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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 7 juin 1834

(Moniteur belge n°159, du 8 juin 1834 et Moniteur belge n°160, du 9 juin 1834)

(Moniteur belge n°159, du 8 juin 1834)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à midi.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier ; il est adopté sans réclamation.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse expose sommairement l’objet de la pétition du sieur Ph. Tollendaces à Bruxelles, qui réclame le paiement de l’indemnité qui lui revient du chef des pertes qu’il a essuyées dans les journées de septembre, par le pillage de sa maison par les Hollandais.

- Cette pétition est renvoyée à la commission des pétitions.

Rapports sur des pétitions

M. Dams, premier rapporteur, entretient la chambre des pétitions suivantes :

« La dame veuve Formont à Eccloo, exploitant une ferme avec terres sises aux polders par la lisière hollandaise, demande de pouvoir transporter, avec franchise de droits, les produits de ses terres au marché d’Eccloo. »

La commission conclut à l’ordre du jour. Je fait observer que dans la pétition, on signale un fait qui met la dame Formont dans une situation particulière. Elle ne peut plus introduire ses produits en Hollande, parce qu’ils sont considérés comme provenant de la Belgique. Si cette allégation est vraie, il paraîtrait que la Hollande considère ce territoire comme appartenant à la Belgique. Ce n’est pas la première pièce de cette nature adressée à la chambre ; les autres pièces ont été renvoyées au ministre des finances.

M. Helias d’Huddeghem. - Des pétitions semblables ont en effet été adressées à la chambre, et elles ont été renvoyées au ministre des finances.

Je demande le renvoi de la pétition au ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Des pétitions semblables ont en effet été renvoyées au ministère des finances ; elles ont été l’objet d’un rapport fait à la chambre par l’administration. La pétition actuelle contient un fait spécial, et je ne m’oppose pas à ce qu’on la renvoie au ministre des finances ; elle sera examinée, et je ferai, s’il y a lieu, un rapport à la chambre.

- La chambre renvoie la pétition au ministre des finances.


M. Dams, premier rapporteur. - « Les sieurs Fulgance Thomas et Joseph Moriane, de Vergnie, réclament de nouveau à la chambre, pour qu’elle fasse cesser l’abus qui lui a déjà été signalé, concernant certains mariages de miliciens. »

La commission propose l’ordre du jour.

Les jeunes gens mariés avant le premier janvier de l’année sont exemptés de la milice ; alors ils se marient devant l’officier de l’état-civil, et abandonnent ensuite leurs femmes. Cet abus a été signalé plusieurs fois à la chambre, et il serait à désirer qu’on pût remédier à l’abus.

Les jeunes gens prennent ordinairement de vieilles femmes ; elles leur coûtent dix francs, et souvent moins. Il serait bien de faire cesser ce trafic infâme. Le ministre de l’intérieur à lui-même déclaré que la loi sur la milice était vicieuse en plusieurs points et qu’il tâcherait de faire disparaître ces vices.

M. Jullien. - Messieurs, j’entends souvent parler dans cette enceinte du droit sacré de pétition ; mais si on ne veut pas le rendre illusoire, il ne faut pas prodiguer l’ordre du jour sans discernement et sans discussion.

La pétition qui vous est soumise signale un abus très grave et très préjudiciable aux jeunes miliciens ; ils se plaignent de ce qu’un grand nombre de miliciens se marient en fraude de la loi en s’unissant à des femmes nonagénaires pour s’exempter du service militaire, puis ils se séparent de leurs épouses. Je conçois que certains jeunes hommes préfèrent affronter les dangers d’une union avec une femme de 90 ans, au lieu d’affronter les dangers de la milice ; mais toutes les fois qu’on fait des actes en fraude de la loi et au préjudice d’autrui, on ne devrait pas jouir des exemptions que la loi accorde.

Je demande que cette pétition soit renvoyée au bureau des renseignements et au ministre de l’intérieur.

M. Desmanet de Biesme. - La commission a proposé l’ordre du jour ; cependant M. le rapporteur a parlé dans un sens contraire à la proposition de la commission.

M. Dams, rapporteur. - J’ai d’abord parlé au nom de la commission ; puis j’ai parlé comme membre de la chambre.

M. Desmanet de Biesme. - L’abus qui est signalé existe depuis trente ans : le gouvernement français avait coupé court à cette difficulté, et, sans s’embarrasser des vieilles femmes, il appelait au service les jeunes hommes. C’est un trafic odieux et scandaleux, et qui s’étend de plus en plus ; il faudrait le faire cesser.

M. Fleussu. - C’est assez difficile.

- L’ordre du jour n’est pas adopté. La pétition est renvoyée au ministre de l’intérieur et la chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements.


M. Dams, premier rapporteur. - « Plusieurs miliciens de la commune de Vergnies (Hainaut) réclament contre l’abus qui résulte du mariage d’autres miliciens avec des femmes nonagénaires, ce qui les oblige à servir pour eux. »

- Même renvoi.


M. Dams, premier rapporteur. - « Les président et membres du tribunal de première instance de Hasselt réclament un changement de classifications. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. de Theux. - Je voudrais connaître les motifs de la proposition de la commission.

M. Dams, premier rapporteur. - La commission, malgré les allégations des pétitionnaires, ne pense pas que le tribunal de Hasselt puisse être comparé aux tribunaux d’une classe supérieure pour l’importance.

M. de Theux. - Mais la ville de Hasselt est chef-lieu de province. Il y fait très cher vivre. La pétition pourrait être renvoyée au ministre de la justice, ou tout au moins à la commission chargée de l’examen des circonscriptions judiciaires.

M. Dubus. - Il y a deux ans que la chambre a fixé la classification des tribunaux : si vous donnez accueil à la pétition du tribunal de Hasselt, beaucoup d’autres tribunaux, plus importants, réclameront aussi une classification plus élevée ; c’est une nouvelle loi de classification qu’il faudra faire. J’appuie l’ordre du jour.

M. de Theux. - Les motifs que l’on fait valoir, sont des motifs au fond, mais non des motifs pour passer à l’ordre du jour. Des citoyens usent de leur droit en s’adressant à la chambre ; il faut examiner leur pétition.

M. Gendebien. - On pourrait renvoyer la pétition au bureau des renseignements : chaque membre pourra alors réviser le jugement qu’il a porté il y a deux ans. Un jugement a été prononcé sur la classification des tribunaux, et bien prononcé ; il me semble qu’il est inutile d’entretenir le ministre de semblables faits.

- L’ordre du jour proposé par la commission est rejeté. Le renvoi au ministre de la justice est ordonné.


M. Dams, premier rapporteur. - « Plusieurs négociants et armateurs belges adressent des observations sur la situation actuelle de la marine marchande et de la pêche nationale. »

La commission conclut au renvoi au ministre des finances et à la commission d’industrie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’appuie le renvoi demandé par mon collègue.

- Les conclusions de la commission et le renvoi demandé par le ministre de l’intérieur sont adoptés.


M. Dams, premier rapporteur. - « Le sieur P.-C. Zoude, jurisconsulte et ancien échevin de Namur, demande qu’il soit nommé une commission chargée de la liquidation des sommes avancées à titre de prêt au gouvernement autrichien. »

Renvoi au ministre des finances.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Plusieurs marchands ambulants de beurre de la Campine demandent la révocation de l’arrêté accordé à la ville de Hasselt par le régent de la Belgique, qui consiste à percevoir un cents des Pays-Bas par kilogramme de beurre transporté sur le territoire de Hasselt. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. A. Rodenbach. - Je demande s’il s’agit d’un octroi.

M. Dams, premier rapporteur. - Oui.

M. Gendebien. - Il me semble que s’il s’agit d’un octroi, la commission des pétitions ne s’est pas bien exprimée ; on parle dans la pétition de territoire.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Le mot territoire me semble également mauvais.

M. Dams, premier rapporteur. - Il s’agit bien d’un octroi municipal ; les pétitionnaires le déclarent eux-mêmes.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Dams, premier rapporteur. - « Le sieur Max. Sauveur, à Sevry (Hainaut), réclame le déplacement de la barrière du Courtournant, sur la route de deuxième classe de Beaumont à Chimay. »

La commission conclut à l’ordre du jour.

M. Jullien. - Il faudrait savoir sur quel motif sont fondées les conclusions de la commission.

M. Dams, premier rapporteur. - La commission propose seulement l’ordre du jour.

M. Jullien. - Je vais mettre le rapporteur sur la voie des explications qu’il pourrait nous donner. Il est à ma connaissance que des barrières ont été placées au détriment des habitants riverains des routes, c’est-à-dire qu’elles ont été placées plus haut ou plus bas que ne le portait le tableau annexé à la loi sur les barrières. Il résultait de cet état de choses un préjudice pour les habitants des maisons qui se trouvaient en deçà ou en delà des barrières ; s’il s’agit ici d’un cas pareil, il faut faire justice au pétitionnaire et renvoyer sa réclamation au ministre de l’intérieur ; si le pétitionnaire se plaint seulement que les barrières ont été déplacées conformément à la loi, il y a lieu de passer à l’ordre du jour.

M. Dams, premier rapporteur. - Le pétitionnaire se plaint effectivement du déplacement des barrières.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois, en général, qu’une pétition qu’on renvoie à un ministre doit constater un abus, un déni de justice ; ici, on ne sait pas vraiment si le pétitionnaire a raison de se plaindre : l’emplacement des barrières est fixé jusqu’au 1er avril 1835 ; on ne peut y toucher avant cette époque ; je pense qu’il faut seulement déposer la pétition au bureau des renseignements.

M. Jullien. - Ce n’est pas la question ; je cite des faits ; je parle de placements de barrières non conformes au tableau de la loi, et qui ont porté un préjudice : un pareil cas a donne lieu a un procès qui a été jugé à Bruges, Il faut, je le répète, si le pétitionnaire a à se plaindre d’une violation de la loi sur les barrières, qu’on redresse le tort qui lui est porté.

M. Dams, premier rapporteur. - Je vois à la fin de la pétition que l’objet de la demande du pétitionnaire est de remplacer la loi du 30 mars 1833.

M. Jullien. - Alors le dépôt au bureau des renseignements doit être adopté.

- La pétition sera déposée au bureau des renseignements.


M. Dams, premier rapporteur. - « Les sieurs Bartholomé Lucas et Conter à Astert (Luxembourg), délégués à la perception des barrières n°15 et 16, entre Arlon et Martelange, proposent des changements à l’emplacement de ces barrières. »

La commission conclut à l’ordre du jour.

M. Legrelle. - Le renvoi au bureau des renseignements.

- Cette proposition est adoptée.


M. Dams, premier rapporteur. - « Plusieurs habitants du district de Marche demandent 1° l’achèvement de la canalisation commencée sur l’Ourthe, de Liége à Barvaux ; 2° le prolongement de la route de Hotton à Marche, depuis Hotton jusqu’à Barvaux. »

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Desmanet de Biesme. - En appuyant le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, je désirerais que M. le ministre nous donnât quelques explications sur l’objet de cette pétition.

La canalisation de l’Ourthe avait été donnée à une société moyennant certaines conditions ; je désirerais savoir pourquoi les travaux ne sont pas continués, et je demanderai en quel état ils se trouvent.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il est très vrai que les travaux du canal de l’Ourthe sont interrompus depuis la révolution ; les motifs que les concessionnaires ont fait valoir pour interrompre les travaux, existent dans la révolution elle-même.

Le gouvernement a fait plusieurs démarches auprès des concessionnaires pour qu’il aient à continuer les travaux ; il s’est occupé ensuite de les mettre en demeure.

Je serai à même de donner des renseignements plus complets sur cette question, qui est très importante en effet.

Le canal de l’Ourthe ne peut rester dans l’état où il se trouve maintenant ; il eût été préférable, si on eût prévu le retard qui est survenu, de laisser l’Ourthe comme était avant le commencement de la canalisation. L’objet de la pétition mérite toute la sollicitude du gouvernement : je pourrai, si la chambre le désire, lui soumettre un rapport complet sur cette affaire.

M. d’Huart. - Je demande que la chambre veuille bien prendre connaissance du rapport dont a parlé M. le ministre. Il s’agit d’un objet extrêmement important, particulièrement pour la province de Luxembourg.

Les travaux de canalisation de l’Ourthe ont été abandonnés depuis 4 ans ; il semble que le gouvernement eût pu prendre des mesures contre cet abandon. Je sais que le roi Guillaume est actionnaire dans les travaux, et qu’il peut vouloir s’opposer à ce qu’ils soient repris ; mais si les actionnaires ne remplissent pas les conditions qui leur sont imposées, le gouvernement doit pouvoir se substituer aux actionnaires et faire continuer les travaux.

Déjà 3 ou 4 millions ont été dépensés, et parmi les travaux qui ont été exécutés il y en a qui tombent en ruine. Je citerai un souterrain en maçonnerie qui, se trouvant presque submergé, est exposé à s’écrouler tous les jours, et si on n’y porte remède, on sera obligé de le reconstruire entièrement.

Je citerai également des travaux en rivière qui, faute d’être achevés, doivent tôt ou tard être entièrement ruinés.

La canalisation dont il s’agit est très importante pour le Luxembourg, pour toute la Belgique ; elle procurerait aussi de grands avantages à la ville de Liége, en établissant dans cette ville une communication avec l’Allemagne.

- Une voix. - C’est une bien faible communication.

M. d’Huart. - J’entends contester cette communication ; il me semble qu’il s’agit bien cependant d’une communication avec l’Allemagne, puisque le canal unit la Meuse à la Moselle.

Je demande que M. le ministre de l’intérieur veuille bien nous soumettre le rapport dont il a parlé.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je dois faire remarquer que, dans les termes du contrat, les concessionnaires ne devaient avoir terminé les travaux que le 1er avril de l’année dernière ; c’est seulement à partir de cette époque que le gouvernement a pu les constituer en demeure. Il a dû avoir égard aux circonstances qui devaient en effet interrompre les travaux pendant un certain temps. Mais le gouvernement n’a jamais entendu que ces travaux puissent être interrompus pendant trois ans à la suite de la révolution. D’un autre côté, avant de continuer les travaux, on n’ignore pas qu’il faut de l’argent. Si la chambre est disposée à faciliter les moyens de reprendre les travaux, le gouvernement ne fera pas faute de lui demander ces moyens.

Il espérera les obtenir de l’intérêt que porte la chambre à toutes les améliorations matérielles du pays.

M. Desmanet de Biesme. - Les travaux doivent être continués, nous sommes d’accord sur ce point ; mais ce n’est pas la question ; il faudrait savoir si, les concessionnaires se refusant à remplir les conditions de la concession, la concession ne doit point être déclarée déchue.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Lorsque j’ai déclaré que le gouvernement pourrait continuer les travaux, j’ai supposé qu’il y avait déchéance à l’égard de la concession, puisque les concessionnaires n’ont pas rempli leur engagement.

M. Jadot. - En attendant que les travaux de canalisation soient repris, rien ne s’oppose à ce que la route demandée soit faite ; elle coûtera peu et sera d’un grand avantage pour le pays. J’espère que M. le ministre voudra bien prendre cette demande en considération afin d’en faire l’objet d’une proposition spéciale.

M. Gendebien. - Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur avec demande d’explications. (Appuyé.)

- La proposition de M. Gendebien est adoptée.


M. Dams, premier rapporteur. - « Le sieur C. Pettens, à Louvain, demande la liquidation de 2,000 fr. qui lui sont encore dus sur sa rente à charge de la cure de Veersel et Massenhove.»

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Le sieur J.-F. Sap, de Couckelaere, propriétaire et cultivateur, réclame des changements dans la répartition des taxes locales dites abonnement. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Trois habitants de Fleurus demandent que la chambre prenne une disposition qui proroge l’époque fixée pour le renouvellement de titres des rentes.»

Ordre du jour.

- Adopté.


La chambre passe également à l’ordre du jour sur 6 autres pétitions relatives au même objet.


M. Dams, premier rapporteur. - « Un grand nombre de gardes civiques de Bruxelles demandent la révision de la loi sur la garde civique. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Les administrateurs des compagnies générales sur la vie et contre les risques d’incendie, établies a Bruxelles, réclament contre l’existence illégale des agences établies en Belgique par des sociétés anonymes d’assurances étrangères au pays et non autorisées par le gouvernement belge. »

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Ernst. - Cette pétition est digne de toute l’attention de la chambre.

Ainsi que le disent les pétitionnaires, déjà deux fois des pétitions analogues ont été renvoyées à M. le ministre de l’intérieur ; elles n’ont amené aucun résultat ; par ce motif, les pétitionnaires demandent une mesure plus efficace de la part de la chambre. Je viens au contraire proposer l’ordre du jour.

Il ne suffit pas d’ordonner le renvoi d’une pétition à un ministre, il faut indiquer au ministre ce qu’il faut faire pour répondre au désir de la chambre, surtout lorsque les pétitionnaires se plaignent sans raison. Or, dans le cas dont il s’agit, je crois que les réclamants sont dans leur tort.

La pétition contient deux conclusions ; voici la première : « Les soussignés osent espérer, messieurs, que vous prendrez leur réclamation en considération, et que, grâce à votre intervention, la loi cessera d’être plus longtemps violée du chef ici signalé par eux.»

Les compagnies françaises ont des agents en Belgique. Ces sociétés sont fondées en France suivant les lois françaises et le code de commerce.

Les sociétés anonymes en Belgique avaient besoin d’être autorisées par le gouvernement, suivant l’article 37 du code de commerce. Les associations dont il s’agit étant fondées en France, elles n’ont pas été autorisées. Cependant, comme elles ont des agents en Belgique, les pétitionnaires qui trouvent leurs intérêts blessés, prétendent que le ministre de l’intérieur devrait interdire la Belgique à ces compagnies d’assurances.

Voici leur seconde conclusion :

« Subsidiairement et tout spécialement à l’égard de celle des sociétés étrangères qui prend le titre de Compagnie d’assurances générales sur la vie, contre l’incendie, etc., les soussignés se croient encore fondés, à part même l’illégalité signalée ci-dessus, à réclamer son interdiction en Belgique, par le motif qu’ils ont, en vertu d’actes authentiques et légaux, la possession antérieure de la même raison sociale, et que les règlements d’ordre public qui garantissent, au premier occupant, la possession des marques de sa fabrique et des enseignes, doivent, à bien plus forte raison, garantir celle d’une raison sociale, attendu qu’elle constitue pour les êtres moraux de l’espèce, un véritable baptême légal en leur assignant le seul nom qu’ils sont susceptibles de recevoir et par lequel ils peuvent être distingués de leurs concurrents. »

Cette conclusion est d’une nature toute différente. En supposant que la compagnie eût usurpé sur les droits de la compagnie d’assurance belge, ce serait devant les tribunaux qu’elle devrait faire valoir ses droits. C’est là une question de propriété ; la chambre ne peut pas intervenir sur cette conclusion, elle doit passer à l’ordre du jour.

L’autre conclusion est plus grave. On pourrait faire cette question : depuis l’article 20 de la constitution, depuis que les associations sont libres en Belgique, est-il nécessaire d’obtenir une autorisation du Roi, pour fonder une société anonyme en Belgique ? Cette question est très grave, la chambre ne la décidera pas. Je crois inutile de la décider, je ne l’examinerai pas.

Voici sur quelles raisons je fonderai ma proposition d’ordre du jour : les principes du droit, l’intérêt de l’ordre public, des consommateurs belges et du commerce en général.

Je dis que la pétition doit être repoussée premièrement d’après les plus simples principes du droit. Les pétitionnaires eux-mêmes disent que l’association est une espèce d’être moral. Il faut dès lors voir où elle prend naissance. C’est là qu’elle doit remplir les conditions de vie. Pour vous citer un exemple, la personne subit la loi du pays où elle a son domicile. Le Français pour son état personnel est régi par la loi française. Il en est de même de la société dont il s’agit : cette société est établie en France ; il faut qu’elle soit constituée suivant les règles prescrites par la loi française. Si cette société fait le commerce en Belgique, on peut exiger d’elle des conditions, telles que la patente par exemple comme on le ferait en France à l’égard des sociétés belges qui croient y exercer un commerce.

Je ne conçois pas la différence qu’on voudrait faire entre les sociétés anonymes et les autres associations.

Il existe à Vienne une société anonyme qui fait le commerce de laine sur la place de Verviers, par l’entremise de commissaires. C’est un fait réel que je cite. Eh bien, qui ira demander la preuve que cette société est légalement établie à Vienne ? C’est à celui qui traite à s’assurer 1° si le commissaire est bien l’agent de cette société ; 2° si la société est légalement établie ; 3° si elle présente toutes les conditions de solvabilité. Mais l’ordre public n’y est aucunement intéressé.

Les compagnies étrangères ont fait beaucoup d’assurances en Belgique, et je ne crois pas que le gouvernement pense à s’y opposer. Depuis trois ans, on le stimule, mais il résiste et il a raison.

En effet, quel est celui qui se plaint ? Ce sont des intéressés, ce sont les compagnies d’assurances belges qui voudraient exercer un monopole en Belgique.

Il y a trois autres motifs qui me font demander l’ordre du jour : premièrement l’intérêt des consommateurs. S’il s’établit une concurrence entre les sociétés étrangères et les sociétés belges, il est évident que les primes sont moins élevées. Cela est facile à voir. C’est la concurrence des associations étrangères qui a forcé les sociétés belges à baisser leurs primes. Elles étaient infiniment trop élevées, à tel point qu’il était impossible pour les maisons de commerce du pays de faire des assurances, et qu’elles ont été obligées de se faire assurer, soit en Allemagne, soit en France. Comme il est de l’intérêt public que les assurances s’étendent, il faut employer tous les moyens qui doivent amener une diminution dans les primes d’assurances.

Maintenant le commerce de la Belgique et des pays étrangers est intéressé dans la question, parce qu’il s’agit de savoir si les étrangers pourront faire librement le commerce en Belgique, et si les Belges pourront le faire librement à l’étranger. C’est donc une question de réciprocité. Or, la réciprocité existe-t-elle ? Si elle n’existait pas, je serais le premier à m’élever contre les privilèges qui seraient accordés aux étrangers dans notre pays, si en retour ils ne nous accordaient de leur côte les avantages dont ils jouissent chez nous. Mais la réciprocité existe. Nous possédons des sociétés d’assurances maritimes très importantes, qui ont des agents à Bordeaux et dans plusieurs ports de France, sociétés contre lesquelles les sociétés françaises rivales ont en vain essayé de lutter. Défendre aux sociétés étrangères d’assurances sur la vie, contre l’incendie, etc., de s’établir chez nous, c’est provoquer une semblable défense à l’égard des sociétés d’assurances maritimes en France.

On s’est plaint également en France, comme on le fait ici, de ce que des sociétés étrangères exerçaient leur industrie sans l’autorisation du gouvernement.

Qu’a répondu le gouvernement français à ces réclamations du commerce indigène ? Je vous prie de faire attention à cette réponse. Il a répondu qu’il n’avait entre les mains aucun moyen de faire cesser ces prétendus abus, qu’aucune pénalité n’était établie à l’égard de la concurrence des sociétés étrangères, et qu’il n’avait pas le pouvoir de les interdire.

On a demandé que le gouvernement s’assurât au moins que la société commerciale étrangère est instituée légalement. Le gouvernement ne doit pas prendre de semblables informations. C’est au particulier qui traite à s’entourer des renseignements que l’on prend dans toute spéculation.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Voilà toute la question.

M. Ernst. - Comme dit M. le ministre de la justice, voilà toute la question. Le gouvernement ne doit pas introduire l’établissement d’une association anonyme étrangère qui n’aurait aucune espèce de sanction dans le pays où son centre est fixé. Aussi le gouvernement français a répondu à ces pétitionnaires, dont je viens de signaler les réclamations, que le seul moyen qui lui restent pour remplir le but qu’ils voulaient atteindre était de présenter une loi aux chambres, mais qu’il s’en garderait bien parce que cette proposition serait le signal dans les pays étrangers d’une semblable réciprocité, et que la France, loin d’y gagner, ne ferait qu’y perdre.

J’ai envisagé la question sous le rapport commercial, sous le rapport du droit, je pourrais l’envisager également sous le rapport de l’intérêt des assurés belges eux-mêmes : la question serait de savoir si cet intérêt ne serait pas froissé par la prohibition réciproque des sociétés d’assurances en France et en Belgique. De quelque manière que l’on considère la question, ce serait faire mal que de renvoyer la pétition actuelle au ministre de l’intérieur ; ce serait demander qu’il use d’un droit qu’il n’a pas aux dépens du commerce.

Les provinces rhénanes de la Prusse sont régies par la même législation que la Belgique. Le même code de commerce y est en vigueur. Elles n’ont pas comme la Belgique un article constitutionnel qui autorise la formation d’associations. Cependant l’établissement des assurances étrangères n’y trouve aucun obstacle. Pourquoi en imposerait-on en Belgique ? Je ne vois aucune raison valable.

Je finirai en disant que, malgré la concurrence des sociétés d’assurances françaises contre les sociétés nationales, le nombre de celles-ci, loin de diminuer, a éprouvé une augmentation remarquable depuis 1829. Ce nombre à cette époque était de cinq sociétés. Aujourd’hui, si ma mémoire est fidèle, il doit y en avoir au moins neuf.

M. A. Rodenbach. - L’honorable préopinant paraît avoir approfondi la question. Je n’ai pas cette prétention. Toutefois je lui demanderai s’il n’a pas connaissance d’un arrêté du roi Guillaume de l’année 1821, si je ne me trompe, et que j’ai lu dans le temps dans les papiers publics. Cet arrêté portait que les sociétés anonymes ne pouvaient s’établir sans l’autorisation du gouvernement. Je désirerais savoir si cette loi a été abrogée, avant de me prononcer sur l’ordre du jour. La question est assez sérieuse. N’est-il pas plus prudent de demander de plus amples renseignements ? Je suis assez ennemi du monopole, pour ne pas désirer que l’on donne à la concurrence toute l’extension possible. Mais je voudrais savoir si l’arrêté que je cite a été rapportée par le gouvernement provisoire.

- Voix nombreuses. - Sans doute.

M. A. Rodenbach. - Dans ce cas je me prononce pour l’ordre du jour.

M. Gendebien. - Il existe un arrêté du gouvernement provisoire en date du 16 octobre 1830, qui consacre le droit d’association et abroge toute loi antérieure entravant l’exercice de ce droit. Permettez-moi de vous en donner lecture :

« Le gouvernement provisoire, considérant que les entraves mises à la liberté d’association sont des infractions aux droits sacrés de la liberté individuelle et politique, arrête :

« Art. 1er. Il est permis aux citoyens de s’associer comme ils l’entendent dans un but politique, religieux, philosophique, littéraire, industriel et commercial.

« Art. 2. La loi ne pourra atteindre que les actes coupables de l’association ou des associés et non le droit d’association lui-même.

« Art. 3. Aucune mesure préventive ne pourra être prise contre ce droit d’association.

« Art. 4. Les associations ne pourront prétendre à aucun privilège.

« Art. 5. Toute loi particulière et tout article des codes qui gênent la liberté de s’associer sont abrogés. »

Si maintenant vous rapprochez de cet arrêté bien clair, bien positif, qui comprend toutes les spécialités d’association, si vous rapprochez de cet arrêté l’article de la constitution qui assimile les étrangers aux Belges, il ne peut rester aucun doute sur la solution de la question qui vous est soumise. Les étrangers ont le droit de s’associer en Belgique. Ainsi, s’ils représentent une société établie ailleurs, c’est comme si elle l’était ici. La seule difficulté est de savoir s’ils ont rempli dans leur pays les formalités voulues. C’est, comme l’a très bien fait observer l’honorable M. Ernst, une question de pur intérêt privé. C’est à ceux qui traitent à savoir avec qui ils traitent. Mais pour éviter à la chambre le reproche de précipitation dans une question dont la solution est assez grave, non en principe, mais dans ses résultats, ainsi que les pétitionnaires le font entrevoir, je serais d’avis que l’on déposât leur requête au bureau des renseignements.

M. Ernst. - Je déclare me rallier a la proposition de M. Gendebien.

- Le dépôt au bureau des renseignements de la pétition n°24 est ordonné.


M. Dams, premier rapporteur. - « Plusieurs brasseurs de Louvain réclament l’intervention de la chambre, afin d’obtenir une modification à la loi du 2 août 1822, relative à l’accise sur les bières et vinaigres. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 12 mars 1834, le sieur Destombes, de Mons, demande la concession au nom d’une compagnie de Mons, dont il est l’organe, pour la construction de la partie de la route en fer à construire de Bruxelles à la frontière de France. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 30 juillet 1833, la veuve C. Blomers, à Beesel, propriétaire d’un dépôt de houilles à Rykel, district de Ruremonde, demande une disposition législative qui exemple de toute formalité, à la douane, la sortie des houilles. »

Renvoi au ministre des finances.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 9 décembre 1833, le sieur P.-Jl. Duprez, débitant de genièvre à Mouscron, demande que les acquits à caution, pour le remuage des genièvres, soit remplacé par un passavant qui sera soumis au visa des employés de la régie. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 3 mars 1834, le sieur Neroud, lieutenant de la garde civique mobilisée de Bruxelles, renouvelle sa demande en naturalisation. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 27 février 1834, le sieur de Bellemare, capitaine, directeur-adjoint à l’hôpital militaire d’Ypres, demande la naturalisation. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 8 novembre 1833, le sieur Louis Bernet, à Louvain, né en Suisse, sous-lieutenant au service belge, demande la naturalisation. »

Dépôt au bureau de renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 20 mai 1834, le sieur C. Deckers, candidat notaire, né dans le Brabant septentrional, demeurant à Anvers, demande la naturalisation. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 4 mars 1834, six particuliers habitant Bruxelles demandent que la chambre s’occupe au plus tôt d’un projet sur la naturalisation. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 28 février 1834, plusieurs habitants de Nivelle (Flandre orientale) demandent la révocation d’un chef de légion de la garde civique. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 22 mai 1834, le sieur Diepenbeek demande que la chambre réclame les explications demandées à M. le ministre des affaires étrangères sur sa pétition, tendante à provoquer le retour de son fils et de tous les Belges qui sont au service colonial de la Hollande. »

- Renvoi au ministre des affaires étrangères.

M. Gendebien. - Si j’ai bonne mémoire, le sieur Diepenbeek a déjà réclamé plusieurs fois auprès de la chambre. Deux même de ses pétitions ont été renvoyées à M. le ministre des affaires étrangères. Il y a deux ou trois mois, M. le ministre promit de faire un rapport sur cette pétition. Je demande que la pétition soit renvoyée au ministre des affaires étrangères, avec une lettre de rappel de la promesse qu’il avait faite à la chambre. La pétition mérite d’être prise en considération. Le pétitionnaire est un père de famille qui réclame son fils, et qui s’est offert à aller le chercher si on voulait lui donner des passeports.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je regrette que M. le ministre des affaires étrangères soit absent de Bruxelles en ce moment ; il prendrait sans doute en considération la proposition de la section centrale et de l’honorable préopinant. J’appuie le renvoi proposé ; et je ne doute pas que M. le comte F. de Mérode, aussitôt son retour, ne s’occupe de la réclamation du pétitionnaire.

- La pétition est renvoyée à M. le ministre des affaires étrangères, avec demande d’explications.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 5 avril 1834, la dame Susanne Causse, veuve Braconnier, réclame le congé définitif de son fils Jean-Hubert Wathelet, soldat au 2ème régiment de chasseurs à pied. »

La pétitionnaire prétend que le temps de service de son fils est écoulé ; elle se plaint d’une décision contraire de M. le ministre de la guerre. La commission propose l’ordre du jour.

M. Gendebien. - Justifie-t-elle de l’expiration de l’engagement de son fils ?

M. Dams, premier rapporteur. - Non. Cependant elle indique l’époque à laquelle a commencé son engagement : mars 1831 ; il aurait dû par conséquent, dit-elle, expirer en mars 1834.

M. Gendebien. - Je demande le renvoi au ministre de la guerre. Il est certain que pour faciliter les engagements volontaires, le gouvernement provisoire avait autorisé les engagements pour 3 ans. Il est probable que le fils de la pétitionnaire est un de ces nombreux volontaires qui se sont consacrés pour 3 ans à la défense du pays. Je pense que ce serait manquer à la foi du contrat que de prolonger un tel engagement. Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre avec demande d’explications.

- La pétition est renvoyée à M. le ministre de la guerre avec demande d’explications.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition en date du 17 mars 1834. La dame veuve Godecharles, de Bruxelles, renouvelle sa demande d’exemption de la milice en faveur de son fils unique. »

La commission propose l’ordre du jour.

M. Legrelle. - Il faut qu’il y ait à l’appui de la pétition des raisons que nous ne connaissons pas ; car la loi sur la milice exempte du service les fils uniques de veuves.

Pour que ces motifs puissent être connus et appréciés, je demande le renvoi à M. le ministre de la guerre avec demande d’explications.

M. Pollénus. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Legrelle, et en voici le motif : depuis assez longtemps, il y a des réclamations à l’occasion de l’application de la loi sur la milice fondées principalement sur ce que le gouvernement autorise, en ce qui concerne la levée de la milice, l’application d’un arrêté du roi Guillaume qui n’est plus en vigueur.

- La pétition est renvoyée à M. le ministre de la guerre avec demande d’explications.


M. Dams, premier rapporteur. - « Par pétition du 4 janvier 1834, le sieur R.-G. Dubosch, propriétaire à Gand, demande une indemnité pour les pertes qu’il a essuyées par la révolution. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

M. Gendebien. - Quelles sont ces pertes ?

M. Dams, premier rapporteur. - La dévastation de propriétés considérables dont l’étendue n’est pas de moins de 500 arpents.

M. Helias d’Huddeghem. - Les propriétés du pétitionnaire ont été incendiées. Il se plaint aussi de la dévastation de 50 bonniers de bois. Je crois que la pétition doit être renvoyée aussi à M. le ministre de l’intérieur.

M. Jullien. - Pour renvoyer la pétition, il faudrait connaître la nature des pertes.

M. Dams, premier rapporteur. - Ce sont des pillages, des inondations. Le pétitionnaire se plaint aussi de pertes qui lui auraient été occasionnées par le génie belge. (M. le rapporteur donne lecture de la pétition).

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - En ce qui concerne les pertes que le génie belge aurait fait éprouver au pétitionnaire, je ne combattrai pas le renvoi à M. le ministre de la guerre. Mais pour ce qui est des dévastations et dégâts que la révolution aurait occasionnés au pétitionnaire, je demande, au lieu du renvoi au ministre de l’intérieur, le dépôt au bureau des renseignements. Il a été présenté depuis longtemps déjà une loi sur les indemnités auxquelles peuvent avoir droit les personnes qui sont dans le cas déterminé par la pétition.

Le pétitionnaire se plaint de ce que l’indemnité assignée pour les propriétés non bâties n’est pas assez forte ; mais ce sera à la chambre à examiner si le gouvernement a bien ou mal fait dans la proposition qu’il a présentée à la chambre.

M. Legrelle. - Je demande que la chambre statue sur cette pétition en même temps qu’elle statuera sur des pétitions analogues portées au feuilleton.

- La proposition de M. Legrelle est accueillie.


M. Dams, premier rapporteur. - « La dame Th. Melscees, veuve Trappeniers. à Louvain , demande le congé définitif de son fils Martin, sous-officier au 11ème régiment d’infanterie. »

La commission propose l’ordre du jour.

Je crois qu’on devrait renvoyer la pétition au ministre de la guerre en demandant des explications.

- Le renvoi au ministre de la guerre est ordonné.


M. Dams, premier rapporteur. - « Le sieur Faige, à Bruxelles, dénonce un prétendu abus commis par l’administration des postes, et résultant de ce qu’elle perçoit les ports de lettres en florins. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

M. Gendebien. - Quand nous aurons déposé la pétition au bureau des renseignements, nous n’en serons pas beaucoup plus avancés. Il faut renvoyer cette pièce au ministre des finances, qui nous donnera des explications.

M. Jadot. - Ils se font toujours payer en florins, je ne sais pourquoi.

M. Legrelle. - Je me rappelle bien qu’on a décidé qu’il fallait continuer à percevoir le droit de port de lettre en florins. En attendant des mesures ultérieures, on ne peut se plaindre de ce qui se fait en exécution des lois.

M. Gendebien. - Dans ce cas-là ordonnons le dépôt au bureau des renseignements.

M. Legrelle. - Je ne m’y oppose pas.

- Le dépôt au bureau des renseignements est ordonné.


M. Dautrebande, deuxième rapporteur de la commission des pétitions est appelé à la tribune. Voici les pétitions dont il entretient la chambre. - « Trois négociants de Gand se joignent à la pétition du sieur Corr-Vandermaeren, de Bruxelles, contre le droit de préemption. »

Les pétitionnaires, dit M. le rapporteur, demandent la révision de la loi relative à la préemption qui transforme les agents du fisc en négociants privilégiés.

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

- Ce renvoi est ordonné.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Onze tisserands de Moorzèle demandent que la droit de plombage sur les toiles soit réduit au droit français sur la même matière. »

Cette demande a déjà été adressée à la chambre ; elle a été renvoyée au ministre des finances ; la commission propose ce renvoi.

M. Dellafaille. - Je ne m’oppose pas au renvoi au ministre des finances ; je voudrais savoir si le gouvernement s’est occupé de cet objet et s’il est prêt a proposer un projet de loi sur cette matière.

M. A. Rodenbach. - Cette pétition n’est pas la seule qui nous soit adressée sur le même objet ; il y en a encore trois autres. Je ferai observer que le renvoi au ministre des finances ou le dépôt au bureau des renseignements revient à peu près au même. Les pétitionnaires se sont déjà adressés 20 fois à la chambre qui a renvoyé les pièces au ministre, et le ministre n’a pas répondu à leur attente.

Les pétitionnaires, qui demeurent près de la France, voient les douaniers français percevoir moitié moins pour plomber une pièce que les douaniers belges, et ils ne comprennent pas pourquoi l’on est si rigoureux en Belgique où l’industrie cotonnière souffre, tandis qu’elle est prospère en France. La France suit cependant un système prohibitif. Nos tisserands gagnent environ quatre francs pour le tissage d’une pièce, et sur ce modique salaire le fisc prélève un droit évidemment trop élevé ; en sorte qu’il ne leur reste pas de quoi vivre. Il faut, messieurs, écouter les plaintes du peuple. Je demande le renvoi de la pétition au ministre des finances avec demande d’explications.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les explications seront faciles à donner. Je ne doute pas des bonnes intentions de mon collègue relativement aux pétitionnaires ; mais le gouvernement est soumis aux obligations que la loi lui impose, et il ne peut en exempter personne, même les plus malheureux de ceux qui en subissent les conséquences. Il faudrait un projet de loi sur la matière pour changer le tarif. Chacun de nous jouit de l’initiative et peut en faire usage pour préposer des projets de loi sur les matières qui lui sont familières et sur lesquelles il a des connaissances spéciales ; on a tort de n’en pas faire usage et d’adresser des reproches au gouvernement.

M. Gendebien. - Depuis trois ans et demi on nous répond toujours de la même manière. Les industriels des Flandres, ainsi que tous les autres industriels, demandent que l’on fasse disparaître les entraves qui gênent les fabriques et le commerce ; on répond qu’on est animé des meilleures intentions envers l’industrie. Je dirai à M. le ministre ce qu’a dit un poète : L’enfer est pavé de bonnes intentions. Les bonnes intentions ne suffisent pas, il faut des actes. Pourquoi les chefs de division ne proposeraient-ils pas des projets de loi pour des objets si utiles ? Nous n’entendons parler de ces messieurs que lorsque nous discutons les budgets ; hors de cette époque, on dirait qu’ils sont dans un état constant de torpeur ou d’engourdissement.

Je ne doute pas qu’il n’y ait de bonnes intentions au ministère des finances comme dans tous les autres ministères ; cependant je voudrais qu’on ne fît pas de la Belgique un enfer. Il faut que les agents de l’administration sachent qu’il faut à la nation des réalités et non de bonnes intentions.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Nous nous en remettons au jugement de la nation et sur nos intentions et sur nos actes. Si nous n’avions pas le droit du fisc à défendre, nous serions les premiers à proposer la suppression des droits contre lesquels on élève des réclamations, et de tous les droits qui gênent plus ou moins toutes les industries.

Par là nous acquerrions de la popularité ; mais tant qu’on aura besoin de subsides en Belgique, tant qu’il ne sera pas permis de gouverner un pays sans argent, il faudra bien percevoir des droits.

J’aime à croire que la diminution de l’impôt sur le plombage des pièces tissées ne serait pas très influente sur les ressources financières du pays ; mais encore faut-il procéder avec circonspection dans les diminutions de droits ; car des demandes de diminution nous seront adressées tant qu’il restera la moindre taxe. Cependant il faut bien qu’il reste des droits, des taxes, des impôts, sans qu’on puisse accuser le ministère de mauvais vouloir.

Je crois que tous les hommes les plus dévoués au peuple, s’ils se trouvaient dans la position du ministère, se verraient très souvent forcés de maintenir des droits pénibles pour ceux qui les supportent, mais qui sont indispensables pour les besoins du gouvernement et du pays. Du reste, j’appuie le renvoi, et je ne doute pas que si la diminution de droit est possible sans léser gravement les intérêts du fisc, le ministre des finances ne se hâte de proposer une loi ayant pour but de satisfaire aux réclamations des tisserands de la Flandre.

Si les tisserands français sont sous certains rapports dans une meilleure position que les tisserands de notre pays, nous pourrions rappeler beaucoup d’impôts qui sont moins élevés en Belgique qu’en France et qui nous donneraient tout l’avantage dans la comparaison qu’on voudrait établir entre ces deux pays.

M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, nous renvoyons beaucoup de pétitions aux ministres et souvent avec demande d’explications. Il est extrêmement rare que ces explications arrivent à l’assemblée.

Il s’écoule souvent beaucoup de temps d’un rapport à l’autre, et on n’entend plus parler des pétitions sur lesquelles on a demandé des explications. Les pétitionnaires sont obligés de revenir deux et trois fois à la charge et souvent sans plus de succès. Le ministre auquel une pétition a été renvoyée avec demande d’explications devrait, à la séance où un second rapport est fait, donner les explications qui lui sont demandées ; sans cela, ce que nous faisons ici est illusoire.

- Les dernières pétitions rapportées sont renvoyées au ministre des finances avec demande d’explications.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Plusieurs distillateurs de Hasselt réclament des modifications à la loi sur les distilleries, consistant : 1° à restituer à la sortie la totalité de l’impôt, et 2° demandent qu’il soit établi un bureau de sortie du côté de l’Allemagne.

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

M. Desmet. - Je propose d’ajouter : avec demande d’explications.

M. Legrelle et M. Pollénus demandent le dépôt au bureau des renseignements.

M. Gendebien. - Il me semble que la pétition se compose de deux parties, la première qui est contestable, et la seconde sur laquelle on ne peut pas se dispenser d’ordonner le renvoi au ministre. On réclame un nouveau bureau de sortie ; ce sont des réclamations qu’on doit toujours accueillir.

Je demande la division.

M. Pollénus. - Le dépôt au bureau des renseignements que j’ai demandé n’exclut pas le renvoi au ministre des finances.

M. Legrelle. - Je n’entendais demander le dépôt que sur la première partie. J’appuie le renvoi de la pétition pour ce qui concerne la seconde partie.

- La chambre ordonne le dépôt au bureau des renseignements de la première partie de la pétition et le renvoi de la seconde au ministre des finances.

M. le président. - M. Desmet a proposé d’ajouter : « avec demande d’explications.»

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois que si l’on veut satisfaire au vœu émis par M. Desmanet de Biesme, il ne faut pas multiplier les demandes d’explications ; sans cela il sera impossible au ministre d’y répondre dans l’intervalle d’un rapport à l’autre.

Il faut d’abord savoir si le pétitionnaire s’est adressé au ministre ; s’il ne l’a pas fait, il n’y a pas lieu de demander des explications. Ce ne serait que dans le cas où le ministre aurait répondu d’une manière qui ne satisferait pas la chambre que les explications seraient nécessaires.

M. H. Dellafaille - Je ferai remarquer qu’il ne s’agit pas ici de réclamations pour l’exécution d’une loi, mais de changements à y apporter. Si j’ai bonne mémoire, la loi sur les bureaux de sortie n’en a établi aucun pour les produits des distilleries, du côté de la terre : le ministre des finances, après avoir pris des renseignements, pourrait nous dire s’il y a lieu de modifier la loi à cet égard.

M. Desmet. - C’est sur la première partie de la proposition que je demandais des explications ; je retire ma proposition.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Six habitants de St-Aubin renouvelle leur demande de continuer à jouir du privilège d’extraire de la mine de fer dans le bois dit des Minières. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Un grand nombre d’habitants de Basel et Rupelmonde, propriétaires et locataires de briqueteries, réclament contre la mesure prise par l’administration du cadastre qui frappe d’un revenu de 80 fl. leurs fours à briques. »

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

M. Desmet. - Je demande le renvoi à la commission chargée d’examiner les opérations cadastrales.

M. Desmanet de Biesme. - Je ne sais si cette commission existe encore. Nous n’en entendons plus parler. Si elle ne se hâte de terminer ses travaux, les opérations cadastrales seront définitives.

A l’ouverture de chaque session, on nomme une foule de commissions auxquelles on renvoie des pétitions en masse dont on attend encore les rapports ; sept ou huit mois se passent, et on n’en entend plus parler.

Il faudrait inviter ces commissions, et en particulier la commission chargée d’examiner les opérations cadastrales, de faire connaître son opinion sur les questions dont elle a été saisie.

M. Eloy de Burdinne. - Diverses causes avaient retardé les opérations de la commission du cadastre. Depuis qu’on a jugé à propos d’augmenter le nombre des membres de cette commission, nous avons été convoqués une fois. Une question assez simple était à l’ordre du jour ; elle a été décidée promptement. Depuis, on ne nous a plus convoqués. Si on avait quelques observations à faire à cet égard, c’est au président qu’on devrait s’adresser.

- La pétition est renvoyée au ministre des finances et à la commission du cadastre.


M. Dautrebande, rapporteur. - « La chambre de commerce d’Ostende adresse le troisième cahier d’observations sur le projet de route en fer. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dautrebande, rapporteur. - « Plusieurs distillateurs de Gand demandent l’annulation du règlement de l’octroi de Gand. »

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

M. Desmet. - Messieurs, cette pétition est digne de toute l’attention de la chambre ; ce sont les distillateurs de la ville de Gand qui vous signalent encore une fois un de ces actes incompréhensibles et qu’on a peine à expliquer, mais qui prouvent de plus en plus combien nos ministres font peu de cas de l’observance des lois et combien ils abusent de leur pouvoir, en voulant nous faire subir le régime arbitraire des arrêtés et des ordonnances.

Vous avez émancipé, par votre loi de juillet dernier, l’industrie de la distillation des grains ; cette loi a eu l’assentiment de tout le pays, c’était la première qui le soulageât un peu de l’insupportable fiscalité hollandaise. Eh bien, le croiriez-vous, elle déplaît à M. le ministre de l’intérieur, qui ne veut pas de l’émancipation des distilleries, et qui veut forcer les villes qui ont des taxes municipales, à vivre sous le régime vexatoire de la loi de 1822.

Non seulement dans la ville de Gand, et dans bien d’autres, il a par un simple arrêté mis hors de la loi commune les distillateurs mais partout il a engagé les régences à faire des règlements d’octroi qui détruisaient entièrement votre loi de juillet.

Les pétitionnaires vous exposent qu’à peine la plaie profonde faite à leur industrie commençait à se cicatriser par les bienfaisantes mesures de la loi du 18 juillet 1833, en abolissant par son article 53 toutes les dispositions fiscales et vexatoires que contenait la loi sur les distilleries de 1822, que par une fatalité inconcevable le ministre de l’intérieur vient de détruire pour eux, par son arrêté du 9 janvier, en faveur de l’octroi de Gand, cette loi de liberté, de bonheur et de prospérité.

Les vices ou les illégalités du règlement de l’octroi de Gand, que M. le ministre de l’intérieur a approuvé par son arrêté du 9 janvier dernier, sont dans la base de l’octroi et dans le mode de le percevoir, dans la manière d’assujettir les distillateurs de Gand à d’autres formalités, à d’autres obligations fiscales que celles prescrites par la nouvelle loi. Ses dispositions sont absolument la reproduction de celles de la loi odieuse de 1822 ; elles ont même un article de plus, celui qui prescrit une nouvelle pénalité contre ceux qui seraient trouvés en contravention audit règlement.

Voici comment sont conçus les articles du règlement en opposition avec la loi de juillet.

Vous me permettrez, messieurs, que je vous en donne lecture :

(Note du webmaster : le discours se poursuit par la lecture intégrale dudit arrêté ainsi que du règlement communal de la ville de Gand du 11 décembre 1833 établissant une taxe municipale sur le genièvre. Ce texte est entrecoupé des commentaires du même député démontrant l’illégalité et l’arbitraire de ces deux textes. Cette partie du discours n'est pas reprise dans la présente version numérisée. Le discours se poursuit dans ces termes :)

(Moniteur belge n°160, du 9 juin 1834) Ces déclarations additionnelles du règlement qui fait revivre, à l’égard des distillateurs de la ville de Gand, les mêmes formalités fiscales de la loi de 1822, et le nouveau contrôle auquel la régence de Gand soumet, par ces formalités, les distillateurs de cette ville, et qui est la reproduction totale de l’article 42 de cette même loi de 1822, n’existent point dans la nouvelle loi ; au contraire, elles ont été toutes abolies par l’article 53.

Je ne sais quels sont les motifs de M. le ministre de l’intérieur pour faire revivre dans toutes les villes du royaume cette loi odieuse et détestée de tout le monde, comme je ne sais pas de quel droit ce ministre met hors de la commune tous les distillateurs des villes et leur fait subir dans leur industrie toutes les gênes et les fiscalités de la loi hollandaise, et de quel droit il fait une exception à leur égard en faveur de quelques octrois de villes et de districts contrairement à la loi de juillet.

Il est évident, disent les pétitionnaires dans leur exposé, que M. le ministre a consacré, par son arrêté en faveur de l’octroi de Gand, une exemption privilégiée en matière d’impôt, diamétralement contraire à la disposition de l’article 112 de la constitution qui défend formellement toute mesure exceptionnelle.

Le règlement sanctionné viole encore, disent-ils, la constitution : 1° en ce qu’il prive le distillateur de la faculté de jouir de toute la liberté que lui accorde la loi du 18 juillet 1833 ; 2° en ce qu’il accorde à l’octroi de Gand une faculté d’imposer au distillateur des formalités qui ne sont point renfermées dans ladite nouvelle loi ; et 3° qu’il contient des pénalités contre les contrevenants et des dispositions qui ne sont pas prévues dans la loi.

Sous l’empire de la législation de 1814, 1816 et 1822, on respectait ces lois dans l’établissement des taxes municipales ; on ne pouvait rien innover dans leurs bases ; il n’était accordé que des centimes additionnels sur le principal que percevait l’Etat, et aucune loi, avant ou depuis, n’avait été prise contrairement ni en opposition de celles qui régissent l’impôt de l’Etat.

La loi de 1822 établissait le système d’un impôt élevé avec le double contrôle sur les cuves et les alambics, dont le produit, supposé alors selon les saisons au terme moyen d’environ 7 litres de genièvre par hectolitre de matière macérée ou bouillie, était pris en charge en crédit permanent, sous le régime duquel la boisson même restait frappée de l’impôt, qui ne devenait exigible que lors de la livraison des liquides en consommation.

L’arrête du gouvernement provisoire du 17 octobre 1830, et plus tard le décret du congrès ayant converti le crédit permanent en crédit à termes sous le régime duquel l’impôt cessait d’être dû par la marchandise, et le devenait par le distillateur qui obtenait dès lors la libre disposition de sa boisson, il devient nécessaire de régler en conséquence le mode de perception des taxes municipales.

C’est ce qui fut prévu par l’article 4 de l’arrêté-loi du gouvernement provisoire du 7 novembre 1830, qui établit que la taxe municipale sur la fabrication du genièvre serait perçue par voie de centimes additionnels sur l’impôt principal de l’Etat.

C’est cet arrêté qui depuis lors a régi la matière et qui la régit encore, et sur lequel diverses villes avaient fait leurs règlements communaux et fixé le taux des centimes additionnels sur la consommation des liqueurs distillées ; ainsi, par exemple à Anvers on les a fixés à 50 p.c., à Bruxelles à 37 1/2 p. c. ; mais un règlement de septembre 1832 les augmentant d’un quart, ces derniers s’élèvent aujourd’hui à 46 7/8 ou 47 p. c. de l’impôt de l’Etat.

Je finirai ici mes remarques sur le règlement sanctionné par le ministre de l’intérieur, quoiqu’il y en ait encore quantité à y ajouter ; mais il est constant que, par son arrête du 9 janvier, ce ministre a donné son approbation et laissé mettre à exécution un règlement qui était contraire aux lois existantes sur la matière, qu’il a privé les distillateurs de la ville de Gand des bénéfices de la nouvelle loi, qu’il a violé la constitution en accordant à l’octroi de Gand une exemption privilégiée en matière d’impôt.

Quels que soient les motifs qui aient pu guider le ministre de l’intérieur à autoriser, de sa propre autorité, la régence à se mettre au-dessus de la loi et à prendre pour base l’assiette de son octroi sur les eaux-de-vie distillées dans l’intérieur de la ville, une base abolie, et pour mode de perception un mode qui est de même aboli, jamais il n’a pu le faire sans contrevenir à la loi : il ne peut être établi de privilège en fait d’impôt, et si l’expérience démontrait qu’il y a nécessité d’établir des exemptions relativement aux impositions provinciales et communales, il faut nécessairement qu’elles soient déterminées par une loi.

On ne l’a pu faire, ni on ne l’a fait sous le gouvernement néerlandais, ni sous aucun autre gouvernement ; à plus forte raison on ne le peut sous un gouvernement qui est assujetti à une constitution qui le défend incontestablement.

La nouvelle loi qui régit la matière, en fait d’amendes, écarte de tout son pouvoir et avec une sollicitude paternelle tous les moyens de vexations et d’entraves à l’industrie de la distillation : nonobstant, le règlement de l’octroi de Gand a consigné dans son article 7 des pénalités que la loi ne prescrit pas et qui sont d’une telle nature, que mal appliquées elles peuvent entraîner la ruine du distillateur. Je répéterai encore cet article : « Tout distillateur convaincu d’avoir fait plus de renouvellements de matière qu’en comporte sa déclaration ou qui aura anticipé de plus de trois heures sur une mise en macération, encourra une amende du sextuple. »

L’obligation de faire une déclaration telle que cette disposition le prescrit, et d’assujettir la distillerie à des formalités aussi gênantes et pour ainsi dire inexécutables, n’est pas établie dans la nouvelle loi ; par conséquent ni les contraventions ni les peines ne peuvent pas plus exister.

Voilà donc que par un simple arrêté M. le ministre de l’intérieur établit une nouvelle contravention dans la loi sur les distilleries et assujettit les distillateurs à une nouvelle pénalité !

Qu’advient-il alors de la disposition salutaire de l’article 9 de la constitution qui garantit le citoyen contre l’arbitraire, et qui le rassure que nulle peine ne sera établie ni appliquée qu’en vertu de la loi ?

Il est donc évident, dis-je, que l’arrêté de M. le ministre est illégal, contraire aux lois et à la constitution de l’Etat, qu’il porte le cachet d’un criant arbitraire, et qu’incontestablement il ne peut obliger quiconque à l’observer, n’émanant point, dans ses bases du droit, de la loi générale du 18 juillet, mais étant calculé sur celles d’une loi totalement abrogée. Je vais donc non seulement appuyer les conclusions de la commission, mais j’invite formellement M. le ministre de rapporter son acte et engager la ville de Gand à présenter un autre règlement plus en harmonie avec la loi générale ; et il est urgent qu’il le fasse, car nous ne pouvons laisser plus longtemps dans la souffrance les distillateurs de la ville de Gand, et exister à leur égard une aussi odieuse et ruineuse mesure d’exception ; ils ont droit de jouir des bénéfices de la loi qui a émancipé l’industrie de la distillation, et personne, hors de la loi, n’a le droit de les en priver.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - L’application de la loi sur les distilleries aux octrois des villes a donné lieu à de graves difficultés qui n’ont point encore cessé. La loi votée l’année dernière ne s’occupe pas des taxes municipales ; il en résulte que lorsqu’il s’agit de l’appliquer à ces taxes, une foule de villes se sont trouvées dans un grand embarras qui retombait à la charge de la députation des états et du gouvernement. Le gouvernement dans ces circonstances a voulu s’entourer des lumières d’une commission, dont les membres ont bien voulu se réunir pour donner leur avis relativement à l’application de la loi à l’égard des taxes municipales sur les distilleries. Le gouvernement à eu l’avantage d’être approuvé par cette commission composée de membres de cette chambre, dans une mesure qu’il avait prise pour appliquer la loi aux taxes dont il s’agit.

Je ne nie pas que dans certaines localités il soit résulté quelques inconvénients de la loi sur les distilleries. La loi, par exemple, porte un maximum peu élevé à l’égard des campagnes, afin de ne pas favoriser la fraude. A l’égard des villes, au contraire la loi porte un maximum assez élevé, afin de ne pas priver l’octroi d’une partie considérable de ses revenus. Le gouvernement a voulu s’entendre avec les communes, afin de réduire les taxes des boissons distillées dans la proportion voulue par la loi. Cette mesure a rencontré beaucoup de résistance : les villes ont demandé qu’on ne les privât point de la meilleure source de leurs revenus ; ou, si on les en privait, qu’on leur indiquât les moyens d’y suppléer.

Le gouvernement a été en discussion pendant plusieurs mois avec la ville de Gand ; ce n’est que sur la demande réitérée du conseil de régence, et appuyée par la députation de la province, que le gouvernement s’est résolu enfin à prendre une décision telle que la demandait la ville de Gand.

Si l’arrêté du gouvernement qui a été approuvé par le conseil de régence est illégal, ainsi que l’a dit M. Desmet, les réclamants peuvent ne pas y donner leur adhésion ; ils s’entendront pour s’opposer à la perception des taxes, qu’ils considèrent comme illégales.

La question est de savoir si la loi sur les distilleries se rapporte à l’impôt de l’Etat et à l’impôt des villes ; c’est une question que les tribunaux auront à examiner.

Nous tenons que nous n’avons pas outrepassé la limite de la loi, et à cet égard, pour notre défense, nous invoquerions au besoin l’appui de la députation de la Flandre orientale, à laquelle on ne peut prêter les intentions dont M. Desmet avec sa bienveillance accoutumée a bien voulu nous gratifier.

Je dirai que la réclamation dont il s’agit a déjà occupé le gouvernement, et qu’elle a été renvoyée à la députation des états. Voici l’avis de la députation :

« M. le ministre, nous avons l’honneur de vous renvoyer la pétition des distillateurs de la ville de Gand sur laquelle vous avez demandé notre avis par lettre du 14 mars dernier.

« La régence de la ville de Gand ayant été entendue sur cette requête, elle a transmis le rapport ci-joint du directeur des taxes municipales en date du 17 mars dernier, au contenu duquel elle a déclaré se référer.

« Ce rapport réfute dans le plus grand détail tous les points de la requête des distillateurs.

« D’autre côté le directeur des contributions directes, qui a également été entendu, a démontré par son rapport ci-joint du 28 avril dernier que l’admission de la demande des pétitionnaires serait nuisible aux intérêts du trésor de l’Etat. »

Après la lecture de cette pièce, je n’entrerai point dans d’autres détails. Je répète que si les pétitionnaires croient devoir s’opposer à la perception des taxes, ils sont en droit de recourir à la voie des tribunaux.

M. Pollénus. - Les faits exposés par M. Desmet, au premier abord, ont quelque chose de bien extraordinaire ou de bien exorbitant à l’égard du règlement, contre lequel les pétitionnaires réclament ; cependant comme d’un autre côté le gouvernement n’y a consenti qu’après avoir consulté une commission, les dispositions de ce règlement doivent être moins attaquées ; je n’entreprendrai donc point de résoudre la question.

Messieurs, il y a une question à décider avant tout. La loi est la règle de tous, elle doit être également la règle des municipalités. La régence de Gand n’a pu déroger aux dispositions de la loi sur les distilleries. L’organisation des municipalités, quelque libre qu’elle soit, ne peut les soustraire à l’obligation de se soumettre aux lois sanctionnées par la législature. La discussion soulève donc une question d’attribution. Comme la section centrale est saisie en ce moment de l’examen de la loi communale, je crois qu’il serait nécessaire de renvoyer à la section centrale la pétition qui fait l’objet de la discussion. La section centrale pourrait examiner jusqu’à quel point il convient aux municipalités d’établir des règlements particuliers dont les dispositions peuvent se trouver en contradiction avec une loi générale. Elle pourrait de cette manière nous présenter les moyens de prévenir le retour des abus, s’il y a eu des abus.

M. Desmet. - Je relèverai des erreurs commises par M. le ministre de l’intérieur. M. le ministre de l’intérieur nous a dit que c’est d’après le vœu de la régence de Gand qu’il a pris la mesure que je combats. Je pourrais lui citer des lettres de cette régence en date des 23 juillet et 4 novembre 1833, qui prouveraient le contraire. M. le ministre a également dit que le comité de conservation avait adopté le système du gouvernement.

Et quand M. le ministre vous dit aussi que c’est à la demande du comité de conservation, remplaçant les états députés de la province de Flandre orientale, que son arrêté a été pris, je suis de même très étonné, car je peux vous lire ici une lettre que ce même comité a écrite à la régence de la ville d’Alost, par laquelle vous verrez que c’est de même contre son opinion que la taxe municipale sur les eaux-de-vie de grains distillées dans les villes eût une base comme le prescrit le règlement d’octroi que le ministre veut faire adopter ; voici, messieurs, comment cette lettre s’exprime ; elle porte la date du 18 janvier dernier, et est adressée à MM. les bourgmestre et échevins de la ville d’Alost ;

« Nous avons reçu avec votre lettre du 15 de ce mois, n°2512, un nouveau règlement sur le mode de perception de la taxe municipale sur le genièvre fabriqué dans votre ville.

« Par ce règlement, votre conseil de régence adopte la base de la loi du 18 juillet 1833, c’est-à-dire la journée de travail et la contenance des cuves et vaisseaux de macération. Déjà, par lettre du 25 juillet 1833, le comité de conservation remplaçant les états députés avait proposé au gouvernement d’adopter cette même base pour toutes les villes où il existe une taxe municipale sur la fabrication du genièvre ; mais le ministre par sa lettre du 4 août suivant a fait connaître qu’on ne pouvait l’adopter. »

Je ne conçois donc pas que M. le ministre puisse venir avancer ici que c’est sur les instances de ces deux administrations qu’il a pris son arrêté et approuvé le règlement d’octroi.

M. le ministre a dit que les distillateurs lésés n’auraient qu’à s’adresser aux tribunaux. Ces industriels ont été mis hors la loi commune. Puis M. le ministre sait bien que l’on ne plaide pas sans argent et que le procès qu’on leur conseille d’intenter coûtera très cher. Mes conclusions sont donc une demande d’explications à M. le ministre de l’intérieur, et le rapport de son arrêté.

M. A. Rodenbach. - Il exista sous Napoléon un décret impérial qui portait que les impôts d’octroi ne pourraient dépasser la moitié des impôts du gouvernement sur les mêmes objets. Ce décret n’existe plus, il a été rapporté par notre constitution. Voilà donc où gît la difficulté. Les actes des régences en matière d’impositions communales doivent être sanctionnés par le pouvoir central. Si le ministre de l’intérieur avait eu à sa disposition le décret que je viens de citer, il aurait pu prendre des mesures qui eussent prévenu les réclamations de la nature de celles dont nous nous occupons. La position du ministre était très embarrassante. J’ai fait moi-même partie de la commission dont il a parlé tout à l’heure. Je dois à la vérité de dire qu’il s’est élevé dans le sein de cette commission des doutes dont la solution était peu facile. Du reste, si les distillateurs de Gand croient leurs intérêts lésés par le règlement de l’octroi municipal, ils n’ont, comme on l’a déjà dit, qu’à s’adresser aux tribunaux.

Si le procès devait coûter une centaine de mille francs, je ne leur donnerais pas ce conseil. Mais les 15 distillateurs pensent se réunir pour le soutenir, et si un particulier entreprend à lui seul un grand procès, à plus forte raison 15 industriels peuvent se cotiser dans le même but. Mais je crois que ce qui les empêche de recourir à la justice, c’est qu’ils craignent que la décision des tribunaux ne leur soit défavorable, tandis qu’ils espèrent obtenir davantage de la chambre. Je le répète, le ministre n’a pu agir autrement qu’il ne l’a fait.

M. Desmet. - Je dois observer à mon honorable collègue M. Rodenbach que contre son ordinaire il traite aujourd’hui bien cavalièrement les malheureux distillateurs de la ville de Gand, qui par suite d’un règlement de l’octroi de cette ville et arrêté du ministre de l’intérieur sont mis, je peux le dire, hors de la loi et privés des bienfaits de la loi de l’émancipation de distilleries ; il les renvoie aux tribunaux, mais il doit savoir qu’on ne s’adresse pas à la justice sans y déchirer ces vêtements, et qu’il est bien dur de devoir faire de la dépense pour obtenir ce que tout le monde a et recouvrer ce qu’on n’a pu vous ôter sans commettre un acte arbitraire et injuste.

Car je lui demanderai s’il ne doit pas reconnaître avec moi que la base du droit telle qu’elle est établie à Gand, ne bouleverse pas totalement celle de l’impôt établie par la loi de l’Etat sur les distilleries, et s’il appartient à un ministre de détruire de la sorte par un arrêté une loi qui doit régir tout le pays ? Pourrait-il croire que notre constitution donne ce droit au pouvoir, et si elle permet que sans loi une mesure exceptionnelle puisse être prise en matière d’impôt à l’égard des distilleries des villes qui sont assujetties aux taxes municipales ? Je ne le pense pas ; je crois, au contraire, que quand il y aura mûrement réfléchi, il fera comme moi des démarches pour que M. le ministre rapporte son arrêté et engage la régence de Gand à porter des changements à son règlement d’octroi, et à le mettre en harmonie avec les dispositions de la loi de l’Etat.

M. Milcamps. - Je demande la parole pour faire observer à la chambre que si ma mémoire ne me trompe pas, il existe une loi du 4 août 1816 qui autorise les communes d’établir des taxes sur des objets de consommation, et, dans l’éventualité où les taxes ne seraient pas possibles, à subvenir au déficit de ses dépenses au moyen d’une répartition sur les habitants. Il y a eu des modifications à cette loi, d’après lesquelles, comme l’a dit M. Rodenbach, on ne pouvait dépasser un certain taux. Les attributions des régences et des communes étant fixées par une loi spéciale, il est facile au moyen de toutes ces dispositions de voir si la régence a dépassé ses pouvoirs.

M. Legrelle. - Quand on s’est occupé dans cette chambre de la loi sur les distilleries, j’ai fait l’observation que vous alliez jeter la perturbation dans toutes les branches de recettes municipales. Mais les prôneurs de la loi répondirent en chorus que mes prédictions ne se réaliseraient pas et me dirent : Nous votons une loi de l’Etat ; libres aux communes de rétablir l’impôt dans le règlement de leur octroi. Ce sont ces paroles qui ont tranquillisé les adversaires du projet. Et depuis, cependant, aucune régence n’a fait de recettes comparables à celles qu’elle faisait sous le régime de l’ancienne loi. A Anvers l’impôt sur les genièvres qui rapportait 60,000 francs par an n’a rien versé dans les caisses locales. Je vous demande si dans une telle position les régences n’ont pas le droit d’élever le tarif de leur octroi.

M. Desmet a parlé de violation des lois de l’Etat. Si cette violation est réelle c’est aux tribunaux et non à la chambre, qu’il appartient de le décider.

Il est constant que l’impôt de la ville de Gand, contre lequel les distillateurs s’élèvent, a été légalement voté. Il est toujours permis aux régences d’établir une taxe qui n’a rien de commun avec l’impôt de répartition. Si un impôt voté par la régence de Gand, approuvé par le comité de conservation de la Flandre orientale, ratifié par le ministre de l’intérieur, n’est pas légal, que les réclamants, forts de leur droit, s’adressent aux tribunaux et qu’ils se soumettent à leur décision.

M. A. Rodenbach. - Je répondrai à l’honorable M. Legrelle que la loi sur les distilleries n’a pas été faite pour donner cent mille francs à la ville d’Anvers, ou à celle de Gand. Si leur impôt sur le genièvre était productif, c’était sous l’empire d’une loi d’esclaves, d’une loi hollandaise. Nous avons voulu y substituer une loi meilleure dont le sens fût large et libéral. Depuis la promulgation de cette dernière, il y a eu immensément de distilleries nouvelles établies. J’en appelle à beaucoup de membres de cette chambre pour certifier ce fait. La Flandre, quoi qu’on ait dit de sa fertilité, a beaucoup de terres arides qui ont besoin d’engrais. C’est aux distilleries que l’on doit la prospérité agricole de cette importante partie du royaume. Ce n’est pas avec de l’or que l’on améliore les mauvaises terres mais avec les résidus provenant de nos distilleries.

La loi actuelle a déjà en 4 mois rapporté 150,000 francs au trésor, somme prévue par le budget des voies et moyens. Si les revenus municipaux sont insuffisants, M. le bourgmestre d’Anvers doit savoir qu’il est des objets de consommation autres que le genièvre, qu’il est possible d’imposer. Je lui citerai le café. Que n’impose-t-on le café ? Pourquoi toujours imposer le genièvre ? La loi actuelle des distilleries est une loi éminemment populaire, une loi véritablement belge. Car tout le monde sait que la Hollande, pour favoriser les distilleries de Schiedam, avait tué nos distilleries. Je m’en réfère donc à mes premières observations.

M. Donny. - Je pense que la discussion se prolonge sur cette pétition, parce que l’un de nos honorables collègues a donné à la loi sur les distilleries une portée qu’elle n’a pas et qu’elle n’a pu avoir. Cette loi a été faite pour régler l’assiette et la perception de l’impôt de l’Etat. Mais elle n’a en aucune manière réglé la perception des impôts communaux ; aucune de ses dispositions ne peut s’appliquer aux communes ; il suit de là que la commune est restée libre de régler comme elle l’entendrait les impôts communaux, sauf l’approbation du gouvernement.

Si maintenant, la régence de Gand a trouvé convenable de percevoir un impôt sur les spiritueux, d’après les bases de perception des différents impôts de l’Etat, elle a usé du droit qu’elle avait. Du moment que le règlement a été approuvé par le ministre de l’intérieur, vous n’avez rien à y voir. Si la régence a rempli à cet égard toutes les formalités prescrites par la loi, les pétitionnaires ont tort de vouloir faire annuler ce règlement.

Si les pétitionnaires veulent obtenir un changement dans cette mesure de l’administration communale, qu’ils s’adressent, non à la chambre, mais au conseil municipal de Gand et aux états-députés.

La pétition n’indique aucun grief à redresser ; je conclus donc à l’ordre du jour ; s’il est demandé, je l’appuierai. Je regarde comme inutile le renvoi au ministre de l’intérieur, puisqu’il ne pourrait nous donner aucun renseignement.

M. Gendebien. - Je hasarderai quelques observations, quoique je convienne connaître peu la législation sur la matière, les dispositions des lois fiscales. Toutefois, si mes souvenirs sont exacts, un arrêté du gouvernement provisoire en date du 7 novembre 1830 doit, me paraît-il, aider à la solution de la question qui nous est présentée. L’article 4 de cet arrêté est ainsi conçu :

« A l’égard des taxes municipales et communales sur la fabrication des boissons distillées à l’intérieur, elles suivront en tout, quant au mode de prise en charge, ou quant à la base de l’impôt, et sur le pied déjà établi au sujet des bières par l’arrêté du 10 novembre 1826, dont les dispositions demeurent maintenues, les mêmes conditions que celles adoptées pour la perception des lois de l’Etat, etc. »

Il me semble, si j’ai bien compris cet article et si mes souvenirs sont exacts, qu’en laissant aux administrations communales le soin de percevoir l’impôt, on a fixé la base d’après laquelle il devait être perçu, on a décidé que ce devait être la même base que pour la perception de l’impôt de l’Etat.

Vous avez porté une nouvelle loi dans laquelle vous n’avez pas parlé du mode de perception ; il s’ensuit que vous n’avez pas abrogé la loi antérieure ; il s’ensuit que l’arrêté du 7 novembre 1830 est toujours en vigueur. La régence de Gand n’a donc pas pu autoriser la perception de l’impôt d’après une loi qui lui serait antérieure, loi qui paraît détestable à beaucoup de monde et archi-détestable à l’honorable M. A. Rodenbach, lequel cependant donne tort aux réclamants.

Je voudrais qu’on répondît à cette observation ; car, je le répète, je ne prétends pas traiter cette question ex-professo, ne connaissant pas bien la législature fiscale. C’est un simple doute que je soumets.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne m’oppose pas au renvoi demandé, en tant qu’il n’implique pas contre le gouvernement le blâme dont on a voulu le frapper.

Il y a au reste un jugement de la justice de paix qui se trouve au dossier de la pétition et qui a condamné les demandeurs ; ceci prouve qu’ils ont suivi l’avis que le gouvernement leur a donné et qu’ils n’ont pas eu de succès dans leur démarche. Voilà l’un des dispositifs de ce jugement :

« Sur le troisième moyen tiré du mode de perception ;

« Considérant qu’aucune loi n’impose aux administrations communales le devoir de suivre, pour la perception des taxes municipales, les bases adoptées pour la perception de celles de l’Etat ; que l’existence de cette obligation est même impossible, puisqu’il est notoire que souvent les communes imposent des objets que l’Etat n’impose point, et que dès lors il y a nécessité d’un mode de perception qui puisse être différent de celui qu’adopte l’Etat ;

« « Sur le troisième moyen d’opposition tiré de la rétroactivité dont serait entaché le règlement du 11 décembre 1833, etc. »

Voilà un jugement longuement motivé et qui condamne les pétitionnaires. Néanmoins, je ne m’oppose pas au renvoi de la pétition, pourvu que la chambre n’adhère pas au blâme que l’honorable M. Desmet a bien voulu jeter sur le ministre de l’intérieur.

M. Legrelle. - D’accord.

M. Milcamps. - Je me rappelle fort bien quand et dans quel but a été pris l’arrêté du gouvernement provisoire qu’a cité l’honorable M. Gendebien. A cette époque les droits de distilleries à percevoir au profit des communes étaient perçus en centimes additionnels par les receveurs des accises. L’arrêté qu’on a cité a autorisé la commune à percevoir ces droits elle-même, mais d’après les bases déterminées par la loi pour les impôts de l’Etat. Les impôts communaux doivent donc être perçus d’après les bases de la loi actuelle ; mais cette disposition a toujours rencontré de la difficulté à s’exécuter parce que les taxes municipales ne peuvent porter que sur la consommation, et qu’on est obligé de déduire les garanties destinées à l’exportation.

M. d’Huart. - J’appuie le renvoi au ministre de l’intérieur, non pas pour le blâmer, mais pour qu’il jette un coup d’œil sur cette affaire. Il est évident qu’on a perdu de vue l’arrêté cité par l’honorable M. Gendebien. Les considérations mêmes d’un jugement qu’on a cités ont perdu de vue la loi ; je dis la loi, parce que, à l’époque où l’arrêté a été rendu, le gouvernement provisoire réunissait tous les pouvoirs, et ses décisions avaient force de loi.

On est revenu sur la question des distilleries, et on s’est attaché à prouver qu’aucune loi ne stipule la méthode à suivre pour la base de l’impôt des villes. L’arrêté qu’on a cité répond à cette observation et vient à l’appui de ce qu’a dit l’honorable M. Desmet. J’appuie le renvoi proposé.

M. Donny retire la proposition qu’il avait faite de passer à l’ordre du jour.

- La pétition est renvoyée à M. le ministre de l’intérieur.


M. Dams, rapporteur. - « Le sieur Anciaux de Glimes adresse des observations sur la loi des distilleries. »

L’auteur de la pétition fait la critique de la loi, mais sans rien demander.

La commission propose l’ordre du jour.

M. Milcamps. - Le sieur Anciaux s’occupe de questions financières et il adresse son travail à la chambre. Je crois qu’on pourrait ordonner le dépôt au bureau des renseignements.

- Le dépôt est ordonné.


M. Dams, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Bruges, titulaires d’engagères à charge de l’Autriche, demandent que la chambre fasse liquider leur créances. »

Cette réclamation est importante ; il s’agit d’une valeur de 157,140 florins de change. Cette somme a été payée en vertu de lettres patentes signées : Charles, roi de Castille.

La commission, sans rien préjuger sur la réclamation, propose le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.

M. Jullien. - J’appuie les conclusions de la commission. Il est à ma connaissance qu’avant la révolution de 1830 la créance allait être liquidée par l’ancien gouvernement.

- Le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications est ordonné.


M. Dams, rapporteur. - « Plusieurs fabricants de sabots, de Sombreffe, demandent qu’il soit mis un droit à l’entrée sur les sabots étrangers. »

Ces industriels se plaignent de ne pouvoir soutenir la concurrence avec les fabricants de sabots français, ce qu’ils attribuent aux prix moins élevés des bois en France.

La commission propose le renvoi de la pétition au ministre des finances.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande en même temps le dépôt de la pétition au bureau des renseignements… C’est une industrie comme une autre ; nous devons nous en occuper.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il faut favoriser aussi les malheureux qui portent des sabots ; il ne faut pas qu’on les leur vende trop cher.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Mais l’affaire des sabots est beaucoup plus du ressort du ministre de l’intérieur que du ressort du ministre des finances.

Ce qui concerne l’industrie et le commerce ne me concerne nullement ; la division du commerce et de l’industrie est au ministère de l’intérieur : qu’on élève ou qu’on abaisse les droits sur les marchandises, cela ne me peut regarder ; c’est quand un tarif est mis que je me charge de percevoir les droits, et de les percevoir conformément aux lois ; voilà tout.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je crois que mon collègue a raison et qu’il convient de renvoyer la pétition au ministère de l’intérieur, qui est en même temps le ministère du commerce et de l’industrie. C’est là qu’on examinera ce qu’il faudra faire, tout ce qui sera utile aux fabricants de sabots et à ceux qui les portent.

M. Eloy de Burdinne. - Je demande le renvoi de la pétition aux ministres des finances et de l’intérieur.

- Le double renvoi est ordonné.


M. Dams, rapporteur. - « Le sieur Willems demande la révision de la loi sur les sels. »

- La chambre, sur les conclusions de la commission, ordonne le dépôt au bureau des renseignements.


M. Dams, rapporteur. - « Plusieurs sauniers de Bruxelles se plaignent des entraves qu’ils éprouvent de la part de l’administration des douanes et accises, et demandent aussi que la loi sur les sels soit révisée. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. Dams, rapporteur. - « Plusieurs propriétaires de bateaux, et plusieurs bateliers naviguant sur la Lys, à Courtray, signalent les abus résultant de la coalition des ouvriers haleurs ; cette coalition nuit à la liberté du commerce et à la liberté de la navigation. »

Par suite de la coalition de ces ouvriers on ne peut en employer d’autres, et ils exigent des salaires qu’eux seuls fixent ; cette coalition étant contraire à la liberté du commerce et de l’industrie, la commission propose le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur.

M. Bekaert. - Il n’y a plus de navigation possible sur la Lys par suite de la coalition des ouvriers haleurs : non seulement ils entravent la liberté du commerce et de l’industrie, mais encore l’état de choses qu’ils ont violemment établi est contraire à l’ordre public ; et sous ce rapport je demande le renvoi de la pétition au ministre de la justice.

- La pétition est renvoyée aux ministres de l’intérieur et de la justice.


M. Dams, premier rapporteur. - « Le conseil de régence de la ville de Venloo adresse des observations sur les explications données par M. le ministre des finances sur sa pétition, et renouvelle sa demande de rentrer en possession du passage d’eau sur la Meuse. »

La commission propose le renvoi au ministre des finances.

M. Gendebien. demande le renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.

M. Schaetzen. - Je propose en outre le dépôt au bureau des renseignements.

- Ces deux propositions ainsi que les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Dams, rapporteur. - « Le sieur P. Proot, planteur de ceps de vigne à Furnes, demande une part dans la somme allouée au budget pour l’encouragement des vignobles. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Dams, rapporteur. - « Le sieur F.-A. Opdenoordt, saunier à Venloo, demande que la chambre intervienne pour qu’il lui soit accordé la restitution des droits sur le sel qu’il a transporté par eau, qui a été submergé et qui s’élèvent à 1,197-08 1/2 fl. »

- Renvoi au ministre des finances avec demande d’explications.


M. Dams, rapporteur. - « Un grand nombre de médecins, chirurgiens et accoucheurs des provinces d’Anvers et des deux Flandres, réclament une nouvelle loi sur l’organisation médicale. »

Dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.

La séance est levée à 4 heures et quart.