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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 15 mai 1834

(Moniteur belge n°136, du 16 mai 1834)

(Présidence de M. Dubus.)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Le procès-verbal est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître les pétitions suivantes adressées à la chambre.

« La régence d’Anderlecht réclame contre le projet de supprimer le canton dont cette commune est le chef-lieu. »

« Le sieur Lootius, de Bruges, adresse un projet de circonscription cantonale pour la ville de Bruges. »

- Ces deux pétitions sont renvoyées à la commission chargée de l’examen de la loi sur la circonscription cantonale.


« Quelques réfugiés politiques demandent que la chambre adopte la proposition de MM. Rouppe et Gendebien, pour les arracher à leur misère. »

« La régence de Witte (Luxembourg) demande que la chambre adopte la proposition déposée à la séance du 6 mars, relative à la construction des routes. »

« Le sieur R. Voordeeker demande que l’on continue à son fils la pension qu’il recevait comme blessé de septembre. »

- Ces trois pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


« Trois déserteurs étrangers, détenus à la prison de St-Léonard à Liége, réclament l’intervention de la chambre pour empêcher leur extradition en Allemagne où la mort les attend. »

M. Ernst. - Je dois entretenir la chambre d’une pétition dont l’objet est très important et d’une grande urgence. (Ecoutez ! écoutez !) Je n’ai personnellement aucune connaissance des faits ; il n’y a qu’un instant que la pétition m’a été mise sous les yeux ; j’ai cru convenable d’en donner connaissance à M. le ministre de la justice.

Voici les faits qui résultent de la pétition Trois déserteurs étrangers, après avoir servi en Belgique, sont allés en Portugal porter les armes pour la cause de Dona Maria ; ils ont été blessés en défendant cette cause. Un d’entre eux a même reçu une décoration de Doria Maria. En débarquant à Ostende, ces étrangers, dont deux sont Prussiens et l’autre Hanovrien, ont été arrêtés et conduits de brigade en brigade, de prison en prison, jusqu’à Liége. Là ils se disent menacés d’être livrés au gouvernement prussien ou hanovrien, qui les ferait condamner à la peine capitale.

Je ne puis croire que le gouvernement veuille violer la constitution ou la loi d’extradition ; mais les faits mentionnés dans la pétition sont extrêmement graves ; sans rien préjuger à leur égard, je crois qu’il est urgent de renvoyer la pétition au ministre de la justice.

Nous devons protéger des étrangers, qui, ainsi que des citoyens belges, doivent être sous la présomption d’innocence. (Appuyé ! appuyé !)

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je commence par déclarer que je n’ai aucune connaissance des faits consignés dans la pétition que l’honorable préopinant m’a communiquée. Quoi qu’il en soit, les faits exposés sont d’une telle gravité, ils comportent une telle urgence dans l’instruction, que je crois qu’il ne faut pas ici invoquer les formes du règlement, et que la pétition doit être examinée immédiatement.

Je déclarerai à l’honorable préopinant que, soit qu’on renvoie la pétition à la commission des pétitions, soit qu’on me la renvoie immédiatement, dès aujourd’hui j’expédierai un courrier à Liége et je ferai prendre des renseignements sur les faits qui vous ont été exposés.

Je ne m’oppose ainsi aucunement à ce que la pétition me soit renvoyée au même instant.

- La pétition est renvoyée à M. le ministre de la justice.

Projet de loi provinciale

Discussion des articles

Titre VI. Du conseil provincial

Chapitre III. De l’approbation et de l’intervention du Roi, relativement aux actes du conseil
Articles 90 et 91 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 90 (du projet du gouvernement). Dans le cas de l’article précédent, si le gouvernement dissout le conseil, les membres qui auront contrevenu aux dispositions dudit article seront punis par les tribunaux de la suspension du droit d’éligibilité au conseil provincial pendant 4 ans au moins, et 8 ans au plus, sans préjudice de l’application d’autres lois pénales, s’il y a lieu. »

La section centrale propose de retrancher cet article.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je pense qu’il conviendrait de différer la discussion de l’article, jusqu’à ce qu’on ait discuté le principe de la dissolution, c’est-à-dire jusqu’après l’article 96. (Appuyé !)

- L’ajournement proposé par M. le ministre est adopté.

L’art. 91 est également ajourné.

Chapitre IV. De la durée des fonctions du conseil
Article 92 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 92 (du projet du gouvernement). Les conseillers provinciaux sont élus pour le terme de 4 ans.

« Le conseil est renouvelé par moitié tous les 2 ans.

« Le premier renouvellement aura lieu le premier mardi de l’année 1834.

« Les membres sortants peuvent être réélus. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 82. Les conseillers provinciaux sont élus pour le terme de quatre ans.

« Le conseil est renouvelé par moitié tous les deux ans.

« Le premier renouvellement aura lieu le 1er mardi du mois de juillet de l’an 1836. »

Le gouvernement adhère à cet article.

M. d’Hoffschmidt. - Le terme de quatre ans auquel l’article 92 réduit la durée des fonctions du conseil me paraît trop limité. Je partage, à cet égard, l’opinion de la quatrième section qui voulait que ce terme fût de 6 années.

En effet, messieurs, quels avantages prétend-on trouver dans une disposition qui tendrait à multiplier encore les opérations électorales déjà si communes dans notre système politique ?

Veut-on qu’il y ait de l’harmonie entre ce terme et le retour périodique des élections à la chambre des représentants ?

Veut-on que les électeurs puissent souvent exercer leurs prérogatives sur des mandataires qui pourraient avoir perdu leur confiance ?

D’abord je pense que l’on ne peut s’autoriser de ce que la constitution a réglé à l’égard de la chambre des représentants, parce qu’il n’y a aucune analogie entre ces deux corps : l’un est un corps essentiellement politique ; il forme la branche la plus importante du gouvernement représentatif ; l’autre n’est tout uniment qu’une institution administrative : l’un siège pendant les trois quarts de l’année, l’autre ne se réunit que pendant 15 jours. Si, pour le premier, des motifs de la plus haute importance politique exigent donc des élections souvent renouvelées, ces motifs n’existent certainement pas pour le second.

Croit-on obliger infiniment les électeurs en faisant reparaître à chaque instant à leur banc les hommes qu’ils ont d’abord jugés dignes de leurs suffrages ?

Auront-ils eu le temps suffisant pour apprécier l’indépendance et les talents qu’auraient montrés leurs mandataires ?

Messieurs, si vous réfléchissez que dans les assemblées provinciales les discussions roulent souvent sur des objets peu importants, que les occasions d’y faire preuve de talent et indépendance sont par conséquent assez rares, que les sessions ne durent ordinairement pas au-delà de 15 jours par année, que la plupart des électeurs ignorent souvent le rôle qu’y joue leur député, vous conviendrez alors, messieurs, que quatre ans suffiront à peine pour mettre ces électeurs à même de voter en connaissance de cause sur le mérite du conseiller provincial qui aspirerait à la continuation de son mandat.

Si les avantages du renouvellement par moitié du conseil provincial tous les deux ans sont donc loin d’être démontrés, voyons maintenant si cette disposition n’est pas de nature à entraîner de graves inconvénients ?

Je demanderai d’abord aux auteurs de l’article s’ils sont bien sûrs que le conseil provincial, destiné à subir tous les deux ans des modifications, des changements dans sa composition, sera très propre à concevoir et surtout à suivre des plans d’amélioration ? Pourra-t-il terminer des affaires commencées, des travaux entrepris, des projets arrêtés ? Il est permis d’en douter, et si ces craintes sont fondées à l’égard des travaux du conseil provincial, je demande si elles ne doivent pas l’être bien plus encore pour ceux de la députation ?

Le membre du conseil, appelé à en faire partie, aura-t-il le temps et le goût de s’appliquer avec succès, avec assiduité, à l’administration des intérêts de la province, lorsque sa position sera aussi souvent compromise par les chances d’une double réélection ?

En France, ce n’est ni pour 4 ni pour 6 ans que les membres des conseils de département sont nommés, mais pour le terme de 9 années.

Chez nous, où le mouvement électoral est si fréquent, chez nous, où il y aura élections pour le sénat, élections pour la chambre des représentants, élections pour les conseils provinciaux, élections pour les conseils communaux, élections pour la garde civique, la machine électorale ne finira-t-elle pas par s’user par suite de cette agitation perpétuelle ?

Le danger de fatiguer les électeurs par des démarches trop multipliées est plus grand qu’on ne le pense. Chacun de nous a pu s’apercevoir de l’indifférentisme qui se propage déjà dans l’exercice de nos droits politiques.

Votre section centrale elle-même ne se l’est pas dissimulé, car c’est le motif qu’elle fait valoir pour justifier son rejet de la faculté accordée au Roi de dissoudre le conseil provincial.

« L’appel aux électeurs, dit son honorable rapporteur, présente trop de dangers, soit par la lassitude des électeurs, qui peut être le résultat d’élections trop fréquentes, soit par les passions ou les intrigues qu’il met ordinairement en mouvement. Et il en conclut que la dissolution du conseil ne doit avoir lieu ; et je vous le demande, messieurs, ne doit-on pas également en tirer les mêmes conclusions, contre les élections trop fréquentes ? »

Telles sont, messieurs, les considérations qui m’ont engagé à vous proposer l’amendement dont M. le président vient de vous donner lecture, et qui tend à fixer à 6 années au lieu de 4 la durée des fonctions du conseil provincial.

M. H. Dellafaille. - L’honorable M. d’Hoffschmidt vient de vous exposer des raisons qui méritent toute votre attention ; en ma qualité de rapporteur d’une des sections de la loi provinciale, j’ai soutenu une pareille proposition ; personne ne s’est dissimulé qu’elle pouvait être acceptée, mais on la rejette par ce motif que la section centrale avait repoussé le droit de dissolution ; dès lors, il a paru qu’en retirant au gouvernement cette prérogative, nous devons compenser cela pas des élections plus fréquentes. Si le droit de dissolution était admis, il y aurait lieu d’adopter l’amendement de M. d’Hoffschmidt ; sinon il faudrait le rejeter. Je demande que l’article en discussion soit ajourné après l’article 96. (Appuyé !)

- L’ajournement de l’article est adopté.

Article 83 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 83 (de la section centrale). Dans la première session, les conseils provinciaux diviseront en deux séries les cantons électoraux par la voie du sort, pour régler la sortie des conseillers. »

M. Helias d’Huddeghem. - Je crois qu’il faut ajourner l’article ; si vous fixez un délai de six ans au lieu d’un délai de quatre ans, ainsi que le propose l’honorable M. d’Hoffschmidt, il conviendra de faire le roulement par tiers, c’est-à-dire, tous les deux ans.

M. d’Hoffschmidt. - Un des principaux motifs qui m’ont déterminé à présenter mon amendement, est la crainte de rendre les élections trop fréquentes ; si on fait le roulement par tiers, cet inconvénient reparaîtrait. Je ne vois rien qui empêche de voter l’article : si le terme de six ans est adopté, on pourra faire la sortie de trois ans en trois ans.

M. de Brouckere. - L’article me semble pouvoir donner lieu à des inconvénients dans plusieurs provinces. Je suppose une province divisée en 4 arrondissements : il pourra arriver, si on s’en rapporte au sort, que le conseil se renouvelle tout entier dans un district, et que dans un autre district il n’y ait pas un seul nouveau député. Il pourra arriver aussi que dans la province du Brabant, par exemple, le district de Louvain et le district de Bruxelles se renouvellent en même temps : cela, sans doute n’est pas dans l’intention de la chambre, il faut laisser, je crois, la disposition, dont il s’agit dans l’article, au règlement du conseil provincial.

M. Dumortier. - Les deux séries dont il est question se rapportent aux cantons électoraux, de telle sorte que les cantons ne pourront être fractionnés, excepté dans le cas de nécessité absolue.

M. de Brouckere. - Je ne parle pas du fractionnement des cantons. Je dis que, dans un arrondissement judiciaire composé de 6 ou 8 cantons, les députés pourront d’après l’article être renouvelés la même année.

M. Dumortier. - Le conseil provincial nommera une commission pour faire sortir deux séries ; on tirera ensuite au sort laquelle des deux séries sortira la première. Les conseils jugeront eux-mêmes ce qui pourra avoir lieu en pareil cas.

M. de Brouckere. - Je comprends, d’après ce que vient de dire l’honorable M. Dumortier, quelle a été l’intention de la section centrale ; mais la rédaction de l’article ne répond point à l’intention de la section centrale, et elle est essentiellement vicieuse. Je répète qu’il faudrait laisser les conseils provinciaux libres de décider dans quel ordre sortiront les deux séries.

M. Dumortier. - Je proposerai de rédiger ainsi l’article : « Dans la première session, les conseils provinciaux diviseront en deux séries les cantons électoraux pour régler par la voie du sort la sortie des conseillers. » (Appuyé !)

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - On est d’accord, on veut substituer une division raisonnable à une division par la voie du sort. La seule question qui reste à décider, c’est de savoir quelle série sortira la première. Je crois qu’on pourrait dire : « Le conseil fera deux séries des cantons, et le sort décidera quelle sera la première qui sortira. »

M. de Brouckere. - Je proposerai la rédaction suivante : « Dans la première session les conseils provinciaux diviseront les cantons électoraux en deux séries ; le sort décidera laquelle des deux séries sortira la première. »

- L’amendement de M. de Brouckere mis aux voix est adopté.

Article 94 (du projet du gouvernement) et article 84 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 94 (du projet du gouvernement) et 84 (de la section centrale). Les démissions des conseillers doivent être adressées au conseil provincial, ou à la députation permanente lorsqu’il n’est pas assemblé. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Article 95 (du projet du gouvernement) et article 85 (du projet de la section centrale)

« Art. 95 (du projet du gouvernement) et 85 (de la section centrale). Lorsqu’un conseiller est décédé ou lorsqu’il sort du conseil avant le terme de ses fonctions, celui qui le remplace ne siège que jusqu’à l’expiration de ce terme. »

- Cet article est adopté sans discussion.

Article 96 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 96 (du projet du gouvernement). Le Roi peut dissoudre le conseil provincial ; l’acte de dissolution contient convocation des électeurs dans les 30 jours. La députation permanente continue ses fonctions jusqu’à la réunion du nouveau conseil. »

La section centrale propose la suppression de cet article.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) (pour une motion d’ordre) - On a renvoyé à la section centrale l’article 88 du projet du gouvernement où l’on traite de l’annulation des actes ; il me semble que cet article a une telle liaison avec l’article 96 qu’il serait utile d’attendre le rapport que la section centrale nous fera sur l’article 88 ; on discuterait alors les articles 88 et 96.

M. Dumortier. - Si le ministre parle de renvoyer la rédaction de l’article 96 à la section centrale, je ne m’y oppose pas, mais quant au principe que cet article renferme, il faut qu’il soit discuté, et qu’on émette un vote ; sans quoi le renvoi ne signifiera rien.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ne demande pas le renvoi de l’article 96 à la section centrale ; je demande l’ajournement de la discussion jusqu’au moment où l’on présentera le rapport sur l’article 88.

M. de Theux, rapporteur. - Je ne pense pas qu’il y ait utilité à discuter ces articles en même temps. Tout le monde a été d’accord que le Roi devait avoir le droit d’annuler ou de suspendre les décisions des conseils provinciaux ; la difficulté relative à l’article 88 n’a roulé que sur la rédaction. Cette disposition est tout à fait étrangère au droit de dissolution. Je conçois qu’il y aurait liaison entre cet article et l’article 96 si le principe d’annulation avait été contesté, car alors on pourrait soutenir que dans le cas du rejet de l’article 88, il y aurait nécessité d’adopter l’article 96.

La section centrale s’est réunie hier pour examiner les amendements proposés par M. Fallon et le ministre de la justice ; elle n’a pu s’occuper de l’article 88.

M. Dubois. - L’article 88 et les articles 90, 91, contiennent des pénalités et forment un système de garanties pour le gouvernement. Ce système est complétée par la proposition du gouvernement formulée dans l’article 96. Cependant si je trouvais le système des pénalités suffisant, je rejetterais l’article 96, ainsi je voudrais savoir ce que l’on fera sur les articles 88, 90, 91 avant de voter sur l’article 96.

M. de Brouckere. - Il résulte de ce qui vient d’être dit que le gouvernement désire que la discussion soit ajournée, et je vois qu’il y a quelque fondement dans cette demande ; je l’appuie donc. Je conçois que les principes de l’article 88 étant admis, puissent exercer de l’influence sur le vote de l’article 96.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement n’a aucun intérêt à différer la discussion de l’article 96 ; mais il me paraît évident que cet article a une analogie marquée avec les dispositions des articles 88, 90 et 91. Ces articles contiennent les différents modes de pénalité dont le pouvoir central a besoin pour empêcher les autorités provinciales de sortir de leurs attributions et de blesser l’intérêt général. Le gouvernement peut annuler les actes des conseils ; c’est là une garantie ; mais la dissolution du conseil est une garantie plus forte.

M. Dumortier. - Il n’y a personne dans cette enceinte qui ait contesté au gouvernement le droit d’annulation des actes des conseils provinciaux. On peut bien varier sur le mode de rédaction ; mais quant au principe on l’a admis, comment pourra-t-on le contester ? Il est inscrit dans la constitution. Les pénalités sont relatives aux cas d’inconduite de la part des membres des conseils. Il faut commencer par mettre le principe de la dissolution en discussion, on ne peut pas régler les pénalités avant d’avoir prononcé sur la dissolution. Encore une fois le droit d’annulation n’est pas contesté ; ce droit n’a aucune connexité avec le droit de dissolution, à moins qu’on ne dise qu’il y a connexité entre tous le articles de la loi ; alors il faudrait renvoyer la loi tout entière à la section centrale.

M. Ernst. - Il m’est assez indifférent qu’on discute aujourd’hui ou non le principe de la dissolution de conseils ; mais je crois que M. le ministre de l’intérieur a raison de dire qu’il y a relation intime entre la dissolution et l’annulation des actes du conseil. L’honorable M. d’Hoffschmidt a présenté un amendement d’après lequel le Roi pourrait seulement annuler les actes des conseils qui seraient contraires à la constitution ou aux lois. Si le gouvernement a une action suffisante pour arrêter les résultats nuisibles des délibérations du conseil, convient-il de lui donner encore une action sur le conseil lui-même ? Il importe que ces deux choses soient discutées en même temps.

Je voudrais savoir si la section centrale doit différer encore longtemps de faire son rapport sur l’article 88.

Je voudrais également savoir si la section centrale a trouvé de la liaison entre les articles 88 et 96.

Je voudrais savoir encore si la section centrale désire que l’on discute d’une manière abstraite le principe de l’article 96, le principe de la dissolution.

M. de Robaulx. - Il faut différer.

M. Lardinois. - Je viens appuyer la proposition du ministre de l’intérieur, car il existe une parfaire analogie entre l’article 88 et l’article 96. On objecte que le principe de l’annulation n’est pas contesté, qu’il est écrit dans la constitution. Mais, dans la discussion sur l’article 88, MM. Ernst et de Brouckere ont développé des doctrines sur l’interprétation des lois par voie d’autorité, et telles que, si elles étaient adoptées, elles modifieraient beaucoup les idées qu’on peut avoir sur la dissolution. Je suis porté à adopter la dissolution ; il faut que le gouvernement ait des garanties ; mais je ne veux pas qu’il en ait trop, qu’il en ait plus qu’il ne doit en avoir. Je demande le renvoi.

M. Milcamps. - Je crois qu’il faut renvoyer l’article 96 à la section centrale. D’après cet article on vous propose la dissolution absolue ; dans l’article 89 on vous propose la dissolution pour des cas particuliers ; la section centrale a proposé le rejet des articles 90 et 91 comme elle a proposé le rejet de l’article 96 ; cependant on lui a renvoyé tous les articles relatifs à l’annulation des actes des conseils, à la pénalité et à la dissolution dans des cas particuliers : pourquoi ne lui renverrait-on pas l’article relatif à la dissolution absolue ?

M. d’Huart. - Je ne partage pas l'avis des préopinants relativement à l’ajournement ; je pense que le moyen d’avancer nos travaux est de voter le principe.

Si le principe était admis nous donnerions plus d’étendue aux attributions des conseils provinciaux ; s’il était rejeté, nous règlerions les articles 88, 90, 91 en conséquence, c’est-à-dire de manière à donner au gouvernement des garanties suffisantes.

Si nous prenons une détermination sur les articles 88, 90, 91, avant d’avoir délibéré sur l’article 96 un grand nombre du membres seraient fort embarrassées dans leur vote. Arrêtez donc le principe de l’article 96 et vous marcherez plus rapidement dans vos délibérations.

M. Dumont. - Il me paraît, d’après ce que beaucoup de membres ont dit, que dans leur pensée ils subordonnent leur vote sur l’article 96 à ce qui sera décidé sur les articles 88 et suivants ;. je crois que c’est l’inverse qui devrait avoir lieu ; que c’est de la rédaction de l’article 96 que doit dépendre l’article 88 : en conséquence je demande que l’on pose le principe concernant l’article 96.

M. Fleussu. - Il y a un revers à la médaille : je pense au contraire que c’est d’après ce qui sera décidé concernant les annulations et les suspensions des actes des conseils que l’on se formera une idée sur la nécessité d’admettre ou de rejeter le principe des dissolutions des conseils eux-mêmes. Il importe beaucoup que l’on examine les cas où le gouvernement peut faire usage du droit d’annulation ; quand cet examen sera terminé, on verra s’il lui faut d’autres armes.

M. Ernst. - Les conseils provinciaux doivent jouir de toute latitude dans l’exercice de leurs droits, mais en se renfermant dans le cercle de leurs attributions ; je désire que le gouvernement ait les moyens de maintenir les conseils provinciaux dans leurs attributions, sans quoi je ne comprendrais pas ce que c’est qu’un gouvernement. Si, par l’annulation des actes des conseils, le gouvernement a une arme suffisante, il ne peut avoir droit à la dissolution des conseils ; ce droit ne pourrait alors être que dangereux. S’il n’y a d’autre moyen de maintenir l’ordre que par la dissolution, qu’on me le prouve, et j’accorde ce droit ; mais, en étudiant la matière, j’ai cru qu’on pouvait atteindre ce but sans avoir recours à une mesure extraordinaire.

M. Dumont. - Je n’ai pas l’honneur de faire partie de la section centrale ; mais si j’en faisais partie, je serais très embarrassé, et je ne saurais comment il faut rédiger l’article 88.

Si le gouvernement n’a pas le droit d’annulation, il lui faut une autre garantie d’ordre ; de sorte que la section centrale doit être dans le doute. Pourquoi ne voterions-nous pas sur le principe de l’article 96 ? S’il y a inconvénient à l’adopter, nous y reviendrons à la seconde délibération.

M. Fallon. - La section centrale pense avoir donné assez de garanties au gouvernement, en lui donnant le droit d’annulation et de suspension des actes ; et elle a déclaré qu’il n’avait pas besoin du droit de dissolution : c’est encore à elle à nous dire si elle croit que les droits qu’elle accorde sont suffisants pour maintenir l’ordre.

M. Dumortier. - Il me semble que nous sommes d’accord sur un fait : c’est que si le droit de dissolution est nécessaire pour le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique, nous sommes disposés à l’accorder ; que si ce droit est exorbitant, il ne sera qu’une arme dangereuse, et nous le rejetterons.

La question qui se présente est simplement une question de travail. Laquelle des deux questions doit être traitée la première ? On votera l’une avant l’autre, on ne les votera pas simultanément. Mais la difficulté est facile à lever. Qu’est-ce que le droit de dissolution ? C’est un droit absolu ; il ne souffre pas de réserve. Qu’est-ce que le droit d’annulation ? C’est un droit modifiable selon les circonstances. Lorsque vous avez à choisir entre deux droits semblables, il faut commencer par le droit absolu ; voilà la seule manière de procéder. Quant à la section centrale, si on lui renvoie tous les articles, elle reviendra avec les mêmes conclusions. (Aux voix ! aux voix !)

M. Fleussu. - Il ne s’agit pas de renvoyer l’article 96 à la section centrale. On demande seulement d’ajourner la discussion de l’article 96 jusqu’à ce que l’on ait présenté le rapport sur les articles 88 et suivants ; et nous appuyons cette demande.

Si ce que dit l’honorable préopinant est vrai, il s’ensuivrait que le projet de loi manquerait de coordination et qu’il aurait fallu mettre l’article 96 avant l’article 88.... (La clôture ! la clôture !)

M. le président. - M. Milcamps a la parole sur la clôture.

M. Milcamps. - Messieurs, il me semble qu’il y a une face nouvelle à considérer dans la question de dissolution.

M. Fleussu. - Mais vous parlez sur le fond.

M. Milcamps. - Permettez. Je demande que la discussion continue, afin que, nous puissions décider ce point : la dissolution sera-t-elle absolue, ou bien ne pourra-t-elle avoir lieu que dans certains cas ?

M. de Robaulx. - L’honorable M. Milcamps soulève une question nouvelle. Mais il ne s’agit pas en ce moment de limites à imposer au droit de dissolution. Nous avons renvoyé l’article 88 à la section centrale, afin que, profitant des objections que cet article a rencontrées, elle puisse lui donner un sens plus clair et nous faire connaitre dans quels cas l’intérêt général se trouvera compromis par la décision d’un conseil provincial. L’on sent que dès l’instant que la section centrale aura présenté sur l’article 108 de la constitution une explication satisfaisante, et que la chambre aura adopté les développements qui seront donnés à cet article, la faculté de dissoudre les conseils deviendra inutile.

Si au contraire la chambre repousse l’annulation des actes des conseils, il faudra laisser le droit de dissolution au gouvernement. Car je dois en convenir, en admettant cette dernière éventualité, les observations présentées par M. le ministre, et par mes honorables collègues MM. Fleussu et Ernst, m’ont frappé ; et je crois que si les cas où les conseils sortiront de leurs attributions et nuiront à l’intérêt général ne sont pas clairement définis, il faut réserver au gouvernement le droit de dissolution. Il nous faut donc attendre le rapport de la section centrale et suspendre notre jugement jusqu’à ce qu’il nous soit soumis. Mais, je le dis d’avance, je suis sur la question qui nous occupe en désaccord avec des honorables collègues avec lesquels j’ai l’habitude de voter, je crois le droit de dissolution plus conforme aux intentions du congrès. Du reste, il est beaucoup d’autres points sur lesquels je partage complètement les opinions de l’honorable M. Dumortier.

M. Pirson. - Il me semble qu’il serait bon de renvoyer également l’article 96 à la section centrale, afin qu’elle pût coordonner un système complet.

- Voix. - C’est une autre proposition.

- L’ajournement de l’article 96 est mis aux voix et adopté.

Titre VII. De la députation permanente du conseil provincial

Chapitre premier. Du nombre des députés, des incompatibilités et de la durée de leurs fonctions

M. le président. - La chambre passe à la discussion du titre VII : « De la députation permanente du conseil », chapitre I. Les titres de ce chapitre sont différents. Le gouvernement propose : « Des incompatibilités et de la durée des fonctions. » La section centrale, ces mots : « Du nombre des députés, des incompatibilités et de la durée de leurs fonctions. »

M. le ministre de l’intérieur se rallie-t-il à cette dernière rédaction ?

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je n’ai aucun motif pour m’y opposer.

Article 86 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 86. Il est ainsi conçu :

« Art. 86. La députation permanente du conseil est composée de huit membres dans la province du Brabant, Flandre occidentale, Flandre orientale, Hainaut et Liége ; et de six membres dans les provinces d’Anvers, Limbourg, Luxembourg et Namur. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement proposait un nombre de députés moindre, parce que celui des conseillers est moins élevé dans son projet que dans le projet de la section centrale. La proposition a été rétablie par celle-ci. L’article 86 est subordonné à l’adoption du tableau qui accompagne le projet. Il faudrait suspendre la discussion de cet article, parce que le nombre des conseillers pourra influer sur celui des membres de la députation permanente.

M. de Robaulx. - Pourquoi ne pas suspendre toute la loi.

M. H. Dellafaille - Sans m’opposer à un ajournement qui ne pourrait entraîner de grands inconvénients, je ferai remarquer qu’on peut voter dès à présent sans aucune difficulté l’article en question. Pour les provinces d’Anvers, de Limbourg, de Luxembourg et de Namur, la section centrale se borne à augmenter d’un seul le nombre des membres proposé par le ministre de l’intérieur ; son but a été de rendre le nombre impair afin d’éviter les partages des voix. Quant aux autres provinces nous avons désiré que la députation fût plus nombreuse pour des motifs qui vous seront ultérieurement expliqués.

Pour le moment je me bornerai à vous faire observer que les conseils étant composés d’environ quarante membres, le nombre de huit députés peut n’être pas considéré comme trop fort. Si la chambre, en supposant qu’elle admette pour le conseil le nombre de membres proposé par le gouvernement, jugeait que cette proportion est trop forte, l’article serait en sa qualité d’amendement soumis à un second vote et dès lors je ne vois pas qu’il y ait le moindre danger à le voter immédiatement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je concevrais la répugnance de l’honorable M. Dellafaille à adopter l’ajournement si la discussion de la loi marchait tellement rapidement qu’elle pût être épuisée avant la fin de la séance. Mais, en supposant que l’on ajournât le chapitre entier, il y aurait encore matière à délibération pour quelques jours. (Oui ! oui !) Ce ne serait que dans le cas où elle se trouverait épuisée que l’honorable M. Dellafaille pourrait renouveler sa motion.

M. Dumortier. - Je pense que, puisque nous avons cru devoir ajourner toutes les questions délicates, telles que celles du droit de dissolution et d’annulation, il y a lieu d’ajourner également l’article 86, parce qu’il se rattache à une question très délicate, à la présidence de la députation que le gouvernement demande pour le gouverneur.

Ce fonctionnaire ne doit pas obtenir cette présidence. On lui a déjà interdit l’entrée du conseil provincial. Lui accorder la présidence de la députation serait une dérivation du principe déjà posé. Mais actuellement je n’entrerai pas dans le fond de la question, et remarquer qu’elle a une connexité avec la décision que vous prendrez à l’égard du droit de dissolution. S’il est accordé au gouvernement, il n’y aura peut-être plus de motif de lui laisser la présidence. (Aux voix ! aux voix !)

M. H. Dellafaille - J’ai déjà fait remarquer qu’il y aurait d’autant moins d’inconvénient à voter l’article 86, que si le système de la section centrale à l’égard du nombre des conseillers n’était pas admis, la chambre pourrait revenir par un second vote sur sa première décision. Je m’en réfère à cette observation.

M. Dumortier. - J’entends dire que la discussion de l’article 86 doit être ajournée jusqu’après celle que provoquera le tableau. Comme ce tableau se rattache à la loi sur la circonscription judiciaire et que nous ne pourrons le voter que longtemps après la loi actuelle sur l’organisation provinciale, je n’ai pas entendu parler d’un ajournement indéfini. Je demande seulement qu’on suspende l’article 86 jusqu’à la discussion du titre IX.

M. Ernst. - Ce n’est pas, comme l’a dit M. Dumortier, parce qu’une question est délicate que nous en proposons l’ajournement ; la chambre ne recule devant la solution d’aucune question difficile. C’est lorsqu’elle offre une connexité avec des points sur lesquels la chambre ne s’est pas encore prononcée. Il s’agit seulement de savoir si l’article 86 se rattache au titre IX, et s’il convient d’en suspendre la discussion jusqu’à ce que nous soyons arrivés à cette partie de la loi.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - C’est une deuxième proposition.

M. Ernst. (reprenant) - M. le ministre de l’intérieur vient de me suggérer la réponse. Il y a en effet deux propositions ; ajournera-t-on le vote de l’article 86 jusqu’à la discussion du tableau, ou bien seulement jusqu’à celle du titre IX ? La chambre doit décider ces deux systèmes. Mais encore une fois, ce n’est pas parce que la question est délicate qu’elle en prononcera l’ajournement. L’on ne peut admettre cette supposition.

M. Dumortier. - L’honorable député de Liége ne m’a pas compris. Il s’agit de fixer un nombre impair de députés. Or, la fixation de ce nombre dépend entièrement de la question de présidence, qui est par conséquent préalable. Si le gouverneur ne préside pas, il est incontestable qu’il faudra un nombre impair de membres de la députation permanente.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’honorable membre M. Dumortier a fait une motion nouvelle. Celle de M. le ministre de l’intérieur consistait en ceci : le nombre des membres de la députation doit être subordonné à celui des conseillers ; par conséquent le vote de l’article 86 dépend de la décision que la chambre prendra sur le nombre des membres des conseils provinciaux.

La répartition entre les provinces importe peu. Le chiffre global des conseillers déterminera celui de la députation. Il ne faut donc pas ajourner l’article 86 jusqu’à la discussion du tableau, mais seulement jusqu’au vote à émettre sur le chiffre global des membres du conseil.

M. Dumortier. - Si c’est ainsi que l’on envisage la question, je me rallie à la proposition de M. le ministre de l’intérieur.

- L’ajournement proposé par M. le ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté.

Article 97 (du projet du gouvernement) et article 87 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 97, ainsi conçu :

« Art. 97 (du projet du gouvernement). Ne peuvent être membres de la députation :

« 1° Les fonctionnaires de l’ordre judiciaire ;

« 2° Les ministres des cultes ;

« 3° Les ingénieurs et employés de l’administration ;

« 4° Les membres des administrations des villes et communes ; leurs secrétaires, trésoriers et receveurs, les receveurs des administrations des pauvres, des hospices et bureaux de bienfaisance ;

« 5° Les fonctionnaires directement subordonnés au conseil ou à la députation ;

« 6° Les avocats plaidants ;

« 7° Les parents ou alliés jusqu’au 4ème degré inclusivement : l’alliance survenue pendant les fonctions ne les fait pas cesser. »

La section centrale a proposé l’article suivant :

« Art. 87. Ne peuvent être membres de la députation :

« 1° Les fonctionnaires de l’ordre judiciaire ;

« 2° Les ministres des cultes ;

« 3° Les personnes chargées de l’instruction publique, salariées par l’Etat, la province ou la commune ;

« 4° Les membres des administrations communales, leurs secrétaires trésoriers et receveurs, les receveurs des administrations des pauvres, des hospices et bureaux de bienfaisance ;

« 5° Les fonctionnaires directement subordonnés au conseil ou à la députation ;

« 6° Les avocats plaidants, les avoués et les notaires ;

« 7° Les parents ou alliés jusqu’au 4ème degré inclusivement : l’alliance survenue pendant les fonctions ne les fait pas cesser.»

M. de Brouckere. - Nous ne pouvons pas non plus discuter cet article. (On rit.) La question des exclusions à l’égard des membres des conseils n’a pas été décidée. Vous vous trouverez arrêtés dès le numéro 1. Le n°1 consacre l’incompatibilité des membres de l’ordre judiciaire. Il y a une motion faite pour qu’ils ne puissent être membres des conseils provinciaux. Mais décider qu’ils seront exclus de la députation permanente, c’est juger d’avance la question.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’observation de M. de Brouckere est juste. Remarquez que la section centrale n’a pas reproduit dans son projet certaines exclusions, comme celles des ingénieurs des ponts et chaussées et des mines parce qu’elle les supposait antérieurement admises.

M. Fleussu. - Il me semble que puisque le titre VII ne présente que deux articles que l’on puisse discuter immédiatement, il vaudrait mieux en ajourner complètement la discussion. C’est ce que je propose. L’on reviendra plus tard sur le titre tout entier.

M. A. Rodenbach. - Il me paraît que nous avons perdu deux heures à discuter ce que nous discuterons. Nous aurions dû établir à l’avance les articles dont la discussion immédiate pouvait être entamée. Nous n’aurions pas perdu autant de temps. J’adhère à la proposition de M. Fleussu. Mais je voudrais qu’à l’avenir on nous évitât ces discussions sans fin sur des ajournements.

- La proposition de M. Fleussu est mise aux voix et adoptée.

Chapitre II. Dispositions générales concernant la députation
Article 93 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion est ouverte sur le chapitre Il, article 93 du projet de la section centrale, ainsi conçu :

« Art. 93. Les membres de la députation, avant d’entrer en fonctions, prêtent le serment suivant :

« Je jure fidélité au Roi, obéissance à la constitution et aux lois du peuple belge. »

M. Dumortier. - J’ai l’honneur de proposer à la chambre un paragraphe additionnel portant que le président du conseil entre les mains de qui le serment se fera, rappellera à chaque membre de la députation qu’il jure en même temps d’observer le décret du congrès sur l’exclusion perpétuelle des Nassau. Comme il pourrait s’élever dans le sein de la députation, de la part de quelques membres, certaines propositions contraires à la révolution, il est bon qu’ils comprennent toute la portée de leur serment.

M. Fleussu. - Je crois qu’il dit inutile que l’article 93 rappelle le décret sur l’exclusion perpétuelle des Nassau, parce qu’en prêtant serment à la constitution, chaque membre de la députation prêtera implicitement serment de soumission à ce décret.

Le paragraphe additionnel que propose l’honorable M. Dumortier est donc inutile. Je ferai de plus observer que le membre de la députation qui prêtera serment à la constitution, jurera fidélité au Roi que nous avons choisi. Tout en approuvant les motifs qui ont guidé M. Dumortier, je ne puis m’empêcher de croire qu’il y a un peu de passion dans l’amendement qu’il nous propose. Or, c’est un sentiment dont les lois ne doivent pas porter le reflet.

M. H. Dellafaille - Messieurs, je rends pleine justice au motif qui a dicté à l’honorable M. Dumortier l’amendement en question, et je partage en tout point le sentiment qui l’anime ; mais je crains que l’effet qu’il se promet de cette disposition ne soit illusoire. L’homme qui a assez de bassesse d’âme pour accepter des fonctions publiques et pour prêter serment à la constitution et au roi Léopold, tandis que, vendu de corps et d’âme au roi Guillaume, il souhaite le retour de ce prince et travaille dans le sens du parti antinational, ne fera aucune difficulté de prêter tous les serments qu’on lui demandera. Trop d’exemples prouvent ce que j’avance pour me permettre d’espérer un résultat satisfaisant de la proposition.

M. Dumortier. - Je crois que les honorables préopinants se trompent en regardant la disposition que je propose comme inutile. Qu’ils veuillent se rappeler la déclaration récente qui a paru dans les journaux. Un échevin d’une grande ville, qui en cette qualité a prêté serment à la constitution, a osé dire : « Je suis orangiste, et je désire le retour de la famille des Nassau. » Il faut bien que tous les hommes qui partagent de pareilles opinions, qui voudraient forfaire à la foi jurée, sachent bien que la nation belge a chassé à jamais de son sol cette famille dont ils appellent le retour.

Il est encore une circonstance qui prouve que le congrès, auteur de la constitution, n’aurait pas regardé comme inutile la proposition que j’ai l’honneur de faire à la chambre. Lors de 1’inauguration du chef de l’Etat, la constitution avait été imprimée sans le texte du décret d’expulsion des Nassau ; le congrès jugea que ce n’était pas suffisant ; ces exemplaires de la constitution sont encore au greffe, et par ordre du congrès la constitution fut réimprimée avec le texte du décret relatif aux Nassau. Ainsi vous le voyez, messieurs, le congrès comprenait qu’il était nécessaire de rappeler que le décret faisait partie de la constitution. Car voilà ce qui s’est fait lors de l’inauguration du Roi et de la prestation de serment de M. le régent.

Il faut bien reconnaître que la disposition que j’ai eu l’honneur de proposer est indispensable, lorsqu’on voit des fonctionnaires, des bourgmestres qui ont prêté serment au Roi et à la constitution, venir manifester de la haine contre notre révolution. Il faut qu’ils sachent qu’en prêtant serment à la constitution, ils s’associent à l’exclusion que le congrès a prononcée contre les Nassau. Tout homme qui a un cœur patriote ne peut qu’accueillir ma proposition.

M. Fleussu. - Je crois avoir un cœur patriote, et cependant je m’oppose encore à l’insertion dans la loi de la proposition de M. Dumortier. Je lui ai dit qu’un décret du congrès avait décidé que le décret d’exclusion des Nassau ferait partie de la constitution : il est donc évident qu’en prêtant serment à la constitution, on approuve le décret d’exclusion des Nassau, comme aussi, en prêtant serment à la constitution, on jure fidélité au Roi Léopold.

Il me reste à répondre à un fait allégué par l’honorable préopinant. Il a parlé d’un échevin qui s’était dit orangiste et qui avait prêté serment à la constitution ; l’honorable M. Dumortier a ajouté une chose que cet échevin n’a jamais dite, dont il n’a jamais parlé ; savoir qu’il désirait le retour des Nassau ; ce fonctionnaire s’est borné à dire qu’il était orangiste, qu’il conservait de l’affection pour la famille des Nassau (Murmures.)

M. de Meer de Moorsel. et M. Lardinois. - C’est la même chose.

M. de Theux. - Je rends justice avec M. Dellafaille au sentiment qui a dicté l’amendement de M. Dumortier ; mais je ne puis laisser échapper à son attention l’inconvénient d’un serment soumis à certaines formalités spéciales qui existeraient seulement pour les membres des conseils provinciaux et non pour les autres fonctionnaires.

Si la disposition est utile pour le cas particulier dont il s’agit, elle est utile comme disposition générale ; mais évidemment elle est inutile, parce que le décret d’exclusion des Nassau a été déclaré par le congrès faire partie de la constitution ; de telle sorte qu’il n’y a pas la moindre différence entre l’article du décret qui exclut les Nassau et les autres articles de la constitution ; de telle sorte que celui qui, après avoir prêté serment à la constitution, fait des vœux ou agit pour le rappel des Nassau viole la constitution aussi bien que s’il agissait dans le but du renversement du pouvoir législatif et de la constitution elle-même. (Adhésion générale.)

Il y aurait une telle immoralité de la part de celui qui, après avoir prêté le serment de fidélité au Roi, manifesterait des vœux en faveur d’une famille que la nation a exclue, qu’il n’y aurait pas de sanction pénale à donner à une telle conduite, et qu’on ne pourrait que le vouer au mépris de l’opinion publique, au mépris des hommes de conscience qui conservent du respect pour la foi du serment.

M. Nothomb. - J’ai une observation à soumettre à l’auteur de l’amendement et à l’assemblée qui se dispose à le voter. Je m’associe au sentiment que vous a exprimé M. Dumortier ; je crois comme lui que la formule du serment pourrait être plus explicite ; elle n’a pas paru assez positive à des fonctionnaires qui, notoirement orangistes, ont accepté et conservent des fonctions publiques, sans reculer devant le parjure. Il faut fermer la voie aux capitulations de conscience. Je pourrais vous citer un des chefs du parti orangiste qui s’est signalé dans les malheureux événements que nous avons eu naguère à déplorer, et qui deux fois a, comme bourgmestre, prêté serment au Roi et à la constitution ; et sans doute il a été loin de sa pensée d’adhérer au décret d’exclusion.

Mais songeons-y bien, ne faisons pas d’exceptions, de catégories. S’il est convenable de changer, d’expliquer la formule du serment, il faut que cette explication, ce changement s’appliquent à tout le monde. Si la proposition est bonne, et je la trouve bonne, lorsqu’il s’agit des conseils provinciaux, elle doit être bonne pour tout le monde ; il faut la rendre générale.

Vous ne pouvez pas avoir deux genres de citoyens assermentés, les uns avec l’explication proposée par M. Dumortier, les autres avec cette explication sous-entendue. Il faut un droit commun. Il ne peut pas y avoir deux sortes de serments. Si le nouveau est bon, que devient l’ancien ? Quelle est la valeur de l’ancien ? A-t-il la même force que le nouveau ? Pourquoi alors proposer un changement ?

J’appelle toute l’attention de M. Dumortier et de la chambre sur ces considérations. J’approuve, je le répète, la proposition mais j’adjure son auteur de la généraliser en en faisant une loi à part. S’il maintient la disposition comme mesure exceptionnelle, je m’abstiendrai de voter.

M. d’Huart. - J’ai demandé la parole seulement pour faire remarquer à l’assemblée que l’honorable préopinant n’a évidemment pas bien compris la proposition en discussion, elle ne tend pas à ajouter quelque chose à la formule du serment ; elle dit simplement que le gouverneur, avant la prestation du serment, devra rappeler aux membres du conseil provincial que le décret d’exclusion des Nassau fait partie de la constitution, comme étant émané du pouvoir constituant. Voilà quelle est la proposition de l’honorable M. Dumortier. Le serment reste toujours le même. C’est ainsi que le gouvernement aurait pu inviter de son propre mouvement les fonctionnaires qui reçoivent des serments à rappeler avant la prestation l’existence du décret sur les Nassau. Si l’on demande pourquoi cette mention particulière, je dirai que c’est parce que ce décret, n’étant pas dans la constitution, peut échapper à ceux qui prêtent serment.

M. Nothomb. - On m’objecte que je n’ai pas saisi le sens de l’amendement de M. Dumortier : il ne s’agit pas de changer la formule du serment, me dit-on ; l’ancienne formule sera maintenue. Il ne s’agit que d’une disposition explicative de cette formule. J’avais très bien compris l’amendement de M. Dumortier ; et je crois n’avoir rien dit qui ne puisse s’appliquer à cette proposition entendue dans le sens que vient de vous exposer M. d’Huart. Il ne s’agit que d’une explication ; mais si l’explication est nécessaire pour les membres des conseils provinciaux, pourquoi ne l’est-elle pas pour tous les fonctionnaires publics, pour les employés nommés par le gouvernement et qui ne se présentent pas avec la garantie de l’élection populaire ?

Si le serment prêté avec explication est le seul bon, et il doit être le seul bon, vous porterez atteinte à la force de serment. Cette considération est grave, messieurs, et nous devons nous y arrêter.

Beaucoup trop de fonctionnaires publics capitulent avec leur conscience à l’aide de subtilités ; on hésite à les destituer ; si vous exigez de tous une nouvelle déclaration dans le sens proposé par M. Dumortier, il y en a qui vous la refuseront, refus qui équivaudra à une démission ; c’est la plus douce manière de destituer, c’est forcer certains hommes à reculer devant le parjure.

Il y a des personnes qui ne regardent pas l’ordre de choses que nous avons fondé comme définitif, c’est une transition ; on l’accepte comme transitoire ; on prête serment de fidélité au Roi des Belges, aussi longtemps que de fait il sera Roi des Belges, et on ne croit pas par là s’interdire de désirer un autre ordre de choses. (Interruption.) Ce ne sont pas là des conjectures, ce sont malheureusement des faits.

Il serait facile de généraliser la proposition de M. Dumortier ; l’on dirait :

« Quiconque reçoit un serment, déclare à celui qui le prête que le décret d’exclusion des Nassau est compris dans le serment. »

Il serait exigé une déclaration dans ce sens de tous ceux qui ont déjà prêté serment. Je le répète, j’adopterai une loi rédigée de cette manière ; mais je ne veux pas de mesure exceptionnelle.

M. Dumortier. - Vous conviendrez avec moi, messieurs, que tout ce que vient de dire l’honorable préopinant, tend à démontrer la nécessité de l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer. Il s’est combattu par ses propres armes ; il a reconnu que beaucoup de personnes capitulaient avec leur conscience, c’est ce que je veux empêcher.

Que ceux qui ne veulent pas reconnaître l’ordre de choses que la révolution a fondé ne le reconnaissent pas, je ne le trouve pas mauvais ; mais je trouve mauvais qu’ils se laissent aller à des capitulations de conscience indignes d’hommes d’honneur ; je trouve mauvais qu’ils prétendent à représenter la nation, alors que la nation veut l’exclusion perpétuelle des Nassau. C’est un moyen, s’il y en a, de les exclure de nos assemblées délibérantes. L’honorable préopinant a même dit que c’était le moyen le plus doux de destitution ? Ceux qui ne voudront pas l’ordre de choses actuel s’en iront ; le pays en sera débarrassé, il n’en sera pas plus à plaindre. (On rit.)

Remarquez, messieurs, qu’il s’agit de fonctions conférées par le peuple ; il faut que ceux qui en seront revêtus répondent à la confiance du peuple ; il faut des garanties au peuple. Il ne faut pas s’y tromper, nous créons des assemblées délibérantes destinées à avoir de l’influence sur le pays ; il ne faut pas que les membres de ces assemblées croient pouvoir renier la révolution ni aucune de ses conséquences. C’est pour cela que j’ai fait, de l’amendement que j’ai proposé, une disposition particulière et spéciale aux membres des conseils provinciaux. Si le gouvernement juge à propos d’accompagner de la même formalité le serment des autres fonctionnaires, c’est à lui à en faire la proposition, et assurément je l’appuierai ; mais maintenant il s’agit d’entourer de garanties la représentation provinciale. C’est le but de ma proposition que je compte également reproduire dans la loi communale.

Il faut que ceux qui prétendent à représenter le peuple sachent s’associent à sa volonté et que jamais ils ne peuvent travailler à ramener une dynastie déchue et exclue à perpétuité de la Belgique. Je ne crois pas qu’il y ait une objection sensée contre ma proposition.

Ma proposition ne peut maintenant s’appliquer qu’aux membres de la députation ; mais il sera facile, lors du vote définitif de la loi, de l’étendre aux membres des conseils provinciaux. Je me propose de présenter alors dans ce but un sous-amendement à la chambre.

M. d’Hoffschmidt. - J’appuie l’amendement de M. Dumortier parce qu’il a un but politique, parce qu’il est bon, messieurs, de faire connaître aux nations étrangères que la nation entière persiste dans l’exclusion à perpétuité des Nassau, et que jamais le roi Guillaume ne remettra les pieds en Belgique. Car on sait que la Hollande et les puissances du Nord s’efforcent à persuader que le nombre des orangistes est plus grand dans ce pays que celui des patriotes. Or, si dans chaque province les fonctionnaires provinciaux prêtent le serment avec l’explication proposée, l’Europe saura que la nation belge est toujours l’ennemie irréconciliable du roi Guillaume.

L’amendement de M. Dumortier est donc loin d’être inutile ; et j’espère que la chambre l’adoptera.

M. A. Rodenbach. - Je viens aussi appuyer l’amendement de l’honorable M. Dumortier. Il est plus que temps de prendre des mesures contre le parti orangiste, qui cherche à relever la tête. La disposition prononcée n’est pas la seule nécessaire. Comment ! on porte les couleurs de la maison d’Orange. Le ruban orange est à le boutonnière de quelques individus. Des officiers se parjurent, crient vive le prince d’Orange, et ils portent encore l’épaulette !

Ce qu’il faut, messieurs, c’est une loi contre le parjure ; c’est une loi contre ceux qui veulent relever le drapeau orange.

M. Fallon. - Je ne vois aucun inconvénient à admettre la proposition de l’honorable M. Dumortier. Il est vrai qu’en droit le décret d’exclusion des Nassau fait partie de la constitution, mais en fait il n’en est pas ainsi. Dans nos campagnes surtout, bien des personnes, voyant que le décret contre les Nassau n’est pas dans la constitution, croient peut-être pouvoir prêter serment à la constitution sans adhérer à ce décret. Je crois donc, sous ce rapport que l’amendement proposé est nécessaire ; je voterai pour son adoption.

M. d’Huart. - Un des honorables préopinants a déclaré qu’il ne s’abstiendrait sur l’amendement de M. Dumortier, que parce que cette proposition n’était pas générale et qu’elle établissait une catégorie entre les fonctionnaires. Or, si vous faites une loi générale et que vous n’exigiez pas de tous les fonctionnaires un nouveau serment, vous tombez dans le même inconvénient.

Je persiste à croire qu’il est nécessaire de rappeler aux membres des conseils provinciaux une disposition qu’ils pourraient perdre de vue. Ainsi que l’a dit l’honorable M. Fallon, en droit sans doute le décret d’exclusion des Nassau fait partie de la constitution, c’est une adjonction à la constitution ; mais en fait il n’en est pas ainsi. J’ai en main un exemplaire de la constitution ; ce décret ne s’y trouve pas. C’est ainsi que chacun, en lisant la constitution, perd de vue l’existence de ce décret.

Toutefois, si j’appuie cette proposition, ce n’est pas que je croie les orangistes nombreux dans le pays ; non, messieurs, ils sont en bien petit nombre dans nos provinces. Je dois le déclarer hautement, il n’y a pour ainsi dire pas d’orangistes parmi les électeurs qui nommeront les membres des conseils provinciaux.

Mais ce qui doit vous déterminer surtout à l’adopter, c’est un motif qu’a fait valoir mon honorable ami M. d’Hoffschmidt ; c’est qu’à l’étranger, c’est que chez les puissances ennemies on saura que chaque fois que l’occasion s’ne présente ici, la chambre est unanime pour s’opposer au retour du roi Guillaume ; on saura que la nation ne veut absolument plus de la famille des Nassau. (Adhésion générale.)

M. Pollénus. - Je n’examinerai pas l’importance que l’on a paru attacher à quelques transactions de conscience que l’on a supposées dans les prestations de serment ; je veux uniquement répondre à une objection faite par l’honorable M. Nothomb.

La chambre, dit cet honorable préopinant, ne peut consacrer pour les membres de la députation une formule de serment différente de celle prescrite pour les autres fonctionnaires publics en général.

D’abord je ferai remarquer que l’amendement de M. Dumortier ne frappe point sur la formule même du serment.

Et quand il y aurait quelque différence dans la formule du serment lui-même, ceci ne présenterait rien qui fût contraire aux usages.

C’est ainsi que dans l’article 46 du projet en discussion, la chambre a admis une formule spéciale de serment pour les conseils provinciaux qui, outre le serment de fidélité à la constitution, doivent prêter le serment d’observer la loi provinciale. C’est encore ainsi que, sous l’empire de l’article 312 du code d’instruction criminelle, les présidents des cours d’assises rappellent au jury les devoirs qu’il a à remplir, et ce n’est qu’après ces explications données que le jurés prêtent le serment prescrit par la loi.

Il y a donc dans les lois existantes des formules différentes de serment ; ainsi vient à tomber l’objection faite de ce chef par M. Nothomb.

M. A. Rodenbach. - L’appel nominal !

M. le président. - L’appel nominal est demandé.

- Un grand nombre de voix. - Non ! non !

M. d’Huart. - L’appel nominal est inutile ; l’amendement sera adopté par l’unanimité de la chambre.

- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix et adopté.

L’ensemble de l’article 93 est adopté.

Article 105 (du projet du gouvernement) et article 94 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La chambre passe à l’article 105 du projet du gouvernement.

« Art. 105. La députation est présidée par le gouverneur ; il aura voix délibérative, mais non prépondérante.

« En cas d’empêchement du gouverneur, et jusqu’à ce que le gouvernement ait pourvu à son remplacement, le doyen d’âge ou un autre membre nommé par la députation la présidera.

« La députation détermine les jours et heures de ses séances et l’ordre de ses travaux.

« L’objet de ses délibérations est, autant que possible, indiqué dès la séance précédente.

« Elle ne peut délibérer si trois membres au moins (y compris le président) ne sont présents.

« Toute résolution est prise à la majorité absolue des membres présents.

« En cas de partage des voix, si tous les membres n’ont pas assisté à la délibération, les absents sont appelés pour vider le partage.

« Si tous les membres y ont assisté, il sera appelé un des suppléants dans l’ordre de leurs nominations.

« Il est tenu procès-verbal des délibérations, de la manière prescrite par les articles 51, 52 et 121 de la présente loi.

« Les procès-verbaux font mention des noms des membres qui ont assisté à la séance, et sont signés par le président et le secrétaire-général. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 94. La députation est présidée par le gouverneur, ou par celui qui le remplace dans ses fonctions ; le président a voix délibérative, mais non prépondérante : en cas d’empêchement, la députation nomme un de ses membres pour la présider.

« La députation soumet à l’approbation du conseil son règlement d’ordre et de service intérieur.

« Elle ne peut délibérer si plus de la moitié de tous ses membres n’est présente.

« Toute résolution est prise à la majorité absolue des membres présents.

« En cas de partage des voix, si tous les membres n’ont pas assisté à la délibération, les absents sont appelés pour vider le partage.

« Il est fait mention au procès-verbal des délibérations. Les procès-verbaux font mention des noms des membres qui ont assisté à la séance. »


- La division étant demandée, la discussion s’engage sur le premier paragraphe de cet article.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) déclare adhérer au 1er paragraphe de l’article de la section centrale.

M. de Brouckere. - Je ferai une observation sur le paragraphe en discussion. Lorsque le gouverneur s’absentera, soit par suite d’un congé, soit par suite d’un autre motif, entend-on que c’est la députation qui nommera son remplaçant, ou bien entend-on que ce sera le gouvernement ? Quant à moi, je pense que le remplaçant du gouverneur doit toujours être nommé par le gouvernement.

Eh bien, si vous laissez l’article tel qu’il est conçu, il y aura doute à cet égard. Je lis dans la première partie du paragraphe : « La députation est présidée par le gouverneur, ou par celui qui le remplace dans ses fonctions. » Je demande quel est celui qui remplace le gouverneur ? Je demande quelle est la partie de l’article où l’on dit que le remplaçant du gouverneur sera nommé par le gouvernement ?

Je lis à la fin du paragraphe : « Le président a voix délibérative, mais non prépondérante ; en cas d’empêchement, la députation nomme un de ses membres pour la présider. »

Je dis qu’on peut conclure de cette disposition, sans manquer aux règles de la logique, que le remplaçant du gouverneur est toujours nommé par la députation, et que c’est la députation qui choisit son président pour chaque séance. Ce n’est pas là le but, sans doute, que s’est proposé la section centrale.

C’est toujours au gouvernement à nommer celui qui remplace le gouverneur ; la députation ne peut faire cette nomination que dans le cas où le gouverneur, ou son suppléant, serait empêché de se rendre à une des deux séances.

Si vous laissez subsister les dispositions que je combats, vous verrez la députation s’arroger le droit de nommer le remplaçant du gouverneur, lorsque le gouverneur s’absentera.

M. de Theux. - Il a été convenu que c’est le gouvernement qui nomme le gouverneur de la province ; c’est à lui également à nommer son remplaçant, et il ne peut y avoir aucun doute à cet égard. (Non ! non !)

Quant aux autres dispositions de l’article, elles sont aussi claires et précises. (Aux voix ! aux voix !)

M. de Brouckere. - Je propose de remplacer la dernière partie du paragraphe par la disposition suivante :

« En cas que le gouverneur ou celui qui le remplace ne puisse assister à une ou plusieurs séances, la députation nomme un de ses membres pour la présider. »

- L’amendement de M. de Brouckere n’est pas adopté.

Le premier paragraphe est adopté.


M. le président. - La discussion s’engage sur le deuxième paragraphe de l’article de la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le paragraphe de la section centrale n’est pas en rapport avec celui du gouvernement ; je serais cependant disposé à m’y rallier, en y ajoutant la disposition suivante : « Ce règlement doit être approuvé par le Roi. »

Cet amendement, messieurs, reproduit la disposition que vous avez adoptée à l’égard du règlement du conseil.

M. H. Dellafaille. - Je ne conçois pas la nécessité de l’amendement proposé par le ministre de l’intérieur. Il y avait un motif très plausible de soumettre au Roi le règlement des conseils provinciaux, en ce qu’un article de la loi porte que ces corps exercent leurs attributions conformément à leur règlement. Dès lors ce règlement obtient une importance qui justifie cette précaution. Celui de la députation, au contraire, n’est qu’un règlement d’ordre et de service intérieur, fixant les jours et heures des séances et autres objets de cette nature, une véritable affaire de ménage qui ne mérite en aucune manière l’honneur d’occuper l’attention de la royauté.

La section centrale a jugé que l’approbation du conseil suffisait amplement ; c’est aussi mon avis, et il m’est impossible de découvrir le moindre motif qui puisse, dans une affaire aussi minime, rendre la sanction royale nécessaire.

M. d’Hoffschmidt. - Je viens aussi m’opposer à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.

Je ne vois pas la nécessité de soumettre le règlement de la députation à l’approbation du Roi ; car en effet, ainsi que l’a dit l’honorable M. Dellafaille, ce règlement consiste seulement à fixer les heures et les jours des réunions de la députation.

D’ailleurs, messieurs, le gouverneur préside la députation ; c’est un agent du gouvernement à qui vous avez accordé un grand pouvoir, le gouverneur aura voix délibérative dans la députation, il sera là pour faire les observations qu’il jugera devoir faire ; pourquoi donc encore accorder un pouvoir, que j’appellerai extraordinaire, au gouvernement ?

Dans les anciens états-généraux, le pouvoir qu’on réclame aujourd’hui n’était pas accordé au gouvernement. La députation faisait elle-même son règlement ; l’innovation qu’on propose n’existe nulle part ; au moins, je ne le pense pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je persiste à croire qu’il y a beaucoup plus de raison pour que le règlement de la députation soit soumis à l’approbation du Roi que pour soumettre le règlement du conseil lui-même.

La députation a des rapports fréquents avec le pouvoir exécutif ; il faut établir l’harmonie entre l’ordre de ses travaux et l’ordre des travaux du pouvoir central. Il ne faut pas par exemple que la députation se réunisse après la fermeture des bureaux du gouvernement ; il ne faut pas qu’elle puisse faire venir les fonctionnaires administratifs à toute heure, à tous les instants, alors que leur présence est utile dans les bureaux du gouvernement provincial.

Je ne conçois pas, en vérité, la défiance qui dans certains esprits poursuit toutes les mesures du pouvoir, et qui vient encore s’attacher à des mesures commandées par les règles les plus ordinaires et les plus simples d’administration.

S’il arrivait que le gouvernement fît de dangereuses modifications au règlement de la députation, ce règlement serait modifié à son tour par le conseil. Le gouvernement s’arrangera donc pour ne point blesser les susceptibilités du conseil et de la députation.

M. H. Dellafaille - Je n’ai aucune espèce de répugnance à ce que le pouvoir central exerce sans entraves son action là où elle est réellement utile. Qui plus est, il m’est au fond absolument indifférent que le règlement d’ordre de la députation soit ou non soumis à l’approbation royale, et si M. le ministre tient à cette prérogative, je ne m’oppose point à ce qu’on lui donne cette petite satisfaction. Mais, je le répète, cette mesure, quoique n’offrant aucun inconvénient, est absolument inutile. La section centrale l’aurait elle-même proposée si elle avait pu en soupçonner la nécessité, et j’aurais désiré que M. le ministre la justifiât par des raisons plus plausibles qu’il ne l’a fait.

M. Fallon. - Je n’ai pas bien compris la nécessité de soumettre au Roi le règlement d’administration intérieure des conseils provinciaux ; je n’ai pu voir là qu’une mesure d’utilité, qu’un moyen de rendre uniformes ces règlements ; mais je conçois mieux l’utilité de soumettre au Roi le règlement de la députation du conseil ; la députation est un collège permanent, subordonné à l’administration centrale, et il importe que son règlement soit soumis au Roi pour qu’il y ait uniformité dans l’administration.

M. de Theux, rapporteur. - Je pense qu’il n’y a pas d’inconvénient à admettre l’amendement. Je ferai remarquer que l’article 94 ne prévoit pas le cas où l’on introduirait la publicité des séances. Cette publicité n’est pas prescrite à la députation ; elle n’est pas interdite non plus ; mais je ne pense pas que sans l’assentiment du gouvernement la députation puisse déclarer ses séances publiques.

Cette réflexion mérite d’autant plus d’attention que, d’après l’opinion de la section centrale du congrès sur l’article 108 de la constitution, la publicité des séances ne devait être introduite que pour les conseils provinciaux ; dans le rapport de la section centrale du congrès on ajoute même qu’il n’est pas nécessaire d’exiger la publicité des séances de la députation des conseils.

M. Dumortier. - Je ne sais pas ce qui peut tenter le ministre à faire sans cesse intervenir le Roi dans toutes les actions des conseils ; c’est là une soif extraordinaire de régenter les administrations provinciales.

On sait pourtant combien cette soif a été vexatoire sous l’ancien gouvernement, sous le roi Guillaume. Qu’est-ce donc que les députations ? Des émanations des conseils provinciaux ; elles ne doivent donc compte de l’heure de leurs séances, des jours de leurs délibérations, de leur règlement enfin, qu’aux conseils provinciaux. C’est pour cela que la section centrale a proposé cette disposition :

« La députation soumettra son règlement non au Roi, mais au conseil. »

On vient de dire que les députations des conseils pourraient introduire la publicité des séances ; mais dans le congrès on a décidé que cette publicité ne pouvait avoir lieu pour les députations.

Pourquoi le gouvernement aurait-il le droit d’approuver les règlements par un article explicite ? N’a-t-il pas en réalité ce droit par suite du droit d’annulation ? il annulera les règlements qui ne lui conviendront pas.

Que ne demande-t-on que la chambre des représentants soumette son règlement au Roi ; que le sénat soumette son règlement au Roi ? Pourquoi ne demanderait-on pas que la société des archers, qui doit se former à Bruxelles, soumette son règlement au Roi ? Il faut, messieurs, faire intervenir le Roi quand cela est utile ; mais autrement, c’est démonétiser le gouvernement ; c’est le rendre ridicule.

Le règlement de la députation établit simplement les jours, les heures des séances ; personne n’a pensé que ce règlement méritât un examen : ce n’est pas au Roi à voir si l’heure convient aux commis de l’administration ; c’est aux administrés à juger si l’heure peut leur convenir. En vérité, je ne conçois pas comment on peut faire intervenir le Roi dans cette circonstance.

M. de Theux, rapporteur. - L’orateur n’a sans doute pas saisi le passage que j’ai cité du rapport de la section centrale du congrès. J’ai dit que d’après ce passage on ne pouvait pas exiger la publicité des séances des députations des conseils ; mais on n’aurait pas droit d’annuler leurs règlements, si ces députations y déclaraient que leurs séances sont publiques, car la loi n’interdit pas cette publicité.

L’honorable préopinant craint les inconvénients d’une approbation royale ; je n’en vois aucun. Quand la députation aura soumis son règlement au conseil et que le conseil aura donné son assentiment, il n’est pas présumable que le gouvernement refusera le sien, à moins que ce règlement ne soit contraire à la prompte expédition des affaires. La chambre a adopté la disposition qui soumet à l’approbation royale le règlement du conseil ; il n’y aurait plus d’harmonie dans la loi si le règlement de la députation n’était pas soumis à la même approbation.

M. Fallon. - Il y a une telle connexité entre le règlement du conseil et le règlement de la députation qu’ayant soumis l’un à l’approbation du Roi, je ne vois pas pourquoi on n’y soumettrait pas l’autre. Dans cette pensée je proposerai l’amendement suivant :

« La députation soumet à l’approbation du conseil son règlement d’ordre et de service intérieur, lequel fera partie du règlement du conseil. »

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur propose cet amendement :

« Ce règlement (de la députation) sera également soumis à l’approbation du Roi. »

- L’amendement du ministre et celui de M. Fallon sont adoptés, sauf rédaction.


M. le président. - La section centrale a demandé la suppression du paragraphe suivant :

« La députation détermine les jours et heures de ses séances et l’ordre de ses travaux. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne m’oppose pas à la suppression.

M. d’Huart. - Il faut conserver ce paragraphe ; c’est une garantie vis-à-vis de la province. Nous avons admis la même disposition pour le conseil, à plus forte raison devons-nous l’admettre pour la députation. Le public saura quand les séances se tiendront. On avait même demandé que les séances de la députation eussent lieu trois fois par semaine, parce qu’on voulait imposer aux députations l’obligation de s’occuper des intérêts de la province.

M. de Theux, rapporteur. - Le conseil réglera les jours et les heures des séances de la députation. L’objet des délibérations est toujours indiqué dans la dernière séance : le paragraphe serait inconciliable avec cette disposition.

M. d’Huart. - Le paragraphe n’est pas inconciliable avec la disposition que nous venons d’adopter. Nous demandons qu’on dise à la députation : Vous déterminerez telle chose dans votre règlement, vous déterminerez surtout l’heure et les jours de nos séances parce qu’il faut que la députation sache qu’il ne lui est pas loisible de ne pas remplir les devoirs qui lui sont imposés de s’occuper des intérêts de la province.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La disposition ne me semble pas assez importante pour devoir occuper plus longtemps la chambre. Il y aurait suffisante garantie en indiquant le nombre des jours que la députation doit se réunir ; mais il y aurait peut-être inconvénient à indiquer les heures des séances, parce que les heures peuvent varier selon les saisons, selon d’autres circonstances.

L’article me semble inutile. J’en demande la suppression.

M. d’Huart. - Je n’insiste pas.

- Le paragraphe est supprimé.


M. le président. - « Elle ne peut délibérer si plus de la moitié de tous ses membres n’est présente. »

M. d’Hoffschmidt. - Il y a un pléonasme dans ce paragraphe ; ii faut supprimer le mot tous. (C’est vrai ! c’est vrai !)

- Le mot tous est supprimé. Le paragraphe est adopté.


M. le président. - « Toute résolution est prise à la majorité absolue des membres présents. »

- Ce paragraphe est adopté sans discussion.


M. le président. - Le 7ème paragraphe est mis aux voix et adopte en ces termes :

« En cas de partage des voix, si tous les membres n’ont pas assisté à la délibération, les absents sont appelés pour vider le partage. »

M. le président. - M. le ministre de l'intérieur déclarant adopter la suppression des suppléants proposée par la section centrale, le paragraphe demeure supprimé. Il est ainsi conçu :

« Si tous les membres y ont assisté, il sera appelé un des suppléants dans l’ordre de leurs nominations. »


La section centrale propose la rédaction suivante :

« Il est tenu procès-verbal des délibérations. Les procès-verbaux font mention des noms des membres qui ont assisté à la séance », en remplacement des paragraphes 9 et 10 suivants, présentés par le gouvernement :

« Il est tenu procès-verbal des délibérations, de la manière prescrite par les articles 51, 52 et 121 de la présente loi.

« Les procès-verbaux font mention des noms des membres qui ont assisté à la séance, et sont signés par le président et le secrétaire-général. »

- M. le ministre de l’intérieur se ralliant au paragraphe du projet de la section centrale, celui-ci est mis aux voix et adopté.

L’ensemble de l’article 105 est déclaré adopté.

Projet de loi visant à interdire les démonstrations publiques en faveur de la famille d'Orange-Nassau

Dépôt

M. le président. - M. le ministre de la justice a la parole pour une communication du gouvernement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) (lisant l’exposé des motifs) - Messieurs, l’expérience nous a appris que l’insuffisance des moyens légaux pour réprimer des démonstrations publiques en faveur de la famille d’Orange-Nassau n’est pas sans danger pour la paix publique.

Ces démonstrations, bien qu’elles ne rencontrant nulle sympathie dans nos populations et qu’elles n’inquiètent en aucune manière le gouvernement, irritent l’opinion nationale et soulèvent les passions du peuple au point de le pousser à des réactions et à des excès qu’il est du devoir de l’administration de prévenir.

C’est uniquement dans ce but que nous avons l’honneur de vous soumettre le présent projet de loi.

L’impunité dont la tolérance du gouvernement a laissé jouir jusqu’ici les auteurs de ces imprudentes démonstrations a servi d’aliment à une effervescence que tous, messieurs, nous devons chercher à calmer.

Rien ne nous a paru plus propre à atteindre ce résultat que des poursuites judiciaires, dirigées avec réserve et fermeté : le peuple, à la vue de l’action répressive des magistrats, renonce plus facilement à l’idée coupable, antisociale, de se faire justice à lui-même, et résiste mieux aux suggestions de quelques esprits exaltés qui l’excitent au désordre. Sous ce point de vue, on peut dire que le projet de loi augmente réellement la sûreté personnelle des rares partisans de la dynastie déchue, en les protégeant contre les conséquences de leurs propres écarts.

Le projet de loi servira de sanction à la décision solennelle du congrès national du 24 novembre 1830.

Il reste à dire quelques mots de l’économie du projet.

Sauf une disposition qui n’est que le complément de l’article 239 du code pénal et la sanction de l’article 9 de la loi du 11 juillet 1832, le projet attribue au jury la connaissance des délits qu’il prévoit ; il offre ainsi toutes les garanties que rend nécessaires l’impossibilité de déterminer exactement les faits que la loi veut atteindre. Ces faits peuvent se présenter sous mille formes : ce sera au jury à les saisir ; en cherchant à les préciser, on s’exposerait à en laisser en dehors de la loi, et l’on assurerait par là une impunité plus scandaleuse que celle qui résulte de l’absence de toute loi. Dans tous les cas, d’ailleurs, le juge pourra faire usage de la disposition indulgente de l’article 463 du code pénal.

Ajoutons que la loi ne sera que temporaire et disparaîtra avec les circonstances au milieu desquelles elle a été rédigée.

Texte du projet :

« Léopold, Roi des Belges,

« A tous présents et à venir, salut.

« Nous avons, etc. »

« Art. 1er. Quiconque aura publiquement appelé ou provoqué le retour de la famille d’Orange-Nassau ou d’un de ses membres, sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 500 francs à dix mille francs. »

« Art. 2. Quiconque dans une intention hostile au gouvernement constitutionnel de la Belgique, aura fait une démonstration publique en faveur de la même famille ou d’un de ses membres, sera puni d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 200 francs à 500 francs. »

« Art. 3. Quiconque aura arboré ou porté publiquement, sans l’autorisation du Roi, un drapeau, une cocarde, ou les insignes distinctifs d’une nation étrangère, sera puni des peines portées en l’article précédent. »

« Art. 4. Quiconque aura porté publiquement, sans l’autorisation du Roi, l’un ou l’autre des insignes d’un ordre quelconque sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 50 francs à 500 fr., sans préjudice de l’application, s’il y a lieu, des peines portées aux articles 2 ci-dessus et 259 du code pénal. »

« Art. 5. Les articles 3 et 4 de la présente loi ne sont applicables ni aux agents diplomatiques et consuls accrédités et leur suite, ni aux étrangers chargés d’une mission auprès du gouvernement, ou voyageant avec l’agrément du gouvernement.

« Les bâtiments de guerre ou de commerce appartenant aux nations alliées ou neutres pourront également, dans les ports et eaux intérieures, arborer leur pavillon, selon les usages établis. »

« Art. 6. Les articles 57, 58 et 463 du code pénal sont applicables à la présente loi. »

« Art. 7. La connaissance des délits prévus par les articles 1, 2 et 3 ci-dessus est attribuée aux cours d’assises. »

« Art. 8. La présente loi cessera d’avoir son effet à l’époque du traité définitif entre la Hollande et la Belgique. »

« Donné à Bruxelles , le 15 mai 1834.

« Léopold.

« Par le Roi : Le ministre de la justice, Lebeau. » (Approbation générale.)

M. Desmet. - M. Alexandre Rodenbach avait donc connaissance de ce projet de loi ?

M. A. Rodenbach. - J’étais compère sans le savoir.

Projet de loi sur la sûreté publique

Dépôt

(Moniteur belge n°139 et 140, du 19-20 mai 1834) M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Messieurs, des circonstances affligeantes ont signalé récemment dans la législation une lacune qu’il importe de combler. Nous voulons parler d’une loi destinée à prévenir et à réprimer les troubles locaux.

Cette loi réclame des règles claires, traçant d’une manière précise à chaque agent les devoirs qu’elle lui impose ; elle doit déterminer en même temps les conséquences auxquelles s’exposent les citoyens qui, par malveillance ou par imprudence, compromettent la tranquillité publique.

Le premier document que nous trouvons sur cette matière dans la législation française est la loi du 21 novembre 1789, dite loi martiale, abrogée par celle du 23 juin 1793. L’on a contesté, il est vrai, cette abrogation à la chambre des députés de France en 1820 ; mais nous sommes dispensés d’examiner ce point, puisque la loi martiale de 1789 n’a pas été publiée dans les départements réunis.

Un décret contre la sédition, en date du 18 juillet 1791, a été publié en Belgique par un arrêté du 7 pluviôse an V ; mais ce décret, dont plusieurs dispositions se trouvent dans le droit pénal, ne contient aucune règle concernant l’emploi de la force armée.

Le décret du 3 août 1791 contre les attroupements, émeutes, etc., désigne les autorités compétentes pour faire les réquisitions et sommations, les formalités à remplir, le nombre et le mode des sommations qui doivent précéder l’emploi de la force armée. Ce décret est en vigueur en France, et la loi du 10 avril 1831 lui sert de complément. Il est vrai que le code pénal de 1791 (deuxième partie, titre Ier, section 4, article 5), publié en Belgique par arrêté du 24 frimaire an IV, se réfère à la loi du 3 août 1791 ; cela suffit-il pour soutenir que cette loi serait par là devenue obligatoire ? Nous ne le pensons pas.

Les seules dispositions relatives au point qui nous occupe, et sur la légalité desquelles il ne peut être élevé de doutes, sont renfermées dans le titre 17 de la loi du 28 germinal an VI, organique de la gendarmerie ; mais, outre que ces dispositions sont incomplètes, on peut soutenir qu’elles sont exclusivement applicables à cette arme.

Il n’existe donc sur la matière que des règles dont la légalité est plus ou moins contestée, dont plusieurs sont obscures ou incomplètes, et que l’on doit rechercher parmi des lois qui remontent à une époque déjà anciennes, et qui sont peu en rapport avec les circonstances actuelles.

Le projet que nous vous présentons à pour but de réunir ces dispositions et de les compléter en les coordonnant avec notre organisation constitutionnelle et administrative. La loi du 3 août 1791 a été la source principale où nous avons puisé ; nous y avons ajouté presque textuellement la loi française du 16 avril 1831.

Le projet renferme deux parties distinctes : la première concerne les mesures préventives, et s’adresse aux autorités administratives ; la deuxième concerne les mesures de répression instantanée, et appelle, pour y concourir, non seulement les autorités administratives qui sont encore là dans le cercle de leurs attributions, mais aussi tous les officiers civils exerçant l’action de la police judiciaire, puisqu’il s’agit de réprimer des faits flagrants, qualifiés délits par la loi ; la circonstance, d’ailleurs, que ces délits peuvent se présenter simultanément, sur divers points d’une même commune, exige le concours du plus grand nombre d’agents possible, afin que leur défaut d’intervention ne soit plus un obstacle au rétablissement de l’ordre. Ce même motif a fait introduire dans le projet une disposition nouvelle, et que réclame l’expérience.

L’on a pensé que, lorsque la tranquillité publique serait troublée sur plusieurs points d’une même commune, et que l’action de l’autorité civile serait tardive ou insuffisance, la prompte intervention de la force armée devenant indispensable, il fallait investir le chef de cette force du droit de remplacer l’autorité civile dans l’accomplissement des formalités immédiatement préalables à l’emploi de la force.

L’ordre d’action des divers agents de l’autorité, leurs rapports entre eux, la marche qu’ils ont à suivre, les formalités qu’ils doivent observer, sont tracés dans le projet que nous vous soumettons.

La netteté de ces dispositions en rendra l’exécution facile, en même temps qu’elle fera disparaître tout motif d’hésitation ou de collision entre les divers agents chargés de concourir à cette exécution.

La dernière partie du projet commine des peines contre ceux qui, désobéissant à la voix des magistrats ou des commandants de la force publique, persisteraient, soit par malveillance, soit même par imprudence, à former des attroupements réputés dangereux pour la tranquillité publique.

Nous n’avons pas hésité à nous emparer ici de la loi française du 10 avril 1831, résultat d’un examen approfondi, et qui concilie toutes les garanties réclamées et par la liberté individuelle et par les obligations qu’impose au gouvernement le devoir de maintenir la paix intérieure et l’ordre public.

(Note du webmaster : Le même Moniteur donne ensuite le texte du projet de loi, texte non repris dans la présente version numérisée.)

Projet de loi provinciale

Discussion des articles

Titre VII. De la députation permanente du conseil

Chapitre II. Dispositions générales concernant la députation

(Moniteur belge n°136, du 16 mai 1834) M. le président. - La discussion de la loi provinciale est reprise.

Article 106 (du projet du gouvernement)

M. le président. - L’article 106 du projet du gouvernement est supprimé ; il est ainsi conçu :

« Les suppléants ne peuvent concourir à la délibération qu’en remplaçant des membres absents, ou en cas de partage des voix, ils ne seront admis que dans l’ordre de leur nomination. »

Article 107 (du projet du gouvernement) et article 95 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 107 du projet du gouvernement :

« Chaque membre de la députation jouit d’un traitement annuel de 1,500, florins, dont la moitié sera réservée pour former un fonds de présence, à partager tous les trois mois entre les membres, suivant le nombre de séances auxquelles ils auront assisté pendant le trimestre écoulé. »

Et sur l’article 95 de la section centrale :

« Chaque membre de la députation jouit d’un traitement annuel de trois mille fr., dont la moitié sera réservée pour former un fonds de présence, à partager tous les trois mois entre les membres, suivant le nombre de séances auxquelles ils ont assisté pendant le trimestre écoulé ; à cet effet il sera tenu un registre de présence. Le président est spécialement chargé de veiller à l’exécution de cette disposition. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il me semble que puisque l’on a adopté en principe de supprimer les dispositions réglementaires, comme l’article 95 de la section centrale en consacre une, on devrait également l’écarter.

M. d’Huart. - L’observation de M. le ministre porte sur la dernière partie de l’article qui concerne la tenue d’un registre de présence. Mais, dans le commencement de l’article du gouvernement, il est sans doute d’avis de transformer le traitement annuel de 1,500 florins en celui de 3,000 francs, comme le propose la section centrale, afin d’être en harmonie avec le système monétaire légal.

M. de Theux, rapporteur. - Les dispositions de la section centrale et du gouvernement sont les mêmes au fond. L’on a voulu éviter que les membres des députations provinciales se laissassent aller à ne pas partager la seconde partie de leurs traitements ; et la section centrale a cru que la tenue d’un registre de présence pouvait parer à cet inconvénient.

M. Fallon. - Je ferai remarquer que la même chose existe à l’égard des tribunaux, où il se tient exactement une liste de présence que l’on nomme registre de pointes.

- La chambre n’étant plus en nombre, la séance est levée à 4 heures et demie.