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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du jeudi 19 juin 1834
Sommaire
1) Pièces adressées à la
chambre, notamment pétition des habitants du polder inondé de Lillo et loi des
indemnités (Legrelle, Rogier)
2) Fixation des travaux de la chambre.
Organisation communale (Fallon, H.
Dellafaille, Ernst, Coghen, Legrelle, H. Dellafaille),
droits sur les céréales (Eloy de Burdinne), organisation
communale (d’Hoffschmidt, Trentesaux,
Jullien, Gendebien, Dubus, Fallon), circonscriptions
cantonales des justices de paix (Dubus, Lebeau),
droits sur les céréales (Eloy de Burdinne, A. Rodenbach, Rogier, d’Huart, Pirson, Eloy
de Burdinne), idem et circonscriptions cantonales (Dubus),
droits sur les toiles (de Robaulx)
3) Proposition de loi relative aux droits
de sortie sur les toiles de lin (de Foere, A. Rodenbach, Bekaert, Zoude, de Foere, Desmaisières, Verdussen, A. Rodenbach, Duvivier, Jullien, Bekaert, Duvivier, Zoude, Desmaisières, Legrelle, Gendebien, A. Rodenbach, Duvivier, de Robaulx, Desmaisières, Rogier, Duvivier, Rodenbach, Desmaisières, de Robaulx, Duvivier, Desmet, A. Rodenbach, de Robaulx, Duvivier, Bekaert, de Robaulx, Desmaisières, Duvivier, Gendebien, Hye-Hoys, Bekaert, Verdussen, Duvivier, de Robaulx, Trentesaux, Hye-Hoys, A. Rodenbach, Dubus, Desmet, Verdussen,
Desmaisières, Legrelle, Dubus, Desmaisières, Bekaert, Desmet, Eloy
de Burdinne, Dumont, Verdussen,
Gendebien, Desmaisières,
Trentesaux, Desmaisières,
Gendebien, Desmaisières,
Gendebien, de Foere, Dubus, de Robaulx, Desmaisières, de Robaulx, Dubus, de Foere)
(Moniteur belge
n°171, du 20 juin 1834)
(Présidence de M.
Raikem)
La séance est ouverte à midi et demi.
M.
de Renesse fait l’appel
nominal.
M.
H. Dellafaille donne lecture
du procès-verbal, dont la rédaction est adoptée.
M.
de Renesse fait
connaître à la chambre les pièces suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« Plusieurs médecins et chirurgiens de
l’arrondissement de Tournay demandent que les commissions médicales soient
dissoutes et remplacées par des conseils médicaux provinciaux. »
________________
« Le sieur Louis de Ton, plafonneur à Anvers, réclame le
paiement d’une somme de 2,460 francs pour indemnité des pertes que lui a fait
éprouver le génie français lors de la prise de la citadelle.»
________________
« Plusieurs habitants de Blerielle,
qui ont essuyé des pertes lors du siège de la citadelle de Venloo, en 1833,
demandent le paiement de ce qui leur revient de ce chef. »
________________
- Ces pièces sont renvoyés à la
commission des pétitions.
« Les habitants de la commune de Lillo, réfugiés
depuis le 30 décembre 1830, demandent du soulagement à leur position
malheureuse. »
M. Legrelle.
- Messieurs, permettez-moi d’attirer votre attention sur cette nouvelle
pétition des habitants de Lillo ; déjà plusieurs fois ces malheureux vous ont
adressé leurs plaintes. Vous savez que des inondations sont la cause de leur
misère. On ne peut pas différer davantage de venir à leur secours. Je demande
que la pièce qu’ils vous adressent aujourd’hui soit renvoyée à la commission
des pétitions avec invitation de faire son rapport très prochainement, afin
qu’il puisse être joint au rapport sur des pétitions semblables insérées au
feuilleton dont la chambre devra s’occuper au premier jour. Le malheur des
habitants de Lillo surpasse tout ce qu’on peut imaginer ; leur position est
affreuse.
Si dans cette assemblée il se trouvait des personnes qui
voulussent, en allant sur les lieux, s’assurer de la réalité de la détresse des
réclamants, ils auraient le spectacle de souffrances inouïes ; tous les cœurs
en sont émus, et il n’y a pas de paroles pour les peindre. J’espère que la
chambre prendra en sérieuse considération la plainte des pétitionnaires.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Il faudrait s’occuper de la loi sur les
indemnités dues à ceux qui ont éprouvé des pertes par suite de la révolution et
de la guerre.
M. le président.
- Il n’y a pas d’opposition ; la pièces est renvoyée à
la commission des pétitions avec invitation de joindre le rapport sur cette
pétition au rapport sur les pétitions semblables déjà inscrites au feuilleton.
M. le président. - Messieurs, j’ai dit hier que je prendrais des
renseignements relativement à l’époque où le rapport sur la loi communale
pourra être présente à l’assemblée. Ce rapport est terminé ; il ne reste plus à
la section centrale qu’à le revoir. Cet examen pourra être achevé cette
semaine.
M. Fallon. - Si le travail de la
section centrale peut être terminé cette semaine, je proposerai de fixer la
discussion de la loi communale au lundi de la semaine qui suivra celle dans
laquelle nous allons entrer. (Appuyé !
appuyé !)
M. H. Dellafaille - Il est fort difficile de fixer le jour de
l’ouverture de la discussion sur la loi communale, tant que vous n’aurez pas le
rapport sur cette loi : je suppose qu’il soit terminé cette semaine ; mais il
faudra qu’il soit imprimé et distribué ; il faudra encore deux ou trois jours
pour le lire : je pense qu’il serait imprudent de rien fixer aujourd’hui.
M. Ernst. - Mais considérez qu’on
propose un assez long délai.
M. Coghen. - J’appuie la proposition
faite par l’honorable député de Namur. On vient de dire que le rapport sera
fait cette semaine ; on aura donc huit jours au moins pour l’examiner ; ce
temps suffit. Sachant dès à présent que la discussion sera ouverte de lundi en
huit, tous les membres de l’assemblée pourront se préparer pour prendre part à
un débat aussi important.
M. le président. - Je n’ai pas dit que
le rapport sera imprimé cette semaine ; j’ai dit que la section centrale aura
terminé son travail cette semaine.
M. Ernst. -
En supposant que le rapport sera imprimé jeudi de la semaine prochaine, au plus
tard, car on pourra en imprimer successivement toutes les parties, je crois
qu’en renvoyant au lundi suivant l’ouverture de la discussion, nous concilions
tout. Il convient que le jour de la discussion soit fixé, afin que les membres
absents reviennent. On ne peut pas se dissimuler non plus qu’un grand nombre de
membres ont l’intention de s’absenter deux ou trois jours à la fin de cette
semaine ; il faut qu’ils sachent quand ils devront être de retour. Si on
pouvait craindre que le rapport ne sera pas imprimé dans le courant de la
semaine prochaine, rien n’empêche de fixer le jour de l’ouverture de la
discussion à deux jours plus tard.
M. Legrelle. - Le rapport qui doit vous
être présenté est l’un des plus importants qui puissent vous être soumis : il
s’agit de formuler nos anciennes franchises, il s’agit de nos précieuses
libertés communales. Le rapporteur de la section centrale travaille maintenant
dix heures par jour malgré son état de convalescence. Cependant nous avons la
conviction qu’il serait impossible de préciser aujourd’hui l’époque où ce
rapport sera rendu public. Ce n’est pas seulement la gravité de l’objet qui a
retardé la présentation du rapport, c’est encore la maladie de l’honorable M.
Dumortier, maladie occasionnée par le rapport même, c’est-à-dire, par excès de
travail. Serait-il convenant, après tant de zèle et d’efforts, d’exiger
actuellement de l’honorable député de Tournay plus qu’il ne peut faire par
suite de l’état de sa santé ?
Avant sa maladie il travaillait au rapport depuis quatre
heures du matin jusqu’à minuit.
Plusieurs voix. - Nous le
savons !
M. Legrelle. - Quoi qu’il s’occupe beaucoup encore en ce
moment, ce sera tout au plus si le rapport pourra être terminé cette semaine.
D’après nos calculs il faudra au moins six jours pour en
soigner l’impression. (Bruit.) Vous
en jugerez quand vous aurez le volume entre les mains.
Indépendamment du temps nécessaire pour l’impression, il
faudra encore quelques jours pour le lire et l’examiner, et pour la correction
des épreuves ; en sorte que vous passerez encore douze à quinze jours avant de
pouvoir ouvrir la discussion. Je vous engage, messieurs, à ne pas fixer
maintenant l’époque de l’ouverture de vos débats.
Quand la section centrale aura lu les dernières parties
du travail de M. Dumortier, elle pourra vous dire quand la discussion sera
possible ; jusque-là elle ne peut rien préciser.
M.
H. Dellafaille - J’apprécie l’impatience que la chambre montre pour la
discussion de la loi communale ; cette impatience nous la partageons. Le retard
n’a pas dépendu de nous. La loi communale a été retardée par la loi provinciale
elle-même, parce que les mêmes membres faisaient partie des deux sections
centrales ; la loi communale a surtout été retardée par l’indisposition de M. Dumortier.
Comme l’a dit M. le président, le travail est très
avancé et sera terminé cette semaine. L’impression durera plusieurs jours.
Fixer dès aujourd’hui la séance où vous ouvrirez la discussion n’abrégerait
rien : car si vous discutiez, ne connaissant pas les motifs pour lesquels la
section centrale propose des changements, cela vous entraînerait à des débats
interminables.
On parle de prendre quelques jours de vacances ; nous
avons des travaux trop importants à faire pour nous séparer.
Quant aux membres absents, je doute que la fixation d’un
jour pour la discussion puisse les faire revenir ; nous en avons eu l’exemple
par la loi provinciale ; à la première séance 55 membres se sont trouvés
présents, et à la fin de la séance la chambre n’était plus en nombre pour délibérer.
M. Eloy de Burdinne. - M. Ernst a annoncé que
sur la fin de la semaine on pourra prendre des congés ; M. Dellafaille a fait
observer que des travaux importants s’opposaient à ce que nous nous
séparassions. Nous avons une loi très importante à faire ; vous allez dire que
c’est la loi sur les céréales ; eh bien oui, je veux parler de cette loi : elle
ne peut souffrir aucun retard.
La commission d’industrie vous présentera son rapport sur
cet objet sous peu de jours ; et avant la discussion sur la loi communale, on
pourra s’occuper des céréales. La chambre peut être fatiguée, je le conçois ;
mais elle ne saurait prendre des vacances.
M. d’Hoffschmidt. - MM. Legrelle et Dellafaille ont prétendu qu’il
faudrait au moins six jours pour l’impression du rapport qui nous sera présenté
; je ferai observer à ces honorables membres que le Moniteur qui publie souvent 24 colonnes dans un seul numéro, les
imprime en une nuit : l’impression du rapport pourrait donc exiger tout au plus
un jour, un jour et demi. D’ailleurs on peut diviser le rapport et le remettre
à plusieurs imprimeries. Par ce mode, quelque volumineux qu’il soit, le rapport
pourra nous être distribué vendredi ou samedi, et nous aurons la journée du
dimanche pour le lire : on commencera par la discussion générale, les articles
viendront après, et on aura toujours le temps d’examiner ce que le rapport en
dira.
On
peut donc ouvrir la discussion sur la loi communale de lundi en huit. Il y aurait
peut-être de graves inconvénients à retarder la délibération sur la loi
communale ; le pays attend cette loi avec impatience. On commence à craindre
que la loi provinciale ne soit pas mise à exécution, si la loi communale n’est
pas votée ; le ministre de l’intérieur a fait entendre du moins qu’il pourrait
en être ainsi, quoique je ne voie pas la nécessité d’avoir la seconde loi pour
mettre à exécution la première. Messieurs, ne faisons pas attendre plus
longtemps au pays les lois organiques dont il a grand besoin, et ne donnons pas
au ministère un prétexte pour ne pas mettre à exécution la loi provinciale.
M. Trentesaux. - Je demande qu’on fixe
le jour de la discussion de la loi communale au 1er juillet ; c’est le premier
jour d’une demi-année. (On rit.)
M. Jullien. - On serait tenté de croire
en vérité qu’il y a autre chose que l’indisposition de M. Dumortier qui retarde
la discussion de la loi communale. Je ne concevrais pas, si cette autre chose
n’existait pas, comment on se refuserait à adopter la proposition de M. Fallon
ou celle de M. Trentesaux qui ne diffère que d’un jour.
On fait remarquer que le travail de la section centrale
sera infiniment soigné ; plus le travail de la section centrale sera soigné,
plus le nôtre sera facile, et moins nous rencontrerons de difficultés dans la
discussion.
On dit que les travaux de la chambre étant urgents,
personne ne songera à s’absenter ; cela est bon pour ceux qui n’ont pas autre
chose à faire ; mais ceux qui sacrifient leurs intérêts pour venir ici seraient
bien aises de donner quelques jours à leurs affaires ; je crois qu’il y a
beaucoup de membres dans ce cas-là.
J’adopte la proposition de M. Fallon, à moins qu’on ne se
rallie à celle de M. Trentesaux.
M. le président.
- Je crois qu’on ne peut faire un reproche à la section centrale, relativement
au rapport de la loi communale ; il n’y a que l’indisposition de M. Dumortier
qui ait retardé ce rapport.
M. Jullien. - Je n’ai fait qu’une
supposition.
M. le président. - C’est une
supposition erronée.
M. Gendebien. - Hier on a décidé
implicitement qu’on imprimerait au fur et à mesure les parties du rapport
agréées par la section centrale ; si on procède de cette manière, je crois que
le rapport pourra être imprime mardi prochain, et qu’alors, en fixant le jour
de la discussion, ainsi qu’on l’a proposé, nous aurons le délai nécessaire pour
examiner le travail de la section centrale.
M. Dubus. - Je ne sais pourquoi on
fixerait aujourd’hui le jour de la discussion de la loi communale ; nous
n’avons pas à cet égard de précédent, et cette fixation serait sans exemple
dans cette chambre ; en effet, on doit toujours attendre que le rapport d’une
loi soit imprimé et déposé sur le bureau avant de fixer le jour de la
discussion. Réellement je ne concevrais le motif de cette déviation à nos
précédents que dans le cas où la chambre aurait à se séparer avant le moment où
le rapport sera déposé sur le bureau. Je ne pense pas que ce soit le dessein
des honorables membres qui ont parlé ; nous avons des travaux urgents qui
peuvent occuper tous nos moments jusqu’à ce que nous discutions la loi
communale ; chaque membre, je crois, demeurera à son poste, pour discuter les
lois urgentes dont les rapports nous ont déjà été soumis.
Remarquez, messieurs, que la fixation que vous adopteriez
serait fondée sur des conjectures qui peuvent ne point se réaliser. Un incident
a déjà retardé le travail de la section centrale ; il peut s’en présenter un
autre qui retarde encore le rapport.
Je demande qu’on remette la fixation de la discussion de
la loi communale au moment où le rapport sera déposé sur le bureau ; je
demande, en outre que l’on s’occupe de la loi sur la circonscription des
cantons ; nous ne pouvons nous dispenser de voter cette loi dans cette
session-ci.
M. le président. met
aux voix la proposition de M Dubus, tendant à ce qu’il ne soit statué sur le
jour de la discussion de la loi communale que lorsque le rapport aura été
déposé.
- Cette proposition n’est pas adoptée.
M. le président. - Je vais mettre aux voix
la proposition de M. Jullien.
M. Fallon. - Je me rallie à la
proposition de M. Trentesaux.
- La proposition de M. Trentesaux est mise aux voix et
adoptée ; la discussion de la loi communale est ainsi fixée au 1er juillet.
M. Dubus. (pour
une motion d’ordre). - Je demande que l’on mette à l’ordre du jour, après la
loi dont nous nous occupons, la loi sur la circonscription des cantons ; je
désire que la chambre soit consultée sur cet objet.
M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne m’oppose en aucune manière à la motion de
l’honorable préopinant, pourvu qu’il soit bien entendu que la loi communale
aura toujours la priorité pour le cas où la loi sur la circonscription
judiciaire ne serait pas votée au jour indiqué pour la discussion de la loi
communale.
M. Eloy de Burdinne. - Je crois que nous ne
devons rien préjuger à l’égard de la loi dont a parlé M. Dubus ; si la chambre
reconnaît l’utilité de cette loi, à la bonne heure : quant à présent ne nous
engageons pas. Je le répéterai, la question des céréales est une question
vitale pour le gouvernement, et nous le démontrerons. Lorsque vous aurez fait
une loi sur les circonscriptions des cantons judiciaires, et lorsque vous aurez
nommé des fonctionnaires, si vous n’avez pas de quoi payer ces fonctionnaires,
vous aurez fait une loi inutile.
Je demande la priorité pour la loi des céréales.
M. A. Rodenbach.
- La section centrale s’occupe de la loi des céréales ; elle a eu plusieurs
réunions, et le principe de cette loi est déjà posé ; je crois que le ministère
s’est rallié à ce principe.
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - Le ministère ne s’est rallié à rien.
M. A. Rodenbach. - Quoi qui en soit, il
me semble impossible de fixer la discussion d’une loi dont le rapport ne peut
encore être soumis à la chambre. J’appuie la proposition de M. Dubus.
M. d’Huart. - J’appuie la motion de M. Eloy de Burdinne. La loi des
céréales est une loi urgente qui mérite toute l’attention de la chambre, car
elle intéresse tout le pays. La loi des circonscriptions des cantons
judiciaires a pour objet seulement la nomination des juges de paix à vie ; eh
bien, vous pouvez avoir cette nomination un peu plus tôt, on un peu plus tard.
Par la loi provinciale, nous avons établi les collèges électoraux pour nommer
les membres du conseil provincial ; nous avons adopté des tableaux qui
déterminent le nombre des collèges ; dès lors, il n’y a plus urgence à voter la
loi sur la circonscription des cantons.
II faut d’ailleurs que la publicité puisse éclairer le
pays sur les propositions de la commission ; la loi sur la circonscription
judiciaire peut faire naître des réclamations ; les dispositions du projet sont
faites dans le silence du cabinet, et les communes peuvent avoir des motifs
plausibles de s’élever contre ces dispositions.
Il faut avant tout discuter la loi communale.
M. Pirson. -
Je ne connais pas bien ce qui se passe aux frontières, mais je sais que par
M. Eloy de Burdinne. - Il en est de
même dans ma province.
M. Dubus. - J’étais loin de m’attendre
que la motion que j’ai faite soulèverait une pareille discussion. Personne,
messieurs, ne conteste l’utilité de la loi des céréales ; mais avant de
s’occuper de fixer la discussion de cette loi, il faut que la chambre soit
saisie du rapport.
Il me semble, messieurs, que cette objection est tout au
moins intempestive. Un projet de loi définitive sur les céréales a été présenté
; mais comme cette loi est difficile à faire et exige un long examen, une
proposition a été faite pour une loi provisoire sur cette matière. Une section
centrale est saisie de ces deux projets et s’en occupe sans relâche. Certainement
ce n’est pas avant quelques jours d’ici que vous pourrez avoir le résultat de
ce travail. La section chargée du rapport de la loi provisoire a suspendu son
travail, parce qu’elle sait que la commission d’industrie pourra vous mettre à
même de discuter une loi définitive dans cette session.
Ce n’est que dans la semaine prochaine qu’un rapport
pourra vous être fait. Je ne vois pas pourquoi, en attendant, nous ne nous
occuperions pas des circonscriptions électorales. C’est le 23 mai qu’on a
déposé les premiers rapports relatifs à cette loi. A quelques jours près, vous
les avez depuis un mois ; et parce que dans quinze jours nous aurons un rapport
sur les céréales, nous resterions à rien faire ? C’est ce que je ne puis pas
comprendre. Un honorable préopinant a dit qu’il n’y avait plus d’urgence à
s’occuper des circonscriptions des cantons. Il a donc oublié que le 1er octobre
est le terme auquel il faut donner l’institution aux juges de paix.
Il importe peu au pays, dit-on, que les juges de paix
soient rendus inamovibles un peu plus tôt ou un peu plus tard. Pour prouver que
la chose n’est pas indifférente, je n’aurai qu’à rappeler la discussion qui a
eu lieu lorsqu’on a fixé le terme auquel l’institution devait être donnée aux
juges de paix. Le gouvernement demandait que le terme fût éloigné et même
indéfini. Une foule d’orateurs se sont levés pour demander que le terme fût
aussi rapproché que possible, et qu’une fois fixé, il ne pût plus être éloigné
par aucun motif. On trouvait important que tous les juges fussent rendus
inamovibles.
Le vote que vous venez d’émettre dans la loi provinciale
rend cette loi d’autant plus importante, car vous avez décidé que les élections
se feraient dans les chefs-lieux de canton, et vous avez donné la présidence
des collèges aux juges de paix. Vous devez leur donner le caractère
d’inamovibilité avant qu’ils soient appelés à présider ces collèges, puisque
c’est en considération de ce caractère que vous leur avez donné la présidence
des collèges électoraux.
Mais, dit-on, il y aurait
un inconvénient à s’occuper de suite des circonscriptions, parce que les
communes ne connaissent pas le travail de la commission ; que quand elles le
connaîtront, elles feront des réclamations et que vous devez les attendre. Avec
un pareil système, nous ne ferions jamais de lois. Le projet du ministre a mis
en présence tous les intérêts locaux et provoqué toutes les réclamations. Il
est arrivé déjà plus de cent pétitions, qui toutes ont été examinées par la
commission. Chaque question a donc reçu tout l’examen dont elle était
susceptible. Si vous voulez attendre la dernière pétition avant de voter la loi
sur les circonscriptions, il s’écoulera plusieurs années avant qu’elle soit
votée. Chaque rapport de pétition provoquera des pétitions nouvelles.
Je pense que, pour mettre à profit le temps qui
s’écoulera d’ici à ce que nous nous occupions de la loi communale, et que le
rapport sur les céréales nous soit présenté, nous devons discuter la loi sur
les circonscriptions cantonales.
M.
de Robaulx. - Je crois
que vous vous apercevez comme moi que depuis trois jours nous discutons pour
savoir ce que nous discuterons. Je m’aperçois maintenant que tous les motifs
présentés dans les précédentes séances vont se reproduire à l’envi, et je
crains que nous ne discutions pas ce qui est à du jour, la loi sur les toiles.
Occupons-nous de l’objet pour lequel nous sommes appelés ici, et quand viendra
l’heure du dîner, nous reviendrons sur l’ordre du jour de demain ; les discours
seront plus courts, et on décidera plus vite. Je demande donc qu’on passe à
l’ordre du jour.
M. Dubus. - La motion de M. de Robaulx
tend à renouveler les discussions que nous avons depuis trois jours. Il
vaudrait mieux décider la question, maintenant que toutes les observations ont
été présentées. (Aux voix ! aux voix !)
- La motion d’ordre de M. de Robaulx est mise aux voix.
Deux épreuves sont douteuses.
M. le président procède à une troisième
épreuve avec l’assentiment de la chambre.
- La motion d’ordre est
adoptée.
Discussion générale
M. le président. - Nous nous sommes
arrêtés à la question de savoir si on donnerait la préférence au système de la
section centrale ou à celui de M. A. Rodenbach.
M. de Foere. - M. le ministre vous a
entretenus hier de la simplicité qu’offrait le mode de perception à la valeur,
et vous a demandé que ce mode fût maintenu au moins jusqu’à la révision
générale du tarif.
Je vais examiner les deux modes de perception en les
comparant, afin que la chambre puisse être éclairée sur son choix. La
perception à la valeur facilite considérablement la fraude et donne lieu à une
foule de vexations. Elle facilite la fraude en ce que non seulement les
employés des douanes, mais les négociants eux-mêmes, ne peuvent apprécier avec
exactitude la valeur des toiles.
Môn honorable collègue M. Bekaert vous a prouvé les vices
de la perception à la valeur. Ce système donne lieu à une foule de
contestations entre le commerce et la douane. Des négociants vous ont adressé
contre ce système des mémoires qui sont appuyés de pétitions nombreuses dont le
rapport vous sera peut-être fait demain.
Je demanderai si c’est la commodité des ministres et des
employés de douane, ou bien la protection du commerce et l’intérêt du trésor
que vous avez en vue quand vous votez une loi de douane.
En adoptant le mode de perception proposé par l’honorable
M. Rodenbach, vous consacrez une immoralité dans la loi. Le député de Roulers
vous dit qu’il demande un droit de 10 p. c. dans la persuasion que ce droit ne
sera en réalité que de 7 p. c. N’est-ce pas dire au commerce : Vous pouvez
frauder jusqu’à concurrence de 3 p. c. ? C’est l’intention de la législature.
Elle s’est expliquée catégoriquement à cet égard. Voilà l’immoralité dont vous
stigmatisez publiquement vos lois. Songez d’ailleurs aux conséquences que
pourra avoir un semblable principe. Il sera infailliblement appliqué à toutes
les autres déclarations de marchandises, sous prétexte que la législature
aurait reconnu implicitement la fraude.
Le mode de perception que je vous propose, au contraire,
a l’avantage de trancher toutes les difficultés et met un terme à la fraude. En
imposant les toiles d’après le poids des ballots et en appliquant à la qualité
de l’objet manufacturé une tarification progressive, qui dans le doute est
toujours appliquée en faveur de la douane, on peut avoir l’assurance qu’aucune
fraude n’aura lieu. C’est d’ailleurs le mode de perception adopté en France,
sans qu’il ait donné lieu à aucune espèce de réclamations.
Le ministère a demandé aux chambres de commerce du
royaume des renseignements et des rapports sur la meilleure perception de
l’impôt à frapper sur les toiles étrangères. Toutes celles qui ont répondu ont
été d’avis de suivre le mode à la loupe, comme étant le meilleur. Ce mode a
donc reçu la sanction du pays.
Pourquoi le ministère demandait-il des renseignements,
s’il n’avait pas l’intention d’adopter l’avis que la majorité des opinions
indiquerait comme étant le plus convenable ? L’unanimité des chambres de
commerce ne devait-elle pas l’éclairer sur la marche qu’il avait à suivre ? La
principale raison que le ministre a alléguée en faveur du maintien de l’ancien
système, c’est la nécessité de maintenir l’uniformité dans les lois actuelles
des douanes, jusqu’à leur complète révision. Cette révision, messieurs, nous
est donnée en attente depuis trois ans, et en attendant, la fraude n’en
continue pas moins à inonder nos frontières ; le commerce est vexé et
l’industrie souffre. De quel grand changement, au surplus s’agit-il donc ? Le
mode de perception au poids est adopté dans les lois des douanes ; il ne s’agit
que d’y ajouter la tarification progressive. Le mode de perception à la loupe
est d’autant plus avantageux qu’il écarte la nécessité d’appréhension en
écartant la fraude, et rend plus rares les procès qui en résultent. Eh bien, le
ministère, après avoir reconnu cette vérité dans son rapport, après avoir
reconnu qu’il prévient la disproportion du droit, en définitive la fraude, il
le repousse cependant dans son rapport. Aussi la section centrale a été frappée
des avantages de mon système, puisqu’elle a tâché de le coordonner avec le
système du gouvernement à partir de l’article 2 du projet du gouvernement. Il
ne peut donc y avoir le moindre doute sur le mode à suivre. Je demande au
ministre qu’il discute franchement les deux systèmes qui ont été soumis à la
chambre, qu’il débatte la question au fond comme je l’ai fait, et qu’il ne
vienne pas, comme d’habitude, amuser la chambre avec des jongleries et de
niaiseries, toutes les fois qu’il s’agit des intérêts matériels du pays.
(Lettre insérée par le même député
dans le Moniteur belge n°176, du 25 juin 1834 :)
(A M. le directeur du Moniteur belge.
(Monsieur,
(Les égards que je dois à la chambre des représentants m’imposent le devoir
de repousser un terme injurieux que MM. les sténographes m’ont prêté dans le
compte qu’ils ont rendu de mon discours, prononcé, dans la séance du 19
courant, sur mon projet de loi et sur celui de M. Rodenbach, relatifs à la
majoration des droits sur les toiles étrangères et au mode de percevoir ces
droits J’aurais dit, selon la version du Moniteur
: « Que le ministre ne vienne pas, comme d’habitude, amuser le chambre
avec des jongleries, etc. »
(Il est vrai que M. le ministre des finances et M. Legrelle ont pris ce
texte pour base de leurs observations ; mais si, par erreur ou dans la chaleur de
l’improvisation, il arrive aux membres de la chambre de réfuter des objections
imaginaires, ce n’est pas une raison pour les sténographes de les convertir en
réalités. Le fait est que je n’ai pas proféré le terme jonglerie contre le
ministère. Toute la chambre pourra l’attester au besoin. J’aurai toujours grand
soin de me resserrer dans les bornes des convenances parlementaires ; et si, en
improvisant mes discours sur de simples notes, comme je le fis, il m’échappe
des termes inconvenants, je serai toujours disposé à les reconnaître comme tels
et à les rectifier. C’est ainsi que le terme niaiseries, et non jongleries,
m’est échappé dans l’improvisation, et que j’y ai de suite substitué celui de
tergiversations. Je maintiens ce dernier terme dont la justesse de
l’application ne me serait pas difficile à prouver.
(MM. les sténographes ont, en
outre, tellement tronqué et défiguré tout mon discours, qu’il se refuse à toute
rectification. Je me vois donc forcé de vous l’envoyer dans toute son
intégrité, d’autant plus que la discussion est sur le point de renaître.
(J’ai l’honneur d’être, Monsieur, votre très humble serviteur,
(de Foere, député du district de Thielt. » (Note du webmaster : Le texte
« rectifié » est ensuite publié dans le même Moniteur. Il n’est pas
repris dans la présente version numérisée)).
M. A. Rodenbach. - Nous avons déjà
perdu depuis plusieurs jours un temps précieux. Je tâcherai d’être bref et
j’aborderai franchement la question. Il s’agit aujourd’hui pour la chambre de
se décider entre le système de la section centrale et ma proposition. Mon
système, auquel M. le ministre des finances s’est rallié, n’a pas seulement été
approuvé par lui, mais plusieurs chambres de commerce du royaume l’ont
également adopté. L’honorable M.de Foere ne doit pas l’ignorer, et ce doit être
par oubli qu’il a parlé de l’unanimité des chambres de commerce en faveur de sa
proposition. La commission supérieure d’industrie, siégeant à Bruxelles, a également
été d’avis que le mode de perception que je propose est le meilleur. Cette
autorité est d’un grand poids, puisque la commission d’industrie est composée
des premières notabilités du royaume.
Je suivrai maintenant l’honorable M. de Foere sur le terrain
de l’immoralité dont il a accusé ma proposition. En matière de douanes, il n’y
a pas d’immoralité. J’ai dit que le droit fictif de 10 p.c. ne rapporterait en
réalité que 7 p. c. On ne peut empêcher le vice de tenter d’enlever au fisc un
droit de 3 p. c. sur la valeur des marchandises importées. Dans notre système
de douanes actuel, il y a une foule d’articles qui se perçoivent par la
préemption. L’honorable M. de Foere a dit que la préemption est un détestable
système. Maïs la section centrale n’admet le système de perception par la loupe
que pour les toiles écrues. Mais elle a maintenu le système que le préopinant
appelle un système vicieux. La préemption sera employée à l’égard des nappes,
des toiles à matelas, etc. En s’appuyant donc de l’autorité de la section
centrale, l’honorable M. de Foere se combat donc par ses propres armes.
J’ai dit que le système de perception du droit à la loupe
est un système qui a encore besoin d’être étudié. Pour le prouver, il suffira
de remarquer que les toiles d’Allemagne sont de 50 p.c. plus légères que les
toiles en Belgique. Il me semble que cette différence de poids doit influer sur
la quantité de fils contenus dans cinq millimètres carrés et qu’il peut y avoir
matière à erreur. Je n’ai pas le bonheur de pouvoir examiner ce point. Sans
avoir étudié l’optique, je crois que le nombre de fils n’est pas le même dans
deux pièces de toile allemande et belge à qualité égale.
Il y a encore beaucoup d’autres questions à traiter sur
cette matière. Il s’agit de savoir si l’on ne pourra également frauder dans le
système à la loupe. Il est possible que des employés qui n’ont que 500 florins
par an soient tentés de mal juger la qualité des toiles à la loupe, et des
arrangements avec le négociant peuvent leur faire voir d’une manière
merveilleuse.
Messieurs, je l’ai dit dans la séance précédente,
nous ne pouvons détruire efficacement la fraude avec le système de douanes
actuellement établi. Quand nous le reformerons, nous pourrons examiner plus
amplement la question que je combats. Du moment que nous aurons acquis la
conviction que les puissances voisines ne veulent pas faire des traités de
commerce qui nous mettent vis-à-vis d’elles sur le pied de la réciprocité, nous
pourrons adopter un système plus prohibitif. Mais changer actuellement le mode
de perception, c’est jeter la perturbation dans la législation sur la matière.
Je persiste dans ma proposition.
M. Bekaert. - Messieurs, je prends
encore une fois la parole au risque même de répéter ce que j’ai déjà eu
l’honneur de vous dire dans la séance d’hier. En effet, il est étonnant, il est
même inconcevable qu’une discussion puisse se prolonger sérieusement sur le
mode qu’il conviendrait d’adopter pour la perception du droit protecteur que la
législature veut accorder à l’industrie linière. La différence qui existe entre
les deux systèmes qui ont été proposés est telle qu’elle doit se faire
apercevoir, je ne dirai point de ceux qui ont quelques connaissances
commerciales, mais de tout homme sensé et de bonne foi. Cette différence est
palpable, comme celle de la nuit au jour. En effet, que voulons-nous ? Accorder
protection à une précieuse industrie nationale. Eh bien, messieurs, la raison,
le simple bon sens, nous prescrit de prendre les dispositions qui puissent
rendre cette protection réelle. Qui veut la fin veut les moyens.
Le mode au poids et à la loupe doit donc être préféré,
non seulement parce qu’il est le seul qui soit capable de remplir le but de la
loi en satisfaisant aux besoins d’une souffrante industrie, mais encore pour
les avantages tant moraux que matériels qu’il réunit si évidemment sur le mode
opposé. Le système que nous défendons est équitable, parce qu’il offre à la
fixation du droit une base certaine. J’entends une base matérielle qui est infaillible,
qui écarte l’arbitraire et exclut la faveur. Ce mode offre plus de facilité
dans l’exécution, parce que tout douanier sait se servir de la balance et de la
loupe, tandis qu’il ne s’en trouvera pas un seul (oui, j’ose l’affirmer), pas
un seul qui saura apprécier un envoi de toiles blanches. Ce mode est plus dans
nos mœurs, parce qu’il repousse l’odieux système de la préemption, et qu’il
prévient les nombreuses contestations que fait naître sans cesse la perception
à la valeur. Il est préférable parce qu’il est le seul qui puisse garantir à la
fois les intérêts du trésor et ceux du commerce. Enfin, ce mode est le seul qui
soit moral, le seul qui soit juste, parce que tout impôt protecteur doit être
une vérité.
Le système de percevoir le droit à la valeur est loin
d’offrir les mêmes titres à la confiance publique ; ce mode n’ayant pour
contrôle que la connaissance plus ou moins spéciale, je dirai même la
prévention plus on moins favorable, des employés envers le déclarant, ne
présente aucune garantie à la fabrication indigène. L’assiette d’un impôt qui
n’a point de base sûre, fixe, ou déterminée, par cela seul qu’elle peut prêter
à l’arbitraire, est un principe trop dangereux pour être consacré par la loi.
Je pose en fait que deux envois de toiles de la même valeur ne seront jamais
également estimés ; qu’en sera-t-il donc si l’ignorance ou la faveur devait
exercer sur l’estimation une notable influence ? Veuillez, messieurs, réfléchir
aux conséquences d’un système si nuisible aux véritables intérêts du pays. Le
mode que nous réclamons, reconnu comme le plus efficace, est celui qui est
établi en France et en Angleterre ; il est appliqué contre les produits de
l’industrie belge ; pourquoi
« Le tarif actuel impose les toiles de lin à la
valeur ; ce mode paraît le plus simple dans son application, surtout quand il
ne s’agit que d’un droit peu élevé, mais il a l’inconvénient de n’être
équilibré que par le moyen coercitif de la préemption, qui de sa nature est
subordonnée au discernement et à l’opinion des employés. Il laisse donc, sous
ce rapport, beaucoup à désirer, surtout dans l’intérêt du trésor. Et vous
concevez, messieurs, qu’un mode qui laisse le trésor sans garantie, doit
laisser aussi l’industrie sans protection, car les douanes doivent être
établies dans l’intérêt du commerce national autant que dans l’intérêt du
fisc. »
M. le ministre continue : « Le mode de perception au
poids présente une base plus matérielle et plus certaine mais a l’inconvénient
de faire peser l’impôt sur la marchandise dans une proportion inverse de sa
valeur, vu que les tissus fins et de plus grande valeur pèsent moins que les
tissus grossiers ct de moindre valeur.
« En France on a adopté un mode mixte, qui consiste à
imposer les toiles au poids, mais proportionnellement au degré de finesse, dont
on s’assure au moyen d’un instrument appelé compte-fil.
« Ce mode écarte la nécessité de la préemption et
prévient la disproportion du droit relativement à la valeur. Sous ce rapport il
paraît offrir de l’avantage sur les deux autres. Son application au tarif des
douanes belges, par rapport aux toiles, serait un essai dont l’expérience seule
pourrait démontrer les avantages ou les inconvénients sur les autres
modes. »
Ainsi vous voyez, messieurs, que le ministre avoue
lui-même que le mode de percevoir au poids et à la loupe offre de l’avantage
sur les deux autres. Eh bien, c’est ce mode dont nous réclamons l’adoption, et
nous osons prédire, avec le sentiment de la plus intime conviction, que l’essai
en serait couronné du plus brillant succès.
Je dois à la vérité de déclarer que cette opinion
si franchement émise par M. le ministre des finances a fait la plus agréable
impression sur les membres de la section centrale à laquelle j’ai l’honneur
d’appartenir. Ils y ont acquis la preuve que M. le ministre a la louable
intention de faire sortir l’administration des douanes de la vieille ornière
des habitudes pour la faire marcher dans la voie des améliorations, en adoptant
un système d’impôt plus en rapport avec nos mœurs et les besoins de
l’industrie. Nous osons espérer que M. le ministre se ralliera au mode proposé
par la section centrale, et qu’il donnera ainsi, dès aujourd’hui même, à son
projet d’amélioration un commencement d’exécution, en donnant à la fabrication
linière la juste satisfaction qu’elle demande.
M. Zoude. - On
doit être convaincu que la seule manière d’augmenter réellement le droit sur
les toiles, c’est d’adopter le mode proposé par la section centrale. Le
ministre a dit que l’on créerait des embarras à l’administration en changeant
la perception. Dans peu de jours la commission d’industrie sera bien obligée,
en vous présentant un rapport, de vous proposer sur les tissus en coton une
perception des droits basée sur la finesse de ces tissus.
M.
de Foere. - Vous avez sous les yeux le rapport de la section
centrale ; on y relate les avis des chambres de commerce. On leur a demandé
s’il était utile d’augmenter le droit sur les toiles ; elles ont répondu : Oui.
Mais elles n’ont rien dit sur le mode de perception, du moins quelques-unes ;
celles qui se sont occupées de cette seconde question ont partage l’opinion de
la commission.
L’honorable M. A. Rodenbach avoue que la préemption donne
lieu à beaucoup de vexations ; alors pourquoi n’admet-il pas le système qui
évite la préemption ? On objecte la corruption des employés des douanes contre
le système de la commission ; mais cette corruption peut avoir lieu pour un
mode de perception comme pour un autre, et elle ne prouve rien.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je me propose de répondre aux partisans du mode
de perception basé sur la valeur.
Que disent M. Rodenbach et MM. les ministres pour appuyer
le système de perception à la valeur ? Ce mode est plus simple ;
l’administration des douanes y est habituée, et il ne nécessitera de sa part
aucune étude, aucun progrès dans l’exercice de ses fonctions. Ce n’est pas dans
une loi temporaire qu’il faut introduire un nouveau système de perception ;
cette introduction ne peut avoir lieu que lors de la révision de notre système
général de douanes. Nous avons donné notre assentiment en quelque sorte au mode
proposé par la section centrale, ajoute M. le ministre des finances, lorsqu’il
s’agissait d’établir un système général de douanes à l’égard de tons les
produits de l’industrie linière, lins, fils et toiles ; mais aujourd’hui il ne
s’agit plus de cela, il ne s’agit plus que des toiles, il ne s’agit plus que de
mettre des droits plus élevés que ceux actuels à l’entrée des toiles étrangères
; il ne s’agit enfin que d’une loi essentiellement spéciale, temporaire et de
courte durée, en attendant la révision générale de notre tarif.
Viennent ensuite quelques objections que l’on ose à peine
émettre, et d’où il résulterait que le mode proposé par la section centrale,
bien qu’il soit fondé sur l’expérience d’un grand nombre d’années faite par
Le mode de M. Rodenbach est plus simple, dit-on ; il ne
nécessitera aucun travail d’étude de la part de notre administration douanière,
et ce sera de quelques instants que de voter sa proposition de loi. A cela je
réponds que d’abord la simplicité ne doit pas aller jusqu’à adopter un système
essentiellement vicieux ; que nous ne faisons pas des lois de douanes pour
éviter du travail aux employés de l’administration ; qu’au contraire, ceux-ci,
dévoués qu’ils doivent être aux intérêts du commerce et de l’industrie du pays,
repousseront de tous leurs moyens une telle objection, que je regarde, moi,
comme une injure faite à leur zèle et à leur patriotisme ; et qu’enfin nous ne
sommes pas ici pour faire des lois à la minute mais pour faire de bonnes lois.
J’ai déjà répondu hier à l’objection tirée du caractère
temporaire à donner à la loi. C’est précisément parce que la loi ne sera que
transitoire qu’elle n’aura force et vigueur qu’en attendant que nous puissions
lui assigner un caractère permanent lors de la révision générale du tarif des
douanes, qu’il est permis d’essayer l’emploi d’un mode de tarification nouveau
pour nous, mais, je le répète, déjà pratiqué par
Quant à la dernière objection de M. le ministre des
finances, quoiqu’il en dise, ses raisonnements sur le mode de tarification
n’ont été appliqués qu’aux toiles et non aux lins et aux fils ; et il ne
pouvait en être autrement, car le mode que nous proposons ne peut s’appliquer
qu’aux toiles, et nous n’avons malheureusement jusqu’ici pas pu trouver un
pareil mode de tarification pour les lins et les fils. En ce qui est des lins,
nous avons dû nous résigner au système d’imposition à la valeur ; et quant aux
fils nous avons dû nous borner à la désignation des espèces et au poids. Ce qui
ne présente à beaucoup près pas autant de sûreté que le mode que nous avons
appliqué aux toiles.
Enfin, messieurs, M.
Rodenbach a fait lui-même la critique la plus amère qu’on puisse faire du mode
de tarification qu’il propose en vous disant : « Si votre intention est de
m’accorder une protection de 6 p. c., il
faut que dans la loi vous m’accordiez 10 p. c. » Il serait inutile
d’ajouter de plus longs développements à cette objection qu’a faite lui-même
l’honorable auteur de la proposition, car on ne peut rien dire de plus fort
contre son système.
M. Verdussen.
- Je me permettrai une seule observation en faveur du consommateur. On ne peut
augmenter le droit sur les toiles à l’entrée, sans frapper le consommateur ; on
le frappe doublement surtout quand leur prix s’élève chez nous. Si mes
renseignements sont exacts, il paraît qu’il y a des toiles que l’on fabrique
peu ou point chez nous, et dont la consommation ne peut se passer, les coutils,
les toiles à matelas.... Pourquoi frapper ces tissus ?
Cette observation me semble avoir quelque valeur et venir
à l’appui du mode proposé par la section centrale.
M. A. Rodenbach.
- On n’a pas répondu à ce que j’ai dit. Je vous ai fait remarquer que les
toiles d’Allemagne sont plus légères que les nôtres de 50 à 60 p. c. ; je vous
ai fait remarquer en outre que le système de la commission n’est pas uniforme
puisqu’elle propose la loupe d’un côté, et la valeur d’un autre côté, pour
asseoir la perception.
M. Zoude vient de nous annoncer que la commission
d’industrie proposerait, sur les tissus de coton, un mode de perception basé
sur la finesse du tissu ; eh bien, je lui dirai à ce sujet, que je me suis
trouvé en présence de quelques fabricants de Gand : interrogés sur ce mode de
perception, ils ont répondu qu’il y avait impossibilité à l’asseoir sur la
finesse du tissu, parce que la loupe ne peut rien sur les tissus imprimés et
sur d’autres.
Pour les toiles il en est de même : la section centrale
ne peut proposer la loupe sur les serviettes et d’autres tissus ; elle est
obligée de faire exception à son propre système.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Avant de vous soumettre, messieurs, quelques
observations sur la matière en discussion, je commencerai par rappeler ce que
j’ai dit à la section centrale en réponse à la demande qu’elle m’a faite sur le
meilleur mode à employer pour établir les droits sur les toiles ;
Je ne lirai pas, comme on l’a fait hier, la presque
totalité du rapport ; je rappellerai seulement une partie de l’introduction de
la lettre dont M. le rapporteur a parlé :
« M. le ministre des finances, dit la section
centrale nous a fait connaître que son opinion ne pouvait être bien fixée à
l’égard de la question du droit sur les toiles, qu’il considère comme aussi
importante que celle du taux de l’impôt lui-même, que lorsque la discussion de
la législature aura fait voir tous les inconvénients et tous les avantages de
ce système. Cependant animé du vif désir de contribuer à éclairer le vote de la
section centrale autant qu’il lui était possible, il nous a transmis diverses
notes. »
J’ai fait, messieurs, cette réponse dans le but de ne pas
faire attendre des renseignements que le ministère s’empressera toujours de
donner aux députés et aux membres des sections centrales. Je suis entré dans
l’examen de la matière sur le pour et le contre des deux systèmes ; je m’en suis
rapporté aux lumières que la discussion pourrait faire naître en faveur de l’un
ou de l’autre de ces systèmes ; voilà ce que j’ai écrit, et c’est ce que
pourront voir ceux qui voudront relire ma lettre à la section centrale. Je ne
crains pas que l’on trouve dans cette lettre une contradiction au système que
je soutiens aujourd’hui.
D’après la manière réservée dont j’ai fait usage, j’étais
parfaitement libre de me rallier à l’opinion de la section centrale, à la
proposition de M. A. Rodenbach, ou à tout autre système qui serait présenté
pendant la discussion.
Je me rallie à la proposition de M. A. Rodenbach parce
que je considère une majoration des droits anciens sur les toiles comme une
nécessité momentanée et peut-être durable ; si elle est durable, lorsque
l’ensemble du tarif sera révisé, on pourra adopter le mode de perception établi
en France ; j’ai dû accueillir ce mode avec d’autant plus de circonspection que
je n’ai aucune idée sur sa mise en pratique et sur son application en France.
Il faut, avant de se prononcer sur ce mode, savoir s’il ne présente point
d’inconvénients, s’il ne porterait point de préjudice à notre industrie.
Mais, dit-on, je me suis rallié à la proposition de M. A.
Rodenbach, parce que son système est plus commode, et qu’il offre plus de
simplicité ; mais, messieurs, alors qu’il en serait ainsi, je ne crois pas que
ce soit un crime ; je dirai plus : si dans ce mode de perception, il y a
commodité et simplicité, il y aura avantage pour le contribuable aussi bien que
pour l’employé de la douane qui est en contact avec lui.
Je dis qu’il n’y a aucun inconvénient dans la proposition
de M. Rodenbach, lorsqu’il y aura bonne foi de la part du commerce ; un
négociant se présentera au bureau et dira : Voilà ma marchandise ; je la
déclare à tel taux. Y a-t-il quelque chose de plus simple ? Y a-t-il quelque
entrave à craindre dans ce système ? Y a-t-il là, de la part du gouvernement,
jonglerie, niaiserie, etc., ainsi qu’on l’a dit ? Quant à moi, je crois qu’il
peut y avoir jonglerie dans d’autres affaires, mais pour celle-ci, bien
certainement il n’y a pas lieu à se servir de cette épithète.
Imposer les toiles à la valeur est un mode tout simple
s’il y a bonne foi de la part du commerce. On dit : Mais, pour assurer les
droits à leur valeur, vous avez le droit de préemption, et l’exercice de ce
droit entraîne dans des contestations et dans des procès. S’il y a bonne foi,
si le négociant donne la valeur réelle de la marchandise qu’il déclare, il n’y
aura pas lieu à contestations ; il n’y aura point non plus matière à préemption
ni à procès, lesquels dans tous les cas ne peuvent jamais résulter de
l’exercice du droit de préempter ; car lorsque le directeur a adjugé la
préemption, elle est définitive et rend l’employé propriétaire de la
marchandise saisie. Les tribunaux ne peuvent donc en connaître, ce
fonctionnaire étant institué juge en dernier ressort sur cette matière.
On dit aussi que la fraude aura lieu : je répondrai que
s’il y a mauvaise foi, la fraude s’opérera aussi bien avec le mode du compte-fils
qu’en percevant le droit à la valeur. Je pense que les objections que l’on a
fait valoir ne peuvent faire écarter la proposition de M. Rodenbach qui
continue les principes qui existent actuellement ; je crois avoir répondu à ces
objections et particulièrement à celle par laquelle on voudrait donner à la
chambre l’idée que le système du droit à la valeur est immoral ; l’honorable M.
Rodenbach a déjà repoussé, je dirai même flétri, cette qualification
d’immoralité. Si nous sommes immoraux, nous le sommes avec d’autres nations ;
car il en est beaucoup qui ont adopté le système que accusé d’être immoral.
J’appuie la proposition de M. Rodenbach, et je
crois que la majoration qui en résultera suffira pour protéger notre industrie
linière. J’ajouterai que l’on doit aussi proscrire cette idée de la paresse des
employés des douanes. On peut être certain qu’alors même que l’on adopterait un
mode de perception contraire à celui qu’appuie le ministère, les employés de la
douane ne reculeront devant aucune obligation qui aurait pour résultat de
substituer au système qui existe le système du compte-fils.
M. Jullien. - Quoique peu familiarisé
avec la matière dont il s’agit, ce que j’ai entendu dans cette discussion m’en
a assez appris pour pouvoir motiver mon opinion sur la loi qui vous est
proposée.
Je dois dire que les moyens déduits tant par la section
centrale que par MM. Bekaert et de Foere, m’ont déterminé à repousser le
système de perception à la valeur.
En effet, on a fait valoir contre ce système des
arguments qui n’ont pas encore été réfutés ; le principal argument est celui-ci
: c’est qu’alors même que les employés de la douane ne connaissent pas la
valeur des toiles, elles leur seront présentées pour qu’ils en reconnaissent la
valeur. Je dis que la base du système du droit à la valeur est défectueuse ;
l’ignorance des employés donnera lieu à des injustices criantes à l’égard des
négociants.
Je suppose, par exemple, que deux négociants exposent des
marchandises de valeur égale, et que l’on tarife l’une beaucoup au-dessous de
l’autre. N’est-il pas évident qu’en venant sur le même marché, celui des deux
négociants qui aura un employé favorable ou profitera de l’ignorance de cet
employé, aura un avantage sur l’autre. On dira que ceux qui veulent faire la
fraude s’exposent à la préemption. Messieurs, la préemption est quelque chose
d’odieux dans le commerce. Plusieurs pétitions vous ont été adressées pour vous
demander d’empêcher que les commis de la douane ne se fissent négociants par ce
moyen. On a vu que c’était une véritable spéculation de la part de certains
employés auxquels des maisons de commerce fournissaient des fonds pour faire
des préemptions.
Ce système de préemption, vous a dit le ministre, ne
donne lieu à aucun procès, parce qu’une fois la marchandise préemptée, le
directeur, en approuvant la préemption, fait cesser la contestation. Mais c’est
précisément contre cela qu’on s’élève. J’ai eu occasion de soutenir que le
principe posé par M. le ministre des finances n’était pas exact, et que les
tribunaux avaient toujours le droit de connaître des préemptions. C’est une
question qui est encore pendante devant les tribunaux. Dans tous les cas, il
vaudrait mieux que les préemptions fussent jugées par les tribunaux que par les
directeurs de l’administration des douanes, qui sont toujours plus favorables à
leurs employés qu’au commerce. Du reste, la mesure en elle-même est reprouvée
par le commerce, et elle n’est acceptée que parce qu’elle est malheureusement
la conséquence du mode de perception à la valeur.
On vous a dit que le mode de perception à la loupe et au
poids était celui admis en France et en Angleterre pour l’introduction de nos
propres toiles. Ce fait n’a pas été contesté, et on a ajouté avec infiniment de
raison que nous devions employer, pour favoriser notre commerce, le mode que
les nations étrangères employaient contre nous, comme étant le système le plus
sûr pour reconnaître la valeur des toiles, et percevoir un impôt réel au lieu
d’un impôt fictif, qu’on peut éluder jusqu’à concurrence de 3 ou 4 p.c., comme
cela est résulté de la discussion.
Je ne crains pas les abus que M. Rodenbach prétend devoir
résulter du mode de perception à la loupe et au poids. On ne peut pas faire
voir avec une loupe ni plus ni moins de fils qu’il n’en entre dans le
compte-fils. D’ailleurs, comme la marchandise est toujours là, il serait facile
de constater la fraude commise par les employés, de s’assurer si on a compté
plus ou moins de fils, suivant qu’on voulait élever ou baisser le droit.
Maintenant je dirai un mot sur l’ordre de la discussion
et la manière de la terminer en abrégeant le temps. Je crois que la question de
préférence entre les deux systèmes à la valeur ou à la loupe et au poids est
assez débattue pour que chacun puisse fixer son opinion. Quant à la quotité des
droits à déterminer, elle me semble être une conséquence nécessaire, aussi
longtemps qu’il n’y aura pas d’autre amendement présenté, de l’adoption de l’un
ou de l’autre système. Si on adopte le système de la section centrale, on a un
droit de 7 p. c. Si on adopte celui de M. A. Rodenbach, le droit sera de 10 p.
c.
De sorte qu’on pourrait mettre aux voix, lorsque cette
discussion sera close, la proposition de la section centrale, que je considère
comme un amendement aux deux propositions faites l’une par M. de Foere et
l’autre par M. Rodenbach. La proposition de la section centrale est un
amendement à celle de M. de Foere, en ce sens que, tout en adoptant son mode de
perception, elle fixe le droit à 7 p. c. au lieu de 10. Quant à la proposition
de M. Rodenbach, la section centrale l’amende en ce qu’elle propose un autre
mode de perception et un droit de 7 p. c. au lieu de 10.
Si la proposition de la section centrale était
adoptée, vous auriez un droit de 7 p. c. perçu à la loupe et au poids.
Ce qu’on doit mettre aux voix maintenant c’est la
question de préférence entre le système de M. de Foere et celui de M.
Rodenbach. De cette manière, nous mettrons fin à cette discussion qui a déjà
été passablement longue.
Quant à moi, je voterai pour la proposition de la section
centrale.
M. Bekaert. -
Je répondrai à l’honorable M. Rodenbach qu’il ne peut résulter aucune confusion
du système de perception à la loupe et au poids parce que les différentes
finesses sont classées de manière à atteindre chacune d’après sa valeur. Les
toiles de Silésie, dit-il, sont plus légères que les nôtres ; c’est un avantage
pour elles.
Quant à M. le ministre, il n’a rien prouvé. Il s’est
efforcé de soutenir que le mode de perception à la valeur était plus facile. Je
suis d’accord avec lui, mais ce que nous devons examiner, c’est si cette
facilité est en harmonie avec les intérêts du commerce. Si nous ne devons
considérer que la commodité des employés, nous n’aurons qu’à ouvrir nos frontières
à l’industrie étrangère. Mais les industriels étrangers voudraient-ils payer
les impôts et les patentes des industriels du pays ? Voilà une question que
j’adresse au ministre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’honorable préopinant vient de dire : Le
ministre n’a rien prouvé ; et ensuite il ajoute que j’ai essayé de prouver
qu’il était préférable de continuer le mode de perception à la valeur que
d’établir le système à la loupe et au poids. Je puis n’avoir pas réussi à
prouver ce que j’avançais, mais au moins ai-je essayé, et la chambre jugera
entre moi et M. Bekaert. En
attendant, je prierai l’honorable membre de m’expliquer comment il entend que
j’expose l’industrie belge à la ruine et à se trouver dans le cas de ne plus
pouvoir payer les impôts, lorsqu’avec la majorité de la chambre j’ai été d’avis
de majorer le droit à l’entrée des toiles étrangères.
Il ne s’agit donc ici que du mode et plus du principe,
sur lequel mon vote prouve que je veux protéger l’industrie belge et non la
ruiner, comme le préopinant m’en prête gratuitement l’intention. Je pense que
la perception peut se faire aussi bien d’après la valeur que d’après le
compte-fils. Quel que soit le système que vous adoptiez, les employés feront
leur devoir.
M. Zoude. - Je demande à répondre quelques mots aux
observations de M. A. Rodenbach. Il est vrai qu’il s’est rendu dans le sein de la
commission d’industrie. Il est vrai aussi que ces messieurs, consultés sur la
question de savoir si on pouvait apprécier la valeur des cotons au moyen de la
loupe, ont répondu que c’était extrêmement difficile. Mais nous leur avons dit
que nous reculerions devant une prohibition, et c’est alors qu’ils nous ont
fourni les données au moyen desquelles nous avons établi nos calculs.
Je prierai M. Rodenbach
de mesurer un peu ses expressions. Il a dit que la commission d’industrie ne
faisait rien, que nous marchions à pas de tortue. Nous nous hâtons lentement,
parce que nous ne voulons pas toucher aux lois qui régissent l’industrie sans
consulter tous les intérêts, sans avoir pris l’avis des chambres de commerce et
des commissions d’agriculture et d’industrie. Il ne s’agit pas de présenter des
projets de loi, mais d’en présenter de bons, et nous nous honorons d’en avoir
présenté qui ont été accueillis avec satisfaction par la chambre.
M. Desmaisières. - M. le ministre des
finances se repose sur la bonne foi des négociants. Je comprends qu’il peut y
avoir de la bonne foi dans les relations des négociants entre eux ; mais la
bonne foi des négociants introducteurs de marchandises étrangères, vis-à-vis du
fisc, n’est pas de ce monde.
M. Legrelle. - C’est toujours avec un
sentiment profond de peine que je vois la législature s’avancer dans un système
de prohibition qui ne sera jamais le mien. Il faudra des raisons bien
déterminantes pour me faire adopter un projet de cette nature ; mais ici ce
n’est pas tant l’augmentation du droit que le mode de perception qui me fait
éprouver la répugnance que je signale.
Deux systèmes sont en présence. Celai de la section
centrale et celui de M. Rodenbach, sous lequel nous avons vécu depuis un grand
nombre d’années et qui n’a jamais donné lieu à la moindre plainte. (Dénégations.) L’autre système est un
système tout nouveau, qui vient à peine d’être introduit en France et en
Angleterre. Si je défends le système ancien, ce n’est pas parce qu’il offre
plus de simplicité, qu’il est plus commode pour les employés de la douane, mais
bien parce qu’il est plus dans l’intérêt du commerce, et qu’il obvie aux
lenteurs et aux vexations que l’autre mode me fait redouter.
Je crois que le meilleur parti que nous ayons à prendre
est de maintenir le système actuellement existant pendant un espace de temps
assez court, pendant un an au moins. Nous aurons le loisir d’examiner mûrement
le mode nouveau de perception que l’on nous propose, et de demander les avis de
personnes autres que les fabricants. Car il ne suffit pas d’agir dans les
intérêts de ceux-ci. Il faut prendre également en considération la position et
de l’importateur et du consommateur. Je vois bien que jusqu’à ce jour les
fabricants ont réclamé, avec chaleur, l’introduction du nouveau système ; je
serais curieux de connaître l’opinion de ceux par l’intermédiaire desquels le
commerce des toiles se fait.
Un honorable membre, qui
croit toujours devoir reproduire son vieux reproche de fraude à l’appui du
système rétrograde, a crié à la fraude pour combattre la plus belle loi que
nous ayons faite, celle du chemin de fer ; il a crié à la fraude dans un
mémoire qu’il a fait imprimer récemment, et dans lequel les commerçants d’une
grande cité sont représentés comme vendus aux florins de
M. Gendebien. - Toute la discussion qui
vient d’avoir lieu m’a ramené à cette idée simple, que si le gouvernement vous
proposait d’adopter une loi tendant à faire mesurer la superficie d’un
territoire qu’il aurait acheté par des hommes que l’on saurait très exercés à
lever un plan à la simple vue, vous répondriez qu’il y a quelque chose de plus
rigoureusement exact que les calculs hasardés de l’arpenteur le plus habile :
c’est le mètre, ce sont les moyens mécaniques, et vous auriez raison de
répondre ainsi. Le cas ici est identique. M. Bekaert a dit un mot d’un grand
sens, il a dit que tout le système qu’il défend repose sur des moyens
mécaniques, le poids du ballot et le nombre des fils dans un carré donné. Je
vous demande si la question réduite ainsi à sa plus simple expression peut
rencontrer une objection raisonnable. Que répond M. le ministre des finances ?
Il dit que le système de la section centrale n’empêchera pas la fraude, parce
que l’on ne présentera pas les toiles aux bureaux des douanes.
Je demanderai à M. le ministre s’il n’en sera pas de même
quand le droit sera perçu selon la valeur de la marchandise. Il est certain que
dans tous les cas l’on fraudera de même, parce que c’est là une espèce de
fraude qu’aucun système de droits ne pourra jamais prévenir. Mais pour ce qui
est de la fraude commise dans l’appréciation de la qualité de la toile, c’est
différent. Je suppose les employés des douanes parfaitement probes,
inaccessibles à la corruption.
Mettez un parfait honnête homme en présence d’un ballot
de toile, et dites-lui d’en fixer exactement la valeur. Les négociants
eux-mêmes s’y sont souvent trompés. Pourquoi un employé de la douane ne s’y
tromperait-il pas ? Les toiles les plus grossières peuvent recevoir un apprêt
qui les fasse paraître d’une manière très avantageuse à côté de toiles d’une
meilleure qualité en réalité, mais qui n’auront pas reçu de préparation. Il y a
mille moyens de faire ressortir la beauté d’une toile, au point que les
négociants eux-mêmes s’y laissent tromper. Il est bien certain que les
importateurs étrangers se garderont de donner à leurs toiles aucune préparation
et chercheront à lui donner au contraire une apparence grossière, afin de les
faire imposer à l’entrée le moins possible. Une fois introduites dans le pays,
elles recevront l’apprêt qui leur rendra leur véritable prix.
Mais il sera trop tard. Je me reconnais incompétent à
juger en pareille matière ; mais, sans que l’on possède des connaissances
spéciales, il tombe sous le sens que l’employé de la douane peut se tromper
comme le négociant. Quand le négociant se trompe, c’est aux dépens de sa bourse
; quand c’est le douanier, c’est au préjudice du trésor public.
M. le ministre des finances vous a dit qu’il était dans
le doute, et qu’il ignorait s’il adopterait le système de la section centrale
ou celui de M. Rodenbach. Mais il me semble que dans la séance précédente M. le
ministre s’est décidé en faveur de ce dernier. Je le surprends sur le fait de
contradiction avec lui-même.
Puis il a ajouté pour ce qui regarde le système : Je
crois en avoir démontré les inconvénients. Et comment a-t-il démontré ces
inconvénients ? En nous disant qu’il fallait attendre la loi générale sur
l’organisation des douanes. Est-ce là réfuter convenablement des objections ?
Que M le ministre réponde, s’il le peut, à une question ainsi posée : Un
employé de la douane, en le supposant doué de connaissances parfaites en
matière de toiles, sera-t-il toujours plus sûr de bien évaluer leurs qualités
réelles qu’un autre employé ne possédant pas même de connaissances pratiques,
mais pouvant peser le ballot et compter les fils d’un carré de toile
donné ? Si dans le premier cas le douanier se trompe, sa méprise peut être
le résultat d’une erreur ; dans le second cas il n’est pas justifiable, parce
que l’opération qu’il a faite est toute mécanique.
M. le ministre des finances vous a dit encore qu’il
n’avait aucune idée du résultat, plus ou moins favorable, que pouvait avoir eu
le système que propose la section centrale en France et en Angleterre. Il me
semble qu’il était de son devoir de prendre des informations à cet égard. C’est
une fort mauvaise réponse à donner aux excellentes raisons émises par le judicieux
rapport de la section centrale. On vous dit d’un côté que votre système peut
être ruineux pour le trésor public, tandis qu’il ne peut jamais arriver de
préjudice au fisc dans le second système.
On a dit que le mode de perception proposé par M.
Rodenbach ne présente rien d’immoral, que l’on n’était jamais forcé d’être
fraudeur. Non, sans doute, messieurs ; mais savez-vous où est l’immoralité ?
c’est que le négociant honnête paiera son droit de 9 à 10 p. c., et que le
fraudeur, dont on a eu soin de faire la part dans la loi, ne paiera peut-être
que 3 à 4 p. c. Il faut bien qu’il en soit ainsi, puisque M. Rodenbach
reconnaît que, pour qu’il rentre dans les caisses du fisc 7 p. c., il faut
imposer un droit de 10 p.c. sur l’entrée des toiles.
Par cette combinaison vous déclarez que 7 p. c. suffisent
pour assurer une protection à la fabrication indigène et cependant ce n’est pas
7 p. c., mais 10 que vous imposez. 7 p. c. est donc un terme moyen ; et pour
que ce soit un terme moyen, il faut qu’il y ait des négociants qui paient plus,
et des fraudeurs qui paient moins. Voilà où gît l’immoralité de votre système,
immoralité d’autant plus funeste que, mettant continuellement le négociant
honnête en face de son intérêt qu’il voit lésé par la fraude, vous l’amenez à se
départir de ses habitudes de bonne foi pour adopter un système coupable. Vous
le mettez en un mot en lutte avec sa conscience.
On vous a dit que les préemptions ne donnaient jamais
lieu à des procès ; mais, pour mon compte, je me rappelle avoir été consulté un
jour par un négociant relativement à un bâtiment d’écorce préempté. Il y a eu
un procès qui dura fort longtemps, et le négociant, tout en le gagnant, fut
ruiné, parce que, devant livrer sa marchandise dans un temps donné, et ne
l’ayant pas fait, il fut tenu à des dommages considérables.
Cet homme est le représentant de dix mille autres. Vous
croyez que quand vous avez préempté, tout est fait ; mais les négociants
peuvent vous dire qu’ils sont pas quittes pour cette préemption.
On vous a dit encore que, sous l’ancien système, on
n’avait pas entendu de plaintes, ; la raison en est simple : il n’y avait de
droit que un pour cent sur la valeur. Y a-t-il dans le monde des fraudeurs qui
veuillent spéculer sur un droit de un pour cent ?
Vous voyez que l’expérience de l’honorable négociant
d’Anvers est ici de peu de poids.
En deux mots comme en
cent, quelque expérimenté que soit un homme à mesurer à l’œil, il n’y a
personne qui veuille se confier à un tel moyen de mesurer ; vous devez préférer
les moyens mécaniques. En matière de douanes, c’est à qui jouera au plus fin.
Les lois sur les douanes le prouvent.
Si un négociant veut être de bonne foi, dit-on, le mode à
la valeur sera sans inconvénient : mais n’est-ce pas toujours contre la
mauvaise foi que nous faisons des lois de douane, que nous comminons des
pénalités ? Si l’on comptait sur la bonne foi, il n’y aurait pas besoin de
faire des lois de douane. Ramenez-nous au temps de Saturne et de Rhée, où la bonne foi régnait sur la terre, et toutes les
lois seront inutiles. En matière de douane il ne faut considérer que la
mauvaise foi ; il faut la considérer non seulement pour punir les fraudeurs,
mais encore pour protéger les négociants honnêtes. (Aux voix ! aux voix !)
M. A. Rodenbach.
- M. Zoude m’a engagé à mesurer dorénavant mes expressions : j’ai pu dire que
nous marchions à pas de tortue, sans offenser la commission d’industrie dont il
est rapporteur.
Si je voulais justifier mes paroles, cela ne serait pas
difficile. Qu’a fait jusqu’ici la commission d’industrie ? un rapport sur les
os ; un rapport sur les parapluies ; un rapport sur les chapeaux de paille ;
voilà les niaiseries dont elle nous a entretenus. Mais laissons ce détail et
les récriminations de côté : je veux être modéré.
L’honorable M. Gendebien a qualifié mon système d’immoral
; ce reproche s’applique également au système de la commission, puisqu’elle ne
peut pas s’abstenir de la préemption dans un grand nombre de cas. Les toiles à
matelas, les nappes, les serviettes, ne peuvent être imposées à la loupe ;
elles seront soumises à la préemption par le mode de la commission comme par
celui que je propose.
Je ferai remarquer que la commission ne vous dit pas
précisément quel impôt pèsera sur les coutils, sur les toiles à matelas, sur le
linge de table : on ne sait si le droit sera de 10 p. c. ou de 7 p. c.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) -
Messieurs, en soutenant le système de l’honorable M. A. Rodenbach, système qui
consiste en une augmentation pure et simple du droit imposé à la valeur, j’ai
soutenu non seulement le système que je crois bon, mais que les chambres de
commerce et que la commission d’industrie ont reconnu comme tel. Ce n’est pas
un système nouveau que nous proposons.
Quant aux connaissances des douaniers pour bien apprécier
la valeur des marchandises, je puis calmer les inquiétudes qu’on a conçues à
cet égard. Les visiteurs se connaissent tout aussi bien sur la valeur des
marchandises que les négociants eux-mêmes ; et quand ils font des préemptions,
ils les font avec connaissance de cause.
Dernièrement, à Quiévrain, un négociant de Bruxelles a
déclaré des objets pour la valeur de 600 francs, C’étaient des instruments,
dont quelques-uns seulement valaient les 600 francs. Les visiteurs ont opéré la
préemption ; ils ont payé 10 p c. au-dessus de la déclaration, et ont fait un
bénéfice notable. La préemption a été bien et dûment appliquée dans ce cas. (Aux voix ! aux voix !)
Quant à la fraude, je conviens qu’elle se fera dans un
système comme dans l’autre. Je n’ai pas dit qu’elle n’aurait pas lieu par
préemption, mais j’ai déjà soutenu qu’elle se ferait tout aussi bien par le
mode à la loupe que par l’autre.
- La chambre ferme la discussion.
La perception proposée
par la section centrale, est mise aux voix.
Plusieurs membres demandent l’appel nominal.
On procède à l’appel nominal.
En voici le résultat :
Nombre des votants, 57.
13 ont répondu non.
En conséquence la proposition de la section centrale est
adoptée.
M.
de Robaulx. - Je
demanderai à M. le rapporteur pourquoi le tableau français sur l’impôt des
toiles est majoré.
M. Desmaisières, rapporteur. - Messieurs, quelques objections ayant été faites
dans la discussion d’hier contre les quotités des droits, et notamment par les
honorables MM. de Robaulx et Verdussen, je crois devoir, avant que la
discussion n’aille plus loin, donner quelques explications à la chambre.
M. Verdussen a signalé des omissions dans les
classifications du tarif ; il a dit : Je ne vois pas figurer les batistes,
toiles de Cambray et toiles à voile. Ces tissus se
trouvent compris, ceux écrus, dans les cinq premières classes de notre tarif
n°3 relatif aux tissus ; et ceux blancs, mi-blancs et imprimés ou teints, dans
la cinquième classe.
Vous remarquerez, messieurs, que nous ne fabriquons point
de batistes et toiles dites de Cambray, et que par
conséquent les droits peuvent être beaucoup plus modérés que ceux sur les
espèces de toiles que nous fabriquons. Aussi le sont-ils dans notre système en
ce que, ces toiles étant excessivement fines et légères, les droits que nous
proposons ne les frappent pas autant qu’ils frappent les toiles étrangères de
notre espèce, les toiles d’Allemagne par exemple. Je crois même que si M.
Verdussen désirait obtenir en faveur des consommateurs, dont l’intérêt me
paraît presque seul devoir venir en ligne de compte ici, une diminution plus ou
moins forte des droits d’entrée sur ces espèces de toiles, il verrait
probablement sa demande accueillie. Toutefois on ne pourrait les exempter
entièrement de droits, car il faut stimuler un peu le zèle de nos fabricants
pour qu’ils cherchent à imiter cette fabrication précieuse.
Vous voyez, messieurs, qu’en ce point encore nous pouvons
sans inconvénient nous rapprocher du système français et entrer ainsi dans les
vues de l’honorable M. de Robaulx, qui tendent, m’a-t-il paru, à chercher à
confondre en quelque sorte nos douanes avec celles de France, à former
coalition avec ce puissant peuple contre l’Allemagne, à opposer, en un mot,
coalition à coalition.
Le tarif que nous proposons se rapproche de beaucoup du
tarif français, et il n’en diffère en quelques points que parce que nous avons
voulu calculer les quotités de nos droits de manière à ce qu’ils reviennent à
sept pour cent de la valeur réelle, et que nous avons dû, au lieu de prendre
pour bases de nos calculs les toiles de toute espèce en général, nous attacher
particulièrement aux toiles d’Allemagne qui entrent en plus grande quantité
dans notre pays, et qui, portant moins de fils dans la chaîne que les nôtres
comparativement à leur finesse, et étant en même temps d’un moindre poids à
cause de la finesse en trame, sont favorisées par le tarif français. Nous avons
dit à cet égard que c’était là une remarque digne de l’attention particulière
du gouvernement dans ses négociations avec le gouvernement français
relativement au traité de commerce à intervenir.
Quant à l’exactitude de nos calculs, nous croyons qu’il
serait difficile de prendre plus de précautions que celles que nous avons
prises pour arriver à des résultats satisfaisants. Nous avons, par
l’intermédiaire d’un des membres de la section centrale, demandé à la chambre
de commerce de Courtray de vouloir nous présenter des calculs consciencieux à
cet égard. Nous avons ensuite, avec un des honorables auteurs des propositions,
répété les expériences sur des toiles d’Allemagne que nous avons trouvées, dans
les magasins de Gand et de Bruxelles, et nous sommes arrivés à très peu près
aux mêmes résultats que la chambre de commerce de Courtray. Celle-ci avait
établi ses calculs sur le pied de 10 p. c., et nous
sur le pied de 7 p. c. ; et en réduisant les droits de la chambre de commerce
aussi à 7 p. c., les différences avec les nôtres se sont trouvées en tous
points infiniment petites ou nulles.
C’est donc principalement contre l’entrée des toiles
d’Allemagne qu’est dirigé le tarif que vous propose la section centrale.
Plusieurs membres de cette assemblée, que je crois en petit nombre
heureusement, et un de MM. les ministres, m’ont semblé croire qu’il fallait, au
contraire, ménager l’Allemagne parce que c’était de ce côté qu’il fallait avant
tout que
Je vous le demande, messieurs, est-ce bien le moyen
d’obtenir quelque chose de ce qu’on demande, en politique industrielle comme en
politique guerroyante, que de se courber constamment
sous le joug, que de n’oser pour ainsi dire lever la tête, que de se plier
enfin toujours aux exigences de ses adversaires ?... Non,
messieurs, soit que vous ayez affaire à un ennemi qui combat avec des armes
matérielles, soit que vous ayez affaire à un ennemi qui combat avec toute autre
espèce d’armes, frappez-le si vous voulez qu’il entre en négociations avec
vous. Toutes les courbettes, les politesses, et je dirai même toutes les
génuflexions et supplications du monde, ne peuvent rien ici ; et si la loi
actuelle avait déjà été promulguée lors du départ de notre ambassadeur pour
Berlin, soyez certains que le chef de la coalition douanière allemande aurait
senti toute la portée qu’à notre profit nous portions par là à l’industrie
allemande, et qu’au lieu de nous faire l’affront sanglant et difficile à
supporter par une nation qui, comme la nôtre, a toujours placé l’honneur en
première ligne, qu’au lieu de renvoyer brutalement notre ambassadeur, dis-je,
il aurait peut-être demandé à entrer en négociations relativement aux douanes
des deux pays.
Quelques voix. - Très bien
! très bien !
M. le ministre de l’intérieur (M. Rogier) - On vient de dire qu’un ministre avait avancé que
l’Allemagne était le seul pays avec lequel nous pussions avoir des relations
commerciales ; je proteste contre cette assertion qui a donné lieu à un très
beau mouvement d’éloquence qui a été applaudi par M. Desmet. Je repousse
une telle assertion comme très erronée.
« Art. 1er. Le tarif des droits d’entrée, de sortie
et de transit, décrété par la loi du 26 août 1822, est remplacé par le tarif
(annexé à la loi), en ce qui concerne les lins, étoupes, fils de lin, de
chanvre et d’étoupes, toiles et tissus de toute espèce dans lesquels le lin ou
les étoupes entrent, ne fût-ce que pour une partie. »
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Je crois qu’il y aurait à faire un changement à
la rédaction de l’article. D’après cet article, en effet, il suffirait
d’introduire quelque parcelle de lin dans les tissus pour jouir du bénéfice de
l’exemption du droit ; il me semble que, dans l’intention de la section
centrale, on n’a voulu appliquer l’article qu’aux matières dans lesquelles le
lin et le chanvre domineraient.
Je pense que la rédaction de M. Rodenbach est meilleure
et qu’elle devrait être adoptée.
M. A. Rodenbach. - Je pense que M. le rapporteur ne
s’opposera pas à la demande de M. le ministre.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ajouterai une autre observation. L’article ne
cite que la loi du 26 août 1822, tandis qu’il y a d’autres lois qui ont modifié
le tarif des droits dont il s’agit. Il y a, par exemple, la loi du 24 mars 1826
qui a modifié les droits sur les batistes. Il faudrait dire dans l’article ;
les tarifs en vigueur.
M.
Desmaisières, rapporteur. - Je
dois faire remarquer que la section centrale n’a pas entendu que la loi ne
frapperait pas les tissus où le lin formerait la matière principale. Au
contraire, elle a pensé que le droit devait s’appliquer à toutes espèces de
toiles.
M.
de Robaulx. - La seule
question qu’il y ait à décider, c’est celle de savoir si on frappera tous les
tissus de lin, alors même qu’ils ne contiendraient qu’une faible partie de lin.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - J’ai l’honneur de faire observer que c’est sous
le nom de tissus qu’on perçoit les droits sur toutes les étoffes. Si vous dites
que les tissus de toute espèce dans lesquels le lin ou les étoupes
n’entreraient que pour une partie seraient soumis au droit que nous établissons
par cette loi, en faisant entrer quelques brins de fil de lin dans les étoffes
de coton, de soie ou de laine, même dans la lisière de ces étoffes, elles se
trouveront rangées sous la rubrique des tissus de lin, et ne paieront que le
droit imposé sur les toiles. Vous jetterez la perturbation dans toute la
perception douanière. Mais puisque vous n’entendez ici vous occuper que des
toiles, dites que les tissus dans lesquels le lin, les étoupes ou le chanvre
seront la matière dominante, seront réputés tissus de lin.
M. Desmet. -
Il y a des toiles d’Irlande et d’Ecosse dont la chaîne est en coton et la trame
en fil de lin. Eh bien, il faudra savoir si le lin est dominant ou non. Il
s’élèvera alors des contestations qu’il sera difficile de vider.
M. A. Rodenbach.
- Comme l’a très judicieusement fait observer M. le ministre des finances,
l’article proposé par la section centrale jetterait la perturbation dans notre
système de douane. La rédaction de la section centrale ne peut donc être
admise. Celle que je propose évite tous les inconvénients que la sienne
présente.
On vient de dire ne dans les toiles d’Ecosse et d’Irlande
la trame était en fil, c’est une erreur. Les tissus que les Anglais nous
envoient sous le nom de toiles d’Irlande et d’Ecosse ne contiennent pas de fil
de lin. L’erreur provient de ce qu’au moyen du gaz ou de l’alcool ils
parviennent à enlever le duvet du coton. M. Hye-Hoys qui connaît ce procédé
pourrait affirmer ce que j’avance.
M. de Robaulx. - Je crois comme M. le ministre des finances,
qu’on ne peut pas imposer comme toiles tous les tissus pour peu qu’il y entre
du fil de lin. Vous en sentez l’inconvénient. Si vous voulez opposer une digue
aux cotons anglais afin d’établir plus facilement nos relations avec
J’appuie donc la proposition de M. le ministre des
finances,
M. le ministre des
finances (M. Duvivier) - Les
observations de l’honorable préopinant sont fondées ; avec la proposition de la
section centrale, nous nous exposons à ramener tous les tissus dans l’industrie
linière. Nous devons rester dans la spécialité qui nous est soumise, et sur
laquelle la chambre a entendu délibérer. Je crois qu’il faudra prendre la
rédaction de M. A. Rodenbach, et en faire l’article 1er de la loi qui nous
occupe.
M.
Bekaert. - D’après les observations qui ont été faites, je
demande le renvoi à la section centrale. (Non
! non !)
M.
de Robaulx. - Nous
pouvons adopter l’article sauf rédaction. Le ministre s’entendra avec le
rapporteur.
M. Desmaisières, rapporteur. - Je suis disposé, quant à moi, à me rallier à la
proposition de M. le ministre des finances. Mais je ne puis pas parler au nom
de la section centrale qui ne s’est pas réunie.
M. le ministre des
finances (M. Duvivier) - Il
faut adopter la rédaction de M. Rodenbach, ou renvoyer l’article à la section
centrale.
Plusieurs membres. -
C’est inutile ! aux voix !
- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix.
Il n’est pas adopté.
M. Gendebien. - Il n’y a qu’à
retrancher la partie de l’article qui donne lieu au débat. La loi générale
contient une disposition qui détermine la manière dont la perception du droit
doit être faite pour les tissus où il y a mélange. Tenons-nous-en à cette
disposition à laquelle il ne peut être dérogé qu’en vertu d’une autre
disposition.
M. Hye-Hoys.
- Les toiles d’Irlande et d’Ecosse, comme on l’a dit tout à l’heure, ne
contiennent pas de fil de lin.
M. Bekaert. - Je demanderai dans quelle
catégorie sont placées les toiles d’Irlande qui sont toutes de coton.
M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Elles sont rangées parmi les tissus de coton.
M. Verdussen.
- J’appuie la proposition de M. le ministre des finances, de prendre la
rédaction de M. Rodenbach et d’en faire l’art. 1er de la loi.
J’appellerai votre attention sur un mot que je crois
utile d’introduire dans la loi, le mot temporairement.
Comme la loi que vous faites n’aura qu’une année de durée, si vous n’adoptez
pas mon amendement et que dans un an vous n’ayez pas fait une autre loi, il n’y
aura plus rien, tandis que si vous insérez le mot temporairement, la loi actuelle reprendrait sa force.
M. le ministre des
finances (M. Duvivier) déclare se rallier à la proposition de M.
Rodenbach, conçue en ces termes :
« Par modification au tarif actuel des douanes, j’ai
l’honneur de proposer à la chambre que l’on frappe d’un droit de dix pour cent,
à l’entrée en Belgique, les marchandises suivantes :
« Etoffes de lin, de chanvre et d’étoupes écrues.
« Idem, teintes ou blanches.
« Coutils.
« Toiles pour nappes et serviettes.
« Toiles blanchies ou damassées.
« Et, en général, tontes les toiles dont le lin, le
chanvre ou les étoupes forment la matière principale, quoiqu’elles soient
mélangées avec une autre matière quelconque. »
M. de Robaulx. - Les toiles au-dessous de 8 fils sont
ordinairement en étoupes. Le projet de la section centrale les taxe à l’entrée
d’un droit de 40 francs par cent kilogrammes. Je demanderai si l’intention de
la chambre est d’imposer aux toiles d’étoupes le même taux qu’aux toiles de
lin. J’avoue que je ne trouverais pas cela très juste.
M. Trentesaux. - Nous sommes dedans.
Nous ne nous y reconnaîtrons plus.
M. Hye-Hoys.
- Le droit de 40 p. c. imposé à l’entrée des toiles d’étoupes n’est pas trop
élevé. Les cotons importés paient 30 p. c.
M.
de Robaulx. - Je ne
vois pas trop la similitude qu’il y a entre les cotons et les toiles.
M. A. Rodenbach.
- Je dirai à l’honorable M. de Robaulx que le droit de 40 francs par cent
kilogrammes sur les toiles d’étoupes n’est pas trop élevé. Je lui dirai qu’à
Renaix et à Zèle où ces toiles grossières sont confectionnées, cette industrie
ne peut se soutenir à cause de la concurrence des toiles. Elle mérite cependant
toute notre sollicitude, puisque ce sont les pauvres principalement qui s’y
livrent. Je ne vois pas d’inconvénient à accepter l’article comme il est rédigé
par la section centrale.
M. Dubus. - Dans l’opinion de
préopinant un droit de 10 p. c. suffit pour protéger la fabrication indigène
des toiles. L’honorable membre même n’élève pas aussi haut les prétentions du
commerce belge puisqu’il avoue que son droit de 10 p. c. ne sera en réalité que
de 7. Il reconnaissait donc la protection suffisante si l’on adoptait cette
base. Je lui demanderai donc si le droit de 40 francs par kilogramme ne
s’élèvera pas en réalité à 20 francs p. c. de la valeur de la marchandise.
Je pense que le calcul de
la section centrale est basé sur la meilleure qualité de la toile 8 fils et non
sur la qualité moyenne et encore moins sur la qualité inférieure. J’appelle
l’attention de la chambre sur cet objet. Il me semble que si nous devons
considérer les besoins de la classe pauvre qui produit, nous ne devons pas perdre
de vue les intérêts de la classe pauvre qui consomme.
M. Desmet. - Un droit de 40 par
M. Verdussen. - Quoique je n aie pas de connaissances
spéciales sur la matière, un fait que je me rappelle servira à faire apprécier
à la chambre la justice du droit de 40 fr. par
M. Desmaisières,
rapporteur. - J’ai dit
en commençant que la chambre de commerce de la ville de Courtray avait fait des
expériences sur toutes les espèces de toiles et principalement sur les toiles
d’Allemagne. Je puis assurer à la chambre que le droit sur les toiles que M.
Verdussen cite, n’aura pas l’exagération qu’il lui trouve. Je ferai remarquer à
l’assemblée que si les toiles à voile n’étaient imposées que d’un droit d’un
franc à l’entrée, c’était dans le but de favoriser le commerce hollandais qu’un
droit aussi minime avait été établi. L’industrie belge en a tellement souffert
qu’une manufacture de toiles à voile qui s’était nouvellement établie aux
environs de Gand, a par suite de ce tarif été obligée de suspendre ses travaux.
M. Legrelle.
- Je vous avoue que je suis dans une perplexité fâcheuse. L’on veut nous forcer
à voter en aveugles. Je pense que les sept huitièmes de l’assemblée n’y
entendent pas plus que moi sur la matière spéciale du tarif qui nous occupe, et
je crois que l’autre huitième ne l’entend que trop bien. (Hilarité.) L’exemple cité par l’honorable M. Verdussen éclairera
vos convictions à cet égard. Pouvons-nous voter ainsi une loi de douanes
lorsqu’un exemple cité au hasard vient démontrer que le droit surpasse
infiniment le taux auquel seulement nous voudrions le faire atteindre ?
Je désire que pour ces objets de détail on demande de
nouveau, non pas l’avis isolé des fabricants qui seuls sont défendus ici avec
chaleur, mais aussi celui d’autres personnes intéressées dans la question. A
défaut de renseignements plus précis, je me verrai forcé de rejeter l’ensemble
de la loi.
M. Dubus. - Dans le tarif de France, pays que nous ne
devons pas nous proposer comme modèle pour les prohibitions, les toiles
d’Allemagne ne sont imposées que de 30 p. c. ; pourquoi veut-on dans notre
tarif les frapper de 40 p. c. ? Je demande que le droit sur les toiles
d’Allemagne soit réduit à 30 p. c.
M. Desmaisières, rapporteur. - Dans le tarif français on a voulu frapper
particulièrement les toiles que nous, nous voulons protéger.
Nous nous sommes attachés aux toiles d’Allemagne : elles
sont plus fines dans la trame que les nôtres, elles sont plus légères ; si vous
voulez atteindre votre but, vous voyez bien qu’il faut élever le droit.
M. Bekaert. - L’intention de la
commission a été de mettre le droit au même niveau du droit français.
M. Desmet. - Si le droit sur les toiles
d’Allemagne était au niveau du droit français, il y aurait erreur dans la
rédaction du projet de la section centrale. Les toiles que nous envoyons en
France sont bien plus pesantes que les toiles d’Allemagne. Quatre mètres carrés
de toile belge pèsent plus que quatre mètres carrés de toile d’Allemagne. C’est
ce motif qui doit déterminer à élever le droit.
M. Eloy de Burdinne. - Je ne fais pas
partie du huitième de l’assemblée qui, dit-on, a beaucoup trop de connaissances
dans l’affaire qui nous occupe ; aussi je viens demander quelques explications.
(On rit.)
On a parlé de toiles à voile ; elles paient un franc ; on
veut qu’elles paient vingt francs. Fait-on des toiles à voile dans notre pays ?
Plusieurs membres. -
Oui ! oui !
M. Eloy de Burdinne.
- Si on en fait chez nous, alors pourquoi donner un avantage aux étrangers ?
Pourquoi ne pas élever le droit à 20 francs ?
On se récrie beaucoup sur l’obscurité de la loi ; je
commence à comprendre le but de ces clameurs. Le haut commerce réclame pour lui
; il a peur de payer quelques francs de plus pour se procurer des toiles. En
vérité, je ne suis pas touché de ces cris.
M.
Dumont. - On dit que nous ne devons avoir en vue que l’entrée en
Belgique des toiles d’Allemagne ; eh bien, le tarif français qui est prohibitif
ne met que 30 francs sur les toiles d’Allemagne : pourquoi veut-on mettre 40
francs dans notre tarif ? Les explications que l’on a données à cet égard ne me
paraissent pas suffisantes.
M. Verdussen. - Je crois qu’il y a lacune dans le tarif
présenté. Le tarif français commence sa nomenclature par les toiles de 8 fils,
et M. de Foere les réduit de 1 fil ; je crois qu’il faudrait commencer la
nomenclature par 7 fils.
M. Gendebien.
- On dit dans la nomenclature : « moins de huit fils ; » cela comprend
tout.
M. Desmaisières, rapporteur. - J’ai dit, que nos commissaires devaient faire
remarquer à
M. Trentesaux. - Il est clair, messieurs, que nous sommes
engagés dans une voie où nous ne marchons qu’en aveugles.
La section centrale n’élève pas le droit au-delà de 7 à
10 p. c., et ce tarif, dit-on, est plus élevé que celui de
On dit, d’un autre côté, que le tarif français propose un
droit sur la valeur de 20 à 30 p. c. ; comment cela s’accorde-t-il avec le taux
de notre tarif ? Je l’avoue, je n’y conçois plus rien, et nous ne faisons
vraiment que de l’eau claire.
M. Desmaisières, rapporteur. - Pour répondre à ce que vient de dire M.
Trentesaux, il me suffira de lire ce passage du rapport :
« Les toiles d’Allemagne portant moins de fils dans la
chaîne que les nôtres, comparativement à leur finesse, et étant en même temps
d’un moindre poids à cause de la plus grande finesse en trame, il en résulte
que les droits d’entrée perçus en France sur nos toiles sont de moitié plus
forts proportionnellement à la valeur que ceux perçus sur les toiles
d’Allemagne. C’est là une remarque digne de l’attention particulière de notre
gouvernement dans ses négociations avec le gouvernement français, relativement
au traité de commerce à intervenir. »
Messieurs, j’ajouterai
que j’ai reçu une note d’un négociant de Gand qui fournit beaucoup de toiles en
France, laquelle note établit que les droits français sur nos toiles reviennent
de 15 à 16 p. c. ; ainsi du moment que les droits perçus en France sur nos
toiles sont de moitié plus forts proportionnellement à la valeur que ceux
perçus sur les toiles d’Allemagne, nos calculs se trouvent justifiés et les
droits que nous proposons sont en rapport avec ceux qui pèsent sur nos toiles.
M. Gendebien. - Il y a, ce me semble, une observation bien
juste à laquelle personne n’a répondu.
L’honorable M. Dumont a dit : Le tarif français a été
fait contre les toiles d’Allemagne, contre les toiles du monde ; pour garantir
les toiles françaises contre les toiles d’Allemagne, on a trouvé qu’un droit de
30 fr. par
Je demande qu’on réponde
à cette observation de M. Dumont.
M. Desmaisières, rapporteur. - En France on a calculé pour établir un droit
sur toutes les toiles en général, et on a pris un terme moyen ; ici nous
proposons spécialement d’établir un droit sur les toiles d’Allemagne qui sont
celles qui font le plus de tort à notre industrie.
M. Gendebien.
- On dit qu’on a pris un terme moyen, mais ce n’est point répondre ; il y a
dans les lois françaises des dispositions contre les toiles d’Allemagne ; je
répète que dans le tarif français on a jugé qu’un droit de 30 p. c. était
suffisant à l’égard des toiles d’Allemagne, nous devons également nous en
contenter.
M. de Foere. - Je proposerais, pour
terminer la discussion, d’adopter la tarification française.
M. Dubus. -
Je crois que c’est mal à propos qu’on a établi une différence à l’égard du
nombre des fils entre la proposition de la section centrale et la proposition
de M. de Foere ; en effet, moins de 8 fils ou 7 fils c’est, il me semble, la
même chose (on rit) ; sur ce point la section centrale et M. de Foere sont
d’accord ; les deux propositions me diffèrent que relativement à l’élévation du
droit, pour moi je me rallie à la proposition de M. de Foere.
M. de Robaulx. - J’ai déjà expliqué hier pourquoi je voulais qu’on
suivît le système français ; c’est afin de parvenir à établir des relations
commerciales avec cette puissance ; je demande de nouveau que nous prenions
contre l’Allemagne les mêmes garanties que
Si après avoir fait coïncider notre système de douanes
avec celui de
M. Desmaisières,
rapporteur. - Comme
député je me rallierai à la proposition de M. de Foere.
M.
de Robaulx. - Je
demande qu’on adopte l’article de la loi française.
M. Dubus. - En proposant de fixer le
droit à 27 francs, je me suis rallié à la proposition de M. de Foere.
M. de Foere. - Je me rallierai à la
proposition de M. de Robaulx.
M. le président. - Trois propositions
sont faites.
La section centrale propose de fixer le droit à 40 fr. M.
de Robaulx propose de le mettre à 30 et M. Dubus à 27 fr.
Je vais mettre successivement ces trois propositions aux
voix en commençant par celle qui s’écarte le plus de la proposition de la
section centrale.
- La proposition de M. Dubus est mise aux voix. Elle
n’est pas adoptée.
Celle de M. de Robaulx est adoptée.
La séance est levée à quatre heures trois quarts.