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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 16 janvier 1834

(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1834 et Moniteur belge n°18, du 18 janvier 1834)

(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1834)

(Présidence de M. Dubus)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet sommaire des pièces adressées à la chambre. Ces pièces sont renvoyées aux diverses commissions.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1834

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Traitement des agents en inactivité

Article unique

M. le président. - M. le commissaire du gouvernement a déposé sur le bureau la proposition suivante : Après les mots « Traitement de non-activité aux agents du service extérieur de retour de leur mission, sans avoir été remplacés, » nous proposons d’ajouter : « avec autorisation toutefois de continuer pour l’année le paiement du traitement de non-activité de l’agent nommé pour l’Espagne. »

M. Nothomb. - Messieurs, hier je me suis réservé, dans la discussion à laquelle nous nous sommes livrés au sujet du chapitre III, de proposer un amendement particulier au cas dont plusieurs orateurs ont entretenu l’assemblée à la fin de la séance.

J’ai annoncé que je présenterais une rédaction tendant à modifier le principe absolu posé par le libellé du chapitre. III. Les raisons de fait qu’on a exposées sont suffisamment connues. On a fait valoir des motifs d’équité qui militent en faveur de la personne dont il s’agit. Je n’ai plus qu’à en appeler à la justice de l’assemblée.

M. Dumortier. - Hier la chambre a arrêté une rédaction, et aujourd’hui on vient proposer une adjonction à cette rédaction. Est-ce un changement que vous voulez faire ? Attendez le second vote. Il faut que 24 heures s’écoulent avant de pouvoir délibérer de nouveau sur les amendements. Est-ce une modification que vous voulez introduire ? Mais la chambre, en admettant celle que vous présentez, détruirait ce qu’elle a fait hier.

Je ne traite point ici une question de personne ; je ne connais pas celle dont il s’agit ; je ne crois pas lui avoir jamais adressé la parole. Je la crois très capable. Mais ici nous ne devons traiter que des questions de principe. La capacité d’une personne ne peut être un motif pour lui donner un traitement quand elle ne rend pas de services ; il y a des milliers de personnes capables en Belgique. Choisir une personne entre plusieurs milliers, c’est du favoritisme ou de la complaisance. La question de personne ressemble beaucoup à de la camaraderie.

J’ai toujours eu un but dans la discussion des budgets, celui de faire des économies sans entraver le service de l’administration ; mais chaque jour nous votons des augmentations ; nous avons voté dernièrement une somme de 50,000 fr. dont l’emploi ne me paraît pas suffisamment motivé. D’un autre côté nous avons voté des réductions dans les recettes : la loi sur les distilleries a diminué nos ressources d’au moins 3 millions. Je me suis opposé à cette loi. J’entends beaucoup de personnes regretter qu’elle ait été votée. Dans peu nous regretterons peut-être beaucoup les votes que nous émettons aujourd’hui, car dans un an nous serons obligés d’en venir ou à des réductions sur les traitements ou à des augmentations d’impôts.

Nos commettants nous diront sans doute qu’ils ne nous envoient pas ici pour toujours puiser dans leur poche ; alors il faudra diminuer les traitements. En présence de pareilles circonstances, il faut s’opposer aux augmentations de dépenses. Notre budget se balance actuellement ; mais il ne se balancera plus, s’il est vrai qu’il y a rappel de 15 millions de solde pour l’armée, si nous devons payer 6 millions pour la dette hollandaise, et 4 ou 5 millions pour l’intérêt de la dette. Quand la paix arrivera, les dépenses de la Belgique seront de 8 à 10 millions au-dessus des revenus.

Que ferez-vous ? vous augmenterez les recettes des 8 ou 10 millions ou vous diminuerez les dépenses de même somme. De toutes les manières, l’opération sera cruelle ; car c’est une chose cruelle, selon moi, que de diminuer les traitements. Augmenter les recettes est impossible. On veut, au contraire, diminuer l’impôt foncier. On voudrait supprimer les 20 p. c., tandis que, pour subvenir aux charges il faudrait établir au moins 50 p. c. J’engage les propriétaires qui font partie de cette assemblée à réfléchir. Si dans les circonstances actuelles, nous avions un excédant de recettes sur les dépenses, cet excédant viendrait fort à propos pour diminuer la dette flottante, qu’un jour il faudra capitaliser. Je vous soumets ces considérations, qui m’ont toujours dirigé dans la discussion des budgets. J’insiste pour vous engager à ne pas augmenter nos dépenses, et de prévoir les embarras dans lesquels nous nous trouverons dans un an ou deux.

M. A. Rodenbach. - C’est pour la douzième fois peut-être que l’honorable préopinant répète que la loi sur les distilleries rapportera quatre millions de moins que l’ancienne loi sur la même matière ; je dirai qu’il ne peut le savoir et que le ministre ne le sait pas non plus. On dit que le dernier trimestre n’a rapporté que 150,000 francs ; c’est une assertion sans base, car les rapports ne peuvent être faits qu’à la fin du mois actuel. Si les droits sur les spiritueux ont produit plus que cette année, c’est lorsque nous avions une armée nombreuse sous les armes, c’est lorsque l’armée française était sur notre territoire : pour juger d’un fait il faut tenir compte de toutes les circonstances. Attendons deux ou trois ans avant de prononcer sur la loi que nous avons portée concernant les distilleries.

Les ministres des finances qui se sont succédé, à partir de M. de Brouckere, ne demandaient aux spiritueux que 900,000 florins ; la loi actuelle produira probablement ce que les ministres ont demandé. Nos impôts indirects, en général, indiquent une grande amélioration dans la situation du pays ; ils ont donné 2,500,000 fr. d’augmentation.

La loi sur les distilleries n’est d’ailleurs pas une loi d’argent ; elle est une loi pour favoriser une industrie. Est-ce que les fabriques de draps et de tissus de coton rapportent directement de l’argent au gouvernement ? elles n’en rapportent qu’indirectement ; il en est de même des distilleries Par la loi que nous avons portée, il fallait faire renaître une industrie que les Hollandais avaient envahie, industrie utile à notre agriculture… (A la question ! à la question !) Je suis dans la question. Je réfute l’opinion de l’honorable préopinant. J’aime les économies, mais j’aime les dépenses qui peuvent être utiles à nos intérêts commerciaux (A la question ! à la question !)

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, l’honorable M. Dumortier s’est livré à une très longue discussion qui a donné lieu à une espèce de hors-d’œuvre de la part du préopinant. La chambre ne voudra pas que je suive M. Dumortier dans tous les détails de son discours. Je rappellerai les faits.

Dans la discussion d’hier je me suis bien formellement réservé de faire une proposition en faveur d’un individu dont la position a été signalée ; ainsi il n’y a rien d’inattendu dans la demande que j’ai faite. Je me crois donc autorisé à repousser la fin de non-recevoir qu’on m’a opposée. Si je n’avais pas prévenu la chambre hier, l’orateur aurait parfaitement raison ; mais ce n’est pas ainsi que les choses se sont passés.

Cet honorable orateur a dit qu’on avait voté une somme sur une demande faussement motivée ; je ne sais si cette assertion s’adresse à moi : je maintiens tous les faits que j’ai allégués.

Quoi qu’il en soit, dans la discussion d’hier, relativement à la personne dont il s’agit maintenant, j’ai été appuyé par M. A. Rodenbach et par M. Jullien ; je ne crois pas que leur appui me manquera aujourd’hui. Par mon amendement, le principe ne sera pas détruit ; il sera maintenu ; et dans ce que je propose il n’y a rien de nouveau.

M. Fleussu, rapporteur. - Messieurs, c’est d’après les observations faites par vos sections, qui se sont plaintes des abus que l’on a été obligé de reconnaître dans la nomination de deux agents qui ont séjourné 15 mois à Bruxelles en touchant des traitements, que la section centrale a proposé un nouveau libellé du titre du chapitre III.

Il arriverait une chose assez singulière si vous adoptiez la proposition de M. le commissaire du Roi. Le gouvernement a été obligé d’avouer l’existence des abus signalés par les sections et par la section centrale ; nous avons cherché un remède aux abus ; vous l’avez adopté : eh bien, par la proposition qui est faite, il faudrait continuer les effets des abus, malgré le remède et quoiqu’on en répudie la cause. On reconnaît que nous avons eu raison de chercher un remède aux abus, et cependant on voudrait les conserver cette année encore.

Je regrette de devoir combattre une proposition qui concerne une personne ; dans tous les cas la proposition se présente d’une manière fort insolite. Dans un budget on demande des subsides pour les services publics, mais on n’y demande pas des subsides pour des personnes particulières. Nous votons des subsides pour assurer les services de l’Etat, mais non pour salarier des individus qui ne rendent aucun service à l’Etat. La personne dont on parle, vous le savez, n’a point de droits acquis : le gouvernement peut prendre des arrêtés tant qu’il veut ; mais c’est dans leur exécution que nous devons mettre obstacle.

Vous avez décidé que l’arrêté du 20 juillet était exorbitant, qu’il n’était pas conforme à la constitution. La seule manière de prouver l’inconstitutionnalité, c’est de refuser le subside demandé par le commissaire du Roi. Vous avez accordé 10,000 fr. par suite d’un libellé autre que celui du gouvernement, et l’agent nommé pour l’Espagne ne peut rien recevoir sur ces 10,000 fr.

Le gouvernement a commis une grande faute en faisant des nominations intempestives, des nominations qui ne pouvaient avoir aucun effet ; en nommant pour un pays qui ne nous a pas reconnus, qui ne peut nous reconnaître d’après ses principes. La faute doit-elle peser sur les contribuables ? je ne le crois pas, et je voterai contre la proposition de M. le commissaire du gouvernement.

M. Jullien. - Il ne s’agit pas de savoir actuellement si la proposition est fondée, mais si elle peut être mise aux voix, parce que M. Dumortier a opposé une espèce de fin de non-recevoir. La proposition doit-elle être mise aux voix ? Cela ne peut faire de doute : lorsque la discussion du chapitre III a eu lieu, M. le commissaire du Roi a déclaré ses réserves relativement à l’agent nommé pour l’Espagne. On lui a dit de formuler sa proposition et a renvoyé au lendemain le débat sur les réserves qu’il faisait. Il serait contraire à la bonne foi de ne pas discuter la proposition déposée sur le bureau.

Quant au fond de la proposition, je n’y reviendrai pas. J’ai entendu plusieurs orateurs : ils ont exposé des considérations qui m’ont frappé. Je pense qu’il n’y a pas de droit acquis ; mais je trouve des motifs d’équité qui me détermineront à voter. La somme est d’ailleurs minime, et je crois qu’on peut accorder une exception.

M. Dumortier. - Toute la question est de savoir, comme on vient de le dire, si nous pouvons voter sur la proposition déposée par M. le commissaire du Roi. Est-ce une proposition de loi que l’on a déposée ? Alors elle doit suivre la filière prescrite par le règlement et être renvoyée devant les sections ? Est-ce un amendement ? Il faut encore suivre le règlement ; tendant manifestement à modifier le chapitre adopté, elle est un amendement. Or, le règlement dit que l’on ne peut modifier les amendements déjà adoptés que dans le second vote, ou dans le vote définitif. Lisez l’article 45 du règlement.

On a parlé de réserves faites : je ne sais pas si on peut faire des réserves dans les chambres. M. le commissaire du Roi, n’ayant pas déposé sur-le-champ son amendement à l’amendement de la commission, ne peut présenter sa proposition que quand nous en serons au second vote. Sans violer le règlement, nous ne pouvons mettre aux voix la proposition de M. le commissaire du gouvernement.

M. Gendebien. - On ne peut rien ajouter à ce que vient d’exposer l’honorable M. Dumortier. J’attendrai que l’on combatte ce qu’il dit de si clair, pour prendre la parole -

M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’article dont on a donné lecture s’applique à de nouveaux amendements. ; or, comme on vous l’a fait observer, il ne s’agit pas d’un nouvel amendement puisqu’il a été annoncé hier. J’ai demandé seulement que la rédaction en fût différée pour ne pas entraver la discussion.

Ainsi les faits ne me paraissent pas s’être passés comme l’a exposé M. Dumortier. L’article 45 du règlement ne peut recevoir ici d’application.

M. Gendebien. - Il faut rétablir les faits. La section centrale a proposé un amendement : l’orateur du gouvernement a proposé un sous-amendement qui consistait dans le retranchement de quelques mots à la proposition de la section centrale, le sous-amendement a été rejeté. Il y a dès lors chose jugée. Cette chose jugée l’est-elle définitivement ? C’est une question qu’on pourra décider au second vote. Ayez fait des réserves ou n’en ayez pas fait, le règlement n’établit pas de semblables distinctions. Veuillez bien vous rappeler, messieurs, que lorsqu’il a été question des légionnaires qui avaient pour eux les lois, les décrets, qui avaient pour eux des possessions, on a exigé que la proposition d’une allocation au budget pour les indemniser fût renvoyée et convertie en projet de loi devant une commission.

Voudriez-vous que contrairement à cet antécédent, contrairement au texte du règlement, on laissât passer la proposition qui est faite ? Voyez dans quelle position M. le commissaire du gouvernement va nous placer ! Vous allez poser une question purement personnelle, très fâcheuse pour celui qui en sera l’objet, et non moins fâcheuse pour ceux qui émettront leur avis. Il faut suivre la constitution et le règlement. L’article 114 de la constitution veut une loi pour accorder une pension ; l’article 45 du règlement veut que vous attendiez au second vote. Par ces considérations, je protesterai contre tout vote qui aurait lieu aujourd’hui sur le fond de la proposition.

M. Jullien. - Je suis d’accord avec les honorables préopinants sur les principes, mais je ne suis pas d’accord avec eux sur les faits. Quand on a mis en discussion le chapitre III, on a annoncé la demande d’une exception, fondée sur des considérations qui avaient été longuement développées, et l’on a dit que la demande serait formulée à la fin de la discussion. Dans ce moment, toute la question est de savoir si on peut, ou non, voter la proposition du commissaire du gouvernement ? C’est une question de bonne foi que nos antécédents permettent de résoudre affirmativement. La proposition d’une exception a été mise en discussion et n’a pas été écartée. On peut donc délibérer sur la proposition libellée du gouvernement. La chambre est d’ailleurs suffisamment éclairée sur les motifs qui portent à demander l’exception.

M. Gendebien. - L’honorable orateur se trompe en fait. Il est certain que la section centrale a proposé par amendement la rédaction suivante : « Traitement des agents en non-activité, de retour de leur mission, sans qu’ils y soient remplacés. » M. le commissaire du gouvernement a demandé qu’on retranchât ces mots : « sans qu’ils y soient remplacés. » Si ce sous-amendement avait été adopté, alors l’article unique du chapitre III eût été applicable à l’agent nommé pour l’Espagne, et la proposition du commissaire du gouvernement devenait inutile. L’amendement de la section centrale a été admis dans toute son intégrité ; alors que signifient les réserves ?

Si, en faisant des réserves sur les objets en délibération, on pouvait modifier les votes et revenir sur les discussions épuisées, on pourrait renouveler dix fois le débat sur la même question. Le règlement a voulu éviter la multiplicité des discussions sur le même objet, et nous ne pourrions, sans contrevenir directement au texte du règlement, remettre en délibération ce qui a été décidé ; car il est bien clair que l’amendement de la section centrale repousse l’allocation de l’agent nommé pour l’Espagne. Il faut attendre le second vote pour modifier l’amendement adopté. Au surplus, si on nous contraint à discuter une question de personne, je déclare que, selon mon habitude, je dirai tout ce que je croirais devoir dire pour repousser la faveur demandée.

M. Dumortier. - Je ne pense pas que l’on ait discuté hier sur la proposition de M. le commissaire du Roi : hier, en effet, M. le commissaire du Roi adhérait à la première partie de la proposition de la section centrale, c’est-à-dire au libellé suivant : « Le traitement des agents en non-activité, de retour de leur mission. »

En vérité, messieurs, quand ce libellé eût été adopté, il y aurait toujours eu lieu à la proposition faite maintenant par l’organe du gouvernement. Car la personne dont il s’agit n’est pas de retour d’une mission.

Ainsi, je ne pense pas que ce soit remettre en question ce qui a été décidé hier, que de délibérer sur la proposition faite aujourd’hui et annoncée dans la séance précédente. Cette proposition est la réparation d’une omission, et je ne crois pas que ce soit le cas d’invoquer l’article 45 du règlement.

M. Jullien. - L’adoption de l’amendement de la section centrale ne pouvait pas exclure la proposition du gouvernement, parce que cet amendement ne s’applique qu’aux agents de retour de leur mission et que la personne dont on parle n’a jamais été en mission.

L’exception est restée entière, les faits le prouvent. Ceci, il est vrai, dépend de la mémoire de chacun ; ma mémoire ne me dit pas autre chose.

M. le président. - Je fais observer à la chambre que la discussion résulte qu’il a à se prononcer d’abord sur la question de savoir s’il y a lieu de mettre la proposition du gouvernement en délibération ; puis, dans le cas d’affirmative, de mettre en délibération la proposition elle-même.

- La chambre, consultée, décide à une assez faible majorité qu’il n’y a pas lieu à mettre aux voix la proposition faite par M. le commissaire du Roi.

Projet de loi portant le budget du ministère de la marine de l'exercice 1834

M. le président, ouvre la discussion sur les articles de ce budget, personne ne demandant la parole sur son ensemble.

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Article premier

« Art. 1er. Administration centrale. Personnel : fr. 4,850 fr

M. le président. - La section centrale n’a pas proposé d’amendement.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - il est vrai que la section centrale n’a pas proposé d’amendement ; cependant elle a fait une observation à laquelle je demanderai la permission de répondre.

La section centrale a émis l’avis de la réunion du matériel de l’administration centrale de la marine à celui des affaires étrangères, en alléguant qu’il y aurait plus de simplicité dans la comptabilité.

Il est à remarquer qu’on ne propose pas la fusion du personnel des administrations ; fusion qui en effet serait impossible, les employés de la marine ayant un caractère militaire.

Ce serait donc chose assez singulière de maintenir d’une part des personnels séparés, et de l’autre d’opérer la fusion des matériels.

On ne peut admettre que l’on aurait par ce moyen plus de simplicité dans la comptabilité et que l’on ouvrirait la voie à des économies.

Le ministre de la marine a besoin de fournitures de bureau tout autres que celui des affaires étrangères : les registres, les indicateurs, les matricules, sont tenus d’une manière toute particulière. Il est à remarquer que la somme de 4,500 francs votée pour cet objet au budget de 1832 a été réduite à 3,500 pour cette année, malgré la mise en activité de 12 bâtiments de guerre, dont aucun n’était même en commission quand on a alloué la première somme.

Enfin, il est possible que la marine soit par la suite remise à un autre département, celui de la guerre ; transfert qui est plus facile, en maintenant la distribution actuelle du budgets.

M. Fleussu, rapporteur. - Je commencerai par faire observer que l’opinion émise dans mon rapport n’est pas la mienne. Cette opinion a été adoptée par 4 voix contre 3. Elle exprime un vœu, et elle n’est pas une proposition

- L’article premier mis aux voix est adopté.

Article 2

« Art.2. Matériel : fr. 3,500. »

- Le chiffre de l’article 2 est adopté.

Chapitre II. Bâtiments de guerre

Article premier

« Art. 1er. Personnel : fr. 338,714. »

M. le président. - Ce chiffre est celui de la section centrale ; il est de 16,540 fr. inférieur au chiffre du gouvernement.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - La section centrale a proposé la suppression du traitement de non-activité de l’ancien commandant maritime du port d’Anvers. Le gouvernement est occupé de la liquidation de la pension de cet ancien officier ; il espère pouvoir la liquider dans le courant du premier trimestre de l’exercice actuel, et il ne demande le traitement de non-activité que pour les trois derniers trimestres de l’année. La réduction est de 2,560 fr.

Faut-il un agent comptable sur chaque bâtiment ?

Le ministre croyait que M. le commissaire du Roi pour le budget de la marine avait levé tous les doutes à cet égard lors de la discussion du budget de 1833. Il reconnaît lui-même que si les canonnières étaient continuellement ensemble dans la même station, le service pourrait être fait sans trop d’inconvénient par un agent comptable pour deux bâtiments ; mais actuellement cela est impossible. Les bâtiments de guerre surveillent la fraude depuis Burght jusqu’aux frontières sur une étendue de près de quatre lieues. Un agent comptable est indispensable à chacun d’eux.

Autant l’administration est portée à ne laisser échapper aucune occasion d’opérer les réductions qui sont compatibles avec le bien du service, autant elle croit de son devoir de s’opposer à toute mesure qui pourrait l’entraver, et dont l’expérience lui aurait prouvé l’inopportunité. L’agent comptable surveille tout le service des vivres, le magasin d’équipement est sous sa responsabilité personnelle ; il est en outre chargé de toute la comptabilité des marins embarqués, et fait le service d’auditeur-militaire près les conseils de guerre. Si l’on retranchait deux ou trois de ces officiers dans les circonstances actuelles, l’administration des vivres serait naturellement moins bien surveillée, car alors la présence de l’agent comptable devient impossible aux distributions journalières des deux bâtiments, et l’Etat perdrait en peu de temps beaucoup plus que l’économie qui proviendrait de la suppression de ces traitements.

Des pilotes lanmateurs sont-ils nécessaires tant que les bâtiments sont dans l’Escaut ? On propose d’allouer 5,000 francs pour cette dépense.

Le gouvernement, en accordant un pilote aux bâtiments d’avant-poste, n’a fait que suivre la marche indiquée par toutes les nations maritimes, non comme une coutume, mais comme une nécessité. On se tromperait gravement en croyant que les bâtiments de guerre stationnés à proximité d’Anvers aient un pilote à bord : les pilotes ne sont accordés qu’à ceux que leur éloignement met hors de portée de recevoir promptement des secours s’ils se trouvaient en danger ; l’été même, il arrive qu’on les renvoie du bord.

Mais dans des temps aussi mauvais que ceux de l’arrière-saison de l’hiver, de quelle responsabilité ne se chargerait pas un ministre qui priverait ces navires de pilotes !

Qu’un accident arrive, et les personnes qui réclament contre cette allocation seront peut-être les premiers à faire une reproche du peu de soin que l’on met à la conservation des navires de l’Etat : d’ailleurs, la section centrale elle-même, en proposant 5,000 francs, reconnaît la nécessité de l’allocation ; mais cette réduction est impossible.

En 1833, le pilotage a coûté près de 9,900 fr., quoique cinq de nos bâtiments de guerre ne fussent en activité que depuis la belle saison ; c’est une dépense nécessaire d’où l’on ne peut rien retrancher.

Si la chambre persiste, il serait préférable de ne rien allouer pour cet objet. La représentation nationale se rendrait alors responsable des avaries qui pourraient survenir aux bâtiments de guerre ; c’est un service qui ne peut se faire partiellement.

La demande du traitement de douze aspirants est contestée par la section centrale : quelques sections, est-il dit dans le rapport, préfèrent une école de navigation.

Il est à remarquer, messieurs, que cette demande n’avait point été contestée l’année dernière ; le budget ayant été voté au commencement du quatrième trimestre, sans que cette dépense eût été faite, on l’a ajournée.

Plusieurs sections, en préférant une école de marine, ont pensé qu’une institution de ce genre coûterait moins, et qu’elle serait en outre utile à la marine marchande.

Je pense au contraire qu’une école de marine entraînerait des frais plus considérables, et que l’on n’atteindrait pas le but proposé.

D’abord une école de marine coûterait davantage : en effet, il est incontestable qu’à moins de faire payer une rétribution aux élèves, il est impossible de créer et d’entretenir un établissement de ce genre avec 12,000 francs, somme demandée pour le traitement des douze aspirants.

Je dis en second lieu que l’établissement projeté n’atteindrait pas le but qu’on se propose : en effet, dans l’école de navigation d’Ostende et dans toutes les écoles de ce genre, on enseigne les éléments des mathématiques et de l’astronomie, enseignement qui suffit aux élèves qui se destinent à la marine marchande, mais insuffisante pour ceux qui entrent dans la marine militaire : il faut à ceux-ci enseigner en outre l’artillerie et les manœuvres de force, c’est-à-dire, il fait que ces élèves se livrent à ces exercices.

Ces exercices ne sont même possibles qu’à bord, les manœuvres de force et les manœuvres de l’artillerie ne pouvant se faire que sur les navires mêmes.

Il existe en ce moment une espèce d’école de marine militaire à bord de la flottille. D’après les ordres du gouvernement, deux enseignes sous la surveillance d’un lieutenant de vaisseau donnent à bord aux aspirants qui s’y trouvent des leçons où l’on joint la théorie à la pratique ; c’est donc pour donner une extension à un enseignement qui existe déjà que l’on réclame la nomination de douze nouveaux aspirants, c’est-à-dire un subside pour douze nouveaux élèves.

Le gouvernement n’a pas encore d’idée arrêtée sur la formation d’une véritable marine militaire. Il est à remarquer que, même en ajournant cette grande question, les officiers de la marine militaire qu’on formerait en ce moment ne seraient ni sans emploi ni sans utilité ; en effet la marine purement marchande pourra les utiliser. Vous savez d’ailleurs, messieurs, qu’une société est sur le point de se former pour une grande entreprise maritime à laquelle on associe la marine militaire ; c’est même une des conditions mises aux offres que cette société fait au gouvernement.

En résumé, messieurs, la demande que nous reproduisons n’a rencontré aucune objection l’année précédente, et l’objection qu’elle rencontre cette année disparaît devant la considération que je viens de développer.

M. Legrelle. - M. le commissaire du gouvernement est tombé dans de graves erreurs. Il nous a d’abord dit que, dans une saison houleuse, il était nécessaire que chaque bâtiment eût son pilote, mais les bâtiments de l’Etat ne sont pas en rade : ils sont stationnaires dans les bassins d’Anvers, et n’ont pas besoin de pilotes. C’est dans l’ignorance des faits que M. le commissaire du Roi soutient l’allocation demandée. Je crois qu’on peut réduire cette allocation de moitié.

Quant aux aspirants, il a dit que l’année dernière le principe avait été adopté en votant le chiffre qui le concerne. Si on a voté le chiffre, c’est que les deux tiers de l’année étaient écoulés ; mais on a renvoyé la question de leur nomination à l’année prochaine, afin qu’elle fût mieux examinée. C’est donc une question restée intacte. Je pense qu’il vaudrait mieux créer une école de navigation que de persister dans la nomination des aspirants. Je voudrais même que les élèves de l’école eussent accès sur les bâtiments afin qu’ils pussent joindre la pratique à la théorie. Cette école, où tous les élèves seraient admis, vaudrait mieux que de créer douze places d’aspirants en faveur de douze protégés.

Je suis étonné que les investigations de la section centrale se soient bornées aux réductions qu’elle a demandées. N’en est-il pas de la marine comme de l’armée de terre ? Le personnel des bâtiments n’est pas toujours au complet. Il y a des vacatures dans l’armée de mer, et l’on aurait pu faire des réductions sur la solde ou les traitements. On nous demande la somme entière, comme si tout le personnel était au grand complet. Je prie M. le commissaire de nous dire si le personnel est en effet au grand complet.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’orateur, pour me servir de son expression peu obligeante, me reproche une profonde ignorance....

M. Legrelle. - L’ignorance des faits, ce qui est autre chose.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je n’ai pas dit qu’il y eût des pilotes sur les bâtiments mêmes, quand ils sont dans les bassins ; j’ai dit que on était obligé d’employer toute l’année des pilotes, il faudrait demander des sommes plus considérables car c’est en prenant beaucoup de précautions que l’année dernière on n’a dépensé que 9,000 fr. : on peut voir dans le Moniteur comment je me suis exprimé sur les pilotes dans la précédente session.

J’ai dit aussi que le principe de la nomination des aspirants n’avait pas été contesté à la session dernière ; voici en effet ce qui s’est passé. On allait voter le traitement de 12,000 fr. lorsque l’honorable membre qui occupe actuellement le fauteuil (M. Dubus), demanda si ces nominations avaient été faites, en faisant observer que si elles n’étaient pas faites, il fallait réduire le chiffre des trois quarts. J’ai répondu qu’elles n’étaient pas faites et qu’on pouvait ajourner l’allocation tout entière. Ainsi, je n’ai rien dit de trop en avançant que le principe avait été admis.

L’honorable préopinant a supposé qu’une école de navigation atteindrait le même but que la nomination des aspirants ; il se trompe parce qu’il serait difficile de mettre les bâtiments à la disposition des élèves de cette école. L’école de marine pour laquelle je sollicite, je la mets sur les bâtiments eux-mêmes ; un lieutenant de vaisseau la surveille, des aspirants de première classe donnent des leçons. Ainsi l’école que l’on demande existe réellement, et elle existe à moins de frais que celle que l’on voudrait établir à terre.

Enfin l’honorable préopinant a demandé ce qui arrivait à chaque fois qu’un officier ou une autre personne se trouvait en congé. Alors il y a bénéfice pour le gouvernement ; mais ces cas sont extrêmement rares.

M. Smits. - M. le commissaire du Roi, pour ce qui concerne les pilotes, aurait parfaitement raison si les canonnières de l’Etat étaient constamment disposées à descendre le fleuve : alors, la présence d’un pilote serait nécessaire ; mais quand ces bâtiments sont en rade, le pilote est parfaitement inutile. Il a dit que la dépense des pilotes pendant l’année dernière avait été de 9,000 fr. ; mais il est facile de trouver ce que le pilotage peut coûter.

Je suppose que chaque canonnière ait à faire deux mouvements par semaine, chaque mouvement coûte 6 fr. ; il y a 12 canonnières, et vous ferez une dépense de 7,500 fr. ; ainsi vous pouvez faire une économie sur la somme demandée.

En ce qui concerne les agents comptables, il est certain que lorsque la flottille est stationnaire dans les bassins ou dans la rade, un agent comptable peut surveiller deux navires si ce n’est trois. Je subordonne ces réflexions à l’expérience ; tout ce que je sais, c’est que sous l’empire j’ai connu un agent comptable qui avait la surveillance de deux vaisseaux de l’Etat, et de vaisseaux bien plus importants que ceux de notre flottille.

La section centrale a proposé une réduction sur les aspirants. J’ai remarqué au budget de l’intérieur une demande pour l’établissement d’une école maritime. Il est certain que la Belgique ne saurait faire trop d’efforts pour augmenter le nombre de ses marins ; il y a disette absolue à cet égard. Le port d’Anvers ne possède que deux capitaines nés dans cette ville. Nous ne jouirions pas des avantages des traités de navigation si nous n’avions pas de marins : il faut que les équipages soient composés des deux tiers au moins des nationaux pour que les traités de commerce soient applicables. Autrefois nous recrutions notre marine en Hollande ; aujourd’hui nous devons la recruter dans la Belgique seule.

Comme dans le budget de l’intérieur on fait une demande pour une école de marine, je vote le maintien de la somme pour les aspirants à bord des navires.

M. Fleussu, rapporteur. - Je suis bien aise d’avoir été précédé dans cette discussion par des hommes qui ont des connaissances spéciales sur la matière ; quant à moi j’avoue que j’y connais fort peu. Il faut que mon rapport ait été mal compris pour venir dire que la section centrale demandait la suppression du traitement du commandant du port d’Anvers ; les sections ont émis un vœu, et le gouvernement l’a compris puisqu’il est occupé de la liquidation de la pension de ce commandant.

M. le commissaire du Roi semble dire qu’il a eu chose jugée pour la nomination des douze aspirants de deuxième classe ; mais l’honorable membre qui a été rapporteur de la section centrale dans la session précédente est venu déclarer que la question était restée intacte ; aussi, aux yeux des sections comme aux yeux de la section centrale, a-t-on considéré les aspirants comme une institution à créer.

La section centrale devait d’autant avoir cette opinion qu’on lit au budget : « Comme il n’existe pas d’école de marine, on propose de placer un aspirant de seconde classe sur chaque bâtiment. » D’après toutes ces explications et en attendant qu’aucune loi ait détermine l’avancement dans les armées de terre et de mer, il convient de ne rien préjuger et d’attendre à d’autres temps pour établir ces nouvelles dépenses.

M. Verdussen. - J’abonde dans le sens dans lequel vous a parlé mon honorable collègue et ami M. Smits ; mon opinion ne diffère de la sienne que relativement aux aspirants. Le besoin d’augmenter le nombre de nos navires se fait sentir. Je pense qu’il faudrait créer une école pratique sur les bâtiments de guerre, et qu’il faudrait admettre dans cette école, non 12 personnes, mais toutes celles qui se présenteraient

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je suis forcé de revenir encore une fois sur la proposition relative aux pilotes. Le gouvernement n’entend pas qu’il y ait des pilotes dans les bâtiments qui sont en rade ou à proximité d’Anvers ; cependant il y a eu 9,000 fr. de dépenses l’année dernière. Un honorable membre présente un calcul d’après lequel 7,500 fr. suffiraient ; je ne puis apprécier le calcul, mais je dis ce qui s’est passé l’année dernière.

Quant aux agents comptables on ne pourrait faire surveiller deux navires par un seul de ces agents, car les bâtiments sont ordinairement échelonnés de quatre en quatre lieues. Il y aurait perte si l’on ne mettait pas un agent comptable par bâtiment.

Je dois aussi insister sur la nomination des 12 aspirants. Je ne crois pas qu’il y ait eu chose jugée à cet égard ; car le budget est une loi annuelle, et vous êtes maîtres de rejetez cette année une allocation qui aurait été votée l’année dernière. Toutefois, je ne puis consentir qu’à la réduction de 2,360 fr.

M. Legrelle. - On dit que la responsabilité qui pesait sur les capitaines ou lieutenants commandant ces petits navires ne permettait pas de se passer de pilotes ; cependant les capitaines au long cours s’exposent bien quoiqu’ils ne connaissent pas les localités comme nos officiers. Si les capitaines étrangers se passent de pilotes quand ils stationnent, pourquoi nos capitaines, hommes qui ont pratiqué les lieux, devraient-ils en avoir ? Quand un mouvement est nécessaire, il faut un pilote, et une dépense basée sur deux mouvements par semaine donne un résultat de 7,500 fr. ; mais, au lieu de porter les mouvements à deux on pourrait calculer d’après un mouvement par semaine, ce qui est suffisant ; on aurait alors un chiffre au-dessus de 5,000 fr. Celui qui est proposé par la section centrale est donc suffisant.

M. Gendebien. - Il est un article sur lequel je n’ai pas entendu insister, c’est celui qui est relatif aux agents comptables. Nous avons un agent comptable par canonnière ; ils coûtent 15,120 fr. pour un personnel de 600 hommes, officiers et matelots compris ; je crois que cette somme employée pour une école de marine serait plus utile. Vous avez un agent comptable pour 53 hommes ; un simple fourrier ne pourrait-il pas remplir de telles fonctions ? Vous trouverez dans chaque navire dix hommes en état de tenir la comptabilité aussi bien que les agents comptables. Je ne comprends pas la nécessité de ces agents dans des bâtiments qui stationnent sur l’Escaut ; un simple sergent-major pourrait tenir la comptabilité de toute notre marine quand elle est ainsi en repos, et remplacer 12 fonctionnaires très onéreux. Que l’on consacre la somme qui leur est allouée à une école, je l’accorde ; je ne me plains pas des sommes demandées pour la marine.

Je me plaindrai plutôt de ce qu’on ne demande rien pour des constructions navales. Je demande qu’à l’économie de la section centrale on joigne une économie de 10,000 fr., à prendre sur ces agents comptables ; il restera 5,120 fr. pour la comptabilité, et l’on pourra encore faire des économies sur cette somme en prenant des hommes de l’équipage pour comptables.

M. de Brouckere. - Les douze agents comptables sont-ils nommés ?

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, le gouvernement, au fur et à mesure qu’il a équipé des navires, il a nommé le personnel et entre autres les employés indispensables pour une bonne comptabilité, les agents comptables. Je ne pense pas que vous puissiez accueillir la proposition de l’honorable préopinant. Vous détruiriez la comptabilité de la flottille, et les résultats seraient tout à fait contraires à ceux que se propose M. Gendebien.

En effet, il a supposé que cette comptabilité était extrêmement simple, et qu’un seul homme pouvait la faire. Sans doute, ce serait possible, si on pouvait réunir les 12 bâtiments sur un même point sous sa surveillance ; mais cela est impossible. Du reste, la comptabilité est beaucoup plus compliquée que ne le suppose le préopinant. L’agent comptable surveille tout le service des marins, les magasins d’équipement sont sous sa responsabilité personnelle ; il tient un compte pour chacun des marins et il est auditeur militaire près du conseil de guerre.

Messieurs, je ne crois pas que vous pussiez supprimer cet emploi (le préopinant va jusque-là), ce serait détruire l’organisation de la marine militaire, telle qu’on l’a conçue jusqu’à présent.

Je le répète, si les navires étaient toujours réunis sur le même point, on conçoit qu’un seul agent comptable pourrait avoir au moins deux bâtiments sous sa surveillance ; mais tel n’est pas le cas, car ces navires sont échelonnés sur une assez grande étendue.

Il existe un autre motif que j’ai déjà fait valoir et que la chambre a reconnu dans la discussion de l’année dernière, c’est que pour avoir une bonne surveillance sur un bâtiment, il fait qu’un seul homme en soit chargé. Il résulte de cette surveillance une véritable économie.

Il est vrai que l’agent comptable n’a de comptabilité à tenir que pour 60 hommes, on ne l’a jamais déguisé. C’était une découverte facile à faire ; mais l’agent comptable tient autant de comptes qu’il y a d’hommes à bord et il est en outre chargé sous sa responsabilité de la surveillance de tous les vivres et magasins qui sont à bord.

M. Gendebien. - Je regrette, messieurs, de n’être pas convaincu par ce que vient de dire M. le commissaire du Roi. Il semble, à l’entendre, qu’un agent comptable sur une coquille de noix, ayant à bord, terme moyen, 50 ou 52 hommes, ait le monde à gouverner. Mais le préopinant ne s’est donc jamais assuré de ce qu’avait à faire un sergent-major d’une compagnie dont l’effectif est de 180 à 210 hommes ? Il y a là une comptabilité autrement multipliée que pour 52 hommes de vos chaloupes canonnières ; cependant ce sergent-major tient une comptabilité analytique, et présente tous les mois, tous les cinq jours, une comptabilité parfaitement tenue, des tableaux parfaitement établis, de toutes les dépenses article par article, et les objets sont aussi multipliés que pour la marine.

Quant à la surveillance des vivres, vous avez des officiers à bord : à quoi sert votre capitaine qui a vingt-quatre heures à dépenser par jour ? Il pourrait bien se charger de la surveillance des vivres.

Vous prétendez ensuite que vous ne pouvez pas réunir plusieurs bâtiments sous la surveillance d’un seul agent ; cependant, vous n’avez pas la prétention de faire des voyages de long cours avec vos chaloupes canonnières ; vous ne pouvez pas dépasser Lillo, et toute votre navigation se borne à aller de Boom à deux ou trois portées de canon de Lillo.

Si vous voulez avoir plus tard une marine, faites des économies, retranchez toutes les dépenses inutiles. Mais on a nommé douze agents, nous dit-on. On a nommé ! Si vous deviez vous arrêter à de pareilles considérations ; vous ne pourriez jamais extirper un seul abus. Je ne dis pas pour cela qu’il faille réduire à la misère les hommes nommés aux emplois d’agents comptables ; mais vous avez d’autres branches d’administration, où vous pouvez les employer utilement : la douane, par exemple, dont la ligne principale est insuffisamment gardée. Vous avez entendu faire l’éloge mérité des employés ; mais des réclamations se sont élevées contre le petit nombre de ces employés. Faites de vos agents comptables des employés de douane, et l’argent qu’on leur donnera sera gagné, tandis que maintenant on paie des sinécures.

Je le répète, il n’y a pas de fourrier, de sergent-major, qui ne puisse tenir la comptabilité des 52 hommes de vos chaloupes, quand, dans leur compagnie, ils ont une comptabilité pour cent quatre-vingts hommes.

M. Legrelle. - Messieurs, je crois aussi qu’on peut réduire une partie de la somme demandée pour les gens comptables. Aussi longtemps que la flottille ne sort pas de l’Escaut, un agent comptable peut suffire à deux bâtiments ; il résulterait de cette réforme une diminution de la moitié de la somme demandée.

Je n’ai pas fait de proposition à cet égard, parce que, d’après la manière dont le budget est présenté, la somme demandée pour les agents comptables se trouvant comprise dans un chiffre global qui renferme 12 autres articles en un même paragraphe de 330,364 fr., indépendamment de l’article premier dont le gouvernement peut faire des transferts sans trop manquer à son devoir, la mesure que je proposerais pourrait être éludée. M. le commissaire du Roi a dit tout à l’heure que le montant des vacatures qui pourraient arriver dans l’année tournait au profit du gouvernement, pourvu que les sommes fussent employées dans la spécialité où la vacature a eu lieu , il en résulterait que, la chambre ayant opéré une réduction de 50 p. c. sur les agents comptables, le gouvernement pourrait maintenir ces agents en affectant, pour les solder, le produit des vacatures qui auraient lieu sur le reste du personnel compris dans cet article. Ma proposition serait donc sans effet.

L’année prochaine il faudra que cette partie du budget soit présentée d’une autre manière ; que cet article soit divisé, afin que si on juge à propos de faire une diminution, cette diminution ne puisse pas être illusoire.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il est vrai que l’article dont il s’agit comprend tout le personnel de la flottille, et que les transferts signalés, si ce n’est pas abuser du mot, sont possibles. J’ignore s’il est nécessaire de changer le plan du budget sous ce rapport, c’est un cas qui se présente dans toutes les administrations et surtout au budget du ministère de la guerre. Dans le budget de ce département, vous rencontrez des sommes globales bien autrement fortes. L’observation qui a été faite pourrait donc s’adresser aux administrations centrales de tous les départements. Je n’y aurai cependant pas moins égard ; et autant que je puis avoir d’influence, il y sera fait droit si on en trouve la possibilité.

Je ne pense pas qu’il soit dans l’intention de la chambre d’improviser ce changement, de changer l’organisation de la marine militaire telle qu’elle est établie sur chaque bâtiment et pour laquelle nous avons obtenu l’assentiment des chambres. Dans toutes les considérations que j’ai déjà reproduites, je persiste à croire que l’allocation doit être maintenue. Je ne pense pas que pour l’année courante on puisse introduire de modification dans cette partie du service. Admettre l’organisation proposée M. Gendebien, ce serait changer tout le système de la marine adopté partout, et notamment dans l’ancien royaume des Pays-Bas.

L’honorable auteur de la proposition a tiré des exemples de l’armée. Je ne crois pas que l’analogie qu’il a voulu établir existe réellement ; il me semble qu’un sergent-major dans un corps n’est pas seul chargé de la comptabilité, de la surveillance des magasins de vivres et d’équipement : il y a des intendants qui sont chargés de cette surveillance, et ce sont des agents bien autrement rétribués que les agents de la marine. Ces agents sont chargés, je le répète, de la comptabilité, de la surveillance journalière des distributions des vivres, et doivent, pour exercer cette surveillance, se trouve constamment à bord. Telles sont les attributions que leur confèrent les règlements existants ; et pour supprimer ces agents, il faudrait changer et l’organisation militaire de la marine et les règlements sur lesquels elle repose. On ne peut changer, ainsi une organisation semblable, à l’occasion d’un article du budget.

M. Gendebien. - Il ne s’agit pas de savoir si on substituera un système nouveau à une système ancien, mais si la nécessité de la dépense qu’on ne propose est démontrée. Il ne s’agit pas non plus d’établir de comparaison entre la comptabilité de l’armée de terre et de celle de la marine, et d’examiner si l’une est plus compliquée que l’autre. Mais on a dit que le sergent-major n’était pas seul chargé de la comptabilité et de la surveillance, qu’il avait au-dessus de lui des intendants, tandis que les agents comptables étaient en même temps chargés de toute la comptabilité et de la surveillance. Messieurs, de même que dans les compagnies les officiers et les sous-officiers sont chargés de surveiller les distributions, vous avez à bord des bâtiments des hommes gradés qui chacun dans leur partie doivent être chargés de cette surveillance.

L’agent comptable n’est là en réalité que pour délivrer les vivres ; il a la clef du magasin en poche, l’ouvre et le referme, ou même le fait ouvrir et refermer par des subalternes ; car il est très probable qu’il ne fait rien de tout cela, et qu’il n’est là que pour recueillir les écritures que des subordonnés lui remettent, et qu’il porte au registre.

Voilà tout ce qu’il fait. Croyez-vous qu’il soit nécessaire d’avoir un agent spécial pour faire ce service ? Si on trouve nécessaire d’en avoir, au moins le nombre est trop grand ; et si en France on se contente parfois d’un agent comptable pour deux vaisseaux de ligne, ainsi que l’a dit M. Smits, comme la comptabilité d’un seul vaisseau est bien autrement compliquée que celle de toutes nos chaloupes réunies en rades, il me semble que vous pouvez faire pour deux chaloupes ce qu’en France on fait pour deux vaisseaux de haut bord. Modifiant donc ma proposition, non pas que je suis moins convaincu de l’inutilité de la dépense, mais pour montrer moins d’exigence que le gouvernement, et ne pas paraître entier dans mon opinion, je consentirai à accorder la moitié de la somme demandée.

Le gouvernement pourra d’ici à l’année prochaine aviser au moyen de faire disparaître les six agents comptables qui resteront.

Si on ne trouve pas parmi les hommes qui sont à bord quelqu’un qui puisse remplir les fonctions de l’agent comptable, il fait renoncer à la marine ; mais on en trouverait plus d’un pour chaque bâtiment.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Messieurs, quoique M. Gendebien ait modifié sa première proposition, telle qu’elle est, elle équivaudrait encore à une véritable désorganisation. Les observations qu’il vous a présentées sont de deux natures.

Il regarde d’abord comme inutile l’agent comptable et il veut le remplacer par un sergent-major, grade qu’il faut aller chercher dans l’armée de terre. Il s’agit ici d’un traitement de 600 florins, qui est bien modique malgré la responsabilité qu’entraînent les fonctions. On a donné à celui qui en est chargé le nom d’agent comptable. Quel que soit le nom que vous lui donniez, vous arriverez toujours à peu près à ce traitement pour un employé sur mer, parce que vous ne pouvez pas donner à celui que vous investirez du grade équivalent à celui de sergent-major le traitement que celui-ci a sur terre ; vous devrez nécessairement lui tenir compte du changement de position dans la proportion établie entre l’armée de terre et la marine : eh bien, vous arriverez à un traitement qui ne sera guère au-dessous de 600 florins. Il faudra créer un nouveau grade, car il n’en existe pas dans la marine. Si vous prenez des grades existants, vous serez obligés de descendre de deuxième classe pour une avoir une réduction des 200 francs.

J’arrive à la seconde partie des objections. L’honorable préopinant consent à conserver des agents comptables pour cette année, mais il n’en veut conserver qu’un par deux bâtiments. Messieurs, le gouvernement, avant et après le vote de chaque budget, a examiné cette question, et il lui a été démontré qu’une organisation semblable était impossible. Il a pensé que l’économie bien entendue exigeait à bord des bâtiments la surveillance la plus journalière, une surveillance de tous les instants ; ce sont là les raisons qui l’ont engagé à placer un agent comptable sur chaque bâtiment.

Je regrette d’être obligé d’insister de nouveau sur les attributions confiées à ces agents par les règlements. Le préopinant a prétendu qu’ils n’avaient rien à faire. Ils ont à tenir les comptes de 60 marins et des officiers ; ils surveillent les magasins de vivres et d’équipement, assistent aux distributions de vivres, et sont auditeurs militaires aux conseils de guerre, sans recevoir de rétribution pour cette dernière fonction.

Dans l’armée de terre, chacune de ces attributions est exercée par une seule personne, tandis que dans la marine elles sont réunies sur la même tête avec la même responsabilité et des appointements infiniment moindres que ceux de chacun des autres. Les écritures que ces agents ont à tenir, sont très considérables ; on peut s’en assurer dans les bureaux de la marine.

Je prie de nouveau la chambre de ne pas désorganiser le service ; le gouvernement fera une enquête sur le changement d’organisation proposé, et s’il est possible de l’espérer, il s’empressera de le faire ; mais jusque-là, pour l’année courante, il est obligé de maintenir l’organisation telle qu’elle a été conçue dans d’autres pays et adoptée en Belgique.

M. Smits. - Je demande la parole pour rectifier une erreur dans laquelle est tombé M. Gendebien. Je n’ai pas dit que la marine française avait un agent comptable pour deux vaisseaux de ligne, mais que j’avais vu dans la marine française des exemples qu’un agent comptable était chargé du service de deux vaisseaux de ligne, dont l’importance est bien supérieure à nos canonnières. Il est très vrai, ainsi que l’a dit M. le commissaire du Roi, qu’ils remplissent les fonctions de capitaine d’habillement, d’intendant, d’auditeur militaire, de fourrier, de sergent-major, et qu’indépendamment ils sont chargés de la distribution des vivres, du matériel du bâtiment et de tout ce qui tient à la composition d’un vaisseau. Leurs occupations sont nombreuses, je le reconnais ; mais cependant je persiste à croire qu’on peut adopter la réduction de cinq mille francs proposée par la section centrale, sans craindre de jeter aucune perturbation dans le service.

M. Gendebien. - De la rectification que vient de faire l’honorable préopinant, il suivrait qu’il n’est pas vrai de dire qu’en règle générale dans la marine française un agent comptable est chargé du service de deux vaisseaux ; mais qu’on en a vu des exemples. Messieurs, règle générale ou exception, l’exemple n’est pas moins bon à suivre. Quand il s’agit d’économie, les exemples sont toujours bons ; et j’invite la chambre à prendre celui-ci en considération.

On vous a dit ensuite que l’agent comptable remplissait toutes les fonctions à bord du bâtiment. Je demanderai ce que font à bord le capitaine et tous les autres appointés sur les bâtiments, sans parler des cookes, dont les fonctions sont très utiles, mais qui ne peuvent pas remplacer l’agent comptable ; il y a de six à sept appointés sur un bâtiment, indépendamment du capitaine ; et, à moins de condamner tous ces jeunes gens à l’inaction, il est impossible de prétendre qu’on ne peut trouver à bord personne capable de remplir les fonctions de l’agent comptable.

Si on donne un autre titre à la personne qu’on chargerait de ces fonctions, comme l’entend M. le commissaire du Roi, il faudrait toujours payer ; mais prenez une des personnes que déjà vous payez sur le bâtiment, soit un enseigne, un aspirant de première ou de seconde classe, voire même le maître d’équipage, vous trouverez l’office rempli sans un sou de plus de traitement.

Il est impossible que sur un bâtiment de guerre on ne trouve pas sur 53 hommes une personne capable de tenir une malheureuse comptabilité pour 52 individus. Véritablement, il faut s’obstiner à croupir dans l’ornière précédemment tracée et vouloir s’opposer à tout redressement d’abus, pour ne pas adopter ma proposition.

Si un agent pouvait être nécessaire pour chaque vaisseau, ce ne serait que pour autant qu’il irait en pleine mer.

Si un jour notre marine doit faire des courses lointaines, ce n’est pas avec ces coquilles de noix qu’on les fera, avec ces bâtiments qui ne peuvent être utiles que sur les côtes pour aider la douane à empêcher la fraude. je ne pense pas qu’on en expédie jamais au loin. Ainsi, en allouant la moitié de la somme, le gouvernement pourra conserver six agents, ce qui est un nombre suffisant pour assurer le service, et j’espère que l’année prochaine, convaincu de l’inutilité de ces agents, il les fera disparaître tout à fait.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je prendrai acte de la rectification de M. Smits. La première fois, il s’était servi d’expressions telles qu’on aurait pu conclure qu’en général il était admis dans la marine française qu’un agent comptable était en même temps chargé du service de plusieurs bâtiments. J’ai cru pouvoir nier le principe comme principe absolu. L’honorable orateur a rectifié son allégation en disant qu’il avait vu la chose. Mais d’une expérience faite accidentellement, d’un cas particulier, vouloir induire un principe général, c’est aller trop loin. C’est là pourtant qu’on voudrait conduire la chambre par le vote qu’on lui propose.

L’honorable M. Smits, en parlant des attributions des agents comptables, vous a parfaitement développé ma pensée ; il vous a énuméré les divers officiers dont les attributions sont toutes réunies sur l’agent comptable qui n’a pas seulement, comme on l’a prétendu, une comptabilité moindre que celle d’un sergent-major à tenir.

Messieurs, je dois en terminant revenir une dernière fois sur la nécessité de maintenir l’organisation telle qu’elle a été conçue, jusqu’à ce qu’on ait pu faire une enquête sur l’utilité qu’il y aurait à la modifier. Si des changements utiles peuvent être opérés, le gouvernement les fera ; il en prend l’engagement. Il s’entourera de tous les renseignements nécessaires.

La chambre ne peut pas exiger que le gouvernement improvise tout à coup une autre organisation de la marine militaire. Toutes les observations seront examinées, une commission d’enquête sera établie et si les objections se trouvent fondées, quand toutes les vérifications nécessaires auront eu lieu, le gouvernement y fera droit ; mais il n’improvisera pas au hasard un nouveau système. Si au contraire après vérification faite, les objections ne se trouvent pas fondées, il rendra compte de ses investigations, et ce sera en connaissance de cause qu’il demandera à la chambre de sanctionner le système qu’il a adopté.

M. Donny. - Messieurs, je serai très bref. La section centrale et le gouvernement sont en dissidence sur trois points : le crédit demandé pour les pilotes-lamaneurs, celui demandé pour les agents comptables, et enfin pour le placement de 12 aspirants de seconde classe sur les bâtiments de l’Etat.

Quant aux pilotes, M. le commissaire du Roi vient d’assurer que malgré toutes les économies introduites, ou a dû employer la totalité de la somme de 9 mille francs accordée l’année dernière pour ce service. Ce calcul n’est pas éloigné de celui fait par M. Smits ; la différence n’est que de 1,500 fr. ; j’admettrai le crédit.

Pour les agents comptables, je crois aussi qu’il y a une grande économie à introduire dans cette partie du service, du moins aussi longtemps que les bâtiments agglomérés resteront dans l’Escaut. Cependant, je n’oserais pas prendre sur moi d’improviser de suite un service nouveau, ce qui résulterait de la suppression totale ou partielle de ces agents.

Ce que nous votons n’est qu’un crédit, et le devoir du gouvernement est de ne l’employer qu’autant que la nécessité s’en fera indispensablement sentir. Je me contente donc de l’engagement qu’il a pris de faire cette économie dès qu’il en trouverait la possibilité, me réservant de revenir l’année prochaine sur ce point, et de solliciter une économie en plus grande connaissance de cause.

Quant aux aspirants, je n’en veux en aucune manière ; je partage l’avis qu’une école spéciale de marine, où tout le monde pourra être admis, et non pas seulement quelques privilégiés, est préférable à la mesure qu’on veut proposer.

Il faut, dit M. le commissaire du Roi, que les élèves soient dressés à des manœuvres de force. J’en conviens, mais est-il nécessaire pour cela de créer une nouvelle classe d’aspirants ? Je ne le pense pas : prenez une des canonnières qui sont dans l’Escaut, un brigantin de l’Etat, qui sont pour ainsi dire sans emploi, et consacrez-les aux manœuvres dont on a besoin ; de cette manière l’instruction sera donnée, non à douze privilégiés, mais à tous ceux qui voudront en profiter.

Le résultat de mon opinion me ramène au chiffre de la section centrale, qu’elle a fixé à 338,714 francs ; voici comment je fais mes calculs. Le crédit primitivement demandé était de 355,054 fr. ; le gouvernement consent à une réduction de 2,360 fr., reste 352,694 fr. D’après M. le commissaire du Roi, on a dépensé l’année dernière pour le pilotage 9,000 fr. ; je retranche 1,000 fr. des 10,000 demandés pour cet objet, ainsi que les 11,340 fr. pour les aspirants ; il ne me reste plus qu’une différence de 1,640 fr. avec le chiffre de la section centrale, c’est-à-dire un demi pour cent sur le crédit total. Le gouvernement pourra bien, sans entraver le service, faire cette petite économie. Je voterai donc pour le maintien du chiffre de la section centrale.

M. le président. - La section centrale propose une réduction de 16,340 fr., et M. Gendebien en propose une autre de 7,560.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Il m’importe de connaître la volonté de la chambre ; je désirerais que les diverses réductions que propose la commission fussent mises aux voix par division ; de cette façon le gouvernement connaîtra d’une manière certaine la volonté de la chambre.

M. le président. - La première réduction proposée par la section centrale est de 5 mille francs ; cette réduction s’applique aux pilotes lamaneurs.

- Adopté.

Seconde réduction : 11,340 fr. pour 12 aspirants de deuxième classe.

- Adopté.

M. le président. - M. Gendebien propose une autre réduction de 7,560, moitié des 15,120 fr. demandés pour les 12 agents comptables.

- Cette réduction est rejetée.

Le chiffre total de 338,714 fr., proposé par la section centrale, est adopté.

Article 2

« Art. 2. Bâtiments de guerre, matériel : fr. 322,996 85 c. »

M. le président. - La section centrale a attendu pour proposer un chiffre des explications sur l’adjudication de divers marchés.

M. le commissaire du Roi a la parole pour donner ces explications.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le ministre a la satisfaction de pouvoir annoncer à la chambre que l’adjudication des vivres qui a eu lieu le 7 décembre a offert un rabais de six pour cent sur les prix accordés pour 1833.

L’adjudication de la viande fraîche présente la même diminution ; quant au pain, la ration ne coûte que 1/4 de centime moins que l’année dernière : le taux favorable auquel ce marché a été conclu pour 1833, 12 1/2 centimes les 75 décagrammes, ne permettait pas une diminution plus grande.

En conséquence, le ministre propose de déduire 5 p. c. de la valeur des vivres, qui s’élève à 245,000 fr. Le chiffre total de cet article serait alors 311,000 francs, qui est le terme moyen entre les propositions faites par les sections ; car l’une a proposé de fixer le chiffre à 310,000 francs et l’autre à 312,000 francs.

M. Legrelle. - Messieurs, je vous avoue que je ne suis pas entièrement satisfait de ces explications. A l’époque de l’une de ces adjudications, des adjudicataires m’ont dit qu’au lieu d’un franc, ils avaient eu l’adjudication à 74 1/2 centimes, ce qui fait une réduction de 28 1/2 p.c. sur l’adjudication de l’année dernière. M. le commissaire du Roi ne nous parle que d’une diminution de 10 centimes par franc : il y a là une différence notable ; je voudrais savoir comment il se fait que les assertions de M. le commissaire du Roi ne s’accordent pas avec celles de l’adjudicataire, qui m’a dit avoir obtenu l’adjudication à 28 1/2 p. c. au-dessous du prix de l’année dernière et y trouver encore son compte. Je demande à M. le commissaire du Roi s’il y a eu des adjudications à 71 1/2 cent.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Je n’ai pas sous les yeux tous les détails de l’adjudication. Je ne pensais pas que je dusse produire à la chambre des actes authentiques. Si le préopinant insiste, quelque insolite que ce soit, je les apporterai. Je pense que, d’après les adjudications publiques, je peux consentir à une réduction de 5 p. c. Quant aux propos d’adjudicataires qui ont été rapportés, je ne sais pas jusqu’à quel point ils sont fondés. Je regrette que M. Legrelle ne m’en ait pas parlé d’abord ; j’aurais pu lui donner des explications. Je dois m’en tenir aux actes authentiques, à moins qu’on ne vienne révoquer en doute leur sincérité.

M. Verdussen. - Indépendamment de la réduction consentie par M. le ministre, il y en aurait une autre à opérer. Cette réduction résulte de la suppression des 12 aspirants de seconde classe que vous venez de voter. Elle serait de 4 mille francs. Le chiffre se trouverait réduit à 307 mille francs.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - L’observation est juste.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le chiffre de 307 mille francs.

M. Legrelle. - Je regrette de ne pouvoir voter ce crédit, n’ayant pas eu l’explication que je demandais.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Voici une explication que je puis donner ; il me faudrait avoir les actes authentiques pour en donner d’autres. La viande fraîche coûte 50 centimes de moins ; mais la viande salée en coûte 15 de plus. Voilà ce qui peut expliquer la singularité que signale le préopinant.

M. Legrelle. - C’est bien !

Le chiffre de 307,000 fr. est mis aux voix et adopté.

Chapitre III. Magasins de la marine

Article unique

« Art. unique. Magasin de la marine : fr. 10,600 »

- Adopté.

Chapitre IV. Constructions de la marine

Article unique

(Moniteur belge n°17, du 17 janvier 1834)

« Art. unique. Constructions de la marine : fr. 300,000. »

M. le président. - La section centrale propose l’ajournement.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - Le gouvernement consent à l’ajournement sans rien préjuger en principe.

M. de Foere. - Je demande la parole.

Messieurs, je commencerai par exprimer mon étonnement de voir le gouvernement abandonner une proposition à laquelle se rattachent des intérêts importants, la prospérité de notre commerce et de notre industrie, et cela sans nous faire connaître les motifs de sa détermination. Mon étonnement est d’autant plus grand que je ne puis lui supposer d’autre motif que la crainte de ne pas voir sa proposition appuyée, parce que la majorité des sections l’avait repoussée. S’il avait persisté, nous aurions du moins connu les motifs qu’opposaient les sections.

Dans ces circonstances, je crois devoir faire la proposition mienne ; et je suis persuadé que si la chambre ne l’accueille pas dans cette session, la force des choses, le besoin de notre commerce et de notre industrie, l’amèneront d’ici à l’année prochaine à en reconnaître l’indispensable nécessité.

Il faut ne tenir aucun compte de l’expérience de toutes les nations maritimes, pour ne pas voter de fonds pour des constructions de vaisseaux destinés à protéger dans les mers lointaines, notre navigation marchande. Je ne parlerai pas des nations qui sont en dehors des proportions de la Belgique, telles que la France, l’Angleterre et la Russie ; mais quand d’autres puissances, bien inférieures à la Belgique en richesses et en ressources, les Deux-Siciles, la Sardaigne, le Portugal et la Hollande, font, sans hésitation, des dépenses annuelles considérables pour entretenir une flotte qui assure protection à leur marine marchande, je ne conçois pas que la Belgique néglige, d’une manière absolue, un service aussi important.

Comment pouvez-vous espérer, messieurs, donner à votre industrie et à votre commerce tout le développement et l’activité dont ils sont susceptibles, si vous n’exportez pas les produits de notre industrie agricole et manufacturière ? Ces exportations, vous ne pouvez les faire que par une navigation marchande, et votre marine marchande ne pourra naviguer avec sécurité, si vous n’avez une flottille pour la protéger.

Quelques membres de la chambre espèrent trouver cette protection auprès des escadres des puissances amies de la Belgique. Messieurs, si vous pouviez nourri un semblable espoir, vous sauriez à quel prix vous achèteriez cette protection. Les nations qui vous l’accorderaient, vous demanderaient en compensation, dans les traités de commerce, des concessions plus onéreuses pour vous que les dépenses annuelles que vous coûterait l’entretien d’une flotte ; ou bien elles vous demanderaient une indemnité qui réponde à ces dépenses.

Si nous accordons une indemnité, voici ce qui en résultera : elle sera employée aux dépens de notre fabrication, et par conséquent de nos ouvriers ; nous ne pourrons employer nos matières premières, nos bois, nos lins, nos fers, nos cordages, et tout ce qui entre dans la construction des navires ; ce sera une prime que nous accorderons au commerce et à la fabrication étrangère. Je vous le demande, messieurs, irez-vous à ce prix mendier une protection ?

D’autres membres vous ont cité deux villes qui n’entretiennent pas de flotte militaire. Mais ici la comparaison n’est pas bien établie. En premier lieu, le pavillon de ces villes ne flotte que sur les côtes d’Angleterre, de France ou d’Espagne ; elles n’ont pas besoin de flottille pour les protéger. En second lieu, ces deux villes anséatiques n’ont pas de produits d’exportation, tandis que nous en avons en masse ; et notre agriculture et nos manufactures ne pourront se soutenir, si une marine marchande ne leur ouvre pas des débouchés.

Les dépenses qu’exigerait la création d’une marine militaire, ont effrayé quelques autres membres. J’aime à croire qu’ils se les exagèrent et qu’ils perdent de vue les compensations qui doivent en résulter par l’extension que recevraient notre commerce et notre industrie. Je ne demande d’ailleurs d’affecter à ce service qu’une somme de 300 mille francs, et d’y consacrer chaque année une somme égale, jusqu’à ce que la Belgique ait une marine suffisante pour protéger son commerce. Si vous ajournez cette dépense, vous arriverez à un résultat contraire à celui que vous voulez atteindre ; car, lorsque vous voudrez établir une marine, les dépenses que vous serez obligés de faire en masse vous seront, sous tous les rapports, plus onéreuses que si vous les aviez faites partiellement.

Je persiste dans ma proposition.

M. le président. - M. de Foere faisant sienne la proposition du gouvernement, je vais la mettre aux voix.

« Article unique. Construction de la marine : fr. 300,000. »

M. A. Rodenbach. - Je demande la parole.

Messieurs, il me semble qu’avant de discuter s’il y a lieu de voter des fonds pour les constructions de la marine, la chambre devrait s’entourer de toutes les lumières, consulter la commission d’industrie, les chambres de commerce, les armateurs du royaume, pour connaître leur opinion sur la question de savoir si nous avons besoin d’une marine militaire. Je crois que ce principe n’a pas été discuté encore.

Nous avons, il est vrai, quelques bâtiments, mais on ne peut pas considérer cela comme une marine militaire. Il faut avant tout discuter le principe, et nous ne pourrons le faire que quand nous aurons été chercher les renseignements dont nous avons besoin aux sources que je viens d’indiquer.

Le préopinant a parlé de sommes immenses, de conditions onéreuses que nous serions obligés de consentir vis-à-vis des puissances sous la protection desquelles nous nous placerions, si nous renoncions à créer une marine pour protéger notre commerce. Je ne vois pas que nous risquerions beaucoup, avant de nous jeter dans les dépenses qu’exigerait la création d’une marine, de tenter ce moyen. Nous ferons nos conditions, nous verrons celles qu’on nous proposera, et nous pourrons ainsi juger que est le système le plus avantageux ou le moins onéreux au pays.

Je crois en avoir dit assez pour motiver l’ajournement jusqu’à ce que nous connaissions l’opinion des armateurs, des commissions d’industrie et des chambres de commerce, et que le gouvernement ait tenté de faire des traités.

M. Gendebien. - L’assemblée paraît décidée à n’accorder aucune allocation pour les constructions de la marine, et le gouvernement paraît mettre au moins autant d’empressement à abandonner sa proposition que la chambre à la repousser. Je n’insisterai pas sur la question de savoir s’il faut ou non allouer le crédit. Je n’ai pris la parole que pour répudier en ce qui me concerne la responsabilité qui pèsera sur le gouvernement et sur la chambre, du chef de cette espèce d’insouciance pour la création d’une marine. Il y a, à cet égard, de graves reproches à adresser au gouvernement.

Pourquoi le gouvernement recule-t-il devant l’allocation qu’il avait demandée, et pourquoi l’assemblée paraît-elle décidée à rejeter toute demande ?

Messieurs, si la chambre est décidée à rejeter toute demande, c’est parce que nous n’avons pas les renseignements dont parle M. Rodenbach. Cependant on avait le temps de réunir ces renseignements depuis deux ans, et de nous mettre à même de décider si le pays avait assez de richesses, était capable de faire assez de sacrifices pour créer une marine, et si les bénéfices qui en résulteraient pourraient compenser les dépenses à faire ; si enfin, il n’en coûterait pas plus cher un jour pour nous faire protéger par la marine de nos voisins, sans compter ce que cette protection peut avoir d’humiliant pour le pays.

Quant au dernier point, quoique je sache que le gouvernement est peu jaloux de la dignité du pays, je ne puis lui supposer l’arrière-pensée de nous soumettre indéfiniment à la protection de nos voisins, surtout quand il s’agit de la prospérité du commerce, de l’industrie et de l’agriculture du pays. Vous ne pouvez pas penser qu’il puisse en coûter moins cher à mendier la protection de la France, de l’Angleterre et des autres puissances, qu’à protéger nous-mêmes notre commerce et notre industrie.

En effet, est-ce que ces nations, qui entretiennent à grands frais une marine militaire consacrée à la protection du commerce, ne font pas elles-mêmes de commerce et n’ont pas d’industrie ? Ne savez-vous pas que depuis longtemps la différence de 1 et 2 p. c. suffit pour exclure d’un marché telle nation qui ne peut pas entrer en concurrence avec telle autre ? Et vous allez mettre le commerce de la Belgique à la merci de nos voisins !

Ne savez-vous pas que le commerce est le principal objet de toutes les guerres qui se font maintenant ? Avez-vous oublié que l’Angleterre, pour établir son commerce, a fait la guerre pendant près d’un siècle ? A l’avenir, il se fera moins de guerre de conquêtes que de guerre de commerce et d’industrie. Les guerres commerciales seront une nécessité, comme l’étaient autrefois les guerres de conservation.

Si vous vous étiez occupés des intérêts matériels du pays, vous auriez pris des renseignements, vous vous seriez entourés de toutes les lumières et vous ne seriez pas réduits à ne pas oser aborder la question à défaut de renseignements.

Quelque peu de faveur qu’on ait accordé à M. de Foere, je déclare partager son opinion et je le remercie publiquement d’avoir donné l’éveil au gouvernement sur l’intérêt du pays et la nécessité de songer à notre marine.

L’honorable membre vous a cité plusieurs nations moins riches que nous qui entretiennent des flottes militaires, et notamment la Hollande, qu’on nous représente constamment comme écrasée sous le poids d’un pied de guerre disproportionné avec ses ressources. Et bien ! les chantiers de la Hollande son plus actifs que jamais. J’ai vu, il y a six semaines, le tableau de la marine hollandaise ; jamais elle n’eût plus de bâtiments en construction qu’en ce moment ; et cependant elle a déjà une flotte très considérable.

Messieurs, y aurait-il encore, dans la conduite du gouvernement, quelque pensée secrète ? Lui aurait-on interdit la faculté de construire des bâtiments de guerre ? La jalousie de l’Angleterre aurait-elle quelque appréhension de voir s’établir un noyau de marine dans l’Escaut ? A part ces idées, j’en reviens au protectorat qu’on nous propose d’acheter.

N’est-il pas vraiment déraisonnable de compter sur une protection sincère de la part de ses amis, alors que, pour vous donner cette protection, ils seraient obligés de sacrifier en partie le commerce qu’ils font eux-mêmes sur les marchés étrangers ? Ne comptez sur la protection de personne ; on ne nous protège qu’à cause de notre position topographique, parce qu’on a intérêt à ne pas voir occuper notre pays par des puissances que cette occupation rendrait plus menaçantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Quand il s’agira de notre commerce, vous verrez cette protection cesser. Qu’avons-nous en effet obtenu jusqu’à présent de la France, dont nous avons imité la révolution et à qui nous servons d’avant-garde contre les étrangers ?

Les commissaires qui y ont été, et ceux qui doivent y retourner pour tâcher de faire des traités de commerce, vous diront que nous n’avons aucun espoir d’obtenir une modification de son tarif de douanes ; cependant nous avons des compensations à lui offrir : mais la France préfère se nuire à elle-même que de rien faire qui nous soit avantageux. Et vous espérez que devant de son système, elle vous accordera la protection de ses bâtiments à bon marché ? Elle vous la donnera au plus haut prix possible, de façon que nous n’arrivions pas en concurrence avec les produits de son industrie sur les marchés qu’elle fournit.

Elle aura raison ; en sa place nous en ferions autant, et bien sots nous serions de ne pas le faire. Si je pensais pouvoir obtenir un résultat, non seulement j’appuierais le crédit demandé, mais je proposerais de l’augmenter.

J’attendrai, pour fixer un chiffre qu’on ait réuni tous les renseignements nécessaires pour que nous puissions délibérer sur cette question en connaissance de cause.

Il reste cependant de ce que j’ai dit, que nous ne devons pas nous reposer sur la protection de nos voisins.

M. Nothomb, commissaire du Roi. - On a reproché au gouvernement d’être tombé en contradiction en proposant d’abord et en retirant ensuite l’allocation relative aux constructions de la marine. Le même orateur a supposé aussi je ne sais quelle pensée secrète, je ne sais quelle injonction qui serait émanée de quelque haute puissance jalouse de la prospérité de la Belgique

Messieurs, le ministère n’a eu aucune pensée secrète, et n’est tombé dans aucune contradiction. Il suffit pour le prouver de rappeler ce qui s’est passé.

Le projet primitif du budget des voies et moyens avait été base sur un système de dépenses beaucoup plus étendu et entre autres dans l’hypothèse qu’une somme de 300 mille fr. serait consacrée à des constructions nouvelles.

Le ministère a eu soin de vous dire dans la discussion du budget des voies et moyens qu’entre autres motifs qui le faisaient consentir aux réductions proposées étaient le dessin qu’il avait de retirer encore pour cette année la proposition d’affecter 300 mille francs aux constructions de la marine, et en agissant ainsi, il se conformait à l’opinion des sections qui avait été unanime pour demander l’ajournement de cette dépense.

Quant au reproche d’insouciance sur l’honneur national et sur les moyens de nous assurer une protection efficace à l’étranger, ces reproches s’ils sont réels, ne s’adressent pas au ministère seul. Le ministère s’est parfaitement entendu avec la chambre. Lorsque la chambre a proposé l’ajournement de la dépense, le ministère, en consentant à cet ajournement, a toujours eu soin d’ajouter qu’il ne préjugeait rien en principe. L’unanimité des sections a été telle pour proposer cet ajournement, qu’on n’a pas même demandé de faire une enquête ; c’est aujourd’hui la première fois qu’on demande de réunir des renseignements sur cette question importante.

Le ministère prendra les renseignements qu’on lui demande aujourd’hui pour la première fois, et s’il en est besoin, il fera une enquête.

M. le président. - La parole est à M. Smits.

M. Smits. - J’avais demandé la parole pour traiter la question au fond : mais d’après l’engagement que vient de prendre le ministère, je crois inutile de prendre la parole quant à présent.

M. Dumortier. - Messieurs, je pense que l’allocation qu’on vous propose est inopportune. Je vais vous en donner les motifs.

Mon intention n’est pas d’examiner s’il est plus avantageux de créer une marine militaire pour protéger notre commerce, que de prendre un abonnement près des puissances étrangères pour nous faire protéger par elles. Je ne ferai qu’une réflexion bien courte, c’est que, dans l’état actuel des choses, ce serait l’imprudence la plus grave que de prétendre créer une marine militaire.

Nous nous trouvons en guerre avec la Hollande ; il y a une trêve, c’est vrai ; mais la guerre peut recommencer d’un jour à l’autre : la Hollande a une flotte considérable, dix ou douze vaisseaux de ligne, une trentaine de frégates et beaucoup d’autres bâtiments de moindre dimension ; enfin, c’est la quatrième flotte de l’Europe.

Si nous avions la malencontreuse idée de construire une marine militaire, au premier coup de canon tiré entre nous et la Hollande, nos constructions tomberont au pouvoir de cette puissance. Laissez la question entière, jusqu’à ce que nous soyons reconnus par la Hollande ; alors, je serai le premier à appuyer la création d’une marine militaire pour protéger notre marine marchande ; j’adhère à ce qu’ont dit à cet égard mes honorables collègues MM. Gendebien et de Foere ; mais je ne pense pas que pour le moment leurs observations puissent recevoir d’application. Aussi longtemps que nous serons en guerre avec la Hollande, il est impossible que nous exécutions ce projet, à moins que nous ne voulions qu’au premier coup de canon, comme je le disais tout à l’heure, les navires belges aillent augmenter la marine hollandaise.

Quant à l’enquête sur l’utilité de la création d’une marine militaire, je la crois sans objet tant que l’impossibilité existe.

Je regrette de me trouver en cette circonstance en opposition avec des honorable collègues avec lesquels j’ai l’habitude de me trouver d’accord. La question reste donc entière à cet égard.

Il est un autre point sur lequel je dois appeler l’attention de la chambre.

L’Etat doit deux sortes de protection à la marine marchande : l’une par la création d’une marine militaire, qui la mette à l’abri des agressions ; nous avons démontré que celle-là était impossible ; l’autre par des encouragements.

Si je viens de reconnaître que le gouvernement a été dans l’impossibilité de créer une marine militaire, je dis dire qu’il n’a rien fait pour encourager la marine marchande. Je demanderai au ministère les mesures qu’il a prises pour empêcher le départ de nos vaisseaux marchands qui vont naviguer sous pavillon hollandais. Sous ce rapport je ne suis pas satisfait : je vois avec douleur que le gouvernement n’ait pas porté ses soins sur un fait d’une aussi haute importance. Ce n’est pas par la création d’une marine militaire que vous augmenterez la richesse et la prospérité du pays, mais en encourageant la création d’une marine marchande, en empêchant les navires construits dans nos ports de les déserter pour aller dans les ports de la Hollande.

Le roi Guillaume fait chaque jour de nouveaux efforts pour attirer nos vaisseaux, et ces efforts sont couronnés de succès, tandis que chez nous le gouvernement ne fait rien pour empêcher une chose qui doit avoir les conséquences les plus graves pour notre industrie.

Je prie M. le commissaire du Roi de nous dire quelles sont les mesures que le gouvernement a prises ou doit prendre à l’égard du fait que je viens de signaler.

M. Angillis. - Messieurs, j’ai peu de chose à ajouter à ce que vient de dire M. Dumortier. Comme lui je dirai que, dans l’état actuel des choses, la guerre étant toujours dans le secret de la diplomatie, et ce secret étant sans cesse sur le point de lui échapper, il n’est pas prudent de nous occuper de constructions maritimes ; car, comme on l’a très bien dit, au premier coup de canon nos vaisseaux nous seraient enlevés, et nous en serions pour nos millions, sans avoir pu tirer aucune utilité de nos constructions. Nous sommes dans la nécessité d’ajourner tout projet de création de marine militaire.

On a parlé de la Hollande, qui, avec moins de richesse et une population inférieure à la nôtre, entretient une flotte militaire. Cela est vrai, mais on a oublié que la Hollande, a la plus belle colonie du monde, grâce à l’administration belge et aux sommes immenses que nous avons payées pour l’amener à ce point de prospérité. La Hollande en outre a déjà une marine considérable dont nous avons au moins payé la moitié, et qu’elle n’a plus qu’à entretenir. Quant au Danemark et à la Suède, ce sont deux vieilles puissances qui ont dû, à cause de leurs colonies, entretenir des flottes ; et quant aux royaumes de Naples et de Sardaigne, malgré leurs flottes, ils ont constamment été obligés de payer des sommes énormes aux deys de Tunis et d’Alger pour se soustraire à la piraterie ; l’analogie qu’on a voulu établir n’existe donc pas. Pour ne pas prolonger davantage la discussion, je dirai que nous sommes dans une situation d’attente et que nous verrons plus tard.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs on vient de demander ce que faisait le gouvernement pour la marine marchande et quelle espèce d’encouragement il lui donne. L’honorable membre qui nous a adressé cette question sera à même de savoir ce que fait le gouvernement pour la marine marchande et même de l’aider à l’encourager, lorsqu’on discutera le budget du ministère de l’intérieur.

Une allocation, assez faible il est vrai, de 300 mille francs, a été demandée pour encourager le commerce et l’industrie ; la moitié est destinée à encourager la marine marchande. Je ne doute pas que M. Dumortier, dont l’appui manque quelquefois au ministère, voudra bien se joindre à nous pour assurer des encouragements à la marine marchande, à laquelle il porte un intérêt que partage le gouvernement.

M. Gendebien. - Messieurs, par une tactique adroite, M. le commissaire du Roi a voulu faire retomber sur la chambre un reproche qui ne s’adressait qu’au ministère. Le reproche tombait sur le défaut de renseignements. C’était à cause de ce défaut de renseignements que, dans les sections, on aurait reculé devant toute allocation quelconque. On trouvait la somme insuffisante, si la dépense était utile, et on ne savait pas jusqu’où on s’engageait. Mes reproches étaient donc tout entiers pour le ministère et nullement pour la chambre.

J’ai entendu avec peine dire que le moment n’était pas venu de nous occuper de la création d’une marine marchande ; que, dans les circonstances où nous nous trouvions, au premier coup de canon, notre marine militaire, si nous en formions une, disparaîtrait comme par enchantement.

Je ne pense pas que nous devions nous préoccuper des chances aussi fâcheuses. D’ailleurs, je ne comprends pas comment les Hollandais pourraient venir jusque dans les bassins d’Anvers enlever ou détruire, soit une petite flottille, soit les bâtiments qui seraient en construction. Je ne comprends pas comment ils pourraient remonter le Rupel pour s’emparer de ceux qui se seraient réfugiés à Termonde. Vous vous rappelez qu’en 1814 les navires français qui ne purent pas entrer à Anvers remontèrent le Rupel et se refugièrent à Termonde.

Je m’arrêterai d’autant moins à ces inquiétudes que je n’y vois pas de terme. S’il fallait attendre que nous fussions reconnus par Guillaume pour faire des constructions maritimes, pour songer à faire le premières dépenses, cela nous mènerait à une époque trop éloignée. Si on pouvait créer une marine en six mois, je dirais : attendons ; mais la création d’une marine est une affaire de 25 ans. Il faut commencer, je ne dis pas à construire des vaisseaux, mais les dépenses préparatoires ; car vous aurez à peine dans deux ans un premier bâtiment capable de prendre la mer.

Quant à la nécessité d’une enquête, je ne comprends pas comment le préopinant a pu la considérer comme inutile. Cette question doit être résolue le plus tôt possible. Je ne vois pas pourquoi on l’ajournerait, puisque sa solution doit amener la ruine ou la prospérité de notre commerce et de notre industrie.

On avait cité d’autres puissances moins considérables que la Belgique qui entretenaient des flottes ; on a répondu que c’étaient de vieilles puissances. Messieurs, il me semble que c’est précisément parce que nous sommes une jeune puissance, que nous ne nous sommes pas encore occupés de notre marine, que nous devons commencer à le faire le plus tôt possible, afin de sortir au plus tôt de l’enfance. Hâtons-nous donc de faire les premières dépenses, notre enfance ne durera encore que trop longtemps.

D’après ces considérations, j’appuie la proposition de M. de Foere, quoique je trouve le chiffre insuffisant, pour engager le ministère à réunir toutes les lumières afin de résoudre la question. Il vous faudra au moins 10 ans pour avoir un commencement de marine ; si vous décidez la question cette année au lieu de l’ajourner, vous aurez l’avantage d’avoir réduit le terme d’un an.

M. Meeus. - J’ajouterai quelques réflexions à celles qui vous ont été présentées. Je ne contesterai pas le principe ; je reconnais qu’il serait très utile d’avoir une marine militaire, et que plus elle sera forte, meilleure elle sera. Mais, dans la situation actuelle des choses, convient-il de consacrer des sommes considérables pour créer une marine militaire ? Je ne le pense pas, mais je crois qu’il est bon de s’éclairer de toutes les manières et qu’une enquête ne sera pas inutile.

Mais ce que je trouve essentiel, pour se conformer au principe qu’un Etat doit être le plus fort possible et sur terre et sur mer, c’est d’encourager notre marine marchande, car c’est avec la marine marchande que vous formerez votre marine militaire. Ainsi, au lieu d’allouer 300 mille francs pour la construction de bâtiments de guerre, lorsque nous discuterons le budget de l’intérieur, je me propose de demander une augmentation sur le crédit relatif aux encouragements à donner à l’industrie et au commerce, afin de donner à notre marine marchande tous les encouragements possibles ; et quand le jour viendra où vous voudrez voter des millions pour construire des vaisseaux de guerre, vous aurez des hommes propres à monter sur votre flotte et capables de la commander.

- La proposition d’ajournement faite par la section centrale est adoptée.

Chapitre V. Dépenses éventuelles

Article unique

« Art. unique. Dépenses éventuelles : fr. 4,200. »

- Adopté.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères de l'exercice 1834

Dispositions légales

Projet de loi portant le budget du ministère de la marine de l'exercice 1834

Dispositions légales

M. le président. - Il reste à voter sur les articles, sauf le chiffre qui sera déterminé après le vote définitif sur les amendements qui aura lieu samedi.

« Art. 1er. Le budget du ministère des affaires étrangères et de la marine, est fixé à la somme de … fr. »

- Adopté.


« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Ordre des travaux de la chambre

M. le président. - Demain, rapport de la commission des pétitions.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Dans le cas où le rapport des pétitions ne remplirait pas la séance de demain, je demanderai qu’on mette à l’ordre du jour de demain la loi sur le traitement des auditeurs militaires, dont l’urgence est généralement connue. (Oui ! oui !)

M. le président. - Après le rapport des pétitions, s’il y a lieu, la chambre s’occupera de la loi sur le traitement des auditeurs militaires.

- La séance est levée à 4 heures et demie.