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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mercredi 9 juillet 1834

(Moniteur belge n°191, du 10 juillet 1834)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressés à la chambre.

« Le sieur Duray, ex-aide huissier à la secrétairerie d’Etat, sous l’ancien gouvernement, demande que la chambre lui fasse obtenir un traitement d’attente jusqu’à ce qu’il soit placé. »

- Renvoyé à la commission des pétitions.


« Le sieur Vrankx présente des observations contre la demande des brasseurs de Louvain qui réclament une diminution d’impôt, et que la chambre porte une loi qui établisse le prix de la bière proportionnellement au prix du grains. »

- Renvoyée à la commission des pétitions.


Il est fait hommage à la chambre d’une brochure des médecins de la ville de Gand sur l’exercice de l’art de guérir.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre I. Du corps communal

Chapitre premier. De la composition du corps communal et de la durée des fonctions de ses membres
Section I. De la composition du corps communal
Article 5

M. le président. - La chambre s’est arrêtée hier à l’article 5.

« Art. 5 (projet du gouvernement). - Nul ne peut être conseiller s’il ne réunit les conditions nécessaires pour être électeur dans la commune.

« Toutefois un tiers au plus des membres du conseil peut être pris parmi les habitants domiciliés dans une autre commune, pourvu qu’ils paient le cens électoral dans celle où ils sont élus. »

« Art. 5 (projet de la section centrale). - Nul n’est éligible s’il n’est pas âgé de 25 ans accomplis, et s’il ne réunit pas en outre les qualités requises pour être électeur dans la commune.

« Toutefois, un tiers au plus des membres du conseil peut être pris parmi les citoyens domiciliés dans une autre commune, pourvu qu’ils paient le cens électoral dans celle où ils sont élus, et qu’ils satisfassent aux autres conditions d’éligibilité.

« Les fils d’électeurs sont éligibles sont devoir justifier du cens électoral, pourvu qu’ils remplissent les autres conditions d’éligibilité. »

Voici les amendements qui sont proposés sur cet amendement.

Amendement de M. d’Hoffschmidt :

« Pour être éligible, il faut :

« 1° Etre Belge de naissance ou avoir obtenu la naturalisation ;

« 2° Jouir des droits civils et politiques ;

« 3° Etre âgé de 25 ans accomplis ;

« 4° Etre domicilié dans la commune au moins depuis le 1er janvier qui précède l’élection. »

M. de Robaulx propose de substituer au mot « toutefois » ceux-ci : « dans les communes ayant moins de 300 habitants. »

M. Van Hoobrouck propose l’amendement suivant au troisième paragraphe :

« Les fils d’électeurs, ou les fils de veuves payant le cens électoral. »

M. Van Hoobrouck. - Messieurs, je commence par déclarer que mon amendement devient sans but si celui de mon honorable collègue M. d’Hoffschmidt était adopté ; mais comme la chambre me paraît désirer que les membres du conseil communal offrent quelques garanties d’ordre, et qu’elle est d’avis que les fils des électeurs offrent des garanties suffisantes, je crois qu’il faut de toute nécessité adopter mon amendement, si vous ne voulez pas que l’on consacre une véritable anomalie. Il résulterait, en effet, des dispositions de l’article 5 de la section centrale que l’éligibilité s’étend sur les fils des électeurs ; mais si ces électeurs viennent à mourir, ces mêmes fils cesseraient à l’instant d’être aptes à devenir membres du conseil communal.

Vainement objecte-on que l’article 21 du projet de la section centrale pourvoit à cette difficulté ; cet article donne, en effet, à la veuve le droit de déléguer ses droits électoraux à l’un de ses fils mais les autres, s’il y en a plusieurs, n’en sont pas moins inhabiles à être élus. Le cas n’est donc pas identique ; je persiste à croire mon amendement indispensable.

M. Ernst. - Messieurs, le projet du gouvernement et le projet de la section centrale exigent que l’on paie un cens électoral pour être membre du conseil communal. Mon honorable ami, M. d’Hoffschmidt, a proposé un amendement qui tend à supprimer cette condition d’éligibilité ; de puissantes raisons militent en faveur de cet amendement. J’aurai l’honneur de les soumettre à la chambre. (Parlez ! Parlez !)

Il faut de l’harmonie dans le système électoral ; c’est une chose dont chacun comprend la nécessité. Si on compare la commune à la province et à l’Etat, on se dira : Plus les intérêts sont importants, plus ils sont étendus, plus il faut des garanties de capacité.

D’après ce principe, on se demandera où il faut chercher ces garanties : sera-ce dans les électeurs ou dans les éligibles ? La constitution a tranché cette question pour l’éligibilité des membres de la chambre des représentants. Nous avons également tranché la question pour l’éligibilité aux conseils provinciaux. C’est dans les électeurs que nous avons placé toute notre confiance ; conséquents avec nous-mêmes, nous devons dire à plus forte raison pour les conseils communaux : C’est dans les électeurs que nous mettrons notre confiance.

Ce système, messieurs, est conforme à toute raison, à toute justice. Dans le droit naturel même, ce n’est pas dans le mandataire que l’on cherche des conditions de garantie, c’est dans le mandant, ainsi, par exemple, le mandataire pourra être mineur et le mandant ne pourra plus l’être.

Lorsque vous voulez charger quelqu’un de vos affaires, vous informez-vous s’il est riche ? Non, vous demandez s’il est homme d’honneur, homme de probité. C’est la même règle qu’il faut suivre lorsqu’il s’agit des intérêts d’autrui.

Voudriez-vous que quelqu’un pût être membre de la chambre ou membre du conseil provincial, et qu’il ne put être membre du conseil communal ?

Pour la législature la chambre a été liée par la constitution, mais il n’en était pas de même lorsqu’il s’est agi des conseils provinciaux ; alors vous étiez libres de choisir vous-mêmes un système électoral. Vous vous rappelez, messieurs, qu’à cette occasion un honorable membre a proposé un cens pour l’éligibilité au conseil provincial. Vous vous rappelez comment cet amendement a été accueilli. Il ne s’est élevé aucune voix en sa faveur, et le gouvernement lui-même n’a pas cru devoir le défendre.

Cependant, messieurs, il avait plusieurs motifs pour soutenir la proposition : on pouvait dire qu’elle offrait des garanties d’ordre et de sécurité, on pouvait en un mot invoquer des raisons politiques, et vous savez, messieurs, que dans le cours de la discussion de la loi, les raisons politiques n’ont point manqué au ministère.

Y a-t-il des raisons spéciales d’imposer un cens d’éligibilité pour les conseils communaux plutôt que pour les conseils provinciaux ? Voilà toute la question : quant à moi je crois qu’il faut admettre tout le contraire.

En effet, une chose dont tout le monde est frappé, c’est la difficulté de trouver des hommes convenables pour faire partie du conseil communal. J’ai même entendu un honorable membre exprimer la crainte que bientôt on ne trouve plus de conseillers communaux et qu’on ne soit obligé de rendre la charge obligatoire. Vous devez donc permettre que l’on choisisse dans la commune le citoyen qui inspire le plus de confiance.

Le projet de loi lui-même est conçu dans cet esprit : pourquoi permet-il de choisir des étrangers, des hommes domiciliés dans une autre commune ? c’est qu’il suppose qu’on pourra manquer de conseillers capables dans la commune même.

Je crois, messieurs, parler ici dans l’intérêt du gouvernement. S’il doit choisir le bourgmestre dans le conseil communal, il faut autant que possible élargir le cercle des personnes parmi lesquelles le choix doit être fait.

Je n’ai considéré jusqu’ici la question que sous le rapport du système électoral ; si je l’examinais sous le rapport des fonctions mêmes, je crois que je trouverais des raisons très fortes à l’appui de mon opinion.

Quels sont, messieurs, les intérêts dont les conseillers communaux ont à s’enquérir ? J’admets qu’ils ont à s’occuper principalement d’intérêts matériels, de propriétés, d’industrie ; aussi je pense qu’en général les électeurs communaux feront porter leurs choix sur des propriétaires, sur des industriels ; mais il est aussi des intérêts moraux qui réclament toute la sollicitude des conseils : la religion, la bienfaisance, l’instruction, la santé des habitants, sont des intérêts qui doivent importer beaucoup aussi aux membres du conseil communal ; si dans la commune il y a des hommes qui par leurs lumières, leur expérience, leur position particulière, donnent des garanties plus puissantes à l’égard de ces intérêts moraux, pourquoi ne permettriez-vous pas de les placer à côté des propriétaires qui siégeront dans le conseil communal ? En vérité, je ne comprendrais pas leur exclusion.

On dit que le cens qu’on exige n’est pas élevé. Messieurs, je supposerai un exemple qui peut se présenter. A Bruxelles, je ne paierai pas 120 francs de contribution ; à Gand, à Anvers, je ne paierai pas 100 francs : cependant, il est possible que j’aie une fortune considérable en portefeuille. Il peut se faire aussi que mon défaut de cens d’éligibilité tienne à d’autres considérations. Je suis fonctionnaire public, je ne tiens pas une maison, ainsi mon absence de luxe m’empêche de payer le cens exigé.

Vous arriverez, messieurs, à écarter du conseil des personnes qui devront en faire partie.

Ce sera un militaire qui, après avoir porté les armes pour son pays, n’aura rapporté chez lui que des blessures et des lauriers.

Ce sera un homme désintéressé qui sera sans fortune parce qu’il se sera dévoué au bien de la chose publique, de ses semblables, plutôt qu’à des intérêts matériels. Cet homme peut-être aura fondé un hôpital dans la commune.

Ce sera un ancien membre de la chambre des représentants, ou un citoyen qui a siégé dans les conseils du prince, qui sera rentré dans la vie privée.

Voilà, messieurs, les exemples qui pourront se présenter.

Toutes ces personnes ne pourront être membres du conseil communal. Quelle raison cependant peut être invoquée pour les écarter du conseil ? On a dit : Celui qui n’a rien, ne représente rien ; ainsi les membres de cette chambre ne représenteraient rien ; mais il me semble qu’ils représentent les électeurs, c’est-à-dire les propriétaires, les industriels, tous ceux qui enfin ont placé leur confiance en eux. S’ils ne représentent que les pauvres, ne sera-ce pas un bien car les pauvres doivent aussi avoir un défenseur ?

On a dit que ce n’est pas la section centrale qui avait introduit la condition du cens ; qu’elle se trouve dans le projet du gouvernement. Cette raison est fort singulière.

M. Dumortier. - Je demande la parole.

- Plusieurs membres demandent également la parole.

M. Ernst. - J’ignore pourquoi l’honorable M. Dumortier demande la parole avec tant de vivacité : je n’ai rien dit qui puisse lui déplaire. Je sais tout le respect qui s’attache aux membres de la section centrale, je sais aussi tous les égards que nous devons avoir pour le rapporteur ; s’il en était autrement., personne ne voudrait plus se charger des fonctions importantes qu’ils remplissent. Je ne crains pas de professer tout haut une opinion que j’ai toujours professée tout bas. (Très bien ! très bien !)

L’honorable rapporteur disait hier que l’article attaqué n’était pas l’œuvre de la section centrale, mais du gouvernement, et il s’est élevé même une altercation à cet égard entre lui et un honorable membre qui siège au banc des ministres ; mais, messieurs, si le gouvernement présente un projet, ce n’est pas pour le faire valoir envers et contre tous, ce projet est soumis à l’épreuve préalable des sections pour être amendé, et ensuite à la discussion de la chambre pour être encore amélioré s’il est possible. Le gouvernement peut faire son profit des changements avantageux qui sont proposés.

J’invite M. le ministre à prendre la chose en mûre considération, afin de ne pas introduire une anomalie choquante dans le système électoral. On a dit qu’on établissait un cens parce qu’on voulait une garantie d’ordre. Vous avez raison de vouloir une garantie d’ordre dans la composition des conseils communaux ; cette garantie vous l’avez voulue dans la chambre et dans les conseils provinciaux. Mais où chercher ?

Est-ce dans les électeurs ou dans les éligibles ? Voilà toute la question. J’ai prouvé que le congrès et la chambre, fidèle aux traditions du congrès, avaient voulu que ce fût dans les électeurs que la garantie d’ordre fût puisée. Nous devons donc admettre pour les conseils communaux ce que nous avons admis pour les conseils provinciaux et pour la chambre.

Vous devez avoir confiance dans les électeurs : on ne peut pas craindre qu’ils choisissent des amis du désordre. Notre population se distingue par son bon sens, elle veut l’ordre avant tout, elle sait ce qu’on gagne aux bouleversements ; elle sait que ceux qui prêchent les révolutions ne sont pas toujours les plus véritables amis de la liberté ; elle comprend qu’il n’y a en liberté, comme en toute autre chose, de progrès que ceux qui arrivent successivement suivant les mœurs et les besoins.

Pour terminer, je ne saurais mieux faire que de citer les paroles prononcées hier par un honorable membre : il est impossible, a-t-il dit, que des hommes qui jouissent de la confiance des électeurs soient indignes de faire partie du conseil communal et ne s’occupent pas des intérêts de la commune.

M. de Theux. - Messieurs, l’honorable préopinant vient de rappeler une phrase dont je m’étais servi pour exposer mon opinion en ce qui concernait les éligibles, que la section centrale admet alors qu’ils ne sont pas domiciliés dans la commune. J’avais dit qu’il était impossible que celui qui a un intérêt à la bonne administration de la commune, qui est revêtu d’un mandat de la part des électeurs de la commune, fût indigne d’exercer ce mandat. Je n’ai rien à rétracter à cet égard.

Il se présente aujourd’hui deux questions à examiner, qui sont l’une et l’autre d’une très grande importance. Ces questions sont celles-ci : Pourra-t-on nommer membre du conseil un individu domicilié dans la commune, alors qu’il ne paie aucune contribution quelconque ? En second lieu, pourra-t-on admettre des personnes qui paient dans la commune la totalité du cens requis, mais qui n’y sont pas domiciliés ? Je traiterai successivement chacune de ces questions.

Je commence par la première. Peut-on dispenser d’un cens ? En principe cela est incontestable : ainsi que nous l’avons admis pour les conseils provinciaux et pour la chambre on devrait en principe l’admettre pour la commune. Mais n’y- a-t-il pas ici des raisons majeures qui obligent de dévier de ce principe, en ce qui concerne les élections aux conseils communaux ? C’est une question sur laquelle j’appelle l’attention de la chambre, parce qu’elle a une très grande portée.

Si vous n’exigez pas de cens, n’arrivera-t-il pas qu’une famille influente dans une commune, qui ne pourrait envoyer dans le conseil que deux ou trois de ses membres, que cette famille puisse se faire accoler des personnes qui, ne payant pas de cens, seront dans sa dépendance à sa discrétion ?

N’allez-vous pas par là livrer les affaires de la commune à une seule famille ? D’autre part, la section centrale propose d’obliger le gouvernement de faire choix du bourgmestre dans le sein du conseil. Mais lorsqu’on voudra forcer la main au gouvernement pour avoir tel individu pour bourgmestre, on introduira des personnes qui par leur état ne pourront pas remplir les fonctions de bourgmestre, soit à cause de leur position dépendante, soit défaut de connaissances administratives. Car, pour être bourgmestre, il faut réunir deux conditions essentielles : d’abord une indépendance réelle, et en second lieu les connaissances nécessaires pour remplir les fonctions.

Je crains beaucoup que, dans une infinité de conseils, il ne reste réellement pas de ressource au gouvernement pour le choix du bourgmestre et des échevins. Si cette première partie de l’amendement était admise, je craindrais également qu’une seule famille obtînt une influence entière dans le conseil. Vous sentez qu’il y a une très grande différence lorsque les électeurs sont obligés de porter leur choix sur les notables de la commune. Ces notables offrent généralement les conditions requises pour exercer avec utilité et avantage pour la commune les fonctions de bourgmestre et échevins. De plus, les notables ne sont pas dans la dépendance les uns à l’égard des autres.

Lorsque dans un conseil vous aurez sept, neuf, ou onze notables, suivant les proportions admises par la chambre, il n’est pas à présumer que un ou deux de ces membres exerceront une influence absolue sur les autres.

Je crains donc que si l’on dévie du projet du gouvernement adopté en ce point par la section centrale, on ne s’expose à de graves inconvénients. Je ferai remarquer que, dans les communes rurales, on a toujours exigé un cens de 12 florins au moins. D’après le tableau de la section centrale, dans les communes de deux mille habitants et au-dessous il suffira de payer un cens de 20 francs pour être électeur. C’est déjà élargir le cercle des éligibles. D’autre part, d’après le projet de loi, dans les communes ou le nombre des habitants payant le cens ne s’élève pas à 25, on prend les plus imposés jusqu’à concurrence de ce nombre, de sorte que dans chaque commune il y aura au moins 25 éligibles. C’est ce me semble, une assez grande latitude, pour trouver sept ou onze membres nécessaires pour composer un conseil communal. Si je ne craignais pas les abus que j’ai signalés, je serais de l’avis de l’auteur de l’amendement.

On a encore tiré des arguments de la comparaison de la loi communale et de la loi provinciale. Mais je ferai observer que la comparaison n’est pas exacte. Les conseils provinciaux sont très nombreux, et dans le sein de ces conseils il ne s’agit que de trouver une députation de six membres. Les conseils communaux sont très peu nombreux ; dans le plus grand nombre des communes, les conseils ne seront composés que de sept membres. Vous aurez très peu de latitude pour trouver les trois membres chargés de l’administration de la commune. Sous ce rapport la comparaison, comme je viens de le dire, n’est pas juste. D’une autre part, dans le conseil provincial, on n’a pas à craindre la domination d’une famille, comme cela peut arriver dans une commune. Ainsi il y a deux grandes raisons qui établissent une différence entre les deux cas.

J’arrive à la seconde partie de l’amendement de M. d’Hoffschmidt, par lequel il veut écarter du conseil tout habitant qui n’est pas domicilié dans la commune. D’après le projet de loi, on admet le droit d’élire un tiers des membres du conseil en dehors de la commune, mais il faut que ces éligibles paient le cens entier dans la commune. Or, le cens se forme soit de la contribution de la patente, soit de la contribution personnelle, soit de la contribution foncière. Il est à remarquer que si le cens est formé par la contribution de la patente, l’éligible n’est pas seulement contribuable dans la commune, il est encore habitant. On ne peut pas payer patente dans une commune sans l’habiter.

Il en sera de même si le cens de l’éligible est formé par la contribution personnelle ; il faut encore qu’il habite la commune. Ainsi, ces deux classes d’éligibles ont le double titre, de contribuable et d’habitant. Reste la classe des propriétaires fonciers. Encore un grand nombre de ces propriétaires auront une habitation dans la commune. Il est vrai qu’une partie des propriétaires peuvent très bien ne pas habiter la commune dans laquelle ils seraient éligibles. Mais les propriétés foncières sont frappées d’un impôt dans l’intérêt de la commune. La loi du 12 juillet 1821 fait contribuer les propriétaires jusqu’à concurrence de cinq centimes, dans l’intérêt exclusif de la commune. Le conseil communal peut y ajouter un impôt de deux centimes extraordinaires. Ainsi, voilà 7 centimes que le propriétaire paiera dans l’intérêt de la commune. Ce propriétaire n’a-t-il pas un intérêt réel à la bonne administration de la commune ?

Indépendamment de cet intérêt, il réunira les suffrages des électeurs de la commune. Or, que l’éligible soit domicilié ou non dans la commune, vous n’avez pas à craindre de surprise ; vous n’avez pas à craindre qu’il soit imposé à la commune ; son élection prouvera qu’il est au contraire réclamé par la commune, parce qu’elle trouve en lui un protecteur, un homme capable de bien gérer ses intérêts. Pourquoi voudriez-vous priver la commune d’appeler cet individu dans son conseil, et priver cet individu de siéger dans le conseil d’une commune où il aurait manifestement des intérêts considérables à la gestion des affaires ?

Voyez à quelles conséquences l’amendement de M. d’Hoffschmidt nous conduirait. Le locataire d’une ferme entre dans une commune ; il est à l’instant même porté au tableau des habitants comme y étant domicilié, parce qu’il y a transporté ses intérêts matériels. Peut-être n’y restera-t-il que pendant le temps que durera son bail, pendant un terme de trois ans par exemple. Après quoi, il quittera la commune et transportera ailleurs sa fortune et son travail. Quels liens d’affections pouvaient l’attacher à la commune ? Aucun. D’un autre côté, le propriétaire qui paie dans la commune la contribution foncière, qui y possède même une résidence, ne sera pas éligible, quoi qu’il ait des intérêts puissants qui l’attachent à la localité. Il y a dans cette anomalie, que je signale, quelque chose qui choque la raison.

Il faut encore remarquer que, d’après le règlement du plat pays, les états provinciaux nommaient les membres des administrations communales dans les campagnes. Bien qu’il fallût être habitant de la commune pour être apte à remplir ces fonctions, le même règlement accordait aux états provinciaux la faculté de dispenser les membres de l’administration communale d’être domiciliés dans la commune. Le bourgmestre pouvait aussi être choisi hors du sein de la commune.

Je conçois que si l’on accordait aux conseils provinciaux ce droit de nommer le bourgmestre et les membres de l’administration communale parmi des hommes non domiciliés dans la commune, la commune pourrait se plaindre de l’exercice de ce droit, et craindre que les conseils n’arrêtassent leur choix sur des hommes qui ne mériteraient pas leur confiance. Mais aujourd’hui que les habitants mêmes confèrent ces mandats, il n’y a pas d’abus de cette nature à redouter.

Il faut encore remarquer que le mandat est limité. S’il arrivait que l’étranger nommé eût perdu la confiance des électeurs, ils ne renouvelleraient pas son mandat lorsqu’il serait expiré. On fera l’objection que les personnes qui n’habitent pas la commune pourront moins souvent assister aux séances des conseils communaux : je réfuterai cette objection. Si le conseiller est domicilié dans une commune voisine, rien ne l’empêchera de parcourir une distance peu considérable. Si au contraire il a une résidence dans la commune et que son domicile soit établi dans une ville voisine, y passe une partie de l’année, il se trouvera exactement dans la même position que celui qui, ayant son domicile légal dans la commune, aurait également une résidence d’hiver dans la même ville et cet individu, en remplissant une simple formalité, celle de changer son domicile politique, se trouverait susceptible d’être élu.

Il est donc toujours possible d’éluder la loi et vous ne pourrez jamais atteindre le but que vous vous proposez.

Une dernière considération que je ferai valoir est celle-ci : c’est qu’aujourd’hui le domicile politique ne peut être séparé du domicile réel. Anciennement, une seule personne pouvait avoir plusieurs domiciles. La loi française accordait cette facilité. Par ce moyen, vous voyez bien que les personnes qui n’habitaient pas la commune pouvaient y exercer des fonctions administratives.

Il me reste une autre observation à faire. L’on pourrait croire peut être que si la chambre adoptait l’amendement de M. d’Hoffschmidt, il y aurait lieu d’admettre également la dernière partie de son amendement qui interdit aux électeurs la faculté de choisir des conseillers communaux en dehors des personnes qui ont leur domicile dans la commune.

Ce deuxième paragraphe n’est pas la conséquence du premier. Loin de là, l’adoption de la première partie de l’amendement devrait engager la chambre à repousser la deuxième. En effet s’il était possible d’introduire dans les conseils communaux des hommes qui ne paient pas de contribution, qui n’ont par conséquent aucune raison de ménager les ressources locales, il faudrait opposer à leur influence l’intérêt des contribuables, l’intérêt des hommes qui, quoiqu’étrangers à la commune, y sont attachés par les charges qu’ils y supportent. Leur présence dans les conseils communaux servira de contrepoids à celle des personnes qui ne paient pas de contributions ; l’influences des propriétaires contrebalancera celle de ceux qui n’ont rien.

M. Doignon. - Messieurs, je me propose de vous dire un mot uniquement contre le paragraphe de l’article 5, d’après lequel un tiers des membres du conseil peut être pris parmi les citoyens domiciliés dans une autre commune.

Je suis convaincu qu’il n’y a aucune nécessité d’autoriser l’élection d’un tiers des conseillers domiciliés hors de la commune. Depuis plus de trente ans, nous avons des conseils municipaux, et jamais l’on n’a senti le besoin d’une pareille disposition, besoin qui diminuerait d’autant plus chaque jour, que l’instruction se propage de plus en plus dans nos campagnes. Aussi les partisans de cette mesure ne savent que faire de la théorie, et à peine s’ils savent citer quelques faits très rares dont dans tous les cas un bon législateur ne doit pas s’occuper.

J’ai connu nombre de petites communes de 2 à 400 habitants, et je n’y ai jamais vu qu’on fût embarrassé dans le choix des conseillers au point de devoir recourir à l’étranger. A plus forte raison n’est-il pas soutenable de dire que cet embarras existera dans les localités d’une population plus élevée et surtout dans les villes. Il est donc si palpable à mes yeux que ce n’est point là le vrai motif de cette étrange disposition, que je dois croire qui en existe une autre, que les auteurs ne nous disent pas.

Je n’en vois pas d’autre que l’intention d’introduire dans les conseils pour en faire des bourgmestres les grands propriétaires étrangers à la commune qui n’y ont aucune résidence ni domicile.

Quelque estimables que puissent être ces propriétaires, je pense qu’à défaut de domicile où au moins d’une résidence dans la commune, ils ne réunissent pas les qualités requises pour en faire de bons bourgmestres ; la commune est une famille, et c’est au milieu d’elle qu’il faut vivre pour en bien connaître ses besoins et ses intérêts. Il est contre la nature des choses de prendre, pour administrer une famille, des personnes qui n’en font point partie.

Chaque jour les habitants ont besoin de leurs bourgmestres, et il arrivera cependant qu’ils se trouveront absents presque toute l’année, qu’ils n’y paraîtront même point du tout, et qu’ils pourront même habiter une autre province. Un bon administrateur doit connaître à fond et par lui-même les personnes et les choses de la commune. Or, je dénie à ces étrangers de posséder cette connaissance qui est cependant indispensable. Ils ne seraient donc dans la réalité que les bourgmestres ad honores. L’expérience n’a aussi que trop souvent prouvé que les dissensions dans les communes viennent des étrangers, lorsque surtout ils veulent s’immiscer dans des affaires qu’ils ne connaissent point, et qu’ils ne peuvent connaître à raison de leur éloignement.

Les mêmes raisons militent pour que nul ne puisse être membre de deux conseils municipaux : on ne peut faire partie de deux familles ; on ne peut convenablement remplir tout à la fois ces fonctions dans deux communes.

Le cens électoral sans le domicile serait plutôt une garantie suffisante pour être électeur que le domicile sans le cens lorsqu’il s’agit d’exercer les fonctions communales ; dans ce dernier cas ces deux conditions sont essentielles si l’on veut une bonne administration.

Mais, si le bourgmestre étranger ne peut être bon administrateur, il est clair en outre que les habitants ne le nommeront jamais au conseil que parce qu’ils ne pourront s’empêcher de le faire, afin de ne point déplaire à leur propriétaire et d’éviter sa disgrâce : leur véritable intérêt sera de l’écarter, et les uns et les autres n’oseront cependant le faire pour ne point compromettre leurs moyens d’existence. Lorsqu’il est question d’élections aux chambres, l’on a peu à redouter les menaces du propriétaire faite à son fermier, parce qu’alors il ne s’agit que d’intérêt général ; mais, au cas actuel, l’intérêt personnel du propriétaire peut être pour beaucoup dans son désir de devenir bourgmestre : il est certain alors que la menace bien autrement sérieuse peut enlever à l’électeur toute sa liberté.

L’inconvénient est moindre lorsque le maître a son domicile dans l’endroit, parce qu’alors il a les qualités requises pour bien administrer, mais nous ne pouvons le tolérer lorsqu’il compromet essentiellement la bonne administration de la commune. Ainsi, c’est mal à propos qu’on invoquerait ici la raison banale qu’il faut s’en rapporter au bon sens des électeurs. Le législateur, qui doit voir les faits avant tout, doit supposer ici que ce bon sens s’évanouirait chez eux en présence de leur intérêt privé.

L’article que je combats demande que la faculté de choisir des conseillers communaux en dehors de la commune soit accordée pour le tiers du nombre total. Pourquoi avoir choisi ce chiffre ? Pourquoi pas le quart ou le cinquième aussi bien que le tiers ? Le tiers est si près de la moitié que bientôt la majorité pourrait être composée de tous étrangers.

Le système que je soutiens est conforme aux anciens règlements.

L’article 44 du règlement sur les villes est ainsi conçu :

« Les membres de l’administration de la ville seront sans distinction choisis parmi les habitants les plus instruits et les plus aisés de la ville ou de sa banlieue.

« Ils doivent avoir été habitants de la ville ou de son territoire pendant les trois dernières années. »

A l’égard des campagnes, l’article 3 du règlement du plat pays, portait ce qui suit :

« Les bourgmestres, assesseurs et autres membres de l’administration communale doivent être habitants de la commune où ils exercent leurs fonctions, ou, en ce qui concerne un bourgmestre qui, pour des motifs particuliers, serait nommé pour plus d’une commune, être habitant de l’une de ces communes. »

Ainsi dans les campagnes la règle générale était aussi qu’il fallait être domicilié dans la commune. Elle n’admettait qu’une seule exception, lorsque pour des motifs particuliers, le Roi jugeait à propos de nommer le même individu bourgmestre de deux communes à la fois.

M. de Theux. - Lisez l’article 10.

M. Doignon. - Voici l’article 10 : « Il est permis aux états de la province, aussi longtemps que le Roi ne jugera pas nécessaire de prendre d’autres dispositions, d’accorder aux assesseurs et autres membres des dispenses des dispositions de ce chapitre lorsqu’elles seront commandées par défaut de sujets propres aux fonctions ou par d’autres raisons de nécessité ou de grande utilité, en spécifiant les principaux motifs qui les ont nécessités. »

Je pense que cette disposition était un article transitoire. On a senti qu’il pouvait se présenter des difficultés à l’égard du choix des premiers bourgmestres, et l’on a cru devoir se départir pour ce cas seulement de la règle générale. Au surplus, on ne pouvait y déroger qu’en indiquant des raisons de nécessité, au lieu que d’après l’article en discussion, toujours et sans même déduire aucune raison, on pourrait prendre un tiers des conseillers hors de la commune.

Dans tous les cas, comme il pourrait arriver que l’article présenté par la section centrale fût admis, j’ai rédigé un amendement que je crois utile de présenter à la chambre. Le voici :

« Nul ne peut être membre de deux conseils communaux. »

M. d’Hoffschmidt. - D’après ce qu’a dit l’honorable M. Ernst, il serait difficile d’ajouter des arguments nouveaux en faveur de mon amendement. Cependant je demande la permission d’ajouter quelques mots en réponse à ce qu’a dit l’honorable M. Dellafaille dans la séance d’hier. M. Dellafaille a dit que le cens électoral était si faible que ceux qui ne le paient pas sont censés ne pas être capables de remplir des fonctions administratives.

Voici une question que j’adresserai à M. Dellafaille : Depuis quand mesure-t-on le talent et la probité au poids de l’or, à la valeur de la propriété ? Quant à moi, je ne crois pas que la propriété constitue un brevet de capacité. Je pense que l’on trouvera souvent parmi les personnes qui ne paient pas le cens électoral des hommes possédant des connaissances et des capacités.

D’ailleurs le cens électoral n’est pas aussi faible que M. Dellafaille veut bien le dire. Dans beaucoup de villes il s’élève à la somme de 100 fr. Dans d’autres il monte jusqu’à 120. Si le projet de la section centrale était adopté, dans les communes rurales un individu payant un cens électoral de 20 francs pourra être nommé conseiller, tandis que l’individu habitant la ville voisine ne pourrait exercer les mêmes fonctions même en payant 119 francs de contributions. Je demande s’il n’y a pas là une véritable anomalie. Pourquoi d’ailleurs, comme l’a déjà fait observer l’honorable M. Ernst, le citoyen capable de représenter la nation ou la province dans cette assemblée ou dans les conseils provinciaux serait-il inhabile à représenter la commune ?

Si vous adoptez le projet de la section centrale, vous privez les communes d’une foule de citoyens capables de les représenter. Il y a des notaires et des avocats, par exemple, qui habitent des appartements et qui ne paient par conséquent pas de contribution, et c’est dans cette catégorie d’hommes que l’on trouve à la fois et la capacité et la probité.

Je connais dans mon pays deux notaires qui ont acquis la confiance des habitants et si l’on ne les exclut pas de la représentation communale, ils seront certainement nommés conseillers. Cependant ils ne paient pas de contributions.

La loi que nous discutons n’est pas une loi transitoire. C’est pour l’avenir que nous la faisons. Dans le siècle où nous vivons, les lumières font toujours d’immenses progrès. Les classes inférieures seront peu à peu éclairées et capables d’être appelées à la représentation communale.

Exclure les citoyens qui ne paient pas le cens électoral, parce qu’ils sont censés ne pas posséder de connaissances suffisantes, c’est trancher la question d’une manière tout autre que la marche du siècle semble l’indiquer.

Je me résume donc en posant cette question :

Je me résume, un honnête homme qui réunit les qualités nécessaires, qui en même temps a la confiance des habitants, n’est-il pas capable d’être conseiller ? Si vous répondez oui, vous condamnez votre proposition, puisqu’elle repousse cet honnête homme.

Messieurs, en finissant je répondrai un mot à ce qu’a dit M. Dumortier. Il a protesté contre le sens que j’ai donné à un passage de son discours ; mais j’ai cité ces paroles comme provenant de la section centrale et non comme l’expression de la pensée particulière de M. Dumortier. J’ai été étonné de voir de semblables principes énoncés dans un travail en général si libéral. Au reste, je laisse à l’assemblée à juger si j’ai bien interprété le passage dont il s’agit.

M. de Theux craint qu’une seule famille n’absorbe toutes les fonctions du conseil communal, si l’amendement que j’ai proposé est adopté : une famille, quelque puissante qu’elle soit, n’aura pas assez d’ascendant pour faire nommer jusqu’à ses ouvriers ; les électeurs s’élèveraient contre une telle prétention.

L’honorable M. de Theux a aussi attaqué la partie de l’amendement relative aux étrangers, qui, selon moi, ne doivent pas faire partie du conseil. Ces propriétaires étrangers à la commune paient des centimes additionnels pour cette commune ; ils sont donc intéressés à la bonne administration de la commune.

Ces propriétaires étrangers qui paient des centimes additionnels pour la concurrence sont ordinairement des possesseurs de bois qui ne connaissent rien aux intérêts de cette commune. Ils ne sauraient faire partie du conseil, encore moins être bourgmestres. Quand les étrangers pouvaient être appelés à la tête d’une administration communale, on a vu quelques baronnets qui, pour remplacer les droits féodaux, se faisaient nommer dans trois ou quatre communes bourgmestres. Ils allaient habiter la ville voisine ; mais ils disposaient des droits de chasse ; ils faisaient faire des routes ou des avenues pour arriver plus commodément à leur château ; je ne veux pas voir renouveler ces inconvénients. Ces hommes qui habitent les capitales, qui ont des campagnes dans quelques communes, ne se déplaceront pas pour aller discuter les intérêts d’une commune rurale, à moins qu’ils ne soient intéressés à aller combattre les intentions des habitants de cette commune.

M. Dumortier, rapporteur. - Dans l’article en discussion il y a des dispositions de plusieurs sortes : les unes sont le fait du gouvernement ; elles ont été purement et simplement adoptées par la section centrale, et elles n’auraient pas été introduites probablement par la section centrale, si le gouvernement ne les avait présentées. Je les laisse à défendre au gouvernement, et je crois bien faire puisque le ministre ne s’est pas réuni à la proposition de la section centrale.

Notre proposition ne figure que comme amendement ; je n’ai donc à répondre qu’aux objections dirigées contre les amendements. Ceci répond complètement aux reproches que nous a adressés l’honorable député de Liége. Vous conviendrez qu’il n’est pas loyal en général (je ne fais pas d’application) d’attaquer un rapporteur pour les opinions de la section centrale ; opinions qu’il peut ne pas partager, et que souvent, il n’aurait pas professées quoiqu’il soit obligé de les soutenir. Dans son rapport, il ne faut pas non plus attaquer une section centrale pour des faits qui appartiennent au ministre ; il faut rendre à chacun selon ses œuvres ; il faut rendre au ministre ce qui est au ministre.

M. Lardinois. - A César ce qui est à César.

M. Dumortier. - Et au peuple ce qui est au peuple.

Quelles sont donc les propositions que nous avons à justifier ? elles sont au nombre de trois.

Dans la séance d’hier le ministre de l’intérieur a donné à entendre que s’il ne s’était pas réuni à la proposition de la section centrale, c’était à cause de la question d’âge. Je ferai remarquer qu’il n’y avait pas d’âge fixé dans la loi. Personne n’entend que des mineurs puissent être membres du conseil ou électeurs. Nous avons cru que l’âge de 25 ans devait être introduit dans la loi. Cet âge a été admis par la constitution pour les chambres, dans la loi provinciale pour les conseils provinciaux ; c’est l’âge reconnu pour la maturité ; c’est celui où on peut se marier sans le consentement de ses parents.

Par la seconde proposition, nous avons demandé que des personnes prises en dehors de la commune, satisfaisant aux conditions de l’éligibilité, pussent faire partie du conseil. M. Dellafaille a déjà répondu sur ce point aux objections de M. Angillis. L’honorable M. Angillis a cité l’article 20 du projet ; mais dans cet article 20 il s’agit des conditions électorales et non des conditions d’éligibilité.

Quelle est la troisième addition que nous proposons ? C’est celle qui regarde les fils des électeurs. nous demandons que les fils des électeurs puissent être éligibles. Je dois dire que le projet de la section centrale tel que nous l’avons présenté, loin de restreindre le système d’éligibilité, l’élargit ; il est plus libéral que le système du gouvernement.

En effet, le gouvernement voulait que le cens électoral fut payé dans la commune ; nous avons écarté cette condition ; nous avons demandé que le cens électoral pût être payé dans tout le pays, de sorte qu’un professeur qui serait dans un hôtel garni pourrait être élu, si d’ailleurs il paie ailleurs les contributions voulues par la loi.

J’approuve l’amendement présenté par l’honorable député d’Eeclo ; il rend le projet plus libéral. Si des reproches d’illibéralité, doivent être adressés aux projets, c’est au moins libéral.

Depuis que le projet vous a été présenté j’ai beaucoup réfléchi en mon particulier sur cette question du cens électoral. Je sais qu’au premier abord il paraît plus libéral de ne pas admettre de cens électoral ; mais il n’en est pas de même quand on a examiné la question de plus près. Lorsqu’on ne veut pas du cens électoral, que craint-on ? On craint les hobereaux qui viennent s’emparer des élections ; mais si un hobereau est assez puissant pour s’emparer des élections, il fera nommer son intendant, ses ouvriers, et on n’échappera pas à l’inconvénient qu’on veut éviter. Au contraire, par le système du gouvernement, à qui donne-t-on la puissance électorale ? A la classe moyenne qui est véritablement la grande force de l’Etat ; et sous ce point de vue, le projet est plus libéral que le système qu’on propose. Un hobereau aura bien plus de peine à avoir un conseil communal à sa dévotion.

Voilà, messieurs, les observations que j’avais à faire ; je désire, je le répète, que le gouvernement, de son côté, justifie les parties de l’article qui lui appartiennent.

J’ajouterai une autre observation. L’honorable député de Bastogne a cité des faits ; il importe que ces faits soient relatés car les faits restent. L’honorable membre a dit : il existe dans le pays deux notaires qui sont en chambre et qui pourront être élus membres du conseil communal. Je répondrai à l’orateur que la patente forme aussi un cens d’éligibilité, et que la patente pour les notaires forme un cens beaucoup plus fort que le chiffre d’éligibilité que l’on exigerait dans la loi.

Il faut remarquer, messieurs, que le cens électoral a été réduit d’une manière considérable dans le projet. Avant, dans les villes de plus de 25,000 âmes, il devait être payé 100 florins, c’est-à-dire 210 francs ; aujourd’hui il suffira de payer 20 fr. Certes, c’est là du libéralisme. On a réduit le cens jusqu’à 20 francs, ainsi la garantie qu’on exige n’est pas grande, et c’est bien le moins qu’on puisse exiger de l’éligible de payer 20 fr. de contribution.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je n’ai pas cru devoir prendre la parole hier pour répondre à l’accusation d’illibéralisme dont on avait frappé, non pas tant les dispositions de l’article 5, que les motifs à l’appui donnés par la section centrale. Ces motifs sont tout à fait de la rédaction de la section centrale, et sans doute ils ont reçu l’approbation de l’honorable rapporteur. Si l’honorable M. d’Hoffschmidt s’est plaint que l’on considérât les gens ne possédant rien comme des agents de troubles, c’est un reproche adressé à la section centrale, et qui ne s’applique qu’à elle.

Du reste, je ne conçois pas l’espèce de chaleur que l’on met à se défendre d’un reproche qui véritablement n’en vaut pas la peine. Pour ce qui est relatif au premier paragraphe de l’article, c’est-à-dire sur la question de savoir si, pour être membre du conseil communal, il faudra payer ou non un cens électoral, je dois déclarer que j’y vois peu d’importance. Dans la pratique le choix tombera presque toujours sur un habitant de la commune qui paiera un cens électoral.

Il est certain que les habitants des communes n’ont point l’habitude de choisir entre les plus pauvres ; il donc probable que le même but sera atteint soit qu’on exige un cens, soit qu’on n’en exige pas.

Je reconnais avec l’honorable M. Ernst qu’il y aurait plus d’uniformité dans l’ensemble du système électoral, si ce qui existe pour la chambre et pour les conseils des provinces existait aussi pour les conseils communaux.

Je reconnais avec l’honorable M. de Theux qu’il pourrait y avoir lieu à certains abus si on pouvait choisir parmi tous les habitants de la commune. Il pourrait se faire que les choix fussent faits sous une influence de richesse qui amènerait dans le conseil des hommes dévoués à cette influence.

Quant au second paragraphe de l’article, je ne conçois pas comment on pourrait le voir entacher d’illibéralisme, nous trouvons au contraire qu’il est très libéral, attendu qu’il étend l’exercice de la faculté électorale au-delà du cercle de la commune.

Je crois que dans l’intérêt même des communes il faut que les habitants puissent si cela leur convient, faire leurs choix dans d’autres communes, alors qu’ils y trouveront des personnes propres à faire partie de leur conseil.

Pour peu que l’on ait pratiqué les affaires administratives, on sait que dans beaucoup de communes le nombre des éligibles, des hommes capables est très restreint. Il arrivera que dans certaines communes on ne trouvera pas de quoi composer le conseil. Qu’y a-t-il alors de plus simple que de choisir hors de la commune des hommes qui pourraient siéger dans le conseil communal ?

Remarquez qu’on exige de la part de ces citoyens qu’ils aient des intérêts à défendre dans les communes ou ils seront élus. On sait qu’il existe souvent entre diverses communes certains biens, certains intérêts communs de telle manière que les mêmes questions se présentent à traiter dans les mêmes conseils.

On parle du danger qu’il y aurait a ce qu’un bourgmestre fût nommé pour deux ou trois communes : Je dirai qu’il serait fort utile que dans certaines parties de notre pays un seul bourgmestre eût à la fois la direction de plusieurs communes, et ce sera inévitable je crois par la suite.

Souvent une commune n’offre pas un homme capable d’être bourgmestre, et il faudra dès lors que ces fonctions soient exercées par un seul individu dans plusieurs communes.

Je suppose qu’il s’agisse d’établir un chemin vicinal dans deux communes, si vous avez deux bourgmestres, ils ne s’entendront pas, ou pourront ne pas s’entendre, attendu qu’ils comprennent différemment les intérêts des deux communes.

S’il s’agissait aussi d’établir aux frais de deux à trois communes une école où se rendraient les habitants des communes rapprochées, un seul bourgmestre serait mieux peut-être que deux ou trois.

Pour le choix des conseillers, je m’en réfère d’ailleurs au bon esprit et aux lumières des électeurs contre lesquels je n’ai pas cette défiance que certains orateurs ont tour à tout prodiguée et retirée.

Je crois que les électeurs ne choisiront hors de leur commune que dans le cas de nécessité, et lorsqu’ils seront persuadés d’y trouver des hommes très capables d’administrer.

Je crois avoir défendu, pour ce qui me concerne, les dispositions du gouvernement ; mais je dois ajouter une observation générale, c’est qu’il me paraît que lorsque la section centrale n’a pas combattu les dispositions du gouvernement, elle les fait siennes, les prend sous sa responsabilité, et dès lors, de concert avec le gouvernement, elle doit les défendre.

J’éprouve ici le besoin d’exprimer qu’il m’aurait été très agréable d’être ici soutenu par l’honorable M. Dumortier. Du moment que de bonne foi la section centrale s’est ralliée au projet du gouvernement, il me semble qu’il aurait été de la loyauté de l’honorable rapporteur de prêter le concours de son éloquence et de ses lumières au gouvernement.

M. Jullien. - Messieurs, la section centrale (je me garde bien de dire son rapporteur), la section centrale avec le gouvernement vous propose d’exiger un cens d’éligibilité pour pouvoir être nommé membre du conseil communal.

S’il s’agissait d’établir ou de réviser votre système électoral, je concevrais qu’on pût faire une pareille proposition ; mais, lorsque notre système électoral est à peine établi, quand nous en sommes encore à l’essai, à la première application, venir nous proposer d’y dévier d’une manière si extraordinaire, voilà véritablement ce que je ne puis concevoir.

Votre système électoral, tel que la constitution l’a consacré, place tous les principes de garantie dans l’électeur ; vous n’avez exigé des garanties que dans l’électeur. Quant à l’éligible, on n’en a pas demandé, et cela par une raison toute naturelle ; la garantie de l’éligible est dans le choix qui est fait de sa personne.

Maintenant pourquoi a-t-on demandé des garanties dans l’électeur ? pourquoi a-t-on voulu qu’il soit propriétaire ? c’est parce que l’électeur doit être intéressé, comme on dit, à ce que le sol ne tremble pas au moins dans l’ordre politique. Une fois ces garanties exigées dans ceux qui choisissent les éligibles, vous devez penser que les choix seront bons.

Messieurs, la chambre a eu tellement en vue la bonté de ces principes que tout récemment, lorsque l’honorable député de Furnes, M. Dubois, vous a proposé un amendement qui exigeait un cens pour les électeurs provinciaux, il ne se trouva que moi, je crois, qui eut le temps de présenter quelques observations, et l’amendement fut rejeté à l’immense majorité.

Voilà ce qui a été consacré dans la loi provinciale.

Eh bien, messieurs nos fonctions sont compatibles avec celles de conseiller municipal ; cependant un membre de cette chambre ne serait pas capable d’être membre d’un conseil communal. Voilà les conséquences qui pourraient résulter d’une anomalie aussi choquante.

Ce que j’ai entendu dire n’a pas plus de force à mes yeux. On a dit : Les hommes qui n’ont rien sont presque toujours des fauteurs de troubles. Ces généralités, messieurs, sont plutôt des insultes que des réalités. En fait de troubles et de corruption, la rouerie de la police et les intrigues des hommes riches ont jeté plus de perturbation dans l’ordre social que jamais n’ont pu le faire les prolétaires, parce que quand la classe pauvre s’agite, c’est qu’elle est soudoyée ou provoquée par des mesures violentes. C’est donc contre ceux qui abusent de leurs richesses que vous devez vous mettre en garde plutôt que contre ceux qui paraissent l’objet de vos craintes.

La preuve qu’on a de la peine à se détacher du système électoral qui nous régit, c’est qu’on présente de la part de la section centrale une proposition qui a quelque chose de ridicule. Pour élargir, dit-on, la base et prouver que le système est libéral, tout en empêchant celui adopté par le congrès d'avoir son effet, on propose de dire que les fils des électeurs pourront être éligibles, quoique ne payant pas de cens par eux-mêmes. Voilà le remède qu’on apporte au mal.

Je demande la garantie que présente un fils d’électeur qui ne paie rien, plutôt que tel autre habitant de la commune qui ne paiera pas le cens électoral, puisqu’il est tellement abaissé, qu’une contribution de 20 fr. suffit pour être électeur dans une commune de deux mille habitants. De sorte qu’un homme payant 20 fr. de contributions, s’il a 5 ou 6 enfants, ces 5 ou 6 enfants, quoique ne payant rien, pourront se présenter aux élections et être nommés conseillers communaux tandis qu’un représentant de la nation ou un homme qui aurait sa fortune en portefeuille ne le pourrait pas. Il faudrait qu’on expliquât cela d’une manière plus claire, pour qu’on pût bien le comprendre.

L’honorable M. de Theux, après avoir parlé des avantages et des inconvénients du système proposé, a dit qu’il y avait des raisons majeures pour adopter le projet présenté par le gouvernement et la section centrale. Or, de ces raisons majeures, la principale est qu’une famille influente dans une commune pourrait, au moyen d’individus qui ne paient pas le cens, maîtriser le conseil municipal, se rendre maître de l’administration et la diriger dans son intérêt et d’une manière préjudiciable à la commune.

Cette raison ne me touche pas, car cette famille, quand elle voudra exercer de l’influence, le pourra ; ce ne sera pas un misérable cens de 20 francs qui l’empêchera d’avoir plus ou moins d’autorité, et si, dans ceux qui paient ce cens de 20 francs, elle ne trouve pas assez de docilité, elle paiera elle-même 20 fr.

On a présenté un autre argument qui me paraît inutile, précisément pour l’opinion contraire à celle qu’on voulait appuyer.

On a dit que dans les communes, en opposant le conseil communal au conseil provincial, on avait plus de difficulté à former les conseils communaux que les conseils provinciaux, parce que pour ces derniers on avait plus de latitude. Mais alors élargissez le cercle au lieu de le rétrécir. Il me semble que c’est la conséquence qu’on doit tirer de cette considération.

Quant à la seconde partie de l’amendement de M. d’Hoffschmidt, relative à l’introduction d’étrangers dans les conseils communaux, je suis de ceux qui repoussent, au moins dans les grandes communes, les étrangers des conseils : Mais il serait possible que, dans de très petites communes, il y eût nécessité d’aller chercher en-dehors de la commune de quoi composer le conseil communal. Je ne serais pas éloigné d’admettre cette combinaison, mais il faudrait adopter l’amendement de M. de Robaulx pour fixer le chiffre de la population de la commune pour laquelle l’introduction d’étrangers dans le conseil serait permise.

Mon opinion n’est pas arrêtée sur cette seconde partie de l’amendement. Quant à la première partie, je l’appuie et je voterai pour son adoption.

M. Dechamps. - Il y a deux graves questions soulevées par l’article en discussion : d’abord le mode d’éligibilité, puis la résidence des membres du conseil.

J’avais l’intention, messieurs, de me prononcer pour le cens d’éligibilité, mais le discours remarquable que vient de prononcer l’honorable M. Ernst a, je vous l’avoue, ébranlé ma conviction, et je conserve des doutes à cet égard. Je ne m’occuperai donc pas maintenant de la première de ces questions, et je vais aborder la seconde, celle qui est relative à la résidence des conseillers. J’ai peu de mots à dire à la chambre.

Je ferai remarquer en passant, messieurs, que les orateurs qui défendent cette disposition telle qu’elle se trouve dans le projet de loi, le font avec des arguments contradictoires. Ils exigent d’un côté le cens électoral pour être éligible, parce que, disent-ils, il faut apporter des garanties d’ordre public, parmi lesquelles le cens électoral se trouve la première. Ainsi ces orateurs admettent que la garantie ne se trouve pas tout entière dans l’élection, qu’il faut l’exiger aussi de l’éligible.

Quand ces mêmes orateurs défendent le second point de l’article, ils sont obligés de recourir à l’argument contraire et presque tous ceux qui n’exigent pas le domicile réel dans la commune, avancent pour raison qu’il faut laisser de la latitude aux électeurs, que la garantie se trouve dans l’élection même.

Pour moi, messieurs, je repousserai le second point du projet de loi, ou du moins je ne l’adopterai qu’avec l’amendement de M. de Robaulx.

En effet, messieurs, y a-t-il quelque chose de plus clair que la nécessité de cette résidence ? Les obligations imposées par les fonctions municipales impliquent la connaissance parfaite des intérêts de la localité, elles exigent un travail, une surveillance de tous les jours qui ne peut se concilier avec la non-résidence habituelle dans la commune. Les conseillers qui auraient leur domicile dans une commune étrangère ne seraient décorés que d’un titre honorifique, ils deviendraient véritablement des conseillers in partibus. Tout ceci me paraît tellement évident, messieurs, que je crois inutile de m’étendre plus longuement.

La nécessité de la résidence est surtout palpable pour le bourgmestre qui a la manutention quotidienne des intérêts communs, et dont l’œil doit toujours être ouvert pour tout surveiller. Sa présence est continuellement nécessaire, puisque la tranquillité publique dont il est chargé peut être troublée à chaque heure. Je ne parle pas de l’inconvénient qui se rencontrerait lorsque le même individu sera conseiller et même bourgmestre dans différentes communes. D’autres orateurs en ont fait sentir suffisamment la réalité et l’importance.

On objecte que la propriété est la meilleure garantie que l’éligible puisse offrir, je vais reproduire ce que M. de Tracy a répondu à cette objection dans une pareille discussion à la chambre de France ; ses arguments me paraissent très forts.

« Les intérêts qui composent ceux de la commune ne sont pas purement matériels. Les membres du conseil municipal n’ont pas à statuer simplement sur des fonds, sur des dépenses ; il est des intérêts moraux sur lesquels ils peuvent avoir à prononcer. Une commune est une véritable famille collective. Dès lors j’ai peine à concevoir comment des individus, à cause de leurs impôts, pourraient faire partie indéfiniment de cette espèce de famille. Il est donc moral, utile que le domicile soit une condition nécessaire pour voter dans une commune. »

M. le ministre de l’intérieur vient d’objecter que cette faculté laissée aux électeurs de choisir en-dehors de la commune est très libérale.

Mais messieurs, cette faculté doit avoir parfois des bornes, et ce principe, messieurs, est admis ailleurs. Dans les élections générales pour les chambres, on n’a pas certainement admis la faculté de choisir en dehors du pays ; eh bien, la commune ne peut-elle pas être assimilée à une nation, pour ce qui concerne la question qui nous occupe ?

Il s’agit de représenter des intérêts purement communaux comme pour les élections aux chambres, il s’agit d’intérêts nationaux ; la faculté électorale doit donc se renfermer exclusivement dans ces cercles respectifs.

Je conçois cependant, messieurs, les objections qu’on a faites en ce qui concerne les communes peu populeuses : s’il m’est démontré que dans ces circonstances le principe doive subir une exception, j’adopterai l’amendement de M. de Robaulx.

M. H. Dellafaille - Lorsque la section centrale se vit reprocher l’article en discussion, elle le renvoya au ministère auquel il appartenait. Cependant, elle n’a point voulu renier l’approbation qu’elle a donnée au projet. En ce qui me concerne, j’y suis si peu disposé que je dirai sans détour qu’à la section centrale je l’ai hautement approuvé.

Personne ne niera que la propriété ne soit une garantie d’ordre. Celui qui possède est intéressé à l’ordre public ; celui qui n’a rien peut trouver son intérêt au désordre. C’est cette vérité qui fait exiger un cens pour l’exercice du droit de voter. Si l’on n’admettait point ce principe, il faudrait en venir au suffrage universel, et vous savez, messieurs, si ceux qui soutiennent cette théorie sont envisagés comme des amis de l’ordre public.

La restriction imposée à l’éligibilité n’est, je pense, pas trop forte. Au moyen de l’admission des fils d’électeurs et de l’exiguïté du cens, on se borne à exclure ceux qui ne possèdent point. Cette admission a été signalée comme contraire au principe même que la section centrale a voulu établir, il n’y a aucune contradiction. La section centrale désire que les fonctions de membre des conseils communaux ne soient confiées qu’à des personnes qui offrent des garanties suffisantes. Les fils d’électeurs, quoique ne payant pas le cens par eux-mêmes, appartiennent à une famille qui possède et ont par conséquent des intérêts à défendre. Ils offrent les mêmes garanties que s’ils payaient personnellement.

Le cercle des éligibles ne sera, à coup sûr, pas trop resserré, puisqu’à Bruxelles notamment il se trouvera, si la proposition du gouvernement est admise, un éligible sur 19 habitants. Il me semble que dans ce nombre il y a du choix. Dans plusieurs villes la proportion sera encore plus forte.

Mais, dit-on, celui qui ne paie que 19 francs, est-il moins capable, moins digne de confiance que celui qui en paie 20 ? Si cette observation valait quelque chose, elle s’appliquerait également au cens électoral et nous ramènerait au suffrage universel. Il faut bien s’arrêter quelque part. Ne pourrait-on pas faire la même objection pour l’âge requis ? Celui qui n’a que 24 ans et 11 mois est-il moins capable ou moins digne de confiance que celui qui a 25 ans accomplis ?

On peut, dit-on, s’être trouvé membre des chambres, des conseils provinciaux, avoir été trouvé digne d’exercer les plus hauts emplois, et se voir exclu du conseil communal faute de payer le cens.

Il est au moins fort douteux que des personnes revêtues de hauts emplois, ou envoyées par la confiance des électeurs aux chambres ou aux conseils provinciaux, ne paient pas un cens aussi faible que celui qui est exigé dans la commune. Ce n’est ordinairement pas dans les classes tout à fait inférieures de la société qu’on va chercher ces personnages. D’ailleurs, messieurs, ces cas, s’ils ne sont pas impossibles, sont exceptionnels. Or, les lois sont faites pour les cas ordinaires.

Mais, ajoute-t-on, il y aura dans la législation une anomalie choquante, puisqu’on exige un cens pour l’éligibilité au conseil communal, tandis qu’on n’en exige point pour les chambres et les conseils provinciaux.

Je vous ferai observer, messieurs, que l’uniformité, si elle était nécessaire, n’existe nulle part en matière de cens. Le cens électoral pour les communes varie de 20 à 100 franc., Il diffère de celui qui est exigé pour élire aux conseils provinciaux et aux chambres. Enfin, messieurs, veuillez faire attention qu’on a exigé un cens d’éligibilité très fort pour le sénat sans craindre de rompre une uniformité qui n’offre aucun mérite réel.

Il y a pour maintenir un cens d’éligibilité dans la commune une raison particulière, tandis qu’il n’en est point exigé ailleurs, c’est que les intérêts qui se traitent aux conseils communaux sont plus généralement matériels que ceux qui se traitent aux conseils provinciaux ou aux chambres législatives. Il semble que ceux-là seuls qui ont des intérêts a défendre doivent en délibérer.

L’honorable M. de Theux vous a signalé un inconvénient qui résulterait de la suppression de cette disposition. Il ne faut pas donner à un homme influent la facilité d’introduire dans le conseil des agents absolument placés dans sa dépendance. J’ajouterai qu’il faut encore éviter des choix ridicules qui, dans la divergence actuelle des opinions politiques sont peut-être plus à craindre qu’on ne le pense.

Je pourrais vous citer une localité où, après une élection, on demandait au chef du parti vaincu comment il avait pu porter un homme généralement méprisé. Ce personnage répondit que s’il avait connu un homme plus vil, il eût tâché d’en gratifier la Belgique constituée par sa révolution. Ce danger n’est guère à craindre lorsqu’il s’agit des élections pour les chambres ou pour les conseils provinciaux. Dans ce cas ce n’est pas une seule commune qui forme le collège électoral, et les influences locales auxquelles je fais allusion ne peuvent plus avoir la même force.

Relativement au second paragraphe, je puis me référer à ce que j’ai eu honneur de vous dire dans la dernière séance. Il est nécessaire de l’adopter si vous ne voulez éprouver des difficultés réelles dans la composition des régences des petites communes.

Supposez une commune de 1,000 habitants. Cette population dans les campagnes où les ménages sont nombreux vous donnera un nombre d’environ 150 familles. Défalquez de ce nombre les pauvres qui forment quelquefois un cinquième de la population, défalquez-en encore la population ouvrière qui, sans être dans l’indigence, en est cependant voisine, et dans laquelle vous ne comptez sans doute pas prendre vos administrateurs, défalquez-en encore si vous adoptez le premier paragraphe, ceux qui ne paient pas le cens électoral, il vous restera à peine 50 familles entre lesquelles pourront porter vos choix.

Mais de ce nombre il faut encore soustraire ceux sur lesquels, à raison de quelque incompatibilité de la parenté avec quelques membres du conseil, de leur défaut de capacité, ou de toute autre motif quelconque, les électeurs ne pourraient ou ne voudraient faire porter leurs suffrages. Voilà le cercle dans lequel ils doivent choisir singulièrement rétréci.

Si vous ne permettez point aux électeurs de choisir au besoin des conseillers hors de chez eux, j’ose vous affirmer qu’il est des communes où il sera impossible de trouver un bourgmestre et quelquefois même des échevins convenables. Il est fort aisé de décider ici le contraire et d’en parler à son aise dans cette chambre.

Mais ceux qui, sans s’arrêter à des théories plus ou moins belles, examinent les réalités, ne seront probablement pas de cet avis. Un bon conseiller de régence peut être un très médiocre bourgmestre. Il faut pour cette dernière place non seulement la rectitude du jugement, mais une fermeté de caractère et une certaine indépendance de position qui ne sont pas le partage de tout le monde et il peut fort bien se faire que, dans plus d’une commune, même assez populeuse, il ne se trouve point d’individu de cette catégorie qui puisse ou qui veuille accepter ces fonctions. C’est une vérité qui ne sera démentie par personne qui connaisse un peu le plat pays.

A en croire certains orateurs, on dirait que le paragraphe a été introduit tout exprès pour satisfaire l’ambition de personnages d’une certaine classe qui désirent occuper les places de bourgmestre.

Je ne crois pas, messieurs, que la place de bourgmestre d’une commune rurale (car cette disposition n’existera de fait que pour les campagnes) soit tellement honorifique, ou tellement avantageuse, qu’elle vaille la peine d’être chaudement briguée par ceux auxquels on a fait allusion. Toutefois, je vous observerai qu’à cet égard, il y a une différence immense relativement à cet objet entre l’ancien et le nouveau système.

Sous l’ancien gouvernement, si quelqu’un ambitionnait l’honneur ou le profit de la place de bourgmestre d’un village qui n’était pas sa résidence, il lui suffisait, pour parvenir à ses fins, de bien faire sa cour au gouverneur. Il n’en sera pas maintenant tout à fait de même. Il faut vous rappeler qu’avant de devenir bourgmestre, il sera nécessaire d’avoir au préalable obtenu de la confiance des habitants une nomination à la place de conseiller.

Un membre a objecté que les fonctions de bourgmestre, exigeaient un travail de tous les jours qui serait négligé par un homme qui n’habiterait pas la commune.

D’abord, messieurs, il n’est pas apparent que les électeurs aillent au loin chercher ceux qu’ils honoreront de leurs suffrages. En second lieu, ils seront juges de la manière dont l’élu aura satisfait à leur attente puisque le cas échéant ils en seront quittes pour ne point le réélire. Je crois qu’à cet égard on peut s’en rapporter à ce que leur dictera leur propre intérêt. Quant à la proposition de ne donner cette faculté qu’aux petites communes, je la crois inutile. Il est bien clair qu’aucune localité n’ira chercher au-dehors ses agents, à moins qu’il n’y ait nécessité ou utilité évidente. Dès lors, je crois qu’on peut entièrement s’en rapporter à l’intérêt et à la prudence des habitants.

Pour les motifs que j’ai eu l’honneur de vous développer, je voterai pour l’article du gouvernement, tel qu’il est amendé par la section centrale.

M. Angillis. - Dans la séance d’hier, j’ai dit, en combattant l’amendement de M. d’Hoffschmidt, que ceux qui n’ont rien ne représentent rien. Ces paroles, qui paraissaient naturelles ont tellement frappé l’orateur qui a parlé dans la séance, qu’elles lui ont fourni le texte de son premier discours.

Il faut qu’elles l’aient singulièrement choqué, puisqu’il les a répétées à satiété. Pour me confondre, il a fait une excursion dans le droit naturel, préface inévitable de tous les discours de l’honorable orateur lorsqu’il veut abattre son adversaire.

Il s’est jeté ensuite dans le code civil au titre des mandats. Mais quelle analogie y a-t-il entre les mandats qu’a eus en vue le code civil et les mandats de conseillers communaux dont parle le projet de loi en discussion ? Le code civil n’avait pas à s’occuper de la qualité du mandataire, parce qu’il s’agissait d’intérêts privés et qu’il fallait laisser au mandant le soin d’apprécier la moralité du mandataire. Les affaires particulières sont toujours beaucoup mieux traitées que les affaires publiques. La loi donc a laissé au mandant le soin de se faire représenter par celui qu’il juge convenable de choisir. Il doit en être tout autrement lorsqu’il s’agit d’un mandat public. La loi ne doit pas vouloir que les électeurs puissent choisir des hommes qui ne présentent aucune garantie.

Les arguments de l’orateur que je combats reposent sur des exceptions. Quand on discute de bonne foi, on ne va pas choisir ses preuves dans les exceptions.

Le même orateur a trouvé une espèce d’anomalie dans la disposition proposée par la section centrale avec l’esprit de la loi électorale. En cela l’honorable orateur ne se trompe pas. Mais si la différence existe, elle est fondée.

Pour être nommé membre de la chambre, il ne faut rien payer. Mais je doute qu’il y ait un membre de cette assemblée qui ne paie pas, soit par lui-même, soit par ses parents, le cens électoral demandé pour la représentation communale et même un cens de beaucoup plus élevé. Et puis, en supposant qu’il se trouvât parmi nous des personnes qui ne fussent pas dans ce cas, ils présentent d’ailleurs des garanties de talent, de dévouement à la chose publique. Ils ne sont pas élus par une seule commune ; ils sont élus par plusieurs communes réunies : la chambre des représentants par les arrondissements, les conseils provinciaux par les cantons.

Dans le cas particulier c’est tout autre chose. Je suppose qu’un de ces mauvais praticiens dont il y a beaucoup dans les Flandres, de ces hommes que l’on y connaît, sous le nom de bosch-prokureurs, parvienne à s’introduire dans le conseil communal dans l’assemblée chargée de régler les intérêts locaux. Il sera appelé à asseoir l’impôt communal, dont il ne paiera pas un sou ; il discutera des dépenses dont le plus ou moins d’élévation l’inquiétera peu. Car le cens électoral est tellement abaissé que, pour ne pas le payer, il faut ne rien payer du tout.

On a cité les personnes qui, habitant des appartements et ne payant ni contribution foncière, ni contribution mobilière, seraient cependant aptes à remplir les fonctions de conseillers communaux. Ce ne sont là que des cas exceptionnels.

Dans la question particulière que nous examinons, je n’ai point dit une hérésie en avançant que qui n’a rien ne représente rien. Il ne s’agit pas de la représentation parlementaire ou de la représentation provinciale ; il ne s’agit que de la représentation d’intérêts matériels ou moraux d’une localité ; et il me semble impossible que l’homme qui n’y paie pas de cens ait, par ses habitudes ou par ses connaissances, les dispositions nécessaires pour soutenir de tels intérêts. Pour être bourgmestre d’un village, il faut que ce fonctionnaire soit choisi non seulement parmi les propriétaires ; il faut encore qu’il soit pris parmi ceux qui sont attachés par les habitudes aux intérêts de la commune. Je persiste donc dans ce que j’ai dit hier, et je voterai dans ce sens.

M. d’Hoffschmidt. - Je dois faire remarquer une chose assez étrange selon moi : le gouvernement, ni la section centrale, ne veulent pas se reconnaître comme ayant eu la première idée de l’article qui fait l’objet de la discussion.

La section centrale dit : Ce n’est pas à moi qu’il faut adresser les reproches si l’article en mérite. Le gouvernement dit : La section centrale a admis l’article, elle l’a donc approuvé. Que prouve ce débat ? C’est que personne ne peut justifier l’article.

M. Angillis pour prouver que le cens offrait des garanties, a fait observer que dans la chambre il n’y avait aucun membre qui ne payât des contributions par lui-même ou par ses parents : qu’est-ce que cela prouve ? C’est que les électeurs ont choisi ceux qui ont leur confiance et qu’ils ne choisissent que ceux-là. Après cette expérience, pourquoi les restreindre dans leurs choix ?

Je ne dirai qu’un mot sur une réflexion faite par M. Dumortier. Il m’a fait observer que les notaires payaient patente. Je ne crois pas que la patente soit assez élevée pour qu’ils soient électeurs ; mais si les notaires paient patente, les avocats n’en paient pas et la réflexion de M. Dumortier est sans force. (Aux voix ! aux voix !)

M. Milcamps. - Dans son rapport M. Dumortier n’a fait que répéter les paroles de Henrion de Pansey ; voici comment ce grand légiste s’est exprimé…

M. le président. - La clôture est demandée.

M. Dubus. - Je demande la parole contre la clôture. Dans la crainte que l’amendement de M. de Robaulx ne restreigne trop le cercle de l’exception, je me propose de faire un sous-amendement.

M. d’Hoffschmidt. - Nous avons discuté toute la semaine dernière sur les toiles et sur les fils, nous pouvons bien discuter une séance entière sur un article important d’une loi organique. Je demande que la discussion continue.

M. Eloy de Burdinne. - Au train dont nous marchons la loi communale regardée comme urgente ne sera pas terminée dans dix ans. (Bruit.)

- La chambre consultée continue la discussion.

M. Dubus. - Y a-t-il lieu d’exiger un cens des membres du conseil communal ? C’est une des questions principales agitées sur l’article 5. Je partage sur ce point l’opinion des honorables membres qui se sont prononcés contre la proposition du gouvernement, adoptée par la section centrale.

J’incline à admettre le cens d’éligibilité. On a soutenu en principe que c’était à l’électeur seulement qu’il fallait demander un cens, et qu’il ne fallait pas en demander à l’éligible. Je ferai remarquer que les honorables préopinants qui ont soutenu ce principe, admettent cependant que l’on doit exiger des éligibles certaines conditions.

Par exemple, ils exigent une condition d’âge, ou une garantie de la maturité du jugement ; pourquoi ne demanderait-on pas la condition du cens comme une garantie d’ordre ? Dès qu’on fait une exception, le principe n’est pas absolu.

Mais, dit-on, il y aura anomalie choquante à exiger le cens d’éligibilité pour le conseil communal, tandis qu’on ne l’exige pas des membres de la chambre et des membres des conseils provinciaux ; il y aura non seulement anomalie, il y aura absurdité. Je ne sens pas cette absurdité.

La garantie peut être superflue dans un cas et très utile dans l’autre ; les électeurs communaux peuvent, par leur petit nombre, être plus exposés que les électeurs provinciaux aux influences que l’on a signalées et dès lors il n’implique pas qu’on les prémunisse contre leurs erreurs, en exigeant, pour l’éligibilité au conseil communal, une condition, une garantie de plus : il n’y a point d’anomalie ; il y a conséquence.

Les hommes qui ont des connaissances spéciales, qui exercent des professions libérales dans les communes, y paient toujours une patente, s’ils n’y paient pas d’autres contributions. Lorsqu’ils ont quelque mérite, ils parviennent toujours à être électeurs dans la commune.

Ainsi, l’objection relative à ces hommes spéciaux ne me touche pas. L’anomalie que l’on signale existait sous l’empire des lois et règlements en vigueur au moment de la révolution ; alors aussi aucun cens d’éligibilité n’était exigé des membres de la seconde chambre ni des membres des conseils provinciaux et cependant on ne pouvait devenir conseiller de régence si l’on ne payait le cens électoral. Eh bien ! Cet état de choses a-t-il présenté quelque inconvénient, excité des réclamations ?

A cet égard, je dirai que je n’ai jamais entendu manifester que le regret que l’on n’eût pas déclaré éligibles le fils d’électeur parce qu’en effet, un fils de famille, bien qu’il ne paie pas le cens électoral, peut être parvenu à un âge mûr, exercer un état honorable, et par son rang dans la société, et ses relations faire désirer qu’il puisse être nomme membre de conseil communal.

C’est pour faire disparaître cet inconvénient de l’état de choses existant, que la section centrale a amendé le projet du gouvernement.

La section centrale vous propose de déclarer éligible le fils d’électeur, et cet honorable membre propose d’étendre cette faculté aux fils de veuves payant le cens électoral.

J’admets ces deux exceptions ; ces exceptions mêmes ont été combattues par un honorable préopinant, qui a demandé quelle garantie présente le fils d’électeur. Je réponds qu’il fait partie de la famille, et que l’intérêt de la famille est l’intérêt de tous les membres, qui la composent.

Maintenant, j’examinerai l’autre question qui a été soulevée, celle de savoir s’il y a lieu comme le proposent le gouvernement et la section centrale, d’autoriser à prendre un tiers au plus des éligibles parmi les personnes domiciliées dans une autre commune.

Cette exemption présente des inconvénients extrêmement graves qui ont été exposés à la chambre : en présence de ces inconvénients et pour maintenir l’exception, on invoque la nécessité, on dit qu’il peut se faire qu’on ne trouve pas parmi les éligibles domiciliés de quoi composer convenablement le conseil communal dans des communes peu populeuses ; si c’est le seul motif de l’exception, il faut la restreindre dans le seul cas pour lequel elle a été faite, celui des communes d’une population minime. Aussi j’admettrai le principe de l’amendement de M. de Robaulx qui a demandé que la disposition fût restreinte aux communes ayant moins de 300 habitants.

En effet, pourquoi étendrait-on l’exemption aux autres communes, même aux villes les plus populeuses ? pourquoi l’étendrait-on à Bruxelles, par exemple ? voudrait-on que l’on considérât cette ville comme ne pouvant fournir un conseil composé de 31 membres ? supposerait-on que les électeurs fussent obligés de recourir aux faubourgs, où vont d’ordinaire se domicilier ceux qui veulent échapper aux charges communales.

Je ne vois aucune raison pour que l’exception soit appliquée à des cas semblables, et il faut la restreindre ainsi que je l’ai dit au seul cas pour lequel elle a été faite ; c’est-à-dire aux communes où la population serait si peu nombreuse qu’on pourrait craindre que le choix fût trop restreint et le conseil communal mal composé.

Un honorable membre a appréhendé que le chiffre de M. de Robaulx ne fût pas assez élevé ; je partage jusqu’à un certain point la même crainte, et pour faire disparaître tout inconvénient, je propose de restreindre la disposition aux communes dont la population serait inférieure à 400 habitants, de cette manière, l’exception comprendra près de 500 communes, ce qui fait à peu près un cinquième du nombre total des communes.

M. de Robaulx déclare se réunir à l’amendement de M. Dubus.

M. Jadot. - Je n’ai qu’une observation à faire, elle sera courte mais elle est neuve.

Dans plusieurs provinces, et notamment dans le Luxembourg, les communes possèdent des propriétés considérables qui sont indivises entre tous les habitants et dont ils jouissent, lors même qu’ils ne paient aucune contribution. Tels sont les terrains sujets au droit de parcours et les bois dont la coupe annuelle se partage sans distinction de ceux qui paient un cens quelconque de ceux qui ne paient rien. Vous ne pouvez donc sans injustice, exclure ceux-ci du conseil où l’on discute les questions qui sont relatives à ces propriétés communes.

Je voterai pour l’amendement de M. d’Hoffschmidt.

M. de Muelenaere. - Mes observations, messieurs, porteront sur la seconde partie de l’article en discussion et sur l’amendement proposé par M. de Robaulx.

La section centrale vous propose de permettre qu’un tiers du conseil communal soit composé d’étrangers à la commune. D’abord, messieurs, en principe il me semble contraire à une bonne administration que d’admettre dans le conseil communal des individus étrangers à la commune parce que pour faire partie du conseil communal, il faut être intéressé à une bonne gestion et que les personnes étrangères à la commune ne sont pas essentiellement intéressées à cette bonne gestion.

La section centrale a elle-même si bien senti cette vérité, qu’elle a exigé comme garantie que l’étranger qu’on pourrait choisir payât le cens électoral voulu pour être électeur et pour être éligible.

Il faut remarquer, messieurs, que puisque l’individu dont il s’agit n’habite pas la commune, que l’impôt qui constituera un cens d’éligible ne pourra être que l’impôt foncier, ce ne sera pas l’impôt personnel ni le droit de patente. Mais parce que celui qu’on propose pourra être choisi parmi l’impôt foncier, il ne s’ensuit pas qu’il a intérêt essentiel à une bonne gestion des affaires de la commune. Car l’administration communale n’a aucune part dans la fixation des taxes de l’impôt foncier et de sa répartition.

Je ne crains pas que les seigneurs de village dont on a parlé, parviennent à s’introduire dans le conseil municipal, je désire au contraire que les seigneurs de village, c’est-à-dire les propriétaires des communes, fassent partie du conseil, lorsqu’ils y ont leur domicile ou habitation.

Ce que je crains, c’est que ceux qu’on qualifie du nom de patricien, ne parviennent à s’introduire dans le conseil, dans la seule vue de leurs intérêts privés et personnels.

Si je voulais ici faire des personnalités, je pourrais citer des cas identiques.

On dit qu’il n’y aurait pas moyen de composer le conseil communal s’il fallait prendre les conseillers dans la commune même. Il est possible qu’un cas pareil puisse se présenter ; mais ce cas ne se présentera que dans des communes peu populeuses. Puisque vous faites une exception, il faut la restreindre dans les cas d’absolue nécessité, et vous devez rentrer dans les limites de l’amendement de M. Dubus. Il faut dire que l’exception ne sera appliquée qu’à l’égard des communes où la population ne sera pas assez considérable pour trouver le nombre nécessaire de personnes capables de faire partie du conseil communal. Je voterai donc pour l’amendement de M. Dubus.

Quant au cens d’éligibilité requis par la loi, il me reste peu de chose à dire après les observations que vous a présentées M. Dubus.

D’abord, je l’avouerai franchement, je ne vois pas de raison majeure pour adopter la proposition ni pour la rejeter ; si vous ne l’adoptez pas, le bon sens des électeurs y suppléera. Cependant je crois qu’il y a avantage à la consigner dans la loi, et je n’ai pas été frappé des objections qui ont été faites contre la disposition.

On a dit que pour être membre de la chambre des représentants, ou pour être membre du conseil provincial, il ne faut pas payer de cens ; on ne doit donc pas, à plus forte raison, en exiger du conseiller communal.

Je crois, messieurs, que ce raisonnement n’est pas concluant. Je ferai remarquer d’abord, que vous avez pour les membres de la chambre et pour les conseillers provinciaux des garanties que vous n’avez pas pour les conseillers communaux. Vous avez pour les membres de cette assemblée et pour les membres des conseils de la province une plus grande masse d’électeurs, et dans le nombre est la garantie.

Indépendamment de cela, tout le monde ne se sent pas propre à être membre de la chambre des représentants ou du conseil provincial. Le rôle des élus diffère, c’est une garantie de plus pour un bon choix. Mais aucun de ces avantages ne se présente dans les élections communales. Nous savons comment dans la pratique se font les élections communales. Sons ce rapport, il est utile qu’il y ait dans la loi une disposition sur le cens. C’est uniquement par cette considération que je voterai le projet du gouvernement et de la section centrale, quoique je n’y attache pas une grande importance, parce que si la loi ne détermine pas un cens, le bons sens des électeurs y suppléera. (Aux voix ! aux voix !)


M. de Robaulx. - Comme la proposition de M. d’Hoffschmidt est plus libérale que la mienne, elle tend à éviter les inconvénients signalés par M. Angillis, de voir le même individu bourgmestre de trois ou quatre communes à la fois. Je n’ai présenté mon amendement que subsidiairement.

- L’amendement de M. d’Hoffschmidt est mis aux voix. Il est rejeté.


M. le président. met aux voix l’amendement de M. de Robaulx, qui consiste à remplacer le mot « toutefois » par ceux-ci : « les communes ayant moins de 400 habitants. ».

- Il est adopté.


M. le président. - On passe à l’amendement de M. Van Hoobrouck qui propose d’ajouter au troisième paragraphe ces mots : « Les fils d’électeurs ou les fils de veuves payant le cens électoral. »

- Cet amendement est mis aux voix et adopté.


M. le président. M. Doignon propose une dernière disposition ainsi conçue :

« Nul ne peut être membre de deux conseils communaux. »

M. Dumortier, rapporteur. - Il vaudrait mieux dans ce cas changer la rédaction.

- Plusieurs membres. - Ces dispositions sont admises sauf rédaction.

- L’amendement de M. Doignon est adopté ainsi que l’ensemble de l’article amendé.

Article 6

« Art. 6 (du projet du gouvernement). Ne peuvent faire partie des conseils municipaux :

« 1° Les gouverneurs de province ;

« 2° Les membres de la députation permanente du conseil provincial ;

« 3° Les secrétaires-généraux des gouvernements provinciaux ;

«4° Les commissaires de district et de milice ;

« 5° Les employés salariés par la commune ;

« 6° Les commissaires et agents de police et de la force publique. »

« Art. 6 (du projet de la section centrale). Ne peuvent faire partie des conseils de régence :

« 1° Les gouverneurs de province ;

« 2° Les membres de la députation permanente du conseil provincial ;

« 3° Les greffiers provinciaux ;

« 4° Les commissaires de district et de milice ;

« 5° Les militaires et employés militaires appartenant à l’armée de ligne en activité de service ou en disponibilité ;

« 6° Les employés salariés par la commune ou par les administrations dépendantes de la commune ;

« 7° Les commissaires et agents de police et de la force publique. »

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je me rallie à cette proposition à l’exception du 6 qui peut-être donnera lieu à quelque discussion.

M. le président. - M. d’Hoffschmidt propose d’ajouter aux incompatibilités les ministres des cultes.

M. d’Hoffschmidt. - La section centrale reconnaît l’inconvenance qu’il y aurait à ce que des ministres du culte fissent partie des conseils communaux ; suivant elle, les ministres des cultes perdraient de leur considération, en devenant agents de la commune. Mais elle a pensé qu’ils comprendraient mieux que personne ce qu’exige leur situation.

Quoique je sois persuadé que les ministres des cultes ne font jamais rien d’inconvenant, je suis d’avis de ne pas leur laisser la latitude de faire partie du conseil communal, malgré l’inconvenance qu’y reconnaît la section centrale, parce que non seulement il leur serait nuisible, mais parce que ce serait un mal pour les communes que les ministres des cultes fissent partie des conseils communaux.

En effet, quelle serait la position du conseil et du curé, si celui-ci faisait partie du conseil ? Les ministres du culte, par suite de leurs fonctions spirituelles, sont entourés d’un grand respect, et cette considération ferait que dans les conseils où ils siégeraient les discussions ne seraient pas libres ; leurs collègues n’oseraient pas les contrarier, lors même qu’ils ne partageraient pas leur opinion. Chacun de nous, qui sait ce qui se passe dans les communes, peut apprécier cet inconvénient.

Je vous citerai un exemple. J’étais dans une commune où le conseil était assemblé pour une délimitation de chemin.

Tout le conseil était du même avis, lorsque arriva le curé, soit en qualité de propriétaire ou d’ami d’un propriétaire ; il émit une opinion contraire à celle que venait d’adresser le conseil, et je fus tout étonné de voir le conseil entier, y compris le bourgmestre, sans dire un mot pour combattre l’opinion du curé, qui était aimé, qui avait de l’influence, revenir sur la première délibération et en rédiger une nouvelle comme M. le curé le demandait.

Jusqu’à présent, je n’ai parlé que des convenances. Je suis en cela d’accord avec la section centrale, vous n’avez qu’à lire les motifs. Mais elle ajoute que le législateur n’a vu en eux que des citoyens. Et avec ce beau principe sur lequel elle est en contradiction avec elle-même, car elle vient de refuser de reconnaître comme citoyens ceux qui ne paient pas de cens, celui qui à Bruxelles ne paie que 119 fr. de contributions ; avec ce beau principe, dis-je, elle veut maintenir l’éligibilité du curé.

Les ministres des cultes sont en effet des citoyens, mais des citoyens privilégiés. Ces citoyens ne concourent pas à la milice, ne font pas partie de la garde civique ; ils ne sont citoyens que pour recueillir les avantages attachés au titre ; mais quand il s’agit de défendre le pays, ils ne sont plus citoyens. Je crois même qu’ils ne partagent pas la charge des logements militaires.

- Plusieurs voix. - Si ! si !

M. d’Hoffschmidt. - S’ils doivent la supporter en droit, en fait on les en exempte.

M. Brabant. - Chez moi ils n’en sont pas exempts.

M. d’Hoffschmidt. - Eh bien, s’ils faisaient partie du conseil, ils sauraient s’en faire exempter.

On me dira : Mais ces raisons n’ont pas suffi pour les éliminer de la représentation nationale, des conseils provinciaux.

Je répondrai que là leur présence n’offre pas les mêmes inconvénients que dans le conseil communal. Les influences des ministres des cultes sont circonscrites dans le cercle de la paroisse. Ils ne peuvent pas avoir à la chambre des représentants, au sénat ou dans le conseil provincial, l’influence qu’ils exercent dans leur commune. Mais dans la commune cette influence est très grande.

Ils exercent une très grande influence dans les communes dont ils sont les desservants. Dans les conseils communaux on agite toutes les questions qui ont rapport aux revenus des fabriques et aux suppléments des traitements à accorder aux ecclésiastiques. Un curé, membre du conseil communal, demandera que son église soit agrandie, tandis que le bourgmestre voudra faire construire un pont. Il se présentera souvent des collisions semblables. Si l’on me forçait à citer des exemples, je n’en manquerais pas. Si donc vous accordez au curé de la commune accès dans le conseil, vous ferez naître une scission fâcheuse entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel, puissances qu’il faut toujours éviter de mettre en contact.

D’ailleurs, si l’on objectait que les ecclésiastiques sont éligibles aux chambres et doivent par conséquent l’être également aux conseils communaux, je répondrai qu’il est d’autres classes de citoyens qui se trouvent également dans le même cas. Il suffit pour s’en convaincre de parcourir l’article 6 de la loi que nous discutons, article qui consacre plusieurs incompatibilités. Je citerai, par exemple, les officiers en disponibilité qui sont exclus des conseils communaux ; pourquoi n’en éliminerait-on donc pas des ecclésiastiques d’autant plus qu’il se présente tant d’inconvénients à leur éligibilité ?

J’ai présenté mon amendement uniquement pour l’acquit de mon devoir et je n’ai pas conçu l’espérance de le voir adopter par la chambre. Je sais que ce n’est pas dans cette assemblée que des amendements de cette nature passent facilement. Vous devez en deviner les motifs. Mais je déclare formellement que je n’ai pas présenté ma proposition dans un but hostile. Seulement j’aime à voir les ecclésiastiques à leur place et leur place est l’autel et le confessionnal. Lorsque les ministres des cultes s’immiscent dans les affaires temporelles, cette excursion hors de la limite de leur noble mission leur est toujours nuisible. C’est ce que la section centrale elle-même doit avoir reconnu, si l’on en juge d’après les paroles mêmes de son rapport.

M. Desmanet de Biesme. - J’ai demandé la parole pour savoir si dans le paragraphe 6, parmi les employés salariés par les communes, l’on comprend les receveurs qui reçoivent un supplément de traitement sur les fonds locaux. Je commence par dire : Il paraîtrait inconvenant que des ecclésiastiques fussent appelés à discuter dans le sein du conseil sur le quantum de leurs émoluments. Mais lorsque des ecclésiastiques ne reçoivent aucune espèce de traitement sur les fonds locaux, je ne vois pas pourquoi ils seraient privés des droits que tout citoyen peut exercer. Mais je voudrais avant tout qu’on me dît si les ecclésiastiques rétribués par la commune sont compris dans la catégorie du paragraphe 6.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Evidemment le paragraphe 5 proposé par le gouvernement a été compris par la section centrale comme il devait l’être. Il ne peut y être question d’ecclésiastiques, qui n’ont jamais été considérés comme employés.

Quant à moi, je pense que la chambre pourrait se rallier jusqu’à certain point à la proposition de M. d’Hoffschmidt, en établissant que seront exclues du conseil toutes personnes recevant un salaire quelconque ou un subside sur les fonds communaux. Il serait bien entendu que le ministre des cultes qui résiderait dans une commune sans en recevoir un salaire ou un subside, rentrerait dans la ligne commune à tous les citoyens, sauf à en sortir du moment qu’il serait accordé des fonds sur la caisse communale.

Je crois qu’une telle disposition est utile dans l’intérêt des ministres du culte. Si un ministre du culte recevait un salaire sur la caisse communale et qu’il fît partie du conseil, on pourrait attribuer l’allocation de ce salaire à sa présence parmi les mandataires de la commune, et le conseil aurait l’air de céder à son influence.

Je désirerais donc que le paragraphe 5 fût conçu de la manière suivante :

« Toute personne qui reçoit un salaire ou subside de la commune. »

M. Van Hoobrouck. - C’est également en acquit de ma conscience et pour être conséquent avec les principes de sage liberté que j’ai admis, que je viens m’opposer à l’amendement de mon honorable collègue. Je reconnaît également qu’il est plus convenable à la dignité des ministres des cultes et à la haute mission dont ils sont investis, de s’abstenir de toute participation à nos débats d’intérêts communaux et provinciaux ; mais c’est une considération qu’il faut nécessairement laisser à leur délicatesse.

La constitution a considéré les ministres des cultes uniquement sous leur qualité de citoyens, et quoi qu’en dise mon honorable collègue M. d’Hoffschmidt, elle les a soumis à toutes les charges qu’elle impose à tous les citoyens : les seules dont ils sont affranchis sont celles qui sont incompatibles avec leurs fonctions de tous les jours, de toutes les heures, et qui porteraient atteinte à une liberté antérieure, la liberté des cultes. Si donc ils sont soumis à toutes les charges, il y aurait injustice à les priver de bénéfice de droits que la constitution garantit à tous les citoyens.

Il est d’ailleurs de l’essence même de nos institutions de rétrécir autant que possible le cercle des exclusions et des incompatibilités, et lorsque celles-ci ne sont pas justifiées, elles sont toujours injustes, elles sont toujours impolitiques. Les ministres des cultes, dit-on, exercent une influence prépondérante dans les communes qu’ils desservent.

D’abord, messieurs, le système constitutionnel n’est lui-même que le système des incompatibilités. Toutes les personnes d’ailleurs, qui par leur position sociale, des qualités personnelles ou leur fortune, sont en possession de répandre des bienfaits sur leurs concitoyens, se trouvent dans le même cas. Or, avant de trouver dans cette influence un motif d’exclusion contre les ministres des cultes, il faudrait au moins prouver qu’ils ont abusé de leur position pour s’immiscer d’une manière indiscrète ou contraire aux intérêts des communes dans les affaires de celles-ci.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je pense, messieurs, que les ministres des cultes salariés par l’Etat ne doivent pas être aptes à faire partie des conseils. Il est vrai que jusqu’à présent, quoique cette faculté leur ait été accordée par la loi qui régit actuellement les communes, on n’a pas signalé qu’il en soit résulté des inconvénients. Mais la loi que nous faisons aura de la durée. Nous travaillons pour l’avenir, et l’avenir est long. Si plus tard des inconvénients étaient découverts, il faudrait revenir sur nos premières décisions, il faudrait refondre la loi. C’est ce que nous devons éviter.

Au surplus l’exclusion des ministres des cultes des fonctions de conseillers communaux n’a rien d’injuste pour eux, puisqu’ils jouissent d’exclusions qui leur sont favorables. Ils sont exempts du service de la garde civique, Ils ne sont pas appelés à faire partie du jury. Ce sont des avantages qui résultent du caractère de leur mission. On peut donc leur appliquer d’autres incompatibilités sans qu’ils puissent s’en plaindre. Mais il est bien entendu que s’ils demeurent dans une commune sans y exercer leur ministère, s’ils rentrent dans la classe des particuliers, ils ne pourront dans ce cas être frappés de l’incompatibilité dont je demande pour eux l’application. (Très bien ! très bien !)

M. A. Rodenbach. - J’appuierai l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Car ce ne sont pas les ecclésiastiques qu’il exclut du conseil communal, mais les hommes salariés par la commune, qu’ils soient prêtres, médecins ou avocats.

Mais je pense que si le prêtre n’est pas salarié par la commune, on violerait le principe d’habileté à tous les emplois proclamé par la constitution en l’excluant du conseil communal. Je trouverais la mesure illibérale, et je déclare ne pas pouvoir l’adopter.

M. H. Dellafaille - Messieurs, en l’absence du rapporteur de la section centrale, j’aurai l’honneur de répondre à l’interpellation qui lui a été adressée par l’honorable M. Desmanet de Biesme.

Le n°6 de l’article en discussion ne concerne nullement les ecclésiastiques qui reçoivent un traitement ou un subside de la commune. Il ne regarde que les employés proprement dits. Or, il n’y a point de doute qu’un ministre du culte n’est point un employé au sens de l’article ; encore moins un employé communal.

Puisque j’ai la parole, j’en profiterai pour donner quelques explications sur la pensée de la section centrale, sur l’amendement en discussion.

Nous avons admis, sans aucune observation, l’incompatibilité proposée par le gouvernement entre les fonctions de ministre du culte et celles de bourgmestre et d’échevin. Cette incompatibilité est fondée sur des raisons si palpables qu’il serait inutile d’en parler.

Mais les ministres du culte doivent-ils être également exclus du conseil de la commune ? Cette question a été agitée dans la section centrale, et après l’avoir débattue à fond, nous avons conclu pour la négative.

Ainsi que vous le dit le rapport, nous pensons que les curés et vicaires, s’ils comprennent les intérêts mêmes du clergé, ne se mettront point sur les rangs ; je suis même persuadé, en mon particulier, que s’il s’en trouvait qui voulussent le faire, ils se le verraient défendre par ceux dont ils dépendent dans l’ordre de leurs fonctions ecclésiastiques. Mais lorsque cette espèce d’incompatibilité, que nous reconnaissons, résulte de causes entièrement propres aux membres du clergé, et nullement de leur position civile, la loi peut-elle, avec justice, dépouiller des citoyens de leurs droits politiques ? Peut-elle faire de leur état un titre d’exclusion, lorsqu’il n’en résulte aucun inconvénient civil ? Nous ne l’avons pas pensé.

L’amendement de l’honorable M. d’Hoffschmidt ne me paraît donc nullement fondé. Quant à celui de M. le ministre de l’intérieur, le cas est différent. Il ne viole aucun principe de justice distributive, et s’il exclut quelques ministres du culte, ce n’est plus à raison de leur état, c’est dans le cas donné où ils recevraient un salaire de la commune, à raison de leur intérêt opposé à celui de cette commune. Ce motif mérite attention.

Cependant, je ferai observer à M. le ministre que la raison qu’il en donne n’est point absolument péremptoire, car le ministre du culte, membre du conseil, ne pourrait nullement voter sur le traitement qui lui serait alloué. La loi défend formellement aux membres non seulement de voter, mais même d’être présent à la séance lorsqu’il s’agit d’une affaire à laquelle ils ont un intérêt direct. Dans tous les cas, je ne crois pas qu’on puisse aller plus loin, ni qu’on puisse faire de l’état des ministres du culte un motif d’exclusion, lorsque cette exclusion n’est commandée par aucun inconvénient pris dans l’ordre civil. Je ne vois par exemple point sous quel prétexte on exclurait du conseil de régence un ecclésiastique qui ne remplirait aucune fonction, et qui vivrait en simple particulier.

Ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le dire, j’attendrai la suite de la discussion pour me fixer sur l’amendement du ministre de l’intérieur, et je repousserai tous les autres.

M. d’Huart. - Messieurs, je propose un sous-amendement à l’amendement de mon honorable ami M. d’Hoffschmidt parce qu’il me paraît trop rigoureux d’exclure un ecclésiastique par cela seul qu’il est ecclésiastique, et lors même qu’il habiterait une commune sans y exercer le saint ministère moyennant salaire.

J’admets en tout point ce qu’a dit M. d’Hoffschmidt ; mais si j’appuie l’amendement qu’il a présenté, c’est dans l’intérêt de la morale publique et dans l’intérêt de la religion.

Le contact fréquent des ecclésiastiques avec les administrateurs dans les communes finit par les déconsidérer : les discussions sur les intérêts des communes dégénèrent souvent en altercations. Là où le curé serait de bonne intelligence avec le bourgmestre, il y deviendrait bientôt son ennemi ; ces deux hommes, se trouvant placés sur une même ligne dans la société, ne voudront pas céder l’un à l’autre ; il en résultera nécessairement des inconvénients pour la morale publique ; la paix si précieuse dans les communes, sera troublée.

On dira sans doute que la loi actuellement en vigueur ne prononce aucune exclusion contre les ecclésiastiques, et que cependant il en est peu qui fassent partie des conseils communaux ; qu’ainsi on ne doit pas craindre qu’ils fassent partie à l’avenir : Je trouve précisément dans cette objection un nouvel argument en faveur de l’amendement : cela prouve que les ecclésiastiques, comprenant bien leur mission toute spirituelle, ne veulent pas se mêler des choses temporelles et cela doit nous porter à empêcher ceux qui seraient portés à méconnaître leur institution de la faire.

Je ne crains pas l’influence des ecclésiastiques dans les conseils communaux ; je n’ai de crainte que pour la morale publique, et je demande aux personnes les plus attachées à la religion d’adopter l’amendement. D’ailleurs on ne prononcera pas ici une incompatibilité seulement pour les ecclésiastiques ; il en est encore d’autres ; envers les militaires, par exemple, etc. Ainsi ce n’est pas par exception que l’on prononcera une incompatibilité envers les ministres du culte ; et dès lors rien d’outrageant ni de blessant pour eux.

M. Jullien. - C’est dans l’intérêt du sacerdoce autant que dans celui des communes que je viens appuyer l’amendement de M. d’Hoffschmidt. En effet ceux des membres de la section centrale qui n’ont pas proposé cette incompatibilité sont obligés de convenir qu’il y a inconvenance à ce que les ministre des cultes remplissent les fonctions de conseillers municipaux. L’article 9 du projet les exclut formellement des fonctions de bourgmestre et d’échevin ; et quand on en cherche la raison dans le rapport, on y trouve seulement que l’incompatibilité des fonctions de ministre des cultes avec celles de bourgmestre et échevins a été unanimement admise et ne saurait être contestée.

Or, je demande comment après cela on peut proposer de les laisser membre d’un conseil communal ? Il y a dans les motifs que l’on allègue pour justifier l’un et l’autre article quelque chose de singulier car on ne voit pas pourquoi, avec cette inconvenance d’un côté et cette incompatibilité de l’autre, ils pourraient être plutôt conseillers que bourgmestres.

Si cependant vous décidiez que les ministres du culte peuvent devenir bourgmestres, échevins et conseillers, soyez certains qu’ils le deviendront quand ils le voudront. Et si on doit en passer par là, il y aura au moins avantage sous le rapport de l’économie ; car, lorsque le curé sera bourgmestre, quand l’évêque sera gouverneur, à moins de cumul, il y aura des traitements de moins à payer, et le pays sera gouverné de droit comme on prétend qu’il l’est de fait.

Mais sous un autre rapport, voyons les inconvénients de ce système ; quelques orateurs les ont déjà signalés.

Si vous donnez accès dans les conseils communaux aux ministres du culte, qu’arrivera-t-il ? Ou bien ils y porteront leur influence, et elle est grande, et alors ils absorberont les intérêts communaux, ils domineront le bourgmestre et tout le corps communal ; ou bien si le contraire arrive ils seront en guerre ouverte avec leurs paroissiens et c’est la religion qui y perdra.

A l’occasion de ces systèmes je reviendrai sur ce qu’a dit hier M. Doignon sur le caractère national. En faisant l’éloge de notre caractère religieux, il a trop cherché, suivant moi, à ravaler celui d’un peuple voisin, d’un peuple ami, et dont il est bon de cultiver l’amitié si on veut conserver ce qu’on est convenu d’appeler notre indépendance.

Les Français, a-t-il dit, sont légers, sont inconstants. Tout cela est fort bien ; c’est la critique banale qu’on adresse aux Français ; mais il a ajouté : C’est l’irréligion qui existe en France qui rend ce peuple si difficile à gouverner et à administrer. Je crois que l’honorable député de Tournay s’est trompé.

La révolution de juillet n’était pas hostile à la religion, mais bien à ses ministres qui, à l’aide d’une cour bigote, voulaient anéantir toutes les libertés nationales, et, comme on l’a très bien dit, placer le trône sous l’autel. Ce n’est pas contre la religion qu’on s’est déclaré, mais contre l’ambition et la cupidité des hommes d’église : ouvrez l’histoire, et vous verrez que la religion n’a jamais été menacée et mise en péril que par suite de l’ambition et des entreprises audacieuses des prêtres. Voilà ce que je voulais dire à M. Doignon.

Mais, dit la section centrale, les ministres du culte sont citoyens comme vous, ils ont les mêmes droits que vous ; pourquoi les exclure des conseils communaux ? Non, un ministre du culte n’est pas un citoyen comme un autre ; c’est un citoyen sui generis, de son espèce. Il relève d’un chef étranger ; cette sujétion est-elle commune aux autres citoyens ? Sous le rapport des privilèges il en a que n’ont pas les autres citoyens : il n’est pas garde civique, il n’est pas juré, il ne supporte pas les charges de la milice, il a enfin des privilèges inhérents à son état. Ainsi, qu’on ne dise pas que les ministres du culte doivent jouir de tous les avantages puisqu’on les déclare exempts de plusieurs charges. Ils sont citoyens, soit, mais d’une espèce mixte.

On dit : Vous ne pouvez pas faire qu’un ministre du culte qui ne reçoit pas de traitement de la commune ne soit point appelé au conseil. Si un ecclésiastique vit en effet dans une commune sans remplir les fonctions de ministre du culte, je m’en rapporte à la sagesse de la chambre pour savoir s’il doit entrer au conseil ; je lui laisse à examiner cette question d’après ce qui a été exposé de part et d’autre. Mais tout ministre qui est salarié par l’Etat, soit comme curé, soit comme vicaire, soit comme desservant, soit sous tout autre titre qu’admet la hiérarchie ecclésiastique, ne peut pas prendre part à l’administration. Lorsque vous décernez une fonction publique payée par l’Etat, la législature a bien le droit de déclarer l’incompatibilité de cette fonction avec une autre.

Vous avez déclaré l’incompatibilité des fonctions judiciaires et des fonctions administratives ; des fonctions militaires et des fonctions civiles ; eh bien ! quand vous salariez un homme comme évêque, comme curé, vous pouvez déclarer son incompatibilité à exercer des fonctions administratives.

Je le répète, messieurs c’est autant dans l’intérêt bien entendu du clergé lui-même que dans l’intérêt général que j’appuie l’amendement de M. d’Hoffschmidt.

M. Brabant. - Je crois, messieurs, que la principale des incompatibilités qu’on peut trouver entre les fonctions d’un ministre du culte et les fonctions administratives, résulte de l’impuissance où est le ministre du culte, par sa position, d’exercer certaines fonctions.

Les ministres du culte, dans les règles canoniques, sont dans l’impossibilité de remplir certaines fonctions qui peuvent échoir aux conseillers communaux.

En cas d’absence du bourgmestre et des échevins, cet officier municipal peut être remplacé par des conseillers communaux d’après l’ordre du tableau, dès lors il peut arriver qu’un ecclésiastiques, se trouvant le premier sur le tableau, soit appelé à remplacer le bourgmestre. Or, parmi les fonctions du bourgmestre, il en est deux qui sont incompatibles avec le caractère du ministre du culte.

D’abord le bourgmestre est un officier de la police judiciaire chargé de rechercher et de constater les crimes, et vous savez que devant les tribunaux, on s’est autorisé de la qualité de ministre du culte pour se dispenser des fonctions de juré.

L’autre incompatibilité résulte des articles 87 et 88 du projet du gouvernement, qui correspondent aux articles 102 et 103 du projet de la section centrale.

Voici ces articles :

« Art. 87. Dans le cas d’émeutes, d’attroupements hostiles ou d’atteintes graves portées à la paix publique, outre les moyens ordinaires de police, le bourgmestre pourra requérir directement l’intervention des gardes civiques et de l’autorité militaire pour rétablir le bon ordre. »

« Art. 88. Sur la sommation faite et trois fois répétée par le bourgmestre ou par tout autre officier de police, les perturbateurs seront tenus de se séparer et de rentrer dans l’ordre, à peine d’y être contraints par la force, sans préjudice aux poursuites à exercer devant les tribunaux contre ceux qui se seraient rendus coupables d’un fait punissable suivant les lois. »

Ainsi, vous le voyez, messieurs, le ministre du culte pourra être obligé, lorsqu’il sera appelé à remplacer le bourgmestre, à requérir la force armée pour réprimer une émeute. Cependant, messieurs, l’église abhorre le sang, et si elle ne peut le verser, elle ne peut non plus requérir qu’on le verse.

Je vote pour l’amendement de M. d’Hoffschmidt.

M. de Theux. - L’honorable préopinant vient de présenter des considérations nouvelles qui méritent un examen sérieux. Je n’ai pas assez présent à l’esprit l’ensemble de la loi communale, pour avoir une opinion formelle. Cependant, il me paraît difficile que le conseiller communal soit obligé de remplir les fonctions de bourgmestre puisque les bourgmestres ont de deux à quatre échevins.

Je dois maintenant répondre aux observations faites par divers orateurs dans l’intérêt du clergé.

Je dirai que vous n’avez pas à discuter sur ce qui convient le mieux aux ministres du culte, mais sur ce qui convient le mieux aux administrations municipales que nous sommes chargés d’organiser.

Pour ce qui concerne les intérêts des membres du clergé, c’est à eux d’apprécier ce qui leur convient de faire, quant l’intérêt des communes c’est à nous à l’apprécier.

Examinant ce qui est relatif aux intérêts des communes je conçois l’amendement de M. le ministre de l’intérieur qui écarterait du conseil communal toute personne salariée par la commune, parce que cette personne salariée pourrait avoir une influence au sein du conseil, mais je ne conçois pas un amendement dont la portée irait au-delà, et qui exclurait du conseil municipal tous les ministres du culte.

La présence d’un membre du clergé peut quelquefois être utile au conseil communal dans des circonstances particulières.

M. d’Hoffschmidt. - De théologie.

M. de Theux. - Et de bonne administration communale.

Sous ce rapport, messieurs, je ne vois pas pourquoi on exclurait formellement les membres du clergé du conseil communal.

On dit qu’ils pourront chercher à voter quelques subsides pour le culte ; je ferai à cela une réponse bien simple : la commune a-t-elle intérêt à avoir l’exercice du culte ? Cette proposition n’est pas susceptible de contradictions, et cela à tel point que l’on a proposé de faire des dépenses du culte, une dépense obligatoire de la commune en cas d’insuffisance des revenus des fabriques.

Les membres des bureaux de bienfaisance, des établissements de charité, pourront faire partie du conseil communal et cependant personne ne craint, je crois, qu’ils cherchent à faire voter des fonds pour ces établissements.

Je ferai remarquer en second lieu que les ministres du culte ne profitent pas des secours qui sont accordés pour les frais de culte, par exemple pour les réparations des églises ; ils n’ont donc aucun intérêt personnel à ce que ces secours soient votés par le conseil communal.

Quant à moi j’admettrai l’amendement de M. le ministre de l'intérieur, et je me réserve après examen ultérieur de répondre aux considérations de M. Brabant qui paraissent présenter le plus de fondement.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il paraît que l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer n’a pas été compris ainsi que je le voulais par quelques honorables membres.

J’ai été fort édifié de l’intérêt que certains membres ont témoigné pour les membres du clergé. Dans cette circonstance, quant à moi, si j’avais ma profession de foi à faire, je déclarerais sans aucune réticence que je porte aux ministres du culte un vif intérêt, parce que je les considère comme des citoyens utiles et dévoués au pays, parce que la révolution a toujours trouvé en eux ses plus chauds et ses plus constants défenseurs.

Je les défendrai encore comme offrant à l’Europe l’exemple d’hommes qui n’ont usé de la grande liberté que la constitution leur a donnée que pour faire respecter et honorer la religion. Je les citerai comme des hommes qui donnent à tous les prêtres de l’Europe l’exemple de la plus grande tolérance. C’est un fait qui mérite d’être constaté qu’il n’est pas de pays peut-être, où l’on voie aussi peu d’actes d’intolérance qu’en Belgique de la part des ministres des cultes. Nous répondrions par là aux calomnies dont les prêtres avec d’autres patriotes sont l’objet. Mais ce n’est pas là la question.

Si j’ai demandé l’exclusion des ecclésiastiques du conseil communal, c’est en raison de leur caractère de salarié, de subsidié de la commune. Ils se trouveront non sur la même ligne que les instituteurs dont il n’est pas question dans le projet, mais, que je pense qu’on doit exclure, alors qu’ils reçoivent de la commune un subside ou un salaire.

L’honorable M. Brabant a fait valoir des motifs particuliers qui sont de nature à mériter l’attention de la chambre ; mais je doute qu’ils puissent être pris en considération.

Ces motifs ont été puisés en dehors de la législation. Ce sont des motifs canoniques que nous ne reconnaissons pas, que nous ne devons pas connaître. Si des ministres du culte croient en acceptant telles fonctions civiles se placer dans une position qui doive leur susciter des embarras, des difficultés, à raison de leurs fonctions religieuses, ils les refuseront. S’ils les acceptent, ils s’arrangeront de manière à se dispenser d’exercer dans certains cas leurs fonctions ; par exemple, dans l’hypothèse de M. Brabant, s’il s’agissait de réprimer l’émeute, d’intervenir d’une manière active, le ministre du culte pourrait déléguer cette charge au conseiller suivant.

Je ferai observer en outre que l’amendement signalé par l’honorable membre se trouvera évité en fait, si la proposition du gouvernement qui exclut les ecclésiastiques des fonctions de bourgmestre et échevins est adoptée. Ils ne seront ni bourgmestres ni échevins, ils n’auront pas occasion d’exercer des fonctions en désaccord avec leurs fonctions religieuses.

Je crois que le nombre des ministres des cultes qui jusqu’ici ont été admis dans les conseils communaux est fort restreint, et j’ai la conviction que ceux qui s’y sont trouvés, se sont conduits de manière à ne pas faire regretter leur présence.

Mais, comme on l’a dit, des inconvénients qui n’ont pas encore eu lieu peuvent se présenter, et la loi dispose pour l’avenir. Par ce motif je pense qu’on doit les exclure à raison du salaire ou du subside qu’ils reçoivent de la commune ; si vous vouliez les exclure comme fonctionnaires salariés par l’Etat, vous commettriez à leur égard une injustice, car vous n’excluez pas les autres fonctionnaires salariés par l’Etat, ils sont aptes à faire partie du conseil. Vous ne pouvez pas en cela faire une exception pour les ministres des cultes.

M. d’Huart. - M. de Mérode a présenté un amendement qui rend encore mieux ma pensée que celui que j’ai présenté. Je prie M. le président d’en donner lecture.

M. le président. - Voici cet amendement :

« Les ministres des cultes rétribués par l’Etat ou la commune et en fonctions dans la commune. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je demande à dire un mot. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec mon collègue le ministre de l’intérieur, sur la question de savoir si nous devons ou non nous occuper des motifs canoniques. On s’en est occupé quand il s’est agi d’exempter les ministres des cultes des fonctions de juré et de garde civique. Pourquoi les a-t-on exemptés de ces charges ? Parce qu’on sait qu’un ecclésiastique ne peut pas siéger dans un jury, ne peut pas porter les armes. Puisqu’on a pu tenir compte des motifs canoniques pour les exempter de ces charges, on peut le faire également pour établir une exception pour les exclure, dans certains cas, des fonctions de membre du conseil communal.

Malgré les motifs énoncés par M. Brabant, je ne pense pas qu’on doive en exclure tous les ecclésiastiques quelconques.

Quant à ceux qui reçoivent un traitement de l’Etat et exercent les fonctions de curé, je crois qu’on est parfaitement dans le droit de les exclure. C’est convenable, on peut le faire sans aucune espèce d’injustice à leur égard. Je dirai même que c’est leur rendre justice, que c’est agir dans l’intérêt de la religion.

M. Dubus. - Déjà antérieurement il a été question des ministres du culte ; on a examiné les fonctions dont ils devaient être reconnus capables et celles pour lesquelles l’incompatibilité devait être prononcée. La question s’est présentée lors de la discussion de la loi provinciale. On a dit que le conseil délibérait sur les intérêts de la province et que la députation était chargée de l’administration journalière de la province. On a reconnu l’incompatibilité des fonctions actives de ministre des cultes et de celles également actives de membre de la députation de la province. Par ce motif, on a prononcé l’incompatibilité entre les fonctions de ministre du culte et de membre de la députation du conseil.

Cette exclusion n’a rien d’injurieux pour les personnes qui en sont l’objet, parce qu’elle est naturelle. Quant aux fonctions de membres des conseils provinciaux, on n’a pas prononcé d’incompatibilité, on a considéré qu’un ministre du culte est aussi apte que tout autre citoyen à venir délibérer sur les intérêts de la province. Il me paraît qu’il devait en être de même pour ce qui regarde les conseils communaux.

Un ministre du culte ne peut devenir un membre du collège des bourgmestre et échevins chargé de l’administration journalière. Mais de cette impossibilité d’exercer des fonctions administratives, actives, incompatibles avec celles de ministre du culte, il ne résulte pas qu’il ne puisse venir délibérer comme membre du conseil sur les intérêts communaux.

Aussi n’est-ce pas de ce que les deux fonctions de conseiller et de ministre du culte seraient incompatibles que l’on argumente pour prononcer. On craint l’influence des ecclésiastiques. Voilà le motif principal que l’on a mis en avant.

D’abord toutes les fois que l’on veut apporter un remède, il faut signaler le mal, il faut articuler les abus, les faits. Or, ce mal où est-il ? je ne le vois pas.

Il se trouve que dans l’état actuel de la législation, les ministres des cultes sont éligibles aux conseils communaux. Cependant je ne sache pas qu’ils aient nulle part fait partie de ces assemblées depuis que la révolution a consacré la législation actuelle. Un honorable ami, qui a été commissaire de l’un des arrondissements les plus populeux du Hainaut, m’a donné à cet égard des renseignements d’où il résulte que dans aucune des 80 communes dont se compose ce district, il n’y avait pas, pendant le terme de son administration, un seul ministre du culte qui fît partie des conseils communaux. Puisqu’ils ont pu, pendant quatre années, se servir de cette influence que l’on semble redouter si fort, et qu’ils n’ont pas cru devoir la mettre à profit, à quoi tend l’amendement, quels inconvénients prétend-il prévenir ? Dans les circonstances actuelles, disons-le franchement, il est injurieux pour les ministres du culte. C’est par ce motif seul que je m’y oppose.

Tout amendement introduit dans la loi tendant à établir l’exclusion des ecclésiastiques, exclusion que le gouvernement provisoire n’a pas cru devoir admettre, est véritablement une injustice. Je la repousse parce qu’il ferait supposer contre la vérité qu’en ce point il y a eu abus depuis la révolution ; tandis que les ministres du culte n’ont pas même usé du droit qu’ils avaient d’entrer dans le conseil.

Un honorable membre a fait valoir en faveur de cette exclusion des motifs tout à fait différents. Il a dit que les ministres des cultes, en leur qualité de conseillers communaux, pourraient être forcés d’après la loi de remplir les fonctions de bourgmestre, fonctions qui entraîneraient pour eux des devoirs incompatibles avec le caractère dont ils sont revêtus.

D’abord, vous remarquerez que le danger signalé par l’honorable orateur, si danger il y a, ne se présentera pas souvent. Il faudrait supposer à la fois l’absence du bourgmestre et des échevins, cas excessivement rare. Mais, du reste, il est certain que les ecclésiastiques faisant partie des conseils communaux ne pourraient remplir même dans ce cas les fonctions de bourgmestre, puisque la loi établit formellement leur incompatibilité à cet égard.

L’article 104 a prévu le cas, et à défaut de cet article, le simple bon sens ne ferait prendre une décision semblable. Il est évident qu’il serait absurde que l’on appelât à remplacer le bourgmestre, une personne déclarée par la loi inhabile à en remplir les fonctions.

Ainsi, les raisons mises en avant par mon honorable ami M. Brabant tombent d’elles-mêmes.

Je dirai encore quelques mots relativement à cette influence qui paraît inspirer une peur si grande à quelques membres de cette assemblée.

L’expérience que nous avons faite de la manière dont les ecclésiastiques ont usé de leurs droits devraient nous porter à les juger plus favorablement que ces honorables membres ne les jugent.

L’honorable M. d’Hoffschmidt ne veut pas introduire dans le conseil des membres qui pourraient avoir une influence trop grande sur leurs concitoyens. Il a parlé à ce sujet d’un curé fort aimé dans sa paroisse, et y joignant le tort d’employer des arguments auxquels personne dans la paroisse ne trouvait rien à répondre. Voilà certes une bien dangereuse influence. (Hilarité générale).

M. d’Hoffschmidt. - Je vous répondrai.

M. Dubus. - Mais au lieu de ce curé, je suppose un riche propriétaire, très aimé dans sa commune, un homme judicieux, usant comme le curé de M. d’Hoffschmidt, d’arguments solides, difficiles à réfuter, rendant service à tout le monde, et partant aimé de tout le monde : faudrait-il l’écarter du conseil parce qu’il y exercerait une trop grande influence ? Le cas n’est-il pas identique ? Si vous voulez prononcer des exclusions du chef de l’influence personnelle, vous avez beaucoup à prévoir dans la loi et il faudra étendre beaucoup le cercle des incompatibilités.

Enfin, pour dernier motif, on dit que c’est dans l’intérêt du sacerdoce que l’amendement est présenté. On dit que le contact fréquent des ministres du culte avec les membres du conseil, ne pourrait qu’amener leur déconsidération. C’est pour qu’ils soient considérés qu’aussitôt l’on s’empresse de provoquer leur exclusion !

Je n’ai besoin que de rappeler que le droit d’être nommé au conseil, ils l’ont depuis la fin de 1830, et je vois pas qu’ils en aient fait usage pour se déconsidérer, puisque nulle part ils n’ont fait partie des conseils communaux. Attendez donc qu’il se présente quelque abus, quelque inconvénient ; alors le législateur pourra y porter remède. Il semblerait d’après la loi que vous voulez porter qu’il y a eu des abus dont il faut empêcher le renouvellement ; et c’est pour cela que je trouve l’exclusion injurieuse.

Il y a un autre amendement ; il a pour but d’exclure du conseil toute personne qui reçoit de la commune un salaire, une rétribution. Cet amendement n’a pas le même caractère que le précédent ; ce n’est pas le ministre du culte que l’on exclut, c’est toute personne qui reçoit un salaire. Je ne suis pas à même d’apprécier si cet amendement est convenable ; toutefois c’est mal à propos qu’on présente les ministres du culte comme recevant un subside de la commune ; un article de la constitution dit que c’est l’Etat qui paie des subsides aux ministres du culte et si des communes paient encore à leur curé, elles paient la dette de l’Etat et non la leur.

Je m’oppose aux amendements de MM. de Mérode et d’Hoffschmidt. (A demain ! à demain !)

Ordre des travaux de la chambre

- Des voix. - Quel sera l’ordre du jour de demain ?

M. le président. - L’ordre du jour de demain, la chambre l’a décidé, sera la discussion de la loi sur les céréales. On a décidé que l’on interromprait la discussion de la loi communale pour s’occuper des céréales.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre sentira qu’il est impossible au gouvernement, et en particulier au ministre de l’intérieur de suspendre une discussion qui l’absorbe tout entier, pour reprendre demain une discussion non moins importante. J’avais dit au rapporteur de la section centrale sur les céréales que je soumettrais son travail à un conseil des ministres ; je voulais même que le Roi présidât ce conseil. Quoi qu’il en soit, je demande, s’il est possible dès demain, de procéder à cette discussion.

Je n’emploie pas ici une tactique pour repousser jusqu’à l’année prochaine la loi sur les céréales ; j’expose des faits. J’ajouterai que l’honorable M. Eloy de Burdinne, qui attache une grande importance à ce que la loi sur les céréales soit votée, a dit ce matin qu’il ne ferait pas d’objection si je demandais qu’on continuât la discussion sur la loi communale.

M. Legrelle. - On peut revenir sur une décision prise. Nous avions pris la décision formelle de commencer la discussion de la loi communale le 1er juillet, et cependant nous n’avons commencé que plusieurs jours après. Les motifs du ministre sont déterminants pour continuer la discussion ; il n’est pas possible de scinder la loi communale. Si nous interrompons aujourd’hui cette discussion pour la reprendre dans huit ou dix jours, tout ce que nous avons dit sera perdu ; il faudra recommencer le débat ; nous ne pouvons pas perdre ainsi notre temps.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - La chambre se rappellera que depuis longtemps elle avait demandé qu’on discuterait le titre de la loi communale relatif à l’organisation du personne : on voulait même suspendre la discussion de la loi provinciale pour discuter ce titre ; la maladie du rapporteur de la section centrale n’a pas permis de mettre cet avis à exécution, Il y avait décision à cet égard. C’est même à cause de cette décision que le gouvernement à renoncé à donner suite à un projet urgent qu’il avait présenté (la loi interprétative).

Je demande que l’on ne commence la discussion sur les céréales qu’après la délibération sur le titre premier de la loi communale. Le gouvernement se contenterait pour le moment de ce titre. La chambre verra s’il serait possible de faire une loi à part avec ce titre. L’organisation du personnel de l’administration communale est ce qu’il y a de plus important ; les attributions des conseils ne sont pas ce qu’il y a de plus pressé : les conseils actuels ont même un caractère constitutionnel.

Les attributions des conseils communaux ne sont pas ce qu’il y a de plus pressé à établir ; elles ont été réglées en vertu de l’article 137 de la constitution.

Je demande que la discussion de la loi des céréales commence après la discussion du titre premier de la loi communale relatif au personnel.

M. A. Rodenbach. - La proposition de M. le ministre de l’intérieur est acceptable, ce sera une pause que nous ferons dans la loi communale.

M. d’Huart. - La chambre savait qu’il fallait scinder la loi communale lorsqu’elle a fixé la discussion de la loi des céréales, ainsi l’inconvénient dont on parle ne doit pas nous arrêter.

Si le ministre ne nous avait pas renvoyés à une époque indéterminée, j’adopterais sa proposition.

Je demande que la discussion sur l’ordre du jour soit renvoyée à demain à l’ouverture de la séance. (Non ! non !)

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je croyais avoir présenté une proposition d’une manière assez précise pour être compris par l’honorable préopinant. Je demanderai de commencer la loi des céréales après la discussion du chapitre de la loi communale relatif à ce titre du personnel.

Je ne sais par quel motif on craint que le titre relatif au personnel de l’organisation communale soit discuté indépendamment du reste. Il faudrait cependant que la chose se fît si la chambre n’a pas le temps de discuter toute la loi. Je suis le premier à désirer, à demander que la chambre nous donne toute la loi communale. Je ne fais ma proposition, que pour le cas où il y aurait impossibilité de voter toute la loi.

Je dirai que par une résolution spéciale, la chambre a décidé qu’elle s’occuperait séparément du titre premier de la loi.

M. de Muelenaere. - Je demande la parole. (Aux voix ! aux voix ! la clôture !)

Je demande la parole contre la clôture. On ne saurait pas sur quoi clôturer la discussion. Je demande à dire un mot sur la discussion de l’amendement.

- La chambre consultée ne ferme pas la discussion.

M. de Muelenaere. - On serait tenté de croire que la chambre ne tient pas aux décisions qu’elle prend relativement à la marche de ses délibérations. Car il y a à peine quelques jours, qu’après une discussion plus ou moins longue, elle a décidé que la discussion de la loi communale serait au besoin interrompue pour commencer à jour fixe, jeudi, la discussion de la loi sur les céréales. Si cette décision n’est pas maintenue, je suis persuadé que chaque fois qu’on voudra mettre cette loi à l’ordre du jour, les mêmes difficultés se représenteront.

Il y a des personnes qui paraissent avoir une peur effroyable de la discussion de cette loi. S’ils la considèrent comme nuisible aux intérêts du pays, ils devraient en provoquer la discussion plutôt que de l’ajourner, car c’est dans la discussion qu’ils pourront faire valoir les motifs qui les portent à la rejeter. Quant à moi je suis d’une opinion différente sur les effets de cette loi, c’est précisément pour cela que je veux que l’on s’en occupe le plus tôt possible.

Tantôt on a dit qu’on ne devait pas scinder la discussion de la loi communale, pour passer à la discussion d’un autre projet de loi. Si cela était vrai, il faudrait dès à présent décider que la loi sur les céréales ne sera pas votée dans cette session. La loi communale est longue ; vous voyez combien de questions importantes elle soulève à chaque pas, et à l’époque avancé de la session, on peut craindre même qu’elle ne soit pas terminée. En supposant qu’elle pût l’être, il serait de toute impossibilité après de s’occuper de la loi sur les céréales. C’est pour cela que j’insiste pour qu’on en commence la discussion demain.

C’est pour ces motifs que j’insiste pour que l’on s’en occupe. Je ne demande pas que l’on interrompe la discussion de l’article entamé. Mais je demande que lorsqu’il sera voté l’on passe immédiatement à la loi sur les céréales.

M. le ministre des affaires étrangères (M. F. de Mérode) - Je conviens de toute l’importance de la loi sur les céréales. Mais sans la renvoyer à une sorte de calendes grecques, il me semble que l’on ne pourrait scinder sans inconvénient le titre de la loi communale qui est relatif au personnel. Il est certain que lorsque ce titre sera voté nous aurons toujours le temps de voter la loi sur les céréales.

M. Van Hoobrouck. - Je serai extrêmement court. Je n’ai pas l’habitude d’occuper les moments de la chambre. Je demande donc que l’ordre du jour qu’elle avait cru devoir fixer soit maintenu. Si la loi sur les céréales n’est pas immédiatement votée, elle deviendra inutile. je sais qu’il existe actuellement des spéculations sur cette branche de commerce. Veut-on reculer l’époque du vote de la loi pour laisser à ces spéculateurs le temps de réaliser leur entreprise ? J’espère que la chambre reconnaîtra la nécessité de maintenir sa décision.

M. Dumortier. - La question n’est pas aussi compliquée qu’on paraît le croire ; Nous ne manquons pas d’exemples parlementaires en France, en Angleterre et même dans notre pays, de la suspension à plusieurs reprises d’une loi fort longue, et de l’intercalation dans la discussion de projets reconnus urgents.

Mais faut-il, comme le demande M. le ministre, que l’on attende le vote du tire premier de la loi communale pour passer à la discussion du projet de loi sur les céréales ? Je le déclare formellement à la chambre comme ayant étudié de près la loi communale, une pareille démarche pourrait présenter les plus graves dangers. Les deux titres de la loi doivent être adoptés en même temps. Il faut se garder de faire de la loi communale deux lois différentes. La corrélation de ses deux parties est si intime que ce serait détruire la loi que de les diviser.

Dans le rapport de la section centrale, cette idée a été suffisamment développée. Mais je citerai des faits qui montreront combien il serait dangereux d’adopter un pareil système. En France on a eu à faire une loi communale ; on a cru devoir la scinder ; qu’est-il arrivé ? L’organisation du personnel a été votée ; la loi sur les attributions est encore à venir.

Cependant comme il y aurait de l’inconvénient à scinder la discussion de l’article 6, je demande que demain on termine la délibération sur cet article, et puis que l’on commence la loi sur les céréales.

M. de Theux. - J’appuie la proposition de M. Dumortier. Le sénat s’assemble mardi, on pourra lui transmettre la loi sur les céréales et ne pas l’obliger à se réunir une autre fois. Les deux chambres doivent avoir des égards l’une envers l’autre.

M. Coghen. - Je crois qu’il conviendrait de remettre jusqu’à lundi ou mardi pour savoir si le gouvernement peut adhérer au projet de loi sur les céréales. Ce délai n’est pas trop long pour prendre une détermination sur une question si importante.

M. Helias d’Huddeghem. - Je demande qu’on maintienne l’ordre du jour qui a été fixé ; il est très important que l’on s’occupe promptement de la loi des céréales ; les spéculateurs sont en train de nous fournir de grains et de se livrer à des entreprises qui feront beaucoup de tort au pays.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On vient de dire que la loi des céréales sera terminée en 2 ou 3 jours, et cependant en même temps on reconnaît que cette loi est très difficile et très importante.

Nous venons de faire un essai de discussions en matière de douanes ; la loi relative au tarif des toiles, quoiqu’elle fût loin de présenter la même importante que la loi des céréales, a absorbé au moins 8 jours. Je présume donc que ce n’est pas en 2 ou 3 jours que nous pouvons voter la loi des céréales.

On craint que le sénat en arrivant au jour fixé pour la reprise de ses séances, ne trouvant pas de travail, ne s’en retourne, comme il l’a déjà fait deux fois ; je répondrai que cela n’est pas à craindre et que le sénat aura 7 ou 8 projets dont il pourra s’occuper lorsqu’il se réunira.

Je crains, moi, de mon côté, que la loi communale que tant de fois on a déclarée urgente, ne soit pas votée, ni en tout, ni en partie, si on ne vote pas le premier titre avant la loi sur les céréales. Il est possible qu’un certain nombre de membres qui attachent à la loi des céréales une importance aussi grande, ou même plus grande qu’à la loi communale, se retirent après la discussion de la loi des céréales.

- Quelques voix. - Non ! Non !

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Messieurs, je le crains, et je pourrais citer des membres qui parlent bien fort en faveur de la loi des céréales, qui peut-être seront absents lorsqu’il s’agira de discuter la loi communale. Ainsi vous aurez bien une loi des céréales (si elle est adoptée ainsi que la propose la section centrale) ; mais vous aurez laissé le pays sans organisation communale, et par suite sans organisation provinciale. Car, je le répéterai, on ne pourra probablement pas mettre la loi provinciale à exécution avant que la loi communale ne soit votée, ou tout au moins avant que le personnel de l’administration communale soit organisé.

Je pense que d’ici à huit jours, nous aurons terminé le titre relatif au personnel ; il ne contient que 72 articles, dont quelques-uns pourront donner lieu à des longues discussions, mais dont la plupart ne sont que réglementaires et seront adoptés peut-être en une seule séance.

Nous pourrons ensuite commencer la loi des céréales.

Je repousserai de toutes mes forces tout soupçon de vouloir employer une tactique afin d’éviter la discussion de cette loi. Je répète qu’après m’être expliqué avec M. Eloy de Burdinne, qui entre tous s’est fait remarquer par la chaleur avec laquelle il demandait que la loi sur les céréales fût mise à l’ordre du jour, cet honorable membre m’a déclaré qu’il ne s’opposerait pas à ce que la discussion soit remise. J’ajoute cependant qu’il ne m’a pas dit qu’il consentirait à l’ajourner jusqu’après le vote du titre premier de la loi communale relatif au personnel. (Aux voix ! aux voix !)

- La chambre consultée ferme la discussion.

M. le président. - Diverses propositions sont faites. M. le ministre propose de fixer la discussion de la loi sur les céréales après le vote du titre de la loi communale relatif au personnel.

On propose d’un autre côté de fixer cette discussion à demain, après le vote de l’article de la loi communale dont on s’est occupé aujourd’hui.

- La proposition de M. le ministre de l’intérieur est mise aux voix et rejetée.

La seconde proposition est adoptée.

La séance est levée à cinq heures et quart.