignements qui ont suggéré à l’honorable préopinant l’interpellation qu’il m’a fait l’honneur de m’adresser ; cependant les faits parvenus à ma connaissance n’ont pas toute la gravité qu’il semble leur assigner. Il est arrivé au ministère de la justice un rapport officiel, annonçant qu’un contremaître était traduit en police correctionnel pour avoir exercer des mauvais traitements sur deux ouvriers qui auraient refusé d’apposer leur signature sur une pétition de la nature de celle qui vous est soumise.

M. Van Hoobrouck. - Messieurs, douze mille ouvriers fileurs, de Gand, s’adressent à vous pour réclamer de votre sollicitude des mesures propres à détourner la misère dont ils se croient menacés. Je ne rechercherai pas, messieurs, si cette manifestation de la classe ouvrière a un but ou une origine politique, ou si elle a cédé à une influence quelconque. J’examinerai des faits que nous avons tous pu apprécier ; il me répugne d’ailleurs de croire que des chefs d’ateliers dont les talents et la prodigieuse industrie ont tant contribué à la prospérité de cette ville, qui s’enorgueillissait, à juste titre, d’être appelée le Manchester de la Belgique, aient pu tout à coup s’oublier jusqu’à descendre à d’aussi basses intrigues, sans autre but que de susciter quelques embarras à un gouvernement qui les a constamment entourés de sa protection.

Ils n’ignorent pas, messieurs, qu’en parodiant un mouvement qui alors était partagé par toute la nation, parce que toute la nation était froissée dans ses intérêts les plus chers, ils ne réussiraient qu’à se couvrir de ridicule, et qu’ils seraient peut-être les premières victimes d’une effervescence qu’ils auraient imprudemment provoquée.

Ce n’est pas la peur, messieurs, qui me dicte mes paroles ; je saurai résister à toutes les exigences populaires, sous quelques formes qu’elles paraissent, chaque fois qu’elles ne seront pas suffisamment justifiées. Mais si je partage l’opinion du ministre de l’intérieur sur les bonnes dispositions des populations manufacturières en faveur du gouvernement sorti de la révolution, je ne saurais croire que ce serait là un motif pour jeter du discrédit sur leurs réclamations. Il y aurait de l’imprudence à compter sur un enthousiasme, encore si passager de sa nature et qui d’ailleurs se réduit à des proportions si minces alors qu’il se trouve placé en présence de la faim et de la misère.

L’état de gêne que les manufactures éprouvent dans ce moment, n’est malheureusement que trop réel ; mais ce serait étrangement s’abuser sur les causes qui ont amené cette crise, que de les rechercher dans notre séparation d’avec la Hollande ou dans la perte des colonies javanaises. Ce revirement industriel est dû à des motifs tout à fait en dehors de l’action de la politique, et qui ont exercé leur influence non seulement sur l’industrie cotonnière de la Belgique, mais encore sur celle de la France et de l’Angleterre.

Des maisons de Londres avaient fait une forte opération sur le coton brut, et déterminé ainsi une forte hausse sur la matière première nécessaire à nos fabriques. La perturbation industrielle, qui est toujours la suite de toute commotion politique, avait apporté quelques difficulté dans l’écoulement des fabricats. La prévision que cette hausse, n’étant due qu’à des causes accidentelles, devait nécessairement subir une réaction dans un temps déterminé, avait ralenti la fabrication.

D’un autre côté, l’imprudente publicité donnée à cet état de choses, par les fabricants eux-mêmes, a éveillé l’attention du commerce qui a cessé à l’instant ses commandes, et a ajouté ainsi une clause nouvelle à l’état fâcheux de nos manufactures. Cette crise devait néanmoins réagir davantage sur l’industrie belge, parce que si les chefs de nos ateliers possèdent autant de connaissances, s’ils ont autant de zèle et d’industrie que leurs rivaux d’outre-mer, ils ont sur eux un désavantage réel par le manque de capitaux suffisants pour braver ces fluctuations auxquelles leur industrie est sujette.

Toutefois, vous le voyez, messieurs, cette crise est purement commerciale ; elle n’est d’ailleurs pas nouvelle dans les annales de l’industrie gantoise. Elle s’était déjà fait sentir sous des formes peut-être plus inquiétantes dans les hivers de 1824 et 1825. Et mes honorables compatriotes se rappelleront encore la douloureuse inquiétude qu’exerçait dans cette grande et belle ville de Gand l’attitude de la population manufacturière lancée dans la société sans moyens d’existence.

Alors, comme aujourd’hui, on cherchait les causes de cette gêne là où elles ne pouvaient se rencontrer. C’était la dissolution de l’empire français qui, en privant la Belgique d’un débouché assuré, tarissait cette source de richesse nationale, et rendait à jamais inutiles ces précieuses découvertes qu’un industriel gantois avait ravies à l’Angleterre au péril de ses jours.

C’était la réunion de la Belgique à la Hollande, et le système du gouvernement à sacrifier la première son orgueilleuse rivale. Et l’antipathie contre la domination néerlandaise était alors bien autrement prononcée que l’éloignement qu’on suppose peut-être à tort aujourd’hui à l’industrie manufacturière contre la révolution de septembre.

Le cabinet de La Haye comprit à merveille que, si les causes de cette gêne échappaient à son action, il était de la dernière imprudence de ne pas accorder à l’industrie toutes les satisfactions qu’elle réclamait, quelque incomplètes qu’elles fussent, persuadé qu’il était de la nécessité d’appliquer un remède moral à un mal qui avait ses principales racines dans des préjugés.

Une société de commerce fut créée pour l’exportation des fabricats indigènes, et une prime de 25 p. c. fut accordée dans les îles aux produits de la mère-patrie. Mais ces mesures n’auraient été que des palliatifs d’un jour si les fabricants n’avaient compris que c’était en eux-mêmes qu’ils devaient chercher le remède au mal qui se faisait sentir.

Encouragés par l’apparente protection du gouvernement, ils doublèrent de soins et d’industrie, mirent plus d’économie dans leurs procédés et cherchèrent à approprier davantage leurs produits au goût et au caprice des consommateurs ; et l’industrie cotonnière prit un tel développement, et sa prospérité prit un essor tellement disproportionné, qu’elle devint un objet de sérieuses inquiétudes pour le gouvernement.

Je tiens, messieurs, de la bouche même du magistrat distingué qui, à cette époque, gouvernait la Flandre orientale, qu’il ne pouvait voir, sans trembler, s’élever une nouvelle manufacture, parce qu’elle lui rappelait ces moments de crise qui affectent périodiquement toute industrie qui s’exerce sur des matières exotiques, crises qui ne peuvent jamais échapper aux calculs des chances et aux prévisions d’un homme d’Etat.

Ces craintes ne tardèrent pas à se réaliser ; des 1830, l’industrie gantoise éprouva un état de gêne dont elle n’avait pas encore connu d’exemple. Ce n’est que la fermentation qui avait gagné toute la Belgique, qui, dans la crainte d’aggraver ce mal, fit faire au gouvernement les immenses sacrifices qui seuls purent détourner une catastrophe inévitable.

Et cependant, à cette époque, la Belgique n’était pas séparée de la Hollande, et la mère-patrie continuait à épuiser ses trésors pour la conservation de Batavia. Ce n’est donc pas là, messieurs, que se trouvent les causes de cette perturbation momentanée. Dès lors nous pouvons concevoir les plus consolantes espérances sur l’avenir de cette intéressante branche d’industrie belge. Pour moi, messieurs, je connais assez mes compatriotes pour avoir l’intime conviction qu’ils trouveront dans leurs talents, et dans le génie créateur qui les distingue si éminemment, des ressources pour lutter avec avantage contre leurs rivaux.

Ce n’est donc que des débouchés que cette industrie peut réclamer ; et je ne crois pas qu’aucun peuple de l’Europe soit, à cet égard, placé plus avantageusement que la Belgique. Sans engagements politiques ou coloniaux, elle peut offrir en échange des produits de son industrie des placements avantageux aux productions d’un autre hémisphère et trouver dans ces transactions mutuelles des sources inépuisables de richesses.

Que notre diplomatie, qui comme toutes les diplomaties, se trouve en arrêt devant le caprice des événements qui semblent se jouer depuis quelque temps de toutes les prévisions humaines, profite de cette vacature pour procurer aux peuples, par des relations de commerce, des avantages plus positifs que les plus savantes combinaisons équilibriennes.

J’appuie les conclusions de l’honorable rapporteur ; je l’appuie avec d’autant plus de confiance, que je puis rendre ce témoignage à M. le ministre de l'intérieur, que jamais une industrie souffrante ne s’est adressée à lui sans éprouver aussitôt l’effet de sa protection toute spéciale. Je saisis avec empressement cette occasion de pouvoir lui exprimer la vive reconnaissance de cette malheureuse contrée, sur laquelle tant de calamités sont venues fondre, et qui a trouvé dans sa sollicitude quelques adoucissements à des infortunes pour lesquelles la Belgique entière avait montré, dans d’autres temps, une si touchante sympathie.

M. Lardinois. - Messieurs, si le droit de pétition n’existait pas dans notre pacte fondamental, il faudrait le créer par une loi, car il est la conséquence nécessaire de toute gouvernement représentatif. C’est par ce moyen que les citoyens peuvent communiquer avec les chambres et que celles-ci peuvent être informées des abus du pouvoir, des attentats aux droits civiques, des besoins sociaux, enfin de tout ce qui embrasse les intérêts privés et les intérêts généraux.

Mais pour que l’exercice de ce droit sacré soit respectable, il est indispensable qu’une pétition renferme l’expression libre et spontanée des vœux de celui ou de ceux qui s’adressent aux chambres ; autrement c’est un acte qui ne mérite pas de fixer l’attention de la législature.

Je me demande, messieurs, si la pétition des ouvriers de Gand a le caractère de liberté, de bonne foi, d’authenticité qu’une pièce de cette nature doit présenter ?

Si je m’arrête au sens de cette pétition, je me dis qu’elle n’est pas l’œuvre de nos ouvriers ; ce n’est pas là leur langage, c’est celui d’un parti qui depuis trois ans a été en conspiration flagrante avec notre révolution.

Rappelez vos souvenirs, messieurs ; n’est-ce pas à Gand que notre émancipation politique a rencontré la plus forte résistance ? N’est-ce pas à Gand que le traître Grégoire comptait opérer une contre-révolution ? N’est-ce pas de Gand que sont partis pour Londres ces hommes criminels qui, dans leur délire, croyaient, au moyen de l’étranger, nous ramener sous le joug des Nassau et river de nouveau les fers que nous avons brisés ? N’est-ce pas enfin à Gand qu’est le foyer des libellistes qui répandent quotidiennement le mensonge et la calomnie contre les patriotes et l’ordre de chose actuel ?

Nous ennemis, furieux d’avoir échoué dans toutes les combinaisons liberticides, ont changé de plan ; ils veulent exciter les masses. Ne pouvant rien par l’étranger, ils agissent dans l’ombre, et je crains qu’ils ne cherchent à livrer le pays, s’il était possible à une multitude égarée.

C’est contre de pareilles tentatives que je m’élève et que j’appelle l’attention du gouvernement. L’exemple d’ouvriers excités à pétitionner peut devenir funeste et compromettre l’industrie et la tranquillité des villes manufacturières.

On ne m’accusera jamais de chercher à étouffer les plaintes des malheureux ouvriers ; j’ai toujours vécu au milieu d’eux ; je connais leurs besoins, leur souffrance, leur noble résignation, et j’appuie de tous mes vœux les lois et les mesures qui peuvent améliorer leur sort ; mais qu’ils sachent que cette amélioration ne peut arriver que progressivement, et qu’ils repoussent les excitations aux désordres dont ils sont toujours les premières victimes.

Puisque je suis à parler de Gand, je toucherai un mot de l’industrie cotonnière ; mais auparavant qu’il me soit permis de rappeler que dans maintes circonstances j’ai fait entendre ma voix, à cette tribune, en faveur des intérêts matériels alors qu’on s’occupait trop exclusivement des intérêts moraux. Loin de moi donc l’idée de décliner jamais les besoins réels des manufactures : industriel par position et par goût, j’ai encore la conviction que les travaux de l’industrie et du commerce méritent la supériorité sur ceux de l’agriculture, et que c’est par le commerce et l’industrie, qui fécondent la richesse publique, qu’un Etat établit le plus solidement sa puissance.

Les fabricants de Gand et des villes voisines ont fait gémir la presse de leurs doléances et de leurs réclamations. Chaque jour les journaux annoncent la cessation du travail dans telles ou telles fabriques ; on dirait enfin que l’industrie cotonnière va périr.

Il y a en vérité quelque chose de pénible et de honteux dans toutes ces clameurs. On les faisait aussi entendre dans le commencement de notre réunion à la Hollande ; et ce moyen réussit assez bien. Mais si on pensait atteindre encore aujourd’hui le même but, on se tromperait étrangement. La raison publique a fait trop de progrès pour créer un nouveau million Merlin, sur lequel certains privilégiés se jetaient comme des vautours sur leur proie.

Ah ! je conçois les regrets qu’ils donnent au gouvernement déchu ! Ces privilégiés vivaient d’abus, ils puisaient leurs capitaux dans les coffres de l’Etat, ils obtenaient des droits très élevés à l’entrée des cotons fabriqués à l’étranger ; et, bien plus encore, ils n’avaient pas l’inquiétude de chercher la vente de leurs produits, car ils avaient pour facteur la Maetsckappye.

L’industrie cotonnière a perdu par la révolution une partie de ces avantages ; mais est-ce à dire qu’elle se trouve sans ressources ? Il lui reste les gros droits protecteurs, et le gouvernement n’est pas trop sévère pour le remboursement des capitaux avancés. Les fabricants seront, à la vérité, forcés de sortir de leurs maisons pour trouver le placement de leurs marchandises ; mais croyez-le bien, messieurs, la nécessité est un fameux correctif de l’apathie : c’est aussi un grand maître en industrie ; elle stimule et développe l’intelligence du producteur, l’oblige aux progrès, à l’ordre, à l’économie, et l’industriel finit par voir ses travaux triompher des obstacles et couronnés de nombreux succès.

L’avenir ne se présente pas aussi sombre pour le commerce qu’on se plaît à le proclamer. Les affaires et le travail n’ont pas manqué en 1832 et 1833, et les manufactures de tous genres ont été en pleine activité pendant ces deux années. A Gand surtout, la disette de bras s’est fait sentir, et je connais tels fabricants qui ont préféré payer de fortes indemnités, tant les demandes étaient abondantes que de livrer les quantités de marchandises pour lesquelles ils avaient contracté…

Aujourd’hui il y a stagnation dans l’industrie cotonnière : la même chose se fait remarquer pour la draperie ; c’est un malheur commun à différentes industries, et déplorable sans doute. Il ne faut pas cependant vouloir dissimuler les causes de cette stagnation, elles sont apparentes pour tout le monde. La principale est la hausse qui a frappé subitement les matières premières. Le fabricant s’est ainsi trouvé tout à coup paralysé dans ses moyens, parce qu’il lui fallait plus de capitaux pour faire les mêmes affaires, et que, d’un autre côté, les produits manufacturés ne pouvant se vendre avec une augmentation de prix proportionnelle, force a été aux industriels de ralentir leur production jusqu’à ce que l’équilibre fût rétabli, et qu’ils pussent travailler sans être menaces d’une perte certaine à la vente des produits de leur fabrication.

Je pourrais vous faire une longue énumération des autres causes du malaise momentané des manufactures ; mais ce serait fatiguer votre attention, et vouloir vous apprendre ce que vous n’ignorez pas.

Il y a beaucoup d’analogie entre les industries de Gand et de Verviers ; chacune d’elles fait venir de l’étranger les matières premières et après les avoir converties en étoffes, on est encore obligé de chercher des consommateurs à l’étranger. Il est cependant à remarquer que les fabricants de Verviers et de Gand agissent et voient les choses différemment : Ceux-ci réclament des droits élevés, des prohibitions, et notamment une prime de 20 p. c. à l’exportation. Ceux-là, au contraire, demandent une liberté de commerce bien entendue, des traités de commerce qui ouvrent des débouchés à toutes les industries, qui facilitent, en un mot, tous les moyens d’échange. Quant aux primes, c’est un moyen de spoliation et de fraude, que réprouvent l’expérience et la saine économie politique.

Je pense, messieurs, que toutes les mesures factices, artificielles, de protection commerciale doivent être abandonnées parce qu’en définitive leur résultat est destructif de la richesse nationale. Poussons, à chaque occasion, le gouvernement à lier de nouveaux rapports de commerce avec les pays étrangers. Aujourd’hui nos démarches tendent vers la France : si cette nation continue à repousser nos produits, parce qu’elle est sous l’influence des privilégiés qui empêchent de faire droit aux réclamations des consommateurs français ; si, dis-je, la France ne modifie pas en notre faveur son monstrueux tarif de douanes, ne balançons pas un instant, tournons nos regards vers l’Allemagne. Nous sommes 4 millions de consommateurs, et le gouvernement prussien est trop sage et trop éclairé pour refuser de nous admettre dans la confédération commerciale.

D’après toutes ces considérations, je ne puis désespérer de l’industrie cotonnière ; je me flatte au contraire, que les fabricants de Gand sauront l’élever au premier rang ; mais, pour cela, il faut des efforts et même des sacrifices. Je désire aussi que tous les Belges se réunissent dans un même esprit ; et il serait bien imprudent et bien coupable, aux chefs d’ateliers, de détourner les ouvriers de leurs occupations paisibles, pour les lancer dans les tumultes politiques et enfanter l’anarchie. Si un projet aussi criminel se réalisait, je proposerais de rapporter immédiatement la loi de vendémiaire an IV, afin qu’on n’en fît pas une spéculation. Nous savons malheureusement qu’il existe des individus assez déhontés pour faire un abus scandaleux de cette loi et qui, après avoir été pillés, cherchent, à leur tour, à piller les villes et communes où ces excès se sont commis, en exerçant contre elles des réclamations et des prétentions exagérées.

J’adopte les conclusions de la commission des pétitions, et j’appuie principalement sur la nécessité d’une enquête.

M. Eloy de Burdinne. - Et moi aussi, messieurs, j’appuie la pétition des ouvriers de Gand, tendante à provoquer des mesures de la part du gouvernement, à l’effet de venir à leur secours. Dans le cas où leur position soit telle qu’on nous la dépeint, je prie M. le ministre de vouloir aviser le plus tôt possible aux moyens qu’il croira convenables, à l’effet de faire cesser l’état de détresse où paraît se trouver l’industrie cotonnière de Gand, sans cependant rétablir le million d’industrie.

Conséquent dans mes principes, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire il y a deux jours, les diverses branches d’industrie d’un Etat méritent la protection des gouvernements.

Dans la position où se trouve l’industrie cotonnière, des mesures doivent être prises promptement ; en tardant, presque toujours on manque le but qu’on doit atteindre. S’il en est ainsi pour l’industrie manufacturière, il en doit être de même pour les autres branches, et entre autres, de l’industrie agricole, en faveur de laquelle j’ai déjà réclamé des mesures.

M. le ministre de l'intérieur étant ici présent, je le prie de bien vouloir me dire s’il a l’intention de proposer une loi sur les céréales, en rapport avec les lois française et anglaise, relativement au tarif des droits à imposer les céréales étrangères, en rapport au prix courant de ce denrées sur nos marchés.

Si toutefois M. le ministre est d’intention de nous proposer une loi de l’espèce, et le plus tôt possible, pour lors j’attendrai ; sinon j’aurai l’honneur de soumettre une proposition à la chambre, pour qu’elle veuille prendre l’initiative, aux termes de la constitution.

La réponse de M. le ministre réglera ma conduite sur cet objet.

M. de Muelenaere. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

La commission à laquelle vous avez renvoyé la pétition, vient de vous déclarer qu’elle ne pouvait vous proposer aucun moyen de porter remède au mal dont se plaignent les ouvriers de Gand ; en conséquence, elle a conclu au double renvoi de la pétition à la commission du commerce et de l’industrie pour qu’elle fasse un rapport motivé, et au ministre de l’intérieur avec demande de renseignements sur les véritables causes du malaise des ouvriers. Ces conclusions me paraissent si sages, si raisonnables, que je ne pense pas qu’on veuille s’y opposer. Aussi tous les orateurs ont appuyés les conclusions qui vous sont soumises.

Ce n’est que lorsque vous aurez un rapport motivé, et en même temps les renseignements du ministre de l’intérieur, que vous pourrez exprimer une opinion raisonnée sur la pétition qui vous est présentée ; jusque-là, il est prudent pour la chambre de s’abstenir ; il faut simplement adopter les conclusions de la commission des pétitions, sauf à discuter ensuite les conclusions de la commission d’industrie. (Appuyé ! appuyé !)

M. de Brouckere. - J’allais faire la même motion. Je demanderai seulement que la commission d’industrie soit invitée à s’occuper promptement de la pétition que nous lui renvoyons. Si on voulait prolonger trop longtemps l’enquête, on laisserait épuiser le mal ; si, comme des députés nous l’assurent, il y a stagnation dans les fabriques, les ouvriers doivent souffrir.

C’est à la veille de l’hiver que les ouvriers déposent leurs plaintes dans votre sein ; je crois que leurs réclamations doivent être accueillies avec bienveillance par la chambre.

M. Gendebien. - Ce que dit l’orateur me dispense de longs développements. Je demanderai que la commission d’industrie et que le gouvernement fassent la plus grande diligence. Il ne serait peut-être pas déplacé de fixer un terme pour que la commission d’industrie fît son rapport. Je sais bien que nous n’avons pas de loi à imposer au gouvernement, que c’est à lui à savoir quand il doit expédier les affaires ; mais je voudrais que dans 8 jours la commission d’industrie fît son rapport : si elle n’était pas prête à ce terme, elle prouverait du moins qu'elle a fait des efforts pour préparer son travail.

M. Pirson. - Je n’ai pas à parler contre les conclusions de notre commission des pétitions, je les appuie autant que possible ; mais il me semble que, pour éviter qu’il nous arrive désormais des pétitions de la même espèce d’autres côtés, il faudrait un peu généraliser l’enquête que la commission d’industrie sera chargée de faire sur la situation des ouvriers dans le royaume. Il y a des ouvriers autre part qu’à Gand. Que les ouvriers de toutes nos provinces sachent que le gouvernement s’occupe de cette classe utile qui procure des jouissances aux riches. Il est inutile de faire une proposition à cet égard. Le gouvernement en comprend l’importance.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, sans aucun doute le gouvernement s’empressera de réunir tous les renseignements propres à l’éclairer lui-même et à éclairer la chambre. J’ai déjà eu l’honneur de vous le dire dans une séance précédente : avant que les réclamations des fabricants de Gand fussent parvenues au ministère, j’avais cru devoir consulter et les autorités administratives et les chambres de commerce sur les causes du malaise dont on se plaignait ; je demandais en même temps les moyens d’y porter remède.

La lettre par laquelle les fabricants de la ville de Gand firent connaître au public leur état de détresse, parut dans un journal de Gand le 3 novembre ; dès le 6 du même mois je me mis en mesure de recueillir des renseignements exacts sur la réalité du malaise, sur ses causes et sur les remèdes possibles. Je consultai également la commission supérieure d’industrie et de commerce ; et ce ne fut que le 28 novembre que le gouvernement fut régulièrement saisi des plaintes des fabricants.

Je ne fais ces observations que pour montrer que s’il y avait malaise, le gouvernement n’en était pas prévenu. Cette nouvelle a éclaté tout d’un coup ; elle a, je le dirai, surpris le gouvernement. Au moins n’est-il pas à ma connaissance que les industriels de Gand, fabricants des tissus de coton, qui dans le principe avaient fait entendre des plaintes, m’aient signalé, depuis mon entrée au ministère, le malaise profond dont ils se plaignent aujourd’hui.

Il résulte de plusieurs rapports, et notamment de celui de la chambre de commerce de Courtray, que pendant tout l’été les affaires allaient fort bien ; la crise ne s’est donc fait sentir qu’au commencement de l’hiver.

Les causes de ce malaise résident, d’après les réclamations des industriels de Gand :

1° Dans la séparation de la Belgique d’avec la Hollande ;

2° Dans la perte des colonies de Java ;

3° Dans l’introduction ruineuse des produits étrangers en Belgique.

Les remèdes proposés par les mêmes industriels consistent dans un système de douanes très sévère contre les fraudeurs, et en second lieu, en des primes pour la sortie.

Les fabricants ne reconnaissent pour le moment que ces seuls moyens capables de faire cesser le malaise qui, selon eux, les tourmente.

La commission supérieure d’industrie avait pense que l’érection d’une société de commerce pourrait aider aux débouchés des produits de coton, et cela au moyen d’un capital dont le gouvernement garantirait l’intérêt. Mais les fabricants de Gand prétendent qu’il leur faut un remède immédiat ; que si on ne leur fournit pas les moyens de lutter, au-dehors comme au-dedans, contre la concurrence étrangère, force leur sera, disent-ils, « de déplacer leurs capitaux, et de chercher ailleurs un ciel plus heureux et une fortune meilleure. »

La chambre de commerce de la même ville, en assignant des causes semblables au malaise, propose aussi les mêmes remèdes, auxquels cependant elle en ajoute un troisième : ce serait que le gouvernement fît des achats et parvînt, de cette manière, à procurer l’intérieur un débouché qui manque aux produits accumulés dans les magasins des fabricants. Ce moyen a été employé à diverses époques, preuve que le malaise dont on se plaint n’est pas particulier à l’époque actuelle. Il a été employé en 1810, c’est-à-dire quand la Belgique avait l’immense débouché de l’empire français ; en 1817 par la province, et à la fin de 1830 par la ville.

On se rappellera que dans cette même année 1830 et antérieurement à la révolution, les industriels de Gand se trouvaient aussi encombrés de marchandises fabriquées, et qu’ils s’adressèrent au gouvernement des Pays-Bas pour qu’il les tirât d’embarras.

Outre ces causes générales, une cause particulière a été signalée par la ville de Courtray.

Je crois utile de communiquer à la chambre ces premiers renseignements sur lesquels j’attire l’attention et la méditation de tous ses membres, demandant en retour le tribut de leurs lumières.

A Courtray, les fabricants se plaignent d’un impôt qui les empêche de lutter avec avantage contre les fabricants de Gand.

Il paraît que la houille est imposée par la commune à un taux tel que les frais de fabrication sont plus considérables à Courtray qu’à Gand. Cet inconvénient, le gouvernement tâchera de le faire promptement disparaître ; aussi souvent que les remèdes seront praticables, le gouvernement s’empressera d’y avoir recours.

J’ai fait connaître les seules causes assignées au malaise par les fabricants de Gand ; la commission supérieure d’industrie et de commerce en a désigné d’autres : elle a trouvé les causes du mal dans le renchérissement du prix de la main-d’œuvre dès 1832. Il paraît que grand nombre d’ouvriers ont, dans différentes branches d’industrie, gagné plus d’argent à cette époque qu’à d’autres, et que la main-d’œuvre en est augmentée.

Elle a trouvé une autre cause dans la hausse très considérable de la valeur de la matière première ; enfin, messieurs, dans le défaut de capitaux chez les fabricants, défaut qui ne leur permet pas d’attendre pendant un assez long temps les rentrées des produits qu’ils expédient à l’extérieur. Mais la commission pense que le malaise résultant de la valeur très élevée des matières premières n’est pas de nature à continuer ; et l’une des raisons qu’elle apporte à l’appui de cette assertion est tirée de la récolte de coton qui a été très abondante cette année.

J’ai dit qu’elle proposait comme remède l’établissement d’une société de commerce, et que ce moyen était repoussé par les industriels de Gand, comme n’étant pas de nature à apporter un remède assez prompt.

A toutes ces causes, je crois qu’on pourrait en ajouter une autre. Il est certain que, par le cri de détresse jeté tout à coup dans le pays, les fabricants ont nui gravement à leurs propres intérêts. Il m’est revenu de plusieurs endroits que beaucoup de marchands, comptant forcer les fabricants à céder leurs marchandises à très bas prix, avaient prescrit à leurs correspondants de ne rien acheter actuellement. Ces marchands fondent leur espoir d’un meilleur marché sur la crise même qu’ont révélée les fabricants de Gand.

J’ai désigné impartialement les causes générales du malaise dont on se plaint. Je ne dois pas laisser ignorer à l’assemblée que d’autres réclamations, en sens contraire, sont parvenues au gouvernement ; qu’un assez grand nombre de négociants de la ville de Bruxelles nient les faits avancés par les industriels de Gand ; sous le rapport de la fraude, par exemple, ils prétendent qu’il s’en faut de beaucoup que les cotons étrangers introduits en Belgique le soient tous frauduleusement ; et ils offrent de prouver que les cotons vendus par eux ont acquitté les droits.

Quant à la pétition qui nous occupe, le gouvernement en fera l’objet d’un sérieux examen : les classes ouvrières seront toujours certaines de trouver auprès de lui, autant qu’il le pourra, appui et protection ; mais on voudra bien surtout ne pas lui attribuer un état de détresse dont il n’en est aucune manière l’auteur. Ce qu’il aura à faire, ce sera de rechercher sagement, mûrement, aidé surtout par les lumières et le concours de la chambre, des moyens efficaces, s’il en existe, pour porter remède au mal dont on se plaint.

Je dois encore faire observer que les termes de la pétition me paraissent empreints d’exagération. Je ne suis point du nombre de ceux qui sont insensibles aux souffrances du peuple, ou que l’état de leur fortune empêcherait de sympathiser avec lui : l’allusion peut-être inconvenante de la pétition ne pourra donc m’atteindre ; mais j’ai la certitude que ni la misère, ni la faim ne dévorent, à l’heure actuelle, la classe ouvrière de Gand. Des renseignements pris sur les lieux appuient à cet égard mes paroles.

Il existe à Gand une institution que je ne saurais trop recommander à l’attention des villes ouvrières ; une institution semblable existe aussi à Anvers ; c’est un atelier de charité où tout habitant peut aller chaque jour chercher de l’ouvrage, et est sûr de trouver de la nourriture et même un modique salaire. Après avoir pris connaissance de la pétition, j’aurais pu croire que la population de cet atelier était grandement accrue depuis deux mois : les renseignements que j’ai obtenus m’ont fait voir que cette année la population y est inférieure à celle de la même époque de l’année dernière.

Chaque année, vous le savez tous, à l’approche de l’hiver, ces sortes d’établissements sont toujours plus peuplés que dans les mois d’été et d’automne. En 1830 la population de cet atelier était à Gand, dans l’hiver, de 1,400 ; aujourd’hui elle n’est que de 570. En 1829 elle était à la même époque supérieure à ce qu’elle est actuellement ; en 1829, cependant, l’industrie de Gand était prospère.

Je cite cette circonstance non pas pour affirmer que les ouvriers sont aujourd’hui dans la position où ils étaient dans les mois d’été : alors ils gagnaient 22 fr. par semaine ; peut-être maintenant n’en gagnent-ils que 16.

Mais je cite cette circonstance pour prémunir la chambre contre les effets de tableaux trop rembrunis. Il faut se garder d’habituer les ouvriers à cet esprit d’imprévoyance auquel ils s’abandonnent trop volontiers ; il ne faut pas qu’ils pensent qu’au moindre symptôme du mal, le gouvernement et les chambres sont là pour venir immédiatement à leur secours. Ni le gouvernement ni la chambre n’ont toujours la puissance de faire face à toutes les crises qui peuvent se présenter dans le commerce et dans l’industrie..

Je le répète, la pétition sera l’objet d’un examen sérieux de la part du gouvernement. D’ici à huit jours je serai à même si on le désire, de fournir, soit à votre commission d’industrie, soit à la chambre, les explications qui seraient jugées nécessaires.

- La chambre ferme la discussion,

Les conclusions de la commission des pétitions sont adoptées.

M. Gendebien. - J’ai proposé un amendement.

M. Dumortier. - Il serait difficile que la commission d’industrie fît son rapport dans la huitaine, puisque la moitié des membres sont absents.

M. Pollénus. - Plusieurs documents sont déjà parvenus au ministre de l’intérieur, ce qui permettra à la commission de hâter son travail.

Membre de la commission des pétitions, j’ai vu que les ouvriers avaient déposé au mont-de-piété les effets de première nécessité ; les renseignements donnés au ministre doivent confirmer ou infirmer ce fait...

M. de Brouckere. - La discussion est close : la commission d’industrie demandera les renseignements dont elle aura besoin.

M. le président. - On demande que la commission fasse son rapport dans huit jours.

M. d’Huart, rapporteur. - On ne peut pas assigner un délai à cette commission : ses membres font partie de cette assemblée, et ont le même patriotisme.

M. Gendebien. - Je ne demande pas un rapport définitif dans huit jours, mais que la commission nous dise ce qu’elle a fait, ce qui lui reste à faire… Au reste, dans cette affaire chacun y peut prendre telle part de responsabilité qu’il lui plaît ; je prends la mienne.

M. A. Rodenbach. - On n’a jamais exigé des commissions qu’elles fissent leurs rapports à une époque déterminée. La commission d’industrie fera son enquête avec diligence ; elle est animée du même patriotisme que nous tous.

M. d’Huart, rapporteur. - On peut demander que la commission fasse son rapport le plus tôt possible. (Oui ! oui !)

- La séance est levée à 4 heures.