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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 16 mai 1834

(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1834 et Moniteur belge n°138, du 18 mai 1834)

(Moniteur belge n°137, du 17 mai 1834)

(Présidence de M. Dubus.)

La séance est ouverte à midi et demi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente.

- Le procès-verbal est adopté.

Projet de loi provinciale

Discussion des articles

Titre VII. De la députation permanente du conseil provincial

Chapitre II. Dispositions générales concernant la députation
Article 95 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion continue sur l’article 95 de la section centrale, dont nous avons donne le texte dans la séance d’hier. Cet article remplace les articles 107, dont nous avons également fait connaître la teneur, et 108 ; il est rédigé ainsi qu’il suit :

« En cas d’empêchement légitime d’un député, le suppléant appelé ne touchera que le droit de présence.

« Dans les autres cas, il jouira et du droit de présence et du traitement à raison du temps pendant lequel il aura siégé.

« Le président est spécialement chargé, sous sa responsabilité, de veiller à l’exécution de cette disposition.

« Il sera tenu, chaque année, un registre de présence, pour assurer l’exécution du présent article. »

M. Doignon. - Je proposerais de porter le traitement des membres des députations permanentes à 4,000 francs. Ce qui m’engage à vous présenter cet amendement, c’est que je crois que le personnel des députations doit être composé de manière à représenter les intérêts et les besoins de chaque arrondissement.

Le traitement, fixé jusqu’à ce jour à 3,000 fr., est tellement modique qu’il a été difficile de trouver des hommes de mérite qui voulussent se déplacer moyennant cette rétribution annuelle. Il en est résulté que les députations se sont trouvées composées de personnes habitant le chef-lieu même de la province, ou dans les villes environnantes ; de sorte qu’au lieu d’administrer avant tout les intérêts de la province, elles n’ont fait, trop souvent, que gérer les affaires du chef-lieu et de son arrondissement.

Nous avons vu quelques arrondissements victimes d’un pareil état de choses. On a l’exemple d’une ville qui, pour déterminer certaines personnes à accepter les fonctions de membres de la députation, leur a fait l’offre d’un supplément de traitement. Je pense donc que l’augmentation que je propose est justifiée par l’expérience.

Une autre raison qui vient à l’appui de ma proposition, c’est que, d’après le système d’exclusion adopté et par le gouvernement et par la section centrale, les choix seront plus restreints, et par conséquent plus difficiles. Il y a maintenant dans le sein des députations des états, des avocats plaidants, des avoués, des notaires dont l’incompatibilité à ces fonctions doit être prononcée. Je crois donc que tous ces motifs concourent à rendre l’augmentation que je propose nécessaire.

- L’amendement de M. Doignon est appuyé.

M. Verdussen. - Je donnerai mon assentiment en thèse générale à l’amendement de l’honorable préopinant.

Cependant je crois qu’il y aurait également un vice dans la loi, si l’on voulait fixer à une même somme les traitements des membres des députations permanentes des différentes provinces. Dans la loi sur l’organisation nous avons remarqué qu’il fallait fixer le taux des traitements des juges et des conseillers d’après les localités. Il est impossible de placer, par exemple, sur la même ligne, le séjour dans la ville de Bruxelles et dans celle de Namur.

Il y aurait moyen de concilier les opinions en établissant un maximum et un minimum pour le traitement des membres des députations, tout en conservant la retenue de la moitié à titre de jetons de présence. Le minimum serait de 3,000 francs, chiffre du projet du gouvernement et de celui de la section centrale, et le maximum de 4,000 fr., chiffre de l’amendement de l’honorable M. Doignon.

M. Fleussu. - C’est un sous-amendement.

M. Dumortier. - Je dois m’opposer aux deux amendements qui viennent de vous être présentés. Voilà 20 ans que les états-provinciaux existent, et depuis 20 ans je ne sache pas qu’il se soit élevé de plaintes sur la fixation du traitement qui n’a pas dépassé 3,000 francs. Je ne sais en vérité où nous voulons marcher. Il y a une tendance à augmenter toutes les dépenses de l’Etat contre laquelle je dois m’élever. Cette tendance, outre qu’elle grève le budget, offre le grave inconvénient de permettre aux parties prenantes d’établir des comparaisons. Tel fonctionnaire qui jouit aujourd’hui d’un traitement de 3.000 francs, s’appuiera de l’augmentation accordée à la députation permanente, pour en solliciter une semblable.

Au surplus, mon opinion bien fixée, c’est que les provinces devraient être chargées seules de la dépense que nous discutons. Les députés ne devraient pas être salariés par le gouvernement ; ils n’en sont pas les agents ; ce sont les hommes de la province ; ils ont été choisis par les électeurs et nommés par leurs pairs. Je me propose au second vote de revenir sur la décision prise à cet égard par la chambre.

Je terminerai en disant que si le taux des traitements actuels présente les inconvénients que signale l’honorable M. Doignon, c’est aux provinces à consacrer à leurs budgets un supplément de traitements.

- L’amendement présenté par M. Verdussen n’est pas appuyé.

M. Fallon. - Je ne suis guère d’avis d’introduire une innovation et de changer un état de choses qui n’a pas jusqu’à ce jour donné lieu à des réclamations. Mais je ferai observer que le but de M. Doignon, en proposant son amendement, était de faciliter aux conseillers des arrondissements éloignés du chef-lieu l’acceptation des fonctions de députés ; ce but se trouverait dépassé si l’on accordait une augmentation générale de 1,000 francs. Il me semble qu’il ne faudrait pas l’accorder aux députés habitant le chef-lieu de la province.

M. Doignon. - Je me rallie à la proposition de M. Fallon.

M. Legrelle. - Je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. Dumortier. Je crois comme lui qu’il y a un inconvénient à faire salarier par l’Etat des hommes choisis par la province. C’est là, ce me semble, une dépense purement provinciale. Je ne conçois pas non plus ces augmentations que l’on nous demande à chaque instant. Les dépenses de l’Etat sont telles, qu’il est certain qu’au lieu de diminuer les contributions, diminution que tout le monde réclame, nous nous verrons dans la nécessité de les élever. Songez bien que le sénat n’a adopté que pour une année le principe des centimes additionnels. L’année prochaine, le budget des voies et moyens présentera une forte lacune que vous ne pourrez combler. Jusqu’à présent, nous avons marché sans nouvel emprunt. Mais il est hors de doute que si nous nous laissons entraîner à accorder les augmentations que l’on vous propose, nous ne pourrons faire marcher notre état financier sans grever le trésor. Il faut qu’en matière de dépenses publiques nous procédions avec économie, je dirai même avec parcimonie.

En consommant la révolution, vous avez voulu avant tout un gouvernement à bon marché. Il est de fait que nous devons nous opposer à toute augmentation de dépenses dont la nécessité ne nous est pas rigoureusement démontrée. Je m’en tiendrai donc au projet de la section centrale, et je m’oppose à toute espèce d’augmentation.

M. de Theux, rapporteur. - Je ne pense pas qu’il y ait lieu d’admettre la proposition de M. Doignon. Sous le gouvernement précédent, les membres des députations ne se sont jamais plaints. Leur traitement était de 1,500 florins. A Bruxelles seulement, ce traitement était fixé à 2,000 florins. Un arrêté du Régent le réduisit pour toutes les provinces à 1,350 florins. La proposition de 3,000 fr. faite par la section centrale consacre déjà une augmentation. Il me semble qu’il a des inconvénients à proposer des majorations semblables. Dans les fonctions publiques, l’honneur d’y être appelé doit peser dans la balance. Il ne faut jamais en venir à en faire une question d’argent.

M. A. Rodenbach. - Lorsque nous aurons la paix avec la Hollande, il est plus que probable que le chiffre total de notre budget se montera de 90 à 95 millions. Il faut songer à l’avenir. On veut toujours augmenter les traitements, les abonnements. Ce système est loin d’être un système belge. Il ressemble plutôt au système absurde du gouvernement néerlandais. Je m’y oppose formellement.

Le principal argument employé en faveur de l’augmentation en discussion, ce sont les frais qu’occasionnent les déplacements. Ces frais sont minimes. Les diligences sont à bon compte. (On rit.) Je crois que des appointements de neuf à dix francs par jour suffisent pour faire face à toutes les dépenses occasionnées par l’habitation du-chef-lieu. Je repousse donc l’amendement de l’honorable M. Doignon. Ce n’est pas le moment d’augmenter les dépenses de l’Etat ; il faudrait au contraire les diminuer.

M. Doignon. - Mon opinion n’a pas été réfutée par les objections que les honorables préopinants ont présentées. Il est démontré par l’expérience que les députations permanentes ne remplissent pas leur but, parce qu’elles sont presqu’entièrement composées de personnes étrangères aux arrondissements de chaque province. Si l’on ne détruit pas ce grave inconvénient, le système du pouvoir provincial sera complètement faussé. Les intentions de notre pacte fondamental ne recevront pas leur pleine et entière exécution. Lorsqu’il s’agit d’instituer sur des bases solides un pouvoir constitutif, il ne faut pas s’arrêter à une chétive économie de quelques milliers de francs. Certes, mes opinions en matière financière sont assez connues, et j’ai fait mes preuves à cet égard ; mais le motif qui me détermine est l’intérêt seul de l’organisation de nos provinces.

On vous a dit que depuis quinze ans aucune plainte ne s’était élevée sur les inconvénients que je vous ai signalés. J’ai été étonné d’une pareille assertion. J’ai, au contraire, constamment entendu la presse et les autres organes de l’opinion publique se prononcer fortement contre l’abus que je signale, contre la sollicitude que les députations témoignaient pour le chef-lieu aux dépens des arrondissements. Vous remarquerez qu’aujourd’hui la plupart des membres des députations exercent d’autres professions en dehors des fonctions administratives qui leur sont confiées, parce que les traitements qu’ils reçoivent ne soit pas assez élevés. L’augmentation que je propose fera disparaître un pareil abus.

Des préopinants ont dit qu’ils voteraient cette augmentation, si elle était à la charge de l’Etat. Que ce soit l’Etat, que ce soit la province qui les paie, je persiste à dire que lorsqu’il s’agit de consolider une institution, il ne faut pas s’arrêter à de mesquines considérations d’économie. Je déclare, du reste, modifier mon amendement dans le sens des observations de M. Fallon.

M. Eloy de Burdinne. - Je pourrais adopter l’amendement de l’honorable M. Doignon, si l’article 86, qui fixe le nombre des membres de la députation permanente, avait été adopté. Si ce nombre, au lieu d’atteindre le chiffre de 8 membres dans certaines provinces, était réduit à 4, je ne m’élèverais pas contre cette augmentation de traitements, qui en définitive n’augmenterait pas la dépense. Mais, dans l’état actuel des choses, je crois qu’il convient de suspendre la discussion de l’article 95 jusqu’à la décision que la chambre croira devoir prendre sur l’article 86.

M. Jullien. - Je ne vois pas la nécessité de porter à 4,000 fr. le traitement des membres des députations permanentes, lorsque jusqu’à ce jour celui de 3,000 francs a paru suffire. Les raisons que l’on a données pour motiver cette augmentation ne m’ont pas touché. Je prie la chambre de bien faire attention à ce point. Jusqu’à présent, du moins à ma connaissance, il ne s’est pas élevé de réclamations contre l’exiguïté du traitement des membres de la députation des états.

Veuillez prendre en considération que la députation s’assemble tout au plus deux ou trois fois par semaine. Le traitement que reçoivent ses membres suffit à les indemniser des quelques lieues qu’ils ont à parcourir pour se rendre au chef-lieu. Mais songez qu’un juge, dont le travail est de tous les jours, dont l’importance est au moins aussi grande que celle d’un membre de la députation, n’a pas même trois mille francs. Si vous élevez à 4,000 le traitement des membres de la députation des états, n’ouvrirez-vous pas la porte à des réclamations fondées de la part des fonctionnaires de l’ordre judiciaire, dont les appointements atteindront à peine la moitié de cette somme ?

On a dit, et c’est M. Dumortier qui a émis cette opinion, que les membres de la députation devaient être payés par les provinces. Cette question a déjà été soumise à la chambre, elle y a été débattue, et elle a donné lieu à un vote négatif. On a maintenu l’ancien système parce qu’il a paru à la majorité, d’après des motifs longuement développés, que la députation était un tribunal administratif, chargé de régler la répartition des contributions perçues au nom de l’Etat, et comme ressortissant, par sa nature, plus immédiatement du pouvoir exécutif. Une décision a été prise : le second vote pourra la modifier. Ce n’est donc pas le moment de s’occuper de cet objet.

La députation permanente, dit l’honorable auteur de l’amendement, ne remplit pas son but, parce que l’on ne peut y introduire des députés représentant chacun des arrondissements de la province. Est-ce parce que vous offrirez à un homme un millier de francs de plus qu’il fera le sacrifice de son état, s’il en a un ; de ses affections, si elles le retiennent dans sa ville natale ? Ce n’est pas ce misérable appât qui influera sur la détermination d’un homme à qui les fonctions qui lui sont offertes supposent une certaine position sociale.

Je puis affirmer que, dans notre province, il y a des députés qui représentent les principaux arrondissements à la députation des états, et ceux-là ne se sont jamais plaints de la modicité de leurs appointements. Du reste, la députation n’est jamais au complet ; cinq membres suffisent pour l’expédition des affaires. Elever leurs traitements, c’est créer des sinécures. Je déclare que je voterai contre tous les amendements qui tendraient vers ce but.

M. A. Rodenbach. - J’ai peu de chose à ajouter à ce qu’a dit l’honorable préopinant.

Dans la Flandre occidentale il y a un député de chaque arrondissement. Ils se rendent tous avec exactitude aux séances.

La comparaison du traitement dont ils jouissent avec celui qui est payé aux commissaires de district suffira pour faire rejeter selon moi l’augmentation proposée. Il y en a parmi ces derniers qui ne reçoivent pas 2,000 francs. Et pourtant un commissaire de district n’est pas, dans la hiérarchie administrative, inférieur à un membre de la députation. C’est ce que pourront vous affirmer quelques-uns de mes honorables collègues. Car nous ne manquons pas de commissaires de district dans cette enceinte. (Hilarité.)

M. Dumont. - Il résulte de la discussion qu’il y a des provinces où le traitement de 3,000 fr. suffit, et d’autres où il serait désirable qu’il fût augmenté. Dans une province étendue comme celle du Hainaut, les frais de déplacement sont plus considérables. L’arrondissement de Charleroy, par exemple, est éloigné de 6 à 7 lieues du chef-lieu de la province. Il me semble qu’il y aurait moyen de concilier l’insuffisance réelle du traitement des membres de quelques députations avec les répugnances qu’une augmentation de dépenses paraît inspirer, en faisant contribuer les provinces à ces suppléments de traitement.

L’article 107 que nous discutons, quoique mettant le traitement des députations à charge de l’Etat, n’est pas exclusif d’une augmentation de traitements à charge de la province. Il me semble donc qu’il y aurait lieu d’opérer cette modification à l’amendement de l’honorable M. Doignon, et si cette faculté était en effet refusée à la province par l’article, je ferai de l’observation que je viens de soumettre à la chambre l’objet d’un amendement.

M. Doignon. - Je n’ai qu’un mot à ajouter. On vous a dit que le travail de la députation n’était pas considérable ; mais veuillez remarquer que mon amendement n’est point motivé sur le plus ou moins d’occupations que peuvent avoir les députés : c’est leur déplacement qui doit être pris ici en considération. Si vous n’élevez pas le taux du traitement, vous ne trouverez pas d’hommes qui veuillent quitter la ville qu’ils habitent, pour résider dans le chef-lieu et y jouir d’un chétif traitement.

On a argumenté des fonctions de juges ; mais les juges sont inamovibles. On conçoit que cette perspective d’inamovibilité engage des hommes de mérite à se déplacer. Songez que les fonctions des députés des conseils sont des fonctions précaires. Ils seront soumis à une réélection tous les quatre ans, tous les deux ans peut-être. Je le répète, si le traitement actuel est conservé, le vice que j’ai signalé subsistera. (Aux voix ! aux voix !)

- L’amendement présenté par M. Doignon est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L’amendement de M. Dumont est mis également aux voix ; il n’est pas adopté.

L’article 95 mis aux voix est adopté.

Article 109 (du projet du gouvernement) et 96 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 96 (de la section centrale). La députation donne son avis sur toutes les affaires qui lui sont soumises à cet effet, en vertu des lois ou par le gouvernement.

« Elle délibère, tant en l’absence que durant la session du conseil, sur tout ce qui concerne l’administration journalière des intérêts de la province et sur l’exécution des lois pour lesquelles son intervention est requise, ou qui lui sont adressées à cet effet par le gouvernement ; elle délibère également sur les réquisitions qui lui sont faites par le gouverneur.

« Elle peut défendre en justice à toute action intentée contre la province ; elle peut intenter sans délibération préalable du conseil, lorsqu’il n’est pas assemblé, les actions qui ont pour objet des biens meubles, ainsi que les actions possessives ; les actions sont exercées conformément à l’article 111 de la présente loi. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - J’admets cette rédaction proposée par la section centrale.

- L’article mis aux voix est adopté.

Article 97 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 97. Lorsque le conseil ne sera pas assemblé, la députation pourra prononcer sur les affaires qui sont spécialement réservées au conseil dans tous les cas où elles ne sont point susceptibles de remise, et à charge de lui en donner connaissance à la première réunion.

« Cette facilité ne s’étend pas aux budgets, aux comptes, ni aux nominations et aux présentations des candidats déférées au conseil. »

Le deuxième paragraphe est un amendement de la section centrale.

M. de Theux, rapporteur. - Je crois que cet article 97 doit être ajourné, attendu que les amendements de M. Fallon et de M. le ministre de la justice, renvoyés à la section centrale, doivent être mis, ce me semble, en corrélation avec cet article.

M. Dumortier. - J’ai à faire sur le fond de l’article une observation que je dois communiquer à l’assemblée. Le premier paragraphe de l’article ne restreignant pas assez les attributions des députations, il aurait pu arriver que ces députations auraient pu faire renouveler les plaintes qu’elles excitaient sous l’ancien gouvernement.

Il faut laisser à chacun sa besogne ; les choses n’en vont que mieux. Je pense que la section centrale a eu raison de ne point autoriser la députation à prononcer sur les budgets, sur les comptes et sur la présentation des candidats. La constitution donne ces attributions au conseil et point au collège provincial. Je pense qu’on doit admettre le principe que la députation provinciale pourra quelquefois prononcer sur les cas réservés aux conseils, mais dans des circonstances urgentes, et lorsque les conseils en auront donné préalablement l’autorisation. Je propose en conséquence l’amendement suivant :

« Lorsque le conseil n’est pas assemblé, la députation, sur l’autorisation préalable du conseil, prononce sur les affaires spécialement réservées au conseil. » Il faut empêcher les députations d’absorber tous les pouvoirs. Toutes les personnes qui ont appartenu aux états-provinciaux savent combien de plaintes les envahissements de ces députations ont fait naître.

Les abus seront évités par l’addition que je propose à l’article.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je crois que l’honorable M. de Theux a quelque raison de demander l’ajournement.

J’ai présenté un amendement dont l’idée m’a été suggérée par M. Fallon, pour le cas où le budget n’aurait pas été voté par l’autorité provinciale. Dans l’amendement que je propose et que j’ai soumis à la chambre, les dépenses obligatoires, les dépenses imposées par la loi seraient portées de droit au budget provincial. Mais à cette occasion il pourrait y avoir divergence d’opinion : Quelques membres voudraient attribuer à la députation le droit de porter les dépenses au budget provincial. Ce système me paraît inadmissible. Je crois que c’est le gouvernement qui doit porter d’office les dépenses obligatoires non votées par le conseil.

Il ne faut pas exposer le conseil à se trouver en conflit avec la députation, qui n’en est qu’une émanation. Je crois que par ce motif il y a nécessité d’ajournement. Cependant cette considération ne m’arrêterait pas, si on adopte le principe de mon amendement.

M. de Theux, rapporteur. - Indépendamment de l’opinion de M. le ministre de la justice, il y a d’autres cas où la députation peut intervenir ; ce serait par exemple le cas où le conseil se serait séparé sans s’être occupé du budget. Je persiste à croire qu’il y a lieu de renvoyer l’article à la section centrale.

- L’ajournement proposé par l’honorable M. de Theux, mis aux voix, est adopté.

Article 111 (du projet du gouvernement) et 98 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 111 (du projet du gouvernement). Les membres de la députation ne peuvent être intéressés directement ni indirectement dans aucun service, perception de droits, fourniture ou adjudication de travaux publics dans la province. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« Art. 98. Les membres de la députation ne peuvent prendre part directement ni indirectement dans aucun service, perception de droit, fourniture ou adjudication de travaux publics pour compte de l’Etat, de la province ou des communes de la province. »

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je trouve que l’expression « ne peuvent être intéressés, » vaut mieux que l’expression « ne peuvent prendre part ». »

M. d’Huart. - Un membre de la députation pourrait être indirectement intéressé dans un service sans qu’il y ait de sa faute : son père, son frère pourraient être intéressés dans une entreprise, une fourniture ; faudra-t-il qu’il se retire dans ce cas ?

M. de Brouckere. - L’observation de M. d’Huart est juste ; la rédaction de la section centrale vaut mieux.

M. de Theux, rapporteur. - La section centrale a changé les mots : « ne peuvent être intéressés, » parce qu’ils sont trop indéfinis. Le gouvernement lui-même nous avait indiqué, dans l’article 59, la modification que nous avons admise. Il y a dans l’article 59 : « Aucun membre du conseil ne peut prendre part… »

M. Jullien. - Je préfère la rédaction du gouvernement. Quel est le but de la loi ? Elle veut empêcher qu’un membre de la députation puisse avoir un intérêt quelconque dans un service, dans une fourniture qui concerne la province ou une des communes de la province. Avoir un intérêt dans une chose, c’est y être pécuniairement intéressé, soit comme associé, soit par le moyen d’un prête-nom. C’est la pensée d’un article du code qui défend aux fonctionnaires publics de prendre intérêt dans les fournitures faites à l’Etat. Vous prétendez que vous atteignez mieux le but par les mots : « ne peuvent prendre part... »

Mais le mot intéressé est d’une signification plus étendue. Cette expression est plus complète et plus significative que l’autre.

On fait observer que si le père, si le frère, sont intéressés, ce n’est pas là prendre une part directe ni indirecte… Mais on vous dira aussi que vous ne pouvez empêcher d’avoir un frère, un père, qui soient intéressés dans les travaux, les fournitures.

Sous le rapport grammatical, je pense que le mot intéressé vaut mieux.

M. de Theux, rapporteur. - L’honorable préopinant confond deux cas tout à fait différents. Dans le cas de l’article 59, aucun membre du conseil ne peut prendre part à la délibération à laquelle lui, ou un de ses parents ou alliés jusqu’au quatrième degré, ont un intérêt personnel.

Mais dans le cas en discussion il est impossible qu’un membre de la députation du conseil soit exclu parce qu’il a un père, un frère, intéressés dans les fournitures. Il faut maintenir le mot prendre part. Il suffit que le membre de la députation ne soit pas personnellement intéressé pour qu’il ne soit pas exclu.

M. Dumortier. - Tout cela n’est que de la grammaire.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’article 111 consacre un principe moins sévère que l’article 59. Il serait singulier dit-on, qu’un membre de la députation ne pût avoir un père, un frère, adjudicataires des travaux dans la province. Dans mon opinion, non, il ne faut pas qu’un membre de la députation ait un père ou un frère intéressés dans les fournitures, dans les travaux. C’est par ce motif que je demande le maintien du mot intéressé.

Il est dans l’intérêt des membres de la députation que l’article subsiste, parce que cela les débarrassera d’une foule de sollicitations de famille ; ils s’en débarrasseront en leur présentant l’article de la loi.

M. de Brouckere. - Ce n’est pas seulement une question de grammaire que celle que vous avez à décider, c’est une question bien plus importante d’après l’observation faite par M. le ministre de l’intérieur. On avait remarqué que la rédaction du gouvernement était tellement large, qu’il s’ensuivrait qu’un membre de la députation, dont le père serait entrepreneur, ne pourrait délibérer sur l’objet de l’entreprise ; et plusieurs membres ont pensé que cela ne devait pas être un obstacle à ce que le membre de la députation délibérât.

Mais plusieurs autres membres d’un avis contraire préfèrent la rédaction du projet du gouvernement. La chambre n’a donc pas ici à se prononcer sur une expression plus ou moins correcte. Pour moi, je ne veux pas l’exclusion des membres de la députation dans le cas que l’on a supposé ; je trouve suffisante la garantie que présente l’article 59 cité par l’honorable M. de Theux.

L’honorable M. Jullien, qui ne partage pas l’opinion du ministre, préfère cependant la rédaction ministérielle, parce qu’il n’y attache pas le sens que le gouvernement y attache. Il s’appuie sur un article du code pénal ; dans cette circonstance sa mémoire l’a mal servi.

L’article 175 dit que « tout fonctionnaire, tout agent du gouvernement qui, ouvertement, soit par acte simulé, soit par interposition de personnes, aura pris ou reçu quelque intérêt que ce soit… » Il s’agit donc ici d’un acte personnel à l’individu. La rédaction du code pénal répond d’une manière exacte à la rédaction de la section centrale.

Vous voyez que pour ceux qui ne veulent pas pousser le rigorisme aussi loin que le gouvernement le demande, c’est la rédaction de la section centrale qu’il faut adopter ; c’est aussi pour cette rédaction que je voterai.

M. de Theux, rapporteur. - Les paroles de M. le ministre me prouvent qu’il ne m’a pas bien compris. J’ai dit que l’article 59 était dissemblable de l’article 111. Ainsi, dans le cas où un membre de la députation serait appelé à délibérer sur un objet soumis à la députation, il n’y pourrait prendre part si lui, ou un de ses parents, avait un intérêt quelconque à l’égard de l’objet de la délibération ; dans l’article 111, on a voulu seulement prévoir la participation à une entreprise résultant d’un fait. On n’a pas entendu qu’un membre ne pourrait plus siéger s’il avait une personne de sa famille, un neveu, par exemple, intéressé dans une adjudication de travaux pour compte de la province. Si on l’eût entendu autrement, c’eût été une conséquence exorbitante.

M. Jullien. - Je remercie l’honorable M. de Brouckere de m’avoir remis sur la voie. L’article du code, qu’il a cité, m’a confirmé dans mon opinion.

Le mot intéressé, qui se trouve dans le paragraphe, doit être entendu comme on l’entend en matière commerciale et à l’égard d’une société. Lorsque vous dites dans la loi qu’un membre de la députation ne peut être intéressé, ne peut avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise, vous avez tout dit. Vous entendez que cet intérêt est pécuniaire et direct, soit comme associé d’une société, soit comme associé à cet associé.

Si vous laissez dans l’article les mots ne peuvent prendre part, vous ne dites pas assez ; car on peut ne pas prendre part à une entreprise et y être intéresse. L’idée de la loi est qu’un membre de la députation ne peut avoir un intérêt direct pécuniaire dans une adjudication.

M. H. Vilain XIIII. - Je crois que pour éviter des interprétations différentes, il faudrait mettre : « Les membres de la députation ne peuvent se rendre ni directement ni indirectement adjudicataires ou entrepreneurs dans aucun service, etc. » (Le reste comme dans l’article).

M. de Brouckere. - Si tous les membres l’étaient ?

M. Jullien. - Je présenterai un amendement puisque chacun présente le sien : je proposerai de dire : « Les membres de la députation ne peuvent prendre un intérêt direct ni indirect dans aucun service, etc. »

- L’amendement de M. Vilain XIIII est mis aux voix et n’est pas adopté.

L’amendement de la section centrale est adopté ainsi que l’ensemble de l’article.

Article 99 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 99 (de la section centrale). La députation peut charger un ou plusieurs de ses membres d’une mission, lorsque l’intérêt du service l’exige. »

- Adopté.

Article 113 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 113 (du projet du gouvernement). Si la députation, malgré deux avertissements consécutifs constatés par la correspondance, ne peut obtenir des autorités administratives subordonnées les renseignements ou observations qu’elle en réclame, ou si ces autorités négligent d’exécuter les mesures prescrites par le conseil ou la députation, le gouverneur nomme des commissaires qui se transportent sur les lieux, aux frais desdites autorités pour y recueillir ces renseignements ou observations, ou mettre ces mesures à exécution. »

La section centrale propose la rédaction suivante :

« La députation peut, après deux avertissements consécutifs constatés par la correspondance, charger un ou plusieurs commissaires de se transporter sur les lieux aux frais des autorités administratives subordonnées, en retard de satisfaire aux avertissement, à l’effet de recueillir les renseignements ou observations demandés, ou de mettre à exécution les mesures prescrites par le conseil ou par la députation. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’adhère à l’article de la section centrale en proposant de mettre au lieu « aux frais des autorités, » ces mots : « aux frais personnels des autorités. » (Appuyé.)

M. Dumortier. - Il est bien entendu que si le gouverneur peut nommer des commissaires, la députation a également le droit d’en envoyer de son côté. (Oui ! Oui !)

- L’article de la section centrale est adopté avec l’addition proposé par M. le ministre de l’intérieur.

Article 101 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art. 101 (du projet de la section centrale). - La députation désigne un de ses membres aussi souvent qu’elle le juge convenable, et au moins une fois par an, pour vérifier l’état des recettes et dépenses de la province. »

M. de Brouckere. - Je crois qu’il faudrait mettre un ou plusieurs de ses membres, car il peut se faire que dans certains cas la députation puisse avoir besoin de désigner 2 ou 3 de ses membres. (Appuyé !)

- L’article est adopté avec l’amendement de M. de Brouckere.

Article 115 (du projet du gouvernement)

« Art. 115 (du projet du gouvernement). Il ne peut être disposé des fonds de la province que sur les mandats délivres par la députation.

« Ces mandats seront signés par le président et le secrétaire.

« Aucun mandat ne peut être payé que dans les limites des crédits ouverts par le conseil sur les budgets de la province. »

La section centrale reproduit la même disposition.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’article a été rédigé dans cette supposition que le gouvernement arrêterait le budget de la province, directement et sans le concours du conseil. Je ne puis l’accepter tel qu’il est maintenant, et j’ai proposé un amendement.

M. le président. - M. le ministre de propose d’ajouter à la fin du premier paragraphe de l’article : « et revêtus du visa de la cour des comptes. »

M. de Theux, rapporteur. - Je ne parle en ce moment que du dernier paragraphe ; je crois que la rédaction en serait meilleure si elle était ainsi conçue : « Aucun mandat ne peut être payé que dans les limites des crédits ouverts aux budgets de la province. » (Appuyé.)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, l’amendement que j’ai l’honneur de vous présenter, ne fait qu’introduire dans la loi une garantie qui existe en fait, mais seulement en vertu d’un arrêté d’administration.

En vertu d’un règlement d’administration du 17 décembre 1819 et du rapport général du 24 octobre 1824, les mandats que délivre la députation sont envoyés à la cour des comptes.

Je demande que ce qui existe aujourd’hui, existe à l’avenir en vertu d’une loi.

M. de Theux, rapporteur. - L’amendement que propose M. le ministre de l’intérieur tend à maintenir le système compliqué qui existe dans l’administration, et que la commission qui a rédigé le projet de loi provinciale a eu principalement en vue de détruire.

Aujourd’hui les fonds provinciaux sont perçus par les agents du trésor public, et ces fonds sont confondus avec les deniers de l’Etat. Il en résulte que l’on ne peut disposer des fonds provinciaux que lorsque le ministère, de l’intérieur s’est adressé à la cour des comptes, et qu’on a obtenu une ordonnance de paiement du ministre des finances.

Il résulterait de l’amendement une complication dans la comptabilité, et du retard dans les paiements. D’autre part, sous le régime de l’arrêté de 1819, les comptes n’étaient pas arrêtés par l’assemblée des états, mais par la cour des comptes. Au contraire, d’après un article que nous avons voté, c’est le conseil provincial qui votera définitivement les comptes de la province ; ils ne seront plus soumis à l’approbation ultérieure du gouvernement.

Il est tenu maintenant au ministère de l’intérieur 27 registres courants pour la comptabilité des fonds provinciaux, c’est-à-dire, pour chaque province, 3 : ce qui est le nombre des exercices courants. C’est ce système que vous voulez renverser en laissant les conseils disposer des fonds. Puisque le conseil arrête définitivement les comptes, je ne vois pas pourquoi on lui imposerait une nouvelle autorisation pour disposer des fonds. Je crois donc l’amendement inutile.

M. Legrelle. - J’adhère à ce que vient de dire l’honorable préopinant. J’ajouterai même que je ne comprends pas comment M. le ministre de l’intérieur veut maintenir une formalité aussi inutile, aussi onéreuse pour la province et le trésor public.

Elle est inutile : en effet l’administrateur du trésor, ayant sous les yeux le budget provincial, ne peut sortir des limites qu’il a tracées. Elle est onéreuse ; car elle complique l’ouvrage de l’administration, donne du travail à un grand nombre d’employés, nécessite une bureaucratie sans fin. D’ailleurs, cela retarde les paiements et il en est par une province comme pour un ménage ; celui qui ne paie pas de suite paie toujours plus cher. (On rit.) Je considère comme inutile la filière par la cour des comptes : laissons-la pour l’Etat, puisqu’elle est indispensable ; mais je vous le prédis, si vous l’adoptez également pour les dépenses de la province, vous servirez très mal ses intérêts.

M. Fallon. - Il est deux considérations par lesquelles j’appuierai l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Depuis que vous avez réparti sur la province une partie des obligations pécuniaires qui incombaient à l’Etat, vous devez nécessairement considérer le budget de la province, au moins pour une partie, comme le budget même de l’Etat. Dès lors, vous devez soumettre cette partie du budget provincial aux mêmes règles de comptabilité que le budget de l’Etat. D’un autre côté, tant que la chambre n’a pas changé le système financier actuel, vous ne pouvez pas changer, pour une partie des dépenses, les formalités prescrites par la loi. Puisque les fonds provinciaux entrent dans le trésor public, ils ne peuvent pas sortir du trésor sans l’intermédiaire de la cour des comptes. Je crois ces considérations suffisantes pour déterminer l’adoption de l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.

(Moniteur belge n°138, du 18 mai 1834) M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je conçois qu’il soit plus simple de ne pas faire passer les mandats des dépenses provinciales par la filière de la cour des comptes. Mais j’objecterai que si cette formalité est inutile pour les dépenses provinciales, elle le serait aussi bien pour les dépenses de l’Etat.

On dit que le conseil provincial approuve les comptes, et que, dès lors le contrôle de la cour des comptes est inutile. Mais la chambre arrête les comptes de l’Etat, et cependant les demandes faites par les ministres relativement à ces dépenses doivent être soumises au visa préalable de la cour des comptes.

On s’est plaint du grand nombre de registres existant au ministère de l’intérieur pour la correspondance avec les provinces. L’administrateur du trésor, a-t-on dit, aura sous les yeux le budget de la province, il ne pourra donc pas en dépasser le chiffre. Mais pour les dépenses générales, l’administrateur du trésor peut également avoir sous les yeux le budget de l’Etat, et cependant vous exigez le visa de la cour des comptes.

On s’est plaint du grand nombre de registres existant au ministère de l’intérieur pour la correspondance avec les provinces. Rien n’est plus simple, si on le veut, que de supprimer ces registres. Le ministre ne les fait tenir que pour exercer sur les provinces un contrôle à part de celui de la cour des comptes. c’est un travail que le ministère fait assez gratuitement. On pourrait s’en dispenser, en autorisant la députation à transmettre directement les pièces à la cour des comptes. Mais je ne crois pas qu’on puisse soustraire l’administration provinciale à une obligation imposée à l’administration générale.

M. de Theux, rapporteur. - Il n’y a aucune comparaison à faire ici entre l’administration générale et celle de la province.

C’est la constitution qui a institué la cour des comptes ; elle l’a instituée pour le contrôle de l’administration générale. Rien de plus naturel pour l’administration qui n’a pas d’autre contrôle que celui-là. Mais, dans l’administration provinciale, il y a deux degrés de contrôles et de garanties : d’abord, l’agent comptable de la province rend un compte ; ensuite les comptes sont examinés annuellement par la députation et le conseil ; ils sont d’ailleurs livrés à la publicité. Tout autre contrôle est donc inutile.

On a dit qu’on pouvait simplifier la besogne du ministère de l’intérieur, en autorisant la députation à s’adresser directement à la cour des comptes. Mais cette correspondance avec la cour des comptes est inutile ; en outre, l’administration provinciale est obligée d’attendre l’ordonnancement par M. le ministre des finances. C’est une complication d’écritures pour la province et la cour des comptes.

Mais, dit-on, comment pouvez-vous autoriser la députation à disposer des fonds, lorsque les fonds de la province sont confondus avec les fonds de l’Etat ? Messieurs, cette confusion n’est que fictive ; car l’agent du trésor chargé de percevoir pour le compte d’une province doit tenir des comptes séparés pour les fonds de la province. Il n’existe qu’un cas où il y a une espèce de confusion, et encore n’est-elle qu’apparente : c’est pour les centimes additionnels perçus par les agents du trésor. Si l’agent du trésor perçoit 106,000 fr. de contributions directes, les centimes additionnels pour la province s’élèveront à 6,000 fr. Il sera donc facile aux agents du trésor de faire face aux demandes de dépenses sans encourir le risque de disposer des fonds de l’Etat.

On a dit encore que le budget de la province était une fraction du budget de l’Etat, et qui devait être par conséquent soumis aux mêmes règles de comptabilité. S’il en est ainsi, il faut dire aussi que l’administration de la province est une fraction de l’administration de l’Etat ; avec cet argument on en viendra à tout confondre dans la même centralisation, Cet argument n’est que nominal, et, dans mon opinion du moins, ne porte nullement sur le fond des choses.

Je crois que cette faculté est réclamée par l’intérêt de la province. Je crois que c’est une garantie que vous devez lui accorder ; que c’est une prérogative essentielle, à laquelle elle a droit, de disposer de ses fonds dans les limites tracées par son budget sans être entravée par d’inutiles formalités.

M. Fallon. - L’honorable rapporteur de la section centrale ne me paraît pas avoir renversé les considérations que j’ai présentées ; je ne reviendrai donc pas sur ce que j’ai dit d’abord. J’ajouterai seulement une troisième considération. Pour un grand nombre de projets que nous avons à examiner, pour des propositions que nous avons à faire, il nous faut connaître les comptes des provinces et leurs ressources. Si vous maintenez le contrôle de la cour des comptes, en un instant nous trouvons là tous les renseignements dont nous avons besoin. Sinon ces renseignements nous échappent, il nous est impossible de connaître l’état financier des provinces. Le contrôle de la cour des comptes est pour la chambre une source de renseignements précieux, et qu’elle a besoin de conserver.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne crois pas, messieurs, que les provinces doivent être plutôt soustraites au contrôle de la cour des comptes que le gouvernement lui-même. On veut les placer dans une situation plus indépendante que le gouvernement, on finira par les isoler entièrement du centre. Il ne s’agit pas de mettre ici l’administration provinciale sous la dépendance du ministère ; il s’agit de faire contrôler ses dépenses par un corps indépendant qui contrôle toutes les dépenses de l’Etat. L’on craint le retard ; mais j’ai déjà indiqué le moyen d’abréger la correspondance.

On a parlé de la nécessité de renvoyer les certificats à M. le ministre des finances ; l’honorable préopinant a donc perdu de vue que la députation ordonnance elle-même les dépenses provinciales, à la différence des dépenses générales qui, pour tous les ministères, sont ordonnancées par le ministre des finances.

L’amendement que je propose à la chambre n’est qu’une conséquence de l’article 79 qui porte : « Sont soumises à l’approbation du Roi, avant d’être mises à exécution, les délibérations du conseil sur les objets suivants ; 1° le budget des dépenses de la province et les moyens d’y faire face, etc. » Si vous laissez les finances de la province en dehors de tout contrôle, il est inutile d’en soumettre le règlement à l’approbation du Roi.

J’insiste sur l’amendement, parce que je le crois utile ; et je dois faire observer que si l’article ne prohibe pas formellement l’état de choses actuel, il serait possible qu’il fût conservé et que le gouvernement n’y changeât rien.

M. Pollénus. - Jusqu’à présent la chambre n’a pas définitivement statué sur la manière dont s’arrêtent les budgets provinciaux ; il y a un amendement proposé par le ministre de la justice, qui tend à autoriser le gouvernement à porter au budget des provinces les charges que les conseils ou les députations refuseraient d’y poster ; il me semble qu’il faudrait suspendre la délibération sur cet article, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’amendement du ministre de la justice, car si l’on a statué dans l’article que les mandats seraient délivrés par la députation, c’était, dans le système de la section centrale, que les budgets seraient dans tous les cas arrêtés par les conseils.

Si vous admettez plus tard que le gouvernement puisse porter aux budgets des provinces des sommes repoussées par les conseils, il me semble qu’on ne peut pas, quant à présent, décider que même dans ce cas les mandats ne pourront être délivres que par la députation ; car si dans cette hypothèse la députation refusait des mandats, l’intervention du gouvernement, que la chambre pourrait autoriser en suite de l’amendement du ministre, resterait sans résultat : vous sentez, messieurs, que cette observation ne se rapporte qu’à la première disposition de l’article en discussion.

M. de Theux, rapporteur. - Nous n’avons qu’un amendement à discuter ; l’observation de l’honorable préopinant est donc en dehors de la question.

M. le ministre de l’intérieur a dit que si la chambre adoptait l’article en discussion tel qu’il est rédigé au projet du gouvernement et de la section centrale, l’état de choses actuel continuerait de subsister. C’est là une grave erreur. Car la disposition est précise et le gouvernement ne peut pas prétendre à exercer sur l’administration de la province une autre option que celle qui lui est conférée par la loi d’organisation provinciale. Ainsi, si la chambre décide, en adoptant l’article, que la députation dispose des fonds provinciaux, elle ne pourra être à cet égard soumise à d’autres formalités.

M. le ministre de l’intérieur a dit que l’adoption de l’amendement dont nous nous occupons ne serait qu’une conséquence de l’article 87 (79 de la section centrale) qui soumet à l’approbation du Roi les budgets provinciaux. Evidemment cette conséquence ne peut être admise ; car l’article 87 se trouve dans le chapitre III intitulé : « De l’approbation et de l’intervention du Roi relativement aux actes du conseil. » Ce chapitre suit celui où sont déterminées les attributions du conseil. Or, tout acte qui n’est pas soumis à l’approbation du Roi par l’article 87 est évidemment exempte de cette approbation. Veuillez considérer aussi le principe que vous avez adopté dans l’article 63 (projet du gouvernement) ; il est ainsi conçu : « Chaque année le conseil arrête les comptes de recettes et dépenses de l’exercice précédent : il vote le budget des dépenses pour l’exercice suivant et les moyens d’y faire face, etc. » Ainsi les comptes ne sont soumis à aucune formalité ultérieure. En adoptant l’amendement, vous reviendriez donc sur votre propre décision.

J’ajouterai encore une observation. Le seul motif qu’on ait fait valoir pour justifier le contrôle de la cour des comptes sur les dépenses de la province, c’est qu’il est perçu à son profit 6 centimes additionnels aux contributions directes. Cet argument est insignifiant ; car ces fonds sont séparés de ceux de l’Etat : il y a pour cela deux comptes différents. J’ajouterai que si cet argument vous décide à mettre la province sous la tutelle de la cour des comptes, vous devez également soumettre à son contrôle l’administration communale ; car 5 centimes additionnels aux contributions sont perçus au profit de la commune : cependant ses comptes ne vont pas devant la cour des comptes.

J’ai dit que l’article 102 a été l’objet d’un examen approfondi de la part de la commission chargée de la rédaction du projet de loi en discussion. Elle a eu principalement en vue dans cet article de supprimer d’un trait de plume les longueurs, les entraves, les inutilités qui déparent le système actuel de la comptabilité des provinces. L’adoption de cet article sera, je crois, un des plus grands services que la chambre puisse rendre à l’administration provinciale.

M. Doignon. - La cour des comptes a été instituée par la constitution, c’est donc là que nous devons chercher où s’étend sa juridiction. L’article 116 porte : « Cette cour est chargée de l’examen et de la liquidation des comptes de l’administration générale et de tous les comptables envers le trésor public. Elle veille à ce qu’aucun article des dépenses du budget ne soit dépassé et qu’aucun transfert n’ait lieu. Elle arrête les comptes des différentes administrations de l’Etat et est chargée de recueillir à cet effet tout renseignement et toute pièce nécessaire. Le compte général de l’Etat est soumis aux chambres avec les observations de la cour des comptes. »

Vous voyez, messieurs, qu’il ne s’agit dans cet article que des dépenses de l’Etat. Ces dépenses sont les seules que la cour des comptes soit chargée de surveiller. Or, les dépenses de la province ne sont pas plus dépenses de l’Etat que celles de la commune, que celles des établissements de bienfaisance et des hospices. Voilà la simple observation que j’avais à soumettre à la chambre, pour combattre l’amendement de M. le ministre, dont je voterai le rejet.

M. Fallon. - L’article 116 de la constitution, dont on veut tirer argument contre l’amendement de M. le ministre de l’intérieur, me paraît plutôt propre à le soutenir. En effet, si le budget provincial ne comprenait que les dépenses de la province, je comprendrais l’argument qu’on vient de présenter ; mais il n’en est pas ainsi.

Nous avons chargé la province d’intérêts généraux. L’Etat aura intérêt à s’assurer que les provinces auront rempli leurs obligations, aussi longtemps que les budgets provinciaux seront une fraction du budget de l’Etat.

M. Coghen. - J’ai demandé la parole pour appuyer l’amendement présenté par M. le ministre de l’intérieur. C’est une question d’ordre que de laisser subsister le système actuellement en vigueur. Si l’on adoptait l’article de la section centrale, le ministre des finances se verrait dans la nécessité de laisser dans les caisses de ses agents les fonds dont les provinces peuvent aujourd’hui disposer, parce que, ignorant la quantité de mandats délivrés par la députation, il ne serait pas prévenu du mouvement des finances provinciales. Car il pourrait arriver que la valeur de ces mandats dépassât le montant des fonds disponibles. Le gouvernement doit être, dans le système actuel de comptabilité, informé des fluctuations des valeurs déposées dans les caisses de ses agents ; il faut qu’il puisse en régler le virement. Les observations présentées par l’honorable M. Fallon sont très justes. Il est de fait que les provinces sont une fraction de l’Etat. Il est juste que la cour des comptes exerce un contrôle égal sur la comptabilité et de l’Etat et de la province.

M. d’Huart. - L’honorable M. Doignon a tiré de la constitution un argument contre l’amendement de M. le ministre de l'intérieur. Il a dit que la cour des comptes avait été instituée par le congrès pour le contrôle des dépenses de l’Etat. De ce que la constitution a chargé spécialement la cour des comptes de surveiller la comptabilité générale, il ne s’ensuit pas que cette disposition soit prohibitive de toute attribution nouvelle que l’on voudrait conférer à ce collège. Il dépend de la législature d’en étendre le cercle toutes les fois qu’elle le jura utile.

M. Dumont. - Le principal argument que l’on ait employé en faveur de l’amendement ministériel, consiste à dire que le gouvernement étant lui-même dans le contrôle de la cour des comptes, il n’y a pas de raison pour ne pas y soumettre les provinces. On peut prendre des mesures préventives pour empêcher le gouvernement de dépasser le chiffre des crédits qui lui sont alloués. Elles peuvent être nécessaires pour le pouvoir exécutif, qui agit en dehors de toute action de surveillance, et être superflues pour la députation qui dépend entièrement des conseils provinciaux. On ne peut craindre que les députations dépassent les crédits portés aux budgets provinciaux ou en opèrent le transfert, tandis qu’un gouvernement, et cela n’est pas sans exemple, peut commettre ces abus. Notez bien que je ne fais aucune allusion. Je parle en thèse générale.

Au surplus, parmi les arguments que l’on a fait valoir en faveur de l’amendement, c’est sur la nécessité de connaître le mouvement des fonds provinciaux que l’on a insisté principalement ; mais remarquez bien que le ministre des finances n’interviendra pas dans le contrôle que l’on demande. La cour des comptes seul apposera son visa aux mandats qui lui seront imposés, et cette formalité remplie, ils seront payés sans que le ministre des finances en ait connaissance et puisse juger s’il y a des fonds disponibles. Si la cour des comptes examine toutes les dépenses faites par l’Etat, elle les régularise. La nécessité ne s’en fait pas sentir pour les provinces, dont tous les fonds seront régularisés par les conseils mêmes et qui n’auront pas besoin de visa préalable.

M. Coghen. - L’honorable M. Dumont dit que l’intervention du ministre des finances n’est pas nécessaire pour le paiement des mandats provinciaux, après qu’ils auront été visés par la cour des comptes. Il se trompe. Les administrateurs du trésor ne peuvent rien payer qu’ils n’en aient reçu l’ordre de l’administrateur-général.

M. Dumont. - Il y a ici une question qui tient au maniement des deniers publics. J’attendrai, pour me prononcer, que M. le ministre des finances veuille bien nous donner des renseignements sur cet objet.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’honorable M. Coghen a émis une opinion que je partage complètement. Je pense comme lui que, dans l’ordre actuel de comptabilité et l’obligation imposée aux administrateurs du pays de ne pas payer de mandats qui n’aient passé au contrôle de la cour des comptes, il faut que les dépenses arrêtées par les conseils provinciaux ne soient pas soustraites à l’action de la cour des comptes. Je suis persuadé que c’est un principe essentiel en bonne comptabilité que de semblables dépenses passent par la filière de ce collège.

M. de Theux, rapporteur. - Tout ce que j’ai compris dans les observations présentées par les orateurs qui repoussent le système de la section centrale, c’est qu’il serait utile de laisser subsister l’état de choses actuel pour que le gouvernement fût à même de disposer des fonds des provinces. Voilà où aboutissent véritablement tous les raisonnements employés par les honorables préopinants.

L’on s’est prévalu de l’existence de fonds provenant d’une source commune, et appartenant à la fois au gouvernement et à la province. Rien ne serait plus facile que d’établir des règles qui permissent aux provinces de disposer de leurs fonds particuliers sans passer par les mains du gouvernement.

Si les centimes additionnels sont un obstacle à l’affranchissement de la comptabilité des provinces, ne serait-il pas logique de faire passer également par la filière de la cour des comptes les dépenses communales qui perçoivent de leur côté 5 centimes additionnels ? Je sais que la confusion des fonds de l’Etat et des fonds provinciaux existe ; mais il dépend de l’administration supérieure de faire cesser cette confusion. Il s’agit de savoir si vous voulez autoriser le gouvernement à disposer des fonds provinciaux. Une autre question également importante est de savoir s’il n’est pas préférable d’éviter une complication nouvelle d’écritures, et de ne pas donner entrée dans l’administration à une multitude de commis que ces écritures nécessiteront.

M. Fallon. - Si l’amendement avait pour but de soumettre la comptabilité provinciale à la comptabilité centrale, je serais le premier à le repousser. Mais il se borne à faire passer la comptabilité provinciale par le contrôle de la cour des comptes, sans que le gouvernement soit appelé à faire en aucune manière sentir son action. Je reviens sur une considération que j’ai déjà présentée. Il est indispensable que les chambres connaissent la situation financière des provinces et puissent se procurer les documents qui la lui exposent. Si les mandats provinciaux ne passent pas par la cour des comptes, il n’y aura pas de dépôt central qui permette à la législature d’y puiser à tout instant les renseignements dont elle croira devoir s’éclairer.

M. Dumortier. - J’avoue qu’au premier abord j’étais assez disposé à admettre l’amendement de M. le ministre. Il me paraissait qu’il pouvait y avoir de l’avantage à ce que la cour des comptes intervînt dans les dépenses provinciales. Mais on a fait valoir dans le cours de la discussion des arguments tellement puissants, qu’il me semble qu’il y aurait plus d’inconvénient que d’avantage réel à admettre l’amendement. Il en est des communes comme des provinces. Si l’on admet le système du gouvernement, il faut que la cour des comptes ordonnance les dépenses communales ; car il y a telle commune dont le budget est plus important que plus d’un budget provincial. Mais en poussant le principe jusque dans ses dernières limites, vous en arriverez à soumettre également au visa de la cour des comptes les dépenses des hospices et des établissements de bienfaisance.

Mais comme la province est une division supérieure de l’Etat, il serait après tout peut-être naturel que l’on établît une exception à l’égard de sa comptabilité. S’il ne s’agissait que de l’intermédiaire de la cour des comptes dégagée de l’intervention du gouvernement, on concevrait qu’il pût en résulter des avantages réels. Mais il s’agit ici de faire transcrire le passage des mandats provinciaux sur les 27 registres du ministère de l’intérieur. Mais il s’agit d’établir une centralisation au profit du pouvoir. Ces motifs doivent suffire pour faire rejeter l’amendement.

Remarquez bien, messieurs, qu’en votant l’article de la section centrale, vous voterez l’article du projet du gouvernement. Le projet de loi qui vous est soumis a été représenté par l’auteur de l’amendement, le ministre actuel de l’intérieur. Je voudrais connaître les motifs qui l’ont fait revenir de sa première proposition. Je crois qu’ils viennent de la tendance de la bureaucratie à la centralisation.

Pour moi, qui ai repoussé de toutes mes forces cette centralisation absolue, je voterai en faveur de l’article de la section centrale, qui me paraît plus simple et plus sage que celui de M. le ministre.

Mon honorable collègue M. Fallon a fait valoir un argument qui pourrait exercer quelque influence sur l’assemblée, Il a dit qu’il était utile que la chambre fût au courant de la comptabilité provinciale. Si nous n’avions pas d’autres moyens de la connaître, je pense qu’il faudrait adopter le système du gouvernement. Mais je rappellerai à l’honorable préopinant que nous avons adopté un article dont la disposition offrira le même résultat. C’est de l’article 61 que je veux parler. Il ordonne le dépôt à la chambre des budgets provinciaux. Pourquoi suivrions-nous une marche plus longue lorsque nous avons sous la main des moyens aussi simples ?

M. d’Huart. - Je pense qu’il serait dangereux de rejeter immédiatement l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Nous ne sommes pas suffisamment instruits. Je voudrais que M. le ministre des finances examinât la question de savoir si l’ordre actuel suivi dans la comptabilité ne permet pas de soustraire les dépenses provinciales à l’action de la cour des comptes ; si les administrateurs du trésor peuvent délivrer des fonds aux députations, en supposant que leur comptabilité soit en dehors du département des finances. M. le ministre pourrait demain nous présenter ses vues sur cet objet, et si les inconvénients que l’on a signalés n’existaient pas, nous pourrions rejeter l’amendement qui nous est présenté.

M. Dumortier. - J’avais oublié de lever l’objection que l’on a tirée de la perturbation qu’apporterait dans le système financier la proposition de la section centrale. Certes, ce serait un grand malheur ; mais il est plus apparent que ceci. S’il est vrai que les provinces perçoivent des centimes additionnels sur le produit des contributions, les communes le font aussi. Adoptez pour les provinces le système que vous suivez pour les communes, et la difficulté se trouvera tranchée.

M. Fallon. - J’appuierai l’ajournement proposé par M. le ministre des finances, parce qu’il est encore nécessaire d’examiner la loi de 1807 sur les privilèges que l’on peut exercer sur les biens des comptables. Si vous détachez la comptabilité provinciale de la comptabilité du trésor de l’Etat, vous allez probablement faire perdre aux provinces le bénéfice de cette loi qu’il importe de consulter avant de statuer sur l’amendement.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Il serait prudent d’accueillir la motion de M. d’Huart. Je donnerai demain les renseignements sur l’important objet qui nous occupe. L’honorable rapporteur de la section centrale pourra s’aboucher avec l’administrateur de la trésorerie générale que cette partie de la comptabilité concerne plus spécialement.

Il serait dangereux de déranger le système de comptabilité actuel. Un honorable membre l’a très bien fait observer. Vous touchez à tout le système de comptabilité à propos d’une exception. Une modification aussi grave que celle que l’on propose ne devrait trouver place que dans une loi générale sur la matière. Il y aurait donc du danger à ce que la chambre se prononçât immédiatement. Mais je le répète, les administrateurs du trésor sont actuellement en dehors de toute action provinciale, et ils ne pourraient sous leur responsabilité personnelle délivrer de fonds sur la présentation d’un mandat revêtu d’un visa autre que celui de la cour des comptes.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je ferai observer que cette proposition n’a pour but que de décider une partie de la question. Nous demandons, nous, que les dépenses provinciales soient, comme les dépenses de l’Etat, soumises au contrôle de la cour des comptes. Ceci est une question de fait qui peut motiver le renvoi de la délibération à un autre jour.

J’ai dit qu’on pouvait diminuer les écritures en autorisant la députation à correspondre directement avec la cour des comptes. Les habitants des provinces sont intéressés à ce qu’il y ait bonne gestion des fonds provenant des contributions qu’ils sont obligés de payer.

M. Dumortier. - Ils ont leurs conseils provinciaux qui veillent à l’emploi de ces fonds.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Mais s’ils attaquent leurs conseils, quel sera le juge ?

M. Dumortier. - Les chambres.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il ne faut pas faire intervenir les chambres dans l’administration, pas plus qu’il ne faut faire intervenir l’administration dans les chambres.

Je ne comprends pas le système de nos honorables adversaires. M. Dumortier plaide ici sans cesse pour que nous déchargions le budget de l’Etat ; il veut que les budgets des provinces contiennent un grand nombre de dépenses, mais en même temps qu’il a cru augmenter les budgets des provinces, il plaide pour les soustraire au contrôle de la cour des comptes ; je ne comprends pas cette manière de procéder.

On a demandé pourquoi nous ne soumettrions pas aussi les budgets des communes au contrôle de la cour des comptes ; mais ici la complication est telle qu’on est dans la nécessité d’abandonner ce contrôle.

D’ailleurs la commune est un être réel, est un être naturel, en quelque sorte une personne, tandis que la province est un être factice ; elle n’existe qu’en vertu de la loi ; elle n’a pas comme la commune, ses revenus particuliers, ses monuments historiques ; la province n’a pas, comme la commune, de droits à l’entrée, à la sortie ; vous admettez de semblables droits pour la commune et point pour la province ; la députation est une situation toute légale ; elle ne peut pas aspirer, ainsi que la commune, à la même indépendance dans l’Etat.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - La commune a des comptables particuliers ; la province n’en a pas.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les dépenses faites par la députation du conseil seront-elles soumises au contrôle de la cour des comptes ? ou bien les demandes de paiement de la députation seront-elles soumises à la cour des comptes ? La députation fait la demande de paiement ; la cour des comptes les vise et l’envoie à la députation, et la députation ordonne le paiement. Voilà comment les choses se passent. Il n’en est pas de même pour les paiements demandés par l’Etat.

On est venu faire un singulier argument contre l’amendement ; on prétend qu’il est le résultat d’une insinuation d’employés, qui craignent de voir leur besogne diminuer si le visa de la cour des comptes n’est pas exigé : ah ! messieurs, ce seraient des employés d’une espèce assez rare que ceux qui craindraient qu’on les allégeât de leur besogne ! (On rit.)

M. Dumortier. - M. le ministre de l'intérieur a cru me trouver en contradiction avec moi-même ; il a trouvé étrange que j’appuyasse l’amendement ; si je l’appuie, c’est au contraire pour être conséquent avec moi-même. Je veux de la simplification dans l’administration ; je veux décharger le budget de l’Etat de dépenses inutiles. Les écritures dont il s’agit exigent une foule d’employés ; il faudrait pouvoir en diminuer le nombre : il y en a par centaines à la trésorerie ; on pourrait soulager le budget de l’Etat de frais d’écriture. On peut, sans nuire à l’administration, en simplifier les rouages.

La proposition du ministre de l’intérieur tend à compliquer les rouages ; la proposition de M. de Theux tend au contraire a élaguer des branches parasites. Ce n’est pas par amitié pour la cour des comptes qu’on repousse l’amendement de cet honorable membre. Si l’on tient tant au visa de cette cour, exigez simplement que l’administration provinciale corresponde directement avec la cour des comptes ; mais on a d’autres vues ; on veut conserver des bureaux trop nombreux, et une administration tracassière. L’amendement ministériel est un moyen d’arriver à ce résultat.

M. Donny. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Messieurs, on s’écarte de plus en plus de la motion d’ordre faite par l’honorable M. d’Huart.

M. Dumortier. - On n’ôte pas la parole à un député qui parle.

M. Nothomb. (à M. Donny). - Appelez-en à la justice du président.

M. Dumortier. - Remarquez ce qu’a dit le ministre sur la province et sur la commune. La province et la commune sont dans la même situation financière envers l’Etat ; l’une et l’autre perçoivent des centimes additionnels, ont leurs contributions spéciales ; pourquoi le ministère n’étend-il pas à la commune les mesures qu’il applique à la province ? Le ministre de l’intérieur répond : C’est parce que le contrôle serait trop compliqué que nous ne l’employons pas. En effet, il y a en Belgique 2,500 communes, et il faudrait plus de 27 registres courants pour le travail qu’elles exigeraient. Ce qui rebute l’honorable M. Rogier, c’est l’immensité de la complication ; mais peut-être viendra-t-il, dans quelque temps, demander le contrôle pour les dépenses communales des grandes villes....

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Ce ne serait pas si mauvais !

M. Dumortier. - Vous l’entendez : cela ne serait pas si mauvais. C’est jouer cartes sur table. Moi, je le trouverais très mauvais. Le ministre veut le contrôle absolu sur tout ce qui se fait dans le pays ; il veut centraliser et encore centraliser. Il ne lui suffit pas, pour les conseils provinciaux et les députations des conseils, qu’il ait un gouverneur contrôlant tout ce que fait le conseil et son émanation ; il ne lui suffit pas du pouvoir d’annuler tous les actes des conseils, et les mandats de paiement, par conséquent ; il lui faut encore un autre contrôle et des écritures.

M. Fallon. - Je demande la parole sur la motion d’ordre, mais, à l’exemple de mon honorable collègue M. Dumortier, je voudrais que la chambre me permît de jouir du même privilège que lui et parler sur l’amendement.

M. le président. - Je n’accorde de privilège à personne. Le ministre de l’intérieur a réclamé la parole sur la motion, : il l’a combattue ; il a cru devoir l’attaquer en exprimant les principes de l’amendement. M. Dumortier a pris la parole également sur la motion ; il a entrepris de réfuter le discours du ministre et l’a suivi dans les différentes parties du discours que ce ministre a prononcé ; je n’ai pas pu empêcher l’orateur de suivre son adversaire sur ce terrain. Ce n’est pas là accorder un privilège.

M. Fallon. - C’st la même chose que je demande… Mon opinion est que dans le sens de l’amendement, la correspondance sera directe entre la députation et la cour des comptes. L’exemple tiré des communes n’est pas concluant contre les comptes des provinces. Je rappellerai à M. Dumortier que sous le régime français les comptes des grandes villes étaient soumis à la cour des comptes. Cette cour est instituée pour assurer au pays que les fonds provenant des contributions ont été convenablement employés. Il n’y a pas similitude entre les provinces et les communes ; on peut soumettre les uns au contrôle, quoique les autres n’y soient pas assujetties ; et du reste la recette des communes est confiée à un receveur communal, celle des provinces se fait par les comptables du trésor.

- La motion est mise aux voix est adoptée ; en conséquence la discussion sur l’article 115 du projet du gouvernement est ajournée.

M. le président. - M. Doignon a la parole pour une motion d’ordre.

M. Doignon. - Je demande le renvoi de l’amendement à la section centrale. La question est assez importante pour donner lieu à un examen approfondi. C’est une question de centralisation en matière de finances ; nous devons nous entourer de toutes les lumières et notamment de celles de la section centrale. (Appuyé ! appuyé !)

- La motion d’ordre est adoptée.

L’amendement de M. de Theux sur le dernier paragraphe est adopté.

Articles 103 à 106 (du projet de la section centrale)

- Les six articles suivants de la section centrale sont adoptés sans discussion :

« Art. 103. Chaque année, à l’ouverture de la session ordinaire du conseil, la députation lui fait un exposé de la situation de la province sous le rapport de son administration ; cet exposé est inséré au Mémorial administratif.

« Elle lui soumet les comptes des recettes et dépenses de l’exercice précédent, avec le projet de budget des dépenses et des voies et moyens pour l’exercice suivant.

« Elle lui soumet toutes les autres propositions qu’elle croit utiles. »


« Art. 104. Sont applicables à la députation l’article 56, le n°2 de l’article 75, l’article 79 dans les cas prévus par l’article 97, et les articles 80 et 81 de la présente loi. »


« Art. 105. Les règlements et les ordonnances du conseil ou de la députation sont publiés en leur nom, signés par leur président respectif et contresignés par le greffier provincial.

« Les règlements ou ordonnances d’administration provinciales sont publiés par la voie du Mémorial administratif de la province dans la forme suivante :

« Le conseil provincial (ou la députation du conseil provincial) de la province de … (arrête ou ordonne).

(Suivent les règlements ou ordonnances.)


« Art 106. Les règlements ou ordonnances signés par le président et contresignés par le greffier provincial, munis de l’approbation du Roi, quand il y a lieu, seront transmis aux autorités que la chose concerne.

« Ils deviennent obligatoires le huitième jour après celui de l’insertion dans le Mémorial administratif, sauf le cas où ce délai aurait été abrégé par le règlement ou l’ordonnance.

« Le conseil ou la députation pourra, outre l’insertion dans le Mémorial administratif prescrire un mode particulier de publication. »

Titre VIII. Du greffier provincial

Articles 107 et 108 (du projet de la section centrale)

« Art. 107. Le greffier provincial assiste aux séances du conseil ou de la députation ; il est spécialement chargé de la rédaction des procès-verbaux et de la transcription de toutes les délibérations ; il tient à cet effet des registres distincts pour le conseil et la députation, sans blanc ni interligne ; ces registres sont votés et paraphés par le président du conseil.

« Les actes ainsi transcrits, de même que les minutes de toutes les délibérations, sont signés par le greffier, soit avec le président du conseil ou de la députation, soit avec tous les membres de la députation qui ont assisté, conformément à ce qui est statué par le règlement.

« En cas d’empêchement du greffier, la députation désignera un de ses membres pour le remplacer. »


« Art. 108. Les expéditions sont délivrées sous la signature du greffier et le sceau de la province dont il est le dépositaire. »

Article 109 (du projet de la section centrale)

M. le président. - « Art.109. Le greffier a la garde des archives ; il est tenu de communiquer, sans déplacement aux membres du conseil et de la députation, toutes les pièces qui lui sont demandées, et d’en délivrer, au besoin, des copies.

« Il transmet à chaque conseiller provincial un exemplaire de tout ce qui est imprimé au nom du conseil et de la députation.

« Il est tenu de donner communication, sans déplacement, à toute personne intéressée, des actes du conseil ou de la députation et des pièces déposées aux archives.

« Il surveille les bureaux sous la direction du gouverneur et conformément à ses ordres.

« Il jouit d’un traitement annuel de 5,000 fr. Il est tenu de résider au chef-lieu de la province. »

M. Fallon. - Je demanderai à l’honorable rapporteur ce que la section centrale entend par ces expressions : à toute personne intéressée.

Si le greffier reste seul appréciateur de l’intérêt qu’il peut y avoir à communiquer les actes du conseil ou de la députation, il en résultera un grand inconvénient.

M. de Theux, rapporteur. - Je ne disconviens pas que la demande de communication de pièces ne puisse donner lieu à des difficultés. Il a paru cependant à la section centrale que la proposition faite par le gouvernement devait être conservée : si le greffier faisait difficulté de communiquer les pièces, on s’adresserait à la députation qui déciderait, s’il y a lieu, à faire où à ne pas faire cette communication.

On aurait désiré une communication plus large ; mais on a senti qu’elle donnerait lieu à des inconvénients, en ce sens que tout le monde pourrait demander communication des actes du conseil et de la députation.

- L’article est mis aux voix et adopté.

Titre IX. Du gouverneur

Chapitre premier. Du gouverneur dans ses rapports avec le conseil ou la députation
Article 124 (projet du gouvernement)

M. le président - « Art. 124 (du projet du gouvernement). Le gouverneur veille à l’instruction préalable des affaires qui sont soumises au conseil ou à la députation. »

La section centrale propose la suppression de cet article.

Le ministre adhère-t-il à la suppression ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je n’y vois pas de grands inconvénients… L’article est un règlement supplémentaire.

M. le président, donne lecture de l’article 125.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’article 124 n’a pas été mis aux voix.

M. le président. - J’ai cru que vous aviez adhéré à la suppression proposée par la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’ai dit que je n’y voyais pas de grands inconvénients ; cependant si l’article n’existait pas, le gouverneur, en cas de désaccord avec la députation, pourrait se soustraire a l’obligation de préparer les affaires, et placer ainsi la députation dans un grand embarras, puisqu’il faut qu’une foule d’affaires lui arrivent toutes faites.

M. Dumortier. - Messieurs, l’article peut s’entendre de deux manières : ou il impose au gouverneur le devoir de veiller à l’instruction des affaires soumises au conseil ou à la députation, et alors l’article est inutile, puisque le gouvernement peut imposer à cet égard telles obligations qu’il veut au gouverneur ; ou l’article empêche que la députation ou le conseil ne puissent s’occuper d’affaires dont l’instruction n’ait été dirigée, qui n’aient été en quelque sorte pétries par le gouverneur, et alors il est dangereux : dans l’un et l’autre cas l’article est inutile.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je remercie l’honorable préopinant des intentions qu’il nous suppose ; il est toujours tellement poursuivi par la crainte du pouvoir central qu’il le repousse alors même que celui-ci stipule contre lui ; or, il est évident que ce n’est pas dans l’intérêt du gouverneur, mais dans l’intérêt de la députation qu’est rédigé l’article dont nous nous occupons : mais je saurai au besoin défendre la députation comme je défendrais le pouvoir central. Je ne me laisse aller à aucune considération étroite, à aucune prévention contre aucun pouvoir. Je demande le maintien de l’article dans l’intérêt de la députation.

M. de Theux, rapporteur. - L’article me semble inutile ; il fait double emploi avec l’article 128, qui porte que le gouverneur est chargé de faire exécuter les lois, les arrêtés et les règlements de l’administration générale, de veiller aux intérêts du royaume, de la province et des communes. Il est évident que cet article comprend la surveillance de l’instruction des affaires soumises au conseil et à la députation.

Je ne vois donc aucun inconvénient à supprimer l’article 124 ; j’appuie la proposition qu’en a faite la section centrale.

M. d’Hoffschmidt. - Je ne vois aucun danger dans l’article en discussion ; je ne le crois pas non plus inutile ; je pense, au contraire, qu’il est très bon de le maintenir. En effet, messieurs, si cet article n’existait pas dans le cas, par exemple, où une scission existerait entre la députation et le gouverneur, celui-ci remettrait les affaires au conseil ou à la députation, sans les avoir fait instruire, en disant : « Messieurs, vous êtes appelés à régler les intérêts de la province ; ceci est de votre ressort. » Et il leur remettrait les dossiers tels qu’il les aurait reçus, sans que ce corps eût à s’en plaindre. Ceci apporterait un grand retard dans l’expédition des affaires, et porterait un préjudice évident à la province.

Je crois donc qu’il est utile que le gouverneur soit obligé de soumettre à la députation des affaires tout instruites, afin qu’elle n’ait qu’à délibérer. Je voterai pour l’article.

- L’article 124 est mis aux voix et adopté.

Article 125 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 125 du gouvernement (110 de la section centrale).

Voici le texte du projet du gouvernement :

« Art. 125. Il assiste à toutes les délibérations du conseil ; il est entendu quand il le demande ; il n’y a pas voix délibérative.

« Il peut adresser au conseil, qui est tenu d’en délibérer, tel réquisitoire qu’il trouve convenable.

« Il peut, en cas d’empêchement, déléguer une autre personne pour assister aux délibérations du conseil. »

L’article du projet de la section centrale est ainsi conçu :

« Art. 110. Le gouverneur ou celui qui le remplace dans ses fonctions a le droit d’assister aux délibérations du conseil ; il peut se faire assister de commissaires ; il est entendu quand il le demande ; il peut adresser au conseil, qui est tenu d’en délibérer, tel réquisitoire qu’il trouve convenable.

« Le conseil peut requérir sa présence.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je voudrais savoir si c’est à dessein que la section centrale n’a pas reproduit cette prohibition qui se trouve à la fin du premier paragraphe du projet du gouvernement : « Il n’a pas voix délibérative dans le conseil. » Il y a eu sous l’ancien gouvernement des discussions relativement à cette faculté attribuée au gouverneur ; je crois sous ce rapport qu’il pourrait être utile de maintenir la disposition.

M. de Theux, rapporteur. - Je crois que l’article est inutile ; maintenant que le gouverneur ne préside plus le conseil, comme il le faisait en vertu de l’ancienne loi fondamentale, il ne peut plus élever la prétention d’y avoir voix délibérative.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’article du projet du gouvernement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie au projet de la section centrale, sauf l’observation que j’ai faite, et qui sans doute n’a pas en vue l’intérêt du pouvoir.

- L’article 110 du projet de la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article 126 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article suivant.

M. d’Hoffschmidt. - Cet article est très important ; on ne peut pas en entamer la discussion à la fin d’une séance. (Appuyé !)

- Un grand nombre de membres. - A jeudi !

Projet de loi visant à interdire les démonstrations publiques en faveur de la famille d'Orange-Nassau

Mise à l'ordre du jour

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je prierai la chambre de vouloir bien mettre à l’ordre du jour des sections les deux projets de loi que j’ai présentés dans la séance d’hier. Ce sont des lois d’ordre public, et sans qu’elles soient d’une excessive urgence, il serait à désirer qu’elles fussent votées dans cette session. Je demande que la chambre veuille bien s’en occuper en sections, dès que les projets de loi auront été imprimés et distribués.

- La proposition de M. le ministre de la justice est accueillie.

La séance est levée à 4 1/2 heures.