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d’intention
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Chambre des représentants de Belgique
Séance du jeudi 5 juin 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre
2) Proposition de loi relative aux
droits d’entrée et de sortie des céréales (Eloy de Burdinne)
3) Fixation de l’ordre des travaux
de la chambre. Garde civique (H. Dellafaille)
4) Projet de loi visant à interdire
les démonstrations publiques (notamment : liberté de la presse et recours
au jury d’assises) en faveur de la famille d’Orange-Nassau (Milcamps,
Jullien, Donny, Pollénus, Gendebien, Pollénus, Jullien, Gendebien, A. Rodenbach, Rogier, de Man d’Attenrode, Gendebien, Vandenheyden, Pollénus, C. Rodenbach, Trentesaux, Lebeau, Fleussu, Lebeau, Jullien,
H. Dellafaille, Trentesaux,
Milcamps, de Theux, Pollénus, Trentesaux, Dubus, Lebeau, Gendebien,
Legrelle, C. Rodenbach, Fallon)
(Moniteur belge n°157, du 6 juin 1834)
(Présidence de M. Raikem)
La séance est ouverte à midi.
M.
de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.
M. H. Dellafaille donne lecture du
procès-verbal de la séance d’avant-taler ; il est adopté sans réclamation.
M.
de Renesse fait connaître l’objet des pétitions suivantes adressées à
la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Les habitants
notables des communes composant les cantons de Péruwelz et de Leuze demandent que
la chambre donne son assentiment au projet de supprimer la classe des notaires
de canton pour leur donner le rang de notaires d’arrondissement. »
- Renvoyée à la
commission chargée de l’examen du projet de loi sur la circonscription des
justices de paix.
_______________
« Les habitants
notables de la commune de Baugnies réclament contre le projet de les réunir au
canton d’Antoing. »
- Renvoyée à la même
commission.
_______________
« Plusieurs
bateliers de Mons se plaignent de l’élévation du droit de patente, et demandent
que le droit perçu sur les bateaux qui prennent charge sur le canal de Mons et
destinés pour la France, soit réduit au quart du droit actuel. »
Renvoyée à la commission
des pétitions.
________________
Un congé est accordé à
M. Verdussen pour cause de santé.
PROPOSITION DE LOI
RELATIVE AUX DROITS D’ENTREE ET DE SORTIE DES CEREALES
M. Eloy de Burdinne. est appelé à la
tribune pour donner lecture d’une proposition concernant l’entrée et la sortie
des céréales et qu’il a déposée sur le bureau dans l’une des précédentes
séances.
- La chambre entend le
développement des motifs qui ont déterminé l’honorable membre à faire sa
proposition. La prise en considération de cette proposition est mise aux voix
et adoptée.
La chambre ordonne le
renvoi dans les sections.
FIXATION DE L’ORDRE
DES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
M. H. Dellafaille - Je désirerais que l’on
mît à l’ordre du jour le projet de loi sur la garde civique. Je ne pense pas
que l’on puisse le discuter dans cette session. Mais il est important que
l’examen en soit fait, afin que lorsque nous nous réunirons de nouveau, nous
puissions nous en occuper immédiatement.
M. Eloy de Burdinne. - Je désirerais que
la position fâcheuse de l’industrie agricole fût ajournée...
M.
le président. - Je ferai observer à l’honorable M. Eloy de Burdinne
qu’il n’est plus question de sa proposition, la chambre venant de rendre une
résolution à cet égard.
M. Eloy de Burdinne. - Si j’ai bien
compris M. Dellafaille, il voudrait que le projet de loi sur la garde civique
passât avant celui que je viens de présenter. (Dénégations.)
M.
le président. - La chambre adoptant, je le pense, la proposition de M.
Dellafaille, le projet de loi sur l’organisation de la garde civique sera
immédiatement renvoyé dans les sections.
PROJET DE LOI VISANT A
REPRIMER LES DEMONSTRATIONS EN FAVEUR DE LA FAMILLE D’ORANGE-NASSAU
Discussion générale
M.
Milcamps. - Toutes les fois que les ministres du Roi viendront nous
demander des mesures pour affermir le trône et notre indépendance, ils
trouveront dans cette chambre leur vœu devancé ; et chacun de nous s’attachera
seulement à reconnaître si celles qu’on nous propose sont propres à atteindre
ce but.
Par l’article premier de
son projet, le gouvernement propose de punir d’un emprisonnement d’un à cinq
ans et d’une amende de 500 fr. à 10,000 fr., « quiconque aura publiquement
appelé ou provoqué le retour de la famille d’Orange-Nassau, ou d’un de ses
membres. »
L’objet de cet article
premier, parait de punir seulement les actions ou les discours qui présentent
le caractère d’une excitation au retour de la famille d’Orange-Nassau, et non
la manifestation publique de simples vœux, ou d’une opinion favorable au retour
de cette famille.
Je sais bien qu’en
semblable matière, d’après la jurisprudence, c’est à l’intention qu’on s’attache
; il faudra voir si par ses actions ou par ses discours l’individu a eu
l’intention de provoquer le retour de la famille d’Orange.
La cour de Nancy a eu à
juger si les propos suivants constituaient le délit de provocation à s’armer
pour le retour de Napoléon :
« Depuis que Louis
XVIII était sur le trône, que l’ouvrage n’allait plus, qu’il ne payait
personne, que l’on était plus heureux sous le règne de Napoléon, qui venait
d’envoyer à Nancy des tonneaux d’argent pour payer partout où il devait : qu’il
allait laisser faire les moissons tranquillement, qu’ensuite il reviendrait en
France et qu’on verrait beau jeu. »
La cour n’a pas trouvé
dans ce discours une provocation directe, excitant les citoyens à s’armer
contre le gouvernement ; mais elle a considéré qu’on ne pouvait se défendre du
regret de ne trouver dans le code pénal aucune disposition propre à réprimer
par l’application des peines analogues et proportionnées des déclamations
téméraires qui, sans offrir le caractère grave de la conspiration et de
l’attentat, ébranlent cependant l’ordre social, en atténuant les sentiments de
respect et de confiance qui doivent réunir tous les Français dans l’amour de
leur roi et de son gouvernement.
L’article 1er du projet
du gouvernement ne paraît pas punir ces sortes de propos ou de déclamations
inconvenants : sont-ils atteints par l’article 2 ? c’est ce que nous
examinerons.
A l’article 1er du
projet du gouvernement la section centrale propose un amendement.
Mais cet amendement
paraît consacrer le même principe que le projet du gouvernement, l’un et
l’autre ne punit que l’action, que le discours qui caractérise la provocation
ou l’excitation au retour de la famille d’orange ; seulement la Section
centrale indique les moyens par lesquels la provocation a lieu.
Ainsi, au fond, les deux
propositions sont les mêmes ; si l’une peut être adoptée, l’autre peut l’être
également. Je termine ici mes observations sur l’article 1er.
L’art. 2 du projet du
gouvernement punit quiconque aura fait une démonstration publique en faveur de
la même famille où d’un de ses membres.
J’ignore si ce terme a
déjà été employé dans le langage des lois pénales. Il semble signifier l’action
de montrer, de caractériser par des signes extérieurs et sensibles ce qui est
intérieur et insensible.
Ainsi, si l’on signe une
souscription pour de chevaux destinés au prince d’Orange, et la liste étant
rendue publique, ce sera une montre d’attachement et d’affection pour ce
prince, une démonstration publique qui entraînera la peine prévue aux termes de
l’article 2 du projet.
Mais
il ne paraît pas qu’on puisse considérer comme rentrant dans le terme de
démonstration publique en faveur de la maison d’Orange, des propos tenus dans
un lieu public tels, par exemple, que ceux-ci : « qu’on est pour le roi
Guillaume, qu’on était plus heureux sous son règne, qu’on désire son retour,
qu’il reviendra, qu’on verra beau jeu. » Ces propos n’ont pas le caractère
grave de provocation ; ils ne constituent qu’une opinion, un vœu offensant pour
le Roi des Belges, et pouvant, ainsi que le faisait sentir la cour de Nancy,
ébranler les bases de l’ordre social.
Eh bien, je n’aperçois
dans le projet qui nous est soumis rien qui empêche d’émettre des vœux, des
opinions de cette nature dans un lien public en faveur de la famille d’Orange-Nassau,
à moins que démonstration ne soit synonyme d’opinion. Si telle n’était pas
l’intention des auteurs du projet, il serait à mon avis nécessaire de rendre la
disposition plus claire ; si telle est leur intention, alors le projet n’offre
guère qu’une modification de l’art. 102 combiné avec du code pénal, et il ne
pourrait y avoir aucune difficulté à l’adopter.
M.
Jullien. - Je plains tout gouvernement constitutionnel qui se croit
obligé, pour se soutenir, de recourir à des lois d’exception. C’est une preuve
évidente, ou bien qu’il a amassé contre lui assez de haines, soulevé des
passions assez redoutables pour compromettre son existence, ou bien que la peur
a égaré sa raison. Dans tous les cas, soyez certains, messieurs, qu’un tel
gouvernement n’a pas longtemps à vivre. L’expérience des quarante années qui
viennent de s’écouler est là pour justifier ce que j’avance.
On vous propose une loi
dirigée uniquement contre ceux de nos concitoyens qu’on appelle orangistes.
Ainsi, vous le voyez, cette loi n’est pas, à proprement parler, une loi, parce
qu’une loi, même d’exception, lorsqu’elle sort du droit commun, est pour tous
et contre tous, tandis qu’ici c’est une opinion, un parti que la loi entend
poursuivre.
Messieurs, ces seules
considérations me décident. Je repousserai une loi contre les orangistes avec
autant d’énergie que je combattrais une loi qui, dans un changement de
position, serait présentée contre les catholiques, les libéraux, les patriotes
; en un mot, contre une fraction de la nation qu’on voudrait persécuter au
moyen de lois d’exception, qu’on voudrait mettre hors du droit commun.
Je suis de ceux qui
pensent qu’il ne faut pas poser de précédents funestes. Nous avons tous assez
vécu pour savoir qu’en temps de révolutions, il n’est pas de parti qui n’ait eu
ses jours de deuil et ses jours de triomphe ; que les vaincus de la veille sont
souvent les vainqueurs du lendemain. D’après cette expérience tâchons de ne pas
oublier le passé et d’avoir des prévisions pour l’avenir.
Mais, disent les
ministres et quelques honorables membres après eux, c’est dans l’intérêt même
des orangistes que cette loi est présentée, c’est pour garantir et consolider
leur sûreté personnelle. Je crois que s’il y avait ici des orangistes, puisque
ce sont eux qui sont en cause, ils pourraient bien dire au ministère qu’ils le
dispensent du tendre intérêt qu’il leur porte, qu’il suffit de les avoir laissé
piller, sans encore, par une espèce de dérision amère, venir prétendre qu’il
les protège en les livrant à des persécutions que toutes les précautions du
monde ne pourront leur faire éviter.
Qu’on ne vienne donc pas
par ce prétexte essayer de colorer une loi d’exception ; car ce n’est pas
protéger les orangistes que de les soumettre de un à cinq ans de prison et à
une amende de cinq cents francs à dix mille francs pour des actes dans lesquels
ils seront compromis toutes les fois que cela plaira au gouvernement.
Mais, dit encore le
ministère, il ne faut pas non plus craindre l’abus qu’on fera de cette loi.
Voyez la longanimité du ministère, son administration paternelle. A-t-il jamais
abusé des lois contre ceux qui ont fait d’odieuses provocations contre le
gouvernement ?
Messieurs, ces paroles
sont celles qu’on trouve toujours dans la bouche de ceux qui se réservent
l’occasion d’abuser de ces lois, quand le temps en sera venu. Peut-être n’en
fera-t-on pas usage de suite. Mais vienne une crise réelle ou factice, et vous
verrez quel usage on fera de cette arme. Les ministres l’emploieront à deux
mains ; ils frapperont non seulement sur les orangistes, mais surtout ceux qui
leur plaira de compromettre sons ce nom, car rien n’est plus vague, rien
n’ouvre une plus large voie à l’arbitraire que les termes dans lesquels les
articles 1 et 2 de cette loi sont conçus.
Il n’y a rien de plus
vivace que les mauvaises lois ; et même quand elles sont oubliées ou abrégées,
on les fait revivre comme vous l’avez vu de la loi de vendémiaire an VI. On
doit toujours éviter de faire des lois d’exception, parce qu’il vient des temps
de calamités où on ne manque pas de les rappeler et de s’en servir. Bien qu’on
en ait dit précédemment, je soutiendrai toujours que cette loi de vendémiaire,
malgré l’usage qu’on en fait, est abrogée et qu’elle restera abrogée.
Je ne crois même pas qu’il
existe dans le royaume un seul tribunal qui aurait assez peu de pudeur pour
dire que cette loi n’est pas abrogée, si la question lui était directement
soumise. Aussi n’est-ce pas sur cette question que nous avons à en prononcer.
Elle n’a été qu’effleurée dans la discussion.
Messieurs, je vous le
demande, quand cette loi aura passé, si tant est qu’elle passe, que
produira-t-elle ? Elle produira des poursuites contre les hommes qui seront
persécutés pour leur opinion, pour avoir témoigné leur affection pour une
famille par des propos insignifiants qu’on aura toujours soin d’envenimer. Ces
procès ensuite n’aboutiront qu’à faire du scandale et à provoquer la sympathie
qui accompagne toujours les accusés quand ils ne sont poursuivis que pour leur
opinion. Cette sympathie de tous les peuples a toujours entouré les accusés
politiques aussi bien que les refugiés politiques, et celle du peuple belge ne
leur a jamais manqué. Toutes les fois que pour son opinion un homme est obligé
de s’expatrier, aussitôt tous les sentiments d’humanité s’éveillent pour lui.
Vous en avez donné une preuve éclatante dans la loi d’extradition, en posant ce
principe fondamental, que jamais les réfugiés politiques ne pourraient être
livrés. Livrer un réfugie politique serait de la part d’un gouvernement un acte
de lâcheté qui exciterait le blâme et le mépris de tous les peuples de
l’Europe.
Voilà donc ce que
produirait la loi : du scandale, en jetant le trouble et la perturbation dans
l’Etat, au moment où nous commençons à jouir de quelque tranquillité, et cela
pour servir des délateurs, des hommes qui, pour attraper les places qu’ils
sollicitent, épient l’occasion de prouver au pouvoir leur servilité.
Si je me demande où est
la nécessité de la loi qu’on nous propose (car, pour sortir du droit commun et
de la constitution, il faut au moins qu’il y ait nécessité) ; eh bien je ne la
vois pas. On prétend qu’elle est dans l’intérêt de la sûreté de l’Etat.
Je défie à qui que ce
soit de citer un délit, un crime possible contre la sûreté de l’Etat, qui ne
soit pas prévu largement par le code impérial ; je défie qu’on me cite un fait
véritablement crime ou délit, car il ne s’agit pas de s’attacher à des choses
insignifiantes, de servir des haines, des caprices, des passions ; je défie,
dis-je, qu’on m’en cite qui ne soient prévus par le code pénal, et même d’une
manière qui a paru à tous les jurisconsultes, à tous les légistes, trop sévère.
Si donc il n’y a pas nécessité, pourquoi présenter cette loi aux chambres,
provoquer de nouveaux désordres politiques, lorsque dans l’exposé des motifs on
dit que les individus contre lesquels la loi est faite sont en petit nombre et
n’inspirent aucune espèce de méfiance au gouvernement ? Et c’est contre des
individus en petit nombre et qui n’inspirent aucune espèce de méfiance au
gouvernement, qu’on propose des lois d’exception, des lois de véritable
persécution.
Jetez vos regards en
arrière vers cette époque désastreuse de 93. Rappelez-vous toutes ces lois de
terreur et de vengeance, la fameuse loi des suspects, celle qui punissait de
mort ceux qui parleraient de rétablir la royauté, ou qui appelaient ou
provoquaient le retour des Bourbons, celle qui obligeait les citoyens à
produire, sous peine de prison, un certificat de civisme. Que sont devenues
toutes ces lois ? La royauté a été rétablie, les Bourbons sont revenus, la
morale publique a fait justice de toutes ces folies révolutionnaires ; mais
l’impitoyable histoire les a flétries, n’a pas toujours fait grâce à leurs
auteurs. C’est, croyez-moi, le sort qui attend cette loi si elle passe.
Messieurs,
vous avez déjà remis, implicitement du moins, dans les mains des ministres le
pouvoir dictatorial sur les étrangers ; il peut en user et abuser à son gré.
Oui, il faut que les étrangers le sachent bien, leur sort, leur existence en
Belgique dépend entièrement de M. Lebeau. Quant à moi, je n’ai pas assez de
confiance en eux pour ajouter à cette puissance exorbitante, celle de
persécuter à l’intérieur, non seulement tous ceux qu’on appelle orangistes,
mais encore tous les habitants qu’il leur plaira de compromettre sous ce nom
dans les persécutions que leur loi leur apprête.
J’arrêterai là mes
observations dans la discussion générale ; quand on en viendra aux articles de
la loi, je tâcherai de surmonter tout le dégoût qu’ils m’inspirent, et
j’établirai que jamais loi n’a présenté un vague si dangereux que celui des
deux premiers articles, à tel point qu’on en peut déduire à la fois les
conséquences les lus absurdes et les plus funestes aux accusés.
M.
Donny. - Messieurs, ordinairement les lois de la nature de celle qui
vous est soumise ont pour but principal de protéger les institutions d’un pays
contre l’attaque des factions. On ne fait ordinairement de ces sortes de loi
que lorsqu’il se trouve dans le pays un parti ennemi, assez puissant pour
inspirer de vives inquiétudes sur la stabilité des institutions nationales.
Comme il n’existe rien de semblable en Belgique, où le seul parti dissident est
si faible qu’il ne peut réellement inspirer aucune crainte raisonnable, il
paraîtrait au premier abord que le projet de loi est inutile. Aussi ne suis-je
pas surpris de voir que ce projet rencontre de l’opposition dans cette
enceinte.
Mais si la loi,
considérée comme moyen de protéger nos institutions, n’est pas nécessaire, elle
peut être, sous un autre rapport, d’une grande utilité pour le pays. C’est ce
que je vais tâcher d’établir.
Les démonstrations
insensées de ceux que l’on désigne sous le nom d’orangistes ne peuvent sans
doute compromettre le sort politique du pays. Mais il est évident aux yeux de
tout le monde qu’elles ont exercé l’influence la plus pernicieuse sur la
moralité de nos populations. Une expérience réitérée ne nous a que trop fait
voir quelle indignation extraordinaire ces démonstrations ont excitée,
indignation qui s’est manifestée par des actes coupables que nous devons tous
déplorer, mais qui ne doivent surprendre personne. Messieurs, un patriote
éclairé et calme peut se contenter d’opposer aux menées du parti orangiste un
simple sourire de mépris ou de pitié ; mais les masses ne sont pas susceptibles
de s’élever à des sentiments de cette nature ; chez elles l’injure appelle
toujours la vengeance ; et lorsque la loi est impuissante pour réprimer ceux
qui insultent le peuple, le peuple n’est que trop disposé à se faire justice
par lui-même, dût-il à cet effet fouler aux pieds toutes les lois du pays.
C’est là ce qu’il a fait dans une occasion récente dont le souvenir nous
affecte encore si péniblement. Il est, messieurs, de notre devoir de prévenir
le retour de semblables excès ; il est de notre devoir de prendre des mesures
pour empêcher que les désordres et le pillage ne prennent racine dans les mœurs
du peuple.
Et cependant, c’est
immanquablement ce qui arriverait si des démonstrations évidemment hostiles à
l’esprit public devaient continuer à jouir de l’impunité dont elles ont joui
jusqu’ici.
Pour contenir le peuple
dans les bornes légales, pour l’empêcher de se familiariser en quelque sorte avec
l’anarchie, il est, je pense, nécessaire de prendre une double mesure. Il faut,
d’un côté, s’opposer avec la plus grande énergie aux débordements de
l’effervescence populaire ; mais en même temps il faut, d’un autre côté,
réprimer avec tout autant de vigueur ces provocations insolentes qui sont la
cause véritable, je dirai même la cause unique des événements que nous
déplorons.
Nous
devons nous placer entre le peuple et les orangistes, non pas pour conserver à
ceux-ci la pleine liberté d’outrager impunément, tout en empêchant celui-là de
repousser l’outrage, mais pour réprimer d’une main la vengeance populaire, et
de l’autre les causes qui appellent cette vengeance ; en un mot, pour contenir
également et le peuple et les orangistes.
C’est probablement pour
atteindre ce double but que le gouvernement vous a proposé à la fois ces deux
lois, dont la première vous est soumise en ce moment. C’est aussi pour
atteindre ce double but que je donnerai l’appui de mon vote à ces deux lois, en
commençant aujourd’hui par celle qui est en discussion. En disant que
j’appuierai cette loi, j’entends surtout en soutenir le principe ; quant aux
dispositions de détail, je n’entends pas les défendre contre les modifications
qui pourraient être présentées. Je tiens au principe, mais dans le cours de la
discussion, je me rallierai aux dispositions partielles qui seront accueillies
par la majorité de cette chambre.
M. Pollénus, rapporteur. - Messieurs, le projet du
gouvernement a apparu à toutes vos sections et à la section centrale comme une
loi d’ordre et de nécessité. L’adhésion qu’il a rencontrée, et après les
discours de deux honorables préopinants, me dispense d’entrer dans de longs
détails pour en justifier l’opportunité ; je ne vous présenterai donc point
d’idées générales sur une question que chacun de nous connaît : la Belgique ne
peut souffrir plus longtemps qu’une faction impuissante continue à provoquer
par des menaces ou par des démonstrations, tantôt directes, tantôt tortueuses,
l’effervescence populaire, et vienne ainsi périodiquement compromettre le bon
ordre.
Mais, dit-on, pourquoi
une loi d’exception dans un pays où la grande majorité de la nation ne cesse de
donner des témoignages du plus vif attachement à ses institutions ?
Pourquoi ? parce que
l’impunité, en favorisant les desseins de nos ennemis, entretient parmi le
peuple une irritation qui est nuisible à tous les intérêts puisqu’elle diminue
cette sécurité qui doit en assurer le développement ; parce que cette impunité
entraîne le peuple irrité à se rendre justice lui-même, et paralyse ainsi les
garanties que toute société doit offrir aux personnes et aux propriétés.
Après différents
jugements d’acquittement qui ont si péniblement affecté le pays, et dont certes
vous avez gardé le souvenir ; après les tristes événements de Bruxelles,
faudrait-il autre chose encore pour démontrer l’insuffisance des lois
ordinaires, et partant la nécessité de la loi temporaire que votre section
centrale m’a donné mission de venir défendre devant vous ?
Quiconque veut qu’il y
ait une Belgique, doit vouloir qu’il y ait des moyens d’ordre.
Messieurs, dans
différentes occasions vous avez entendu dire au gouvernement, restant dans
l’inaction en présence de l’audace des orangistes : Si les moyens vous manquent,
adressez-vous à la chambre. Eh bien le gouvernement s’adresse aujourd’hui à la
chambre ; la chambre, j’en suis sûr saura répondre à cet appel.
La loi proposée a pour
but unique de donner une sanction au décret du congrès national du 24 novembre
; le jury, ne peut ainsi se méprendre sur le caractère des faits, sur les
provocations directes ou détournées que le projet est destiné à réprimer.
J’aborde quelques-uns
des moyens qui m’ont paru les plus saillants dans les discours des honorables
membres qui viennent de prendre la parole avant moi.
Le projet punit une
simple opinion, a dit M. Jullien ; il y a là erreur : une opinion qui se
traduit en provocations n’est plus une opinion ; c’est un délit dans les cas
prévus par la loi proposée, et il ne pouvait en être autrement, sans quoi le
décret d’exclusion serait illusoire et sans sanction aucune.
L’honorable préopinant
auquel je réponds paraît s’effrayer des termes de l’article premier qui lui
paraissent trop vagues. Une loi de la nature de celle que nous discutons n’est
guère susceptible de cette précision que comporte le style des lois ordinaires.
Il faut ici, autant que possible, prévenir les subterfuges et les moyens
échappatoires que savent se ménager les hommes de mauvaise foi exercés à manier
le style de la diffamation et de la sédition.
Ce vague ne doit pas
effrayer, puisqu’il se trouve corriger par les formes garantissantes que
présente le jugement par jury, qui, dans l’appréciation du fait, est appelé à
répondre aussi bien à la question de moralité que de matérialité du fait qu’il
est appelé à juger. Je l’ai déjà dit, le jury ne peut se méprendre sur le
caractère des faits que le projet est destiné à réprimer ; et dans
l’appréciation de l’intention il y aura, indépendamment des circonstances du
fait en lui-même ; des moyens d’appréciation à puiser dans les antécédents que
peut offrir l’accusé. Est-ce un citoyen qui a donné des gages de son
attachement à nos institutions nouvelles, ou bien qui est resté étranger aux
événements politiques ? Dans ces deux cas, quoique avec quelque différence, sa
conviction sera difficile.
Mais l’accusé est-il un
de ces hommes qui ont trempé dans les conspirations de février, de mars ou
d’août ; qui ont pris part à ces machinations qui tendaient à attirer sur la
Belgique les calamités d’une invasion ennemie que quelques insensés sont allés
mendier auprès des cours du Nord ; qui ont pris part à cette souscription qui a
eu de si déplorables résultats ? Est-il un de ces hypocrites dont la conduite
dans ses traits les plus saillants est une attaque continue contre la
révolution, qu’ils vantent lorsque leur intérêt personnel leur commande parfois
une semblable tactique ? Tous ces faits, en tombant sous l’appréciation du jury
dans la question d’intention, sont de nature à lui faciliter singulièrement le
jugement qu’il est appelé à porter sur les éléments de l’accusation qui lui est
soumise.
Une
définition précise, si elle était possible dans une loi de cette espèce,
essuierait peut-être le reproche qu’elle consacre l’arbitraire dans la loi
même. Le projet, en attribuant une large appréciation aux jurés, est attaqué
parce qu’il est vague ; cependant les criminalistes préfèrent souvent
l’arbitrage du juge à l’arbitraire de la loi.
Le projet est destiné à
atteindre toutes provocations quelconques faites en faveur de l’un des membres
de la dynastie déchue ; le caractère essentiel de ces provocations, c’est
qu’elles soient dirigées contre le but que se propose le décret d’exclusion
dont la loi proposée n’est que la conséquence.
Je pense avoir réfuté
les principaux moyens que j’ai saisis dans la discussion générale ; la
discussion des articles me fournira probablement d’y revenir et de les aborder
plus spécialement.
M.
Gendebien. - Je ne veux pas de nouveau m’attacher à combattre une loi
dont le sort ne peut être douteux, quelque exorbitante qu’elle soit ; je tiens
seulement à répondre à une objection
faite par M. le ministre de la justice dans la séance d’hier.
Voici les paroles de M.
le ministre :
« Messieurs, je ne
conçois pas la théorie de l’honorable préopinant. Quoi ! des lois d’ordre
public ne devraient jamais être présentées aussi longtemps que l’existence d’un
gouvernement ne serait pas remise en question ? Quoi. ! la répression légale,
la répression exercée par le jury, c’est-à-dire par le pays lui-même, cette
répression ne pourrait être demandée que contre des actes qui auraient, par la
sympathie qu’ils rencontreraient dans une partie de la nation, un tel caractère
de gravité qu’elles mettraient l’Etat en péril ? »
Messieurs, il serait
absurde de me supposer une pareille théorie. Non, l’Etat ne doit pas attendre
qu’il soit en péril pour venir au secours des institutions du pays ; mais
l’Etat est-il en péril, est-il désarmé ? N’a-t-il aucun moyen de prévenir une
catastrophe ? Ainsi que je l’ai dit hier, le code impérial ne suffit pas ? Le
titre III du code pénal, la loi sur la presse ne suffisent-il pas ? A-t-on
besoin enfin d’un nouvel arrêté d’avril 1815 ? D’un nouvel arrêté dc 1815 !
Mais cet arrêté s’adressait à tout le royaume, et la loi actuelle ne s’adresse
qu’à une petite fraction du pays. L’arrêté a été fait dans un moment où l’Etat
hollando-belge était en péril, et aujourd’hui, je le demande, où sont les
périls ? Pourquoi établit-on des catégories ?
En admettant même qu’il
y ait des dangers, n’avez-vous pas les lois nécessaires ? n’êtes-vous pas armés
du code impérial, du code pénal, et de la loi sur la presse ?
C’est d’après ces
considérations, messieurs, que j’ai dit que la loi était inutile, et même
dangereuse, parce qu’elle donnait à entendre dans les pays étrangers et aussi
dans nos provinces, que le parti orangiste était nombreux, qu’il avait de la
consistance et des chances de succès.
Ne savez-vous pas que le
peuple, lorsqu’il croit avoir à se plaindre, se laisse aller souvent à suivre
le torrent des masses ? Si vous présentez comme si nombreux le parti orangiste,
vous couviez les esprits faibles et douteux, les Belges qui ont souffert de la
révolution, à regarder comme une planche de salut le parti qui viendrait les
retirer de leur position présente.
Je l’ai dit hier, la loi
est imprudente vis-à-vis des étrangers, vis-à-vis de nos propres concitoyens ;
et tout en donnant un démenti à l’opinion publique, vous mentez à l’Europe
lorsque vous lui faites croire que le parti orangiste est tellement puissant
que, pour réprimer ses tentatives, il faut plus que toutes les lois dont vous
êtes armés.
Voilà ce que j’ai dit
hier, et je n’ai pas vu que M. le ministre et aucun orateur y aient répondu.
Vous demandez une
nouvelle loi ; prouvez la nécessité de cette loi, soit par l’existence de
dangers que ferait naître la puissance des orangistes, soit par l’absence de
lois suffisantes. Prouvez cette nécessité, prouvez qu’il y a sage prévoyance
dans votre projet, et je serai le premier à l’appuyer de toutes mes forces.
Mais votre loi n’a aucun but de prévoyance, et ce serait d’ailleurs un miracle,
car vous n’avez jamais été prévoyant. Ici encore, non seulement vous êtes
imprévoyant ; mais vous êtes coupable d’une haute imprudence.
Vous dites que le jury
est apte à juger les accusations qui seront portées ; sans doute, j’ai pleine
confiance dans la sagesse du jury, et je suis persuadé qu’il fera justice de
l’erreur commise par le ministre. Mais je ne veux pas que vous emprisonniez
injustement ceux que je puis appeler mes ennemis, car ils sont plus mes ennemis
que les vôtres ; j’ai plus contribué que vous, M le ministre de la justice, à
chasser du pays le roi Guillaume et à empêcher son retour au mois de mars 1831.
Un membre de cette
chambre a trouvé que la loi n’allait pas assez loin encore. Il n’y a pas dans
cette loi, vous aurait dit M. C. Vilain XIIII, assez de vague de l’arbitraire ;
et l’honorable membre qui a parlé le premier dans cette discussion, trouve que
la loi ne prévoit pas assez. Cependant, après avoir prévu une infinité de cas
de prévention, la loi ajoute : « ou de toute autre manière. » Je ne
conçois pas vraiment comment ces expressions ne satisfont pas les plus
exigeants. Il suffirait de les retourner, pour faire toute la loi en un seul
article. On n’aurait qu’à dire : « Celui qui aura d’une manière quelconque
témoigné le désir du retour de la famille d’Orange. » Voilà en effet toute
la loi, voilà le vague de l’arbitraire : je le demande, que peut-on désirer de
plus ?
On vous a dit que la
Belgique ne peut supporter plus longtemps une faction impuissante ; et c’est
sérieusement que l’on parle ainsi ! Mais la Belgique est donc composée de
lâches, de poltrons, ou d’hommes ridiculement stupides et sans jugement, si
elle ne peut supporter une faction impuissante. Je reconnais que la faction
orangiste est impuissante, mais je suis plus logique que vous, et je conclus
que les hommes qui composent cette faction sont des fous, et non des hommes
dangereux.
On vous a parlé
d’acquittements déplorables. Oui, dans une ville, à une distance de dix lieues
de la capitale, un jugement déplorable a été rendu : un homme dont le crime ne
pouvait être douteux ; cet homme avait arboré le drapeau orange sur la place
publique de Gand. Il avait attaqué la révolution à main armée ; il a été
reconnu coupable de faits dont il était accusé, mais il fut absous, sous le
prétexte qu’aucune loi ne pouvait lui être appliquée ; eh bien, qu’est-il
advenu de ce jugement vraiment déplorable ? C’est que le juge qui avait fait
absoudre l’accusé a été promu à une haute fonction judiciaire, et les juges qui
l’avait condamné sont restés dans le poste modeste qu’ils occupaient.
Sans doute de pareils
faits sont déplorables par la récompense que le gouvernement donne à ceux qui
laissent échapper de tels coupables ; mais c’est au gouvernement seul et non à
l’insuffisance de la loi qu’il faut les attribuer.
Un autre membre de cette
assemblée ne trouve rien d’effrayant dans l’arbitraire, parce que le jury
consultera les antécédents de l’accusé. Si tel accusé a figuré sur une liste de
souscription, s’il a figuré dans telle conspiration de février ou de mars, si
tel accusé par hypocrisie vante parfois la révolution , ce sont là des indices
de culpabilité. Ainsi voilà l’inquisition établie en Belgique, voilà la loi des
suspects ; ce ne seront plus des faits définis dont les caractères et la nature
sont déterminés, ce seront des antécédents, des marques d’hypocrisie qui feront
déclarer la culpabilité ! Grand Dieu ! où en sommes-nous donc !
Que par exemple un homme
se soit trouvé à Hasselt en août 1831 ; qu’il se soit cru obligé d’y voir le
prince d’Orange, de lui faire même sa cour, et qu’un soupçon planât sur cet
homme, je demanderai à l’honorable membre que je réfute ce qu’il penserait d’un
jury qui interpréterait d’une manière défavorable une démarche qui sans doute
n’avait rien que d’innocent en elle-même. L’homme inculpé pourrait avoir de
très bonnes raisons pour expliquer sa conduite ; on lui répondra : Vous êtes un
hypocrite ; il y a de l’hypocrisie dans votre conduite ; vous avez fait votre
cour au prince d’Orange, parce que vous avez cru qu’étant venu en Belgique il y
resterait ; vous avez manifesté de l’attachement pour le prince d’Orange, donc
vous êtes coupable.
Je laisse à l’honorable
membre le soin de mesurer le danger que présenterait son système si on le
suivait.
Messieurs, si l’on
devait suivre le système de l’honorable membre, il s’en suivrait que le
ministère qui propose la loi pourrait être aussi accusé et condamné par le jury
; n’avons-nous pas entendu, dans une discussion récente, le ministère nous
vanter van Maanen et trouver que ce ministre, d’exécrable mémoire pour moi et
pour tous les vrais patriotes, interprétait sainement l’article 4 de la loi
fondamentale des Pays-Bas, alors qu’il expulsait Fontan…
Et quand le ministre,
qui propose la loi la loi en discussion, vanterait les services qu’il a rendus
à la révolution et à la dynastie, on lui répondrait : Hypocrisie. Il y a un
fait authentique qui atteste votre amour pour van Maanen, qui est le meilleur
ami et le premier ministre du roi Guillaume ; donc vous êtes vous-même l’ami du
roi Guillaume ; donc il y a indice pour vous condamner.
Croyez-vous, au
dix-neuvième siècle, en l’an 1834, quatre ans après la révolution, faire
illusion au peuple belge et obtenir l’exploitation de l’arbitraire, en lui
disant que des dangers le menacent afin de faire passer votre loi ? Il faudrait
faire abnégation du simple bon sens, pour se laisser prendre à de pareilles
niaiseries, j’allais dire à un pareil piège.
Ce n’est qu’un premier
pas que vous faites dans l’arbitraire, dans l’arbitraire dont la théorie a été
vantée et dévoilée avec une si affreuse franchise par M. Charles Vilain XIIII ;
aujourd’hui on vous annonce la loi contre les orangistes ; mais si on ne met
pas plus de scrupule dans l’exécution de cette loi qu’on en a mis à l’exécution
de la constitution, c’en est fait des vrais patriotes ; on trouvera moyen de
les atteindre à leur tour. Quelle confiance voulez-vous avoir dans les
ministres alors qu’ils n’ont pas rougi d’invoquer la loi de l’an VI contre les
étrangers, loi qu’ils avaient flétrie avant d’être ministres ? quelle confiance
pouvez-vous avoir dans de pareils hommes qui soutiennent blanc aujourd’hui et
noir le lendemain sur la même question ?
Ils sont ministres
aujourd’hui ; ils veulent user du même arbitraire dont usaient les ministres
qu’ils attaquaient, quand ils avaient l’honneur de n’être que journalistes !
Prenez-y garde, la loi pourrait être funeste à qui ne s’en doute guère
actuellement, dans d’autres circonstances, avec d’autres hommes. Jamais je ne
pourrai consentir à l’adoption de cette loi ; car la voie de l’arbitraire,
quand on y est lancé, est si commode qu’on ne peut la quitter. Il est si facile
de n’avoir qu’à dire : Je veux ou je ne veux pas ! Un homme, soit, par paresse,
soit par ignorance, soit par ambition, est naturellement disposé à se
débarrasser de tout ce qui l’incommode, de tout ce qui entrave sa marche.
Une
fois dans la voie de l’arbitraire, il n’y a plus de bornes à attendre ; il n’y
a plus de frein possible. Arrêtez, messieurs, arrêtez les ministres sur le bord
de l’abîme ; empêchez-les courir à leur propre ruine ; arrêtez-les dans le
véritable assassinat du pays qu’ils méditent, dans le véritable assassinat de
la révolution qu’ils veulent consommer. Empêchez-le, messieurs, de proclamer
que nous n’avons su faire qu’une révolte et point une révolution ; que nous
avons fait beaucoup de désordres et point de révolution. Dans un moment où l’on
s’occupe encore de nos intérêts politiques, où nous ne sommes pas encore
constitués, gardez-vous de donner à penser à l’étranger que le parti orangiste
a encore de la consistance.
Je proteste contre la
loi, et même contre la proposition de loi, parce que cette proposition seule
est une calomnie contre la révolution, est un mensonge qui doit nous
compromettre vis-à-vis de l’Europe, en faisant croire que ce ne sont que les
hommes d’une faction, que ce ne sont que quelques brouillons qui ont fait la
révolution, et qui veulent la continuer.
Pour mon compte, je
proclame hautement, et je veux que l’Europe le sache, que l’immense majorité
des Belges veut la révolution, veut les institutions suites de la révolution ;
et qu’elle ne craint pas, et qu’elle n’a pas à craindre tous les efforts du
parti orangiste…
Je n’en dirai pas
davantage.
M. Pollénus, rapporteur. - Je dois répondre à quelques
objections faites par l’honorable préopinant. En les abordant dans la discussion
générale, je faciliterai, peut-être, la discussion sur les articles.
Un des grands défauts
que l’honorable préopinant trouve dans le projet de loi du gouvernement, ainsi
que dans celui qui a été présenté par la section centrale, c’est qu’il
dérogerait aux garanties données aux accusés par la loi sur la presse, c’est-à
dire qu’ils se trouveraient exposés à l’emprisonnement préalable. L’intention
de la section centrale n’a nullement été de déroger au décret du congrès
national ; l’article qui statue que l’emprisonnement préalable n’aura pas lieu
à l’égard des personnes domiciliées en Belgique est un article qui subsiste.
La loi n’a nullement
pour objet de détruire cette disposition ; ainsi le reproche tiré de cet
inconvénient disparaît.
Mais que pensera l’étranger,
dit l’honorable préopinant, en voyant que la Belgique a recours à des lois
d’exception ? Je pourrais demander à mon tour ce que l’étranger dirait en
voyant les terribles réactions que les provocations orangistes ont occasionnées
en Belgique, si la Belgique restait spectatrice paisible du désordre, et si
elle ne donnait pas au gouvernement le moyen d’en prévenir le retour ? Que
dirait l’étranger dans de telles circonstances ? Voilà ce que nous avons à
craindre, et non pas de donner des mesures d’ordre réclamées par la nécessité.
J’ai, dans les
explications que je vous ai présentées, dit que les accusés avaient des
garantie dans le jugement du jury ; que les jurés consulteraient les
antécédents des accusés. On prétend que par là je renverse tous les principes
de procédure criminelle ; que par là je favorise la plus odieuse des
inquisitions. Nullement, messieurs : en disant que le jury consulterait les
antécédents des accusés, je n’ai énoncé qu’une de ces règles qui s’appliquent à
l’instruction de toute affaire ; nais je n’ai pas dit par là que le jury ne
devait consulter que les antécédents.
Dans l’appréciation des
faits soumis à son jugement, en voyant d’une part le but de la loi, et en
consultant de l’autre les antécédents, le jury aura un moyen de s’assurer du
caractère hostile des propos, des menaces ou des actes sur lesquels il est
appelé à prononcer.
Mais, nous objecte-t-on
encore, vous convenez vous-même que la fraction orangiste est impuissante ;
pourquoi la craignez vous ?
La fraction orangiste
est impuissante, je le crois ; mais je pense que d’un autre côté, des
législateurs sages ne peuvent pas dédaigner des provocations capables d’irriter
le peuple et amener des réactions, Ce n’est pas le parti que l’on craint, ce
sont les provocations que l’on veut prévenir dans l’intérêt du bon ordre.
Mais,
dit-on encore, et on soumet un cas sur lequel on suppose que je pourrai donner
une solution toute particulière, que direz-vous de celui qui en août 1831, dans
la ville de Hasselt, aurait fait sa cour au prince d’Orange ? Je dis que celui
qui a fait sa cour au prince d’Orange avant ou après la révolution est un
orangiste ; mais pour parler du fait auquel l’honorable membre a semblé vouloir
faire allusion, je crois devoir le prévenir que celui qu’il a bien voulu
constituer juge de ce fait ne s’est pas trouvé en position d’avoir à cet égard
des notions particulières, et que, quoique surpris dans la ville, le lendemain
il réussit à s’évader.
Je crois avoir ainsi tranquillisé
l’honorable membre ; il a été mal instruit ; il pourra s’en assurer près de
personnes qui connaissent les localités. Je bornerai là les explications que
j’ai cru devoir donner sur ce point. Je me réserve de répondre dans la
discussion des articles aux attaque dont la loi pourrait être l’objet.
M.
Jullien. - J’ai quelques mots à répondre aux deux honorables
préopinants qui ont défendu le projet de loi ; et ce sera toujours dans les
termes de la discussion générale.
L’un a dit qu’il était
nécessaire de nous placer entre le peuple et les orangistes ; moi je dis qu’il
faut placer entre le peuple et les orangistes les lois existantes, et que les
lois existantes sont plus que suffisantes pour prévenir les désordres qui pourraient
arriver. Car il faut s’entendre sur le peuple dont vous parlez ; ce peuple, je
l’ai déjà dit une fois, c’est le peuple qui a pillé et dévasté les propriétés
des orangistes.
N’avez-vous donc pas des
lois contre les pillages et les dévastations ? Vous en avez par centaines. Vous
avez le code pénal d’après lequel, non seulement tous les agents de la force
publique, tous les agents de la police judiciaire doivent arrêter les pillards,
mais même tous les citoyens sont obligés de prêter main-forte contre eux dans
les cas de flagrant délit. Que vous faut-il donc de plus pour protéger sous ce
rapport les orangistes contre le peuple ?
Mais, dira-t-on, il faut
aussi protéger le peuple contre les orangistes ; oui sans doute, s’ils se
montrent les ennemis de l’Etat, mais je ne puis voir des crimes dans de simples
témoignages d’affection. Les orangistes, dira-t-on, peuvent conspirer, il faut
des armes contre leurs conspirations ; mais ouvrez donc le code impérial, vous
y trouverez contre tous les complots possibles un vrai luxe de pénalités ; tous
les moyens de conspiration y sont prévus ; il est impossible de rencontrer un
cas où vous ne trouviez à côté du fait une peine et une peine énorme.
Qu’avez-vous donc besoin de lois d’exception ? Car c’est une loi d’exception
que vous voulez placer entre le peuple et les orangistes. Lorsque, la
législation actuelle va jusqu’à fournir des moyens de persécution contre les
particuliers, avez-vous besoin d’une nouvelle loi pénale ?
On a dit que les
sections avaient donné leur approbation au projet en discussion ; mais, je l’ai
déjà dit : toutes les fois qu’on ne rapportera pas une décision prise dans les
sections à la majorité des voix, on ne peut attacher la moindre importance à
leur opinion, à l’opinion de 2 ou 3 membres qui auront été l’un après l’autre
dans les sections, de quelques membres intéressés peut-être à s’y rendre tel ou
tel jour pour donner leur avis sur tel ou tel projet.
On parle de
l’impuissance des lois ; mais voilà ce qui est en question ; voilà ce que je
conteste. La loi est impuissante ! cependant la loi n’a-t-elle pas tout prévu
en fait de conspirations et de provocations ! Elle n’a pas prévu, veut-on dire,
car il faut trancher le mot, les souscriptions qu’on pourrait faire en faveur
d’un prince étranger, la souscription qui a provoqué les événements dont tout
le pays a gémi ? Non sans doute ; la loi ne s’est pas occupée de choses aussi
misérables.
Cette souscription fut
sans doute une imprudence ; mais jamais, je suppose, on n’a voulu y voir une
conspiration flagrante. On a donné quatre chevaux au prince d’Orange, soit ;
mais avec ces quatre chevaux on conviendra qu’il ne pouvait pas venir conquérir
la Belgique. (On rit.)
Maintenant que nous
sommes de sang-froid, nous devons convenir qu’on a bien exagéré cette
démonstration de la part de ce qu’on appelle les orangistes ; en effet, je suis
persuadé que la plupart des souscripteurs n’entendaient pas donner de la
publicité aux listes de souscription ; ce sont quelques têtes ardentes qui les
ont publiées contre la volonté des souscripteurs qui se sont trouvés ainsi les
victimes d’excès qu’ils ne croyaient pas avoir provoqués. Que parlez-vous de
crimes pour quelques souscriptions ? Si les individus qui ont souscrit pour ces
quatre chevaux les avaient vendus au prince d’Orange, c’eût été un acte de
commerce, cela n’aurait donné lien à aucune irritation. Le fait est-il si
différent parce que les chevaux ont été donnés, parce que les souscripteurs
n’en ont pas reçu le prix ?
Mon intention n’est pas
de justifier cette imprudence, mais lorsqu’il s’agit de faire une loi, nous ne
devons consulter que les règles d’éternelle justice, les règles d’équité qui
doivent diriger la conscience de tout législateur : or, établir des peines
sévères contre des souscriptions, c’est se couvrir de ridicule aux yeux de
l’étranger. Si vous condamnez des individus à la prison et à l’amende pour de
tels faits, il n’est personne qui ne se demande chez quel peuple sauvage une
loi défend de pareilles choses ; et si vous ne déterminez pas les faits, vous
êtes obligés de vous renfermer dans un vague qui rendra la loi applicable à
d’autres que ceux contre qui vous voulez la rendre.
L’honorable
M. Gendebien a fait observer avec raison que les démonstrations dont il est
question dans le projet de la section centrale, si vous ne dites pas en quoi
elles consistent, ne signifieront absolument rien et seront tout ce qu’on
voudra.
Lorsque vous traduirez
quelqu’un devant les tribunaux de cette prévention, on examinera, dites-vous,
les antécédents. Voilà donc la loi des suspects ressuscitée ? Et que
faudra-t-il pour créer une suspicion ? Quelques délateurs, comme il y en a
toujours à l’affût des hommes généreux qui ne peuvent déguiser leurs
sentiments, et on leur fera des antécédents comme on voudra les avoir. Ainsi le
plus honnête homme, le meilleur patriote, le plus véritable ami de son pays
pourront être traduits devant les tribunaux sur une simple dénonciation. Voilà
ce que vous verrez si la loi passe ; mais j’espère que vous en ferez justice.
M. Gendebien. - L’honorable rapporteur nous a
fait connaître les intentions de la section centrale. Il résulte, de ce qu’il a
dit que les démonstrations dont il est question dans la loi ne seront pas
considérées autrement que des délits politique Dans cet état de choses je crois
devoir poser le principe établi par le congrès, savoir que l’emprisonnement
préalable ne peut avoir lieu en matière politique. Mon observation a pour but
d’améliorer, s’il est possible, une loi si mauvaise.
M. A. Rodenbach. - Je n’ai demandé la parole
que pour riposter à quelques mots du députe de Bruges.
Lorsque des barons, des
comtes et même des princes ont accolé leurs noms à ceux de leur valetaille, ce
n’était point pour donner quatre chevaux au prince d’Orange ou pour lui faire
un cadeau d’une vingtaine de mille francs. Le but de ces coupables
pétitionnaires était de faire des protestations de dévouement à un général
ennemi à peine éloigne de 15 lieues de notre capitale ; ils voulaient
impunément braver leurs concitoyens, et enfin avec une impudente audace
organiser la guerre civile.
Le fait est avéré qu’en
avril et mars derniers, les agitateurs orangistes ont répandu partout leurs
émissaires, et le jour même que le pillage eut lieu à Bruxelles, des
requêtes, vrais brandons de discorde, de troubles et d’anarchie, ont été
colportées à Bruges et ailleurs.
M. le ministre
de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, l’honorable M. Gendebien vient de reprocher au gouvernement
une sorte d’hypocrisie qui consisterait, alors qu’il se donne comme dévoué à la
révolution, à avoir, dans une circonstance assez récente, fait l’éloge d’un
ministère qu’il a qualifié d’exécrable. Le gouvernement n’a pas fait l’éloge du
ministère qualifié d’exécrable par le préopinant. Ce ne sont pas les hommes qui
sont au ministère qui ont fait entendre dans cette enceinte l’éloge du roi
Guillaume et de la nation hollandaise. Ce ne sont pas les hommes qui sont au
ministère qui ont à plusieurs reprises renié la révolution dans cette enceinte
; et dit que la révolution était un leurre, qui ont annoncé de trimestre en
trimestre la mort prochaine de la révolution. Ce ne sont pas non plus les
hommes qu’on accuse de cajoler les orangistes qui viennent demander des lois
plus douces en faveur de l’opinion orangiste.
Si je cherche les hommes
qui l’ont fait, je les trouve précisément sur le banc d’où partent ces
ridicules reproches contre les ministres actuels.
Pour ma part, je ne
reprocherai pas aux auteurs de ces imputations leur hypocrisie, mais il leur
appartient moins qu’à tout autre d’adresser des leçons de cette espèce à des
hommes qui sous le rapport de la franchise et du patriotisme, n’ont de leçon à
recevoir ici de personne.
M. de Man d’Attenrode. - L’argument le plus fort qui ait
été établi contre le projet qui nous occupe, est, que cette mesure fera croire
à l’Europe que la Belgique a quelque sujet de craindre la faction ennemie
qu’elle nourrit dans son sein, que c’est lui donner plus d’importance qu’elle
n’en a réellement. Je répondrai que ce n’est pas la crainte de l’orangisme qui
a fait accueillir ce projet avec tant de faveur, non seulement dans cette
chambre, mais par toute la nation, mais le désir de comprimer des parades et
des attentats qui, en compromettant la sûreté de quelques individus,
compromettent la tranquillité et l’honneur du pays, que nos ennemis cherchent à
dénigrer à l’étranger par tous les moyens possibles.
Oui, il est vrai que les
orangistes qui connaissent l’antipathie du peuple contre eux, qui savent
combien les réactions populaires servent admirablement leur cause, cherchent à
faire croire aux puissances que nous sommes incapables et indignes d’être une
nation constituée ; les orangistes, dis-je, tâchent d’entretenir par leurs
démonstrations cet état d’irritation populaire. C’est sur cette plaie qu’il
faut appliquer un remède
M.
Gendebien. - Je demande la parole. Je serai court.
M. Vandenheyden.- Vous avez déjà parlé trois fois.
M.
Gendebien. - Si M. Vanderheyden trouve mauvais qu’on me donne une
quatrième fois la parole, je la demanderai pour un fait personnel. Je crois
qu’alors il sera satisfait.
M. Vandenheyden. - Je ne m’y oppose pas.
M.
Gendebien. - J’en suis bien aise.
Le ministre de
l’intérieur vous a dit tout à l’heure que ce n’était pas du banc des ministres
qu’était parti l’éloge de M. van Maanen. Je ne sais s’il était présent à la
séance ou s’il a perdu la mémoire de ce qui s’y est passé ; mais le comte Félix
de Mérode, ministre des affaires étrangères, dans un discours qu’il a lu (on ne
pourra donc pas dire que c’est une expression échappée à la chaleur de
l’improvisation, il l’avait médité dans le cabinet), a dit que le ministre van
Maanen avait interprété très sainement l’article 4 de la constitution des
Pays-Bas, lors de l’expulsion de l’étranger Fontan.
Je demande à toute
l’assemblée si elle ne se rappelle pas les paroles de M. le comte de Mérode.
Voilà pour le premier
point.
Quant aux insinuations
relatives aux éloges de Guillaume ou de la nation hollandaise qui seraient
partis de mon banc, je défie le ministre de l’intérieur d’en apporter la
moindre preuve. Si quelqu’un a brûlé ses vaisseaux vis-à-vis de la famille de
Nassau et de la nation hollandaise, je crois que c’est bien moi, sans vouloir
ôter au ministre de l’intérieur le mérite, si c’en est un, d’avoir aussi brûlé
les siens vis-à-vis de la Hollande.
Le ministre s’est écrié
: Mais qui donc a dit que la révolution était un leurre, qui a annoncé sa mort
prochaine ? C’est moi, messieurs, qui ai dit que la révolution était un leurre,
c’est moi qui ai annoncé sa mort prochaine et qui ai l’audace de dire
aujourd’hui qu’elle est morte et bien morte.
La révolution est un
leurre ! mais il ne faut pas aller bien loin pour le prouver. Rappelez-vous les
derniers actes du gouvernement. Comment ! cette révolution a été faite contre
l’arbitraire signalé dans des consultations signées Rogier et Lebeau, contre un
arbitraire dénoncé dans un journal rédigé par eux au sujet de la non-exécution
de l’article 4 de la loi fondamentale, et le même arbitraire est justifié dans
le chef van Maanen par un ministère composé de ces mêmes hommes qui
l’attaquaient, imité par lui ! Tous les refugiés politiques sont traqués comme
en Prusse et en Italie ; on les expulse au-delà de la frontière ou on les
contraint de se rendre dans la ville ou le bourg où le bon plaisir des
ministres veut bien les tolérer momentanément. Jugez maintenant si on a faussé
la constitution, si on l’a mise en lambeaux.
La constitution est
cependant le produit de la révolution. Quand vous l’attaquez, la détruisez dans
ses fruits, j’ai le droit de dire qu’elle est morte, même que vous l’avez tuée.
Vous avez d’ailleurs sous les yeux une preuve vivante de la violation de la
constitution : L’honorable M. Desmet, que l’article 44 de la constitution
garantissait de toute poursuite, de toute investigation du chef de ses votes, a
été destitué, et le ministre de l’intérieur est venu proclamer dans cette
chambre que c’était précisément à cause des opinions et des doctrines qu’il
avait émises dans cette enceinte, qu’il avait été révoqué de ses fonctions.
N’ai-je donc pas le
droit de dire que la révolution est un leurre, qu’elle est morte, quand j’ai vu
expulser des réfugiés politiques et destitués des fonctionnaires pour leurs
opinions ? La loi fondamentale ne leur donnait pas la garantie que leur promet
aujourd’hui l’article 44 de la constitution.
Oui, la révolution est
morte, vous l’avez déshonorée en l’abandonnant au bon plaisir des puissances du
Nord, en vous soumettant à tous les jougs, à toutes les espèces de joug qu’il leur
a plus de vous imposer. Vous l’avez déshonorée depuis en acceptant la
neutralité ; vous l’avez déshonorée dans les champs de Louvain au mois d’août
1831. Vous l’avez tuée par le fratricide de 400 mille Belges que vous avez
livrés pieds et poings liées au roi Guillaume, en abandonnant par votre traité
du 2 novembre 1832 les garanties stipulées dans les 24 articles de si honteuse
mémoire à lui seul et sans son appendice.
La révolution est morte.
En effet, que nous reste-t-il des libertés que nous avons conquises, que nous
reste-t-il des hommes de la révolution ? Tous les jours ne préfère-t-on pas les
hommes qui ont combattu la révolution à ceux qui l’ont faite, par cette seule
raison que ces hommes qui ont été fidèles au roi Guillaume donnent plus de garantie
de leur fidélité à la nouvelle dynastie que les patriotes qui, pour avoir fait
une révolution, sont constamment suspects d’être en disposition d’en faire une
seconde contre le même genre d’arbitraire ?
Interrogez
la Belgique entière, et la Belgique entière, excepté quelques hommes munis de
bonnes sinécures ou espérant en obtenir, vous dira qu’il ne valait pas la peine
de faire une révolution pour arriver à de tels résultats. Je le proclame
moi-même, mais à côté de cela je dis : Il y a un remède. Vous parlez
constamment d’unité nationale. Il n’y aura qu’une seule opinion en Belgique le
jour où des hommes qui méritent la confiance du pays prendront la direction des
affaires. C’est ce que me disait hier encore un honorable concitoyen, un homme
de ma province qui m’assurait être l’écho de toute la province. Interrogez
partout ; et partout on vous dira qu’il n’y a rien à craindre de Guillaume ni
des orangistes, et que toutes les opinions, vous les réunirez en une seule, le
jour où vous mettrez au pouvoir des hommes qui seront dignes de la confiance de
la nation. Je ne confonds pas dans une même pensée tous les hommes qui sont au
pouvoir ; il en est qui ont encore quelque peu mon estime quoique je diffère de
doctrine avec eux sur beaucoup de points, qu’ils s’arrêtent donc s’ils veulent
éviter une perte certaine.
M. Pollénus, rapporteur. - Je me félicite d’avoir rassuré
l’honorable préopinant en disant que la section centrale n’avait pas voulu
déroger aux garanties stipulées en faveur des accusés politiques, par des lois
antérieures. Mais je me suis aperçu qu’en citant j’avais commis une erreur, je
m’empresse de rectifier cette erreur parce que ma rectification doit augmenter
la sécurité que l’honorable membre croit devoir faire résulter de ma
déclaration.
Ce n’est pas le décret
sur la presse que je devais citer, mais bien le décret du 19 juillet 1831,
relatif au jury.
De sorte qu’en
expliquant ainsi les intentions de la section centrale, les garanties ne
s’appliquent pas seulement aux délits de presse, mais à tous les délits
politiques prévus par les trois premiers articles du projet.
J’ai fait cette
rectification, parce que je crois qu’elle doit alléger les débats.
Messieurs, je crois
cependant devoir une réponse à l’honorable M. Gendebien dont l’appréciation en
d’autres circonstances est une autorité pour moi. Je ne suis pas d’accord avec
lui sur le peu d’importance qu’il attache aux souscriptions. Je lui opposerai
une autorité que nous aurons probablement peu d’occasions de citer. C’est une
lettre, et en voici un passage :
« Je ne puis assez
vous exprimer combien je suis touché de ce don des Belges fidèles. L’intention
qui les a guidés dans cette transaction ne peut manquer de porter de bons
fruits, etc. »
Cette lettre est signée
Guillaume, prince d’Orange. Les souscriptions étaient donc bien, dans sa propre
intention, destinées à porter de bons fruits. Et nous savons ce qu’il entend
par de bons fruits. (Mouvement.)
- La discussion générale
est close.
Discussion des
articles
Article premier
M.
le président. - La discussion est ouverte sur l’article premier ainsi
conçu :
« Art. 1er.
Quiconque, soit par des discours, des cris ou menaces proférés dans des lieux
ou réunions publics, soit par des écrits, des imprimés, des dessins, des
gravures, des peintures ou emblèmes vendus ou distribués, mis en vente ou
exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou affichés
exposés aux regards du public, ou de toute autre manière, aura publiquement
appelé ou provoqué le retour de la famille d’Orange-Nassau ou d’un de ses
membres, sera puni d’un emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une amende
de 500 à 10,000 francs. »
M.
le président. - MM. Trentesaux et Constantin Rodenbach ont déposé des
amendements à cet article.
L’amendement présenté
par M. Constantin Rodenbach consiste à ajouter après les mots : « ou de
toute autre manière, » ceux-ci : « attaqué la révolution ou sa
légitimité, ou l’indépendance nationale. »
Celui de M. Trentesaux
consiste à ajouter les mots « et directement » après celui de
« publiquement. »
M.
C. Rodenbach. - Messieurs, si l’on veut quelque chose d’efficace, une
disposition qui ne soit pas tout à fait illusoire, il faut qu’à l’art. 1er,
après ces mots : « ou de toute autre manière, aura publiquement,
etc., » on ajoute ceux-ci : « attaqué la révolution ou sa légitimité,
ou l’indépendance nationale. »
Il est évident que c’est
dans ces attaques, qui leur sont déjà familières et habituelles, que les
journaux orangistes vont désormais se retrancher ; c’est sous le voile,
transparent aux yeux de tout le monde, mais que la justice ne peut prendre sur
elle de percer ni de soulever, que s’abriteront les appels et les provocations
à la restauration ; et cela suffit pour montrer que, sans cette modification la
loi sera inefficace et illusoire, dérisoire même.
Certes, les appels et
les provocations au retour des Orange-Nassau ne sont pas moins coupables que
des attaques contre tout ce qui constitue la base de notre existence politique
; et ces attaques ne froissent pas moins vivement tous les sentiments, toutes
les sympathies nationales. La justice et l’intérêt de l’ordre public
sollicitent donc aussi vivement l’addition proposée que le fond du projet.
D’après l’exposé des
motifs de M. le ministre de la justice et le rapport de la section centrale,
l’objet du projet est : 1° d’empêcher des démonstrations qui soulèvent les
passions populaires ; 2° de donner une sanction au décret du congrès qui
prononce l’expulsion des Nassau. Mais qui ne voit pas que ces motifs
s’appliquent à plus forte raison à ce qui fait le sujet de l’amendement ?
Le décret du congrès qui
déclare l’indépendance du pays, et qui, par-là, consacre la révolution, est-il
moins digne de sanction que celui qui prononce l’expulsion des Nassau ? Les
attaques contre la révolution et l’indépendance du pays sont-elles moins
outrageuses pour les Belges que des manifestations contraires au décret
d’exclusion ?
Quelques
orateurs ont qualifié le projet de loi d’exception. Il est difficile de
concevoir une idée plus fausse. C’est bien l’absence d’une loi pénale contre
les attaques livrées journalièrement à l’existence politique, à la
constitution, au gouvernement du pays, qui nous constitue dans un état
exceptionnel qui est peut-être sans exemple au monde.
On ne peut disconvenir
que les attaques dont nous parlons ne soient des actes coupables, et que ces
actes ne compromettent l’intérêt public, l’ordre, la sûreté du pays. Qu’est-ce
donc que leur impunité, sinon un odieux et scandaleux privilège ?
Quant à l’expression
« attaqué, » nous l’avons empruntée au décret du 20 juillet 1830 sur
la presse, décret que la législature a remis en vigueur sans modification par
la loi du 6 juillet 1833.
M. Trentesaux. - J’ai proposé d’ajouter le mot
directement après celui de publiquement. Je suppose qu’il est dans la pensée de
la chambre, comme dans la mienne, qu’il ne soit pas exercé de poursuites pour
des provocations indirectes. Je ne veux pas que l’on puisse poursuivre la
presse (car cet article menace surtout la presse) pour des faits indirects.
Vous savez les procès que l’on peut faire à la presse si vous ouvrez la porte
aux poursuites pour provocations indirectes, il n’y aurait plus de liberté de
la presse. L’expression dont je réclame l’insertion est si importante que dans
le dernier temps du règne du roi Guillaume, on a eu soin de ne pas l’oublier.
J’attendrai ce qu’on dira contre ma proposition pour la développer plus
longuement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Au premier aspect, l’amendement
de M. Trentesaux ne paraît être que le complément de l’opinion du gouvernement et
de la section centrale. Il pourrait en être ainsi si, à l’instar de ce qui se
passait en France avant la révolution, les délits de la presse étaient
justiciables des tribunaux sans l’intervention des jurés. Mais aujourd’hui je
crois que la précaution que veut prendre M. Trentesaux est inutile et même
qu’elle peut être dangereuse, lorsque la répression des délits est dans la
juridiction exclusive du jury. Si vous exigez que les provocations soient
directes, bien qu’il soit une foule de cas spécifiés dans l’article 1er, qui
tendent à caractériser les excès de la presse, il arrivera presque toujours que
les écrivains trouveront moyen d’échapper aux dispositions spéciales qu’elle
consacre. Rien n’est plus facile à des écrivains qui ont l’habitude du style, que
de présenter les provocations les plus irritantes sous une forme qui ne permet
pas de les qualifier de provocations directes. S’il y avait seulement
imprudence de la part des auteurs des articles incriminés, vous devez avoir
assez de confiance dans les jurés pour croire qu’ils feront la part de
l’intention. L’on sait que ce n’est pas par une propension trop prononcée à
sévir contre les écrivains que le jury s’est signalé, dans le peu de
circonstances où il a été appelé à statuer. Ne créons pas un obstacle à la
répression de ces délits alors que la conviction d’une intention coupable
serait acquise au jury, en l’arrêtant par des scrupules
que lui inspirerait le mot dont M. Trentesaux demande l’introduction dans la
loi. Je pense que le jury ne se montrera pas très disposé à des condamnations.
Remarquez en outre avec quelle précaution le jury a été composé dans la
législation actuelle, avec quel soin on en a éloigné le contact de tous les
agents du pouvoir. Il me semble que ce n’est pas dans la législation même que
les accusés trouvent aujourd’hui les garanties les plus fortes. En Angleterre,
à côté de la liberté la plus illimitée a subsisté une législation irrégulière,
la plus dure, entachée même de barbarie.
Pourquoi la liberté de
la presse et les lois ont-elles coexisté ? Parce que le jury, qui est l’organe
de l’opinion publique, ne s’est presque jamais rendu l’instrument du pouvoir,
n’a presque jamais épousé ses erreurs ou ses passions. Nous devons placer
quelque confiance dans le jury belge, et nous en remettre à lui du soin de
corriger ce qu’il pourrait y avoir de vague dans la loi. Si nous faisons une
loi dont l’appréciation dût être confiée à des magistrats, je concevrais que
l’amendement de M. Trentesaux pût y trouver sa place, car les juges eux-mêmes désirent
la précision législative. Mais la loi que nous vous avons soumise met les
accusés sous la juridiction du jury ; c’est une garantie qui doit rassurer ceux
qui ne commettraient que des imprudences.
M.
Fleussu. - L’article 1er du projet en discussion est précisément celui
qui me causait le plus de répugnance et me portait à repousser la loi. Je crois
qu’il ne faut pas laisser le gouvernement désarmé en présence des partis ; mais
il est inutile de lui donner des armes dont il n’a pas besoin. Il y a deux
dispositions principales dans la loi ; la première est relative au rappel de la
maison d’Orange-Nassau dans la Belgique ; la seconde aux démonstrations qui
pourraient être faites en faveur des membres de cette famille. Quant au premier
point, je crois que le gouvernement pouvait trouver dans le code pénal actuel
toutes les dispositions nécessaires pour parvenir à la répression des délits
qui auraient pour but le retour du roi déchu.
Je crois qu’il n’a de
véritables lacunes dans la législation que relativement aux démonstrations
orangistes et au port d’insignes abolis par notre révolution. Je pense donc que
la disposition que consacre l’article 1er est tout à fait inutile. Je pense
également que la section centrale a trop étendu les détails. Ouvrez le code
pénal aux articles 87 et 89. Vous y trouverez des dispositions qui prévoient
les cas énumérés dans l’article 1er du projet.
« Art. 86.
L’attentat contre la vie ou contre la personne du Roi est puni de la peine de
parricide.
« L’attentat contre
la vie ou contre la personne des membres de la famille royale est puni de la
peine de mort.
« Toute offense
commise publiquement envers la personne du Roi sera punie d’un emprisonnement
de 6 mois à 5 ans, et d’une amende de 500 francs à 10,000 francs. Le coupable
pourra en outre être interdit de tout ou partie des droits mentionnés en
l’article 42, pendant un temps égal à celui de l’emprisonnement auquel il aura
été condamné. Ce temps courra à compter du jour où le coupable aura subi sa peine. »
« Art. 87.
L’attentat dont le but sera soit de détruire, soit de changer le gouvernement
ou de l’ordre de successibilité au trône, soit d’exciter les citoyens ou
habitants à s’armer contre l’autorité royale sera puni de mort. »
Or je vous demande, si
provoquer le rappel de la famille d’Orange-Nassau en Belgique, n’est pas tenter
de détruire l’ordre de successibilité au trône. Rapprochez de cette disposition
celle de l’article 102 que voici :
« Seront punis
comme coupables des crimes et complots mentionnés dans la présente section tous
ceux qui soit par des discours tenus dans des lieux ou réunions publiques, soit
par des placards affichés, soit par des avis imprimés auront excité les
citoyens ou habitants à les commettre »
Vous voyez bien que les
3 articles que je viens de citer mettent entre les mains du gouvernement les
armes dont il a besoin pour empêcher le rappel de la maison d’Orange.
La première disposition
du projet mettra les tribunaux dans un grand embarras ; car elle déroge au code
pénal ; et un jour les tribunaux ne sauront quelle est la disposition qu’ils
doivent appliquer. Je pense que cet article est tout à fait inutile.
Si la chambre adoptait
mon opinion sur cet article, je n’aurais pas le plus léger scrupule pour
adopter la loi proposée ; mais avec la rédaction que présente la section
centrale, j’éprouverais beaucoup de scrupule à voter la loi, il est probable
même que je voterais pour son rejet.
Le mot
« directement » que l’honorable M. Trentesaux veut par amendement
intercaler dans le premier article me paraît absolument nécessaire. Vous ne
pouvez pas, messieurs, vous montrer moins généreux, moins libéraux que les
législateurs de 1810, que les législateurs du code impérial. Or il n’y pas dans
ce code une seule disposition où soit tranchée la matière, dont nous nous
occupons, qui ne contienne le mot « directement. » J’ai déjà cité
l’art. 102 où vous avez vu qu’il fallait que la provocation fût directe ; voici
maintenant l’art. 205 :
« Si l’écrit
mentionné en l’article précédent contient une provocation directe à la
désobéissance aux lois ou autres actes de l’autorité publique, etc. »
Là encore vous le voyez,
la provocation doit être directe.
M. le ministre de la
justice a dit que le mot « directement » était inutile parce que le
délit serait apprécié par le jury ; mais M. le ministre a donc oublié qu’en
1810, lorsque le code impérial a été promulgué, les crimes devaient aussi être
jugés par le jury ; cette raison ne signifie donc rien.
J’ai
dit que vous seriez beaucoup moins libéraux que les législateurs de 1810, si
vous repoussiez l’amendement de M.
Trentesaux. Mais voyez encore combien vous êtes loin du congrès et de
l’esprit qui dirigeait cette honorable assemblée. C’est à la fin du congrès que
furent faites les lois sur le jury et sur la liberté de la presse. Jetez un
coup d’œil sur la loi de la liberté de la presse ; tous les délits qu’elle
détermine doivent être soumis au jury ; et cependant la loi exige encore pour
que les écrits puissent être poursuivis qu’ils contiennent une provocation
directe ; c’est ce que dit en termes exprès l’art. 1er de la loi.
Je demande si nous
n’admettons pas l’amendement proposé ce qui en résultera ; dans une loi qui
peut s’appliquer aux délits commis par la presse, vous autorisez des poursuites
contre les provocations indirectes, qu’elle peut faire alors que la loi sur la
presse ne reconnaît comme punissables que les provocations faites directement.
Je vous le demande ! A 2 ans de distance vous voulez consacrer une pareille
contradiction ! Si l’amendement n’est pas adopté, je suis fortement disposé à
voter contre la loi.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Quand il serait vrai, et cela n’est
pas, que l’art. 102 du code pénal pût fournir au gouvernement les armes qu’il
croit trouver dans l’article premier de la loi en discussion, je pense qu’on
devrait encore savoir gré au gouvernement de la proposition qu’il a faite à la
législature.
L’honorable préopinant
a-t-il donc perdu de vue la nature de la peine que commine l’art. 102 ?
Savez-vous, messieurs, qu’elle cette peine ? C’est la mort.
Je le demande ? Si le
gouvernement invoquait une telle disposition contre un article de journal suivi
de quelques tentatives de désordre, y aurait-il assez de voix pour le qualifier
de barbare, pour soutenir que le gouvernement a commis le plus cruel
anachronisme en appliquant à des articles de journaux une disposition qui dans
l’esprit du législateur avait en vue des faits bien autrement graves ? Sous ce
rapport donc, la loi dans son article premier est une immense atténuation d’une
loi véritablement excessive. Dans un sens vous aurez rendu la loi plus humaine,
plus douce ; dans un autre sens, vous aurez mieux assuré la répression ; car il
est évident que l’excès des peines engendre d’ordinaire l’impunité.
L’article premier doit
prévaloir sur la disposition du code pénal ; les exemples que l’honorable
préopinant a tirés de la rédaction des dispositions du code ne sont pas bien
choisis. Les législateurs d’alors n’ont pas pu avoir en vue les écarts de la
presse ; car à l’époque où le code a été promulgué, qu’était la liberté de la
presse ? Il n’y en avait pas ; c’était la censure la plus absolue. L’imprimerie
et la librairie étaient réglées par des décrets impériaux.
Ainsi dans les
circonstances où étaient placés les rédacteurs du code pénal, ils n’avaient pas
les mêmes sujets de préoccupation que nous pouvons avoir en ce moment.
C’est lorsque
véritablement la presse a été émancipée en France que l’on a appris le parti
que certains écrivains savaient tirer du mot « directement. » C’est à
la suite de nombreux acquittements fondés sur le motif que la provocation
n’était pas directe, alors qu’elle avait un caractère de gravité incontestable,
que l’on a reconnu avant comme depuis 1830, que cette expression pouvait
singulièrement favoriser l’acquittement de véritables coupables.
C’est surtout pour les
délits de la presse, délits où l’écrivain peut si facilement contourner sa
pensée, que cette expression peut être dangereuse. Que penseriez-vous d’un
écrit déféré au jury et sur lequel il répondrait cet écrit renferme une
provocation au rappel de la dynastie déchue : mais cette provocation n’est pas
directe ; donc je rends un verdict d’acquittement.
Vous voulez prévenir,
c’est le but principal de la loi ; vous voulez prévenir de déplorables
réactions ? Croyez-vous que les masses, dans un pays qui est en quelque sorte
en état de guerre avec la Hollande, croyez-vous que les masses tiendront compte
de ces distinctions subtiles ? Croyez-vous que le peuple comprendra la différence
qu’il y a entre la provocation directe et la provocation indirecte ?
Croyez-vous que la déclaration du jury, la
provocation est constante mais n’est pas directe, serait de nature à calmer
les passions ?
Il n’en sera pas ainsi.
Le but de la loi qui est d’augmenter les garanties de paix publique dans le
pays ne serait pas atteint, si par une expression dont le vice a été reconnu
par l’expérience, vous alliez accroître les scrupules déjà si nombreux des
jurés quand il s’agit de condamner dans des affaires politiques.
C’est
par ces considérations que je demande que l’amendement soit rejeté, bien
certain que lorsqu’il y aura absence d’intention criminelle, imprudence,
l’acquittement du prévenu ne fera jamais question.
La loi votée par le
congrès n’est pas une de ces autorités, toutes respectables qu’elles soient,
qui puisse être présentée comme irrécusable ; car à l’époque où cette loi a été
votée par le congrès, la presse orangiste était loin d’avoir acquis l’insolence
qu’elle a montrée depuis.
C’est à mesure que le
gouvernement a montré de la tolérance, c’est à mesure que les écrivains se sont
convaincus qu’il y avait lacune dans les lois, ou qu’elles étaient tellement
sévères, qu’on n’avait presqu’aucune chance d’en obtenir l’application, que la
presse antinationale a revêtu cette virulence, ce cynisme dont nous avons été
témoins depuis. Si des circonstances semblables à celles où nous sommes avaient
existé quand le congrès a fait la loi sur la presse, il ne l’aurait pas établie
aussi large ; il l’aurait formulée dans des termes plus sévères.
M.
Jullien. - Maintenant que la discussion générale est close j’écarte
tout ce qui peut tenir à la politique ou à l’esprit de parti. C’est maintenant une
question de législation que j’entends débattre devant des législateurs, devant
des hommes plus moins accoutumés aux affaires judiciaires.
Je commencerai par poser
quelques principes élémentaires qui sont à la portée de tout le monde.
Vous savez que le crime
se compose de deux éléments, le fait et l’intention. L’intention la plus
criminelle, si elle n’est pas accompagnée d’un fait qui manifeste cette
intention, la loi n’a pas de prise sur elle.
D’un autre côté si un
fait n’est pas accompagné d’une intention criminelle, il n’est plus qu’un
accident.
Les lois criminelles ont
tellement bien senti que pour constituer un crime ou un délit, il fallait,
d’une manière claire et précise, poser des faits, que je vous défie d’ouvrir un
code pénal qui ne définisse soit en matière criminelle soit en matière
correctionnelle, en quoi consistent les crimes et les délits qui peuvent être
poursuivis et punis ; on ne peut pas rendre un jugement sans rappeler les faits
qui constituent le crime ou le délit ; ainsi le veut la disposition de
l’article 195 du code d’instruction criminelle ; ainsi pas de possibilité de
poursuivre sans qu’il y ait un fait répréhensible, pas de possibilité de rendre
un jugement sans rappeler le fait.
Maintenant lisez
l’article premier qui vous est soumis et vous verrez s’il est possible d’y
trouver quelque chose qui ressemble à la sagesse des lois que j’ai citées.
Ainsi on sera puni
emprisonnement et d’une amende lorsque par tous les moyens énumérés dans
l’article premier on aura appelé ou provoqué le retour de la famille Nassau
on d’un de ses membres. Mais je demanderai à ceux qui ont fait la loi comment
et de quelle manière on pourra se rendre coupable d’avoir appelé ou provoqué le
retour de la famille Nassau ? Qu’on me cite un fait ayant ce but ? Il faudra
bien cependant que le juge cherche des faits pouvant rappeler ou provoquer le
retour de la famille déchue pour qu’il applique une peine.
Par exemple, si dans un
lieu public, vous vous trouvez avec un individu qui a beaucoup perdu par suite
de l’expulsion des Nassau ; s’il vous dit que sous l’ancien roi il était plus
heureux ; qu’il voudrait bien que les choses fussent dans leur ancien état ;
qu’il y trouvait son bonheur ; ces
regrets si naturels seront-ils un appel, une provocation au retour de la famille
Nassau ; et devra-t-il être puni ? Cherchez donc dans votre esprit les faits,
les cas qui entraîneront des condamnations ? Chez toutes les nations civilisées
il n’y a pas un crime, pas un délit qui ne gisse dans un fait ; il faudra donc
prendre dans les faits le rappel au retour de la famille Nassau ; encore un
coup, comment ferez-vous pour cela ? Voilà ce que je prie M. le ministre de la
justice, qui est plus capable qu’un autre de répondre, de nous dire. Ce que
nous dirait le ministre servirait au moins de guide aux tribunaux quand il y
aura matière à appliquer la loi. Comment en effet pourront-ils en faire
l’application, quand nous, qui en sommes les fabricateurs, nous avons beau nous
creuser l’esprit pour voir les cas, les faits, et nous n’en trouvons pas ?
L’honorable M. Fleussu
disait tout à l’heure, avec raison : Vous n’avez pas besoin de l’article
premier ; vous trouvez dans le code pénal art. 102, quelque chose qui répond à
vos intentions : Le rappel ou la provocation au retour ne peuvent avoir lieu
que pour détruire ce qui existe, et le code pénal sagement, a supposé
l’existence d’un complot, puis il a prononcé la peine de mort.
Mais ce n’est pas la
peine de mort que nous demandons s’est écrié le ministre : voyez comme nous
sommes cléments ; nous ne voulons que la prison et des amendes. Si en effet, on
voulait sévir contre ce crime-là, je dirais : ne vous embarrassez pas de la
peine ; appliquez le code pénal et laissez-là votre loi ; mais savez-vous ce
qu’on veut, ou plutôt à qui on en veut ? c’est à la presse qu’on en veut. Je
défie à un journaliste quelconque de parler de la famille des Nassau, et
rappeler quelques souvenirs de cette famille, soit en discutant les actes de la
législature ou de l’administration, et en les rapprochant de ce qui a été fait
auparavant, sans que ce journaliste ne se mette dans le cas d’être frappé par
votre loi.
C’est le vague, c’est
l’arbitraire que l’on recherche, et avec lequel on entend atteindre tout ce qui
déplaira.
Mais y a-t-on bien
réfléchi ? Dans la constitution l’article 14 dit que tout citoyen belge peut
manifester ses opinions de toutes manières ; cependant par votre loi quand on
se sera borné, par la presse, ou par toute autre manière, à manifester son
opinion, on sera poursuivi, on sera punissable, ainsi on aura violé la
constitution.
C’est, messieurs, à quoi
on veut en venir ; c’est cette violation que l’on n’osait pas faire d’une
manière directe, que l’on propose maintenant parce qu’on risque tout.
C’est la presse que l’on
attaque principalement ; cependant on en manquera pas de s’occuper encore des
conservations surprises dans le sein des familles par de lâches délateurs,
comme il s’en trouve tout autour des administrations de haute police. Cela
s’est vu dans tous les temps ; les mêmes causes amèneront les mêmes effets.
Plusieurs amendements
ont été proposés.
L’honorable M. C
Rodenbach demande qu’à la longue nomenclature de l’article premier, on ajoute
d’autres délits : il veut que l’on punisse aussi ceux qui auraient attaqué la
révolution ou sa légitimité, ou l’indépendance nationale.
Attaquer
la légitimité de la révolution ! Jusqu’à présent la légitimité des princes
souverains était une espèce de dogme que l’on professait et que l’on ne
comprenait guère ; mais voici venir les révolutions qui réclament le principe
et les prérogatives de la légitimité pour elles-mêmes ! Ainsi, on ne pourra
plus parler de la légitimité des rois sans attaquer celle des révolutions. En
vérité, messieurs, je me perds dans votre loi… (On rit.) Prenez-y garde, vous allez faire l’acte le plus absurde et
le plus ridicule qui soit sorti d’une assemblée législative.
Un autre amendement a
été proposé par l’honorable M. Trentesaux ; cet amendement est très
raisonnable, il rend parfaitement tout ce qui a été dit et écrit sur les lois pénales
; il est la copie du reste de tous les articles de ces lois,
La proposition de M.
Trentesaux tendant à rendre l’article moins innovant sous ce rapport, je ne
puis m’empêcher de l’appuyer ; mais je ne voterai pas moins contre toute la
loi.
M. H. Dellafaille - Messieurs, si j’ai bien
compris l’honorable M. Fleussu, il croit que l’article 1er est inutile parce
que les faits qu’il punit sont prévus par le code pénal.
Malgré l’estime que je
professe pour les lumières de mon honorable collègue, je ne suis nullement
convaincu de l’exactitude de cette assertion.
Le code pénal punit des
attentats, des complots, des propositions de complots, mais non point les
provocations qui n’ont point ce caractère et que la loi actuelle veut
atteindre.
Je prendrai la liberté
de soumettre à l’honorable M. Fleussu lui-même une question dont la solution,
aisée à prévoir, pourra me servir de preuve. Il est magistrat : eh bien, je
suppose que le ministère public, adoptant l’avis qu’il vient d’émettre,
traduise devant une cour d’assises dont l’honorable membre ferait partie un
individu inculpé d’un fait prévu par l’article premier. Si le jury répond qu’il
y a eu en effet provocation au retour de la famille d’Orange, l’honorable M.
Fleussu appliquerait-il la peine de mort à l’accusé, s’il n’y a pas eu de
proposition ouverte de complot ? Non, messieurs. La cour déciderait bien
certainement que le prévenu est convaincu de provocation, mais que ce fait
n’est point prévu par la loi.
Les tribunaux ont d’ailleurs
décidé la question. Plus d’une fois des poursuites ont été exercées pour des
faits prévus par l’article 1er ; toujours les accuses ont été acquittés par le
motif qu’il n’existait point de loi. Le code pénal, quoique trop sévère, a été
fait dans un temps où il n’était pas nécessaire de prévoir de simples
provocations. Le pouvoir existant n’était pas contesté, du moins ouvertement,
et Napoléon suppléait, au besoin, à cette lacune au moyen de ses prisons
d’Etat. Du moment où l’existence du pouvoir a été combattue, on a senti la
nécessité de réprimer un genre de provocations que n’atteignait point le code
pénal. L’article 1er est extrait, quant aux termes, de diverses lois françaises
sanctionnées de nouveau depuis la révolution de juillet.
Je m’opposerai à
l’insertion du mot « directement » qui ruinerait toute la loi.
On ne fait point de
provocations directes. L’homme qui n’a point perdu la tête ne viendra pas, dans
un journal ou dans un placard exciter directement les orangistes à se lever en
masse pour ramener la maison de Nassau. S’il était possible à quelqu’un de se
permettre une semblable démarche avec quelque espoir d’impunité, j’envisagerais
la cause belge comme perdue.
Le mot directement avait, je le sais, été
inséré à la demande des états-généraux dans une loi de 1829. Mais
rappelez-vous, messieurs, que cette insertion, très sagement exigée par la
représentation nationale, était rendue nécessaire par l’étrange abus fait des
lois d’alors par des tribunaux vendus au pouvoir. On trouvait en ce temps une
provocation dans la phrase la plus innocente. Nous ne sommes plus dans les
mêmes temps ; nos tribunaux sont inamovibles, et c’est le jury qui connaît de
toutes les causes politiques et de la presse, même en matière de simples
délits.
C’est
au jury qu’il appartient d’apprécier l’intention de l’accusé et de distinguer
la provocation réelle d’avec une simple manifestation d’opinion garantie par la
loi constitutionnelle et par toutes les règles de l’équité. Je crois,
messieurs, que le jury offre une garantie plus que suffisante pour calmer
tontes les craintes.
J’ai entendu dire plus
d’une fois, messieurs, que nous avions entouré de tant de précautions la loi
sur les extraditions, qu’elle était devenue inexécutable. J’ignore si cette
assertion est exacte ; mais si elle est vraie, cet exemple doit nous servir de
leçon dans le cas présent. Mieux vaut ne point faire de loi que de faire une
loi qui ne sert à rien. Je voterai contre l’amendement de l’honorable M. Trentesaux.
M.
Trentesaux. - M. Fleussu vous a donné toutes les raisons par lesquelles
le mot directement doit être
introduit dans l’article 1er de la loi. M. le ministre a répondu en s’étendant
beaucoup ; je crois qu’à beaucoup de longs discours on peut répondre par un
seul mot, lequel comprend tout.
M. le ministre ne veut
pas que le mot direct soit inséré
dans l’article, il veut donc qu’une provocation indirecte soit punie ; mais je
le demande, qu’est-ce qu’une provocation indirecte ? Vous le savez, notre
constitution est la plus libérale qui existe au monde sous le rapport de la
liberté de la presse : eh bien, avec la possibilité de poursuivre une
provocation indirecte, il n’existe plus de liberté de la presse. Aucun journal
n’osera plus paraître dans la crainte d’être poursuivi.
Une
autre idée s’est présentée à mon esprit en relisant l’article 1er. Cet article
porte : « Quiconque aura publiquement appelé ou provoqué le retour de la
famille d’Orange-Nassau ou d’un de ses membres... »
Après le triste
événement qui a frappé notre monarque bien aimé je suppose qu’un journal dans
la meilleure intention du monde, propose d’adopter un des fils du prince
d’Orange pour occuper un jour le trône ; poursuivrez-vous l’auteur de cette
proposition comme ayant provoqué au retour de la famille d’Orange-Nassau ?
Je ne propose pas
d’amendement à cet égard, c’est une pensée qui m’est venue immédiatement. (On rit.) Mais j’appuie sur
l’inconvénient de laisser du vague dans la loi, et je persiste à demander que
le mot directement soit inséré dans
l’article 1er.
M. Milcamps. - Dans la loi française du 17 mai
1819 qui contient des dispositions analogues, je dirai presque conformes à
celles proposées, on n’a plus reproduit le mot directement que l’on trouve dans les dispositions du code pénal ;
la mention de cette circonstance était nécessaire pour déterminer la
criminalité, et cela était embarrassant pour le jury ; aujourd’hui on s’attache
à l’intention pour déterminer s’il y a eu réellement provocation au crime ou au
délit. Le jury juge la matérialité du fait et sa moralité.
M. de Theux. - Messieurs, je crois
que nous devons repousser l’amendement de M. Trentesaux. Le code pénal est une loi ordinaire, une loi
permanente. S’il ne s’agissait que de circonstances ordinaires, je dirais :
Conservons le code pénal ; mais nous nous trouvons dans des circonstances
extraordinaires : le gouvernement demande pour ces circonstances
extraordinaires une loi extraordinaire et temporaires ; cette loi doit contenir
autre chose que le code pénal, ou nous n’en avons pas besoin.
Cette distinction n’est
pas nouvelle. Elle s’est fait sentir sous le gouvernement des Pays-Bas, et en
France après la chute du gouvernement impérial. On a senti que le code pénal ne
répondait pas aux besoins des circonstances. En effet les moyens de pousser au
désordre, d’entretenir l’agitation dans un pays nouvellement constitué, sont
trop nombreux, pour qu’un gouvernement n’applique pas au mal un remède spécial.
De quoi se plaint-on ?
De ce que la loi punit ceux qui auront appelé ou provoqué le retour de la
famille d’Orange-Nassau. Je demanderai d’abord à l’assemblée si c’est un fait
indifférent que d’appeler ou provoquer le retour de cette famille, qui ne
pourrait avoir lieu en Belgique qu’au milieu de flots de sang. Si ce n’est pas
un fait indifférent, il faut qu’il soit puni. Pour l’exécution de la loi, rien
de plus facile. Lorsque quelqu’un sera prévenu de ce délit, il sera traduit
devant le jury. Le jury examinera s’il y a un fait d’appel ou de provocation du
retour de la famille d’Orange-Nassau, et si ce fait est reconnu constant, il
condamnera. Je crois, messieurs, que nous n’aurons pas à regretter d’avoir
adopté cette loi.
M. Trentesaux vient
d’entrer dans des développements qui suffisent pour faire repousser son
amendement. Si, dit-il, dans ce moment, des journaux provoquaient, en cas
d’extinction de la famille régnante, à appeler un prince de la famille
d’Orange-Nassau, ce fait serait-il punissable ? Quant à moi, je n’hésite pas à
dire que oui. Suivant moi, tout journal qui demanderait le rapport du décret
d’exclusion, tendrait à ébranler l’esprit de nationalité, à détruire
l’affection du peuple pour le souverain qu’il s’est donné. Dès lors, ce fait ne
peut pas être à mon avis considéré comme indifférent.
Vous
remarquerez que si la disposition présentée par le gouvernement est plus large
que celle du code pénal, les peines sont aussi infiniment moins sévères. C’est
ce qui devait être. Il est impossible, quand des faits nécessitent une loi
extraordinaire, d’atteindre le but qu’on se propose, si on maintient les termes
restrictifs des lois ordinaires.
Je suis persuadé que la
loi ne peut donner lieu à des abus, la connaissance des délits étant déférée au
jury.
M. Pollénus, rapporteur. - Après les observations qui
viennent d’être faites par MM. de Theux et Dellafaille, j’ai très peu de chose
à dire. J’appellerai particulièrement l’attention de la chambre sur les observations
qui ont été présentées par M. Dellafaille. Il a démontré que les articles 86 et
87 du code pénal s’appliquent seulement aux cas de complot et d’attentat, et
que l’art. 102 qui parle de provocations, par lesquelles on excite à commettre
les faits prévus par ces articles 86 et 87, ne peut s’appliquer qu’à des
provocations ayant pour but le complot ou l’attentat.
Une provocation ayant
pour but le retour de la famille d’Orange-Nassau ne sera jamais une provocation
dans le sens de l’art. 102, car le code pénal exigeant une provocation directe,
on soutiendrait qu’il y a bien provocation en faveur du prince d’Orange par
exemple, mais que cette provocation ne tombe pas dans les termes du code qui
n’a en vue que les provocations à un complot contre le chef de l’Etat.
D’ailleurs les provocations définies dans le projet ne supposent pas
nécessairement un attentat ni un complot.
La preuve la plus
incontestable qu’il y a une lacune dans le code pénal, c’est la jurisprudence
admise. On se trouve conséquemment dans la nécessité de combler cette lacune.
L’honorable M. Fleussu a
fait cette objection qu’en présence de l’art. 102 du code pénal et de la loi
proposée, les juges se trouveraient dans un grand embarras, ne sachant à
laquelle de ses deux législations ils devraient recourir. Je me permettrai de
rappeler à l’honorable membre que c’est un axiome dans l’application des lois,
que quand il y a quelque doute sur l’applicabilité de deux législations
différentes, la peine la moins sévère est toujours appliquée. Ainsi, l’embarras
que l’on veut faire résulter de la différence entre la pénalité de la loi
proposée et celle du code pénal, n’est véritablement pas un embarras.
L’honorable M. Jullien a
adressé des reproches à la proposition de la section centrale, non seulement
pour la disposition mais encore pour la rédaction. J’aurai l’honneur de faire
observer ici, et cela est mentionné dans le rapport, que cette disposition est
tirée textuellement de la loi française du 17 mai 1819.
Nous avons pensé qu’en
matière de style législatif nous pouvions nous en rapporter aux lois
françaises.
Le mot public se trouve reproduit à différentes
reprises dans l’art. 1er. Cela est vrai ; c’est qu’on a cru nécessaire de le
faire, afin de ne laisser aucun doute sur la nécessité de la publicité, pour
que les faits énumérés dans l’article fussent punissables.
Je crois donc que sous
le rapport du style la section centrale est justifiée.
Mais, dit-on, sans
intention il n’y a ni crime ni délit, et si vous écartez l’amendement de M. Trentesaux. Le jury sera appelé à
juger sur le fait, il n’aura pas à reconnaître l’intention. Je me hâte de
rappeler à l’auteur de cette objection un article du code d’instruction
criminelle qui doit le rassurer. C’est l’article 337.
La question qui doit
être posée est la question de culpabilité, non pas sous le rapport du fait
matériel, mais sous le rapport intentionnel ; de manière que s’il résulte de
l’examen du procès que l’accusé n’a pas eu d’intention criminelle, le jury
l’absoudra.
M.
Jullien a engagé les membres de la section centrale et le ministère à citer un
cas auquel la loi soit applicable. M. de Theux a déjà répondu à cette
interpellation. Il s’est emparé d’une supposition émise par M. Trentesaux au
sujet de la possibilité du rappel d’un membre de la famille des Nassau. On a
déjà démontré qu’adopter l’amendement de M. Trentesaux ce serait rendre la loi
à peu près illusoire. Du moment que l’on serait obligé de poser la question de
savoir s’il y a eu provocation directe, l’on sait très bien que les personnes familiarisées
avec le style de la presse ont toujours su éluder la loi dans les cas où elle
semblait évidemment avoir été violée.
Je persiste à croire que
le jury étant constitué le juge de l’accusé, celui-ci aura toutes les garanties
qu’il peut désirer. S’il y a doute, les jurés seront toujours disposés à donner
un verdict d’acquittement. L’objection qu’a faite M. Trentesaux que si l’on
écarte son amendement, la loi semblera dire qu’elle se contente de provocations
indirectes, cette conséquence n’est pas exacte. La seule chose qui en
résulterait, c’est que le caractère de la provocation serait abandonné à
l’appréciation d’un juge sur lequel personne ne peut exercer d’influence. Je
pense donc que l’on peut être tranquille sur l’extension que présentent les termes
de la loi.
M. Trentesaux. - On ne fait que parler du
jury. Eh bien, je demande l’insertion du mot directement, afin que le jury sache sur quelle espèce de délits il
est appelé à prononcer. La loi, telle qu’elle est actuellement, est une
deuxième édition du discours qu’un honorable membre nous a débité en faveur de
l’arbitraire. Je veux que l’on spécifie au jury les cas que la loi trouvera
répréhensibles, afin que tout ne paraisse pas provocations à des jurés
passionnés.
Mais de quelle urgence
est donc la loi ? Sommes-nous donc dans les circonstances les plus difficiles ?
Pendant trois ans on n’a jamais songé à nous présenter un pareil projet. Ne
dirait-on pas que nous sommes dans un pays menacé ? jamais il n’y a eu moins de
danger. Votre existence est aujourd’hui, pour ainsi dire, européenne. Vous êtes
abandonnés à la diplomatie. (Hilarité
générale.) Je ne dis pas que ce soit un malheur. Vous devez être un pays
neutre. Mais en votant le projet de loi contre lequel je m’élève, vous êtes
comme des écoliers qui veulent empêcher ce mal quand il est fait. C’était il y
a trois ans qu’une pareille mesure devait être prise. Il faut laisser au jury
une certaine latitude. Jamais nous n’avons été dans une plus belle position.
Mais jeter un semblable brandon de discorde, c’est le moyen de retourner en
enfer. (Hilarité.) Je rejetterai donc
l’article 1er. Du reste, j’en ai entendu assez pour repousser la loi tout
entière.
M. Dubus. - Un honorable membre a proposé
d’ajouter dans l’art. 1er du projet en discussion. D’un côté l’on a dit qu’en
thèse générale punir des provocations même indirectes, c’était donner trop de
champ aux interprétations arbitraires ; d’un autre côté, qu’introduire ce mot
c’était ruiner la loi tout entière. Ce que nous voulons tous, c’est de donner
une sanction au décret du congrès qui prononce l’exclusion perpétuelle des
Nassau. Nous voulons donner au gouvernement tous les moyens de réprimer les
provocations orangistes, nous voulons que le peuple ne se fasse plus justice à
lui-même. On a dit que l’insertion du mot directement
dans la loi la ruinerait. Il s’est élevé chez moi un doute à cet égard.
Comme l’observation que j’ai à soumettre à la chambre n’a pas encore été faite,
je la soumettrai aux honorables orateurs qui s’opposent à l’amendement de M. Trentesaux.
Si l’on admet le mot directement, il est clair que l’art.
punira plus les provocations directes que celles indirectes au retour de la
famille de Nassau ou de l’un de ses membres ? Ne demeure-t-il pas vrai
néanmoins que les provocations indirectes sont aussi des démonstrations
publiques, et que l’art. 2 de la loi les atteint ? Si cela est vrai, la loi
applique une peine aux provocations directes, et une peine plus faible aux
provocations directes qu’elle considère comme des démonstrations publiques. Si
cela est vrai, je ne verrais pas d’inconvénient à introduire dans l’art. 1er le
mot directement.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - L’honorable M. Trentesaux,
faisant usage d’un argument a contrario, et supposant le rejet possible de
l’amendement qu’il a présenté, a dit que par cela seul que son amendement ne
serait pas accueilli, il en résulterait que toute provocation indirecte serait
punissable. Je ne puis admettre cette conclusion. Il est évident que si le
jury, interrogé dans le terme de la loi répondait : « L’accusé est
coupable de provocation indirecte, » comme la réponse ne serait pas
équivalente à la question, il pourrait y avoir lieu de la part de la cour à
déclarer ou que cette réponse n’est pas complète ou qu’elle est favorable au
prévenu ; et peut-être le jury s’il était appelé à modifier sa décision,
prononcerait-il un verdict d’acquittement.
Il faut, messieurs, ne
pas perdre de vue que le jury peut trouver une grande différence entre certains
actes qui portent tous, mais du plus au moins, le caractère de provocation ;
c’est précisément là ce qui rend la juridiction du jury avantageuse. La loi ne
demande pas si la provocation est directe ou indirecte ; elle veut que l’acte
porte le caractère de provocation. Voilà tout. Que trouvez-vous d’exorbitant,
si un jury interrogé dans les termes sacramentels du projet répond
affirmativement ? Que trouvez-vous d’exorbitant lorsque des citoyens indépendants
du pouvoir, autant que la loi peut consacrer cette indépendance, répondront :
« Oui le prévenu est coupable de provocation au retour de la maison
d’Orange, » et qu’il intervienne condamnation ?
Ainsi la provocation est
directe, nul doute sur la réponse du jury ; si elle est indirecte, il restera
une question de fait que le jury examinera, à savoir s’il y a provocation
suffisante, provocation coupable, ou simple allusion.
Si ce que le ministère
publie veut prendre pour une provocation n’est qu’un vœu inoffensif, qu’une
imprudence, il est douteux même que le gouvernement l’autorise à poursuivre.
Pensez bien que lorsque le gouvernement poursuivra, sa conduite sera toujours
contrôlée par les chambres, par la presse ; le ministère public ne s’exposera
pas légèrement à recevoir un affront du jury. Vous trouvez à cet égard des
garanties dans l’intérêt même du gouvernement, dans le soin qu’il doit prendre
de la dignité de son pouvoir.
Je crois que l’honorable
M. Dubus se trompe sur le sens de l’art. 2. Je crois que l’art 2 venant à la
suite des développements que la section, centrale a donnés à l’art. 1 ne peut
pas en général s’appliquer à la presse. Toutefois j’admets que dans le cas par
exemple, de la publication de la souscription à laquelle on a fait allusion, fait
qui a pu se présenter a la pensée du gouvernement et de la section centrale,
que l’expression de démonstration soit applicable. Mais en général les délits
de la presse sont renfermés dans l’art. 1er et non dans l’art. 2 ; la
démonstration représente plutôt l’idée d’un fait matériel qu’un écrit.
Tout
à l’heure j’ai entendu un honorable préopinant, lorsque l’on a invoqué la loi
française de 1819, la qualifier d’œuvre de la chambre introuvable. Les
souvenirs historiques de cet honorable préopinant l’ont trompé. La loi de
Voilà à quelle autorité
on a fait allusion en parlant de la loi de 1819.
M.
Gendebien. - Je laisse à l’honorable M. Dubus le soin de répondre à M.
le ministre de la justice ; pour moi je ne lui répondrai pas, parce que je ne
l’ai pas compris.
Quand on veut de
l’arbitraire, on trouve toujours des raisons, des exemples, et des différences
dans les comparaisons d’époque à époque : voyons toutefois si la comparaison
faite avec le régime impérial est favorable au ministre. Je crois qu’il sera
très facile de lui rétorquer l’argument qu’il a tiré de l’article 102. Il a dit
: Dans l’article 102 du code pénal le mot directement a été consacré parce
qu’alors la liberté de la presse n’existait pas. Eh bien, c’est précisément
parce que la liberté de la presse n’existait pas qu’il était moins nécessaire
de mettre ce mot directement dans
l’article.
Celui qui affichait,
placardait, publiait un écrit, était déjà suspect par la raison qu’il cherchait
à échapper à la loi sur la presse ; c’était un indice de culpabilité de plus.
Rapprochez cet art. 102
de l’article en discussion, et vous verrez si le mot directement ne doit pas être mis dans votre loi.
Si, en 1810, les
exigences impériales, si la bassesse, la servilité de ceux qui étaient dévoués
à ce régime, si la plupart des muets du corps législatif ont jugé à propos de
mettre dans l’article 102 le mot directement,
quand surtout règne la censure, quand on est en état de suspicion en écrivant,
je demande si aujourd’hui que la liberté de la presse est proclamée d’une
manière illimitée par la constitution, que le droit d’écrire est un droit
sacré, que la présomption de bonne foi est acquise à tout écrivain, tandis que
sous le régime impérial, il y avait toujours présomption de mauvaise intention
lorsqu’on publiait sans se soumettre à la censure ; je demande, dis-je, si vous
pouvez vous refuser à faire dans l’article premier ce que les législateurs de
1810 ont fait dans l’article 102 ?
De plus vous ne
rencontrez pas dans l’article 102 le vague que l’on trouve dans l’article
premier, qui se termine par ces mots déjà remarqués et si remarquables :
« ou de toute autre manière. »
On dit : Chacun connaît
la facilité qu’auront les écrivains tant soit peu exercés à éluder la loi, si
vous mettez dans cette loi qu’il faut une provocation directe. Mais comment
pourra-t-on reconnaître une provocation indirecte ? Etes-vous bien certains que
le jury sera composé d’hommes ayant autant de facilité à soulever le voile qui
enveloppe la pensée de l’écrivain, que celui-ci en a pour contourner son style,
à s’entourer de nuages ? Vous supposez que dans la nation vous trouverez
toujours des hommes qui auront autant de capacité pour juger les périphrases
que l’écrivain a eu d’habilité à les employer. Si vous voulez raisonner de la
sagacité des écrivains, il faut, pour apprécier les résultats de cette
sagacité, supposer à chaque membre du jury la même sagacité ; sans cela, vous
tombez dans l’arbitraire dans l’erreur.
Messieurs, recourez à la
discussion de 1829 sur la loi qui a remplacé l’arrêté de 1815, et vous verrez
van Maanen et ses adhérents tenir le même langage que l’on tient aujourd’hui
pour soutenir la loi de 1834 ; et d’un autre côté, vous verrez tous les Belges
tenir le même langage que moi et mes honorables amis tenons aujourd’hui. J’aime
mieux être Belge à la manière des Belges de 1829, que d’être Belge aujourd’hui
à la manière des van Maanen et de ses séides ou de ses imitateurs.
La loi du congrès sur la
presse, qui a exigé la provocation directe, a-t-on dit, n’est pas une autorité
à citer ; à l’époque du congrès, les journaux n’avaient pas poussé l’insolence
aussi loin qu’aujourd’hui. C’était aussi le mot dont se servait van Maanen en
1829.
Messieurs, veuillez
remarquer que c’est à la fin du mois de juillet et dans une des dernières
séances du congrès que la loi a été rendue ; veuillez-vous rappeler que dès le
6 du mois de janvier un membre du congrès était venu proposer une loi, dans le
genre de celle que nous discutons, contre les journaux qui alors ne se
permettaient pas seulement des insolences mais qui provoquaient directement la
nation à ne pas reconnaître le pouvoir provisoire, ni le congrès, qu’ils traitaient
de pouvoirs de fait, et les membres du congrès d’intrus, d’intrigants.
Rappelez-vous qu’ils disaient qu’on ne pouvait obéir à leurs lois parce
qu’eux-mêmes étaient en dehors de toutes les lois. Savez-vous comment la
commission chargée d’examiner ce projet conclut ? Elle dit à l’unanimité que,
placés sous la sauvegarde nationale, le congrès et le gouvernement provisoire
étaient de cette manière mieux protégés et mieux défendus que par des lois
répressives.
Cette réponse a été
faite et à l’unanimité par la commission, qui était composée de MM. Beyts, de
Behr, Raikem, deux de nos collègues ici présents, Leclercq, que nous regrettons
tous les jours, Barbanson et Destrivaux, jurisconsultes distingués.
Je vous répondrai
aujourd’hui, ainsi que le faisaient les hommes que je viens de citer : Placés
sous la sauvegarde nationale, la chambre et le gouvernement définitif sont
mieux protégés et seraient mieux défendus que par les lois répressives.
Comme vous venez de le
voir, messieurs, il ne s’agissait pas de simples injures ou d’attaques vagues
et sans portée, il s’agissait d’attaques les plus directes contre un
gouvernement que M. Lebeau, quelques jours tard, qualifiait de faible et
attaquait sans mesure ; c’est au milieu des événements les plus graves que le
congrès trouvait les lois ordinaires suffisantes.
Messieurs, voilà dans
quelles circonstances le congrès a fait cette loi de la fin de juillet 1832 ;
c’est après avoir acquis l’expérience des excès où se portait la presse
orangiste que le congrès a cru devoir insérer dans la loi de la presse le mot
directement que le ministère repousse aujourd’hui avec tant d’acharnement.
Soyez donc conséquents
avec vous-même et ne repoussez pas après 4 ans d’organisation et lorsque vous
vous proclamez si fort, ce que vous considériez comme légitime et sans
inconvénient au milieu de la tourmente révolutionnaire, et avec un gouvernement
que vous proclamiez si faible.
On vous a cité
l’autorité de la France, toujours l’exemple de la France. On vous a dit qu’en
1819 la chambre avait trouvé à propos de revenir sur l’art. 102 et d’en effacer
le mot directement. On a ajouté que
cette chambre n’était pas cependant la chambre introuvable.
Messieurs, d’abord
toutes les chambres à cette époque, trouvables ou introuvables, ne valaient pas
mieux les unes que les autres, et vous savez que dès lors l’assemblée
législative de France avait pris l’habitude d’aller au-delà même des
propositions du gouvernement.
J’espère que nous ne lutterons
pas avec la France à cet égard. Ensuite, l’exemple est mal choisi ; car vous
avez vu que la dynastie des Bourbons que l’on voulait défendre avec cette loi
de
On nous vante la liberté
de la presse ; je le demande n’y a-t-il pas là de l’hypocrisie ? si l’article
1er de la loi est adopté, peut-il exister en Belgique un homme qui ose encore
écrire dans un journal ? Il m’importe peu pour moi que des journaux orangistes
écrivent ou n’écrivent pas, je ne les lis point, mais je veux la liberté pour
eux parce que je la veux pour les autres que je lis, et prenez garde, si vous
bâillonnez la presse orangiste, vous fournirez au roi Guillaume un des
arguments les plus forts contre notre révolution et à l’appui des dispositions
malveillantes des puissances étrangères. Le roi Guillaume dira alors : l’opinion
générale en Belgique est maintenant tellement en ma faveur, que le pouvoir est
obligé d’opprimer les organes ; il ne s’élève plus une seule voix en faveur de
ma dynastie, parce que le gouvernement a cru nécessaire de les réduire au
silence par l’arbitraire.
Que répondrez-vous,
messieurs les diplomates, à la diplomatie de la conférence de Londres
lorsqu’elle vous contestera la réalité des vœux du peuple belge, lorsqu’elle
trouvera dans vos lois d’exception une réponse aux griefs que vous invoquiez
jadis pour justifier la révolution et l’exclusion des Nassau ?
Encore une fois, arrêtez-vous au
bord du précipice. Vous allez donner au parti orangiste une force qu’il n’a
pas, vous allez donner à l’étranger et dans nos provinces une fausse idée de sa
puissance, vous allez fournir au roi Guillaume un des plus forts arguments
qu’il ait pu faire valoir. Rentrez dans la constitution ou abandonnez vos
portefeuilles à des hommes qui sauront bien gouverner avec la constitution.
Alors il n’y aura plus en Belgique qu’un parti, ce sera le parti national ;
celui qui veut le règne de la loi, qui repousse par-dessus tout, l’arbitraire,
celui-ci est toujours le plus nombreux en Belgique. Voilà où vous devrez
chercher votre majorité et pour vous maintenir au pouvoir, et pour repousser le
roi Guillaume et les orangistes.
Quelques voix. - La clôture ! la clôture !
M.
Legrelle. - Il y a une question qui n’a pas été examinée d’une manière
suffisante. Je désirerais d’être fixé sur le sens que M. Dubus a donné à
l’article avant que l’on se décidât a prononcer la clôture.
M.
C. Rodenbach. - En proposant mon amendement, je n’ai pas prétendu qu’il
ne pût être attaqué ; or j’en demande le renvoi à la section centrale. (Non ! non !)
M.
Fallon. - II est certain que ce qu’a dit M. Dubus doit faire sur la
chambre une grande impression ; M. le Ministre n’y a aucunement répondu. Je
désire que la discussion continue. (A
demain ! à demain !)
- La séance est levée à
4 heures 1/2.