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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 5 mars 1834
Sommaire
1) Projet de
loi réglant les pensions de retraite des employés du trésor
2) Projet de
loi provisoire relatif aux droits de barrière. Second vote des articles
3) Rapport de
la commission chargée d’examiner la situation de l’administration du cadastre (Zoude, A. Rodenbach, Thiry, Helias d’Huddeghem, A. Rodenbach, Desmet, Helias d’Huddeghem, de Brouckere,
Thiry, Desmet, Fallon,
de Brouckere, Eloy de Burdinne,
Seron, Thiry, Eloy
de Burdinne, Fallon, Pirson, Thiry, Eloy de Burdinne, Pirson, Helias d’Huddeghem, Zoude, Dumortier, de Brouckere, Fallon, Zoude, Eloy de Burdinne)
4) Projet de
loi portant le budget de la dette publique pour 1834. Discussion générale. Los-renten (d’Huart, de Brouckere, Duvivier, Verdussen, Meeus, Duvivier, Coghen, Dumortier, Coghen, de Brouckere, Dumortier, Meeus, Legrelle,
Meeus, Fallon, de Brouckere, Verdussen, Dumortier), partage de la dette hollando-belge et
société générale (Meeus, Dumortier,
d’Hoffschmidt, Donny, Duvivier), traitements d’attente des anciens
fonctionnaires publics (Duvivier, Dumortier,
Doignon, Dumortier, Doignon), fonds de dépôt (Dumortier)
(Moniteur belge
n°65, du 6 mars 1834 et Moniteur belge n°66, du 7 mars 1834)
(Présidence de M. Raikem)
(Moniteur belge
n°65, du 6 mars 1834) M. Liedts procède à l’appel nominal à midi trois
quarts.
M.
H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la dernière séance,
qui est adopté sans réclamation.
M. Liedts fait connaître l’analyse de plusieurs pétitions adressées à la chambre
; elles sont renvoyées à la commission d’industrie ou à celle des pétitions.
M. le
ministre des finances (M. Duvivier) a
adressé à la chambre le compte spécial d’émission des bons du trésor ; la
chambre en ordonne l’impression.
M. Dumont annonce qu’une indisposition l’empêche d’assister aux séances de la
chambre.
M. Desmanet de Biesme fait savoir que son père est malade, et qu’il est obligé de se rendre
auprès de lui ; il demande un congé.
- Accordé.
PROJET DE LOI REGLANT LES PENSIONS DE RETRAITE DES EMPLOYES DU TRESOR
M. le
ministre des finances (M. Duvivier)
présente un projet de loi réglant les pensions de retraite des employés du trésor
et la réversibilité de ces pensions sur leurs veuves et enfants.
- La chambre donne acte à M. le ministre de la
présentation de ce projet de loi et de l’exposé des motifs ; ils seront
imprimés et distribués. La chambre ordonne le renvoi aux sections.
PROJET DE LOI PROVISOIRE RELATIF AUX DROITS DE BARRIERES
Second vote des articles
Article 3
M.
le président. - L’ordre du jour est d’abord le vote définitif du projet
de loi sur les barrières.
La chambre confirme par son vote l’adoption d’un
paragraphe additionnel à l’article 3 proposé par M. Fallon ; il est ainsi conçu
:
« L’exemption du droit accordée par le § 14 du même
article est applicable aux attelages à vide comme à charge. »
Article 6
L’article 6 proposé par M. de Puydt est adopté
définitivement en ces termes :
« La présente loi cessera ses effets le 1er avril 1835
à minuit. »
Vote sur l’ensemble du projet
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble dé la loi
; en voici le résultat :
Nombre des votants, 56
Majorité absolue, 29
Pour l’adoption, 52
Contre, 3
Un membre s’est abstenu.
Ont répondu oui : MM. Bekaert, Brabant, Brixhe, Davignon,
de Behr, de Brouckere, de Foere, de Laminne, H. Dellafaille, de Man
d’Attenrode, de Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Puydt, C. Vuylsteke, de
Sécus, Desmaisières, Desmet, de Stembier, de Terbecq, d’Hane, d’Hoffschmidt,
d’Huart, Doignon, Donny, Dugniolle, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon,
Fleussu, Helias d’Huddeghem, Jadot, Lardinois, Liedts, Morel-Danheel,
Olislagers, Pirson, Polfvliet, Pollénus, Poschet, Quirini, Raikem, C.
Rodenbach, Schaetzen, Seron, Ullens, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, H.
Vilain XIIII, Vuylsteke, Zoude.
Ont répondu non : MM. Gendebien, A. Rodenbach, Rouppe.
M.
Dumortier s’est abstenu parce qu’il n’a pas
assisté à la discussion.
M.
Zoude. - Messieurs, votre commission a prouvé, dans le rapport qu’elle
a eu l’honneur de vous faire, qu’elle avait été dirigée par des principes de
justice ; j’ajouterai même qu’elle a cédé à l’indulgence lorsque, sur une
augmentation illégale de salaire d’un million de francs, elle s’est bornée à
vous proposer une réduction de 220 mille francs.
En effet vous aurez eu lieu de remarquer que, chaque
fois que la commission a vu l’augmentation d’indemnité justifiée par celle du
travail, elle s’est abstenue de toute observation. C’est ainsi qu’elle n’a
proposé aucune réduction à charge des contrôleurs quoique leur salaire ait été
augmenté de près de 500,000 francs, parce qu’elle a considéré cette classe
d’employés comme la cheville ouvrière de l’administration, et que c’est en
effet sur elle que pèse la plus forte partie du travail et que ce travail
devait être rétribué.
C’est encore ainsi que la commission a laissé passer
sans observation une allocation de près de 130,000 francs en faveur des
inspecteurs pour les baux et parcelles de baux de nouvelle création, parce que
cette allocation était le prix d’un travail nouveau.
Votre commission n’a voulu attaquer que l’abus, la
prodigalité, et elle eût manqué à son devoir, si elle n’était venue les
signaler à la chambre.
C’est ainsi qu’elle appelle toute votre attention sur
l’augmentation d’indemnité par parcelle que l’autorité d’un administrateur a
imposée au trésor.
Cette indemnité qui était déjà regardée comme très
large sous le gouvernement impérial, après avoir reçu un accroissement de près
de 6 p. c. par la conversion des francs en florins, fut augmentée encore de 25
p. c., sans qu’aucune augmentation de travail ait été imposée jusqu’ici aux
inspecteurs. Lorsqu’un pareil accroissement d’indemnité s’applique à près de 5
millions de parcelles, et que dans une seule province, comme par exemple dans
celle de
C’est cette augmentation de 25 p. c. ou 2 cents par
parcelle, que votre commission vous propose d’abord de retrancher ; elle vous
fait cette proposition parce qu’elle refuse à l’administrateur Guerick le droit d’aggraver les charges du trésor suivant
son bon plaisir, et que la profusion dans l’emploi des deniers publics ne peut
jamais être légitimée.
Votre commission encore appelle votre attention sur
une autre gratification allouée aux inspecteurs (je ne puis employer le mot
indemnité qui suppose le prix d’un travail ou la réparation d’un dommage ; je
dis donc une gratification accordée aux inspecteurs) lorsque, restant étrangers
au travail, ils étaient suppléés par les contrôleurs principaux ; et de ce chef
nous vous demandons le retranchement de 20,866 fr. conformément au tableau n°
4, qui nous a été remis par l’administration.
Si l’abus, si la prodigalité se sont fait remarquer
quelque part, c’est ici qu’ils se signalent dans toute leur laideur, et je
n’hésite pas à en appeler à M. l’inspecteur-général lui-même, persuadé qu’il
abdiquera ici sa qualité de défenseur de l’administration et de ses employés et
qu’il renoncera à appuyer une dépense aussi déplacée : et en effet l’ordre et
la sévère économie qu’il fait régner dans ses bureaux ne peuvent lui permettre
de défendre ailleurs ce qu’il ne tolérerait pas chez lui.
C’est bien assez que, suivant la répartition des
indemnités, l’inspecteur soit payé par ligne, par mot, par syllabe, je dirai
même, par chaque lettre que comporte son travail ; qu’il soit rétribué à raison
du nombre des cantons, des communes, des parcelles des propriétés, des baux,
des parcelles contenues dans ces baux, des mutations, etc., sans qu’il faille
encore lui allouer un salaire pour ce qu’il ne fait pas ; et cependant, outre
toutes ces indemnités, les inspecteurs ont encore des traitements et frais de
bureau s’élevant ensemble à 9,000 fr.
D’après ce que je viens de dire, j’attends avec
confiance que M. l’inspecteur nous abandonnera le chiffre de 20,866 fr.
Je demanderai encore à M. le commissaire du Roi qu’il
veuille renoncer à défendre la somme de 202,000 fr. faisant le montant de 2
cents qu’on voudrait allouer libéralement et illégalement aux inspecteurs
provinciaux
S’il s’y refuse, j’espère pouvoir démontrer à la
chambre qu’elle ne peut en accorder l’allocation, parce que ces cents sont le
prix d’un travail qui dans ma manière de voir aurait été utile, mais qui n’a
pas reçu et n’a pu recevoir de commencement d’exécution, et probablement n’en
recevra jamais. Je m’explique : le cadastre, sous Guillaume, avait une haute
portée ; il devait non seulement servir à la répartition de la contribution
foncière, mais encore il aurait été une des bases de la contribution
personnelle, et il devait fournir des éléments à un nouveau système
hypothécaire. A cet effet, messieurs, les inspecteurs devaient remettre aux
receveurs de l’enregistrement une expédition des tableaux indicatifs des
propriétaires, une autre pour les propriétés, et enfin les matrices cadastrales
de toutes les communes.
Au moyen de ces tableaux, les
receveurs auraient été chargés d’opérer eux-mêmes les mutations, et, d’après mes
relations toutes particulières avec un receveur de cette catégorie sous
Guillaume, je crois me rappeler qu’il avait des instructions mystérieuses à cet
égard, et déjà on préparait des rayons pour classer toutes ces pièces.
Eh bien ! messieurs, ce travail
qui était considérable, et devait être fait avec un soin tout particulier,
aurait été rétribué par une part dans l’augmentation survenue depuis 1826, et,
comme c’est le seul motif plausible que l’on puisse supposer à l’allocation des
2 cents, votre commission n’hésite pas à vous en proposer le rejet tout entier.
M.
A. Rodenbach. - Messieurs, j’appuierai la réduction de fr. 225,758-60,
proposée par la commission ; mais je pense que M. le commissaire du Roi voudra
bien nous donner à cet égard quelques explications.
Je lui demanderai avant tout quel droit pouvait avoir
M. Guerick de majorer de 2 cents les émoluments
accordés aux inspecteurs. Il paraît que sous le gouvernement français on
accordait par parcelle une indemnité de 12 centimes ; que le gouvernement
hollandais porta cette indemnité à 6 cents, et que sous son bon plaisir M. Guerick crut devoir l’augmenter de 2 cents, c’est-à-dire,
accorder 8 cents, ce qui fait, pour messieurs le les inspecteurs cadastraux,
des cadeaux d’environ 20,000 fr. Outre ces chères épices administratives, il
était encore accordé à ces messieurs des frais pour des tournées qu’ils ne
faisaient souvent pas ; car ils étaient souvent suppléés par des contrôleurs
principaux, et ces frais s’élevaient encore à 21,000 fr. Comme ce sont les
contribuables qui paient, je voudrais bien savoir de quel droit on peut venir
leur imposer des dépenses de cette nature.
M. Guerick
n’avait pas, que je sache, reçu de mandat pour faire une pareille augmentation
; il faudra donc que M. l’administrateur du cadastre nous explique clairement
en vertu de quelle loi cette extension a pu avoir lieu.
Il paraît,
messieurs, qu’un inspecteur cadastral est grassement payé. Un inspecteur de
l’enregistrement reçoit un traitement de 6,500 fr, et sur le pied actuel un
inspecteur du cadastre reçoit au moins 3 fois plus. C’est un abus scandaleux
qu’il est urgent de faire cesser, surtout quand il n’est pas nécessaire d’avoir
plus de talents pour être inspecteur du cadastre que pour être inspecteur de
l’enregistrement. Cependant, il est accordé aux premiers, pour cents sur les
parcelles du cadastre, environ 14,000 fr. ; ils ont pour frais de bureau 4,000
fr., et jouissent outre cela d’une remise de 6 cents pour ventilation de baux,
6,000 fr., ce qui porte à environ 20 ou 25,000 fr. de rentes le traitement dont
jouissent MM. les inspecteurs.
M. Thiry, commissaire du Roi. -
Messieurs, la question qui nous occupe est celle de savoir si l’indemnité de 8
cents par parcelle allouée aux inspecteurs provinciaux a été fixée légalement.
L’affirmative n’est pas douteuse.
Sous le gouvernement français, toutes les indemnités
relatives aux travaux du cadastre étaient réglées par le ministre des finances.
Il en a été de même sous le gouvernement hollandais, jusqu’à l’époque où le
cadastre est passé sous l’administration du directeur-général des contributions
et des postes. Alors est intervenu un arrêté royal en date du 23 février 1820,
n°6, qui l’autorisait à fixer les indemnités de tous les agents du cadastre ;
et c’est en vertu de cette autorisation que, par un règlement du 4 mars 1826,
l’administrateur du cadastre a porté à 8 cents l’indemnité variable des
inspecteurs provinciaux. Cet administrateur, ainsi que le directeur-général
auquel il avait succédé, soumettait ses propositions directement au Roi.
L’indemnité dont il s’agit étant légalement établie,
je pourrais borner là mes observations sur ce qui a été dit sur ce sujet. Mais
l’augmentation de 2 cents par parcelle a été nécessitée par les nouvelles
charges imposées aux inspecteurs provinciaux.
Déjà sous l’ancien système cadastral, où les travaux
étaient moins considérables qu’aujourd’hui, on avait reconnu l’insuffisance des
12 centimes par parcelle. Aussi, en France, où les opérations ont été
continuées sur l’ancien pied, l’indemnité a été portée à 14 centimes. La
différence de 3 centimes en plus, qui résulte du taux actuel, se trouve
parfaitement justifiée, d’abord par l’accroissement de travail qui est indiqué
dans le tableau remis à la commission du cadastre, et où sont énumérées les
différentes pièces qui doivent être confectionnées pour la rétribution de 8
cents ; ensuite parce que les inspecteurs provinciaux du cadastre, lorsqu’ils
ont été investis des fonctions attribuées aux anciens directeurs, n’ont reçu de
ce chef aucune augmentation de traitement. Enfin une dernière circonstance, qui
motiverait à elle seule l’augmentation qui a été accordée, c’est l’accélération
exigée dans les opérations cadastrales. Précédemment on ne les exécutait que
dans un canton par an, tandis que depuis 1826 il a fallu les effectuer dans
quatre à cinq cantons, et que, pendant la dernière année, on a à faire les
application de tarifs pour toutes les communes de la province. Cette marche
entraîne à des dépenses extraordinaires, en obligeant de réunir un grand nombre
d’employés à la fois.
Il y a d’ailleurs ici droit acquis
aux inspecteurs. Les paiements ont eu lieu sur le taux de 8 cents, après
vérification à la cour des comptes, sans que jamais ils aient donné lieu à
aucune contestation, soit de la part des anciens états-généraux, soit de la
part de la représentation actuelle. Cependant, lors de l’examen du premier
budget en 1831, des notes détaillées sur les indemnités allouées ont été
remises à la section centrale. Il ne serait donc ni juste ni équitable de
revenir sur le taux fixé avant le commencement des opérations, surtout à
présent qu’elles sont terminées dans deux provinces, et sur le point de l’être
dans les autres.
En Hollande, ces indemnités sont payées directement
dans leur intégralité. Il ne peut y avoir de motif pour en agir autrement.
M. Helias d’Huddeghem. - Messieurs, sur la proposition de la section centrale, vous avez
décidé qu’en attendant qu’il ait été statué sur l’enquête de la commission
chargée de constater la situation des opérations cadastrales, les indemnités
fiscales à payer aux agents du cadastre, après l’achèvement de leur travail, ne
pourraient être imputées sur le crédit portée au budget. Je pensais que,
d’après cette décision, la commission nous présenterait un rapport sur les
opérations du cadastre et sur les questions que ces opérations soulèvent. Mais,
dans l’état actuel des choses, je pense qu’il faut ajourner la discussion
jusqu’à ce que nous ayons examiné la légalité des dispositions prises en 1826.
Alors seulement nous pourrons prendre une décision en connaissance de cause.
Je demande l’ajournement de la discussion sur
l’augmentation d’indemnité accordée aux inspecteurs provinciaux, jusqu’à ce que
la commission ait été mise à même de faire un rapport sur les opérations et la
légalité des opérations cadastrales exécutées depuis 1826.
M.
A. Rodenbach. - Les explications que vient de nous donner M.
l’administrateur du cadastre me portent à appuyer la motion faite par
l’honorable préopinant. M. l’administrateur prétend que M. Guerick
a pu augmenter l’indemnité des inspecteurs provinciaux par un arrêté ; ce n’est
pas même un arrêté, mais une décision administrative.
M. l’administrateur du cadastre. -
C’est par un règlement.
M.
A. Rodenbach. - C’est encore pis. Mais c’est là une question qu’il faut
résoudre ; car on a invoqué des droits acquis, et si M. l’administrateur
jugeait à propos de porter l’indemnité à 10 cents au lieu de 8, il pourrait le
faire aussi bien que M. Guerick, et on viendrait
avant autant de raison qu’aujourd’hui invoquer des droits acquis. Il en
résulterait que le traitement des inspecteurs qui est aujourd’hui de 20 à 30
mille francs, si l’indemnité était élevée à 10 cents, serait porté à 33 ou 35
mille francs, et cette augmentation serait aussi légale que celle établie par
M. Guerick.
Le grand argument de M. l’administrateur du cadastre,
pour justifier l’augmentation accordée par M. Guerick,
est l’activité donnée à l’exécution des opérations cadastrales. Mais je ferai
observer que les appointements n’ont pas éprouvé une progression moins rapide.
Vous avez pu voir, dans le tableau qui vous a été remis, qu’un seul inspecteur
se trouve créancier du gouvernement pour une somme de 150 mille francs.
Je ferai une dernière observation,
c’est que le contrôle des employés du cadastre est tout à fait illusoire, car
ils ont tous le même intérêt ; ce sont des mutuellistes. Si je suis bien
instruit, il faut que le travail des géomètres soit examiné par les
vérificateurs et approuvé par les inspecteurs pour que chacun de ces
fonctionnaires puisse recevoir ses émoluments.
Ils ont donc intérêt à trouver bon le travail les uns
des autres, et d’autant meilleur que la somme qui devra leur en revenir sera
plus forte.
M. l’administrateur n’ayant pas pu prouver la légalité
de l’augmentation, j’appuie la motion de l’honorable préopinant.
M.
Desmet. - Messieurs, je viens appuyer la motion d’ordre que vient de
faire l’honorable préopinant, et suis aussi d’avis qu’il faille traiter la
question des opérations du cadastre à fond, avant de continuer à allouer les
sommes nécessaires pour leur achèvement, et surtout que la chambre donne sa
décision sur la question que je vais avoir l’honneur de soumettre à la chambre
:
1° Si, tandis que le cadastre n’était point achevé
dans toute
2° Si en général les opérations du cadastre, telles
qu’elles ont été exécutées, d’après le système arbitraire de Guerick, sont légales.
3° Que la chambre s’assure si en réalité les
évaluations sont en général trop élevées, et ne répondent pas au vœu des lois
de septembre 1790 et novembre 1798, qui sont les seules lois qui contiennent
les principes sur lesquels sont établies les évaluations qui doivent servir de
base à la répartition de la contribution foncière.
4° Qu’elle s’assure de même si les
plaintes multipliées sont réelles sur la bonne exécution des opérations du
cadastre, et que surtout on a généralement négligé de satisfaire à la
disposition de l’article 690 du recueil méthodique qui prescrit que le
directeur doit joindre à chaque bulletin une copie exacte du tarif définitif,
pour que le propriétaire puisse, en appliquant ce tarif à ses propriétés, juger
de leur évaluation, et faire les réclamations qu’il pourrait trouver
nécessaires.
5° Qu’elle s’assure enfin s’il est vrai que les
classifications ont été faites avec tant d’irrégularité et d’injustice dans
divers cantons, que quelques-uns n’ont été classifiés qu’en trois classes,
quoiqu’ils avaient autant de degrés de fertilité de terrain que d’autres qui
ont reçu cinq classes.
M. Helias d’Huddeghem. - Avant de statuer sur la demande de l’administration du cadastre, il
me paraît que la chambre doit examiner d’abord la situation et la légalité des
opérations cadastrales exécutées depuis 1826. Il est connu que les expertises
ont été refaites à différentes reprises dans plusieurs cantons, nonobstant que
d’après la loi il n’est plus facultatif de revenir sur les opérations une fois
que les expertises ont été admises et arrêtées, sauf les changements qui
résulteraient des réclamations des propriétaires ou de l’assemblée cantonale
(articles 763, 764 et765 du R. M.) Dans quelques villes les opérations ont été
renouvelées deux ou trois fois, et chaque fois par des agents différents. Les
faits que je signale ici se sont passés dans les Flandres.
L’administration du cadastre, qu’oppose-t-elle à
l’objection de l’illégalité des opérations cadastrales ? Les mesures
administratives arrêtées en 1826. Mais, messieurs, vous ne pouvez récuser
l’opinion des deux chambres des états-généraux émise en 1827, que le
gouvernement avait agi arbitrairement en faisant recommencer le cadastre dans
toute l’étendue des provinces méridionales, sous prétexte de révision sans
l’intervention du législateur. Il ne pouvait résulter des articles 16, 409,
1140 et 1141 du recueil méthodique et de la loi du 23 novembre 1798, que la
prétention de l’administration du cadastre doit être repoussée par la chambre.
Les articles du recueil méthodologique sont ainsi
conçus :
« Article
16. Définition de l’allivrement cadastral.
« On entend par allivrement la somme à laquelle
le revenu net imposable est fixé par le cadastre. Ainsi, chaque propriétaire,
chaque commune, chaque arrondissement, chaque département aura, à la fin de
l’opération, son allivrement, et l’empire français aura son allivrement
général.
« Tous ces allivrements seront dès lors la base
fixe et immuable de la cotisation jusqu’à ce qu’une révision générale des
expertises devienne nécessaire, à raison des changements notables que le temps
aurait amenés dans les divers produits de la terre. »
« Article
409. Desséchements et défrichements.
« Les exemptions accordées par la loi du 23
novembre 1798, pour les dessèchements et défrichements et pour les plantations
de bois qui auront lieu après la confection du cadastre d’une commune, n’ont
plus besoin d’être spécifiées, puisque ces terrains conserveront l’allivrement
fixe qu’ils avaient avant cette amélioration, laquelle ne donnera lieu à aucune
augmentation d’imposition jusqu’au renouvellement du cadastre.
« Les propriétaires de terrains dont le
dessèchement ou défrichement a eu lieu avant le cadastre, continuent à jouir,
pour le reste du temps fixé par la loi, des exemptions ou modérations qu’elle
leur accorde. »
« Article 1140. Avantages du cadastre pour l’agriculture.
« La fixité d’allivrement est encore favorable
aux progrès de l’agriculture, en ce qu’un propriétaire peut se livrer aux
améliorations et augmenter son revenu sans craindre d’augmenter sa
contribution. »
« Article 1141. Avantages du cadastre pour les dessèchements et défrichements.
« Il n’est plus nécessaire à l’avenir d’accorder
des exemptions ou modérations de contributions pour les dessèchements et les
défrichements ; cet encouragement a lieu par l’effet naturel du cadastre,
puisqu’une lande ou bruyère, estimée à raison d’un franc l’arpent, conservera
cet allivrement, quand même le propriétaire, en la défrichant, la ferait
produire cinquante francs par arpent. Cette faveur sera même d’une durée plus
longue que celle de quinze ou vingt ans que la loi accordait précédemment. »
Dans son instruction du 30 septembre 1807, sur le même
sujet, le ministre des finances de France s’exprimait ainsi :
« Le revenu reconnu à chaque propriétaire au
moment de la confection du cadastre sera toujours le revenu imposable de cette
propriété, en quelques mains qu’elle passe et quelque amélioration qu’elle
éprouve par les soins et les dépenses de celui qui la possède. C’est un
abonnement fait avec tous les propriétaires, qui les met à l’abri de tout
changement, de tout arbitraire. »
Comme vient de vous le prouver l’honorable préopinant,
on ne peut, sous prétexte de révision, enlever aux propriétaires leurs droits
acquis pour les améliorations, les défrichements et les dessèchements auxquels
ils se sont livrés, confiants dans les encouragements qui leur étaient garantis
par la loi ; et il est démontré que les révisions continuelles des expertises
se font en opposition aux articles cités du recueil méthodologique.
L’on s’attend peut-être à trouver un progrès dans la
partie géométrique du travail cadastral, faite neuf ans plus tard que celle
dont l’exécution avait été surveillée avec une attention proportionnée à son
importance. J’ai trouvé, à ma grande surprise, que le plan de telle commune,
levé pendant les dernières années, contient beaucoup plus d’erreurs que celui
de telle autre commune levé avec 1826, époque où toutes les opérations ont été
faussées ; une section est entièrement à refaire ; dans d’autres, les figures
des parcelles sont peu soignées ; on voit partout les traces d’un travail fait
à la hâte, et il est évident qu’on a été plus pressé de parvenir à la fin que
jaloux de bien faire. Si les parcelles sont mal figurées, elles ne sont pas
mieux calculées ; tantôt la contenance d’une pièce est fautive ; une autre,
pour s’être trompé de colonne, se trouve décuplée au dixième de sa contenance,
tout cela parce qu’en augmentant le cadre des employés outre-mesure, M. Guerick s’est servi d’apprentis, qui ont fait leur
apprentissage aux dépens de la partie la plus minutieuse et la plus importante
de l’opération.
Je vous ai dit, messieurs, lors de la discussion du
dernier budget à l’occasion d’une pétition qui avait été envoyée au ministre
des finances avec demande d’explications, que l’administration s’était arrogé
le droit de ne point exécuter l’article 690 du recueil méthodique, qui ordonne
de communiquer avec les bulletins la copie exacte du tarif définitif ; ces
tarifs arrêtés pour chaque commune doivent présenter les évaluations par
classes et par nature de propriété, afin que les propriétaires, en appliquant
ces estimations à leurs biens, puissent s’assurer de l’exactitude des
expertises. M. le commissaire du Roi nous a dit que la mesure avait été remise
en vigueur ; mais cela n’a eu lieu que dans quelques cantons, tandis que
partout ailleurs les propriétaires n’ont pas reçu cette communication.
J’appelle encore votre attention sur une autre
irrégularité ; d’après la loi du 15 septembre 1807 les conseils communaux
doivent déléguer un propriétaire pour assister à l’assemblée cantonale à tenir
au chef-lieu de l’arrondissement, dans le but d’y examiner et de discuter les
résultats des opérations cadastrales de leur canton ; ainsi, d’après les
articles 773, 774 et suivants du recueil méthodique et la loi du 15 septembre
1807, les réunions ne peuvent et ne doivent être composées que des seules
communes du canton dont elles font partie. J’ai appris, messieurs, que
récemment dans
Je
ne puis me dispenser de saisir cette occasion pour rendre un hommage publique à
un fonctionnaire dont le zèle, la probité, la capacité et les services ont été
récompensés, sous le gouvernement précédent, par sa nomination à la place de
contrôleur en chef du cadastre dans la province de
M.
de Brouckere. - Je voulais parler sur la motion d’ordre faite par M.
Helias d’Huddeghem ; mais si M. le commissaire du Roi donne son adhésion à la
motion d’ordre, je n’ai plus rien à dire.
M. Thiry, commissaire du Roi. - On propose d’ajourner la discussion sur l’indemnité cadastrale
jusqu’à ce que la commission ait fait un rapport sur la légalité des opérations
; je dois m’opposer à cette motion, car ce serait suspendre complètement les
opérations cadastrales ; ce serait en éloigner indéfiniment le terme, tandis
que dans toutes les discussions qui ont eu lieu dans la session précédente on
n’a cessé de se plaindre de la lenteur des travaux. Au surplus, je puis entamer
dès aujourd’hui la question de légalité.
M.
Desmet. - Si M. le commissaire du Roi est prêt à discuter la question
de légalité, je crois qu’on peut commencer cette discussion.
M.
Fallon. - Si l’on trouve nécessaire de discuter la question de légalité
des opérations cadastrales, j’appuierai la motion faite par l’honorable M.
Helias d’Huddeghem. Il vous a été présenté une pétition de la part des délégués
des habitants du canton de Namur nord ; cette pétition soulève plusieurs
questions de légalité sur lesquelles l’attention de la chambre doit être
appelée ; je demanderai l’ajournement jusqu’à ce que la commission des
pétitions ait fait son rapport sur cette pétition.
M.
de Brouckere. - Il me paraît prouvé à moi que l’administration du
cadastre des Pays-Bas, en portant, par son règlement du 4 mars 1826, le taux de
l’indemnité variable pour les matières cadastrales, de 6 à 8 cents, n’a fait
qu’user d’un droit qui lui avait été accordé par le chef de l’Etat et que, par
conséquent, il n’y a rien d’illégal dans la résolution prise par ce
fonctionnaire à cet égard. Je ne pourrais donc pas donner mon assentiment aux
conclusions prises par la commission du cadastre, conclusions qui vous ont été
développées par l’honorable M. Zoude.
Mais on vient d’élever un incident qui paraît mériter
l’attention de la chambre. En effet, les sommes dont le gouvernement demande de
pouvoir disposer sont destinées à payer les fonctionnaires du cadastre, à leur
remettre les indemnités finales qui doivent leur être accordées après
l’achèvement de leurs travaux ; maintenant, plusieurs membres de la chambre
pensent que les opérations du cadastre sont illégales, que le travail n’a pas
été fait conformément à la loi, que par conséquent les employés du cadastre
n’ont pas droit aux indemnités finales que le gouvernement voudrait leur payer.
Dans cet état de choses, je ne pense pas que nous puissions prendre sur nous
d’allouer au gouvernement les fonds qu’il demande ; car si l’opinion de
quelques membres de la chambre venait à se vérifier, il en résulterait que nous
aurions payé des espèces d’entrepreneurs du cadastre pour un travail non légal,
pour un travail qui ne procurerait aucun avantage au pays, et qui devrait être
recommencé.
Je suis loin d’adopter jusqu’ici l’opinion des membres
dont je viens de parler, et je ne sais même pas comment on parviendra à prouver
que les opérations cadastrales sont illégales ; mais puisque cette opinion a
été émise et qu’elle est partagée par plusieurs membres, il faut que la
question soit décidée avant d’allouer les fonds. Veut-on la décider
immédiatement ? je ne demande pas mieux. Je crois
qu’il est bon que le sort des employés du cadastre sont
enfin certaine ; qu’ils sachent quelles sont les sommes auxquelles
ils auront à prétendre, et qu’ils prennent leurs mesures en conséquence. Si la
chambre ne trouve pas à propos de discuter la question aujourd’hui, je désire
qu’elle la discute dans un temps rapproché, et que nous puissions voter ou
refuser la somme qu’on nous demande. Je suis donc forcé d’appuyer la motion
d’ordre et de demander que le vote sur la question de chiffre soit remise
jusqu’à ce qu’une décision ait été prise sur la légalité des opérations
cadastrales.
C’est à regret que je suis obligé d’appuyer la motion
d’ordre ; mais j’aurais bien plus de regret encore si la majorité de
l’assemblée trouvait à propos de refuser aujourd’hui les deux cents d’augmentation
; cette décision serait prise contrairement à mon opinion, contrairement aux
intérêts des employés du cadastre. Il n’y a que deux partis à prendre :
discuter immédiatement sur la légalité, ou remettre cette discussion de
légalité à un temps plus ou moins rapproché.
M.
Eloy de Burdinne. - Et moi aussi, messieurs, j’appuie la proposition de
l’honorable M. Helias d’Huddeghem ; dans mon opinion, le système que
l’administrateur Guerick a mis en usage en 1826 est
illégal, et tant que la chambre n’aura pas prononcé sur la légalité ou
l’illégalité de ce système, nous ne pouvons nous prononcer sur des indemnités à
revenir aux agents du cadastre. Au surplus, je ne crois pas que ces messieurs
soient dans une aussi mauvaise position que veut le prétendre monsieur
l’administrateur. Je citerai un inspecteur de
Puisqu’il est évident que les fonctionnaires du
cadastre peuvent attendre, différons la discussion sur les indemnités qu’on
prétend leur être dues, jusqu’à ce que la légalité de leurs opérations ait été
reconnue par la chambre.
Pour moi, je crois que dans tous les
cas, et alors même que la chambre déclarerait légal en lui-même le système
établi en 1826, elle ne pourrait s’empêcher de reconnaître l’illégalité des
actes résultant de ce système. En effet, on ne peut contester qu’il y a encore,
au préjudice de tel ou tel canton, de telle ou telle commune, des vexations,
des injustices telles que M. l’administrateur en a signalé avant l’institution
du cadastre. Il y avait un moyen de faire disparaître ces inégalités, c’eût été
de commencer par cadastrer d’abord les cantons, les communes où elles
existaient ; au lieu de cela, on a fini les opérations cadastrales là où il y
avait des inégalités.
M.
Seron. - J’appuie la proposition de mon honorable collègue M. Fallon,
tendant à ce que la discussion soit ajournée jusqu’à ce que le rapport sur la
pétition du canton de Namur nord ait été soumis aux délibérations de la
chambre. Messieurs, si les opérations cadastrales sont illégales, et, à mon
avis, elles le sont, la discussion sur les indemnités à accorder à l’occasion
de ces opérations ne peut s’ouvrir que lorsqu’il aura été établi si ces
opérations sont légales ou non.
Les préfets de département étaient chargés autrefois
de l’administration ; ils avaient succédé aux administrations centrales,
lesquelles avaient elles-mêmes succédé aux directoires de département. Il y
avait, en outre des préfets, une espèce de conseil de préfecture composé de 3
membres qui décidait les questions de grande voirie, de propriété, de domaines
nationaux, de fonds de non-valeurs, et de remises en matière de contributions,
etc. ; mais comme leurs décisions étaient soumises à la sanction du préfet, il
en résultait que c’était lui qui était le véritable administrateur du
département.
Après notre réunion au ci-devant royaume des Pays-Bas,
on substitua aux conseils de préfecture les députations des états composées de
9 membres ; c’est au moins le nombre des membres de la députation des états de
Namur. Le gouverneur présidait la députation des états, mais il n’était pas
pour cela l’administrateur de la province, car il n’avait que sa voix dans la
députation, et c’était elle qui avait réellement l’administration de la
province.
Ce ne fut que vers la fin de notre réunion à
Dans cet état de choses, les actes du
gouverneur ont été frappés d’illégalité. Veuillez, messieurs, vous reporter à
la loi fondamentale du royaume des Pays-Bas, et vous verrez que le gouverneur
n’était qu’un commissaire du gouvernement, et que l’administration de la
province appartenait véritablement à la députation des états.
D’après ces considérations, je crois qu’il y a lieu
d’ajourner la discussion jusqu’à ce que le rapport sur la pétition du canton de
Namur (nord) ait été présenté à la chambre.
M. Thiry, administrateur du cadastre, commissaire du Roi. - Pour résoudre la question de savoir si c’est aux gouverneurs des
provinces ou aux députations des états provinciaux qu’il appartient de statuer
sur les résultats du cadastre, il faut examiner si le cadastre doit être
considéré comme étant d’un intérêt local ou provincial, ou s’il doit l’être comme
étant d’un intérêt général.
Dans la supposition où le cadastre de chaque commune,
canton ou province, ne serait destiné qu’à servir à une nouvelle répartition de
la contribution foncière entre les propriétés de ces communes, cantons ou
provinces, il ne pourrait être considéré que comme étant d’un intérêt local ou
provincial.
Mais le cadastre doit servir à une nouvelle
répartition générale entre toutes les propriétés du royaume. Il doit donc être
considéré comme étant d’un intérêt général.
C’est sous ce point de vue que, sous le gouvernement
français comme sous le gouvernement des Pays-Bas et sous le gouvernement
actuel, le cadastre a toujours été considéré ; et l’on peut s’en convaincre en
consultant les articles V et VI (introduction), et 13, 16 et 1132 du recueil
méthodique des lois et instructions sur la matière. On en trouve d’ailleurs la
preuve dans la marche qui a été prescrite et suivie pour l’exécution des
opérations d’expertise, afin d’avoir la certitude que non seulement les estimations cadastrales
seraient bien proportionnées entre elles, de commune à commune, dans une même
province, mais aussi de commune à commune et de canton à canton, limitrophes
entre eux, et de province à province.
C’est autant dans la prévision que l’on eût pu
admettre dans une province des demandes en diminution ou réduction de revenu,
tandis que, dans d’autres provinces, des demandes semblables eussent pu être
rejetées, que dans la vue de ne faire naître dans aucune province des doutes
sur l’exactitude des résultats obtenus, que les gouvernements qui se sont
succédé depuis l’époque de l’institution du cadastre général ont pensé qu’il ne
fallait pas laisser à l’autorité provinciale la faculté de fixer d’une manière
irrévocable les revenus des propriétés de chaque commune et canton, mais que le
délégué du pouvoir exécutif dans la province devait être appelé à statuer sur
les résultats du cadastre, et ensuite tenu à soumettre ses décisions y
relatives, à l’approbation du ministre des finances. (Art. 1068 du recueil
méthodique.)
Quant à la réclamation du canton de
Namur nord, elle a été reconnue non fondée, tant par la députation des états
que par le gouverneur de la province. Mais, dit-on, il aurait fallu s’abstenir
de prononcer sur cette réclamation puisqu’une pétition sur cet objet avait été
adressée aux chambres. Je ne puis partager cet avis : l’exécution des lois ne
saurait être entravée par la circonstance qu’une pétition est présentée à l’une
ou à l’autre chambre. Si c’était le moment de discuter le fond de la question, il
me serait facile de démontrer que la réclamation était entièrement dénuée de
fondement, et qu’elle n’était évidemment qu’un prétexte pour arrêter la marche
des opérations cadastrales.
M.
Eloy de Burdinne. - M. l’administrateur du cadastre vous a dit dans la
séance du 7 février dernier :
« A l’égard des provinces de Liége et de Namur,
le cadastre est un problème résolu ; ce qui a pu se faire dans ces deux provinces
pourra se faire dans les autres. »
Eh bien ! puisque M.
l’administrateur est ici présent, et qu’il prétend que le problème est résolu,
je lui demanderai si dans la province de Liége, où il s’est élevé des
réclamations, de la part des assemblées cantonales, on a fait droit à ces
réclamations, et par qui les décisions auraient été prises.
Il est étonnant que dans une question aussi grave les
délégués des cantons, qui ont des plaintes à faire entendre, ne soient pas
appelés à faire valoir leurs arguments, ; et qui est-ce qui est appelé à
prendre ici une décision ? c’est le gouverneur. Mais,
messieurs, n’oubliez pas qu’il est l’homme du gouvernement et qu’un
gouvernement aime à avoir des matières imposables, les plus élevées possible.
Lorsqu’il y a des contestations élevées, ce serait, ce
me semble, un jury indépendant qui devrait être appelé à prononcer. En effet,
un gouverneur ne peut connaître la valeur de toutes les terres de sa province.
Il n’a pas le temps de se procurer les renseignements qui lui sont nécessaires,
pour le mettre à même de prononcer en connaissance de cause.
Savez-vous, messieurs, comment les
choses se passent ? Un dossier volumineux est présenté aux délégués cantonaux ;
ils en sont épouvantés, examinent çà et là une commune, mais il leur devient
tout a fait impossible de prendre des décisions sur une aussi grande masse
d’affaires que celles qui leur sont soumises.
En examinant le tableau n°5 bis du cadastre, vous
remarqueriez, messieurs, que l’administration a basé son appréciation sur une
échelle singulièrement rétrécie ; c’est sur un bonnier
en culture pendant six ans qu’elle a fixé le revenu, tandis qu’elle eût dû
faire cette évaluation sur une culture ordinaire : par là, les délégués des
cantons seraient à même d’apprécier la justesse de leur travail.
M.
Fallon. - Messieurs, ce que vient de vous dire M. l’administrateur du
cadastre sur les réclamations de la province de Namur, ne me paraît pas fondé ;
et, s’il n’a pas d’autres moyens de nous prouver la légalité des indemnités,
ses raisons ne seront pas plus admissibles.
Quant aux attributions des gouverneurs, je vous
démontrerai facilement, si la motion qui vous est soumise n’était pas adoptée,
que les gouverneurs n’ont aucun moyen pour statuer sur les difficultés qui
peuvent se présenter, et qu’aux états seuls appartient le droit de prononcer.
Mais je ne veux pas, pour le moment, anticiper sur le fond de la question.
M.
Pirson. - Messieurs, j’avais demandé la parole pour vous présenter les
observations qui vous ont été soumises par les honorables préopinants, MM.
Fallon et Eloy de Burdinne, ainsi que par mon ami M. Seron.
J’ajouterai que si les états, particulièrement
intéressés à l’exactitude de la répartition, n’étaient point consultés, les
gouverneurs ne pourraient avoir le droit de décider souverainement. Est-ce à
eux, en effet, qu’il faudra s’en rapporter pour déclarer closes les opérations
des provinces, et leurs déclarations seront-elles suffisantes lorsqu’il s’agira
pour vous de fixer la répartition générale des contributions du royaume ? Mais
les opérations cadastrales ne seront terminées que lorsque les rapports de
canton à canton, et par suite, de province a province auront été convenablement
établis.
M. l’administrateur a défendu les
droits des gouverneurs dans la question, mais MM. Fallon et Seron lui ont suffisamment
prouvé qu’ils n’étaient pas convenablement établis.
Je terminerai, messieurs, par une dernière
observation. Il me semble que vous ne pouvez pas, quant à présent, déterminer
s’il y a lieu à accorder l’indemnité qui est demandée. Quand le cadastre sera
fini dans une province, en supposant qu’il soit bien fait, il ne s’ensuivra pas
qu’il en sera de même dans toutes les provinces ; il pourrait arriver en effet
que le travail de la province de Namur fût convenablement établi ; et que,
comparé aux travaux des provinces voisines du Brabant, du Hainaut et de Liége,
ce travail ne se trouvât plus en rapport. Vous voyez donc, messieurs, par ces
considérations, que vous ne devez pas pour l’instant vous prononcer sur
l’indemnité.
M. Thiry, administrateur du cadastre, commissaire du Roi. - Je n’aurai que quelques mots à répondre aux diverses observations
qui m’ont été adressées.
On a demandé d’abord s’il avait été statué sur les
réclamations formées par divers habitants de la province de Liége.
Je répondrai que ces réclamations ont été jugées d’un
commun accord entre les états et le gouverneur. Tous les arrêtés qui ont été
pris dans cette circonstance l’ont été par le gouverneur, après avoir pris
toutefois l’avis des états. Vous voyez donc, messieurs, que ces décisions
n’auraient pas été autres qu’elles eussent été prises, soit par les états, soit
par le gouverneur.
On vous a parlé aussi d’un jury indépendant. Mais les
membres naturels de ce jury sont ceux qui composent la députation des états ;
d’ailleurs ce que l’on vous propose serait une infraction à la loi, car elle ne
parle pas de jurés en aucune façon, et vous ne voudriez pas, messieurs,
consacrer une pareille infraction.
On vous a dit encore que les gouverneurs n’avaient pas
le temps de s’occuper des réclamations qui s’élevaient contre la manière dont
quelques propriétés étaient cadastrées.
Mais, messieurs, les gouverneurs ont ou doivent être
censés avoir le temps de vaquer aux fonctions qui leur sont assignées ; c’est à
eux de se procurer d’une manière ou autre les renseignements qui leur sont
nécessaires afin de pouvoir prononcer en connaissance ; en tous cas, la loi
déclare formellement que ce sont eux qui prononceront sur toutes les
réclamations de ce genre. Nous ne pouvons nous écarter de la loi.
J’arrive, messieurs, à une troisième objection. Je
veux parler de la mise en rapport des cantons entre eux et des provinces entre
elles.
Voici comment les choses se passent : quand le travail
est terminé dans deux localités limitrophes, les agents du cadastre parcourent
le périmètre des communes cadastrées pour voir si tout le travail est exact,
s’il est parfaitement établi, enfin s’il ne reste rien à faire.
On vous a encore parlé de nommer des délégués par
province ou par canton pour s’assurer de l’exactitude du travail ; ces agents
ne feraient pas autre chose que ce qui a eu lieu.
La loi, je le répète, n’autorise pas de commissions de
ce genre ; et j’ajouterai que les résultats qu’elles obtiendraient seraient
tout à fait illusoires : il est facile de le prouver.
Il faudrait, en effet, nommer par chaque canton des
hommes qui seraient obligés de connaître parfaitement leurs cantons respectifs,
pour pouvoir juger les opérations cadastrales. Et où pourrez-vous les prendre,
ces hommes, ailleurs que parmi les agents du cadastre ?
Cette observations s’applique
également à la vérification des opérations par province.
D’après ces raisonnements on conçoit facilement
combien peu sont fondées les objections qui ont été faites par les honorables
membres auxquels je réponds et vous conviendrez avec moi que les employés du
cadastre seuls sont aptes à faire des comparaisons utiles, et à établir
l’harmonie entre les provinces et les cantons.
Je me crois d’autant plus fondé à
dire que le mode d’opération que l’on suit aujourd’hui pour le cadastre est
bon, que par une circonstance heureuse, avant que ce mode fût employé, on
n’avait pu obtenir qu’il y eût du rapport entre les cantons et les provinces.
Si on persiste encore dans les objections qui ont été
faites, je me réserve de les combattre encore par de nouveaux raisonnements.
En ce qui concerne la question de légalité, je suis
également prêt à la soutenir ; mais je dois dire qu’il existe des droits
acquis, et qu’ils méritent, selon moi, d’être pris en considération.
M.
Eloy de Burdinne. - Pour répondre à M. l’administrateur du cadastre, il
faudrait entrer dans le fond de la question. Je défie au gouvernement de
vérifier les opérations du cadastre dans sa province ; il lui faudrait au moins
un mois pour juger des opérations d’un canton. Encore devrait-il se transporter
sur les lieux. Je ne veux pas entrer dans le fond de la discussion, mais je
peux garantir que j’ai des documents suffisants pour démontrer combien sont
ridicules (je tranche le mot) les opérations du cadastre, d’après le mode suivi
depuis 1826 jusqu’aujourd’hui.
M.
Pirson. - D’après l’administrateur, nous devons attendre que toutes les
opérations cadastrales soient terminées ; et quand elles seront finies, il
viendra nous dire : Tout est parfait, tout est pour le mieux, et nous devrons
le croire sur parole. Je ne pense pas que la chambre soit disposée à se prêter
à une pareille manière de procéder.
M.
le président. - M. Helias
d’Huddeghem a déposé la proposition suivante : « Je propose d’ajourner
la discussion sur l’augmentation d’indemnité accordée aux inspecteurs
provinciaux, jusqu’à ce que la commission ait fait un rapport sur les
opérations et la légalité des opérations cadastrales exécutées depuis
1826. »
M.
Zoude, rapporteur. - Je ne crois pas que la commission soit investie du
droit d’examiner la question de légalité. Elle a été instituée à l’effet de
constater la situation réelle des opérations cadastrales. Ce n’est que
subsidiairement qu’elle a été chargée, sur la proposition de M. Dumortier, de
s’occuper de la question financière.
M.
Dumortier. - C’est moi, je crois, qui ai proposé de faire une enquête
sur les opérations cadastrales. J’aurai l’honneur de rappeler que quand j’ai
fait cette proposition, c’était afin de savoir à quel point nous étions des
opérations cadastrales, pour apprécier les dépenses que nous faisions chaque
année. Mais il était entendu qu’il y avait aussi une question de légalité à
examiner, car sans cela je ne sais pas quelle pouvait être l’utilité de
l’examen de la commission. C’était la première question à résoudre. La
commission devait s’enquérir si les 3 ou 4 millions de dépenses dont il
s’agissait, étaient légales ou illégales ; et dans le cas où l’illégalité eût
été reconnue, s’il y avait des motifs de justice et d’équité à les admettre ou
s’il n’y en avait pas. J’ai été étonné de ne pas trouver dans le rapport tous
ces renseignements, qui me paraissaient fondamentaux dans la discussion. Comme
auteur de la proposition, j’ai dû expliquer dans quel sens j’avais entendu la
faire. Je suis persuadé que la chambre ne s’est pas méprise quand j’ai fait ma
proposition, et qu’elle a bien entendu que je demandais que la question fût
examinée, tant sous le rapport de la légalité de la dépense, que sous le
rapport financier. Nous ne pouvons pas savoir si la dépense pouvait être
effectuée, avant de nous être assurés si elle était légale.
M.
de Brouckere. - Si la commission du cadastre a pu concevoir quelque
doute sur l’étendue de ses attributions, ce doute sera levé par la décision que
va prendre la chambre en déclarant qu’elle attendra, pour prendre une
résolution relativement à la question du chiffre, que la commission lui ait
fait un rapport sur la légalité de la dépense. Je ne pense pas qu’il puisse
entrer dans ses intentions de refuser cette mission.
J’insiste pour que la chambre témoigne à la commission
le désir que le rapport soit fait dans le plus bref délai possible. J’ai déjà
expliqué les motifs de ce désir ; je pense que la chambre en a senti la
justesse ; il est inutile que j’y revienne.
M.
Fallon. - La question a été soulevée lorsque la pétition du canton de
Namur (nord), adressée à la chambre, a été renvoyée par elle à la commission du
cadastre. Cette pétition contestant la légalité des opérations cadastrales, on
l’a renvoyée à la commission, parce qu’on la regardait comme ayant qualité pour
faire un rapport sur la question de légalité. Personne n’ayant réclamé contre
les motifs qui ont déterminé ce renvoi, on devait en conclure que la chambre
reconnaissait que la commission du cadastre était chargée de faire un rapport
sur les opérations cadastrales et leur légalité.
M.
Zoude, rapporteur. - Si la chambre entend que la commission fasse un
rapport sur la question de légalité, je demanderai qu’on nous adjoigne quelques
membres nouveaux. Quatre des membres qui la composent en ce moment, n’assistent
pas aux séances par divers motifs ; nous serions embarrassés pour examiner
convenablement cette question.
M.
Eloy de Burdinne. - Comme nous ne sommes pas tous à même d’examiner les
questions de droit, je demanderai, afin que ces questions puissent être
approfondies, que les nouveaux membres soient pris parmi les jurisconsultes.
- L’ajournement proposé par M. Helias d’Huddeghem est
mis aux voix et adopté.
La chambre décide ensuite que 6 membres seront
adjoints aux membres actuels de la commission du cadastre. Leur nomination est
confiée au bureau.
Rapport
de la section centrale sur les los-renten
M.
le président. - La suite de l’ordre du jour est la discussion du budget
de la dette publique.
M.
d’Huart. - Messieurs, dans la séance du 3 de
ce mois, vous avez renvoyé à la section centrale, chargée du rapport sur le
budget de la dette publique, une pétition de vingt habitants de Bruxelles,
détenteurs de los-renten, réclamant le paiement des intérêts échus de leurs
certificats de rente, depuis l’époque de leur énonciation.
La section centrale, s’en référant au dernier
paragraphe de son rapport du 25 février dernier, a l’honneur de vous dire de
nouveau, par mon organe, sur ce qui concerne en général les los-renten,
qu’avant de pouvoir vous proposer à ces égard des conclusions motivées, il lui
est indispensable d’avoir sous les yeux les documents qu’elle a réclamés à M.
le ministre des finances, afin de s’éclairer sur cette grave question.
Je dirai en passant que ces documents
exigent beaucoup de travail et qu’il est à ma connaissance que M. le ministre
des finances s’en occupe activement. Ce n’est pas sa faute s’il n’a pu nous les
donner qu’aujourd’hui.
D’après ce qui précède, la section centrale ne croit
pas devoir s’occuper quant à présent, et isolément, de la pétition dont il
s’agit. Lorsqu’elle aura à sa disposition les documents prémentionnés,
c’est-à-dire lorsqu’elle sera en mesure de délibérer avec connaissance de cause
sur les los-renten, elle examinera jusqu’à quel point il conviendra de prendre
en considération ladite pétition qui a paru être rédigée en termes
inconvenants.
M.
de Brouckere. - Il s’agit de savoir si la chambre prendra une décision
sur la question des los-renten. La section centrale n’a pas cru devoir faire de
rapport sur les los-renten parce qu’elle n’avait pas les pièces suffisantes
pour pouvoir le faire en connaissance de cause. Faut-il, dans cet état de
choses, que la chambre remette encore cette discussion déjà si souvent remise,
l’ajourne jusqu’en 1832, ou entend-on que la chambre discute sans
rapport ?
Quant à moi, je déclare, et je l’ai d’ailleurs déjà
annoncé, que j’ai l’intention de proposer un article additionnel au budget de
la dette publique, par suite duquel le gouvernement eût été mis à même de payer
les intérêts arriérés des los-renten. Cependant, comme je n’aime pas à abuser
des moments de la chambre, si, après avoir prouvé que la réclamation des
porteurs de ces los-renten est fondée, l’assemblée jugeait à propos de différer
toute espèce de discussion, j’aurais à me reprocher de lui avoir fait perdre du
temps, je suis prêt à déposer mon amendement et à le soutenir. Mais j’attendrai
pour le présenter, si on préfère ajourner la discussion de la question.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, ce qui a été dit par
M. le rapporteur est de toute exactitude. Les renseignements demandés au
ministère sont considérables, ils exigent un travail également considérable, ce
dont la section centrale a eu la preuve : elle a été convaincue qu’il fallait
au moins 15 jours pour terminer ce travail. Je pense que d’ici là la chambre ne
doit pas s’occuper de cet objet, vu sa gravité. J’appuie donc les conclusions
de l’honorable rapporteur, en ce sens que la discussion soit ajournée de
quelques jours, et jusqu’à ce que la commission ait fait son rapport.
M.
Verdussen. - je me suis déjà expliqué au sujet de la pétition qui a été
renvoyée à la section centrale et sur laquelle on vient de faire un rapport. M.
de Brouckere et moi, nous nous sommes réservé alors de déclarer à la chambre
qu’il fallait s’occuper des los-renten quand il s’agirait de la discussion du
budget de la dette publique. On demande aujourd’hui un rapport sur cette
question, si elle était nouvelle, comme si un rapport n’avait pas été fait sur
les los-renten par M. Angillis en 1833.
Lorsque nous nous opposâmes aux
conclusions de ce rapport, c’était dire qu’elles étaient contraires aux
porteurs de los-renten ; si la commission veut aujourd’hui être contraire aussi
aux porteurs de los-renten, elle trouvera des motifs de son opinion dans
l’ancien rapport. Voilà plus de six mois que l’objet est en discussion, que
tout le monde a pu prendre des renseignements ; pourquoi un nouveau retard ? Il
me paraît que si les membres de la section centrale voulaient ajourner
indéfiniment la décision de la question, ils ne s’y prendraient pas autrement.
Je demande que l’on discute aujourd’hui cette question ; j’ai déjà déposé sur
le bureau un amendement relatif aux los-renten.
M. Meeus. -
J’avais demandé la parole pour m’opposer à l’ajournement demandé par M. le
rapporteur et par M. le ministre des finances, sous le prétexte de
communications à faire à la commission.
Quels peuvent être ces documents qui doivent provenir
du ministère des finances ? je ne comprends pas que
des documents puissent influer en quoi que ce soit sur la décision que vous
avez à prendre sur le paiement ou le non-paiement des los-renten. Les documents
sont-ils relatifs à la quotité des intérêts arriérés ou des intérêts courants ?
je n’en imagine pas d’autres. De quoi s’agit-il ? d’un capital en valeurs publiques inscrites à la banque de
Bruxelles et dont le chiffre est connu. Il s’agit de savoir si les intérêts de
ces valeurs doivent être payés, oui ou non. C’est une question de probité,
d’équité nationale. Je ne comprends pas, par conséquent, comment on pourra
résoudre cette question, avec les documents demandés. S’il y avait d’autres
documents que ceux relatifs à la quotité des intérêts arriérés et des intérêts
courants, je prie M. le ministre des finances de vouloir bien l’éclairer sur ce
point.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Pour répondre à la question de
l’honorable membre, il faudrait aller chercher la série de demandes faites par
la commission. Incessamment toutes les pièces réclamées par la commission, et
qui sont relatives aux opérations concernant les los-renten, lui seront
transmises. Le ministre s’occupe sans relâche à rassemblée ces pièces. La
commission est en droit d’exiger des renseignements pour éclairer sa religion,
et pour pouvoir éclairer la chambre dans la discussion.
M.
Coghen. - L’amendement proposé par M. Verdussen, dans le but de porter
au budget de la dette publique le paiement des los-renten, est la solution
d’une question d’équité. Toutefois, respectant l’opinion de la commission
chargée de faire un rapport sur la pétition de quelques habitants de Bruxelles,
je désire que M. le ministre de la guerre veuille bien communiquer à la chambre
la série de questions qui lui ont été soumises ; la chambre pourra peut-être
répondre à ces questions sans exiger un ajournement et un grand travail.
M.
Dumortier. - Lorsqu’une commission a été investie de la confiance de la
chambre, il n’est pas parlementaire de venir demander ici quelles questions
elle pose au ministère. Je m’opposerai donc, pour le moment, à ce que le
ministre donne communication des renseignements qui lui sont demandés. La
question des los-renten n’intéressait personne sous le congrès ; aujourd’hui il
en est beaucoup qu’elle intéresse. Notre premier devoir est de maintenir les
intérêts du trésor ; et je crois que nous ne devons pas, pour ce motif, nous
expliquer sur les demandes que nous avons à faire.
La question des los-renten n’est pas simple ; ce n’est
pas seulement une question d’équité : s’il en eût été ainsi, l’ex-ministre des
finances y aurait fait droit, sans quoi il eût manqué à son devoir.
Si la question d’équité était aussi claire que les
amateurs de los-renten le disent, on eût dû blâmer le rapport de la commission
lorsqu’elle est venue conclure, par l’organe de M. Angillis, à l’ajournement de
toute décision jusqu’à l’arrangement définitif avec
Il serait absurde de prétendre que
l’Etat doit verser le produit de la vente de nos magnifiques domaines, de nos
magnifiques forêts dans le trésor du roi Guillaume, et que nous, gouvernement
belge, nous devrions payer les intérêts.
Ouvrez les yeux, ouvrez les oreilles ; c’est la vérité
que je vous dis ; on voudrait que les ventes de nos forêts grossissent les
trésors de Guillaume et que nous payassions les intérêts du montant des forêts
vendues ? Une telle prétention n’est-elle pas absurde ? Elle ne trouvera pas,
j’en suis convaincu, d’écho dans cette assemblée.
M.
Coghen. - L’honorable préopinant m’adresse un reproche. Il demande
pourquoi l’ancien ministre des finances n’a pas payé les intérêts des
los-renten, s’il considérait la question comme une question d’équité.
Vous n’ignorez pas, messieurs, combien ma position était
difficile. Je ne parlerai pas des embarras de mon premier ministère. Mais à
peine venais-je, pour la seconde fois, d’entrer au cabinet, qu’eut lieu
l’invasion des Hollandais. Vous savez tous les difficultés qui en sont
résultées et les embarras de tout genre qu’elle a donnés au gouvernement. A
peine étions-nous tranquilles que survint le traité du 15 novembre, qui
imposait à
Ce fut le seul motif pour lequel je
ne portai pas au budget de 1832 la somme nécessaire pour payer les intérêts des
los-renten. Je croyais que la liquidation avec
Vous avez plus de garanties qu’il n’est nécessaire
pour cette avance. Je ne crois donc pas que vous puissiez vous refuser à servir
des intérêts légitimement dus à des Belges, à des administrations publiques et
à des bureaux de bienfaisance.
M.
de Brouckere. - L’honorable M. Dumortier appelle ceux qui croient qu’il
est temps enfin de payer les intérêts des los-renten des amateurs de los-renten
: si par là l’honorable membre entend qu’ils voudraient posséder des
los-renten, sans doute ils sont à ce titre aussi bien que lui-même amateurs de
los-renten ; mais si par là il entendait dire qu’ils possèdent des los-renten,
je serais obligé de lui donner sur ce point un démenti formel.
M.
Dumortier. - Je n’ai pas voulu dire que vous en possédiez.
M.
de Brouckere. - A la bonne heure. L’honorable M. Dumortier a ajouté
qu’il déclarait à la face de la nation tout entière que nos prétentions étaient
absurdes, et qu’elles seraient repoussées par la chambre. Il faut croire qu’il
a reçu les confidences de la majorité de l’assemblée pour venir déclarer à la
face de la nation tout entière, terme dont l’honorable membre se sert
d’ailleurs très fréquemment, que nos prétentions seraient rejetées par la
chambre.
Pour moi, je ne me vanterai pas à la face de la nation
tout entière de connaître à l’avance les décisions de la chambre ; je n’ai pas
cette prétention.
J’attendrai la discussion, et, quel qu’en soit le
résultat, quelle que soit la décision de la chambre, je ne récriminerai point
contre elle ; je ne déclarerai point qu’elle est absurde.
Je n’entrerai pas, comme l’a fait
l’honorable M. Dumortier, dans le fond de la question ; il ne me paraît pas que
ce soit le moment. Lorsque la discussion sera ouverte sur les los-renten, je
chercherai à faire comprendre les motifs qui m’ont fait penser que les intérêts
devaient être payés aux porteurs des los-renten. Une proposition est faite à ce
sujet par l’honorable M. Verdussen ; je m’expliquerai sur ce point lorsque sera
venu le moment de la discussion.
Je prie M. le président de vouloir bien m’inscrire
après l’honorable M Verdussen. Je tâcherai alors de prouver que mes prétentions
ne sont pas absurdes.
M.
Dumortier. - Lorsque j’ai déclaré qu’il était absurde de vouloir nous
faire payer les intérêts des los-renten, je l’ai, je crois, promptement
démontré : l’honorable M de Brouckere a omis de me répondre sur ce point ; je défie
d’ailleurs qui que ce soit de contester qu’en fait payer les intérêts des
los-renten, ce ne soit faire passer entre les mains de Guillaume le montant de
nos forêts et de nos domaines.
Un membre. - C’est le fond de la question.
M.
Dumortier. - J’ai la parole, je dois être entendu. Je n’aime point
qu’on vienne s’ériger en censeur et en juge de ce que je dis. J’ai entendu
paisiblement les discours des honorables préopinants ; j’ai le droit à mon tour
d’être paisiblement entendu.
Je dis donc, et je répète que la proposition qu’on a
faite ne tend à rien moins qu’à faire passer entre les mains de Guillaume nos
forêts et nos domaines. Or, je vous le demande, messieurs, cette proposition
n’est-elle pas absurde ? Je ne dis pas néanmoins qu’il n’y ait quelque mesure à
prendre en faveur des porteurs de los-renten ; mais ces mesures sont de plus
d’un genre. Peut-être devrez-vous autoriser le paiement de certains los-renten.
Un membre. - Il n’est question que de cela.
M.
Dumortier. - Je vous demande pardon, vous verrez tout à l’heure qu’il
est question de tout autre chose. On pourrait ordonner le paiement d’une
certaine partie des los-renten ; mais il faudrait défendre que les los-renten
des autres catégories pussent être versés au trésor. Alors il y aurait justice.
Mais payer les intérêts à tous les porteurs de
los-renten, ce serait, je le répète, nous priver à jamais de nos domaines.
Cette proposition n’est pas admissible. Plus tard, dit-on, on vous tiendra
compte de ces avances, lorsque viendra le moment de payer à
On a donc tort de parler de
liquidation, de parler de payer un million et demi ; ce serait perdu pour
toujours. Voilà cependant où marche le système, où on voudrait nous placer.
C’est une question délicate. Il s’agit de savoir si c’est la banque ou
Je demanderai à l’honorable préopinant qui a des
relations avec le gouverneur de la banque, comment les intérêts des los-renten
ne seraient pas dus par le syndicat, lorsque la banque refuse de verser au trésor
le montant de la dette.
Je ne poursuivrai pas, messieurs, car je m’anime, et
j’en demande pardon à la chambre ; mais j’espère que ce peu de mots aura suffi
pour établir qu’il n’y a pas lieu à payer par mesure générale les intérêts des
los-renten.
M.
Meeus. - L’honorable préopinant a répété à
satiété que le paiement des intérêts des los-renten avait pour résultat de
faire passer le montant de nos domaines dans les caisses du roi Guillaume. De
telles assertions sont faites pour donner le change à l’assemblée, mais non
pour éclairer la question.
Il ne s’agit pas de savoir si
L’honorable M. Dumortier a répondu à M. Coghen que,
lors de la liquidation avec
Je ne conçois pas, je l’avoue, comment la solution
d’une question aussi simple peut ainsi traîner en longueur. Il est certain que
la liquidation offrira au gouvernement un moyen de se remparer des paiements
d’intérêts faits aux porteurs de los-renten. Je trouve qu’il y a longtemps que
le gouvernement et les chambres auraient dû se mettre d’accord pour faire ces
paiements.
M. le commissaire du Roi. -
Messieurs, j’ai demandé la parole pour vous présenter une seule observation en
réponse aux objections du préopinant, et surtout de vous prémunir contre une
assertion d’autant plus grave qu’elle sort de la bouche d’un financier.
On a assimilé les intérêts de los-renten
aux intérêts de la dette publique. Cette assimilation pêche, en principe, à
cause de la différence qui existe dans l’origine de la dette. Dans le traite des 24 articles, il est question, dans un article,
du by-boek, et dans un second article on s’occupe de
los-renten.
Notre part de la dette publique a été déterminée dans
l’un des articles de ce même traité ; mais en ce qui concerne l’amortissement,
il fut formellement déclaré que
(Moniteur belge
n°66, du 7 mars 1834) M.
Legrelle. - Personne plus que moi, messieurs, n’éprouve le désir de
voir payer les intérêts des los-renten. La chambre est convaincue que c’est une
question d’équité. Mais d’un autre côté cette question est grave, et il est
impossible de ne pas la renvoyer à l’examen de la section centrale : je ne vois
donc pas la nécessité de continuer une discussion qui serait oiseuse puisque
vous ne pourriez encore vous prononcer.
Je demande en conséquence le renvoi à la section
centrale : elle a besoin de renseignements qui lui sont indispensables pour
vous faire un rapport complet, elle en a adressé la demande à M. le ministre
des finances, et ce qui vous prouvera, messieurs, que la question ne peut être
encore résolue, c’est que M. le ministre n’a pas encore pu répondre aux questions
qui lui ont été adressées.
Si vous voulez vous entourer de
lumières, il est indispensable d’attendre le rapport de la commission, et vous
ne devez pas adopter un amendement qui préjugerait la question. Si la section
centrale n’avait pas rempli son mandat, votre conduite serait rationnelle et
vous pourriez demander que son mandat cessât ; mais il n’en est pas ainsi, car
aucun des membres de la section centrale, et je puis vous le certifier puisque
je suis un de ses membres, aucun, dis-je, n’a été à même de pouvoir résoudre la
question. Vous ne pouvez, ce me semble, quant à présent, que voter
l’ajournement de l’amendement qui vous est soumis et attendre jusqu’à ce que la
réponse de M. le ministre ait fourni à la section centrale les moyens de vous
faire son rapport ; elle en a le vif désir, mais elle ne peut vous le soumettre
qu’appuyé des éclaircissements nécessaires.
M.
Meeus. - Je viens répondre quelques mots
aux observations de M. le commissaire du Roi. Ma proposition n’était pas si
erronée, je sais parfaitement que le by-boek et les
los-renten sont deux choses différentes, aussi
n’est-ce pas sous ce rapport que j’ai établi une similitude, mais bien sous le
rapport du principe d’équité.
Avant le traité des 24 articles, les intérêts étaient
payés exactement ; mais depuis il n’est venu à la pensée du gouvernement
provisoire, ni de personne de reconnaître qu’une partie de la dette publique
incombait à
Lorsque plus tard il s’agira d’établir une liquidation
avec
Sept millions sont possédés par des
établissements de bienfaisance ou des particuliers. Ces los-renten n’étant pas
payés en Hollande, il convient d’en opérer le paiement ici à décharge de ce que
vous pouvez avoir à payer à
En Hollande on paie exactement les intérêts des
los-renten inscrits, mais ce qui existe à Bruxelles ne l’est pas, sous ce
prétexte que l’on ne peut connaître les véritables pièces servant à établir la
réalité de la dette. Si donc les Hollandais ne veulent pas payer, il serait de
principe d’équité de servir les intérêts de la dette active, et ceux des
los-renten.
M.
Fallon. - La question est assez grave, et je crois, comme plusieurs de
mes honorables collègues, que nous devons attendre le rapport de la section
centrale.
Les orateurs qui veulent ouvrir immédiatement la
discussion craignent peut-être que la question des los-renten ne se représente
plus qu’avec le budget de 1835. C’est une erreur, et si l’on est d’avis de
payer les intérêts des los-renten, on peut très bien réserver l’amendement de
M. Verdussen pour qu’il soit mis en discussion plus tard.
Un fait semblable s’est passé lorsqu’il s’est agi des
volontaires. On avait demandé pour eux dans le budget une somme de 60,000
francs. Par un amendement, on fit sortir cette somme du budget ; et après qu’il
fut voté, on revint sur la discussion des 60,000 fr. Je demande donc
l’ajournement de l’amendement de M. Verdussen jusqu’à la discussion des
los-renten, et jusqu’après le rapport de la section centrale.
M.
de Brouckere. - Si la chambre entend, comme le préopinant vient de
l’expliquer, que la discussion sur les los-renten, doit s’ouvrir plus tard, je
ne fais aucune difficulté d’adhérer à la proposition de M. Fallon, et je prie
dés à présent M. le président de vouloir bien m’inscrire au nombre des orateurs
qui devront parler sur cette question.
M.
Verdussen. - Messieurs, ce qui a amené la motion d’ordre de M. Fallon,
c’est qu’on est entré dans le fond de la discussion. Entrer aussi prématurément
dans le fond d’une matière aussi délicate ne peut avoir pour résultat que
d’égarer la chambre. Mais ici il y a une autre question soulevée. L’honorable
membre prétend que vous voulez traiter cette question de manière à la rattacher
au budget de 1835. Je pense que si on ajourne la discussion sans limiter le
délai dans lequel le rapport devra être fait, on l’ajourne indéfiniment, et
cela pourrait être poussé à tel point qu’on le porterait au-delà du budget de
1835. Je n’ai aucune garantie contre cette crainte ; au contraire, les paroles
de l’honorable rapporteur n’ont fait que la confirmer. Il vous a dit qu’une
foule de questions avaient été adressées au ministre qui ne s’était pas trouvé
à même d’y répondre, et que probablement la réponse qu’on attendait donnerait
lieu à d’autres questions. Il n’y a pas de raison pour que les nouvelles
réponses ne donnent pas encore lieu à des questions nouvelles, et de question
en question nous arriverons je ne sais où. Je pense qu’un ajournement dont on
ne limiterait pas le terme, aurait pour effet de perpétuer une injustice
criante et de maintenir des Belges dans une position fâcheuse où ils se
trouvent depuis plusieurs années.
M.
Dumortier. - Je suis d’accord avec le préopinant sur les inconvénients
qu’il y a à entrer dans le fond de la discussion ; mais je lui ferai observer
que c’est lui qui nous a entraînés sur ce terrain, en venant prétendre, à
l’occasion de son amendement, que la question des los-renten était une question
d’équité, de justice et d’honneur national, ce que nous contestions. Nous nous
serions abstenus d’entrer dans le fond de la discussion, s’il n’avait pas porté
la question sur ce terrain, et il aurait évité les inconvénients qu’il a
signalés.
Il s’est effrayé de ce que j’ai eu l’honneur de dire
que les réponses du ministre devraient probablement nécessiter d’autres
questions. Vous concevez que sur une question aussi grave on ne peut pas proposer
de conclusions, sans l’avoir examinée sous toutes ses faces. Il a ajouté qu’il
ne trouvait pas de garantie dans la section centrale : qu’il propose de nommer
une nouvelle commission, la chambre verra ce qu’elle aura à faire. Quant à
nous, nous connaissons les devoirs qui nous sont imposés, et nous nous
acquitterons de notre mandat au vœu de l’assemblée.
Cette discussion nous prouve de plus en plus qu’il
faut adopter l’ajournement. Je demande qu’on mette la question d’ajournement
aux voix ; nous perdons ici du temps qui ne profite à personne, car nous ne
pouvons pas faire faire un pas à la discussion, et nous retardons la marche de
nos délibérations. (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - M. Fallon propose d’ajourner la discussion de
l’amendement de M. Verdussen, jusqu’après le rapport de la section centrale sur
la question des los-renten.
- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.
La discussion générale est fermée.
Discussion
des articles
M.
le président. - On passe à la discussion des articles.
Article premier
« Art. 1er. Intérêts de la dette active inscrite
au grand-livre auxiliaire ; fr. 611,897-17 c. »
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Je crois devoir faire observer
que je me suis mis d’accord avec la section centrale, et que toutes les
propositions ont été concertées entre elle et moi.
Ceci pourra, je pense, abréger de beaucoup la
discussion.
M.
Meeus. - Messieurs, sans proposer
d’amendement, je ferai observer cependant qu’il me paraîtrait plus conforme à
une bonne comptabilité de porter tous les ans au chapitre Ier les intérêts de
la dette, la somme de 17,777,000 fr. que nous devons aux termes des 24
articles.
Je regarde cela non seulement comme une question de
bonne comptabilité, mais j’y vois encore une question qui intéresse
S’il arrivait que dans le courant de l’année le traité
fût signé par
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour répondre aux
observations du préopinant. Je vous prie de remarquer quels seraient les
résultats de sa proposition ou de son opinion : si elle était admise, le
premier serait que vous reconnaîtriez devoir chaque année 28 millions à
Voici quel serait l’autre résultat : je suppose que
l’honorable membre qui parle au nom de la comptabilité entend que la mesure
qu’il réclame reçoive toutes ses conséquences ; eh bien, voici ce qui en
résulterait : c’est que quand vous auriez porté par manière de comptabilité les
intérêts de la dette hollandaise à notre budget des dépenses, vous devriez
aussi faire un emprunt pour couvrir la dépense, et cet emprunt resterait entre
les mains de la banque qui profiterait des intérêts.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Vous avez raison.
M.
Dumortier, rapporteur. - Existe-t-il ici quelqu’un qui veuille grossir
le trésor d’une institution qui coûte déjà si cher au pays ?
Maintenant notre budget des recettes balance celui des
dépenses ; et lorsqu’il ne le balancerait plus, il faudrait faire un emprunt
dont la banque seule profiterait : voilà quel serait le résultat du système de
comptabilité que propose l’honorable préopinant.
Nous, nous avons une autre
manière de penser. Je n’admettrai jamais que la chambre puisse ainsi voter des
fonds même nominalement dans l’intérêt d’une institution particulière. La chambre
pense unanimement qu’il faut que le gouvernement déclare à la conférence de
Londres qu’il ne consentira jamais à payer d’arrérages si ce n’est à compter du
jour où le roi de Hollande aura apposé sa signature au traité.
La chambre s’est prononcée, à cet égard, dès
l’ouverture de la session, dans l’adresse au Roi ; elle a déclaré qu’elle
entendait que le pays fût dégrevé de l’arriéré de la dette jusqu’au moment de
la signature du traité. C’est par cette raison que nous n’avons pas porté au
budget les 18 millions de la dette hollandaise. Les porter au budget serait
déclarer qu’on a l’intention de les payer. Si la chambre le faisait, elle se
mettrait en contradiction manifeste avec l’opinion qu’elle a exprimée dans son
adresse au Roi.
M. d’Hoffschmidt. - L’honorable M. Meeus vous propose de porter au budget les 8,400,000 fl. que le traité des 24 articles tend à nous
imposer ; mais où trouve-t-on que le traité des 24 articles soit exécutoire
pour nous ? Ce traité n’est pas accepté par
M.
Donny. - Je partage l’opinion de M. Meeus, et je crois que son
observation n’a pas été saisie par M. Dumortier, auquel je viens d’entendre
dire qu’il fallait considérer l’arriéré comme une dette de
Cette observation est complexe ; elle tend à ce que
d’un côté on annuel le crédit de 38 millions déjà porté au budget de 1832, et
que d’un autre côté, l’on ne porte au budget courant que la somme nécessaire
pour payer l’exercice 1834. Si une disposition était prise dans ce sens, chaque
année la législature porterait un crédit éventuel de 8 millions 400 mille
francs, et chaque année elle annulerait le crédit de l’année précédente, de
sorte que chaque année elle prendrait une disposition par laquelle elle
déclarerait ne pas entendre payer l’arriéré de la dette. (Aux voix ! aux voix !aux voix !)
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Puisqu’il ne s’agit que d’une
observation et qu’il n’est pas proposé d’amendement, je demanderai qu’il soit
passé outre.
« Art. 1er. Intérêts de la dette active inscrite
au grand-livre auxiliaire ; fr. 611,897. »
- Adopté.
Articles 2 à 5
« Art. 2. Intérêts de l’emprunt autorisé par la
loi du 14 décembre 1831, et dotation de l’amortissement de cet emprunt : fr. 6,048,000. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 3. Frais relatifs au paiement de l’intérêt
et de l’amortissement de cet emprunt : fr. 130,000. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 4. Intérêts et frais présumés de la dette
flottante : fr. 720,000. »
- Adopté sans discussion.
« Art. 5. Intérêts de la rente viagère : fr.
9,000. »
- Adopté.
Chapitre
II. - Rémunérations
Article premier
« Art. 1er. Pensions ecclésiastiques : fr.
890,000. » - Adopté.
« Pensions civiles : fr. 420,000. » -
Adopté.
« Pensions civiques : fr. 210,000. » -
Adopté.
« Pensions militaires : fr. 1,130,000. »
- Adopté.
« Art. 2. Traitements d’attente : fr.
50,000. »
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Je me réunis à l’opinion de la
section centrale. La chambre a déjà statué sur le chiffre, et je serais sans
espoir de succès en demandant autre chose.
M.
Dumortier, rapporteur. - Dans le rapport que nous avons soumis à la
chambre l’année dernière, nous avons demandé qu’au moyen de cette somme de
50,000 fr., on ne payât que les traitements des anciens fonctionnaires publics,
car eux seuls sont en droit d’attendre des fonctions ; cependant il s’est
trouvé que d’anciens fonctionnaires n’ont rien reçu, tandis que des individus
qui n’ont jamais rendu de services, ont reçu des traitements. A l’appui de ce
que j’avance, je tiens à la main la réclamation d’un ancien gouverneur de
province, homme recommandable, qui est dans la nécessité et que l’on a
complètement oublié.
Je connais personnellement cet ancien fonctionnaire,
et je crois qu’il suffira de signaler ce fait au ministre des finances pour
qu’il y fasse droit.
M.
Doignon. - Je regrette que la section centrale n’ait pas fait son
rapport sur la question relative aux traitement
d’attente, et qui a été présenté par M. d’Hoffschmidt ; je ne sais pourquoi la
section centrale ne s’est pas occupée de cet objet. De cette discussion, il
s’ensuivra que les traitements d’attente seront encore payés cette année et
probablement en 1835. Les traitements d’attente ont été accordés par Guillaume
et sous son bon plaisir ; il faut faire cesser cet abus. Je demande que la
section centrale soit invitée à faire promptement son rapport sur la
proposition déposée par M. d’Hoffschmidt.
M.
Dumortier, rapporteur. - Si la section centrale n’a pas fait son
rapport sur cette proposition, c’est qu’elle ne pouvait intercaler dans le
budget une loi spéciale ; la proposition de M. d’Hoffschmidt est en effet une
disposition toute particulière et en dehors du budget. On peut maintenant
proposer un amendement à cet égard ; s’il en est présenté, nous le discuterons.
M.
Doignon. - Je demande qu’un rapport soit fait dans le plus court délai
; mais je ne demande pas l’intercalation de la proposition de M. d’Hoffschmidt
dans le budget.
- L’article 2, traitements d’attente, est mis aux voix
et adopté avec le chiffre de 50,000 fr.
Article 2
« Art. 3. Subvention à la caisse des retraites :
fr. 200,000.
« Crédit supplémentaire : fr. 50.000.
« Total : fr. 250,000. »
- Adopté.
Chapitre
III. - Fonds de dépôts
Le chapitre III est adopté sans discussion, ainsi
qu’il suit :
Articles 1 à 4
« Art. 1er. Intérêts des cautionnements dont les
fonds sont encore en Hollande : fr. 160,000. »
« Art. 2.
Intérêts des cautionnements des comptables belges, inscrits au grand-livre
d’Amsterdam : fr. 8,000. »
« Art. 3. Intérêts des cautionnements versés en
numéraire depuis la révolution : fr. 71,000. »
« Art. 4. Intérêts et remboursement des
consignations dont les fonds sont en Hollande : fr. 50,000. »
M.
Dumortier propose un article additionnel ainsi conçu :
« Les clauses et réserves établies en 1833 sont
maintenues au budget de 1834. »
- Cet article est mis aux voix et adopté.
Vote sur les articles et sur l’ensemble du projet
Le texte du budget de la dette publique est adopté.
On procède à l’appel nominal sur l’ensemble du budget
; en voici le résultat :
Nombre de votant, 53.
Majorité absolue, 27.
Pour l’adoption, 52.
Contre, 1.
La chambre a adopté.
La séance est levée à 4 heures un quart.