Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 26 mai 1834

(Moniteur belge n°147, du 27 mai 1834)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à midi trois quarts.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; il est adopté sans réclamation.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pétitions suivantes adressées à la chambre.

« Les bourgmestres et assesseurs de la commune de Gavres adhèrent au projet de circonscription de la Flandre orientale, contenu dans la proposition de M. E. Desmet. »

- Cette pétition est renvoyée à la commission chargée de l’examen du projet de loi présenté par MM. Dewitte et Desmet.


« Le sieur Lebrun, juge de paix d’Ellezelles, demande que la commune de Flobecq soit érigée en chef-lieu du canton actuel d’Ellezelles. »

« La régence de Maldeghem demande que cette commune soit érigée en chef-lieu d’un nouveau canton judiciaire qui se composerait des communes d’Adegem, Maldeghem, Meddelbourg et St-Laurent. »

« Les bourgmestres des communes composant le canton du Limbourg s’élèvent contre le projet de suppression de ce canton. »

« La régence et habitants notables de Perwez réclament pour cette commune le maintien du chef-lieu de canton judiciaire. »

« Les administrations communales de Daven, Oleppe, Ciplet, Vissoul, Ville-en-Hesbay, etc., et autres communes devant appartenir au nouveau canton de Héron, réclament contre le projet. »

- Ces 5 pétitions sont renvoyées à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des justices de paix.


« Le sieur Faige dénonce un prétendu abus commis par l’administration des postes, abus qui résulterait de ce qu’elle perçoit les ports de lettres en francs. »

« Le sieur, P.-C. Zoude, jurisconsulte, demande qu’il soit nommé une commission qui serait chargée de la liquidation des sommes avancées à titre de prêt au gouvernement autrichien. »

« Les membres d’un comité représentant 60 sociétés houillères du bassin de Charleroy, signalent les dommages qu’apporterait à l’industrie et au trésor l’approbation royale à l’adjudication des embranchements du canal de Charleroy. »

« Le sieur Deckers, candidat au notariat, né dans le Brabant septentrional, demeurant à Anvers, demande la naturalisation. »

- Ces quatre pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Verdussen fait connaître à la chambre les motifs qui l’empêchent de prendre part à ses travaux.


M. de Brouckere adresse à la chambre la lettre suivante :

« M. le président,

« L’indisposition dont je souffre depuis quelque temps s’étant beaucoup empirée, les médecins m’ont ordonné une retraite absolue. J’ai donc l’honneur de vous informer, en vous priant d’en donner avis à la chambre, qu’il me sera impossible d’assister à ses séances avant huit ou dix jours.

« Je profite de cette occasion pour exprimer publiquement le regret que j’ai éprouvé de ne pouvoir me rendre hier chez le Roi, avec mes collègues de la députation. Je ne prévoyais pas, quand le sort m’a désigné, que l’ophtalmie dont je souffre eût fait de si grands progrès en deux jours.

« Agréez, monsieur le président, les assurances de ma haute considération.

« Bruxelles, le 26 mai 1834.

« H. de Brouckere. »


M. Valerius fait hommage à la chambre d’un « tableau de nomenclature chimique. »

- Dépôt à la bibliothèque et mention au procès-verbal.

Décès du prince royal

Réponse du roi

M. le président. - La grande députation de la chambre a eu l’honneur d’être reçue par le Roi hier à une heure et demie. L’adresse que vous avez votée a été lue par votre président à S. M., qui y a fait la réponse suivante :

« Messieurs,

« Je suis vivement touché des sentiments que la chambre des représentants m’exprime dans cette douloureuse circonstance. Ces sentiments sont ceux que je retrouve toujours en elle. La sympathie qu’elle éprouve pour nos peines est une consolation dont je la remercie au nom de la Reine et du mien. Nous perdons un enfant qui était pour la patrie un gage d’avenir et qui me donnait les plus chères espérances. Soyons résigné aux volontés de Dieu. Il a veillé jusqu’ici sur les destinées de la Belgique ; il ne lui retirera point sa main toute puissante. »

Projet de loi provinciale

Rapport de la section centrale

M. de Theux, rapporteur. - (Nous donnerons ce rapport).

- La chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport.

Discussion des articles

Titre X. Des commissaires d’arrondissement

Article 119 (du projet de la section centrale) et article 136 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La chambre en est restée à l’article 136 du projet du gouvernement (119 du projet de la section centrale). Le gouvernement s’est rallié à l’article de la section centrale, qui est ainsi conçu :

« Art. 119. Il y a pour chaque arrondissement administratif un commissaire du gouvernement, portant le titre de commissaire d’arrondissement.

« Ses attributions s’étendent sur les communes rurales et sur les villes dont la population est inférieure à 5,000 âmes, pour autant que ces villes ne soient pas chefs-lieux d’arrondissement. »

M. Pollénus. - Messieurs, le rapport vous a déjà fait connaître que l’institution des commissaires de district a été l’objet d’un examen tout particulier de la part des membres de votre section centrale ; la question de compatibilité de cette institution avec notre organisation administrative nouvelle n’a été résolue affirmativement qu’à la simple majorité de 4 voix contre 3.

Indépendamment des difficultés inhérentes à toute question qui se rattache à la hiérarchie des pouvoirs, l’on avait encore à combattre des sentiments d’affection qu’inspirent les personnes pour ne s’occuper de cette difficulté que comme d’une question de théorie.

J’ai pensé qu’il pourrait ne pas être sans utilité de vous soumettre quelques considérations qui ont guidé dans cette délibération la minorité de la section centrale dont j’ai partagé l’avis ; car, lors même que la chambre sanctionnerait le maintien des commissaires de district, ces réflexions n’en recevraient pas moins leur application aux attributions que, dans cette hypothèse, il conviendra de leur déférer.

L’examen de cette question doit paraître d’autant plus opportun qu’à la séance du 12 février dernier, à l’occasion du budget de l’intérieur, un honorable collègue nous a annoncé que lorsqu’il s’agirait de la loi provinciale, il chercherait « à relever et à anoblir des fonctions aussi éminemment utiles. » J’ai compris que ce ne pouvait être qu’une extension d’attributions et de pouvoir que l’on avait en vue, car il m’a paru qu’une autorité qui, d’après son institution actuelle, s’étend à tout un arrondissement, les villes seules exceptées, qui embrasse tout ce qui est du ressort de l’administration, est déjà bien élevée et bien anoblie lorsque, comme on le dit, elle rend des services si incontestables au pays.

L’autorité des commissaires de district, telle qu’elle existe encore en ce moment, est définie dans le chapitre XI du règlement du plat pays, et l’article 118, porte en toutes lettres que ces fonctionnaires sont chargés de l’administration des communes en général.

L’impression produite par des discussions réitérées au sein des états-généraux était trop récente encore pour ne pas attirer l’attention de la section centrale sur une institution qui fut repoussée par plusieurs députés libéraux, et que les désirs secrets du pouvoir n’avaient pu réussir à implanter dans les provinces septentrionales, qui ne cessèrent de protester de leur attachement à leurs anciennes franchises municipales.

Les dispositions peu favorables que manifestèrent les états-généraux s’expliquent assez naturellement : tout en soutenant que les commissaires de district étaient un rouage dispendieux et inutile, les députés opposants d’alors laissaient cependant apercevoir que leur opinion se fondait encore sur des considérations puisées dans des faits qui semblaient dénoter que, dans la pensée du pouvoir à l’égard de cette institution, le fonctionnaire administratif s’effaçait devant l’homme politique, et l’on parut surtout redouter un système de concentration dont l’influence s’augmentait par une qualification administrative qui devait offrir tant de moyens d’action. En portant ses regards sur quelques choix de l’époque, mais plus encore sur certaines destitutions, on parut ne plus avoir de doute que le gouvernement d’alors ne vît dans les commissaires de district que des hommes purement politiques.

Dans ces temps-là, vous le savez, messieurs, un vaste système d’intrigues et de corruption fut organisé ; un pouvoir occulte livra une guerre à mort à tous les hommes indépendants, amis de leur pays, les places et les faveurs étaient pour ceux qui s’étaient montrés les agents passifs de la volonté du maître, la probité et la capacité devinrent des titres de proscription. Le pouvoir s’épuisa bientôt, par les excès de forces trop concentrées, la prophétie des Flandres : Le pouvoir les proscrit, le peuple les rappelle, ne tarda pas à s’accomplir… Le bronze a conservé le souvenir d’honorables disgrâces comme une grande leçon donnée aux gouvernants qui cherchent tant à étendre le pouvoir et songent si peu à le protéger contre les périls des abus.

Il est d’ailleurs une autre considération qui ne pouvait échapper à la section centrale, c’est que bientôt l’action gouvernementale va se trouver considérablement renforcée par le droit de nommer aux places de bourgmestre tel qu’il sera établi par la loi communale ; en laissant au gouvernement la nomination du chef de la municipalité, on lui donne un moyen d’action que lui refusent nos institutions actuelles.

C’est en présence des souvenirs et des considérations que je viens de rappeler que la minorité de votre section centrale a répondu à la question : si une autorité administrative d’arrondissement est compatible avec les institutions provinciales et communales, telles qu’elles sont définies par l’article 108 de la constitution ?

Cet article porte : « Les institutions provinciales et communales sont réglées par des lois. Ces lois consacrent l’application des principes suivants : 1°, 2° L’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sans préjudice de l’approbation de leurs actes dans les cas et suivant le mode que la loi détermine. »

La constitution ne reconnaît donc dans l’ordre administratif que la province et la commune : créer une autorité d’arrondissement, ce serait introduire un pouvoir que la constitution ne reconnaît pas.

Mais, dira-t-on, la constitution n’exclut pas l’autorité d’arrondissement par cela seul qu’elle ne l’établit point.

Quand même ceci serait vrai, il resterait toujours à examiner si cette autorité intermédiaire que l’on voudrait introduire est compatible avec les attributions provinciales et communales, telles qu’elles sont définies par la loi de l’Etat.

Tout ce qui est d’intérêt communal entre dans les attributions du conseil communal ; tout ce qui est d’intérêt provincial tombe dans les attributions des conseils provinciaux ; ceci est incontestable, la constitution le veut ; à cette règle il n’y a d’autre exception possible que celle indiquée dans la constitution même, relativement à l’approbation de leurs actes dans l’ordre hiérarchique établi par la constitution qui ne reconnaît, ainsi que je l’ai déjà dit, que la province et la commune.

Les attributions des municipalités et des conseils provinciaux embrassent dans l’ordre administratif tout ce qui présente un intérêt communal ou provincial.

Je ne conçois pas l’autorité d’arrondissement dont il s’agit ici, qui puisse avoir les attributions nécessaires pour offrir tous les bons résultats qu’on en attend, sans déranger l’ordre hiérarchique établi par la constitution, et sans empiéter sur les franchises communales placées sous la garantie immédiate des corps provinciaux ; en effet, ce pouvoir intermédiaire ne peut puiser ses attributions que dans les institutions, soit provinciales, soit communales ; et celles-ci repoussent toute intervention, toute suprématie autres que celles qui sont reconnues par la loi de l’Etat.

Les auteurs de la constitution ont, certes, eu des motifs en établissant des rapports immédiats entre les autorités de la commune et de la province ; et il a pu paraître convenable de ne pas maintenir un ordre de choses d’après lequel des corps électifs se trouveraient placés sous une juridiction qui ne tenait pas ses pouvoirs de la même source ; si je saisis mal les intentions du congrès, je désire que nos collègues qui ont pris part à ses travaux, veuillent bien nous faire connaître les motifs qui ont dicté les dispositions de l’article 108.

J’ajouterai encore que l’article 31 de la constitution place également les intérêts des communes et des provinces sous l’autorité exclusive des conseils communaux et provinciaux.

Les commissaires d’arrondissement sont d’ailleurs de véritables commissaires du gouvernement, et l’article 108 n°1 ne permet d’en établir dans l’ordre administratif que près des conseils provinciaux et nullement dans les arrondissements.

La majorité de la section centrale ne partagea point cette opinion, cependant elle ne put méconnaître la difficulté que présentaient les termes de la constitution et qui se montra dans toute sa force lorsqu’il fut question de préciser les attributions des commissaires de district.

L’on était forcé de soutenir que, pour conserver intacts aux conseils provinciaux et communaux les pouvoirs qui leur étaient respectivement garantis par les articles 31 et 108 de la constitution, la législature ne pouvait investir les commissaires de district que d’une autorité de simple surveillance ; c’était là reculer là difficulté plutôt que de la résoudre ; car toute la difficulté consiste à prouver la nécessité de cette autorité de pure surveillance et à bien préciser les attributions de cette autorité sans compromettre ni attérir les franchises des communes ou des provinces. La question d’attributions doit ainsi décider celle d’utilité.

Si la chambre considère l’autorité des commissaires de district comme étant de simple surveillance sans pouvoir direct aucun sur les conseils communaux, il resterait à examiner si cette surveillance ne pourrait être exercée par quelque autre autorité qui existe déjà ou que le gouvernement se propose d’établir ; par exemple, les travaux publics et la voirie ne pourraient-ils pas être convenablement placés sous la surveillance des ponts et chaussées dont les agents seraient sous la direction des autorités provinciales ?

Le projet de loi du gouvernement du 22 février 1834, sur les circonscriptions cantonales, propose de créer des commissaires dans tous les cantons. Ces fonctionnaires ne pourraient-ils pas exercer la surveillance que l’on se propose d’attribuer aux commissaires de district, considérés comme fonctionnaires administratifs ?

Et l’introduction des postes rurales fournira encore un nouveau moyen de diminuer les attributions des commissariats de district qui, aujourd’hui, reçoivent toutes les pièces qui sont adressées aux municipalités.

Lorsque des affaires de quelque importance exigeront une information extraordinaire, ces cas seront rares et le projet de loi y a pourvu en autorisant les députations et les conseils à déléguer un ou plusieurs membres pour remplir les missions extraordinaires que pourrait réclamer le service de l’administration.

Vous n’ignorez pas que l’une des plus importantes attributions des commissaires de district, le contentieux en matière de grande voirie, ne subsiste plus et ne peut même leur être déférée ; cet objet est rentré dans le droit commun aux termes de la constitution, et déjà la cour de cassation est intervenue pour proscrire à cet égard toute autre compétence que celle de tribunaux ordinaires.

Si la chambre maintient le système du règlement de 1825, que restera-t-il des franchises municipales que proclame la constitution en présence d’une administration confiée aux agents du pouvoir, et qui pourrait exercer soit une autorité, soit une influence sur toutes les affaires qui n’intéressent que les communes ; et n’est-il pas évident que dans un pareil état de choses, ou les affaires les plus minimes aboutissent au pouvoir, vous n’aurez qu’un assemblage bizarre d’institutions disparates ?

Si le gouvernement ou les partisans de la centralisation administrative professent hautement que les intérêts des communes et des provinces ne peuvent être utilement servis que par des hommes de son choix, les citoyens déshérités de sa confiance lui refuseront la leur. Dans un pareil état de choses il n’y aura jamais d’esprit public parce qu’il n’y aura jamais d’esprit de famille qui cependant forme la base de l’association communale ; avec la centralisation, la province et la commune ne sont que des abstractions, et une lutte continuelle entre un régime administratif ombrageux, et les franchises garanties par le pacte fondamental est devenue inévitable, et les germes d’une lutte si déplorable auront été posés dans le système de centralisation pour lequel j’ai cru remarquer une tendance que je crois funeste.

Je n’en dirai pas davantage sur cet objet ; je conçois que la question d’utilité sera mieux traitée par des hommes qui ont des connaissances pratiques en administration, d’autant plus que les attributions administratives mal définies par nos lois ne peuvent être convenablement appréciées que par ceux qui sont initiés dans la haute administration.

Il me reste une dernière observation à faire, c’est que je pense que les commissaires ne remontent pas au-delà de l’an VIII de la république, et en leur assignant cette époque vous voyez que je ne leur enlève pas la plus légère part dans la succession des sous-préfets institués près des conseils d’arrondissement par la loi du 28 pluviôse.

Cependant les conseils d’arrondissement ont disparu de nos institutions, et déjà depuis longtemps les municipalités des villes ne reconnaissent plus en Belgique une autorité intermédiaire placée entre elles et les autorités provinciales.

Ce qui est bon, ce qui est rationnel pour les villes ne le serait-il pas pour les autres communes, et ne trouve-t-on pas dans toutes les communes des hommes dont les capacités sont en rapport avec les intérêts qu’il s’agit d’administrer ?

D’ailleurs, la constitution de 1830 a effacé les catégories qui existaient précédemment entre les communes ; il n’y a plus aujourd’hui d’ordres des villes et des communes du plat pays.

Je repousserai donc de toutes mes forces les catégories qu’on voudrait créer ou maintenir ; si l’on veut une autorité intermédiaire, il faut l’admettre pour tous, ou ne la vouloir pour personne ; tout système bâtard ne peut conduire qu’à de nouveaux embarras administratifs et à des perturbations qui certes ne trouveront point de défenseur parmi les partisans de l’uniformité administrative.

Ainsi, messieurs, la question d’utilité, je l’abandonne aux capacités administratives, et j’ai cru de mon devoir de communiquer à la chambre les doutes de la minorité de la section centrale sur la question de constitutionnalité soulevée à l’occasion de la proposition qui tend à conserver une autorité placée entre les communes et la province, et qui n’est pas reconnue par la constitution.

M. Helias d’Huddeghem. - Messieurs, la constitution, en attribuant aux conseils provinciaux ce qui est d’intérêt provincial, et en permettant à la législature de déclarer les commissaires du gouvernement de plein droit membres du conseil, n’empêche nullement qu’il y ait des fonctionnaires intermédiaires subordonnés aux commissaires là où les besoins de l’administration l’exigent ; et en attribuant aux conseils communaux ce qui est d’intérêt communal, elle ne s’oppose pas à ce que des autorités supérieures surveillent les administrations municipales dans les attributions qui tiennent en quelque sorte à l’ordre public et qui ne sont pas exclusivement d’intérêt communal.

Déjà les lois organiques faites en vertu de la constitution ont donné aux commissaires de district des attributions particulières ; la loi électorale charge les commissaires de district de préparer les listes électorales pour l’élection des représentants et des membres du sénat, comme aussi de veiller à ce que les listes soient révisées et renouvelées tous les ans.

Les commissaires veillent à ce que les administrations locales remplissent exactement les obligations qui leur sont imposées par la loi sur l’organisation de la garde civique. Ils sont chargés de l’instruction des réclamations pour l’exemption, et pendant toute l’année ses bureaux sont tellement encombrés de ces réclamations, qu’un employé actif exclusivement chargé de ce travail n’est pas à même d’y suffire.

Les commissaires de district, en leur qualité de commissaires de milice, sont chargés de toutes les opérations que la loi leur impose. Elles consistent :

1. Dans la vérification des listes d’inscription et alphabétiques formées par les autorités locales.

2. Dans la formation des registres du tirage au sort en double.

3. Ils président le tirage au sort des miliciens dans les chefs-lieux des cantons de milice.

4. Ils assistent aux conseils de milice en qualité de commissaires du Roi, pour veiller à l’exécution rigoureuse de la loi.

5. Ils font quatre fois par an l’inspection des miliciens en semestre dans les chefs-lieux de canton de milice, et en font rapport au gouverneur.

Pour trouver la nécessité des commissaires de district, il suffit de remonter à leur origine :

Avant la loi du 28 pluviôse an VIII concernant la division du territoire de la république et l’administration, il existait dans le plat pays des administrations cantonales composées d’un représentant ou agent municipal pour chaque commune du canton, d’un président, d’un secrétaire et d’un commissaire de directoire exécutif.

La loi susdite ayant supprimé ces administrations de canton et établi une administration municipale avec un chef, sous la dénomination de maire dans chaque commune, on sentit qu’il était impossible que le préfet, remplaçant l’administration centrale, correspondit avec chacune de ces administrations ; on divisa donc par la même loi les départements en arrondissements communaux, et on y nomma un sous-préfet. Ce fonctionnaire était chargé de remplir les fonctions exercées jusque-là par les administrations cantonales et par les commissaires de district, à la réserve de celle attribuée au conseil d’arrondissement et aux municipalités.

D’après cette même loi il n’était pas établi de sous-préfet dans le chef-lieu de département, mais l’expérience prouva bientôt la nécessité d’en établir un aussi bien dans le chef-lieu que dans les autres arrondissements.

Les sous-préfets furent remplacés par les sous-intendants, et après ceux-ci succédèrent, en ce pays, les commissaires de district ; les diverses attributions de ces derniers étaient déterminées par un règlement du 3 janvier 1818.

Quoique sous notre régime constitutionnel les attributions des commissaires de district soient tout autres que celle de sous-préfets, il me paraît néanmoins impossible de se passer des commissaires de district. Je pense qu’en les supprimant on serait obligé d’établir un autre intermédiaire entre l’administration provinciale et celle des communes.

On ne pourrait certainement pas rétablir les administrations cantonales, car l’expérience a prouvé que ce mode d’administration présentait plusieurs inconvénients, principalement en ce que les communes n’étaient pas assez représentées, et que souvent l’une était favorisée au détriment de l’autre.

D’ailleurs, créer, comme dans la constitution de 1795, un centre d’administration au chef-lieu de canton, ce serait une forme d’administration très coûteuse, qui avait, contre les habitudes anciennes et consacrées, détruit et absorbé les communes rurales.

J’étais à la section centrale du nombre de ceux qui repoussaient l’établissement d’un conseil d’arrondissement dont le président aurait été nommé par le roi ; je ne conçois pas l’utilité de faire dans chaque arrondissement un centre d’administration, d’avoir des finances d’arrondissement, des dépenses d’arrondissement, un budget d’arrondissement.

Il n’y a point dans ma manière d’envisager l’organisation provinciale une administration distincte de l’arrondissement : le commissaire de district n’est pas un administrateur, mais le délégué du gouverneur. En un mot, j’entrevois un grand danger dans l’innovation qui créerait une nouvelle unité administrative, et briserait ainsi l’unité provinciale. Plus l’existence du commissaire de district est indispensable, plus il est essentiel de ne pas en faire un chef d’administration.

Il est encore à observer que les commissaires de district remplissent, en même temps, les fonctions de commissaire de milice, moyennant une indemnité de 700 fr. En les supprimant, il faudra nécessairement nommer un commissaire de milice ; ce fonctionnaire ayant d’après l’article 5 de la loi du 8 janvier 1817 sur la milice, le rang de lieutenant-colonel, devra avoir un traitement proportionné à son rang ainsi que des frais de bureau ; lesquels, pris ensemble, ne pourront guère être moindres que ceux de commissaire de district.

Par tout ce qui précède, il me semble suffisamment démontré que, de toutes manières, il est impossible de se passer d’intermédiaire entre les administrations des provinces et des communes rurales (tant dans les chefs-lieux des provinces que dans ceux des autres districts) ; que les commissaires de district remplissent parfaitement ce but ; que, par conséquent, leur suppression ne pourrait avoir lieu sans entraver et désorganiser la marche de l’administration ; et qu’enfin, au lieu d’économie, il en résulterait un surcroît de dépenses pour l’Etat.

L’honorable M. Pollénus vous a dit, messieurs, que quelques sections des états-généraux, lors des discussions du dernier budget décennal, avaient demandé la suppression de la place de commissaire de district. Mais il ne faut pas perdre de vue que ces fonctionnaires n’existaient pas dans quelques provinces du nord, où les administrations locales étaient organisées tout autrement que dans le midi ; au lieu de commissaire de district, en Hollande, on a maintenu un système qui approche de l’organisation de la constitution de 1795.

Dans nos provinces il est impossible de se passer d’intermédiaire entre les administrations provinciales et communales ; les commissaires de district remplissent parfaitement ce but, et ne pourront être remplacés.

M. Dubois. - Je ne m’attacherai pas beaucoup à réfuter le discours d’un honorable préopinant qui attribue aux commissaires de district un pouvoir administratif qu’ils n’ont pas.

Il résulte de leurs attributions mêmes que ces fonctionnaires ne sont que des agents d’exécution, qu’ils sont plutôt l’œil et non le bras du pouvoir, que leur mission est toute de consultation et de transmission.

Ainsi je crois que la question de constitutionalité est entièrement écartée.

Messieurs, la nécessité d’établir des agents intermédiaires entre la commune et les provinces résulte de l’étendue respective de chacune d’elles, de leur grande population et des divers rapports d’intérêts qui les divisent en localités trop étroites pour être séparément administrées, mais aussi trop étendues et trop importantes pour que l’action du pouvoir exécutif y pénètre facilement et y soit à son aise sans agent intermédiaire d’exécution.

L’agent suprême qui est placé à la tête de chaque province ne peut pas lui-même surveiller tant d’intérêts distincts ; il ne peut suffire à une besogne aussi diverse et aussi multipliée ; il lui faut des agents subalternes placés dans les diverses subdivisions de la province, qui lui servent de guide et de conseil, et qui du centre de chacune d’elles donnent l’impulsion aux communes, surveillent leurs actes et lui transmettent en retour l’expression de leurs besoins et de leurs vœux.

Considérée sous ce double point de vue, l’utilité des agents subalternes ne peut être méconnue. Ils sont les véritables intermédiaires entre la commune et la province, ils sont le lien commun qui rattache entre elles toutes ces petites communautés individuelles et qui les met en rapport avec l’administration supérieure.

Tenter de les supprimer, c’est vouloir rompre ce lien et faire de la province une agrégation de petites communes isolées, sans impulsion, sans cohésion, sans suture.

Mais je me hâte de laisser là ces théories, pour m’attacher aux faits qui, mieux qu’elles, s’opposent à la suppression de ces agents.

Qu’est-ce en effet qu’une administration rurale ?

Je ne vous dirai pas, messieurs, que ce n’est qu’un composé d’hommes sans instruction aucune, sans loisir, sans réflexion ; que ce n’est, en un mot, qu’un pouvoir fictif, cela n’est heureusement pas vrai. Dans les plus petites communes que je connaisse, dans celles de 100, de 150 à 300 habitants, j’ai pu me convaincre qu’on y trouvait des cultivateurs doués d’un excellent bon sens, dont les intentions sont droites, et dont les vues sont justes et souvent utiles pour la communauté ; des hommes en qui on peut avoir confiance et dont on peut s’honorer de posséder l’estime.

Mais ce serait également aller au-delà de la vérité que de prétendre que ces administrations sont toujours assez éclairées, assez indépendantes, assez au courant des intérêts généraux pour qu’on leur ôte toute surveillance directe et pour qu’on les laisse sans guide ; qu’elles sont assez prémunies contre cet esprit de coterie qui pénètre si facilement dans les petites communautés, assez fortes contre ces antipathies et ces préventions qui s’élèvent entre les communes, pour les affranchir du lien de cohésion qui doit maintenir et diriger leurs intérêts communs.

A mon tour, je traiterais ces assertions d’utopies et de libéralisme de lieu public.

Consultez-les, ces personnes : elles le savent bien elles-mêmes combien il en coûte d’exactitude, de soins et de vigilance pour maintenir la régularité dans leur administration intérieure ; pour la faire marcher facilement, franchement et sans entraves ; pour les prémunir elles-mêmes contre les écarts d’autorité ; pour tenir l’ordre dans leurs finances, pour appliquer celles-ci à leurs besoins et pour surveiller la comptabilité de leurs agents.

Otez-leur cette tutelle, relâchez cette surveillance, et bientôt leurs budgets, leurs comptes, leurs rôles d’abonnement n’offriront plus que désordre et confusion ; l’administration sera négligée et perdra de sa considération ; les administrateurs eux-mêmes se décourageront, et la commune sera exposée à se voir soumise au caprice d’un seul, qui, profitant de cette confusion, prétendra la régir et la régira d’après ses vues propres et intéressées.

Des exemples pareils ne sont pas rares. Je pourrais vous en citer, messieurs, qui, je pense, vous étonneraient.

J’ignore comment se termineraient le plus souvent les contestations qui s’élèvent entre ces petites administrations sur les questions d’utilité et d’intérêt commun, celles, par exemple, relatives au domicile de secours, si un agent subalterne n’était placé auprès d’elles pour instruire, pour régler et quelquefois pour concilier leurs différends.

C’est encore lui qui surveille particulièrement l’exécution des ordonnances et règlements sur les chemins vicinaux, objet si intéressant pour le commerce et l’agriculture ; il est chargé du soin des travaux d’utilité commune, et souvent c’est lui qui les a conçus et qui a engagé les intéressés à les entreprendre, et c’est pareillement à son activité et à son zèle pour le bien-être de l’arrondissement qu’on doit attribuer leur complet achèvement.

Enfin, il veille au maintien des lois et du règlement d’administration générale, et dans le cercle de ses attributions entre spécialement l’exécution des lois d’organisation de la garde civique et de la milice.

Il ne m’est pas permis de m’étendre sur les difficultés qu’éprouve ordinairement celui qui doit transmettre aux communes une mesure nouvelle et qui est chargé de la faire exécuter. Ici les demandes d’explications, les redressements d’erreurs se multiplient ; les objets les plus simples, les demandes les plus claires en apparence risquent d’être mal compris, soulèvent des obstacles.

Je crois, messieurs, que, si par la suppression des agents intermédiaires, les communes étaient forcées de correspondre directement avec le gouverneur de la province, on aurait mis la désorganisation dans le service ; et qu’au lieu d’agir, on verrait celles-ci s’épuiser en embarras, en plaintes et en demandes continuelles d’explication.

Une seconde question se présente à l’article qui nous occupe : comment sera déterminée la circonscription des subdivisions de la province ?

Quand j’ai voulu établir la nécessité de conserver les agents intermédiaires qui sont dans les provinces, j’ai été d’accord avec le projet du gouvernement et avec la majorité des membres de la section centrale. Actuellement, les opinions se divisent, et je dois dire pourquoi je préfère celle adoptée par le gouvernement.

Le gouvernement propose, sauf quelques exceptions auxquelles je pourrai me rendre, de confondre les arrondissements administratifs avec les arrondissements judiciaires, de leur donner les mêmes limites et une étendue corrélative.

Ainsi, il consacre la règle qu’il faut, autant que possible, établir de l’unité dans les rapports qu’ont les administrés avec les diverses branches d’administration intérieure, il ne s’en écarte que par exception.

La section centrale, au contraire, propose l’exception pour la règle et veut établir des arrondissements administratifs distincts des arrondissement judiciaires.

Or, veuillez remarquer, messieurs, que l’arrondissement n’est pas toujours une chose entièrement fictive ; souvent il présente une agrégation d’intérêts fort importants. Les mêmes besoins, le même genre d’industrie, des délimitations naturelles, créent entre ses habitants des rapports continus, et peuvent en faire le corps politique le plus parfaitement et le mieux constitué entre la commune et la province.

Ensuite, toutes les branches de l’administration se tiennent et se rattachent l’une à l’autre ; c’est au chef-lieu d’arrondissement qu’elles se concentrent ; le citoyen est habitué d’y venir, parce que là aboutissent ses intérêts et ses affaires.

Pour l’ordre judiciaire, c’est au chef-lieu d’arrondissement que siège le tribunal de première instance ; pour l’ordre militaire, c’est la résidence du commandant de gendarmerie ; pour l’ordre financier, c’est là que résident les surveillants principaux, les inspecteurs d’arrondissement, l’agent de la banque pour les hypothèques, est encore le centre du service et le lieu de résidence du conservateur.

On a de la peine à comprendre après cela les motifs pour lesquels on voudrait rompre l’action uniforme de l’administration et s’écarter de ce système pour diviser l’arrondissement dans son organisation administrative.

La principale objection que l’honorable rapporteur de la section centrale expose dans son rapport pour changer cet ordre uniforme de circonscription, c’est qu’il présume que ces changements nécessiteraient des modifications à la loi électorale, et que pour arriver à son exécution il faudrait modifier les districts électoraux.

Mais cette réflexion n’est pas tout à fait exacte, cette crainte n’est pas fondée.

Le district électoral est entièrement distinct des arrondissements administratifs et judiciaires, il n’a aucune analogie avec eux, et dans l’exécution de la loi aucune difficulté ne peut se présenter.

Les élections se feront comme auparavant, dans les chefs-lieux respectifs de ces districts, sous la présidence des personnes indiquées dans la loi. Les commissaires d’arrondissement veilleront dans les communes soumises à leur contrôle à la confection des listes électorales, et feront parvenir ces listes aux présidents des assemblées qui se réuniront dans leur ressort. Voilà absolument à quoi se bornera leur action.

Et elle ne peut être autre, car remarquez, messieurs, qu’actuellement que nous avons créé dans notre loi d’organisation provinciale des districts électoraux de canton, on pourrait raisonner par analogie et dire qu’il faut même supprimer les districts administratifs, parce qu’ils ne sont pas en rapport avec la circonscription de ces cantons, qu’il en est qui sont formés de plusieurs fractions de canton.

Mais c’est précisément une raison pour agir tout autrement ; et loin d’offrir un inconvénient, cette objection devient pour moi un puissant motif pour désirer la création des arrondissements administratifs judiciaires, parce que c’est le meilleur moyen de ramener à l’unité, et même de fondre dans un même système, c’est-à-dire de faire entrer dans une même circonscription administrative, les districts électoraux pour les chambres et les districts de canton pour les conseils provinciaux. D’autres faits le prouvent mieux encore.

C’est lorsqu’il a fallu mettre à exécution les lois d’organisation de la garde civique, on n’a pu voir l’inconvénient grave qui résulte de ce que l’arrondissement administratif n’est pas en harmonie avec l’arrondissement judiciaire.

La loi du 31 décembre 1830 organise la garde civique par canton de justice de paix ; et comme, dans diverses provinces, les districts actuels ont été formés sans que l’on ait eu égard à la division judiciaire et cantonale existante, il en est résulté des embarras nombreux qui ont ajouté de nouvelles difficultés aux vices fondamentaux inhérents à la loi ; vices que j’ai signalés, en partie, à l’occasion d’une pétition qui fut adressée à la chambre par quelques officiers de la garde civique de Bruxelles.

Les communes de l’arrondissement judiciaire de Furnes ont été divisées en deux districts principaux, celui de Furnes et celui de Dixmude, et subsidiairement quelques-unes de ces communes ont été attachées à deux autres districts voisins, à ceux d’Ostende et d’Ypres. De sorte que les quatre cantons de justice de paix sont fractionnés en quatre districts différents. Ainsi, les communes du canton de justice de paix de Furnes appartiennent aux districts de Furnes et de Dixmude, celles du canton de Nieuport aux districts de Furnes et d’Ostende, et celles du canton d’Haringue aux districts de Furnes et d’Ypres.

Il a a donc fallu une correspondance active entre ces divers districts pour organiser la garde civique, et les quatre fonctionnaires placés à la tête de chacun de ces districts ont dû continuellement se consulter et s’entendre pour mettre à exécution les mesures qui leur furent transmises de la part du gouvernement.

Cet état de choses dure encore ; toutes les fois qu’il s’agit de régler le budget communal de la garde civique, cette correspondance se renouvelle.

Messieurs, c’est une confusion qui ne s’est jamais vue et qui ne peut plus être tolérée.

Quand l’action d’un fonctionnaire se divise, elle perd toute son efficacité.

Et je dois le dire, messieurs, malgré le zèle que j’ai mis à organiser chez nous la garde civique, et malgré le concours franc et loyal que me prêtèrent mes collègues de Dixmude, d’Ostende et d’Ypres, il nous a été impossible d’obtenir un résultat satisfaisant. Nous n’avons pas pu empêcher que, parmi les quatre cantons de l’arrondissement de Furnes, il n’y en ait un où cette importante institution est oubliée et semble être entièrement disparue.

C’est, à mon avis, un bien, car il ne faut pas fatiguer le peuple avec de mauvaises lois.

Dans l’exécution des lois sur la milice tous ces inconvénients se présentent, quoique j’avoue qu’ils se fassent moins sentir. Les commissaires du district résident au chef-lieu de l’arrondissement : ceux-ci qui, aux termes de l’arrêté du 30 mai 1818, sont chargés des fonctions confiées par la loi aux commissaires de milice, sont continuellement dans le cas de correspondre avec les autorités communales des districts voisins, sur lesquelles ils n’ont d’ailleurs ni action ni surveillance.

C’est sans doute pour ce motif que la section centrale a exprimé le vœu que le gouvernement réunisse partout ces fonctions dans les mêmes mains. Mais cette modification isolée n’est pas suffisante ; je désirerais que la législature complétât le système.

Un honorable collègue vous a présenté un nouveau projet d’organisation de la force publique. Je n’en ai pas encore fait une étude spéciale, mais j’en ai déjà assez vu pour dire à l’honorable auteur qui, je pense, partagera avec moi ma conviction, que son plan ne pourra être mis à exécution qu’à la condition que la circonscription de l’arrondissement des agents subalternes d’exécution soit mise en rapport avec celle des arrondissements judiciaires et des justices des cantons, parce que c’est sur cette circonscription et sur la population des grandes villes que dans l’article 5 de son projet il a basé tout son système.

J’ignore entièrement, messieurs, quelles seront les dispositions que renfermera la loi que nous attendons sur l’instruction publique. Mais j’aime à me persuader que dans la partie relative à son exécution, et principalement dans celle qui aura pour objet l’instruction primaire et secondaire, les auteurs du projet auront eu égard à la subdivision de nos provinces en arrondissements et en cantons.

On peut espérer que les lois organiques qui suivront seront toutes établies sur les mêmes bases. Je ne puis en imaginer d’autres, parce qu’elles prennent leur source dans la nature des choses. Il faudrait rompre toute unité et établir une administration séparée pour l’exécution de chaque loi organique.

Ce serait, messieurs, dévier bien légèrement de l’œuvre immortelle que l’assemblée constituante a léguée à nos temps modernes.

J’ai pour ma part une conviction si intime de ce que j’avance, que voulant appliquer ce principe aux districts administratifs qui, par une exception nécessaire, n’auront pas toute l’étendue d’un arrondissement judiciaire, j’exprimerai le désir que le gouvernement, en établissant ces districts, se renferme dans ces principes et qu’il soit établi que « l’étendue et la circonscription de ces districts administratifs seront en rapport avec celle des cantons de justice de paix auxquelles appartiennent les communes dont ils se composent. »

Je me résume, et je dis que je crois qu’il est nécessaire d’établir dans nos provinces des agents subalternes, et que pour ramener l’aisance, la force et l’unité dans l’administration, il faut que la circonscription des arrondissements administratifs corresponde avec celle établie ou à établir des arrondissements judiciaires.

Je ne me suis occupé jusqu’à présent, messieurs, que des communes rurales ; je n’ai encore rien dit des villes, et je sens que j’ai besoin de m’expliquer à ce sujet pour que l’on ne me renvoie pas l’accusation de vouloir m’écarter du système de l’assemblée constituante ; car, étant toujours en garde contre tout principe absolu, je crois effectivement qu’on peut laisser quelques villes en dehors du contrôle de l’agent intermédiaire du gouverneur de la province établi pour les autres communes.

Ne croyez pas cependant que je veuille soustraire les villes à la surveillance de tout agent direct ; je veux seulement le déplacer.

Dans les campagnes, il est placé à côté des administrations ; dans les villes, je le mets à leur tête.

Les intérêts communs, les lois générales doivent être protégés et exécutés dans les villes comme ailleurs. Il n’y a que cette différence, c’est que dans les villes on trouve plus d’instruction et d’indépendance, et qu’ainsi le gouvernement a la garantie de rencontrer parmi leurs habitants un premier magistrat à qui il puisse confier l’exécution de ses ordres, et qui, sans avoir besoin d’autre conseil, soignera les intérêts particuliers de la commune, et veillera à l’exécution des lois générales de l’Etat.

Au paragraphe 4 de l’article qui nous occupe, je voterai pour le chiffre établi par le gouvernement, pour celui qui fixe à une population de 6,000 âmes les villes sur lesquelles s’étendront les attributions des commissaires d’arrondissement.

Je désirerais que le gouvernement se ralliât à l’exception proposée par la section centrale pour les villes chefs-lieux d’arrondissement judiciaire.

Si je pouvais m’attendre au reproche de vouloir faire ici l’éloge du système de la centralisation, je répondrais franchement que j’accepte cette accusation, et que telle est ma pensée, que je crois qu’à l’abri de nos lois ce système ne peut se présenter à nous qu’avec tous ses avantages, et que nous aurons bien fait de l’appliquer à notre loi d’organisation provinciale. Parce que la centralisation administrative est une bonne chose ; parce qu’elle est une garantie de force et de prospérité ; parce qu’elle contient en soit des gages d’ordre et de progrès ; parce qu’elle a toujours été et qu’elle sera toujours le plus puissant levier de civilisation.

Ils sont déjà loin de nous, messieurs, ces temps où le despotisme, profitant d’une des plus belles conceptions de la révolution française, s’en empara pour enchaîner une nation, et pour fonder sur elle sa longue et effrayante domination.

La centralisation était une dérision alors que le peuple voyant tout dans le personnel, quand chaque individu nommé à une place se trouvait associé à la vaste corporation d’un pouvoir absolu.

Mais ces traditions sont passées avec le despotisme impérial qui les a fait naître, et récemment encore elles se sont effacées entièrement devant nos libertés et devant notre nouvelle constitution.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, l’utilité des commissaires de district ayant été mise en doute par bien des personnes, ma position m’avait fait douter un instant si c’était bien à moi qu’il appartenait de vous dire les services qu’ils peuvent rendre au pays ; mais j’ai pensé que votre indulgence ne donnerait d’autre but à mes paroles que le désir du bien public.

On a dit quelquefois que les bureaux de ces fonctionnaires ne servaient qu’à la transmission des dépêches du gouvernement aux communes, que c’étaient en résumé que des bureaux de poste administrative, et que leur chefs, sans influence, sans attributions bien définies, n’étaient qu’une complication de plus dans les rouages du gouvernement.

Je pense que tout homme qui a vu d’un peu près ce que c’est que l’administration dans les provinces ne tiendra pas ce langage. Un gouverneur de province, ce magistrat dont on ne contestera pas l’utilité, vit au centre d’une grande province, au milieu d’une grande ville ; préoccupé des intérêts de haute administration, il ne peut se déplacer que rarement ; il lui est cependant indispensable de connaître l’esprit des administrations municipales et de ses administrés, de connaître la situation des choses et des lieux, car il lui est expressément enjoint de surveiller activement l’exécution des lois et des mesures prises par l’autorité provinciale : eh bien, ce sont les commissaires de district, les délégués de son autorité, qui doivent avoir sa confiance, qui, placés comme des jalons de distance en distance, sont pour lui des gages d’ordre et de régularité administrative ; ils sont ses yeux, ses bras : le priver de ces fonctionnaires, c’est vouloir un chef sans lieutenants, c’est vouloir un chef d’administration sans action sur ses administrés. Si la tranquillité est troublée, si les fonctionnaires municipaux ne remplissent pas leurs devoirs, ils prennent immédiatement sous leur responsabilité, si le besoin l’exige, toutes les mesures propres à assurer l’ordre public, en prévenant l’autorité supérieure. Et comme leurs attributions s’étendent à plusieurs communes, ils ont à leur disposition des ressources d’ordre, que n’ont pas les autorités municipales.

Les commissaires de district, par leurs rapports journaliers, connaissant le personnel des administrations locales, peuvent rendre un compte exact de leur esprit et de leurs capacités ; ils assurent et éclairent la marche souvent incertaine des administrations des communes du plat pays, et devraient, ce me semble, veiller à l’exécution des lois et règlements provinciaux même dans les villes comme ailleurs. Mais ce qui selon moi est de l’essence de leurs fonctions, c’est d’être pour ainsi dire des juges de paix administratifs ; s’ils méritent la confiance publique, ils seront les arbitres de beaucoup de petits conflits, qui souvent n’ont pour origine que de misérables rivalités locales et personnelles ; ils concilieront, ils étoufferont dès leur naissance des contestations qui, portées au gouvernement central, auraient fait l’objet de longues et fastidieuses correspondances, et n’auraient eu d’autres résultats que de faire perdre le temps. Chargés d’intérêts moins élevés que les gouverneurs, dans une position moins éminente, établis au milieu d’un arrondissement d’une étendue médiocre, leur cabinet sera toujours ouvert aux réclamations du faible et de l’opprimé, dont ils seront les soutiens.

Ces fonctionnaires sont donc des gages d’ordre et de tranquillité ; ils simplifient, ils diminuent les affaires ; au lieu d’être des rouages inutiles, ils sont utiles, et le gouvernement ne peut pas s’en passer.

Mais leur a-t-on donné une position convenable bien définie, qui permette d’en obtenir tous les résultats que le gouvernement est en droit d’en attendre ? Je ne le pense pas ; le projet de loi de la section centrale, qui nous occupe concurremment avec celui du gouvernement, ne me paraît pas avoir améliorer cette institution.

L’article 119 de ce projet catégorise les communes ; celles qui ont rang de ville et une population de 5,000 âmes et plus, échappent à leur surveillance, et notamment le chef-lieu d’arrondissement, la ville de leur résidence eût-elle moins de 5,000 âmes. J’ai cherché depuis longtemps à me rendre compte des avantages de cette organisation néerlandaise, et qui semblait fondée sur la distinction entre l’ordre des villes et celui des campagnes, et je n’ai jamais pu y découvrir que des désavantages. La section centrale appuie son système sur une possession de la part des villes de près de 20 ans, sur la connaissance des affaires et l’instruction que produit généralement une population plus agglomérée, et où, par conséquent, l’intervention des commissaires serait inutile.

Le seul argument qui exige une réponse sérieuse, est celui qui se fonde sur les connaissances suffisantes des autorités municipales. Mais il me semble que les connaissances seules ne constituent pas une bonne administration, et ne suffisent pas pour que le gouvernement renonce à exercer sur elles une surveillance directe et assurée, car une administration municipale peut réunir à beaucoup de connaissances du despotisme pour ses administrés, une volonté ambiguë pour le gouvernement, et de la négligence par-dessus tout. Cet argument ne me semble donc pas plus fondé que celui de possession ; la possession, l’existence seules n’établissent pas la bonté d’une institution.

Ce système catégorise les communes, établit un privilège, qui n’a d’autre résultat que celui de satisfaire l’amour-propre mal placé de quelques municipalités, et cela aux dépens de la force et de l’unité administrative, dont tous les chaînons doivent s’entre-lier sans se choquer ; c’est établir des autorités rivales en présence l’une de l’autre, c’est désunir au lieu de réunir tous les fonctionnaires dans une seule pensée, celle de l’ordre et du bien public (ces rivalités existaient sous le gouvernement déchu, je pourrais en administrer des exemples) ; c’est favoriser enfin des mesures extra-légales dans les circonstances difficiles et extraordinaires : c’est ce que des faits prouvent encore.

Un commissaire de district, dont la conduite privée et publique est à la hauteur des honorables fonctions dont il est revêtu, acquerra nécessairement de l’influence dans la ville où il résidera malgré sa nullité administrative. Cette influence, qu’il aura acquise parce qu’il fait son devoir, suffira pour le mettre dans une position équivoque à l’égard de l’administration municipale de sa résidence.

Arrive un événement imprévu, un de ces événements capables de remuer les passions, de troubler la tranquillité publique ; si ce fonctionnaire sans autorité, sans caractère public, mais avec son influence, n’agit pas, ne se montre pas, il risque de faire croire que son inaction est une approbation. N’avons-nous pas vu, il y a quelques semaines, lors des derniers troubles, un fonctionnaire dans une position semblable, obligé de justifier, d’expliquer sa noble conduite dans les journaux ?

Ce système enfin enlève toute surveillance au gouvernement sur les villes éloignées du chef-lieu, et sur une grande étendue de plat pays, sur lequel les petites villes ont conservé juridiction autour d’elles ; et ce sont en général les faibles, les pauvres qui en souffrent, parce qu’il n’y a de recours contre ces administrations municipales que chez un magistrat éminent et d’une résidence éloignée.

Il me semble que le seul motif à alléguer en faveur de cette position exceptionnelle pour quelques villes ne peut-être que la pensée de dégager autant que possible le pouvoir municipal des entraves du pouvoir administratif. Je pense que ce doit être là la tendance d’un gouvernement paternel et libéral, parce que ce pouvoir né du libre suffrage de quelques hommes réunis en communauté, ne peut exister que par la liberté.

Mais l’on ne se rappelle pas assez que le pouvoir municipal, chez nous, est mixte ; qu’outre ce pouvoir municipal, qui constitue nos bourgmestres les tuteurs des intérêts de leur localité, les administrateurs du ménage de leur cité, ils sont chargés de quelques branches de l’administration générale, que leur a déléguées le gouvernement. C’est ainsi que, dans notre organisation actuelle, les bourgmestres sont officiers de police judiciaire et de l’état-civil, chargés de quelques parties de la répartition des impôts et des mesures relatives à la milice.

Les bourgmestres sont donc à la fois mandataires de leurs communes, agents de la loi, et les délégués du gouvernement. Leurs fonctions se partagent en deux parties si distinctes, que, dans le cas du principe admis de l’élection populaire sans la participation du gouvernement, un célèbre magistrat ne balance pas à dire que si le gouvernement ne jugeait pas l’élu du peuple digne de sa confiance, il pourrait déléguer les fonctions administratives à celui qu’il eût choisi pour maire.

C’est ainsi qu’avant la révolution de 89, on voyait dans quelques communes un syndic municipal et un syndic chargé du logement des gens de guerre, et de l’exécution des mesures administratives relatives au tirage de la milice.

On m’objectera peut-être qu’étendre les attributions de ces fonctionnaires, c’est rétrograder, que c’est maintenir le système de centralisation, que l’opinion réprouve avec justice. Adversaire de la centralisation, parce que je la crois peu favorable aux améliorations et à l’émulation du bien que l’on doit chercher à répandre sur tous les points du pays, je saurai le prouver par mon vote lors de la discussion de la loi communale. Mon amendement ne tend pas à centraliser, il tend à régulariser l’administration supérieure qui a besoin de force, d’unité pour faire le bien, pour empêcher le mal, sans nuire à la liberté dont doit jouir chaque administration communale.

Je veux une commune libre, mais non pas aux dépens de la force du gouvernement ; je veux une commune libre et un gouvernement fort. Il me semble que cela peut et doit se concilier. Je désirerais peut-être que l’autorité gouvernementale n’intervînt pour les affaires du ménage communal que lorsqu’il y a plainte fondée, que le gouvernement n’eût eu quelque sorte que le pouvoir d’empêcher le mal sans avoir le soin de ratifier, d’approuver le bien. C’est le système qui règne en Prusse, pays que tout le monde s’accorde à dire fort bien administré.

Mais, quant aux branches d’administration générale qui s’étendent dans les communes pour les réunir en un faisceau au centre commun qui est le gouvernement, le pays ; je demande, je désire que ce pouvoir central ait une action directe, entière sur elles ; qu’il ait les moyens de contrôler, de surveiller les parties d’administration qui le concernent, et cela dans les villes comme ailleurs, et par des commissaires ou par tout autre fonctionnaire délégué à cet effet.

Les administrations militaires, financières et autres, outre leurs chefs, ont des inspecteurs, des contrôleurs, dont la résidence rapprochée ou les visites inopinées maintiennent l’ordre et la régularité ; je ne conçois donc pas pourquoi l’administration proprement dite, celle de l’intérieur, n’aurait pas d’inspecteurs, de contrôleurs pour certaines administrations privilégiées. L’on me dira que le conseil provincial, le gouverneur peuvent envoyer des délégués sur les lieux pour prendre des informations ; mais ces visites, ces inspections n’ont lieu, et ne se motivent dans l’usage actuel que pour des événements graves.

Comme suite de ces développements, j’ai l’honneur de proposer à la chambre un amendement au second paragraphe de l’article 119 du projet de la section centrale, qui étend les attributions des commissaires de district à toutes les villes de leur arrondissement, à l’exception des chefs-lieux de province. Je fais cette distinction à l’égard de ces villes à cause de la résidence des gouverneurs.

M. A. Rodenbach. - Aux voix ! c’est perdre du temps.

M. de Theux, rapporteur. - Trois objections ont été faites contre la proposition de la section centrale.

Par la première, on a combattu le système de la section centrale qui veut conserver les circonscriptions administratives actuelles, jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu ; par la seconde, on a voulu assimiler toutes les villes aux campagnes ; et en dernier lieu, un membre a voulu que le chiffre de 6,000 âmes proposé par le gouvernement fût préféré à celui de 5,000 proposé par la section centrale.

J’ai dit dans le rapport que si on adoptait le premier paragraphe de l’article 136 du gouvernement, qui assimile l’arrondissement administratif à l’arrondissement judiciaire, il y aurait lieu à apporter diverses modifications à la loi électorale. Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur quelques articles de cette loi pour s’en convaincre.

L’article 9 porte : « Après l’expiration du délai fixé pour les réclamations, les listes seront immédiatement envoyées au commissaire du district. Un double en sera retenu à la secrétairerie de la commune. Chacun pourra prendre inspection des listes, tant à la secrétairerie de la commune qu’au commissariat du district Le commissaire du district fera la répartition des électeurs en sections, s’il y a lieu, conformément à l’article 19 de la présente loi. »

Il est évident que si les listes sont déposées au commissariat d’arrondissement judiciaire, il faudrait substituer une autre disposition à celle de l’article que je viens de citer.

Les articles 10, 15, 29, 37 et 39 de la loi électorale contiennent des dispositions formelles par lesquelles les commissaires de district ont plusieurs attributions ; si vous adoptez la proposition du gouvernement, vous serez forcés de modifier ces diverses dispositions.

J’ai dit aussi dans le rapport que les circonscriptions telles que les propose le gouvernement pourraient présenter de grands inconvénients en certaines circonstances. Déjà d’après le projet au gouvernement on est obligé de proposer des exceptions. Je rappellerai à la chambre que les circonscriptions administratives telles qu’elles existent aujourd’hui n’ont été établies sous le gouvernement précédent qu’après qu’on a eu consulté les assemblées des états des diverses provinces ; c’est après s’être éclairé de leurs lumières que les circonscriptions ont été adoptées. Je crois qu’avant d’introduire de nouvelles modifications à ce sujet, il serait bon de consulter de nouveau les conseils provinciaux. Je ferai remarquer d’ailleurs que les circonscriptions actuelles ne sont pas définitives, et que la chambre est saisie actuellement d’un projet de loi sur cette matière. Ces diverses observations suffisent, je crois, pour faire repousser le système proposé par le gouvernement.

Le gouvernement, ainsi que la section centrale, maintient la distinction qui existe depuis 20 ans entre les villes et les communes rurales. Les motifs de cette distinction sont indiqués dans le rapport. J’ajouterai qu’en outre de la possession de 20 années, les villes ont de tout temps, sous l’ancien gouvernement des provinces de la Belgique, joui d’un privilège en fait d’administration, en ce sens que là où les communes rurales étaient soumises à une surveillance particulière, les villes étaient exemptes de cette surveillance.

Pour toucher à ce qui existe depuis si longtemps, à ce qui est profondément entré dans les mœurs publiques du pays, il faut avoir des motifs extrêmement graves. Or, dans les motifs allégués, je n’en vois aucun qui soit important, tandis que pour maintenir le système actuel, il en existe qui ont une grande force. Un de ces motifs, indépendant de la possession de vingt années, et des habitudes enracinées dans la nation, se trouve dans la capacité des fonctionnaires administratifs des villes.

Les bourgmestres des grandes villes se trouvent dans une position élevée ; ils peuvent avoir autant de lumières et d’indépendance que les commissaires de district ; ils peuvent, sans leur faire tort, lutter de capacité avec eux.

Dans les villes les affaires sont plus multipliées que dans les campagnes : si toutes les affaires, après avoir été soumises aux conseils des villes, du collège des échevins et du bourgmestre, doivent passer dans les bureaux des commissaires du district, il en résultera une complication d’écritures sans qu’il y ait plus de lumières dans l’examen des affaires ; il est bien certain, en effet, que la multiplicité des rapports dans une question y jette de la confusion, plutôt que d’y apporter des lumières.

Il résulte en outre du système que je combats des longueurs inévitables dans l’expédition des affaires ; c’est là un motif péremptoire qui doit faire adopter la proposition de la section centrale.

Quant aux motifs pour assimiler les villes aux communes rurales, on a dit que les commissaires de district se trouveraient sans autorité sur la force publique, et qu’ainsi ils ne pourraient requérir les gardes civiques en cas de trouble ; mais ici encore je répondrai que lorsque le bourgmestre sera nommé par le gouvernement, il sera en quelque sorte son agent dans les villes.

Le pouvoir aura toute facilité pour choisir un bourgmestre éclairé, intelligent, qui puisse disposer de la garde civique.

L’action du bourgmestre sera infiniment plus utile, parce que déjà il connaît la localité dans laquelle la garde civique sera requise, et qu’il pourra juger de l’opportunité de cette mesure.

Quant au maintien du chiffre de 5,000 habitants proposé par la section centrale, je dirai que si vous adoptez ce chiffre, vous ferez déjà rentrer un grand nombre de villes sous la dépendance des commissaires d’arrondissement, notamment dans la province du Brabant, dans la Flandre orientale, dans le Hainaut, dans le Luxembourg, dans le Limbourg et dans la province de Namur. Je ne vois aucune nécessité d’adopter le chiffre de six mille âmes et de faire dépendre des commissaires du gouvernement les villes de Halle dans le Brabant, d’Audenaerde dans la Flandre orientale, de Ruremonde et de Weerdt dans le Limbourg, de Leuze dans la province du Hainaut. Les bourgmestres, dans ces villes, suffisent aux besoins généraux et aux besoins des particuliers, il n’est nullement nécessaire de faire intervenir d’autres fonctionnaires.

Je persiste dans les dispositions de la section centrale.

M. Desmet. - Je viens appuyer l’amendement présenté par l’honorable député commissaire du district de St-Nicolas, parce qu’il me semble que l’administration ne marcherait que mieux et avec plus de régularité, si les commissaires de district avaient de même une surveillance sur les administrations de toutes les villes, à l’exception des chefs-lieux des provinces, et que ces villes soient mises sur le même rang que les autres communes.

Aujourd’hui si les gouverneurs ne demandent point officiellement, des commissaires de district, leurs avis et les renseignements nécessaires sur des affaires administratives qui concernent les villes, ils le font en secret et officieusement ; il est rare que dans une affaire plus ou moins difficile ou contestée, l’avis du commissaire de district ne soit pas pris : les villes exemptées ou privilégiées donnent, pour ainsi dire, autant de travail aux commissaires de district que les communes rurales.

Je ne vois aucun inconvénient, pour la marche de l’administration, d’étendre la surveillance des commissaires de district sur les administrations des villes, tandis que j’en ai rencontré en diverses occasions, parce que ces fonctionnaires n’avaient aucune autorité pour agir en faveur de l’administration et de l’utilité publique dans les villes où elle n’était pas reconnue.

Naguère, on a vu un commissaire d’un district du royaume qui a agi très efficacement dans la ville de sa résidence pour arrêter des pillages ; cependant il n’avait pas autorité de le faire, et on aurait pu lui reprocher d’avoir outrepassé les limites de sa juridiction.

Je crois donc qu’on peut corriger sur ce point le mode existant de l’administration, et qu’on peut repousser sans crainte l’opinion de l’honorable rapporteur, qui a témoigné une certaine inquiétude d’ôter des privilèges à quelques villes ; et en portant cette amélioration, on ne blessera point, je pense, ni des droits, ni la constitution du pays.

M. Doignon. - Messieurs, l’article que nous discutons soulève une question qui mérite d’être examinée avec la plus sérieuse attention ; c’est la question de savoir si des commissaires de district doit recevoir une extension. Jusqu’ici les villes d’une population inférieure à cinq mille habitants ont été affranchies de la juridiction des commissaires de district. Ces villes verront avec peine qu’on veut les placer sous une espèce de tutelle ; elles diront avec raison que nous rétrogradons.

Si je jette un coup d’œil sur les villes qui doivent être atteintes par la mesure dont il s’agit, je trouve que dix villes perdront l’avantage de correspondre directement avec l’autorité supérieure. Déjà, lorsque nous avions des sous-préfets, les villes se plaignaient d’avoir dans ces fonctionnaires un intermédiaire inutile et quelquefois même nuisible. Les sous-préfets étaient institués pour éclairer les administrations, pour préparer et diriger l’instruction des affaires.

On conçoit que ces motifs puissent s’appliquer au plat pays où l’on possède peu d’administrateurs assez éclairés pour se conduire eux-mêmes ; mais, à l’égard des villes, nous savons par expérience qu’elles possèdent des hommes de mérite ayant des connaissances administratives suffisantes pour instruire les affaires, de manière que l’autorité supérieure n’ait plus qu’à prononcer.

Les commissaires de district à l’égard des villes, sont donc un rouage tout à fait inutile.

Je proposerai de supprimer la seconde partie du deuxième paragraphe de l’article que nous discutons.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je ne vois pas pourquoi les villes de 5 mille habitants jouiraient d’un privilège dont seraient privées celles de 4,500 et 4,800 habitants. Cette distinction n’existait pas sous le gouvernement néerlandais et n’existe pas en France.

Toutes les villes, excepté les chefs-lieux de province, doivent être placées, ce me semble, sous la juridiction des commissaires de district.

M. de Terbecq. - Je demande la parole contre l’amendement de M. Doignon ; je veut que les attributions des commissaires de district ne s’étendent que sur les communes rurales et sur les villes dont la population est inférieure à 5,000 âmes, à moins que des villes ne soient chefs-lieux d’arrondissement ainsi que cela a eu lieu pendant un grand nombre d’années : les motifs que l’honorable M. Doignon vient de faire valoir sont assez puissants pour que je pense que la chambre n’accueillera pas l’amendement de M. de Man d’Attenrode.

M. le président. - M. Doignon propose de borner le paragraphe 8 de l’article à cette disposition : « Ses attributions s’étendent sur les communes rurales. »

M. Legrelle. - Messieurs on ne s’est jamais demandé s’il fallait un commissaire de district pour les chefs-lieux de province ; seulement on a dit qu’on verrait si pour les communes rurales leur intermédiaire pourrait être utile.

Je pense que pour les villes c’est un rouage tout à fait inutile et même embarrassant. Il retarde l’expédition des affairée et tend à augmenter les charges de l’Etat.

M. A. Rodenbach. - Il ne s’agit pas de cela.

M. Legrelle. - Il est évident que si vous augmentez les attributions de ces fonctionnaires, lorsqu’il s’agira de fixer leurs appointements, vous devrez prendre en considération la plus ou moins grande extension donnée à leurs attributions.

Quant à l’embarras qui peut résulter de l’intermédiaire du commissaire de district dans l’expédition des affaires, vous en avez un exemple frappant dans ce qui vient d’avoir lieu dans une province où les états provinciaux, s’étant trouvés en conflit avec un commissaire de district, lui ont dit à tort ou à raison : Nous nous passerons de vous, et s’en passent depuis quelque temps. Ces états provinciaux ne correspondent plus avec lui ; ils s’adressent directement aux communes rurales.

Vous voyez que les commissaires de district compliquent le rouage administratif sans avantage pour les contribuables.

En conséquence j’appuie l’amendement de M. Doignon.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les observations faites par l’honorable M. Doignon et soutenues par M. Legrelle, je les combattrai dans l’intérêt même des localités que la disposition dont il s’agit placera sous la juridiction des commissaires de district. On craint, dit-on, que le nouvel ordre de choses n’entraîne des lenteurs dans la correspondance. On ne fait pas attention que le gouverneur est obligé de correspondre dans certaines provinces avec quinze ou vingt villes. Il en résulte un grand surcroît de travail dans les bureaux du gouvernement provincial.

Plus vous augmenterez le nombre des localités avec lesquelles le gouvernement provincial devra correspondre directement, plus il y aura de complications dans la correspondance.

Je ferai observer qu’aujourd’hui que la distinction entre les villes et les communes rurales tend de plus en plus à s’effacer ; dans le système de nos adversaires, il faudrait prendre pour base la population des localités et laisser de côté les qualifications de communes rurales et urbaines. Beaucoup de communes ayant 7 à 8 mille habitants pourraient alors revendiquer l’avantage, si avantage il y a, de correspondre directement avec le gouverneur. On ne pourra jamais mettre une ville du Luxembourg de mille habitants…

M. d’Huart. - De 287 habitants !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - … sur la même ligne que ces communes rurales de nos Flandres qui comptent 7 à 8 mille habitants.

Je pense, quant à moi, qu’il sera plus agréable aux habitants de beaucoup de communes d’avoir à une distance très rapprochée un représentant du gouvernement, que d’être obligés d’aller le chercher à une distance éloignée, ce qui arrive dans le Luxembourg où beaucoup de petites villes sont obligées de correspondre directement avec le gouverneur, soustraites qu’elles sont à la juridiction des commissaires de district.

Le gouvernement n’a pas hésité à adopter le chiffre de 5 mille âmes proposé par la section centrale quoique dans son projet il eût cru devoir présenter celui de 6 mille. La différence n’est pas telle qu’elle doive donner lieu à une discussion. L’amendement de la section centrale ne doit avoir pour effet que de soustraire cinq villes à la juridiction des commissaires de district.

M. A. Rodenbach. - J’appuierai la proposition de M. de Man d’Attenrode, et je m’opposerai a l’amendement de l’honorable député de Tournay. Si sous l’ancien gouvernement les grandes villes étaient soustraites à l’action des commissaires de district, c’est que les provinces étaient divisées en trois ordres, l’ordre des villes, l’ordre des campagnes et l’ordre équestre. Je crois que c’est de cette division que provient la faculté que les villes avaient de ne pas correspondre avec le gouverneur et l’autorité supérieure par l’intermédiaire des commissaires de district.

Puisque la division des provinces en trois ordres n’existe plus, il me semble qu’il y a lieu de faire disparaître dans l’organisation provinciale la correspondance directe. Vers la fin du règne de Napoléon, on supprima, dans les chefs-lieux de département où il y avait des préfets, les sous-préfets comme une superfétation dans les rouages administratifs. C’était afin de marcher plus vite, parce qu’il fallait alors que le gouvernement marchât comme l’armée.

Une autre considération m’engage à m’opposer à l’amendement de l’honorable député de Tournay. La correspondance directe accordée aux grandes villes constitue selon moi un véritable privilège. Il n’y a pas de raison pour qu’une ville, par cela seul qu’elle compte de 5,000 à 8,000 habitants, soit dispensée de passer par l’intermédiaire du commissaire d’arrondissement.

La principale raison que l’on ait assignée en faveur de ce système, c’est que les bourgmestres des grandes villes possèdent généralement plus de connaissances administratives. Je ne pense pas que la qualité de bourgmestre d’une grande ville confère à qui en exerce les fonctions un diplôme de capacité. Je connais plusieurs bourgmestres de petites villes dont les connaissances administratives sont très étendues. Mais la principale considération qui me fait repousser l’amendement de M. Doignon, c’est qu’il maintient un privilège, et je ne veux pas de privilège.

M. le président. - Je vais mettre successivement aux voix les amendements présentés par MM. de Man d’Attenrode et Doignon.

M. H. Dellafaille - Il me semble que l’amendement présenté par l’honorable M. Doignon doit obtenir la priorité.

En effet, cet amendement pose cette question : L’autorité des commissaires d’arrondissement s’étendra-t-elle sur les villes ?

Cette question une fois décidée, il y aura lieu d’en résoudre une seconde : Cette autorité s’étendra-t-elle sur toutes les villes sans distinction ? En admettant la priorité pour l’amendement de M. Doignon, la chambre suivra donc une marche logique.

M. de Foere. - Il me semble qu’il faudrait mettre d’abord aux voix l’institution des commissaires d’arrondissement.

- Voix nombreuses. - Personne ne la conteste.

M. de Foere. - La discussion que nous venons d’entendre portait sur des amendements tendant à modifier le deuxième paragraphe de l’article 119. Mais la question fondamentale, le maintien des commissaires de district n’a pas été discutée. On n’a pas entendu les orateurs opposés à l’institution même (Dénégations.) On devrait entendre successivement un orateur pour ou contre.

- Plusieurs membres. - La discussion est épuisée.

M. de Foere. - Puisqu’il en est ainsi, je vais soumettre à la chambre quelques considérations sur l’institution des commissaires d’arrondissement.

Messieurs, la question du maintien des commissaires d’arrondissement est une de ces questions qui présentent des avantages et des désavantages. Il faudrait adopter l’opinion qui offre le plus de garanties pour le maintien de l’ordre et pour la marche de l’administration.

Je ne reproduirai pas les motifs qui ont été allégués contre cette institution. Mais je m’attacherai à élever quelques objections qui n'ont pas été présentées.

Le commissaire d’arrondissement entrave le développement vrai et sincère de l’une des institutions les plus importantes de notre organisation politique, je veux parler de la loi électorale. L’influence gouvernementale qu’il opère sur les bourgmestres et sur les votes dont les bourgmestres peuvent disposer est immense. Ce qui fait que ce ne sont plus les citoyens qui nomment leurs représentants, mais bien le gouvernement qui par l’intermédiaire de son agent, le commissaire de district, impose indirectement des candidats aux électeurs.

L’influence des commissaires d’arrondissement est telle qu’ils parviennent à se faire élire eux-mêmes, et lorsqu’ils n’y réussissent pas, ils ont au moins le pouvoir de scinder les élections et de diviser les votes, de sorte qu’ils font élire, au moyen de cette division, des hommes sur lesquels le choix des électeurs ne serait pas fixé.

L’influence du gouvernement est déjà assez forte et assez puissante. Il dispose des emplois et des faveurs. Si vous mettez auprès des électeurs les agents du ministère, cette influence se trouvera par là encore augmentée. S’il arrive qu’un conflit ait lieu entre les bourgmestres et leurs administrés, les commissaires de district qui sont appelés à résoudre de semblables questions sacrifient ces derniers aux intérêts électoraux. Ils craignent de perdre les votes dont les bourgmestres peuvent disposer. Il s’ensuit que les intérêts des administrés cèdent aux intérêts particuliers des commissaires d’arrondissement qui ménagent toujours les bourgmestres dans les réclamations dont ils sont saisis.

Si donc vous ne prêtez pas toute votre attention a maintenir dans sa pureté la loi électorale, vous attaquez dans sa racine même l’institution d’un gouvernement représentatif. Lorsque l’on admet un principe et qu’on le consacre dans une loi, il faut le respecter jusque dans ses développements. S’il n’est pas applicable dans toutes ses conséquences, il devient illusoire.

Les commissaires de district sont des agents placés par l’autorité supérieure auprès des administrations communales pour entraver leur marche. Leur institution est une pensée des gouvernements despotiques, parce qu’ils sont les pivots de la centralisation. Or, la centralisation, quand elle est exagérée, a des inconvénients graves que la législature doit chercher à écarter.

Telles sont les observations que j’avais à soumettre à la chambre contre l’institution des commissaires de district.

M. Doignon. - Un honorable préopinant avance que la suppression des différents ordres admis dans l’ancienne organisation provinciale devait amener l’abolition de la correspondance directe des grandes villes avec le gouverneur. Je pense que l’on pourrait facilement prouver que ce n’est pas la distinction des ordres qui a amené l’institution des commissaires de district pour les campagnes. Lorsque l’on a discuté la nécessité de cette institution dans les états provinciaux on a examiné la question de savoir s’il fallait donner aux grandes villes un intermédiaire entre elles et le gouvernement. Les états ont reconnu qu’il était superflu de compliquer les rouages administratifs dans les localités où il y avait des hommes capables de correspondre directement avec l’autorité supérieure.

Voila pourquoi le ressort des commissaires de district a été restreint aux campagnes. Les mêmes raisons n’existent-elles pas encore ? Il y a plus. Le pays est en progrès depuis l’époque où cette discussion eut lieu. Si de pareilles considérations ont motivé, il y a 15 ans, l’adoption du système que je défends, à plus forte raison aujourd’hui que nous avons fait des progrès en matière administrative, doit-on en proclamer le maintien : au lieu de restreindre les villes soustraites à l’autorité des commissaires de district, il faut en augmenter le nombre et comprendre dans cette catégorie toutes les localités dont la population s’élève de 5 à 6,000 âmes.

On a prétendu que le système que je défends consacrait un privilège. Cette accusation n’est pas fondée, il n’y a pas l’ombre d’un privilège. Il est basé uniquement sur cette présomption qu’il y a dans les grandes villes plus d’hommes capables que dans les petites. Voilà tout.

Je persiste à regarder mon amendement comme nécessaire.

M. de Muelenaere. - Messieurs si je n’ai pas pris part à la discussion, c’est que jusqu’à présent l’institution des commissaires de district ne m’a pas paru sérieusement contestée, soit sous le rapport de la constitutionalité, soit sous celui de son utilité.

Un honorable préopinant, l’un de ceux qui ont parlé en dernier lieu, vient de révéler une vérité incontestable, savoir que cette institution présente des avantages et des désavantages, mais je crois qu’il en est ainsi de toutes les institutions humaines. (On rit.) Pour appuyer son opinion, il a cité non des actes rentrant dans les attributions des commissaires de district, mais un abus qu’ils pourraient faire de leur autorité. Ce n’est pas parce que des fonctionnaires peuvent mésurer de leurs pouvoirs qu’il faut les juger désavantageux au pays.

On a dit que dans notre ancienne organisation nous ne connaissions pas les commissaires de district ; mais nous ne connaissions pas non plus la loi électorale ; ce n’est donc pas en matière d’élection qu’il a pu y avoir des abus d’autorité. Au reste, je crois que l’honorable préopinant se trompe à cet égard ; car s’il n’y avait pas de commissaires de district, il y avait dans toutes les localités des fonctionnaires qui, avec des noms différents, en remplissaient les fonctions. Dans une localité, c’étaient des baillis ; dans une autre, c’étaient des bourgmestres, avec un nom particulier ; enfin, dans les provinces septentrionales c’étaient d’autres fonctionnaires qui avaient en grande partie les attributions des commissaires de district.

Quant à moi, je n’ai jamais pu concevoir qu’il fût rationnel de diviser le territoire en villes et communes rurales, alors que dans la même province, il y a des communes rurales comprenant de 10 à 11 mille habitants (car il y en a d’aussi peuplées dans la Flandre occidentale), et des villes dont la population ne s’élève qu’au chiffre de 2 ou 3,000. Il me semble qu’il y a quelque chose qui choque dans cette division du territoire. J’admets qu’elle ait pu convenir dans la pratique ; mais je n’en dis pas moins qu’elle est essentiellement et radicalement vicieuse.

Peu m’importe que l’on soumette ou non à l’autorité des commissaires de district les villes ayant moins de 5,000 habitants ; mais ce qui importe, c’est de constater que de telles agglomérations ne méritent pas le nom de ville. Il est rationnel que dans la différence que vous mettez entre l’autorité des commissaires de district sur certaines agglomérations d’habitants et sur certaines autres, vous ne preniez pas d’autre base que la population. Sous ce rapport, la proposition du gouvernement et celle de la section centrale consacraient une véritable amélioration ; car elle ne fait de distinction qu’entre les villes de moins de 5,000 âmes et celles dont la population excède ce nombre. Cette différence est rationnelle ; car nous devons penser, si la chambre adopte cette proposition, que l’on trouvera dans les communes rurales ou dans les villes de plus de 5,000 âmes, des fonctionnaires éclairés qui pourront correspondre avec le chef de l’administration de la province.

M. Helias d’Huddeghem. - Je crois que l’honorable préopinant se trompe dans la manière dont il comprend la proposition de la section centrale ; car elle n’établit pas de distinction entre la population des communes rurales et celle des villes. (Dénégations.)

M. d’Huart. - Lisez le deuxième paragraphe de l’article.

M. Helias d’Huddeghem. - Je ne vois pas cette distinction dans le projet de la section centrale ; aussi je crois préférable d’adopter l’amendement de M. Doignon qui exempte toutes les villes de la surveillance des commissaires de district, ou bien encore l’amendement proposé par M. de Man d’Attenrode.

- Le premier paragraphe de l’article 119 de la section centrale est mis aux voix et adopté.

L’amendement de M. Doignon est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement de M. de Man d’Attenrode.

- Plusieurs membres. - L’appel nominal.

- La chambre procède à l’appel nominai sur l’amendement de M. de Man d’Attenrode ; en voici le résultat :

Nombre des votants, 67.

Ont voté pour l’adoption, 12.

Ont voté contre, 53.

2 membres se sont abstenus.

Ont voté pour l’amendement :

MM. de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode, Desmet, Devaux, Lardinois, Nothomb, Olislagers, A. Rodenbach, Rogier, Seron, H. Vilain XIIII.

Ont voté contre :

MM. Berger, Brixhe, Coghen, Cols, Coppieters, Dams, Dautrebande, de Behr, de Foere, de Laminne, H. Dellafaille, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Puydt, de Renesse, C. Vuytsteke, de Roo, de Sécus, Desmaisières, Desmanet de Biesme, de Stembier, de Terbecq, de Theux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Donny, Dubois, Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Fleussu, Cornet de Grez, Hye-Hoys, Jadot, Legrelle, Milcamps, Pollénus, Quirini, Raikem, C. Rodenbach, Simons, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Van Hoobrouck, C. Vilain XIIII, Wallaert, Zoude.

MM. de Nef et Duvivier se sont abstenus.

M. le président. - Conformément au règlement j’invite les deux membres qui se sont abstenus à faire connaître les motifs de leur abstention.

M. de Nef. - Je me suis abstenu par un motif de délicatesse.

M. Duvivier. - Je me suis abstenu parce que je n’ai pas pu assister à la discussion à laquelle a donné lieu l’objet en délibération.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le deuxième paragraphe de l’article 119 de la section centrale.

M. Pollénus. - Je pense avoir compris que la pensée de la chambre est de ne point conserver des catégories que ne reconnaissent pas nos institutions nouvelles ; dans l’application où puisera-t-on des moyens pour déterminer la qualification qui appartient à telle ou telle commune ? Il me semble que la population devrait être la seule base sans distinction entre les communes qui aujourd’hui portent le noms de villes ou de campagnes ; et je dois avouer que mes souvenirs ne me rappellent point si l’intention de la section centrale a été de consacrer les catégories dont il s’agit dans le paragraphe de cet article. Si la population est un motif en faveur d’une commune dite ville, pourquoi la même considération ne doit-elle pas conduire au même résultat, lorsqu’il s’agit d’une commune qui sous le gouvernement déchu n’a point obtenu le titre de ville ? (Dénégations.)

M. le président. - Si mes souvenirs sont fidèles, l’intention de la section centrale a été d’étendre la surveillance des commissaires de milice sur les communes rurales sans distinction de population, et en outre sur les villes, mais avec distinction entre les villes d’une population inférieure à 5,000 âmes et celles d’une population de 5,000 âmes. (Adhésion.)

- Le paragraphe 2 de l’article 119 de la section centrale est mis aux voix et adopté.

M. Legrelle. - Il est bien entendu que les villes qui n’ont pas actuellement 5,000 habitants, mais qui pourront atteindre ce nombre dans quelques années sont comprises dans l’article. (Bruit.)

M. le président. - On peut prendre la parole sur l’ensemble de l’article, mais on ne peut entrer dans des détails.

M. Legrelle. - La ville de Tongres, par exempte, est portée pour une population de 4,955 habitants ; la population croissant tous les jours, il est clair que cette ville aura bientôt cinq mille âmes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - S’il est des villes dont la population augmente, il en est aussi dont la population peut diminuer.

M. A. Rodenbach. - Il serait facile à une ville d’avoir 5,000 habitants ; il lui suffirait d’emprunter quelques centaines d’habitants aux villages voisins.... Nous ne pouvons pas nous occuper de l’avenir ; il faut voter l’article comme il est.

- L’ensemble de l’article mis aux voix est adopté.

Article 120 (du projet de la section centrale) et article 137 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art ; 137 (du projet du gouvernement). Les commissaires d’arrondissement sont spécialement chargés de surveiller l’administration des communes rurales et des villes désignées en l’article précédent, et de veiller, dans le cercle de leurs attributions, au maintien des lois et règlements d’administration générale et à l’exécution des délibérations prises par le conseil provincial ou la députation. »

La section centrale (dans son article 120) propose la rédaction suivante :

« Les commissaires d’arrondissement sont spécialement chargés, sous la direction du gouverneur et de la députation du conseil provincial, de surveiller l’administration des communes rurales et des villes désignées en l’article précédent, et de veiller au maintien des lois et des règlements d’administration générale, et à l’exécution des délibérations prises par le conseil provincial ou la députation. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) admet l’addition proposée par la section centrale.

- L’article mis aux voix est adopté sans discussion.

Article 138 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La section centrale propose la suppression de l’article 138 du projet du gouvernement, comme étant réglementaire.

- Cet article est supprimée avec l’adhésion du ministre.

Article 139 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 139 (du projet du gouvernement). Lorsque la députation envoie directement des résolutions à un ou plusieurs administrations communales, elle donne connaissance de ces pièces au commissaire d’arrondissement. »

La section centrale propose la suppression de cet article.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Cet article doit être conservé. Il suppose le cas où la députation ne suit pas les voies ordinaires pour correspondre avec les communes ; alors il convient que les commissaires d’arrondissement en soient instruits.

M. H. Dellafaille. - La section centrale partage l’idée émise par M. le ministre, savoir que le commissaire d’arrondissement doit être instruit de la décision prise par la députation relativement à une commune d’arrondissement ; mais cette mesure est une chose tellement simple qu’il est inutile d’en faire l’objet d’une disposition législative. On ne peut d’ailleurs pas craindre que le commissaire ne soit pas instruit, parce que le gouvernement étant chargé de l’exécution des décisions de la députation, ne peut manquer de lui en donner connaissance.

- L’article est mis aux voix. L’épreuve est douteuse.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Tout le monde n’a pas pris part à la délibération ; il est bon d’entrer dans quelques explications.

Aux termes de l’article 139, lorsque le conseil juge à propos de correspondre avec une commune sans l’intermédiaire des commissaires, il faut néanmoins que les commissaires aient connaissance des pièces de la correspondance. La section centrale croit l’article inutile ; nous pensons différemment ; nous pensons qu’une disposition expresse doit prescrire à la députation de faire cette communication.

M. de Theux, rapporteur. - Mais c’est par les soins du gouverneur que les décisions de la députation sont exécutées ; ainsi le gouverneur ne manquera pas d’envoyer aux commissaires le contenu des instructions données par la députation. L’article est véritablement inutile.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Si la députation décide que les communications auront lieu directement avec les communes sans en référer au commissaire, il faudra bien que le gouverneur exécute cette décision. Il importe donc que la loi fasse une obligation de la communication des pièces aux commissaires.

- L’article mis aux voix est adopté.

Article 140 (du projet du gouvernement)

M. le président. - L’article 140 du projet du gouvernement est mis en délibération.

La section centrale en demande la suppression comme étant réglementaire.

- Cette suppression est ordonnée avec l’assentiment du ministre.

Article 121 (du projet de la section centrale) et article 141 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 141 (du projet du gouvernement) et 121 du projet de la section centrale. Ils prennent inspection, au moins une fois par an, des registres de l’état-civil, et donnent connaissance à la députation du conseil des irrégularités ou inexactitudes qu’ils y découvrent.

- Cet article est adopté sans discussion.

Article 122 (du projet de la section centrale) et article 142 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 142 (du projet du gouvernement). Ils visitent de temps en temps toutes les communes de leur arrondissement ; ils sont tenus spécialement de faire deux de ces tournées par an.

« Ils visitent les établissements publics entretenus ou secourus par les communes.

« Ils visitent les prisons.

« Ils entendent les réclamations et les observations des parties intéressées.

« Ils font du tout rapport au gouverneur, qui est chargé de le communiquer à la députation.

« Ils font également rapport au gouverneur sur tout événement extraordinaire qui arrive dans leur arrondissement. »

La section centrale propose la rédaction suivante dans son article 122 :

« Ils visitent, au moins une fois par an, toutes les communes de leur ressort ; ils vérifient les caisses communales chaque fois qu’ils le jugent convenable.

« Ils peuvent visiter les établissements publics entretenus ou secourus par ces communes.

« Ils font immédiatement rapport au gouverneur sur tout événement extraordinaire qui arrive dans leur arrondissement. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’adopte le premier et le troisième paragraphe de cette rédaction ; mais je crois que dans le second paragraphe il faut faire une obligation de ce qui n’est que facultatif.

M. Doignon. - Je demanderai une explication sur ce second paragraphe. Les établissements appartenant à des communes ou appartenant à des particuliers, seront-ils soumis à la visite par cela seul qu’ils recevraient des secours ?

M. de Theux, rapporteur. - Il est évident que ce second paragraphe s’applique aux établissements particuliers comme aux établissements communaux, dès qu’ils reçoivent des secours des communes. Mais le commissaire d’arrondissement, avec le droit de visite, n’a pas le droit de rien ordonner par lui-même à ces établissements ; il fait seulement son rapport et en conséquence de son rapport les secours pourraient être refusés.

La section centrale a préféré rendre la visite facultative au lieu de la rendre obligatoire, on doit s’en rapporter sur l’utilité de visiter ces établissements à la prudence, à la discrétion des magistrats communaux et des commissaires eux-mêmes.

M. Legrelle. - Malgré les explications données par M. le rapporteur, je crois que le texte de l’article doit être modifié. Il résulterait de l’article tel qu’il est conçu maintenant qu’un établissement de charité qui demanderait à la commune des secours pour acheter un bâtiment, serait à tout jamais assujetti aux visites des commissaires d’arrondissement. Je conçois que ce n’est pas là l’intention de M. le rapporteur, mais cela est conforme au texte de l’article. Or, s’il est sage que les établissements communaux soient soumis aux visites journalières des commissaires, il ne doit pas en être de même à l’égard des établissements particuliers.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il y a dans l’article « établissements publics. »

M. de Theux, rapporteur. - D’après l’esprit de l’article, il ne suffit pas qu’un établissement ait obtenu un secours pour qu’il soit soumis à l’inspection des commissaires. Il faut pour que la visite soit faite, qu’elle ait lieu pendant que l’établissement sollicite ou reçoit les secours. (Aux voix.)

M. le président. - M. Doignon propose la suppression des mots « ou secourus. »

M. Doignon. - Il me semble qu’en laissant subsister l’article tel qu’il est rédigé actuellement, vous préjugeriez la question de savoir si le gouvernement a une autorité, un droit quelconque sur les établissements des particuliers, par cela seul que la commune leur accorde un secours. C’est là une question très grave qui demanderait une discussion plus approfondie. Je crois que pour parer à tous les inconvénients il faudrait rédiger le paragraphe de la manière suivante : « Ils peuvent visiter les établissements publics entretenus par ces communes. »

M. Legrelle. - J’appuie l’amendement de M. Doignon, qui satisfait le désir que j’ai exprimé et qui doit aussi satisfaire la section centrale.

M. Dubois. - Je ne conçois pas les craintes que M. Doignon exprime par son amendement. Remarquez bien que jamais une commune ne peut demander un secours pour un établissement quelconque, sans que le commissaire du district ne soit appelé à juger de la nécessité de la demande. Quant aux établissements publics, il me semble rationnel qu’il soit permis aux commissaires d’arrondissement de les visiter, pour juger de l’opportunité des secours à accorder. Si une commune veut acheter un bâtiment pour fonder une école, n’y a-t-il pas nécessité que le commissaire d’arrondissement visite au moins une fois la localité, afin de savoir si l’établissement est utile, et si la commune doit faire des sacrifices pour l’obtenir ?

M. Desmanet de Biesme. - Je proposerais de rédiger le paragraphe de la manière suivante : « Ils peuvent visiter les établissements publics entretenus en tout ou en partie par les communes. » Il arrive souvent, messieurs, que les communes entretiennent en grande partie les établissements de charité. Je ne vois pas pourquoi alors, les commissaires d’arrondissements n’y exerceraient par une surveillance.

M. de Theux, rapporteur. - Je crois que pour prévenir toutes les difficultés qui viennent d’être soulevées, il suffirait de rédiger ainsi le paragraphe : « Ils peuvent visiter les établissements publics, entretenus par ces communes ou qui en reçoivent des secours. » Cette rédaction exprime la véritable pensée de la section centrale.

M. Dubus. - Je crois que la proposition de M. le rapporteur laisse les questions dans les mêmes termes. M. de Theux a cherché un synonyme, et il nous présente une rédaction qui est moins bonne que celle qui se trouve dans le projet de la section centrale.

La question est beaucoup plus grave que ne l’annonce le rapport, car il est à remarquer que dans le rapport, la question est à peine soulevée. Il s’agit d’une question que vous regretterez plus tard d’avoir préjugée dans cette délibération. Il s’agit de savoir si tous les établissements de la commune seront visités par le commissaire d’arrondissement. Il pourrait arriver que des établissements particuliers qui pourraient se maintenir avec quelques secours de la commune, renonceraient à ces secours s’ils étaient assujettis à la visite du commissaire d’arrondissement.

Je voterais contre l’article et même contre le projet, si le paragraphe était maintenu.

M. Legrelle. - De deux choses l’une : ou les secours seront périodiques, ou ils ne le seront pas ; si les secours sont périodiques, les établissements qui recevront ces secours rentreront dans le texte de l’article que M. Doignon propose ; si les secours ne sont pas périodiques, si les établissements ne sont pas entretenus, je ne vois pas pourquoi M. de Theux ne se rallierait pas encore à l’amendement, puisque ces sortes d’établissements ne doivent pas selon lui être soumis à l’inspection des commissaires d’arrondissement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Le gouvernement ne voulait pas plus que la section centrale attribuer au pouvoir exécutif une surveillance perpétuelle à l’occasion des secours accidentels ; sous ce rapport, quant à moi, je me rallierai à l’amendement qui donnerait au secours un caractère de périodicité ; la rédaction suivante obtiendrait mon assentiment : « Ils peuvent visiter les établissements publies entretenus on secourus habituellement par ces communes. »

Les visites n’ayant lieu qu’à propos de secours à accorder, je ne vois pas qu’il faille s’en effrayer. Si une commune proposait d’accorder un secours d’une grande importance en faveur de tel établissement il y aurait nécessité que le commissaire d’arrondissement visitât l’établissement, afin de s’assurer de l’urgence du subside. Mais alors que le commissaire d’arrondissement aura visité cet établissement, on ne peut prétendre qu’il a le droit à tout jamais de faire des visites.

Il faut remarquer que l’article ne parle que des établissements publics ; je ne connais pas d’établissements publics où l’administration ne puisse pas pénétrer. Je ne vois pas ce qu’il y a de mystérieux dans l’établissement dont il s’agit, pour qu’ils ne puissent être soumis à une surveillance périodique.

Dans tous les cas, mon amendement rallierait toutes les opinions, puisqu’il empêche les commissaires d’arrondissement de faire des visites accidentelles, alors qu’il s’agira de secours accidentels.

M. Dubus. - M. le ministre de l'intérieur vient de vous dire qu’il s’agissait d’établissements publics. Mais je ferai observer qu’on ne trouve nulle part dans la loi la définition de ce qu’on entend par établissements publics. Sous le gouvernement déchu, on considérait comme établissements publics, les établissements d’enseignement, en tout ou en partie entretenus aux frais des communes. D’après les termes de l’article, prenant la définition hollandaise, on considérera comme établissement public une maison d’enseignement, par cela seul qu’elle aura reçu un subside, et on prétendra avoir le droit de l’inspecter.

La question comme vous le voyez est très grave et en soulève beaucoup d’autres que ce n’est pas ici le moment de décider.

M. de Muelenaere. - Je n’ai pas bien saisi la force des objections qu’on fait contre l’article en discussion. En effet, que porte-t-il ? Que les commissaires de district peuvent visiter les établissements publics. Mais ces établissements me paraissent de droit soumis à la visite des commissaires de district. Dès l’instant qu’un établissement doit être entretenu ou secouru par la commune, il faut bien que l’autorité communale ou le commissaire du district qui la représente puisse surveiller ces établissements.

Je conçois des établissements d’une autre nature qui, sans être des établissements publics, sont momentanément secourus par la commune. C’est de ces établissements qu’a voulu parler M. Doignon, quand il a manifesté la crainte qu’un secours, une fois reçu, ne les assujettît pour toujours à des visites de l’autorité. Mais M. le rapporteur s’est expliqué à cet égard ; il vous a dit que telle n’avait pas été l’intention de la section centrale. En effet, aucune des dispositions de la loi ne peut la faire supposer. Et avant l’explication donnée par le rapporteur, j’aurais décidé qu’un établissement qui n’était pas secouru actuellement par la commune, ne pouvait être soumis à la visite du commissaire du district. Je ne sais pas ce qu’il irait faire dans un établissement qui ne serait pas public et qui ne recevrait pas de secours.

Le cas est différent quand on accorde des secours à l’établissement ; l’autorité a intérêt à connaître si on fait un bon usage des subsides accordés, et si dans le budget suivant il y aura lieu de les continuer.

Evidemment l’établissement cesserait d’être soumis à la visite, en renonçant au subside. Mais s’il voulait continuer à en jouir, il faudrait que l’autorité pût s’assurer qu’il n’y a aucun abus dans l’emploi qu’on en fait.

Je désirerais que les honorables membres qui ont manifesté des craintes à l’égard de la surveillance que l’autorité aura à exercer, voulussent bien les exposer d’une manière claire. Si la rédaction actuelle présentait quelque danger, je me joindrais à eux pour la modifier. Mais jusqu’à présent, je n’ai pas compris les inconvénients qu’on paraît avoir en vue d’éviter.

M. Doignon. - M. le rapporteur vous a dit que l’article serait applicable même à des établissements particuliers, lorsque ces établissements recevraient des subsides, et cependant le gouvernement ne doit pas avoir le droit de s’immiscer dans des établissements privés.

L’honorable préopinant a demandé qu’on précisât les inconvénients de l’article en discussion. Nous avons déjà eu l’honneur de le faire ; nous avons dit qu’il en résulterait que l’allocation seule d’un subside donnerait au commissaire de district au gouvernement, un droit de surveillance, d’inspection, sur les établissements qui l’auraient reçu.

M. de Muelenaere. - Il paraît qu’on a étendu le sens de l’article 122 ; car cet article ne parle que d’établissements publics, et on a dit que la visite s’étendrait aux établissements particuliers qui recevraient des subsides. Cependant la chose me paraissait raisonnable.

Une école est établie dans une commune ; elle n’est pas soumise à la surveillance de l’autorité. Mais si le maître de cette école demande un subside pour être à même d’agrandir le local qu’il occupe et qui lui appartient, l’autorité commune se montre décidée à accorder le subside ; mais la députation des états, avant de sanctionner la mesure prise, voudra savoir si la somme demandée est suffisante, si l’agrandissement est nécessaire, en raison du nombre des élèves qui fréquentent l’école ou peuvent le fréquenter d’après la population.

Une visite est donc nécessaire, indispensable, à moins que vous ne vouliez obliger l’autorité communale à accorder le subside sans connaissance de cause. Car si le commissaire ne peut pas visiter l’établissement, l’autorité communale ne le peut pas non plus, le droit est le même. En vous opposant à toute surveillance vous rendez l’allocation du subside impossible ; car si l’autorité ne peut pas franchir le seuil de la porte pour s’assurer si le subside est nécessaire, elle le refusera.

Je le répète, je ne vois aucun inconvénient, aucun danger dans cet article.

M. Dubus. - Je crois que je puis me prévaloir de ce que vient de dire l’honorable préopinant, pour prouver que la disposition est inutile. Si, dit-il, une école particulière réclame un subside, on voudra savoir si cet établissement mérite le secours qu’il sollicite, on voudra faire une inspection à cet effet.

Mais puisqu’on a ce moyen, on n’a pas besoin de la disposition qu’on veut insérer dans la loi. On aura toujours le moyen de faire cette inspection, quand on la jugera nécessaire avant d’accorder le subside, puisqu’on pourra toujours dire avant de l’accorder : je veux voir et je ne l’accorderai qu’à cette condition. Si le chef refuse de laisser voir, il ne recevra pas le secours, il y renoncera. C’est là tout le préjudice qui en résultera pour lui. Tandis qu’en adoptant l’article, nous le soumettons à une sujétion indéfinie pour avoir reçu un secours. Cet article préjuge des questions extrêmement délicates. Je persiste à en demander la suppression.

M. H. Dellafaille - je ferai observer à la chambre que la rédaction de la section centrale est assez vicieuse. Le terme d’établissements publics est trop vague et les explications données par l’honorable M. de Muelenaere prouvent que l’on peut comprendre par ces mots les établissements particuliers qui auraient obtenu un subside sur les fonds communaux. Il faudrait que la rédaction de l’article spécifiât les établissements que l’on peut envisager comme publics. Je pense qu’il n’y aurait aucun inconvénient à différer d’un jour le vote de cet article et à en demander le renvoi à la section centrale.

M. Desmanet de Biesme. - Je ne conçois pas les difficultés que présente à quelques membres l’interprétation de cet article. Personne ne conteste qu’un subside une fois donné à un établissement d’instruction publique, ne donnera un droit de surveillante au commissaire d’arrondissement que pour la durée de l’année dans laquelle ce subside aura été accordé. Voilà comme je conçois le droit accordé au commissaire d’arrondissement. Supposez qu’un particulier dote une fondation particulière d’une somme de 500 francs par an, et que la commune, trouvant ce revenu insuffisant l’augmente sur son budget d’une somme de 250 francs, évidemment le commissaire d’arrondissement devra s’assurer par lui-même de la nécessité de cette allocation. Lorsqu’elle cessera d’être accordée, le droit de surveillance cessera également. Je ne vois pas qu’il y ait matière à élever un doute.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - L’honorable M. Dubus a fort bien démontré les inconvénients que présente le second paragraphe de l’article qui nous occupe, et les objections de M. Desmanet de Biesme n’ont pas détruit son raisonnement.

Si l’article était admis tel qu’il est rédigé actuellement, dans le cas même où la commune n’accorderait pas de subside à un établissement particulier, celui-ci serait obligé de se soumettre à la surveillance du commissaire d’arrondissement parce que la loi lui imposerait cette obligation, tandis qu’il est clair que, sans que la loi le consacre, un établissement particulier, alors qu’il recevra un subside sur les fonds communaux, ne récusera jamais l’inspection de l’administration.

M. Devaux. - Quelques membres ont demandé le renvoi de l’article à la section centrale. Si ce renvoi avait lieu, je demanderais que l’article fût rédigé de manière que le mot d’établissements publics ne pût être appliqué aux écoles.

Ce n’est pas dans un article transitoire que nous devons trancher une question relative aux établissements d’instruction publique. Une commission s’occupe en ce moment d’une loi sur cette matière importante ; son projet, s’il vient à être adopté, offrira des garanties telles qu’il ne rencontrera pas d’objections au sujet du point que nous venons de toucher incidentellement. Nous devons prendre à tâche de ne pas décider une question qui pourrait avoir une grande portée. Attendons la loi sur l’instruction publique. Alors on vous présentera un système complet ; vous entendrez toutes les opinions et vous pourrez asseoir votre jugement. Jusqu’à cette époque n’entamons pas une question délicate.

M. de Muelenaere. - Le sens de l’article 122 m’avait paru très clair. La surveillance du commissaire de district devait se borner aux établissements publics. Mais les observations que je viens d’entendre m’engagent à appuyer le renvoi à la section. Je crois que c’est le parti à prendre à l’égard d’un article qui pourrait donner lieu à une interprétation dangereuse. Celui-ci n’explique pas assez nettement si la surveillance des établissements publics pourra s’étendre dans certains cas aux établissements particuliers.


- La division par paragraphes de l’article 122 étant demandée, la chambre vote sur le premier paragraphe.

M. Legrelle. - On pourrait rédiger ce paragraphe ainsi :

« Ils visitent au moins une fois par an toutes les communes de leur ressort et les caisses communales, etc. » au lieu de : « Ils vérifient ces caisses communales. »

M. Fleussu. - Ce ne serait pas la même chose.

- Le premier paragraphe est mis aux voix et adopté.


Le renvoi du deuxième paragraphe à la section centrale est mis aux voix et adopté.


L’article 142 du projet du gouvernement contenant ces mots : « Ils visitent les prisons, » que la section centrale a supprimés, et dont M. le ministre de l’intérieur demande le maintien, la discussion est ouverte sur ce paragraphe.

M. H. Dellafaille - Je demanderai à M. le ministre s’il croit que le maintien de ce paragraphe soit nécessaire. L’obligation de visiter les prisons est réglementaire. Elle ne doit pas figurer dans la loi provinciale.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Ce paragraphe n’est pas absolument indispensable, seulement il attire l’attention des commissaires de district sur ces établissements.

M. Helias d’Huddeghem. - Les grandes prisons de l’Etat seront-elles aussi soumises à la surveillance des commissaires d’arrondissement ? Ces établissements étant soumis à des commissions spéciales, me semble devoir en être exceptés.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Pour peu que ce paragraphe soulève des objections, je déclare consentir à son retranchement.

- Le troisième paragraphe de l’article 122 est mis aux voix et adopté.

Article 143 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 143.

« Un mois avant la réunion du conseil provincial, ils adressent à la députation un rapport sur les améliorations à introduire dans leur arrondissement, sur ses besoins et sur tout ce qui est de nature à être soumis au conseil provincial. »

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Cet article impose aux commissaires d’arrondissement une obligation très utile, celle d’adresser à la députation un rapport sur la situation de leur arrondissement ; j’en crois le maintien nécessaire.

M. de Theux. - je pense au contraire que cet article n’est pas indispensable. La députation pourra, lorsqu’elle le jugera convenable, demander aux commissaires un rapport sur la situation de leur arrondissement. Du reste, si l’article était conservé, il faudrait y apporter un changement, et mettre au lieu de : « Un mois avant la réunion du conseil provincial » ces mots : « Un mois au plus tard, etc. » Il faut laisser une certaine latitude à cet égard. Au surplus, je crois cette disposition plutôt réglementaire, et je pense qu’elle pourrait ne pas figurer dans la loi provinciale.

M. Legrelle. - Il me semble que cet article n’est pas inutile. Il peut arriver qu’il existe une divergence d’opinion entre les gouverneurs et les commissaires d’arrondissement, et comme les députations permanentes ont intérêt à connaître les faits, il faut que ceux-ci soient tenus par la loi d’adresser leurs rapports sans l’intermédiaire des gouverneurs. Il faut donc que l’envoi des rapport, sur la situation des arrondissements, soit une obligation, et non une faculté.

M. Desmet. - Cette disposition est inutile. Les commissaires transmettent aujourd’hui leurs rapports mensuels aux gouverneurs provinciaux.

M. Legrelle. - Cela n’a pas lieu dans toutes les provinces.

- L’article 143 mis aux voix est adopté.

Article 144 (du projet du gouvernement)

M. le président. - « Art. 144 (du projet du gouvernement). Ils sont en outre tenus de faire au mois de janvier de chaque année à la députation du conseil, un rapport général sur l’état de leur arrondissement pendant le cours de l’année précédente. Ce rapport doit être accompagné d’un tableau statistique formé d’après les modèles qui leur sont donnés. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 145 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La section centrale propose la suppression de l’article 145 (du projet du gouvernement) ; le gouvernement se rallie à cette proposition.

- L’article est supprimé.

Article 123 (du projet de la section centrale) et article 146 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 146 (123 de la section centrale) ; l’article de la section centrale auquel le gouvernement se rallie est ainsi conçu :

« Art. 123. Lorsque la sûreté publique est compromise ou la tranquillité troublée, ils sont tenus de veiller à ce que tous les moyens disponibles soient employés pour rétablir l’ordre ; ils peuvent au besoin requérir la gendarmerie ; ils en donnent sans délai connaissance au gouverneur. »

M. Milcamps. - Il me semble, messieurs, qu’il faudrait autoriser les commissaires de district à disposer de toute la force publique ou de ne leur permettre aucunement d’en disposer. En effet, que serait-ce qu’un commissaire de district qui devant employer les moyens possibles pour rétablir l’ordre, ne pourrait pas employer celui qui est le plus puissant ? Vous lui donneriez donc moins de pouvoir qu’aux bourgmestres qui ont le droit de requérir la force armée et de la mettre sous la surveillance de leurs subordonnés ? Il n’est d’ailleurs guère possible de diviser l’emploi de la force publique et de requérir seulement l’emploi de la gendarmerie ; tandis que les autres agents de la force publique demeureraient l’arme au bras. Je propose donc de mettre au lieu de : « Ils peuvent, au besoin, requérir la gendarmerie, » ces mots : « Ils peuvent, au besoin, disposer de la force publique. »

M. Devaux. - Il me semble que dans les articles où vous avez consacré le droit qu’a le gouverneur de disposer d’une partie de la force publique, vous aviez fait une distinction entre la gendarmerie ou la garde civique et l’armée de ligne ; il faudrait que l’article en discussion fût en harmonie avec ces articles-là.

M. de Muelenaere. - Messieurs, dans les articles 115 et 116 du projet, auxquels l’honorable préopinant vient de faire allusion, vous avez décidé que le gouverneur dispose de la gendarmerie et des gardes civiques pour le maintien du bon ordre et de la tranquillité pour la sûreté des personnes et des propriétés, mais que dans trois cas déterminés, ceux de rassemblements tumultueux, de sédition ou d’opposition avec voie de fait à l’exécution des lois ou ordonnances légales, il a le droit de requérir la force publique proprement dite, c’est-à-dire l’armée. Il faut évidemment que l’article en délibération soit mis en harmonie avec les articles 115 et 116.

Les commissaires de district aussi bien que le gouverneur, doivent veiller au maintien du bon ordre ; ils doivent dans les cas déterminés pour lui, mais seulement dans ces cas, pouvoir requérir la force publique.

M. Milcamps. - Je sens la justesse de l’observation qui vient d’être faite ; quand j’ai parlé de la force publique, je n’entendais pas désigner l’armée. Je modifierai donc ainsi mon amendement : au lieu de « la force publique, » je proposera de dire : « la gendarmerie et la garde civique. »

M. de Muelenaere. - Je propose un amendement ainsi conçu : « Les dispositions des articles 115 et 116 sont applicables aux commissaires de district. » (Adhésion.)

M. Pollénus. - Je pense qu’il serait exorbitant de déclarer communes au commissaire de district et au gouverneur, les dispositions des articles 115 et 116 établies pour le gouverneur seul.

On conçoit qu’un pouvoir aussi étendu de disposer des gardes civiques et de la gendarmerie a pu être attribué au chef de l’administration provinciale ; mais un pouvoir semblable ne peut être attribué à un agent inférieur, ce mot disposer porte fort loin.

D’ailleurs ceci se concilierait difficilement avec l’autorité territoriale des districts administratifs qui ne correspondent pas partout avec les lieutenances de la gendarmerie ; un pouvoir si extraordinaire pourrait jeter la perturbation dans l’action de la gendarmerie.

Le projet de la section centrale me paraît donner des moyens suffisants d’action aux commissaires de district.

M. de Theux, rapporteur. - Je pense qu’il vaut mieux maintenir la proposition de la section centrale. En effet, si les troubles ne s’étendent pas hors du territoire de la commune, il faut laisser à chaque administration communale le soin de requérir l’emploi de la force armée. Si au contraire les troubles deviennent de telle nature que l’intervention de l’autorité supérieure soit nécessaire, l’on doit s’en tenir à la réquisition du gouverneur. Il est à remarquer d’ailleurs que le gouvernement résidant toujours dans la principale ville de la province, il ne peut guère y avoir de troubles graves sans qu’il en soit informé.

Il faut aussi considérer que d’après la loi, les commissaires de district ne peuvent dans aucun cas disposer de la garde civique. Voilà, en effet, les premiers articles du titre III de la garde civique relatif au service :

« Art. 36. Dans les temps ordinaires, le service de la garde civique se fait par commune. »

« Art. 38. A la réquisition du bourgmestre de la commune et plus particulièrement à la campagne, la gendarmerie monte les gardes et fait les patrouilles nécessaires à la conservation des propriétés et à la sûreté des habitants. »

« Art. 39. En cas de troubles ou d’alarme, tous les gendarmes du canton prennent les armes ; ils se tiennent disponibles pour, à la première réquisition du chef de bataillon ou du bourgmestre de la commune en danger, se porter où leur présence est demandée. »

« Art. 40. La commission permanente du conseil provincial peut seule requérir la réunion des gardes de plusieurs cantons, dans les cas d’urgente nécessité et sous sa responsabilité. »

On voit que d’après la loi sur la garde civique les commissaires de district peuvent la requérir, et que les gouverneurs ne le peuvent qu’avec l’assentiment de la députation. Lors de la révision de la loi sur la garde civique, si on trouve à propos de donner aux gouverneurs ce droit, on introduira cette disposition. Cette faculté ne leur est pas accordée par la législation existante. Ce serait trop risquer que d’improviser aujourd’hui une disposition qui aurait pour but de donner aux commissaires d’arrondissement le pouvoir de requérir la garde civique. La disposition de l’article 123 suffit pour atteindre le but qu’on se propose maintenant.

M. Legrelle. - L’amendement proposé par M. de Muelenaere est contraire a la loi actuelle de la garde civique. Il y a un autre inconvénient, c’est de laisser aux commissaires la faculté de disposer de la garde civique de tout un canton, de plusieurs communes ; ils pourrait arriver que deux communes fussent en même temps dans un grand état de fermentation ; si pour venir au secours de l’une et y maintenir l’ordre, on enlève à l’autre sa garde civique, que fera-t-elle pour empêcher la tranquillité d’être troublée ? Le bourgmestre de cette commune serait sans moyens pour réprimer les perturbateurs.

M. Milcamps. - Je sais bien que la loi sur la garde civique charge les bourgmestres de requérir la force publique ; cela n’empêche pas que nous n’ayons à examiner la question de savoir si en donnant aux commissaires de district le droit de requérir la gendarmerie, il ne faut pas borner là leurs droits. Quand il y a tumulte dans une commune en vertu de ses fonctions, le commissaire s’y rend ; mais s’il n’a pas le droit de requérir la garde civique, elle pourra rester l’arme au bras en présence du désordre qu’elle repousserait si elle recevait des ordres. Je crois qu’on peut donner ce droit aux commissaires de district et qu’il n’y a pas de danger qu’ils en abusent.

M. de Theux, rapporteur. - Il y a une grande distance entre le pouvoir de requérir la gendarmerie et le pouvoir de requérir tout autre force publique. La gendarmerie est chargée de maintenir le bon ordre dans les campagnes ; les commissaires de district ont aussi pour attributions le maintien du bon ordre dans les communes rurales, aussi il est dans la nature de ces attributions de donner aux commissaires le droit de requérir la gendarmerie. Quant à la garde civique ou aux troupes stationnées dans l’arrondissement, le droit de les requérir, attribué aux commissaires, serait un droit exorbitant ; ce serait de plus un droit inutile, car le bourgmestre a le droit de requérir la garde civique de tout le canton dont sa commune fait partie.

Le bourgmestre, si dorénavant il est nommé par le gouvernement, ne manquera jamais, avec un pareil droit, de faire ses efforts pour maintenir l’ordre et d’user des facultés que la loi lui accorde pour réprimer le tumulte.

Au reste les communes et les villes sont si peu éloignées les unes des autres, que l’on peut toujours, en cas de troubles graves, en donner promptement avis au gouverneur de la province qui prendrait sur-le-champ des mesures efficaces contre les perturbateurs.

M. Milcamps. - Je retire mon amendement.

M. d’Huart. - Pour me dissuader de donner aux commissaires de district la faculté de requérir la garde civique de tout un canton, ou de tout son arrondissement, M. Legrelle vous a cité le cas où deux communes seraient en même temps menacées de troubles ; il ne veut pas qu’on prenne à l’une sa garde civique pour aller au secours de l’autre parce que toutes deux ont besoin également de la force publique ; moi, je dis que d’empêcher la réunion de la garde civique de tout un canton est un mauvais moyen de parvenir à rétablir l’ordre. Quand la tranquillité est troublée, il faut comprimer fortement, vivement, l’émeute ; il faut sur le champ déployer beaucoup de forces sur un point.

Si vous laissez les bourgmestres juges de la nécessité de convoquer la garde civique de leur commune pour porter secours à une autre par suites des craintes qu’ils concevront pour leur localité, ils s’abstiendront d’user de leur droit, et le désordre pourra régner là où on aurait pu le réprimer.

Je crois que l’on s’est trompé sur les pouvoirs des bourgmestres en leur attribuant celui de convoquer la garde civique dans toute l’étendue du canton dont leur commune fait partie.

Je vois beaucoup d’avantages à accorder aux agents de l’autorité, aux agents du gouvernement, le pouvoir de requérir la garde civique, et je n’y vois pas d’inconvénients.

M. de Theux, rapporteur. - Les termes de l’article 39 de la loi sur la garde civique sont formels : Le bourgmestre a le droit de requérir la garde civique, non seulement de sa commune, mais de tout le canton.

L’amendement de M. Milcamps étant retiré, il n’y a plus de discussion que sur ce qui concerne la garde civique. Je crois qu’il y a lieu d’ajourner toute disposition de cette nature jusqu’à l’examen du projet de loi sur la garde civique ; il ne faut actuellement rien innover à la loi du 31 décembre 1830.

M. de Muelenaere. - On paraît craindre des inconvénients dans la convocation des gardes civiques par les commissaires ; mais ces convocations devront avoir lieu dans des cas très rare ; je crois qu’on s’exagère le mal, et qu’on ne voit pas assez le bien qu’il peut en résulter. Il peut y avoir de grands désordres dans une commune rurale. Vous vous rappelez combien fut menacé un établissement appartenant à un membre du sénat ; on peut donc avoir besoin de beaucoup de forces sur un point. On dit que le bourgmestre a droit de requérir toute la garde civique d’un canton ; mais il n’existe aucune hiérarchie entre les bourgmestres des différentes communes, et les gardes civiques ne peuvent pas se rendre à la voix d’un bourgmestre qui n’est pas le leur.

Les gardes civiques obéiront toujours quand une autorité supérieure à l’autorité municipale se fera entendre ; et elle ne pourra se faire entendre que dans des cas très rares.

On peut sans inconvénients adopter l’amendement que j’ai proposé, et il ne peut permettre de concevoir aucune crainte.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je crois que les raisons qui ont engagé la chambre à adopter les articles 115 et 116 doivent la déterminer à prendre les dispositions de ces articles communes aux commissaires de district dans l’étendue de leurs ressorts. Si on veut préposer ces fonctionnaires au maintien de l’ordre, de la sûreté publique, il faut leur donner les moyens de réprimer promptement et efficacement le désordre.

Il est à observer que souvent les communes où il faudra porter la force publique, seront fort éloignées du chef-lieu, et que le désordre aura eu le temps de se consommer complètement avant qu’on ait pu obtenir l’intervention du gouverneur.

La disposition qui, dans la législation actuelle, met la garde civique d’un canton à la disposition du bourgmestre de l’une des communes de ce canton, me paraît devoir être très souvent inefficace ; il peut s’élever des conflits entre les bourgmestres du même canton ; ces bourgmestres dans l’idée de maintenir 1’ordre dans leur propre commune, ne consentiront pas toujours à ce qu’on éloigne la force dont ils disposent. Cependant, messieurs, ce ne sont pas les brigades de gendarmes qui peuvent toujours suffire empêcher les troubles dans les communes rurales.

Lors des troubles de Bruxelles vous vous rappelez que plusieurs maisons dans les campagnes avaient été menacées de dévastation : quelques gendarmes n’auraient pas pu les préserver du pillage. Nous avons dans tout le royaume 1,200 gendarmes ; c’est environ 26 gendarmes par district : ce n’est pas avec une telle force qu’un commissaire de district peut répondre de la tranquillité dans tout son arrondissement. Je crois qu’il faut adopter la proposition de l’honorable M. de Muelenaere.

M. Pollénus. - Je pense avec l’honorable rapporteur de la section centrale qu’il ne serait pas prudent d’improviser ici un pouvoir que n’ont point, jusques à présent, reconnu les gardes civiques.

Les sections s’occupent en ce moment du projet de loi sur la sûreté publique, à cette occasion, on pourra examiner avec maturité s’il convient dans des cas spéciaux, de donner le pouvoir dont il s’agit aux commissaires de district.

Il serait possible que l’amendement proposé puisse avoir son utilité ; mais il importe de bien examiner la portée d’une disposition nouvelle de cette nature.

D’ailleurs la révision des lois sur la garde civique est prochaine, on pourra alors examiner jusqu’à quel point il importe d’apporter une modification qui peut avoir des conséquences difficiles à calculer dans la discussion improvisée d’un amendement qui est proposé à la séance.

M. d’Huart. - J’avais perdu de vue l’article 37 de la loi sur la garde civique, lorsque j’ai dit que le bourgmestre ne pouvait faire toutes les réquisitions dans les communes. Quoi qu’il en soit, il y a avantage à ce que les commissaires d’arrondissement puissent requérir la force publique. Les districts se composent de plusieurs cantons, l’émeute peut éclater dans un canton éloigné, et le commissaire d’arrondissement aura plus de moyens pour la réprimer. Le meilleur moyen pour réprimer les troubles, est de leur opposer une force imposante et d’agir avec promptitude, Je le demande, que voulez-vous que la gendarmerie fasse lorsqu’elle est disséminée dans les cantons par brigades de 4 à 5 hommes, si l’émeute se manifeste dans une commune éloignée ?

Je le répète, il n’y a aucun inconvénient à ce que les commissaires d’arrondissement puissent requérir la garde civique, à moins qu’on ne croie qu’ils veulent se donner le plaisir de faire ruer la force publique contre des malheureux.

M. Devaux. - Vous avez déterminé les pouvoirs des gouverneurs, vous devez également déterminer ceux des commissaires de district ; car si les commissaires de district tenaient leurs pouvoirs de la loi d’une manière aussi absolue que les gouverneurs, il pourrait arriver que se trouvant tous les deux en même temps sur les lieux, un conflit s’établit entre eux, et qu’ils voulussent agir l’un et l’autre du chef de la même autorité, de la loi.

D’après ces observations, je pense qu’il faudrait introduire un léger changement dans l’article et dire que les pouvoirs conférés par les articles 115 et 116 aux gouverneurs, seront exercés sous leur surveillance par les commissaires de district.

De cette manière la hiérarchie est conservée, le gouverneur conserve toujours la haute main.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole pour combattre l’amendement du préopinant. Il pousse ses scrupules beaucoup trop loin. Je ne puis pas prévoir de conflit entre deux autorités dont l’une est subordonnée à l’autre, tellement que si celle-ci se trouvait le moins du monde gênée dans son action, elle pourrait briser l’obstacle par une suspension, en attendant la destitution.

C’est un inconvénient qu’il est inutile de prévoir, car je ne pense pas qu’un commissaire de district soit assez mal avisé pour persister à agir contrairement aux ordres de son chef immédiat.

Je pense qu’il faut maintenir la disposition telle qu’elle a été primitivement proposée.

M. de Theux, rapporteur. - Sous l’ancien gouvernement les commissaires de district n’avaient pas le droit de requérir la garde communale ; je ne vois pas pourquoi aujourd’hui, ils auraient le droit de requérir la garde civique qui est un pouvoir plus considérable. Il vaut mieux attendre la loi sur l’organisation de ce corps pour décider la question. Je crois qu’il serait dangereux d’improviser tout un système sur la distribution de la force publique dans un article de la loi provinciale.

M. Devaux. - Je viens de m’apercevoir que les dispositions de mon amendement sont prévues par l’article 120. Il devient par conséquent inutile.

- L’amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix et adopté.

Article 147 (du projet du gouvernement)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article 147 du projet du gouvernement, ainsi conçu :

« Les commissaires d’arrondissement remplissent en même temps les fonctions de commissaires de milice. »

La section centrale a demandé la suppression de cet article.

M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à la suppression proposée par la section centrale.

Article additionnel

M. le président. - M. Lardinois a présenté un article additionnel dont je vais donner lecture :

« Les commissaires d’arrondissement pourront faire personnellement, ou requérir les affaires de police judiciaire, chacun en ce qui les concerne, de faire tous actes nécessaires, à l’effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d’en livrer les auteurs au tribunaux. »

M. Lardinois a la parole pour développer sa proposition

M. Lardinois. - Je ne me déciderais pas à vous faire la proposition de conférer la qualité d’officier de police judiciaire aux commissaires d’arrondissement, si les circonstances dans lesquelles je me suis plusieurs fois trouvé ne m’en démontraient la nécessité. Je me bornerai ici à appuyer cette proposition seulement de considérations générales.

La sûreté publique exige que les délits qui troublent la société soient constatés et punis. A cet effet deux pouvoirs ont été désignés par le législateur, celui de la police et celui de la justice.

C’est donc dans l’intérêt de la société entière que la police judiciaire est exercée : aussi son action doit être modérée autant que vigilante et prompte.

Considérée sous ce point de vue, la police est une des premières garanties de la sûreté des personnes et des propriétés. Cette vérité n’a pas besoin de démonstration, chacun en est convaincu par l’expérience et les faits de chaque jour.

Le code d’instruction criminelle a déterminé par qui et sous quelle autorité est exercée la police judiciaire. Suivant l’article 10 les préfets aujourd’hui les gouverneurs sont revêtus de cette fonction. Voici comment est conçu cet article.

« Art. 10. Les préfets des départements et le préfet de police à Paris, pourront faire personnellement ou requérir les officiers de police judiciaire chacun en ce qui le concerne de faire tous actes nécessaires à l’effet de constater les crimes, délits et contraventions, et d’en livrer les auteurs aux tribunaux chargés de les punir, conformément à l’article 8 ci-dessus. »

Je pense, messieurs, que cette fonction doit également être conférée aux commissaires d’arrondissement. Vous ferez attention qu’elle s’exerce moins dans l’intérêt de l’autorité du pouvoir exécutif que dans celui surtout des citoyens.

Les fonctions de la police sont délicates et n’ont rien d’agréables pour ceux qui en sont chargés : personne ne les convoite, mais je suis d’avis que les fonctionnaires salariés doivent se rendre aussi utiles que leur position le comporte pour le bien de la société.

Je vous prie aussi de remarquer qu’à la différence des gouverneurs qui peuvent requérir tous les officiers de police judiciaire, les commissaires d’arrondissement, lorsqu’ils ne pourront agir par eux-mêmes, auront seulement le droit de requérir les officiers de police auxiliaires.

Comme cette proposition a une portée assez grande, j’en demande le renvoi à la section centrale.

M. de Theux, rapporteur. - J’en demande le renvoi jusqu’à la révision du code d’instruction criminelle. (On rit.)

M. Lardinois. - C’est d’après l’opinion même de M. de Theux que j’ai cru devoir soumettre cette proposition à la chambre.

M. de Theux, rapporteur. - M. Lardinois a pris au sérieux une plaisanterie que j’avais faite. (Hilarité générale.)

- La séance est levée à 5 heures.