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d’intention
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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du samedi 3 mai 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Motion d’ordre relative à la fixation des travaux de la chambre (loi
d’organisation provinciale, loi d’organisation communale et/ou des circonscriptions
cantonales) (de Nef, Jullien, d’Huart, H. Dellafaille, de Theux, de Muelenaere, Pirson, de Theux, Rogier,
Fleussu, de Theux, Lardinois, Rogier, Fleussu, d’Huart, Ernst,
Lardinois, H. Dellafaille,
de Theux, de Muelenaere, Ernst)
3) Rapports sur des pétitions relatives, notamment, à une demande d’aide
pour les réfugiés politiques (Evain, A.
Rodenbach), à l’impôt sur le sel, aux droits d’entrée et de sortie sur les
huiles (Dewitte), à la vente d’objets préemptés par les
employés de la douanes (A. Rodenbach, Jullien, Duvivier), à la
radiation des inscriptions hypothécaires (Jullien), à
une demande d’aide de certains marchands de houille (Rogier),
à l’école de médecine de Bruxelles, à l’industrie
extractive (pierres bleues) (Eloy de Burdinne), à
l’échange d’un prisonnier de guerre (Evain), à des
demandes d’exemption de droits d’entrée pour des cultivateurs belges ayant des
terres aux Pays-bas (de Muelenaere, Duvivier, Jullien, de Muelenaere), à une demande de pension d’un
militaire par suite de blessures reçues en août 1831 (Evain),
à l’organisation de la garde civique (Dubois, Rogier, Dubois, Angillis,
Rogier), aux négociations commerciales et douanières
avec
(Moniteur belge n°125, du 5 mai 1834)
(Présidence de M. Raikem)
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi ; mais, faute d’un
nombre suffisant de membres, la séance n’est ouverte qu’à une heure.
M. Dellafaille donne lecture du procès-verbal,
dont la rédaction est adoptée.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs
propriétaires du canton de Nandrin et Ferrière demandent la prompte mise en
exécution du cadastre. »
- Cette pétition est
renvoyée à la commission chargée d’examiner la situation des opérations
cadastrales.
__________________
« La chambre de
commerce et des fabriques de Bruges adresse des considérations en faveur de la
proposition de M. de Foere, tendant à accorder une protection au pavillon belge
par l’établissement d’une marine. »
- Cette pétition est
renvoyée à la commission des pétitions.
__________________
« Les bourgmestre
et assesseurs des communes composant le canton de Merbes-le-Château demandent
le maintien dudit canton. »
- Cette pétition est
renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la
circonscription des justices de paix.
MOTION D’ORDRE RELATIVE A
M.
de Nef. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Je désire que
l’on mette à l’ordre du jour de jeudi prochain, l’ouverture de la discussion
générale sur la loi concernant l’organisation provinciale. (Appuyé ! Appuyé !)
M. Jullien. - Je ne veux pas m’opposer ce que
l’on discute la loi provinciale, mais je voudrais savoir où en est la loi
communale. Dans mon opinion il faut commencer par délibérer sur la loi
communale. La commune est la base de l’organisation de la société. Il n’est pas
d’usage de bâtir en commençant par les combles et c’est cependant ce que vous
allez faire en commençant par la loi provinciale ; faites bien attention que
dans l’organisation de la province, pour la constituer comme autorité d’appel
de tout ce qui concerne les attributions communales, je ne sais comment vous y
parviendrez si la commune n’est pas constituée. Pour organiser la province
avant la commune, vous serez obligés de laisser beaucoup de lacunes, parce que
vous reconnaîtrez l’impossibilité d’aller plus loin avant d’avoir mis en
rapport les attributions communales et provinciales. Si l’on pouvait avoir
promptement un rapport sur la loi communale, je crois qu’il conviendrait
d’attendre.
M. d’Huart. - Il serait désirable de commencer par la loi
communale. Nous pouvons espérer d’avoir le rapport sur cette loi dans huit
jours, si on presse M. le rapporteur. Cependant rien n’empêche de discuter la
loi provinciale. Les lois communale et provinciale devraient marcher ensemble,
s’il était possible. Il faut avouer que la loi communale est plus urgente que
l’autre. Nous pouvons toujours commencer la discussion sur la loi provinciale,
sauf à la suspendre quand le rapport sur la loi communale nous sera présenté.
M.
Dellafaille. -
La section centrale a nommé M. Dumortier rapporteur. J’ai été chargé de quelque
travaux relatifs à la loi communale ; j’ai été chargé de la rédaction des
articles ; M. Dumortier doit vous rendre compte de l’exposé des motifs.
Cet exposé des motifs
demandera quelque temps pour être terminé, mais je suis persuadé que M.
Dumortier se fera un devoir de répondre aux désirs de ses collègues et qu’il
s’empressera d’achever son travail.
M. de Theux. - Je crois qu’on peut
diviser la loi communale en deux parties, l’une relative au personnel, l’autre
relative aux attributions, et je crois qu’on pourrait nous présenter
promptement un rapport sur l’organisation du personnel. Toutefois je ne pense
pas qu’il soit possible de commencer par l’organisation provinciale. On a bien
commencé en France par la loi départementale. La section centrale n’a rencontré
aucune difficulté dans son travail sur l’organisation provinciale, et il n’y a
pas d’obstacle à la discussion.
La loi provinciale se
borne à instituer les autorités qui auront une action sur les autorités
communales ; mais c’est dans la loi communale que l’on établit les attributions
communales.
M. de Muelenaere. - Personne ne conteste
l’urgence de la loi communale, personne ne conteste la nécessité de s’en
occuper promptement : si nous avions à la fois les rapports sur les lois
communale et provinciale, nous n’aurions pas de peine à montrer qu’il faut
commencer par la loi communale. Dans la discussion sur la loi provinciale il
sera possible que nous soyons arrêtés à chaque pas ; toutefois, comme les deux
rapports ne sont pas faits et qu’il faut que la chambre utilise son temps, je
crois que la proposition de M. d’Huart peut être adoptée. La chambre tâcherait
d’avoir le plus promptement possible le rapport sur la loi communale. Ce
rapport ne me semble pas exiger beaucoup de temps : c’est dans les articles que
nous trouverons facilement les motifs de la loi ; une discussion générale sur
le rapport serait très oiseuse.
M. Pirson. - Je pense comme les préopinants que
les lois communale et provinciale sont véritablement urgentes. Cependant on
devrait indiquer un autre jour que lundi pour ouvrir la discussion sur la loi
provinciale. Je remarque de grands vides sur nos bancs et je voudrais que nous
fussions tous présents pour la délibération sur des lois aussi importantes.
Indiquons mardi ou mercredi, et nous serons tous réunis. (Non ! non ! Lundi !)
M. de Theux. - Il n’y a pas de motifs
suffisants pour reculer jusqu’à mardi ; car dès la séance d’hier, d’après la
demande faite par M. de Nef, les membres de la chambre ont été suffisamment
avertis qu’on voulait commencer la discussion sur la loi provinciale.
M.
le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - L’intention du gouvernement
n’est pas de s’opposer à la discussion de lois d’un intérêt aussi général et
c’est pourquoi nous partagerions l’opinion de ceux qui demandent la discussion
immédiate de la loi provinciale, s’il était bien entendu que cette discussion
ne reculera pas celle de la loi communale. Il y a 13 mois que le gouvernement a
présenté la loi communale à la chambre ; il lui est permis d’insister pour
qu’on la mette promptement en délibération.
Si
la loi communale était divisée en deux parties, comme on l’a fait en France,
l’une relative à l’organisation du personnel des autorités communales, l’autre
relative à leurs attributions, et si l’on s’occupait d’abord de l’organisation
du personnel, cette loi rendrait inutile peut-être la loi interprétative des
règlements administratifs que nous avons présentée il y a quelque temps. Je me
permettrai donc en conséquence d’inviter M. le président à faire hâter les
travaux du rapporteur de la section centrale chargée de l’examen de la loi
communale.
Je demanderai surtout
que le rapporteur s’occupe de la partie de la loi relative à l’organisation du
personnel.
M. Fleussu. - Ce que dit le ministre de
l’intérieur m’empêche d’entrer dans de grands développements. Je vois avec
plaisir qu’il presse l’organisation du pays. Il a fait allusion à une régence ;
mais je sais que dans une foule de communes et de districts il y a eu des
difficultés relativement aux attributions ; on ne peut résoudre ces
difficultés, ce qui entraîné une espèce de désordre. Si l’on organisait d’abord
le personnel des autorités communales, en très peu de temps l’ordre
administratif serait rétabli. Cette organisation faite, les attributions
existantes subsisteraient jusqu’à ce que les attributions nouvelles fussent
déterminées. En procédant ainsi, on serait véritablement utile au pays.
M. de Theux. - Sans doute que l’on
peut diviser la loi communale en deux parties, comme M. Fleussu et le ministre
de l’intérieur l’ont demandé ; mais il faudrait que la chambre manifestât son
intention à cet égard, afin que la section centrale conformât son travail au
vœu de l’assemblée ; la section centrale hésitera à faire la division désirée
s’il n’y a pas décision de la chambre.
M.
Lardinois. - Je fais la proposition formelle de diviser la loi
communale en deux lois : 1° loi sur l’organisation du personnel, 2° loi sur les
attributions communales. On fera ainsi deux rapports ; et le rapport sur la
première loi peut être bientôt prêt. (Adhésion
de toutes parts.)
- La
chambre consultée par M. le président décide que, dans la séance de lundi 5
mai, elle ouvrira la discussion sur la loi provinciale.
- La proposition de M.
Lardinois est mise aux voix et est adoptée. Ainsi la loi communale sera divisée
en deux lois et la chambre s’occupera d’abord de la loi organisant le personnel
des autorités municipales.
M. le ministre de
l’intérieur (M. Rogier) - Il est bien entendu que le rapport sur la loi
communale sera présenté dans un très bref délai, et que l’on pourra interrompre
la discussion de la loi provinciale pour commencer la discussion de la loi
communale. (C’est entendu ! c’est entendu
!)
M. Fleussu. - La loi communale est de qu’il y a
de plus urgent.
M.
d’Huart. - Je
demande que la chambre invite le bureau à écrire à l’honorable M. Dumortier,
pour l’engager à s’occuper de la première partie de la loi communale, ou de la
partie de cette loi concernant le personnel.
M. Ernst. - La
chambre ne doit pas être arrêtée par la raison qu’un honorable membre n’aurait
pu terminer le travail dont il est chargé : à la rigueur, le texte des articles
de la loi communale suffit ; c’est le travail confié à M. Dellafaille, et il
est prêt, je crois. Si l’honorable M. Dumortier est dans l’impossibilité de
présenter l’exposé des motifs, quelle que puisse en être l’utilité, nous nous
en passerons, et commencerons immédiatement la discussion de la loi communale
après la loi provinciale. (Adhésion
générale.)
M. Lardinois. - On pourrait nommer un autre
rapporteur.
M.
Dellafaille. -
Le travail de M. le rapporteur est très avancé, mais il faudra donner un ordre
à ce travail, si on partage la loi communale en deux lois.
M. de Theux. - Il paraît que la
rédaction des articles n’est pas même arrêtée ; ainsi M. le rapporteur n’est
pas en demeure pour faire son travail et le présenter promptement. Je demande
que l’on commence la discussion sur la loi provinciale.
M. de Muelenaere. - Je ne crois pas qu’on
veuille faire ici des reproches à l’honorable rapporteur de la section
centrale. On ne sait pas comment les choses se sont passées dans le sein de la
section centrale, et il n’a peut-être pas dépendu de lui de terminer son
travail. Il ne faut imputer le retard à personne. Nous voudrions avoir le
rapport promptement, voilà tout ce que signifie ce que nous disons.
M.
Ernst. - Je n’ai pas eu l’intention d’adresser, même indirectement, des
reproches à personne. J’ai voulu que la chambre pût dans tous les cas, comme elle
en a exprimé ouvertement l’intention, commencer l’organisation communale, dès
qu’elle aura achevé l’organisation provinciale.
On a séparé la rédaction
des articles de l’exposé des motifs : je pense que cela doit présenter des
inconvénients, et qu’il eût mieux valu réunir tout le travail dans les mêmes
mains.
M.
le président. - Si deux membres de la section centrale ont bien voulu
se charger, l’un de la rédaction des articles, l’autre de la rédaction de
l’exposé des motifs, c’était pour hâter le travail : ce travail est très
étendu, et c’est ce qui a déterminé la section centrale à le confier à deux
rapporteurs.
M. de Puydt, rapporteur de la commission des pétitions, a la
parole. - « Par pétition en date du 18 décembre 1833, le comité pour les
réfugiés politiques, à Bruxelles, demande qu’il soit alloué au budget de la
guerre une somme pour subvenir au besoin des réfugiés. »
La commission a conclu
au dépôt au bureau des renseignements, pour servir au besoin à la discussion de
la proposition de MM. Rouppe et Gendebien.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - Messieurs, cette pétition est
datée du 18 décembre 1833. Peu de jours après, MM. Rouppe et Gendebien ont
déposé une proposition dans le but qu’il fût alloué au budget de 1834, aux
réfugiés politiques se trouvant à Bruxelles, un subside de la somme de 75,000
francs qui serait ajoutée à ce titre au budget de mon ministère. (Chapitre des
dépenses extraordinaires et imprévues.) L’assemblée a décidé que cette
proposition serait renvoyée dans les sections qui devraient s’en occuper
immédiatement. Quatre mois se sont passés sans que la chambre ait entendu de
rapport sur cette proposition ; vous vous rappellerez, messieurs, qu’en
terminant la discussion du budget de la guerre, à la fin de décembre, j’ai pris
l’engagement d’accorder provisoirement. sur le budget du département de la
guerre, des subsides aux réfugiés politiques, en attendant que 1’assemblée prît
une résolution. Il devient indispensable que la chambre veuille bien donner
suite à sa première décision. Je prie M. le président de vouloir bien s’assurer
de l’intention de la chambre, et faire savoir si elle prendra une décision
définitive sur la proposition de MM. Rouppe et Gendebien.
M. le président. - Cette proposition n’a été ni
développée ni prise en considération.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - Lecture de la proposition a été
faite à la chambre qui a décidé le renvoi aux sections.
M.
A. Rodenbach. - La proposition dont il s’agit n’a pas été prise en
considération ; elle n’a pas même été développée. Je crois que ce qu’il y aurait
à faire, ce serait d’engager nos deux honorables collègues à développer leur
proposition ; la chambre trouverait moyen d’accorder des subsides aux réfugiés.
Au reste, il faut le dire, il n’y a pas lieu à accuser
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. de Puydt, rapporteur. - « Par pétition en date du 2
septembre 1833, les délégués de l’administration cantonale de Vandrin (Liége)
s’élèvent contre la résolution de l’administration du cadastre, de recommencer
ses opérations d’une révision. »
La commission n’a pas
trouvé dans la pétition les motifs de la décision ; elle n’a pas pu, par
conséquent, juger l’illégalité dont on se plaint. La commission a conclu au
renvoi an ministre des finances avec demande d’explications.
M. Schaetzen. - Je demande en outre le
renvoi de la pétition à la commission du cadastre.
- La chambre ordonne ce
double renvoi.
________________
M. de Puydt, rapporteur. - « Par pétition en date du
24 novembre 1833, le conseil charbonnier, pour le bassin houiller de Charleroy,
réclame contre l’illégalité de l’assiette de l’impôt qui pèse sur les
exploitations. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Schaetzen, autre rapporteur de la commission des pétitions. -
« Par pétition en date du 3 août 1833, plusieurs raffineurs de sel
d’Anvers, Boom, Malines, etc.. se plaignent de ce que, par arrêté du 7 septembre
1833, la faculté d’exporter le sel par terre avec restitution des droits a été
restreinte aux bureaux de Quiévrain, Henri-Chapelle et Francor-Champs.»
La commission propose le
renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
12 décembre 1833, plusieurs raffineurs de sel, de St.-Nicolas, demandent une
nouvelle loi sur le sel, et indiquent des modifications qu’ils croient devoir
être introduites dans la législation sur cette matière. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
24 novembre 1833, quatre raffineurs de sel de la ville d’Ypres demandent que
les droits actuellement existants soient réduits d’un quart, et que l’usage de
l’eau de mer ne soit permis qu’à la charge d’un impôt proportionné aux
bénéfices qui résultent de remploi de ce liquide. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
19 novembre 1833, le sieur Pardon, raffineur de sel à Tirlemont, demande que la
chambre s’occupe d’une loi sur le sel et indique quelques changements qu’il
croit devoir être introduits dans la nouvelle loi. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du 6
janvier 1834, plusieurs fabricants d’huile de Courtray et des environs
demandent que les huiles de baleine, importées par navires étrangers, soient
imposées aux mêmes droits que les huiles de colza, et que les graines
oléagineuses soient imposées à des droits de sortie égaux aux droits d’entrée
que perçoivent les pays limitrophes sur les huiles venant de
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
M.
Dewitte. - Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer la conclusion
de la commission tendant au renvoi de la pétition au ministre des finances et à
la commission d’industrie, ainsi que pour prier la chambre de vouloir inviter
et le ministre et la commission à s’occuper dans le plus bref délai possible de
l’examen de la réclamation des pétitionnaires, vu que le mal qu’ils signalent
pèse non seulement sur eux, mais sur le commerce des huiles de graines en
général, ainsi que l’atteste la pétition des fabricants d’huile du district
d’Alost du 10 janvier 1834, n°41, et à aviser aux moyens de le faire cesser.
Cette tâche sera
d’autant plus facile à remplir, que les pétitionnaires indiquent eux-mêmes des
moyens qui seraient propres à y prévenir, et qui ne comportent aucun
inconvénient. Cet objet, messieurs, est d’une haute importance ; il intéresse
non seulement la fabrication et le commerce des huiles qui éprouvent une
stagnation pénible, mais en outre l’agriculture qui est elle-même en
souffrance. Je pense, messieurs, que ces observations suffiront pour appeler
sur ces pétitions toute l’attention et toute la sollicitude de la chambre et du
gouvernement, et ce d’autant plus que le remède à employer fournira un
accroissement de revenus au trésor. Je propose par conséquent d’ajouter à la
conclusion de la commission des pétitions sur ces deux pétitions les mots avec demande de s’en occuper promptement.
- Les conclusions de la
commission et la proposition de M. Dewitte sont adoptées sur cette pétition.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
10 septembre 1833, quatorze fabricants d’huile du Hainaut et de
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
25 novembre 1833, plusieurs fabricants de tuiles de Boom, Niel et Rumpst
demandent une augmentation de droits à l’entrée des tuiles hollandaises ou leur
prohibition. »
La commission propose le
renvoi an ministre des finances.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
15 novembre 1833 le sieur Corr-Vandermaesen, négociant à Bruxelles, demande une
révision de la partie de la loi des douanes du 26 août 1822, relative à la
préemption.
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.
M. A. Rodenbach. - Messieurs, le
pétitionnaire critique le système de préemption et signale à cet égard de
graves abus ; j’ignore s’ils sont exagérés ; mais je les crois de nature à
devoir attirer l’attention de M. le ministre des finances. La pétition dit que
les employés des douanes se font pour ainsi dire commis-voyageurs, et vont dans
les grandes villes vendre en détail les marchandises préemptées. Il paraît que
certains négociants, lorsqu’un objet manque dans le commerce, s’entendent avec
les employés préempteurs, achètent d’eux ces objets préemptés et fortement
demandés, et les vendent sans concurrence, froissant ainsi les intérêts des
négociants honnêtes gens. D’ailleurs, en Angleterre, les objets préemptés se vendent
publiquement, et c’est l’anéantissement du commerce. Puisqu’on paie des impôts
énormes, des droits de patentes et de douanes, c’est bien le moins que le
commerce soit protégé. J’espère que M. le ministre des finances voudra examiner
cette réclamation avec attention.
M. Jullien. - Une partie des abus signalés par
l’honorable préopinant est à ma connaissance. A Ostende, la préemption donne
également lieu à des abus. Des employés s’entendent avec quelques négociants
pour préempter des marchandises au préjudice du commerce. Je crois au reste
cette discussion anticipée, elle trouvera sa place lorsque la chambre
s’occupera de ce point de législation qui appelle toute son attention. Je me
borne donc à appuyer les conclusions de la commission.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, naturellement
j’examinerai avec soin cette pétition, si elle est adressée à mon ministère.
Mais je ne puis pour le moment m’expliquer sur les faits énoncés dans la
pétition, puisque je ne l’ai pas lue.
On a fait quelques
réflexions sur les abus résultant du droit de préemption. Cependant, toutes les
fois que vous fixerez les droits à la valeur au lieu de les fixer au poids, le
droit est indispensable ; il est la seule garantie de la perception des droits.
Il se commet, a-t-on
dit, des abus ; des employés quittent leur poste pour vendre des marchandises
préemptées. Je ne saurais admettre la réalité de ces allégations. Les employés
ne peuvent quitter leur poste qu’en vertu d’un congé de leurs chefs, et
assurément on ne leur en accorderait pas pour porter dans les villes les
marchandises préemptées. Au reste, s’il résulte pour l’employé un bénéfice de
l’exercice du droit de préemption, cela prouve qu’il y avait tentative de
fraude et que le droit de préemption a été exercé à bonne enseigne.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
28 octobre 1833, le sieur Roland, fabricant lampiste à Liége, demande que les
droits d’entrée sur les produits étrangers de cette industrie soient portés à
dix pour cent, et communique des observations sur les préemptions. »
La commission propose le
renvoi au ministre de finances et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du 27
décembre 1833, la chambre de commerce de Liége transmet à la chambre copie
d’une lettre adressée par elle à M. le ministre des finances, par suite de
l’avis par lui demandé touchant la proposition de majorer les droits d’entrée
sur les denrées coloniales.
La commission propose le
dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
15 janvier 1834, le sieur Colinet, de Gand, propose un nouveau système
d’organisation des employés de la douane. »
La commission propose
l’ordre du jour.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du 5
décembre 1833, plusieurs cultivateurs de Breedere (Flandre occidentale)
signalent le malaise dans lequel ils se trouvent par le bas prix des grains, et
demandent une augmentation des droits sur les céréales qui viennent de
l’étranger. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du 10
janvier 1834, plusieurs négociants en huile, d’Alost, demandent que l’huile de
baleine soit frappée d’un droit égal à celui que paient les huiles de
graines. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du
26 janvier 1834, plusieurs notaires de
La commission propose le
renvoi au ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.
M.
Jullien. - Ceux qui ont provoqué la loi du 22 décembre 1828 se sont
plus occupés des dangers que couraient les créanciers de rentes à défaut de
renouvellement d’inscription que des intérêts des débiteurs. Il en est résulté
un grand désordre dans le régime hypothécaire pour ce qui concerne les
radiations. Ce désordre est signalé à la chambre par cette pétition. J’appuie
les conclusions de la commission, qui sont le dépôt au bureau des
renseignements et le renvoi au ministre de la justice. A cette occasion, je
recommanderai à M. le ministre de la justice les observations dont a fait
hommage à la chambre le conservateur des hypothèques de Bruges, M. de Ridder.
et dans lesquelles il trouvera des vues très utiles pour faire cesser le
désordre dont se plaignent les pétitionnaires. J’en recommande également la
lecture à ceux qui voudront s’occuper de cet objet, que je recommande à toute
la sollicitude de la chambre et de M. le ministre.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition non datée,
un grand nombre de porteurs de houille de la ville de Gand exposent leur
position précaire et prient les chambres d’y porter remède. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur et à la commission d’industrie.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le ministère de l’intérieur ne
peut pas porter secours à ces porteurs de houille.
M. Schaetzen, rapporteur. - Lorsque la commission a pris ces
conclusions, la plupart des usines cotonnières étaient en stagnation. Depuis
lors les usines ont repris, et la pétition se trouve sans objet. Comme le
gouvernement a accordé des subsides à l’industrie cotonnière, la commission
avait pensé qu’il serait possible qu’il fît quelque chose pour les
pétitionnaires ; mais maintenant leur position s’est améliorée, et leur
pétition, je le répète, est devenue sans objet.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je m’oppose au renvoi proposé.
M.
d’Huart. -
L’ordre du jour !
- L’ordre du jour est
mis aux voix et adopté.
M. Schaetzen, rapporteur. - « Par pétition en date du 16 janvier
1834, les professeurs de l’école de médecine de Bruxelles demandent
l’établissement d’un jury général destiné à la création de docteurs en médecine
et en pharmacie. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Poschet, autre rapporteur, a la parole. - « Par pétition en
date du 10 février 1834, les sieurs Pierre et Englebert Bastin, cultivateurs à
Othée, réclament de la chambre pour obtenir le paiement d’une rente à charge de
la fabrique de l’église de cette commune. »
La commission propose
l’ordre du jour.
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 5
janvier 1834, la dame veuve Huard de Lodelensart réclame le paiement d’une
créance de 523 francs 91 centimes du chef des fournitures faites sous l’ancien
gouvernement. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances.
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
18 février 1834, plusieurs brasseurs de Liége réclament une loi qui fixe le
maximum des centimes additionnels communaux au principal des accises. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur.
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
15 février 1834, le sieur Joseph Remy, maréchal carrossier à Bruxelles, réclame
derechef l’intervention de la chambre, afin d’obtenir le paiement de la somme
de 388 fl. 85 c., qui lui est due par l’établissement des vers à soie à Ath. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 8
février 1834, le sieur Germans, propriétaire de carrières et fours à chaux à
Seilles, demande une loi qui permette la libre exportation des pierres bleues à
chaux. »
La commission propose le
renvoi à la commission d’industrie.
Les réclamants
prétendent qu’on pourrait obtenir l’autorisation de désencombrer les carrières,
et qu’il en résulterait ainsi un grand intérêt pour l’exploitation.
M. Eloy de Burdinne. - Je pense qu’il
serait convenable de presser la commission d’industrie de s’occuper promptement
de la pétition. Il est certain qu’il résulterait un grand intérêt de
l’exploitation des carrières. Je demande que les conclusions du rapport soient
adoptées avec l’invitation à la commission d’industrie de s’occuper promptement
de la pétition. (Appuyé ! appuyé !)
- Le renvoi à la
commission d’industrie est adopté avec l’addition proposée par M. de Burdinne.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
25 janvier 1834, les habitants notables de Heyst-op-den-Berg adressent des
réclamations au sujet de la direction que prendre la route projetée entre
Lierre et Aerschot. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur.
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du 8
février 1834, le sieur Lebon, de Charleroy, demande qu’il soit alloué un
subside au budget de l’intérieur pour l’achèvement de la route de Binche à
Beaumont. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Le sieur Mathieu
Vryden-Berger, à Mons, natif de Maestricht, gendarme au service de Hollande,
fait prisonnier de guerre en passant sur le territoire belge, demande qu’il
soit statué sur son sort et qu’il soit relâché. »
La commission propose le
renvoi au ministre de la guerre.
Le pétitionnaire expose
qu’il peut être statue sur son sort au moyen d’un échange.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - Le renvoi devient inutile,
attendu que l’échange a été fait et que les deux gouvernements se sont entendus
à cet égard il y a un mois (L’ordre du
jour ! l’ordre du jour !)
- L’ordre du jour est
adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
12 février 1834, le sieur François Buyck, cultivateur dans le polder Clara,
commune de Philippine, paroisse de Bouchante (Flandre orientale), habitant et
exploitant dans le rayon utilitaire belge une terre d’environ
La commission propose le
renvoi au ministre des finances.
Avant l’établissement
des anciennes limites, la ferme du pétitionnaire se trouvait située sur le
territoire hollandais ; aujourd’hui les Hollandais le traitent en Belge et les
Belges le traitent en Hollandais. Quand il se présente sur les marchés de
M. de Muelenaere. - Dans une séance
précédente une pétition ayant un même objet a été présenté à l’assemblée, et un
de nos honorables collègues, absent en ce moment, a proposé de la renvoyer à M.
le ministre des finances. Puisqu’il y a plusieurs individus qui se trouvent
dans la même catégorie que le pétitionnaire, je demanderai à M. le ministre des
finances qu’il veuille bien s’occuper de l’objet de la réclamation, et qu’il
voie s’il y a possibilité de remédier aux inconvénients qui ont été signalés.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) -
J’examinerai avec une grande attention et avec un soin tout particulier la
réclamation du pétitionnaire. Je ferai prendre des renseignements, et
j’adopterai ensuite les mesures que ces renseignements devront me suggérer.
M. Jullien. - Je rappellerai à M. le ministre que
plusieurs pétitionnaires sont dans le même cas que celui dont il s’agit ; nous
avons déjà réclamé, et cependant nous n’avons pas vu que les plaintes eussent
cessé.
M.
le ministre des finances (M. Duvivier) - Je pourrai généraliser la
mesure que j’aurai à prendre.
M. de Muelenaere. - Comme le gouvernement a
autant intérêt que nous pouvons en avoir à faire cesser l’abus, nous pouvons
nous en rapporter entièrement à lui.
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
12 novembre 1833, le sieur Benoy, de Tournay, blessé dans les journées du mois
d’aout 1831, demande une pension. »
La commission propose le
renvoi au ministre de la guerre.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - Un grand nombre de militaires
blessés dans les journées du mois d’août 1831 ont réclamé des pensions et j’ai
proposé à cet égard un projet de loi ; la chambre ne s’en étant pas encore
occupée, j’ai présenté un projet transitoire pour m’autoriser à accorder des
pensions provisoires aux militaires qui y avaient droit.
J’ai formé une
commission chargée d’examiner les pièces et les réclamations de ceux qui
prétendent à une pension ; sur 1,300 demandes, 570 ont été reconnues valables.
Si le pétitionnaire a
des pièces qui établissent qu’il a droit à une pension, nul doute qu’il lui en
soit accordé une.
On ne peut examiner à la
fois 1,300 demandes : ce n’est que successivement que la commission peut
reconnaître les droits de chacun des réclamants ; ce n’est que successivement,
et en attendant la loi définitive, que je soumets au Roi les arrêtés qui
proposent des pensions de retraite.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition non datée,
plusieurs tanneurs de Binche et environs adressent des observations sur la
situation de leur industrie. »
La commission propose le
renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.
- Adopté.
________________
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date
du février 1834, le sieur Laurillard
Fallot, officier en non-activité, demande la naturalisation. »
La commission propose le
renvoi au bureau des renseignements, pour être remise à la commission à nommer
de naturalisation.
- Adopté.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
24 janvier 1834, plusieurs sous-officiers de la garde civique de Bruxelles
demandent que la chambre s’occupe d’un projet de réorganisation de la garde
civique.»
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur.
M. Dubois. - Messieurs, une pétition vous est
adressée par quelques officiers de la garde civique de Bruxelles, par laquelle
ils demandent que la chambre s’occupe d’un projet de réorganisation de cette
garde.
Je crois qu’il est de
notre devoir d’appeler l’attention du gouvernement sur cet objet.
La garde civique est une
noble et belle institution que nous devons à la civilisation moderne. Née du
progrès, elle est la conséquence d’une pensée d’ordre, de cet instinct de
conservation qui, chez tous les peuples comme chez l’individu, grandit et se
développe à mesure qu’ils sentent leur bien-être et leur importance
s’augmenter.
Vous ne l’avez pas
oublié, messieurs, c’est à l’époque de notre révolution, c’est quand l’ordre et
la légalité semblaient avoir disparu du sol de
Le gouvernement
provisoire n’eut qu’à régulariser ce que l’instinct du pays avait créé.
Jamais la garde civique
n’aurait menti à de pareils antécédents, jamais elle n’aurait manqué au pays.
Pour vous en persuader,
qu’il vous suffise d’examiner la conduite de la garde civique de Bruxelles, qui
la première fut organisée, et qui lutte encore contre la désorganisation dont
elle est menacée, et qui, dans d’autres localités, a déjà effacé cette
institution.
Les pétitionnaires vous
le demandent. N’ont-ils pas fait respecter les délibérations du congrès ? Ne se
sont-ils pas montrés avec honneur partout où l’ordre pouvait être compromis ?
N’est-ce pas sous la
protection de ces hommes qu’a été proclamée l’indépendance de
Oui, messieurs, ils ont
fait tout cela : honneur à eux !
Ils auraient fait davantage,
mais on ne l’a pas voulu.
Qu’il me voit permis,
messieurs, d’ajouter encore un mot sur la pensée qui semble avoir dominé la
législature du congrès à l’époque où elle s’occupa de l’organisation de la
garde civique.
Cette pensée a eu, à mon
avis, une influence funeste sur cette organisation.
A cette époque, le pays
entier était sous les armes, les compagnies de volontaires accouraient de toute
part. Les succès et les triomphes des braves de septembre étaient encore
récents. Leurs victoires sur les Hollandais avaient excité l’enthousiasme dans
tous les cœurs, avaient gagné tous les esprits.
On crut alors que cet
état exceptionnel d’un peuple qui sort vivement de ses habitudes d’ordre, chez
qui l’indignation fait place à la longanimité pour se ruer comme un seul homme
sur ses oppresseurs et pour les chasser du pays, devait durer toujours.
On crut qu’on avait une
armée toute faite, nombreuse, et disons-le, qu’on pouvait organiser bien
économiquement ; et le congrès national vota une loi qui lui donna un ban et un
arrière- ban de soldats citoyens qui pouvaient fournir au pays un corps de
600,000 hommes.
D’où vient donc qu’un
élan aussi spontané ait ralenti, qu’une aussi généreuse pensée soit presque
étouffée et entièrement oubliée ?
D’où vient-il qu’un pareil
élément d’ordre soit neutralisé, perdu pour le pays ?
Oh ! Messieurs,
hâtons-nous de le dire et disons-le franchement : ce sont les lois organiques
qui ont désorganisé la garde civique, qui ont faussé son institution.
Ensuite, c’est le
gouvernement qui a négligé constamment de porter remède au mal, et de s’opposer
à ses funestes conséquences.
Les gardes eux-mêmes ont
protesté les premiers ; la chambre s’est jointe à eux ; la nation entière a
fait des réclamations ; jamais le gouvernement ne les a écoutés. Il n’a rien
fait pour relever de sa ruine une aussi noble institution.
La chambre est saisie, à
la vérité, d’un projet de loi, d’un projet d’équipement. Mais est-ce bien de
cela qu’il s’agit ?
Non, messieurs, il nous
faut une réorganisation complète, une loi organique toute nouvelle.
Je ne vous dirai pas ce
que contiennent de défectueux les lois du 30 décembre 1830 et du 18 janvier
1831.
Le désordre sort presque
de tous les articles.
Les divers rapports de
messieurs les gouverneurs des provinces qui ont été imprimés constatent
également la nécessité d’une révision complète.
Permettez-moi de vous
citer à ce sujet le rapport d’un honorable collègue et ami ; il est remarquable
:
« Je n’ai point de
renseignements satisfaisants à donner sur la garde civique, dit le gouverneur
de
« La loi du 31 décembre
1830, votée dans une seule et même séance, est défectueuse dans la plupart de
ses dispositions. Celles qui ont été promulguées plus tard n’ont pas fait
disparaître le vice originel de la loi.
« L’expérience semble
avoir démontré que la nouvelle loi, pour répondre au vœu du pays, devrait
consacrer l’application des principes suivants :
« 1° Tout citoyen pour
faire partie de la garde civique sédentaire devrait payer un cens déterminé.
« 2° Le gouvernement
devrait nommer, sans exception aucune, tous les officiers supérieurs ainsi que
les officiers comptables.
« 3° Les gardes, en
exécution de l’article 22 de la constitution, nommeraient les titulaires de
tous les grades jusqu’à celui de capitaine inclusivement parmi des candidats
réunissant les conditions voulues par la loi.
« 4° Tout officier
élu serait obligé d’accepter son mandat, à moins qu’il ne pût alléguer des
causes de dispense reconnues légitimes.
« 5° Le conseil de
discipline serait présidé par le juge de paix du canton, assisté de deux
officiers au moins et de quatre officiers au plus de la légion.
« Ces principes établis,
la garde civique serait formée de membres fiers de figurer dans ses rangs ;
elle serait commandée par des hommes dignes de se trouver à la tête de leurs
concitoyens, et les juges appelés a prononcer sur les contraventions
s’acquitteraient de ce devoir avec impartialité, promptitude et sagesse. »
Cette malheureuse
préoccupation, cette erreur sur le caractère du peuple belge, a été cause de
bien des désastres chez nous.
Son résultat immédiat a été
de détruire les gardes urbaines existantes, et de rendre leur réorganisation
sous le nom de gardes civiques impossible.
Peut-être faut-il lui
attribuer une conséquence plus éloigner, mais plus malheureuse encore pour le
pays. C’est que trop souvent l’organisation et l’existence présumée de la garde
civique ont servi de prétexte pour excuser les lenteurs que mettait alors le
gouvernement dans l’organisation d’une autre force, bien plus essentielle et
bien plus importante pour un royaume né d’hier, et dont l’indépendance est
menacée sur tant de points différents, dans l’organisation de l’armée.
La pensée qui doit
dominer cette loi, doit être toute pacifique, toute d’ordre intérieur.
Vouloir
faire une armée de la garde civique, méconnaître le but de son institution,
c’est vouloir la détourner de sa mission, c’est mal interpréter la pensée de la
nation et des citoyens qui se dévouent si généreusement à cette garde.
Si donc, messieurs,
j’insiste sur la nécessité d’une révision prompte de ces lois, je dois ajouter
que je demande du gouvernement tout autre chose qu’une nouvelle armée de ligne.
Il y a d’autres moyens
d’augmenter les cadres de l’armée. Ce que je veux, c’est un projet de loi qui
réponde aux besoins du temps et des circonstances qui sont en harmonie avec nos
mœurs et notre civilisation.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’honorable préopinant
regrette la désorganisation de la garde civique, et suivant l’habitude, il en
attribue la faute au gouvernement. J’ai déjà eu l’occasion de dire à la chambre
que depuis longtemps le gouvernement a préparé une loi sur la garde civique. Si
cette loi eût été présentée, tout annonce qu’elle aurait subi le même sort que
les autres lois d’organisation, telles que la loi provinciale, la loi
communale, qui ont bien aussi leur importance, et qui n’ont pu être discutées.
On répète toujours que
la garde civique est désorganisée, on oublie qu’elle est sous l’empire de la
loi de décembre 1830. On oublie que cette loi a été faite pour remédier aux
désordres d’une première organisation. A cette époque la garde civique était
l’objet de beaucoup plus vives réclamations qu’aujourd’hui. On avait improvisé
une espèce de garde bourgeoise sans règles fixes ni bases générales applicables
à tout le pays.
Je nie quant à moi que
l’état où se trouve la garde civique réclame impérieusement une nouvelle loi
d’organisation. La loi de décembre 1830, lorsqu’on l’examine de près, n’est pas
si mauvaise qu’on a bien voulu le dire. Dans plusieurs villes la garde civique
est à même de rendre de grands services. La garde civique de Liége n’a jamais
été désorganisée. Celle de Bruxelles, je dois le dire, depuis plusieurs jours
déploie beaucoup de zèle et fait le service avec une grande régularité. Il
résulte des rapports des chefs que jamais un plus grand nombre de gardes
civiques ne se sont rendus à l’appel.
On oublie qu’une grande
partie de la garde civique a servi dans les rangs de l’armée pendant prés de 2
ans. Depuis le mois d’août 1831 elle a rendu de grands services militaires. Il
est possible que l’absence d’hommes jeunes et actifs l’ait sur quelques points
désorganisée ; mais ce n’est pas la faute de la loi de décembre 1830, ce n’est
pas non plus la faute du gouvernement ; c’est fort injustement qu’on l’accuse ici.
Le gouvernement, plus que qui que ce soit, a intérêt à protéger l’ordre public,
à maintenir une institution qui en est une des meilleures garanties.
Depuis le mois de
décembre dernier une loi en quelques articles a été soumise à la chambre ; elle
a pour but de donner à la garde civique un uniforme qui pût contribuer à
maintenir une organisation plus régulière. Cette loi n’a pas encore été
seulement discutée en sections. Ce n’est que depuis deux jours qu’il a été
annoncé que les sections auraient à s’en occuper. Cependant cette loi que je
regarde comme importante n’aurait pas retardé les autres travaux de la chambre
; il aurait suffi d’une séance peut-être pour l’adopter.
Je
repousse le reproche injuste qu’on adresse au gouvernement de vouloir
désorganiser la garde civique. Un projet de loi d’organisation est prêt. Mais
je le demande à tous les hommes de bonne foi, s’il eût été soumis à la chambre
il y a un an, n’aurait-il pas subi le même sort que les lois pour
l’organisation de la province et de la commune ? La garde civique a une
organisation qui présente quelques vices, mais enfin qui est régulière et
légale, tandis que la province et la commune sont sans organisation aucune.
Cependant on n’a rien fait ni pour la commune ni pour la province. Nous accusera-t-on
aussi de vouloir les désorganiser ?
M. Dubois. - Je n’ai pas eu l’intention
d’accuser le gouvernement de vouloir désorganiser la province et la commune.
J’ai voulu seulement dire qu’il y avait des vices dans la loi sur la garde
civique ; j’ai examiné cette loi et je mets en fait qu’il y a au moins 50 de
ses articles à rectifier.
M. le ministre a parlé
du service militaire qu’a fait la garde civique ; on a voté en effet une loi de
réserve en 1832 ; mais quand l’appel a eu lieu, on a vu les injustices criantes
auxquelles la loi donnait lieu. Les pétitions qui nous ont été adressées
l’année dernière l’ont bien prouvé. La loi de la garde civique est si mal faite
qu’il importe qu’une nouvelle loi d’organisation soit présentée le plus tôt
possible. La loi de la réserve est également mauvaise ou manquera toujours le
but qu’on se propose, toutes les fois qu’on voudra combiner la garde civique
avec l’armée.
M.
le ministre a dit que la garde nationale n’est pas désorganisée ; je puis dire
qu’il est des cantons où on n’en parle plus. Si à Bruxelles elle était bien
organisée, cette pétition n’aurait pas été adressée à la chambre ; si elle
existe encore dans cette ville, c’est que le gouvernement a toujours témoigné
plus de sollicitude pour la garde civique de Bruxelles que pour toute autre.
M. Angillis. - Je n’adresserai de reproches à
personne ; mais il est vrai de dire que nous sommes tous d’accord pour
reconnaître que la loi de la garde civique est défectueuse. Je n’accuse ni le
ministre ni personne de négligence ; mais s’il veut se mettre entièrement à
l’abri de ce reproche, je le prie de présenter un projet de loi d’organisation
; et alors on verra de quel côté est la négligence. M. le ministre a dit que s’il
avait présenté ce projet, la chambre ne s’en serait pas occupée : c’est une
supposition gratuite. Il a voulu reprocher à la chambre de la négligence au
sujet du projet de loi qu’il a présenté sur l’uniforme ; la chambre a bien fait
de ne pas s’en occuper, parce qu’elle demandait autre chose, elle voulait une
organisation ; elle a bien fait de ne pas se livrer à une discussion dont le
résultat eût été d’affermir par une petite loi le désordre existant. La chambre
veut une organisation qui rende toute son existence à la garde civique, à cette
institution éminemment nationale.
M.
le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si la loi d’organisation avait
été présentée, à en juger par les antécédents, elle ne serait pas votée, et au
lieu que le gouvernement en fût responsable, ce serait la chambre.
Je ne sais pas pourquoi
l’on ne s’est pas occupé du projet de loi sur l’uniforme. Tout projet mérite un
rapport, et ce rapport n’a pas été fait. Si les conclusions du rapport avaient
été le rejet de la loi, le gouvernement les aurait combattues ; mais on ne peut
pas préjuger l’opinion de la chambre sur une loi. Je crois pour moi que cette
petite loi eût été très utile en attendant une loi générale d’organisation.
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - « Par pétition en date du
24 janvier 1834, plusieurs fabricants de bonneteries en laine, de Leuze,
adressent des observations sur l’état de leur industrie. »
La commission propose le
renvoi au ministre de l’intérieur et à la commission d’industrie.
M.
Desmet. - A l’occasion de cette pétition, je demanderai à M. le
ministre de l'intérieur si la commission établie pour aller à Paris, et ouvrir des
négociations avec le gouvernement français, afin d’obtenir un traité de
commerce pour les deux pays, ne va pas remplir sa mission ? Nous avons voté des
fonds dans le dernier budget pour cet objet ; on nous avait donné l’espoir, à
différentes reprises, qu’on allait se mettre en chemin ; même on avait dit
qu’on était parti, et cependant personne n’est encore parti, et rien n’a encore
été fait pour cette importante négociation. On dirait que
Quelle est la révolution
industrielle et commerciale qui vient d’avoir lieu ? est-ce le chemin de fer
décrété et promulgué qui aurait fait ce prodige ? je n’en sais rien, mais ce
que je sais très bien, c’est que tout paraît aller à rebours :
Que, par le chemin de
fer, on transportera plus vite qu’à présent les marchandises que les étrangers
débarqueront à Anvers, vers le pays de Liége et l’Allemagne, cela est possible
; mais il restera toujours certain qu’à
Je ne vois donc pas de
motifs pour qu’elle empêche l’introduction d’une majeure partie de nos produits
à des droits modérés, et qu’elle ne favorise une juste concurrence, comme je ne
puis trouver de raisons pour quoi elle en priverait plus longtemps la
consommation dans son intérieur.
Le gouvernement français
y trouverait au contraire cet avantage, qu’en ralliant
Mais
un autre moyen encore plus politique, et dans l’intérêt comme de la dignité des
deux pays, serait de faire en Belgique ce que
Je désire donc de savoir
de M. le ministre s’il y a encore apparence qu’une commission se rende près du
gouvernement français pour continuer les négociations commerciales ; et si
contre mon attente ces négociations se trouveraient statées ou ajournées, je
désire en connaître les raisons.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le
gouvernement se propose d’envoyer la commission commerciale à Paris en temps
opportun. Quelques changements dans le personnel de l’administration ont
retardé le départ de la commission d’industrie ; mais quelques-uns de ses
membres se rendront incessamment à Paris. Le gouvernement dans ses relations
commerciales ne cédera à aucune prévention irréfléchie ; il tâchera de défendre
les intérêts du commerce dans toutes les directions. Dans les rapports avec nos
voisins nous ne nous laisserons dominer par aucun préjugé pour ou contre tel ou
tel pays.
M. Pirson. - M. le ministre vient de dire qu’une
partie seulement de la commission devait se rendre à Paris. J’ai ouï dire dans
le public que ces membres de la commission devaient seulement représenter les
Flandres et le commerce de draps. Je crois qu’il serait essentiel qu’il y eût
au moins 3 membres de la commission qui allassent à Paris, et que l’un d’eux
représentât le commerce des forgeries du Hainaut, de Namur, de Liège et de
Luxembourg : c’est là sans doute le plus important. Je ne demande aucun
renseignement à M. le ministre j’espère qu’il accueillera cette observation.
M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) -
Lorsque des négociations officielles se feront avec le gouvernement français,
tous les intérêts du pays seront représentés.
M.
d’Huart. - Je
ferai observer que s’il s’agit seulement de préparer des négociations. Il
serait à désirer que tous les intérêts fussent représentés ; j’ajouterai que la
vente du bétail est peut-être l’objet le plus essentiel pour
- Les conclusions de la
commission sont adoptées.
M. Poschet, rapporteur. - Par pétition en date du 30 janvier
1834, le sieur J. Blockx, notaire à Anvers, demande une disposition qui statue
sur le renouvellement trentenaire des constitutions de rente, dont le terme
expire le 29 mars prochain. »
La commission propose le
renvoi à M. le ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.
M.
Liedts. - L’expiration du terme a rendu la pétition sans objet ; je
demande l’ordre du jour.
M. Poschet, rapporteur. - Les conclusions ont été prises
avant l’expiration du terme.
- L’ordre du jour est
prononcé.
M.
Milcamps, autre rapporteur de la commission des
pétitions. - « Par pétition en date du 23 février 1834, le sieur J.
Elskens, dit Borremans, de Bruxelles, ex-colonel du 1er régiment de chasseurs à
pied, prétend que l’arrête du régent du 3 mars 1831, qui a autorisé le ministre
de la guerre à le rayer du contrôle de l’armée, est illégal, inconstitutionnel,
et demande que le ministre contresignataire de cet arrêté soit mis en
accusation. Il ajoute que c’est surtout l’espoir que la chambre cassera
l’arrête du régent qui le prive de son grade et de son traitement, qui lui a
fait élever la voix. »
Messieurs, chargé de vous rendre compte de la pétition
du sieur Elskens, dit Borremans, es-colonel commandant le premier régiment de
chasseurs à pied, je viens m’acquitter de ce devoir.
Par arrêt de la haute
cour militaire du 25 avril 1831, le colonel Borremans a été condamné comme
coupable de non-révélation de complot à la peine de 5 années d’emprisonnement,
par application des articles 103 et 105 du code pénal civil, et à celle de 2
années de détention pour l’amende prononcée par ledit art. 105, et ce au vœu de
l’article 24 du code pénal militaire.
Un arrêté de M. le régent
du 3 mai même année, a autorisé M. le ministre de la guerre à rayer du contrôle
des armées ledit colonel Borremans.
La plainte du
pétitionnaire porte contre les deux actes.
Il se présente comme une
victime des passions politiques époque où les lois étaient obligées de se
ployer aux volontés plus ou moins injustes et aveugles d’une multitude qui ne
raisonnait pas.
Il ne demande ni
faveurs, ni récompenses ; il réclame un droit.
Il n’ignore pas que les
révolutions ont leurs martyrs, qui ne reçoivent pour prix du plus entier
dévouement et des plus grands sacrifices qu’ingratitude et dégoûts de toute
nature ; mais il sait aussi que tôt ou tard les passions calmées rendent à
l’innocent méconnu une justice qui, pour être tardive, n’en est pas moins
bienfaisante.
Cette justice, il n’a pu
l’obtenir des divers ministres ; il l’attend de la chambre des représentants.
Après ce début, le
pétitionnaire arrive a l’arrêt de la haute cour militaire.
L’accusation de trahison qu’on fit peser sur lui offrait
si peu de preuves, surtout comparée à ses antécédents, que l’auditeur général
se vit forcé de l’abandonner pour se rejeter sur un autre grief : celui de
non-révélation de complot.
Ce second point de
l’accusation était à son tour éminemment absurde, puisque les débats de son
procès prouvèrent que, plusieurs jours avant l’exécution du mouvement de
Grégoire, il instruisit plusieurs personnes des bruits qui circulaient à cet
égard.
L’accusation de trahison
était d’autant plus insoutenable qu’il fut du petit nombre de ceux qui
organisèrent la résistance dans Bruxelles, abandonné de ses chefs civils et
militaires pendant les journées des 20, 21 et 22 septembre ; qu’il se dévoua
vingt fois à une mort certaine pour repousser l’ennemi, à qui il fit souffrir
de grandes pertes d’hommes ; et qu’enfin sa conduite pendant toute la
révolution fut d’un grand et loyal patriote, auquel le bonheur de son pays fut
toujours présent.
Jusqu’ici, messieurs, le
pétitionnaire peut paraître n’avoir pas dépassé les bornes : mais il prévoit
l’objection que sa condamnation fut sans doute provoquée par des faits graves,
étayés de preuves claires et matérielles ; et pour soutenir la négative le
voilà qui se livre à une critique acerbe de l’arrêt de la haute cour militaire.
Il a paru convenable à votre commission de ne point relever les expressions de
cette critique, elle n’a pas vu là l’exercice du droit de pétition. Que
seraient l’indépendance des tribunaux, la chose jugée, s’il était permis
d’attaquer devant les chambres les décisions de l’autorité judiciaire ! Elle a
donc cru devoir écarter cette partie de la réclamation du sieur Borremans.
Je me hâte d’en faire la
remarque : le pétitionnaire convient lui-même que vous n’avez pas à vous
occuper de son jugement, mais d’un abus de pouvoir qu’il dénonce à la chambre.
L’arrêt de la haute cour
militaire du 25 avril, qui le condamne pour non-révélation de complot à 5
années d’emprisonnement et à 2 années de détention pour l’amende, lui a laissé
et son titre, et ses droits à son traitement.
L’arrêté du 3 mai, par
lequel M. le régent a autorisé le ministre de la guerre à le rayer du contrôle
de l’armée, est illégal, inconstitutionnel.
En conséquence le
pétitionnaire demande que le ministre contresignataire de cet arrêté soit mis
en accusation comme coupable d’avoir violé le pacte constitutionnel et les lois
spéciales à la matière.
C’est surtout l’espoir,
ajoute-t-il, que la chambre cassera l’arrêté du régent qui le prive de son grade
et de son traitement, qui lui fait élever la voix.
Dans une consultation y
insérée on soutient que le régent n’avait pas le pouvoir qu’il s’est attribué
par l’arrêté prérappelé, lequel doit être regardé comme non-avenu et inopérant
à tous égards, vu qu’il viole tout à la fois le pacte constitutionnel et les
lois spéciales à la matière.
« Il est à
remarquer d’abord que, par le fait de la radiation des contrôles de l’armée, le
colonel Borremans a été destitué de son grade et privé du traitement y attaché,
peine à laquelle il n’avait pas été condamné par l’arrêt de la haute cour
militaire du 25 avril 1831.
« Or, l’article 9
de la constitution statue que nulle peine ne peut être établie ni appliquée
qu’en vertu de la loi.
« A cette
disposition générale s’en joint une autre spéciale au cas présent, c’est celle
consacrée par l’article 124 de la constitution, portant : Les militaires ne
peuvent être privés de leurs grades, honneurs et pensions que de la manière
déterminée par la loi. »
C’est le code pénal
militaire seul qui, à l’époque susdite, régissait la matière.
L’art. 20 et l’art.. 21,
titre 2, intitulé des Peines, règlent
tout ce qui est relatif à la déchéance du grade. Ou il s’agit de militaires
condamnés à des peines flétrissantes, et alors le jugement de condamnation doit
contenir préalablement la déclaration qu’ils sont déchus de l’état militaire ;
c’est l’objet de l’art. 20. Ou il s’agit d’un militaire qui a commis un délit
civil, sur lequel est statuée une peine qui, d’après les principes militaires, le
rendrait inhabile à rester au service, et alors le juge militaire sera tenu,
outre la peine statuée contre le délit civil, de déclarer le militaire
préalablement déchu de l’état ; c’est le cas prévu par l’art. 21.
C’est pour un délit
prévu par les art. 103 et 105 du code pénal civil, que le colonel Borremans a
été condamné à cinq ans d’emprisonnement, et à 2 années de détention pour
l’amende.
Or, ce code ne statue
pas que la peine de l’emprisonnement rendrait, d’après les principes
militaires, le condamné inhabile à rester au service ; et dans la supposition
que l’on pourrait induire pareille disposition de l’un ou de l’autre article de
ce code, encore aurait-il fallu que la haute cour militaire eût prononcé par
son arrêt la déchéance du colonel Borremans. Elle ne l’a pas fait ; dès lors,
selon la consultation des lois, il n’appartenait pas au chef du pouvoir
exécutif de se placer au-dessus de l’autorité judiciaire et en dehors de la
loi.
Ce qui prouve à la
dernière évidence cette proposition, c’est qu’il a fallu postérieurement une
loi spéciale pour autoriser le Roi à démissionner, sans traitement ni pension,
les officiers qui mènent une mauvaise conduite. C’est l’objet de la loi du 22
septembre 1831.
Tels sont, messieurs,
les moyens que le pétitionnaire vous présente à l’appui de sa réclamation.
Ici a commencé la tâche
de votre commission, laquelle se confond avec celle de son rapporteur.
Il faut bien l’avouer,
M. le régent, en prenant l’arrêté du 3 mai 1831, qui ordonne la radiation du
sieur Borremans du contrôle de l’armée, semble avoir été au-delà des pouvoirs
que lui conféraient la constitution et les lois ; et le sieur Borremans, en
s’appuyant sur l’article 124 de la constitution, paraît être fondé à réclamer
contre cette radiation.
L’article 59 de la loi
fondamentale de 1815 conférait au chef du gouvernement le droit de nommer et de
révoquer les officiers de l’armée, avec pension s’il y avait lieu.
Mais notre constitution
a aboli la loi fondamentale, et dans son article 124 elle a posé le principe
que « les militaires ne peuvent être privés de leurs grades, honneurs et
pensions que de la manière prescrite par la loi. »
Quelle était la loi à
cet égard ? c’est, messieurs, ce que votre commission a eu à rechercher.
L’article 28 du code
pénal civil déclare déchus de l’état militaire ceux qui ont encouru la peine
des travaux forcés à temps, de la réclusion et du carcan.
L’article 20 du code
pénal militaire prononce la déchéance contre ceux qui ont encouru des peines
flétrissantes.
Aucune de ces
dispositions n’était applicable au sieur Borremans, condamné à une peine
d’emprisonnement.
Reste l’art. 21 du même
code pénal militaire, portant que « lorsqu’un militaire aura commis
quelque délit civil, sur lequel est statuée une peine qui d’après les principes
militaires le rendrait inhabile à rester au service, le juge militaire sera
tenu, outre la peine statuée contre le délit civil, de le déclarer
préalablement déchu de l’état militaire. »
De savoir si la haute
cour militaire, en condamnant Borremans pour non-révélation de complot à une
peine d’emprisonnement, n’aurait pas dû appliquer la disposition de cet article
21, c’est une question controversée.
La haute cour militaire
d’Utrecht l’appliquait lorsque la peine du délit civil était de nature à
enlever au condamné la considération sans laquelle il ne peut utilement remplir
ses fonctions, par exemple dans le cas de condamnation pour vol, escroquerie,
abus de confiance, corruption, etc.
Mais la haute cour militaire
de ce pays n’a pas adopté cette jurisprudence ; dans son opinion l’article 21
ne devait recevoir son application que lorsque la peine du délit civil était
infâmante.
Aussi, en condamnant par
son arrêt le colonel Borremans à une peine d’emprisonnement pour un délit civil
résultant de non-révélation de complot, elle ne l’a pas déclaré déchu de son
grade.
Absous de ce chef et en
supposant l’article 21 du code pénal militaire applicable, le colonel Borremans
ne semble pas avoir pu postérieurement à l’arrêt, être déclaré déchu de son
grade pour un fait dont il avait été puni par la haute cour, sans qu’on
méconnût à son égard le principe non bis in idem.
Sa déchéance ne paraît
pas avoir pu être prononcée par un acte de propre mouvement du pouvoir exécutif
qu’autant qu’une loi eût autorisé cet acte.
Il n’existe pas de loi
qui confère ce pouvoir au chef du gouvernement.
Il a déjà été observé
que pour que le chef du gouvernement pût démissionner sans traitement ou
pension un officier de l’armée pour mauvaise conduite, il avait fallu une loi,
celle du 22 septembre 1831 ; mais cette loi postérieure à l’arrêt de la haute
cour n’est plus en vigueur, elle n’était obligatoire que pour une année.
Dira-t-on que la
radiation du sieur Borremans du contrôle de l’armée n’est pas une peine mais
une mesure de haute police et de discipline ? Je sais, messieurs, qu’on a
quelquefois prétendu que la destitution et la suspension n’étaient que des
mesures de haute police et de discipline ; c’est ce qu’a soutenu un savant
procureur-général et ce qu’ont jugé des arrêts. Mais votre commission n’a pas
cru pouvoir s’arrêter à cette objection devant le principe posé dans l’art. 124
de la constitution, que les militaires ne peuvent être privés de leurs grades,
honneurs et pensions que de la manière prescrite par la loi.
Il est fâcheux, sans
doute, que d’après la législation actuelle, toutes les convenances doivent se
faire à l’égard des officiers de l’armée qui auraient manqué à l’honneur et à
leur caractère. Mais enfin cela prouve seulement la nécessité d’une loi sur la
matière.
Dans ces circonstances,
en présence de l’art. 124 de la constitution et devant le manque d’une
disposition législative qui applique expressément la peine de destitution ou de
suspension au cas du sieur Borremans, votre commission a pensé que l’arrêté du
3 mai 1831, qui a autorisé la radiation de cet officier du contrôle de l’armée,
est en opposition avec l’article 124 de la constitution.
Cette infraction est
présentée par le pétitionnaire comme moyen pour fonder sa proposition de mettre
en accusation le ministre contresignataire de l’arrêté.
La chambre, d’après
l’art. 134 de la constitution, a un pouvoir discrétionnaire pour accuser un
ministre ; mais elle ne doit user d’un droit aussi éminent que dans des cas
graves, et le plus souvent dans l’intérêt général.
L’accusation proposée
n’est commandée ni par l’intérêt générai, ni même par l’intérêt particulier du
sieur Borremans.
La cour de cassation,
qui a aussi un pouvoir discrétionnaire pour juger en caractérisant le délit et
en déterminant la peine, est un tribunal extraordinaire et d’exception dont les
attributions actuelles sont limitées dans l’article 134 de la constitution.
Cette cour ne pourrait
porter un jugement dans un intérêt privé. Si, sur la plainte du sieur
Borremans, la chambre accusait le ministre, le plaignant ne pourrait se porter
partie civile ; la cour de cassation ne pourrait ordonner la réintégration du
plaignant dans les cadres de l’armée, ni lui adjuger des réparations civiles.
Si, en thèse générale,
toute personne lésée dans son honneur ou dans ses intérêts peut se rendre
partie civile devant les tribunaux criminels et correctionnels c’est une
faculté que les lois accordent.
Dans l’espèce, cette
faculté n’existe pas.
A
cet égard, il suffit de jeter les yeux sur l’article 90 de la constitution.
D’après toutes ces
considérations, votre commission a l’honneur de vous proposer par mon organe
l’ordre du jour relativement à la demande de mise en accusation du ministre, et
le renvoi à M. le ministre de la guerre de la pétition du chef de l’arrêté qui
a privé le pétitionnaire de son grade et de son traitement, avec demande
d’explications.
M. Angillis. - Je viens appuyer les deux
conclusions prises par la commission des pétitions ; c’est à l’adoption de ces
conclusions que nous devons nous en tenir, jusqu’à ce que l’affaire soit
éclaircie.
M. Elskens a été victime
d’une erreur, d’un malentendu, ou de toute autre cause que je ne veux pas
qualifier dans ce moment. Il est de la dignité et de la justice de la nation de
réparer le mal qui lui a été fait. J’avoue que je m’intéresse à cet homme, bien
que je ne le connaisse pas particulièrement. D’après des rapports que j’ai lus,
M. Elskens a montré un grand courage dans le moment du danger, et il a fait
preuve d’un patriotisme ardent. J’attendrai, pour changer d’opinion, que des
preuves contraires me soient connues.
Je me borne en ce moment
à adopter les conclusions de la commission, et je désire que les explications
demandées par le pétitionnaire nous soient données dans un bref délai.
M. d’Huart. - Il me semble que ce que vient de dire M.
Angillis se rapporte aussi au jugement de la haute cour porté contre le sieur
Elskens, puisqu’il a supposé qu’on avait pu être induit en erreur à son égard.
Si c’est ainsi que Ms Angillis l’a entendu, je ne suis point de son avis ; je
crois que nous ne devons pas nous occuper du jugement de la haute cour, et que
d’ailleurs ce jugement a été bien prononcé. Nous ne pouvons examiner si le
sieur Elskens a dû être condamné ; le jugement subsiste toujours.
M. Angillis. - Avant de contredire, il faut
comprendre : j’ai déclaré que je séparais les deux conclusions de la
commission. J’ai appuyé l’ordre du jour sur la question de la mise en
accusation, et j’ai appuyé le renvoi au ministre de la guerre afin qu’il donnât
des explications sur la position des officiers.
M. A. Rodenbach. - Je pense que la discussion
actuelle est inopportune ; nous devons attendre le rapport du ministre de la
guerre sur les conclusions de la commission. Ces conclusions demandent des
explications ; il est impossible que nous nous prononcions avant de connaître
ces explications.
Les conclusions me
paraissent bien prises. (Oui ! Oui !)
Je pense que le rapport sera imprimé dans le Moniteur, où M. le ministre de la guerre en prendra connaissance.
Il viendra plus tard nous donner des explications.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain) - Les conclusions de la commission
sont de passer à l’ordre du jour sur la demande tendante à autoriser la mise en
accusation du ministre qui a contresigné un arrêté par lequel le sieur Elskens
a été rayé du contrôle de l’armée ; la seconde partie des conclusions est celle
qui demande le renvoi au ministre de la guerre du chef de la pétition, relative
à l’arrêté qui a privé le pétitionnaire de son grade et de son traitement.
C’est donc sur cette question que je donnerai des explications à la chambre. A
cet égard, je dois d’abord déclarer qu’il a été fait application des règlements
qui avaient régi l’armée pendant longtemps.
Je me suis occupé d’un
projet de loi qui doit fixer la position des officiers, et présenter le mode
d’application des dispositions de l’article 124 de la constitution. C’est un
projet de loi de même nature qui a été adopté en France par la chambre des
députés, et qui vient de lui être renvoyé après avoir subi des modifications
dans la chambre des pairs.
Le projet de loi, dont
je me suis occupé, a été discuté par une commission spéciale, et je l’ai
ensuite soumis au conseil des ministres ; incessamment la question de l’état
des officiers sera définitivement posée. (Très
bien ! très bien !)
Cette loi doit
déterminer les cas dans lesquels le gouvernement peut priver un officier de son
grade, en conformité de l’art. 124 de la constitution.
C’est
en l’absence de cette loi, et en se fondant sur les anciens règlements, que le
gouvernement du régent a pris l’arrêté du 3 mars 1831, qui a ordonné la
radiation du colonel Borremans des contrôles de l’armée.
En me bornant
aujourd’hui à cette simple explication, je pense que dans ce moment la chambre,
en attendant celles que demande la commission, ne peut faire autre chose que
d’adopter les conclusions du rapport de M.
Milcamps. (Oui ! oui !)
M. Jullien. - Je demande si les explications qui
viennent de nous être données par M. le ministre de la guerre sont définitives.
(Non ! non !)
Messieurs, le rapport
qui vient de vous être fait est très étendu ; on y traite de questions
infiniment graves. Il s’agit d’une question constitutionnelle, d’une question
de droit criminel, et d’une question de prérogatives de l’armée. Je crois qu’on
ne peut passer à l’ordre du jour sur telle ou telle partie de la pétition avant
de connaître les faits, avant d’être suffisamment éclairé ; quant à moi, je
déclare que je n’ai point d’opinion formée.
Je demanderai que, sans
adopter les conclusions tendantes à passer à l’ordre du jour sur la première
partie de la pétition, on laisse les choses dans leur état actuel jusqu’aux
explications qui doivent être données ; on statuera alors définitivement ;
notre décision sera motivée, tandis qu’elle ne le serait pas maintenant, car
nous n’avons pu saisir à la volée tous les motifs des conclusions du rapport. (Aux voix ! aux voix !)
M. Ernst. - J’ai
peu de chose à dire. Lorsque M. le ministre de la guerre aura donné les
explications qu’il vient de nous promettre, nous discuterons le rapport de
l’honorable M. Milcamps. Je me
borne, quant à présent, à demander l’impression de ce rapport. (Appuyé ! appuyé !)
Voix nombreuses. - L’impression au Moniteur.
M.
Pirson. - Il faut renvoyer la pétition au ministre de la guerre.
M. de Muelenaere. - Les conclusions de la
commission sont complexes. Ces conclusions sur la première partie de la
pétition ont été appuyées par plusieurs membres, par l’honorable M. Angillis,
et par l’honorable M. Rodenbach. Je crois qu’il n’y a aucun doute sur cette
partie des conclusions tendantes à passer à l’ordre du jour. Nous devons les
adopter afin de ne pas compliquer plus tard la discussion, et afin que M. le
ministre de la guerre n’ait pas à donner des explications sur l’une et l’autre
partie de la pétition.
La seule question qui
nous intéresse dans cette pétition, c’est la question constitutionnelle. (Aux voix ! aux voix !)
M. Milcamps, rapporteur. - Je pense, avec l’honorable M.
Rodenbach, que nous ne devons pas nous occuper du jugement de la haute cour.
Jusqu’à ce que l’article 90 de la constitution ait reçu son développement, un
ministre ne peut être mis en accusation que dans l’intérêt général ; il ne peut
être poursuivi par un particulier pour réparation civile. (Au voix ! aux voix !)
- Les conclusions de la
commission sont mises aux voix et adoptées.
La séance est levée à 3
heures et demie.