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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 juillet 1834

(Moniteur belge n°202, du 20 juillet 1834)

(Présidence de M. Raikem)

La séance est ouverte à midi et demi,

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal.

M. H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente. Il est adopté.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître à la chambre que les pièces suivantes lui ont été adressées.

« Le sieur De Brabander, assesseur à Waesmunster, déclare fausse la pétition du conseil de régence de cette commune qui réclame contre la distraction de leur commune du canton de Lokeren pour être réunie à celui de Tamise et contre la circonscription de la province de la Flandre orientale en quatre arrondissements. Il proteste contre la prise en considération.

M. A. Rodenbach. - Il s’agit d’une pétition fausse, de la signature contrefaite d’un bourgmestre ; je demande le renvoi au ministre de la justice.

M. le président. - La pétition a été présentée par les membres du conseil de régence de Waesmunster, comme particuliers.

M. A. Rodenbach. - Je retire ma proposition.

- La pétition est renvoyée à la commission des circonscriptions cantonales.


M. H. Vilain XIIII et M. Van Hoobrouck de Fiennes demandent un congé.

- Accordé.


Le bureau du sénat informe M. le président de l’adoption par cette assemblée du projet de loi relatif aux réparations à faire aux rives de la Meuse et de l’Ourthe.

Projet de loi qui fixe l’époque de la nomination des juges de paix et de leurs suppléants

Dépôt

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) présente un projet de loi tendant à modifier la loi du 27 décembre 1833, sur la nomination des juges de paix et de leurs suppléants.

- La chambre donne acte à M. le ministre de la présentation du projet.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) demande que le projet de loi soit renvoyé à une commission.

M. Desmanet de Biesme. - Je demande que le projet soit renvoyé à la commission des circonscriptions cantonales.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je ne m’opposerais pas à la motion de M. Desmanet de Biesme, mais je craindrais que la commission des circonscriptions cantonales ne pût se constituer ; je ne sais si la majorité de cette commission, qui est composée de 18 membres, est à Bruxelles.

M. A. Rodenbach. - On peut voter la loi immédiatement.

M. le ministre de la justice (M. Lebeau) - Je n’y verrais pas d’inconvénient si le règlement ne s’y opposait pas ; je crois qu’il faut au moins que le projet soit renvoyé à une commission. Du reste, il ne s’agit pas ici d’intérêts locaux, mais d’une question de prérogatives.

M. A. Rodenbach. - Je demande que le bureau nomme une commission de cinq membres.

- Cette proposition est adoptée.

Proposition de loi visant à fixer le début de l'année budgétaire au premier juillet

Rapport de la commission

M. Milcamps dépose le rapport sur la proposition de M. Verdussen.

- Ce rapport sera imprimé et distribué.

M. Dubus demande qu’on fixe le jour de la discussion après la distribution du rapport.

- La proposition de M. Dubus est adoptée.

Rapport sur des pétitions militaires

M. le président. - M. Pollénus a la parole pour faire le rapport de la commission des pétitions, sur la pétition relative aux logements militaires.

M. Pollénus, rapporteur. - Messieurs, dit-il, je viens au nom de votre commission des pétitions vous faire le rapport d’urgence que vous avez demandé à votre séance d’hier, sur quelques pétitions contenant des plaintes sur la prolongation des logements militaires chez l’habitant, ou se rapportant au logement de la troupe.

Par pétition datée de Flavinnes le 10 juillet 1834, le conseil communal réclame contre la continuation des logements militaires forcés et contre la résolution qu’aurait prise le gouvernement de prolonger le cantonnement de la cavalerie dans les communes rurales.

Les signataires de cette pétition exposent qu’ils sont contraints de laisser leur bétail sans abri pour laisser occuper leurs écuries et étables par les chevaux de la troupe ; que les travaux prochains de la récolte réclamant le plus grand nombre de bras possible, les cultivateurs ont le plus grand intérêt à être délivrés des logements militaires qui exigent des soins et une surveillance continuels qui occupent souvent plusieurs individus dont la présence est si indispensable aux travaux de la saison.

Ils ajoutent qu’indépendamment des pertes et des sacrifices qui en résultent pour les habitants des campagnes, la discipline n’est jamais aussi active dans les communes rurales, que les militaires y sont plus du moins exigeants, plus ou moins intraitables et que leur séjour prolongé doit y faire concevoir des craintes pour les mœurs ; que la nécessité de cette charge paraît d’autant moins justifiée que la caserne de Namur est presque entièrement disponible et que les communes limitrophes de Mallone, Floreffe, Florftoux, Soye, etc., etc. ont été continuellement exemptes de ce fardeau.

Par pétition datée de Thisnes le 19 de ce mois, le conseil communal et les habitants réclament contre la prolongation du cantonnement du 2ème chasseurs à cheval et demandent que la troupe soit casernée ou, si cela n’est pas possible, qu’elle soit répartie dans les communes qui ne subissent pas habituellement le passage et les logements militaires à cause de leur situation éloignée des grandes communications ; les considérations que font valoir les pétitionnaires entre pour la plupart dans celles émises dans la pétition qui précède.

Par pétition datée de Tervueren le 9 juillet 1834, un grand nombre d’habitants demandent à être délivrés des logements militaires.

Ils exposent que depuis la révolution leur commune a dû supporter sans interruption les logements militaires forcés, tandis que des communes voisines, comme celle de Overyssche qui est plus importante que celle de Tervueren, en a constamment été exemptes. Les pétitionnaires ajoutent que plusieurs d’entre eux sont obligés de recevoir trois hommes, et que, ne pouvant les loger chez eux, ils doivent fournir ailleurs un logement qui par jour et par homme leur coûte trente centimes en sus de l’indemnité allouée par le gouvernement.

S’il y avait quelque motif particulier de conserver une garnison à Tervueren les pétitionnaires indiquent un moyen de la loger sans qu’il en résulte des sacrifices pour les habitants. « Les greniers seuls, disent-ils, qui se trouvent au-dessus des écuries sont assez vastes pour y caserner la batterie d’artillerie entière que nous logeons depuis longtemps ; de cette manière les bâtiments et écuries qui jadis nous servaient de bien-être, ne seront point la cause de notre ruine. »

Par pétition datée de Furnes le 30 mai 1834, le sieur d’Henry adresse des observations sur la nécessité d’établir une garnison dans la ville de Nieuport.

Il expose que de tout temps il y eut une garnison à Nieuport qui par sa position topographique, par ses magasins à poudre, par le matériel considérable qui se trouve dans ses arsenaux et sur ses remparts, et à cause des écluses propres à inonder les contrées environnantes, réclame impérieusement la présence d’une force militaire.

« Dans cet état de choses, dit le pétitionnaire, au moment où quelques misérables mal conseillés ou mal intentionnés pourraient enclouter les pièces de remparts, lâcher les écluses et inonder une partie de l’arrondissement de Furnes, la forteresse de Nieuport est sans moyens de défense ; il n’y a pas même de sentinelles à ses portes. »

Messieurs, votre commission des pétitions a été unanime pour reconnaître que les logements militaires chez l’habitant, indépendamment des complications de comptabilité et de l’augmentation de dépenses qui en résulte pour l’Etat, doivent être considérés comme une charge tout exceptionnelle dont la prolongation ne peut se justifier que par une impérieuse nécessité.

La loi de l’Etat qui consacre l’égalité de tous devant la loi, et qui dans plusieurs de ses dispositions témoigne de la vive sollicitude qui animait le pouvoir constituant pour la conservation de la propriété particulière et pour la défense du foyer domestiques, toutes ces dispositions protectrices seraient une lettre morte, si l’autorité militaire pouvait sans motifs graves disposer du domicile des citoyens, et par ce moyen imposer à quelques localités une charge qui est aussi nuisible aux intérêts des habitants qu’aux intérêts de l’Etat lui-même.

La pétition de Tervueren ferait penser que l’indemnité fixée par le gouvernement serait insuffisante ; la commission n’a point rencontré des éléments suffisants pour faire pour le moment une proposition à cet égard. Elle a considéré que la conduite des soldats envers les habitants entre pour beaucoup dans l’évaluation de cette indemnité, et elle aime à croire que le gouvernement ne néglige point de faire recommander au soldat les égards qu’il doit à l’habitant qui se trouve contraint à les recevoir.

Votre commission après avoir examiné les diverses dispositions sur les logements militaires, a senti tout la difficulté de déterminer des règles fixes à cet égard ; les décrets des 7 avril 1790, 10 juillet 1791 et 23 mai 1792 se trouvent aujourd’hui remplacés par un règlement du commissaire général de la guerre, porté en conséquence d’un arrêté du 26 juin 1814.

Nos recherches ne nous ont point donné la certitude que ce règlement avait été publié dans la forme ordinaire.

Quoi qu’il en soit et sans entrer dans le détail de ces dispositions, votre commission pense qu’il résulte de leur ensemble que le gouvernement n’est en droit d’imposer le logement de la troupe aux habitants que lorsqu’il y a nécessité.

L’article 212 de la loi fondamentale de 1815 portait :

« Toutes les dépenses relatives aux armées de l’Etat sont supportées par le trésor public.

« Le logement et la nourriture des gens de guerre, les prestations de quelque nature qu’elles soient, à faire aux troupes du Roi ou aux forteresses, ne peuvent être à charge d’un ou de plusieurs habitants, d’une ou de plusieurs communes.

« Si par des circonstances imprévues, de semblables prestations sont faites par des individus et par des communes, l’Etat en tient compte d’après le tarif indiqué. »

La constitution de 1830 ne répète pas cette disposition de la loi fondamentale, cependant elle n’en subsiste par moins comme la conséquence de la loi du budget et des décrets sur la matière.

L’existence d’un armistice indéfini, les moyens de logements pour la troupe qu’offrent les casernes établies dans les villes de garnison ou qui pourraient l’être dans les localités dont la situation exigeraient une garnison permanente, les camps qui se trouvent établis sur divers points du pays, nous ont paru autant de considérations qui viennent à l’appui des pétitions dont je viens de vous entretenir.

En conséquence, la commission des pétitions vous proposé, par mon organe, le dépôt de ces diverses pétitions au bureau des renseignements, afin que les membres de la chambre puissent au besoin y puiser les éléments d’une proposition à l’effet d’introduire des modifications dans la législation sur les prestations militaires, et le renvoi au ministre de la guerre, afin que le gouvernement avise aux moyens de ménager autant que possible les logements militaires chez l’habitant, mais surtout pendant les travaux de la récolte.

M. de Nef. - Les plaintes des pétitionnaires sont très fondées ; mais si les habitants de Namur et de Bruxelles se plaignent de la charge des logements militaires, à combien plus forte raison les habitants des frontières qui supportent cette charge depuis trois ans sont-ils en droit de se plaindre.

Je pense que le gouvernement ferait très bien de disposer des bâtiments propres au casernement, partout où la troupe est jugée nécessaire.

En appuyant les conclusions de la commission des pétitions, je demande le renvoi au ministère de la guerre, avec demande d’explications. Je crois même que M. le ministre de la guerre pourrait donner ces explications séance tenante.

M. Desmanet de Biesme. - Parmi les charges imposées par le département de la guerre, les cantonnements ont été une des mesures qui ont occasionnés les plus vives récriminations. Nous n’avons pu, en effet, nous rendre compte de cette mesure.

On conçoit que lorsque le pays est menacé, il y ait des cantonnements sur les frontières ; cela est très pénible, mais il y a nécessité, et la nécessité est une loi ; dans cette occasion, il faut que les frontières soient gardées ; mais que dire des cantonnements aux portes des villes qui ont des casernes suffisantes. C’est que ce sont les exigences de quelques officiers qui trouvent les casernes insuffisantes.

Les cantonnements coûtent très cher à l’Etat et ils sont une charge accablante pour l’habitant.

Dans les communes dont vous venez d’entendre les réclamations, et dont je puis parler parce que je connais les localités, presque tous les fermiers doivent mettre leurs chevaux et leur bétail en plein air pour faire place aux militaires. Les habitants ne se plaignent pas des soldats, la discipline étant assez bonne, cependant il est impossible que dans les cantonnements les troupes tiennent une discipline aussi sévère que lorsqu’elles sont casernées. Les soldats se montrent assez exigeants ; ils exigent des fermiers de la bière jusqu’à huit fois par jour. Les fermiers ont une indemnité, mais ajouteraient volontiers 4 sols par jour pour ne plus avoir de militaires chez eux.

M. le ministre de la guerre voudrait-il nous soumettre au régime suivi en Allemagne pour le logement des troupes ? Il est beaucoup de localités dont les casernes restent disponibles ; s’il n’y a pas assez de casernes que l’on fasse des baraques et que l’on évite les cantonnements.

Quant à moi je n’avais pas attendu jusqu’ici pour réclamer près du ministre de la guerre.

On dit que les habitants ne se plaignent pas, que même on a envoyé deux officiers sur les lieux pour connaître les réclamations des habitants, et que les habitants ont dit qu’ils désireraient conserver les militaires en cantonnement. Je répondrai à cela que les officiers qui ont été envoyés se sont adressés seulement à des aubergistes, à des cabaretiers, et ceux-là ont un intérêt à ce qu’il y ait des militaires en cantonnements chez les habitants.

Pour moi, messieurs, je trouve la charge des logements militaires une vexation tellement exorbitante qui si elle continue, je voterai contre toutes les allocations du ministère de la guerre.

Je demande que M. le ministre de la guerre veuille bien nous donner des explications.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Messieurs, des plaintes sans cesse renouvelées sur l’insalubrité des écuries de la cavalerie de Namur, provenant de leur adossement au rempart, de leur peu d’élévation et surtout de leur peu de largeur qui expose à de graves accidents les chevaux qui y sont placés sur deux rangs, les pertes assez nombreuses de chevaux qui en sont résultées, ont porté M. le chef de l’état-major de l’armée à me proposer de ne laisser que 450 chevaux dans ces écuries, et de répartir dans des cantonnements aux environs de la place de Namur, 500 autres chevaux, mais assez à proximité du champ de manœuvre de Ste-Croix, pour que les six escadrons puissent y être réunis, et faire leurs manœuvres d’ensemble.

J’ai donc laissé à Namur l’état-major et deux escadrons, et les quatre autres ont été cantonnés à proximité du champ de manœuvre.

Le premier dans les communes de Gembloux et de Grand-Ménil ;

Le second dans celles de Suarlée, Flavinnes et Thisnes ;

Le troisième dans celles de Moustier et Jemeppes sur Sambre ;

Le quatrième dans celles de Temploux et de Soy.

Si d’une part quelques bourgmestres m’ont demandé qu’on changeât ces troupes de cantonnements, plusieurs pétitions revêtues de la signature d’un assez grand nombre d’habitants ont sollicité qu’on les laissât dans les mêmes cantonnements.

Toutes ces demandes ont été transmises par moi à M. le chef de l’état-major général, qui a envoyé des officiers sur les lieux pour prendre des informations, et cet officier général a persisté à penser que ces cantonnements ne devaient pas être changés à cause de la facilité qu’ils offrent pour la réunion de ces quatre escadrons au champ de manœuvre.

Quant au nombre de chevaux que l’on peut placer dans les écuries de Namur, sans craindre les accidents qui m’avaient été signalés, j’avais ordonné une enquête sur le nombre exact que l’on pouvait y placer, en les séparant avec des barres, et le résultat a été qu’en mettant les chevaux sur un rang et en les barrant, les écuries ne peuvent en contenir que 411.

C’est d’après ce rapport que m’en a fait M. le général de cavalerie de Brias, que j’ai écrit à la régence de Namur pour lui proposer de faire de nouveaux arrangements aux écuries de la cavalerie.

D’un autre côté, la commission d’officiers réunie pour donner son avis sur les causes de l’ophtalmie qui régnait dans notre armée et sur les mesures à prendre pour faire cesser ce fléau, a recommandé de désencombrer les casernes et de mettre une partie des troupes en cantonnement.

Je conviens, messieurs, que le logement des troupes en cantonnement est une charge désagréable pour quelques habitants, mais il est pour d’autres un moyen de bien-être, et à un tel point que voulant faire changer les cantonnements d’un régiment établi dans les Flandres, tous les habitants ont demandé à garder les soldats qu’ils avaient.

Il est vrai que, par les mesures que j’ai prescrites, l’habitant reçoit exactement les 74 centimes qui lui sont allouées par jour et par homme, pour logement et nourriture, et que cette somme couvre bien, à cause du bas prix actuel des denrées, les dépenses qu’il est tenu de faire.

Voici l’extrait du rapport dont je viens d’avoir l’honneur de vous parler.

Ce qui excitait les plaintes des habitants pendant les années précédentes, c’était la distribution des vivres de campagne faite aux troupes logées chez l’habitant, qui ne recevait alors que vingt centimes, et qui était souvent obligé de fournir des aliments au soldat logé chez lui. Aujourd’hui les vivres de campagne ne sont distribuées qu’aux troupes campées, et toutes les troupes cantonnées paient 74 c. à l’habitant.

Il est vrai qu’il en résulte pour l’Etat une charge de 36 c. par jour, en sus de ce que le soldat coûterait en garnison ; mais ce sont des dépenses inévitables dans la situation militaire où nous nous trouvons. J’ai diminué cette charge autant qu’il m’a été possible, mais il est des limites que je ne peux franchir sans compromettre la sûreté du service.

Pour revenir à la question spéciale des cantonnements aux environs de Namur, M. le chef de l’état-major général que j’ai de nouveau consulté à ce sujet, persiste à croire que ces cantonnements ne doivent pas être changés, et que l’on ne peut mettre dans les écuries de Namur plus de chevaux qu’il n’en existe actuellement sans risquer d’en perdre une partie en les entassant dans des écuries trop étroites et trop peu aérées.

M. Quirini. - Si d’après ce que vient de dire M. le ministre de la guerre, quelques habitants considèrent les cantonnements comme un bienfait, il en est d’autres qui regardent cette charge comme la plus accablante que l’on puisse imposer.

La question soulevée par les pétitions adressées à la chambre est d’autant plus importante que, d’après la législation reconnue dans tous les temps, les communes n’ont jamais été chargées des logements militaires.

Toutes les lois en Belgique ont constamment prononcé comme une garantie, l’exemption formelle de logements militaires.

Je ne dirai rien de la loi de 1791 et de la loi de 1792, mais il existe un règlement annexe à la loi du 24 avril 1793, qui prononce formellement que les habitants ne peuvent être chargés du logement des gens de guerre, sauf le cas de nécessité absolue.

Or, quels sont les cas de nécessité absolue ? Ils sont précisés dans le règlement. Il faut, pour que les habitants supportent la charge du casernement, qu’ils n’existent pas de casernes suffisantes ; mais il faut alors que le gouvernement y pourvoie, puisque c’est le gouvernement qui doit être chargé de l’entretien et de la subsistance des troupes. Il faut que les commissaires des guerres trouvent des bâtiments pour loger les soldats, et qu’ils fassent en sorte de décharger les habitants d’une obligation qui ne leur incombe pas, et dont l’ancienne loi fondamentale les a exemptés d’une manière formelle.

J’appuie les conclusions du rapport.

M. de Longrée. - M. le ministre de la guerre vient de dire que la caserne de Namur ne pouvait plus servir ; je ferai remarquez qu’il est d’autres localités qui réclament des garnisons ; ainsi, comme on le peut savoir, on pourrait en placer à Charleroy. Je crois en conséquence qu’il n’y a pas nécessité de faire peser sur les habitants de Namur la charge dont ils se plaignent.

On a signalé les inconvénients qui peuvent résulter des logements militaires. Je ne répéterai pas ce qu’a dit M. Desmanet de Biesme ; seulement je ferai observer, en ce qui concerne les habitants de Tervuren, que depuis ils ont adressé les plaintes les plus amères au département de la guerre.

Jusqu’ici ces réclamations n’ont obtenu aucun résultat ; cependant elles sont d’autant plus fondées que les habitants de Tervuren indiquent les moyens de les exempter de logements militaires dont ils subissent la charge. Les chevaux sont logés dans les écuries du palais, il serait facile de placer les soldats dans les greniers ; de cette manière les plaintes cesseraient.

Messieurs, la ville de Ruremonde a des casernes suffisantes pour loger la cavalerie et l’infanterie ; depuis longtemps cette ville réclame un régiment en garnison ; l’an passé, j’en avais fait l’objet d’une demande spéciale au ministère de la guerre, et j’avais espéré qu’il serait fait droit à ma demande, M. le ministre m’ayant lui-même assuré qu’il avait envoyé des officiers pour s’assurer de l’état des casernes.

Ruremonde a beaucoup souffert pendant la révolution de la présence des corps-francs, corps qui, ainsi qu’on le sait, ne sont pas très disciplinés ; depuis lors elle n’a plus eu de garnison.

Je demande, puisque les habitants se plaignent des logements militaires, que M. le ministre de la guerre veuille bien avoir égard à la réclamation des habitants de Ruremonde, et qu’il place dans cette ville soit un escadron de cavalerie, soit un bataillon d’infanterie.

M. Desmanet de Biesme. - Malgré ce que vient de dire M. le ministre de la guerre, je suis persuadé que les renseignements qu’il vient de nous donner sont erronés, ou puisés à de mauvaises sources. Du temps du gouvernement français et du gouvernement hollandais, il y avait beaucoup plus de troupes dans les casernes à Namur qu’il n’y en a maintenant de cantonnées dans cette ville.

Autrefois les chevaux étaient placés sur un seul rang ; mais aujourd’hui les officiers supérieurs sont tellement exigeants, qu’ils veulent les placer sur deux rangs. Depuis longtemps il y a eu de longues discussions entre la régence de Namur et les officiers supérieurs à l’égard du logement des troupes pour lesquels ils voulaient qu’on fît des dépenses considérables.

Je pense que si M. le ministre de la guerre voulait s’entendre avec la régence de Namur, il lui serait facile d’avoir les casernes de la régence ; alors il n’y a plus rien qui s’opposerait au casernement des troupes.

M. de Quirini vient de faire voir les injustices qu’il y a de donner les charges des logements militaires à des habitants de certaines localités plutôt qu’à d’autres. Je pense que si les chefs d’état-major persistent à faire peser sur les habitants une charge aussi exorbitante, la législature fera entendre une voix très indépendante afin de réprimer l’abus.

M. le ministre de la guerre dit que l’on donne 74 centimes pour chaque logement militaire ; à Bruxelles nous avons des logements militaires, nous nous estimerions content d’en être quittes pour 1 fr. 50 c., encore les aubergistes demandent-ils jusqu’à 2 fr.

Notre armée est l’armée la plus nomade de l’Europe. Il semble qu’on se fait un plaisir de la faire voyager sans une grande nécessité.

Je connais un corps auquel un autre corps de l’armée s’est joint ; on a fait tellement voyager ce corps, que le chef n’a pas trouvé le temps de faire changer, ainsi qu’il le devait faire, les parements de ses soldats. (On rit.)

Je terminerai en priant M. le ministre de la guerre de faire imprimer et distribuer aux régences des villes ce que les habitants sont obligés de fournir aux troupes. Il faut savoir si un soldat est en droit de demander de la bière jusqu’à 8 fois dans un jour, et s’il ne pourrait se contenter d’un demi-litre ou d’un litre par jour.

Si on veut nous mettre aussi au régime suivi par les puissances du nord, je le répète, je voterai contre toutes les allocations du ministre de la guerre, pour le forcer à marcher dans une autre voie.

M. d’Hoffschmidt. - Les pétitionnaires méritent toute l’attention de la chambre. Les cantonnements, malgré ce que l’on peut dire, sont une charge on ne peut plus onéreuse.

M. le ministre a dit qu’il y avait des habitants qui se trouvaient bien des cantonnements, ce sont des aubergistes et des cabaretiers ; mais les habitants qui n’ont pas de commerce et chez qui logent des militaires redoutent très fort les cantonnements.

M. le ministre de la guerre n’a pas répondu à cette pétition d’un avocat, je crois de Nieuport, qui expose que dans cette ville frontière, où il se trouve des casernes, Il n’y a pas une seule sentinelle pour sauver la ville d’une surprise. Il me parait singulier qu’une ville, dans la position où se trouve Nieuport, n’ait pas un seul soldat. Je crois qu’on pourrait caserner des troupes dans cette ville, puisqu’il s’élève des réclamations contre les cantonnements.

Nous avons des casernes autant qu’il nous en faut ; je ne crois pas que ce soit le moment où nous ayons besoin de mettre des troupes en cantonnements ; je ne vois pas qu’il y ait à redouter un coup de main de nos ennemis, et je pense qu’au lieu de 60 à 70 mille hommes, nous pourrions nous contenter de la moitié. On ferait bien de renvoyer chez eux, pour s’occuper des récoltes, des cultivateurs qui font partie de la milice.

Je sais que c’est au gouvernement à juger des mesures relatives à l’armée ; mais puisqu’il y a des plaintes contre les cantonnements, si le gouvernement trouve que les casernes ne sont pas suffisantes, qu’il voie si on ne peut renvoyer pour les récoltes la milice de 1827 qui est sous les armes depuis 6 à 7 ans ; on pourrait aussi, il me semble, accorder des congés aux miliciens de 1828.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Je n’avais pas eu connaissance de la pétition des habitants de Nieuport, dont il vient d’être rendu compte, que déjà j’avais répondu à la régence de cette ville, qui m’avait fait la demande d’une garnison, que dès que les camps seraient levés, j’enverrais un bataillon dans cette place dont la salubrité m’était parfaitement connue.

Mais, dans l’état actuel des choses, je n’ai pu y laisser pour la garde des postes et des établissements militaires, que 600 hommes d’infanterie et 50 artilleurs qui suffisent à ce service.

Quand il a été question aux mois de mars dernier, de nous mettre sur la défensive, nous avons retiré les troupes qui se trouvaient à Nieuport, Ypres, Menin, Tournay, Mons, Charleroy, etc. Il était en effet de mon devoir d’agir ainsi. Vous devez sentir, messieurs, que dans ce moment il nous est impossible de rétablir les garnisons de ces places, quand nos troupes sont dans les camps pour compléter les instructions, et garnissent nos places frontières de la Hollande.

Nos casernes peuvent recevoir 42,000 hommes. Elles devaient contenir ce nombre de troupes d’après nos prévisions du budget de 1834, et 3 à 4,000 seulement auraient été mis en cantonnements, mais l’effectif de notre armée ayant reçu un grand accroissement dans les mois de mars et d’avril, nous avons été obligés d’augmenter le nombre des troupes cantonnées chez l’habitant ; j’espère cependant, si les événements politiques ne viennent encore y mettre obstacle, faire rentrer en garnison quelques parties de troupes qui se trouvent en cantonnement.

D’après les instructions que j’ai données pour la délivrance des permissions qui ont été accordées à dater du 16 du mois dernier, je peux donner l’assurance a la chambre qu’une partie des miliciens de 1827, a participé aux congés temporaires qui ont été accordés.

M. Pollénus, rapporteur. - Je crois devoir rendre compte à la chambre de quelques autres faits dont s’est occupée la commission des pétitions, à l’occasion de celle dont je viens de présenter le rapport.

On a dit que le camp de Castiaux qui a été construit à grands frais ne contenait que 1,500 hommes, tandis qu’il pouvait en contenir 4 à 5,000. Il est très singulier que cette dépense devienne pour ainsi dire sans résultats à cause du peu de troupes qui se trouvent dans ce camp.

Il se passe à l’égard des logements militaires quelque chose qui ferait penser que l’autorité a une singulière affection pour le logement chez l’habitant.

Je pourrais citer telle ville où par suite d’un traité également avantageux pour l’entrepreneur, le gouvernement et les habitants, il a été construit une caserne qui devait contenir 800 hommes, garnison présumée de la ville à laquelle je fais allusion. Cette caserne, d’après le cahier des charges devait être telle qu’elle pût contenir 800 hommes ; or, elle n’en contient que 600 ; il résulte de là que d’une part le cantonnement de 200 hommes est toujours à la charge de l’habitant, quand il ne devrait plus en être ainsi, que d’autre part le gouvernement paie mal à propos des frais de construction pour une caserne de 800 hommes, puisque par le fait elle n’en contient que 600.

Ce fait, je pense, est exact ; il m’a été attesté par les autorités des lieux mêmes ; et je sais qu’il en a été fait rapport à un auguste personnage qui a vu avec peine qu’il n’avait pas été fait droit aux réclamations que n’a cessé de faire depuis si longtemps la ville à laquelle je fais allusion.

D’autre part, il m’a été rapporté que plusieurs villes avaient sollicité pour qu’il leur fût assurer une garnison, s’offrant dans ce cas à approprier les locaux nécessaires, et que ces demandes n’avaient pas été accueillies par le département de la guerre. Tout cela, messieurs, n’est-il pas fait pour justifier cette assertion que l’autorité a une singulière affection pour le cantonnement de la troupe chez l’habitant ?

Pour ceux qui ne jugent pas les choses de leur cabinet, qui les ont examinées sur les lieux, comme je prie M. le ministre de le faire s’il en trouve l’occasion, il est constant que le logement militaire est très onéreux pour l’habitant. Il est certain que ni dans la province d’Anvers, comme l’a assuré M. de Nef, ni dans celle de Limbourg, qui m’est plus particulièrement connue, il n’y a un seul habitant, à l’exception peut-être d’un cabaretier ou de toute autre personne intéressée, qui réclame pour conserver les cantonnements ; que loin de là, on les considère comme le plus insupportable fléau. Je n’entrerai point dans d’autres détails, à moins que la discussion ne m’en démontre l’opportunité.

Voilà des explications qui justifient, je pense, les conclusions de la commission et qui viennent à l’appui des renseignements que vous a donnés M. Desmanet de Biesme.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Il est vrai que j’ai passé un marché pour faire construire dans la ville d’Hasselt une caserne qui devait contenir 800 hommes. Cette caserne construite, j’y ai envoyé des lits et objets de literies pour 800 hommes. J’ai été étonné d’apprendre par l’honorable rapporteur, et à l’instant même, que 600 militaires seulement y étaient logés, et que 200 étaient encore chez l’habitant. Je vais faire prendre des informations à cet égard et je tiendrai la main à ce que la caserne reçoive le nombre d’hommes qui lui est destiné.

Quant aux réclamations faites par des villes dans l’objet d’avoir une garnison, j’y ai satisfait autant que je l’ai pu. J’ai autorisé l’établissement de casernes provisoires à Diest, à Lierre, à Tournhout qui doivent avoir constamment des troupes en garnison ; je fais établir une caserne au Doel pour soulager les habitants de cette commune du logement des troupes qu’elle a elle-même réclamées pour sa sûreté. Ainsi vous voyez, messieurs qu’autant que possible, j’ai toujours mis les troupes en garnison. Je sais très bien que la dépense du cantonnement est plus coûteuse à l’Etat ; et je crois avoir assez prouvé mon désir des économies pour qu’on ne suppose pas que je le préfère au casernement.

Quant au camp de Castiaux il avait été établi pour 4,800 hommes et devait recevoir 2 régiments. L’un des régiments qui ont le plus souffert de l’ophtalmie y était destiné ; mais on a pensé que le repos lui serait salutaire et cette prévision n’a pas été trompée ; incessamment ce régiment ou un autre qu’il remplacera en garnison sera envoyé à ce camp, et avec les 2,300 hommes qui s’y trouvent déjà, il formera le nombre de troupes que doit contenir le camp de Castiaux.

M. Jullien. - Je renoncerais volontiers à la parole si j’entendais M. le ministre de la guerre annoncer qu’il fera cesser l’abus dont on se plaint, mais ce n’est pas ce que j’ai entendu. Néanmoins il est certain que le logement militaire est une charge insupportable pour l’habitant. Quelques individus, dit-on, en réclament le maintien. Je répondrai à cela que l’exception confirme la règle.

En thèse générale, le logement militaire chez l’habitant est pour lui une charge de 1 fr. 50 c. par homme pour chaque jour en sus de l’indemnité accordée par la loi. Je connais tels ménages qui pour avoir supporté cette charge pendant un mois étaient dans une véritable gêne ; ils adressaient des plaintes amères à l’autorité mais elles n’étaient pas écoutées.

En fait voilà l’état de la question. Si nous l’examinons sous le rapport du droit nous voyons que le logement militaire n’est obligatoire pour l’habitant que dans le cas de nécessité absolue. Toute la question se réduit donc à savoir s’il y a ou non nécessité. Si M. le ministre juge que cette nécessité existe, c’est une charge que l’habitant doit supporter, mais si cette nécessité n’existe pas, tout habitant a le droit de demander qu’on le décharge de cet impôt d’autant plus insupportable qu’il est continu.

On a dit que ce qui nécessitait les cantonnements c’était l’ophtalmie, et que les hommes qui en étaient atteints avaient besoin d’être isolés ; peut être est-ce là un cas de nécessité ? Cependant n’y a-t-il pas d’autre moyen de remédier à ce fléau ? Je rapporterai une circonstance qui doit être connue de M. le ministre de la guerre. Il parait que tandis que les docteurs discutaient et disputaient sur l’ophtalmie, il y avait dans Bruxelles un philanthrope qui guérissait les ophtalmistes ; c’est M. Lubin dont la chambre a dernièrement accueilli une pétition. Ce philanthrope a demande qu’on lui donnât 10 ophtalmistes sur lesquels il pût faire l’essai de son spécifique ; 10 ophtalmistes atteints de la maladie, à différents degrés, et quelques-uns assez violemment ont été confiés à ses soins. Je crois citer un fait connu de tout le monde en disant qu’ils ont été tous guéris radicalement.

Quelques soldats qui se sont rendus à la dérobée chez M. Lubin ont été également guéris.

D’après ces faits, il est bien probable que si on voulait appliquer à ce fléau le spécifique de cet homme de bien nous n’aurions pas à regretter de voir des centaines de jeunes gens plongés dans d’éternelles ténèbres, l’Etat aurait de moins à sa charge 4 ou 500 pensions de 250 fr.

Pour moi je ne puis concevoir qu’un remède aussi efficace, et dont on a fait l’épreuve sur un grand nombre de malades ne soit pas appliqué à tous ceux qui sont atteints de la même maladie.

Je me suis livré à cette digression à l’occasion de ce qu’a dit M. le ministre de la guerre : savoir que l'ophtalmie était l’un des motifs qui empêchaient de laisser les troupes dans les casernes.

Quant à la ville de Nieuport, on dit qu’elle a maintenant 60 hommes de garnison ; je crois qu’on pourrait y mettre beaucoup plus de monde.

En résultat, il faut débarrasser l’habitant de la charge du logement militaire : ou il faut en établir la nécessité ; sans cela l’habitant a le droit de se plaindre d’une charge qui pèse constamment sur lui comme en temps de guerre. Au reste, il est assez connu que c’est l’administration de la guerre qui dévore le pays ; j’aurai l’occasion de m’en expliquer lorsqu’il s’agira de demande de fonds pour ce département.

M. d’Huart. - Les honorables préopinants ont donné une grande extension à la discussion ; pour moi je me restreindrai dans un cercle plus étroit, ne m’attachant qu’à la pétition relative à la ville de Namur.

Je ne sais vraiment comment on justifiera le cantonnement des troupes dans les environs de cette ville, si on prouve que sa caserne peut contenir en hommes et en chevaux, un nombre double de celui qui s’y trouve, et que le séjour de cette caserne est très salutaire. Vous avez entendu à cet égard les observations que vous a présentées M. Desmanet de Biesme. Je regrette l’absence de M. Brabant bourgmestre de Namur ; il confirmerait ces observations ; car je lui ai entendu dire que la caserne de Namur avait contenu de 1000 à 1,100 chevaux et qu’ils se portaient à merveille.

Pourquoi donc alors ces cantonnements ? C’est uniquement parce que l’officier et le soldat le préfèrent ? L’officier reçoit une solde plus forte, il est libre pour sa tenue, tandis que dans les villes la tenue est sévère. Le soldat se trouve mieux aussi le cantonnement, sa paie est plus forte ; enfin pour tous le service est bien plus facile.

M. le ministre de la guerre a dit que l’ophtalmie exigeait l’isolement des militaires et empêchait qu’on les logeât dans les casernes. Cette observation ne peut s’appliquer à la plus salubre qu’il y ait. Jamais l’ophtalmie n’y a régné. On y envoyait même les malades des autres villes ; et à Namur ils guérissaient. Cette raison ne peut donc, je le répète, s’appliquer ici.

Je n’aurais pas pris la parole si M. le ministre de la guerre avait dit qu’il donnerait des suites à la pétition des habitants de Namur, mais je crois que M. le ministre ne doit pas s’en tenir aux renseignements que lui donnerait M. le chef d’état-major général de l’armée. C’est d’après son avis que les cantonnements ont eu lieu ; il est tout simple qu’il persiste dans sa première opinion. Il serait à désirer qu’il s’adressât à la régence de Namur laquelle sans doute n’aura pas de peine à prouver que la caserne peut contenir plus de 800 chevaux. Il sera dès lors constant que l’on peut se dispenser de faire cantonner les troupes dans les environs de la ville.

Je demande le renvoi de la pétition à M. le ministre de la guerre avec demande d’explications ultérieures.

M. A. Rodenbach. - Lorsque les troupes étaient disséminées dans le royaume, des plaintes se sont élevées dans cette enceinte même ; aujourd’hui qu’elles sont concentrées on entend encore des doléances. Il me semble cependant que le gouvernement doit savoir ce qu’il a à faire pour la sûreté du pays et que la chambre ne peut maintenant blâmer des mesures qu’elle a été la première à provoquer.

Je pense que la réclamation des habitants de Namur est fondée ; et je ne doute pas que M. le ministre de la guerre y fasse droit.

J’appuie ce qu’a dit l’honorable M. Jullien sur le fléau de l’ophtalmie et la nécessité d’y porter remède.

On a parlé du camp de Castiaux. Je demanderai à ce sujet pourquoi on a vendu les baraques de ce camp. Leur construction avait coûté 100,000 fr. ; elles ont été vendues 50,000 fr ; Pour les construire la deuxième fois, cela a coûté autant que la première ; il y a donc eu pour l’Etat une perte de 50,000 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Mon projet était de faire entretenir et conserver les baraques du camp de Castiaux, je l’avais fait pour celles de Diest, Bowel et Schilde, qui ont reçu le mois dernier les troupes destinées à y prendre position.

Mais, d’après les observations qui me furent faites par les officiers généraux et ceux du génie, sur la promptitude avec laquelle avait été construites en 1833 les baraques du camp de Castiaux, sur l’impossibilité de les conserver pendant l’hiver, sans y faire des frais énormes, et sur la possibilité même, malgré ces frais d’être obligé d’en construire de nouvelles, je me suis décidé à les faire vendre.

Les nouvelles baraques que j’ai fait construire n’ont pas coûté 100,000 fr. comme on l’a dit à l’honorable préopinant, mais bien 42,000 fr., d’après le devis que j’ai approuvé et qui n’a point été dépassé ; elles sont disposées pour contenir 4,800 hommes.

Quant à l’ophtalmie, je reçois tous les jours des rapports de plus en plus rassurants ; le mal diminue d’une manière très sensible ; j’attends la fin du mois pour faire connaître à la chambre le résultat des mesures que j’ai prises pour faire cesser ce fléau ; j’ai tout lieu d’espérer que j’aurai la satisfaction de lui annoncer que ces mesures ont été couronnées d’un plein succès.

M. Fallon. - Je viens appuyer la proposition faite par mon honorable collègue M. Desmanet de Biesme, tendant au renvoi des pétitions au ministre de la guerre avec demande d’explications, parce que les explications de M. le ministre, en ce qui concerne les cantonnements de la cavalerie dans les communes qui avoisinent la ville de Namur, ne sont nullement satisfaisantes.

A part la question du droit constitutionnel, M. le ministre doit reconnaître cette vérité que, tant dans l’intérêt du gouvernement et des habitants que dans l’intérêt des mœurs, la troupe ne doit être placée en logement chez l’habitant des campagnes que lorsqu’il y a nécessité constatée.

Or, que dit M. le ministre pour justifier cette nécessité ?

Il allègue d’abord que les casernes de la ville de Namur sont insuffisantes, et il invoque les rapports qui lui sont parvenus sur ce point, de la part de ses subordonnés.

Je regrette, avec l’honorable M. Desmanet de Biesme, que notre collègue M. Brabant ne soit pas présent, il aurait pu expliquer à la chambre comment il se fait que ces casernes ne sont plus aujourd’hui suffisantes. Je n’en connais pas bien les causes, mais j’ai ouï dire par des membres de la régence que cela provient des exigences tout à fait déraisonnables des chefs, et de ce qu’il est déjà arrivé que certains chefs, ne se plaisant pas dans cette garnison, cherchaient à en sortir en prétextant que les casernes ne convenaient pas à la cavalerie.

En fait, il est certain que ces casernes étaient suffisantes sous le gouvernement français et sous le gouvernement précédent. Il est donc difficile de croire qu’aujourd’hui elles ne peuvent plus recevoir la même garnison.

M. le ministre vous a enfin parlé d’ophtalmie, et ce motif est encore moins convenable. Je n’ai jamais ouï dire que ce fléau se soit fait sentir dans les casernes de cette ville, et je crois d’autant moins à l’exactitude de l’allégation ; que c’était précisément sur Namur que l’on évacuait les militaires affectés de cette maladie pour tenter leur guérison.

Du reste, si les casernes de Namur n’étaient pas propres au régime prescrit pour prévenir ou guérir cette maladie, ce ne serait certainement pas une raison pour faire du domicile des habitants des campagnes des infirmeries pour les ophtalmistes.

M. le ministre de la guerre (M. Evain) - Je ne m’oppose nullement au renvoi des pétitions ; je me ferai un devoir de donner à la chambre des explications d’après les nouveaux renseignements que j’aurai recueillis sur les demandes qui en font l’objet.

M. le président. - Puisqu’il n’y a pas d’opposition, les pétitions seront déposées au bureau des renseignements, et renvoyées à M. le ministre de la guerre avec demande d’explications.

Projet de loi portant le budget de l'Etat de l'exercice 1835

Dépôt

Projet de loi sur la taxe des lettres et sur l'établissement du services des postes rurales

Dépôt

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget de la dette publique, pour le service des pensions

Dépôt

Projet de loi autorisant le gouvernement à disposer d'une somme de 73,000 francs pour subvenir au fonds des non-valeurs de la contribution foncière

Dépôt

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - Messieurs, j’ai l’honneur de déposer sur le bureau, appuyé de rapports dont je donnerai lecture si vous le jugez nécessaire :

1° le budget général des dépenses du royaume pour l’exerce de 1835 ;

2° un projet de loi sur la taxe des lettres et sur l’établissement du service des postes rurales ;

3° un projet de loi portant allocation d’un crédit supplémentaire de 140,000 francs pour le service des pensions, à charge du trésor, pour l’exercice de 1833 ;

4° un projet de loi portant autorisation de disposer d’une somme de 73,000 fr. sur les fonds de 1832, pour subvenir au fonds des non-valeurs de la contribution foncière de 1831.

- La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation de ces projets de loi. Ils seront imprimés et distribués.

M. le ministre des finances (M. Duvivier) - L’impression du budget de 1835 est déjà presque terminée ; dans le courant de la semaine prochaine il pourra être distribué à MM. les membres du sénat et de la chambre des représentants.

Parmi les projets de loi que je dépose sur le bureau, il en est un dont je demanderai le renvoi à une commission, c’est celui ayant pour objet un revirement du crédit destiné à satisfaire au service des pensions à la charge du trésor pour l’exercice 1833.

La chambre considérera sans doute comme un motif d’urgence le besoin qu’éprouvent ces pensionnaires qui n’ont pu encore être payés ; elle remarquera d’ailleurs que ce projet de loi n’impose aucune nouvelle charge au trésor puisqu’il ne s’agit que d’un revirement de fonds.

Pour les autres projets de loi je ne m’oppose pas à ce qu’ils passent par la filière ordinaire des sections.

M. de Renesse. - Messieurs, je crois qu’il est urgent d’envoyer à une commission le projet relatif aux pensions que vient de présenter M. le ministre des finances. Depuis 1831 un grand nombre de Belges pensionnaires de la Prusse et de l’Autriche n’ont pu toucher leur pension, parce que le gouvernement belge n’a pas pu faire droit à des sujets prussiens et autrichiens pensionnaires de la Belgique. Il est nécessaire que cette loi soit votée pour que le gouvernement puisse entrer en relation avec la Prusse et l’Autriche pour liquider toutes ces pensions.

- La chambre consultée renvoie le projet de loi dont il s’agit à une commission et décide que cette commission sera nommée par le bureau.

Les deux autres projets sont renvoyés dans les sections.

Proposition de loi relative aux droits sur les céréales

Discussion des articles

Articles du tarif

M. le président. - Nous étions arrivés à l’article intitulé : « Drêche (orge germée), par mille kil., entrée, 25 fr. ; sortie, 25 centimes, transit, 6,40.

M. Lardinois propose un droit d’entrée de 12 fr. par last environ 2000 kil.) à la sortie, 25 centimes comme la section centrale, et pour le transit 50 centimes.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je demande la parole pour informer la chambre que j’ai fait déposer sur le bureau le rapport de la chambre de commerce d’Anvers sur le projet de la section centrale. Je me suis hâté de le faire, parce qu’en lisant ce matin un discours que je n’avais pas très bien compris hier, j’ai vu que le ministre de l’intérieur était l’objet d’assez rudes reproches, parce qu’il aurait prétendument perdu ce rapport. Il n’avait pas même été égaré. Dans l’empressement avec lequel on avait réuni les divers rapports des chambres de commerce, pour les mettre sous les yeux de la chambre on n’avait pas mis la main sur cette pièce qui se trouvait à côté des autres, sur la même table.

Le rapport original se trouve sur le bureau, à la disposition de tous les membres.

M. Dubus. - Je désirerais savoir si M. le ministre a également déposé sur le bureau les rapports des chambres de commerce de Bruges et de Gand qui sont favorables au projet de la section centrale, tandis que celui de la chambre de commerce d’Anvers est contraire au projet.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Les autres rapports, y compris ceux de Bruges et de Gand, ont été déposés dans une précédente séance, et je crois que M. de Muelenaere en a donné lecture.

M. de Muelenaere. - Les rapports de Bruges et de Gand ne se trouvaient pas parmi ceux que j’ai lus.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - J’ai déposé tout ce qui me restait de rapports. Ceux de Bruges et de Gand se trouvent probablement avec celui d’Anvers.

M. Coghen, rapporteur. - Au lieu de fixer à 25 fr. le droit d’entrée sur la drèche, il conviendra de le réduire à 17,25 mille kil., afin de conserver une juste proportion entre ce droit et celui de l’orge, maintenu par votre décision d’hier au taux de l’ancien tarif. Ainsi que j’en fis ce même jour l’observation, c’est nécessairement par inadvertance que cette dernière législation avait taxé la drèche au-dessous de l’orge, puisqu’il est notoire que la drêche n’est autre chose que de l’orge germée. Elevons-en donc plutôt le droit d’entrée : entraver l’introduction de celle préparée à l’étranger, sera le moyen le plus efficace de protéger nos séchoirs et d’augmenter l’emploi de dos combustibles.

M. A. Rodenbach. - Au lieu de drèche, il vaudrait mieux dire de l’orge germée, car dans certaines provinces, on entend par drèche de l’orge germée, et dans d’autres on entend par ce mot du résidu. Le mot drèche est une expression hollandaise, j’en demande la suppression.

M. Coghen, rapporteur. - Sachant que cette qualification de drèche était différemment interprétée dans nos provinces, j’ai cru devoir ajouter, entre parenthèses, « orge germée. » C’est la définition qu’en donne le dictionnaire de l’académie.

- Le droit de 12 fr. par l’article proposé par M. Lardinois. Il est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

Celui de 17 fr. 25 c. proposé par la section centrale est adopté.


Le droit de 25 centimes proposé par la section centrale$.


M. le président. - Pour le transit, la section centrale propose un droit de 6 fr. 40 c., et M. Lardinois propose de réduire ce droit à 50 c.

M. Dumont. - Je ne comprends pas pourquoi on propose un droit de transit de 6 fr. 40 c. sur la drèche quand on ne l’a fixé qu’à 50 c. pour le froment. Je désirerais que M. le rapporteur nous donnât quelques explications, afin que nous ne votions pas en aveugles.

M. Coghen, rapporteur. - En fixant à 6 fr. 40 c., le droit de transit sur la drèche, nous n’avons fait que suivre les errements du précédent tarif. Toutefois, je me suis assuré qu’en autorisant le transit à 50 c. simplement, il n’en pourrait résulter pour nos séchoirs de préjudice réel ; je n’hésite donc pas à me rallier à la moindre de ces taxations.

- Le droit de 50 c. pour le transit est mis aux voix et adopté.


M. le président. - « Blé noir ou sarrasin par mille kil., droit d’entrée 12 fr. 90 c., sortie, 25 c. ; transit, 2 fr. 40 c. »

M. Lardinois propose que l’entrée un droit de 10 fr. pour la sortie le même que la section centrale et pour le transit 50 c.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - On a substitué au last le poids de 1,000 kil. On a de cette manière diminué la quantité de moitié, car le last fait 2,100 kil., et ensuite au lieu de 10 fr., on fixe le chiffre du droit à 12, ce qui fait une augmentation considérable.

Je prierai M. le rapporteur de nous en donner les motifs.

M. Eloy de Burdinne. - Si le tarif hollandais a été fait contre nous, je ne vois pas pourquoi, maintenant que nous révisons la loi, nous n’y apporterions pas toutes les modifications nécessaires. Le blé noir à 12 fr. 90 c. par mille kilo., n’est pas plus imposé mais beaucoup moins qu’il ne devrait l’être, par rapport à l’impôt sur le seigle. Car c’est une denrée qu’on met dans les terrains ingrats comme les sables de la Campine dont j’ai parlé hier. Si on devait changer le chiffre proposé, ce serait plutôt pour l’élever que pour le baisser.

M. Coghen, rapporteur. - Messieurs, le droit que nous vous proposons actuellement a été calculé sur le prix moyen de 10 années consécutives et il représente 7 trois quarts p. c. ; appliqué au prix du jour, il donne 10 p. c. en faveur de notre agriculture et vous conviendrez qu’il est impossible d’accorder moins.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Il me semble qu’on ne peut pas supposer que les auteurs de l’ancienne loi se soient trompés, quand ils ont fixés le droit sur le blé noir. On doit supposer plutôt qu’ils ont eu leurs raisons pour en agir ainsi. Il en entre en très petite quantité dans le pays, et en 1831 il en est sorti plus qu’il n’en est entré. En 1832, il n’en est entré que 2 mille kil. C’est peut-être parce que les quantités importées étaient très faibles qu’on n’a pas cru devoir élever le droit d’entrée. L’élévation qu’on vous propose maintenant me paraît énorme.

M. Eloy de Burdinne. - Je ferai observer que les blés noirs nous viennent de la Hollande, et nous ne sommes pas payés pour favoriser leur industrie.

M. Dubus. - J’entends dire qu’on propose d’augmenter dans une proportion énorme le droit sur blé noir. Cependant cette assertion ne serait pas exacte, si les renseignements fournis à la section centrale l’étaient, car on dit que le droit actuel revenait à 10 fr. les 1,000 kil. Maintenant on propose de le porter à 12 fr. 90 cent. Ce droit calculé en prenant le poids de 70 kilog. pour un hectolitre revient à 90 cent. par hectolitre. On ne peut pas appeler cela un droit énorme.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Je ne sais qui a fourni ces renseignements. Mais on se dit que le blé noir est imposé à 10 fr. par 1,000 kil., on s’est trompé, car c’était 10 fr. 60 c. par last, et le last est de 2,100 kilog.

M. Verdussen. - Je demande la parole pour relever une erreur de M. le ministre de l’intérieur, qui vient de dire, que dans le précédent tarif, l’unité sur laquelle portait le droit, était le last. Je tiens en main la loi de 1833 qui rétablit le tarif qui existait en 1830, et je trouve que le blé noir est frappé d’un droit de 5 florins par mille kilos.

- Le chiffre de 10 fr. proposé par M. Lardinois est mis aux voix et rejeté.

Celui de 12 fr. 90 cent., proposé par la section centrale est adopté.

Le droit de sortie de 25 c. l’est également.

Le droit de 50 c. pour le transit proposé par M. Lardinois est ensuite adopté.


M. le président. - « Fèves et vestes par mille kilog. : droit d’entrée 10 fr. ; sortie 25 c., transit 2 fr. 10 c. »

M. Lardinois propose de fixer le droit d’entrée à 12 fr. le last, le droit de sortie à 25 cent, et le droit de transit à 50 cent.

M. Desmet. - Je demanderai à l’honorable M. le rapporteur, si dans les articles des fèves il comprend les fèves dites fèves de chevaux où s’il ne veut comprendre que les fèves légumes secs, car s’il veut y comprendre les fèves de chevaux, alors je proposerai que le droit à l’entrée soit le même que celui qui se trouve établi sur le seigle, la culture de cette espèce de fèves demande la même protection que le grain, et il se trouve aussi toujours au même prix moyen.

Vous savez, messieurs, que la quantité qui entre des pays étrangers est très considérable et fait beaucoup de tort à ce qu’on ne cultive les fèves de chevaux, comme l’agriculture l’exigerait, car cette culture entre nécessairement dans les assolements et il est connu que les fèves laissent beaucoup d’engrais dans la terre et l’amendent beaucoup ; j’ai donc l’honneur de proposer que les fèves dites fèves de chevaux soient imposées à l’entrée du même droit que le seigle, c’est-à-dire à 21 fr. 20 c.

M. Coghen, rapporteur. - Il entre si peu de fèves servant à la nourriture de l’homme, que nous n’avons eu en vue que celles qui servent à la nourriture des chevaux.

M. Eloy de Burdinne. - J’appuie la proposition de M. Desmet sur le rapport de faire payer les fèves à l’entrée au même taux que le seigle. Cette augmentation est d’autant plus motivée qu’il est bien reconnu qu’en général les fèves et vesces sont du même prix que le seigle. J’ajouterai à cette considération une autre beaucoup plus importante. On n’est pas loin de reconnaître que la quantité d’ophtalmies qu’on voit dans notre armée est le résultat du pain qu’on lui donne, fabriqué avec ces fèves maclées de froment et de seigle. Et qu’on ne croie pas qu’il n’est pas moyen de se servir des fèves pour faire du pain, il ne faut pas supposer qu’on s’apercevra du goût de la fève, moi-même j’en ai été la dupe ; j’en ai goûté et je puis assurer que les boulangers de Liége et d’autres localités s’en servent. On en fait moudre en grande quantité et on ne sait trop à quoi on l’emploierait, si ce n’était à faire du pain. On a trouvé moyen de faire disparaître le goût étranger de la fève. On n’a qu’à mettre de l’eau sur la farine pendant 15 jours.

Nous pensons que c’est une cause d’ophtalmie, parce que nous remarquons que quand on donne trop de cette denrée aux chevaux, il en résulte qu’ils deviennent aveugles. Par ce motif, je crois qu’il est plus prudent de frapper cette denrée d’un droit plus élevé que de maintenir le droit actuel.

J’ajouterai encore une autre considération. C’est que ces fèves et vesces sont le grain de l’ouvrier quand il fait la moisson. Cet ouvrier les vend. Vous devez aussi favoriser cette classe en lui facilitant la vente de cette denrée. D’ailleurs tout ce qu’on nous introduit vient de la Hollande ; sous ce rapport, je répèterai ce que j’ai dit tout à l’heure que nous ne devons pas chercher à favoriser le commerce hollandais.

Je crois donc que le droit sur les fèves doit être porté au moins au même taux que sur le seigle

M. Coghen, rapporteur. - La section centrale a cru ne pas devoir augmenter davantage le droit sur les fèves, parce qu’elles sont exclusivement employées à la nourriture des chevaux.

Il est vrai que quand le froment et le seigle sont à un prix exorbitant, on en met dans le pain, mais comme le seigle est souvent au-dessous du prix des fèves, il n’est pas à présumer qu’on emploie la farine de fève de préférence à celle du seigle qui coûterait moins !

Quant aux importations, en 1832 elles venaient des entrepôts de l’Angleterre, de la Prusse et surtout du Hanovre, la Hollande en a fournir aussi, mais dans une proportion extrêmement minime.

M. le président. - M. Eloy de Burdinne propose d’élever le droit à l’entrée sur les fèces au même taux que le seigle, c’est-à-dire à 21-40.

M. Dubus. - Je pense qu’il ne faut pas élever le droit sur la denrée dont il s’agit, puisque le résultat serait d’en augmenter encore le prix, et qu’ainsi le but de l’amendement qui est de protéger l’agriculture serait totalement manqué.

Il est de l’intérêt de l’agriculture que les denrées nécessaires à la nourriture des bestiaux ne soient pas trop élevées. La proposition de l’honorable préopinant tend à quadrupler le droit actuel et au-delà. Le droit actuel revient à 40 c. l’hectolitre, cependant le prix se tient assez élevé. Nous proposons d’élever le droit à 80 c., cela est suffisant, et je ne crois pas que nous devions l’élever dans la proposition que propose M. Eloy de Burdinne.

Si le prix de la denrée est toujours élevé, c’est parce que nous n’en récoltons pas assez pour la nourriture du bétail. Il est reconnu que la plupart des fermiers n'ensemencent leurs terres de fèces que pour la consommation de leurs fermes, et non pour en faire un objet de spéculation. Si la récolte manque, ils sont obligés d’en acheter ; si vous élevez le droit et si vous augmenter le prix, vous faites tort au cultivateur.

M. Eloy de Burdinne. - L’honorable M. Dubus paraît extrêmement porté pour les intérêts du cultivateur, car d’après ce qu’il vient de dire, il voudrait voir les produits de la terre destinés au bétail extrêmement bon marché ; mais je ferai remarquer que les cultivateurs savent toujours faire rapporter à la terre la quantité de produits nécessaire à la nourriture de leur bétail. Comme j’ai eu l’honneur de le dire, j’ai proposé mon amendement en faveur des ouvriers, employés par l’agriculteur, lesquels sont payés en nature, à tant p. c. pour faire la récolte et la serrer.

Je ne l’ai pas proposé en faveur ou en défaveur des grands agriculteurs, mais en faveur des malheureux, et je dois être convaincu que la farine de fève n’est pas étrangère à l’ophtalmie.

On a demandé pourquoi on mêle la farine de fève avec le seigle ; je répondrai que le pain dans lequel il entre de la farine de fève produit beaucoup plus que le seigle.

- L’amendement de M. Eloy de Burdinne est mis aux voix et non adopté.


M. le président. - M. Lardinois propose de fixer à 50 c. le droit de transit sur le numéro du tarif en discussion.

- Le numéro, mis aux voix par division, est adopté avec l’amendement de M. Lardinois.


M. le président. - « Avoine par 1,000 kilogrammes : droit d’entrée 15 fr., droit de sortie, 25 c., droit de transit, 1 fr. 50 c. »

MM. Lardinois et Frison proposent de fixer le droit d’entrée à 10 fr. 36 c.

M. Frison. - Messieurs, j’ai déjà eu l’honneur de vous entretenir de la détresse des voituriers et de leurs nombreuses réclamations. Pourrais-je douter de votre intention de prêter l’oreille à toutes les doléances, lorsque, pour venir au secours de l’industrie cotonnière, vous avez invité le ministère à prendre les mesures les plus efficaces à cet effet, lorsque vous venez de voter une loi en faveur de la fabrication des toiles, lorsque vous vous occupez aujourd’hui des souffrances de l’agriculture ?

Non, messieurs, vous étendrez votre sollicitude sur l’industrie des voituriers, puisqu’elle est si immédiatement en rapport avec l’agriculture ; ce n’est pas en vain qu’ils auront recours à votre justice distributive.

Augmenter le prix de l’avoine, lorsque le droit protecteur est déjà suffisant, serait aggraver la condition du voiturier sans améliorer celle du cultivateur, puisque la suite nécessaire de ce droit plus élevé sera de réduire encore le nombre des voituriers, ce qui est évidemment contraire aux intérêts de l’agriculture.

Déjà, je vous l’ai fait observer, tous les chevaux employés au roulage sont achetés chez nos fermiers qui, au point où est réduite cette industrie, trouvent peu ou point d’acheteurs pour les chevaux de trait qu’ils élèvent. Nos voituriers pourraient d’autant moins résister à une augmentation de droit sur l’avoine, que la ration journalière de chaque cheval lui coûte 1 fr. 50 c. à 2 fr. depuis plus de vingt ans, que l’avoine se vend toujours à un taux favorable au fermier. L’avoine est de toutes les céréales, celle qui entre chez nous en la plus grande quantité, ce qui prouve à l’évidence combien cette culture est insuffisante à nos besoins. L’avoine ne se cultive dans les terrains qui ne sont pas favorables au froment et au seigle, et sous ce rapport il y a peu d’espoir d’en voir augmenter la culture ; le fermier préférera toujours d’ensemencer du froment, du seigle et même de l’orge.

Tous les orateurs qui ont traité la question qui nous est soumise se sont principalement occupés du bas prix du froment et du seigle ; il est à croire que ces honorables membres ne veulent une protection plus forte que celle qui existe, là où elle n’est pas nécessaire, et c’est spécialement le cas pour l’avoine. Ces considérations, messieurs, ne me permettent pas de douter que vous n’adoptiez mon amendement et que vous ne consentirez point à porter à 75 centimes par hectolitre le droit protecteur actuel de 55 centimes qui est suffisant.

M. Eloy de Burdinne. - C’est aussi en faveur des malheureux que je demanderai de maintenir le droit à 15 fr.

Les rouliers chargés de conduire les denrées du cultivateur au marché sont payés en nature et ils reçoivent de l’avoine pour leur chevaux. Il est aussi une autre considération qui doit faire maintenir un droit plus élevé ; ce ne sont pas les fermiers exploitant une certaine quantité de terres qui vendent de l’avoine, ce sont les malheureux, les ouvriers qui font la récolte, et qui sont également payés en nature.

En outre, il faut remarquer que si nous n’avons pas assez d’avoine, c’est qu’en thèse générale, la culture de l’avoine détériore le sol ; si l’avoine haussait de prix, on en cultiverait davantage.

J’ajouterai que ce n’est pas une grande calamité que le luxe paie l’avoine un peu plus cher.

- L’amendement de M. Lardinois est adopté.


M. le président. - M. Lardinois propose de fixer le droit de transit à 50 centimes.

- Adopté.

Le numéro du tarif relatif à 1’avoine, ainsi amendé, est adopté.


M. le président. - La chambre passe aux droits sur le gruau et l’orge perlé. La section centrale propose par 1,000 kil. : droit d’entrée, 5 fr. ; de sortie, 25 c. ; de transit, 3 fr.

M. Lardinois propose droit d’entrée, 5 fr. ; de sortie, 25 c. ; de transit, 50 c.

- L’amendement de M. Lardinois est mis aux voix et adopté.


M. le président. - Projet de la section centrale : « Pain, biscuit, pain d’épices, farines ou montures de toute espèce, vermicelle, macaroni, semoule son, fécule de pomme de terre ou d’autres substances amilacées : par 100 kil. : droit d’entrée, 24 fr. ; sortie libre ; droit de transit, 18 fr.

Amendement de M. Coghen : « Pain, biscuit, pain d’épices, farines ou montures de toute espèce, son, fécule de pomme de terre ou d’autres substances amilacées : par 100 kil. : droit d’entrée, 15 fr. ; sortie libre ; droit de transit, 18 fr.

« Vermicelle, macaroni, semoule : par 100 kil. : droit d’entrée, 24 fr. ; sortie libre ; droit de transit, 18 fr. »

M. Coghen, rapporteur. - J’ai cru devoir séparer cet article en deux paragraphes. Quant au pain, farines, etc., je crois que ces produits sont suffisamment protégés par l’établissement d’un droit de 15 fr. à l’entrée. Toutefois dans l’intérêt de nos fabriques qu’il faut encourager, je crois qu’il est bien de laisser subsister le droit de 24 fr. sur le vermicelle, le macaroni et la semoule.

M. Desmet. - Je suis fâché que M. le ministre des finances ne se trouve pas dans la séance, car j’aimerais lui demander comment il arrive que dans ce moment que le droit existant sur les farines étrangères à leur entrée dans le pays est de 24 fr. les 100 kil., on les débite à raison de 19 fr. le même poids de 100 kil.

Il faut absolument qu’on fraude cette denrée, et c’est vraiment déplorable que notre administration de douanes soit si mal soignée, qu’on fraude beaucoup d’objets avec autant de facilités ; on dirait réellement qu’elle soigne plus les intérêts de l’étranger que ceux de leur pays même. Je le dis encore, je suis extrêmement fâché que M. le ministre des finances ne se trouve pas ici présent à la discussion, et vous devez trouver extrêmement étrange que dans une discussion qui touche de si près l’administration des douanes, ce ministre s’est absenté au moment qu’on la recommence.

Messieurs, je vous le dis franchement, n’ayant pas les explications que je désire avoir de M. le ministre des finances, je ne puis me décider, si je dois appuyer l’amendement qui vient de vous être présenté par l’honorable rapporteur ou si je dois conserver le droit existant qui est de 24 francs les 100 kilogrammes, car si on fraude parce que le droit de 24 fr. est trop élevé, ainsi je pense qu’on pourrait utilement le diminuer et le porter à 15 fr. comme le propose l’honorable M. Coghen, mais comme je soupçonne que la fraude se fait si facilement à cause de la négligence de la douane, et qu’il y a moyen d’y remédier, quand l’administration voudrai bien se donner la peine de la soigner, alors je pense qu’il n’y a point de nécessité de diminuer le droit sur les farines à leur entrée si fortement, et qu’il suffira de le porter à 20 fr. au lieu de 15 les 100 kilogrammes.

Car, messieurs, il me semble que nous devons avoir à l’entrée des farines étrangères un droit qui approche de la prohibition. Ce n’est pas seulement à l’agriculture que fait tort l’entrée des farines qui nous arrivent en grande quantité de l’étranger, mais aussi, elle en fait beaucoup à nos usines à moudre le grain, et ici je dois vous dire, messieurs, que ces usines ont beaucoup perdu depuis quelques années. J’ai vu le temps que nous avions une quantité de moulins pour moudre des grains, dont les farines étaient expédiées dans les pays étrangers, tandis qu’aujourd’hui nous n’avons plus de moulins qui confectionnent de la farine, pour exporter de l’étranger.

Et, messieurs, je pense aussi que la fraude diminuera beaucoup en imposant d’un même droit la fécule des pommes de terre qui, par le tarif existant, n’est pas imposée, et c’est peut-être en couvrant d’une couche de fécule de pommes de terre les tonnelettes, contenant de la farine de froment, qu’on les fait entrer sans payer de droit. Mais cependant, si la fraude se fait ainsi, on ne doit pas moins l’attribuer à la négligence de l’administration des douanes. Je présente donc, comme sous-amendement, de porter le droit à 20 fr. les 100 kilogrammes.

M. Coghen, rapporteur. - Le fait que vient de signaler l’honorable député d’Alost est exact ; il est vrai qu’il se vend de la farine au prix de 19 fr. ; et il est évident que cette farine est entrée en fraude puisque le droit d’entrée s’élève au-delà de cette somme. Je crois aussi qu’on fait passer la farine pour de la fécule de pomme de terre qui ne paie pas de droit. C’est un abus que nous n’avons plus à redouter maintenant que la fécule de pomme de terre est frappée d’un même droit que la farine.

Je persiste à penser que le droit de 15 fr. est suffisant. Quant à l’introduction des farines, elles suivront tout à fait la règle des grains. Si les grains sont prohibés à l’entrée, les farines n’entreront pas.

M. Lardinois. - Je me rallie à l’amendement de M. Coghen.

- Le chiffre de 15 fr. pour droit d’entrée, proposé par M. Coghen, est mis aux voix et adopté.


M. le président. - Je vais mettre aux voix la libre sortie.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Cette disposition serait peut-être mieux placée après le quatrième paragraphe de l’article premier qui porte que les farines ou moutures suivront le régime des grains dont elles proviennent. Ainsi l’exception viendrait après la règle.

M. Devaux. - C’est très obscur, il faudrait dire si cela s’applique au double droit que vous percevez dans certains cas, ou si cela s’applique seulement à la prohibition.

- Plusieurs voix. - A la prohibition.

M. le président. - « Sortie libre. » S’il n’y a pas d’objection, je déclare la libre sortie adoptée.


« Transit 18 fr. »

M. Lardinois propose 1 franc 50 c. de droit de transit.

M. Coghen, rapporteur. - L’ancien tarif, pour protéger nos moulins et usines, avait établi un droit de 18 fr. sur le transit des farines. Je propose de réduire ce droit à 10 fr. Ce droit suffira pour protéger nos établissements qui font la farine que nous exportons par les frontières françaises. Mais si vous admettez le transit à un droit faible, ce pourra être le coup de mort de tous ces établissements, parce que les farines étrangères traverseront notre pays, pour aller en France au grand détriment de ces établissements qui sont en très grand nombre chez nous.

M. Lardinois. - En adoptant le droit de 10 fr. par 100 kil., vous prohibez le transit des farines.

M. Eloy de Burdinne. - Certainement le gouvernement hollandais n’a pas voulu entraver le commerce, Il n’est pas de nation qui l’ait plus favorisé ; car elle cherchait à écraser toutes les industries étrangères. Cependant elle a fixé le droit de transit à 18 fr. quand le droit d’entrée n’était qu’à 24. Pourquoi serions-nous plus généreux que ne l’étaient les Hollandais ?

M. A. Rodenbach. - J’appuie la proposition de M. Coghen. Il a raison de protéger nos moulins et nos usines à la farine. Il y en a beaucoup à Menin, à Commines, à Gand. Il est prudent d’établir un droit qui protège notre commerce indigène, en lui assurant l’importation de nos farines en France. Si vous admettiez l’amendement de M. Lardinois, vous verriez arriver les farines d’Amérique, car les Américains font un immense commerce de farines et vous les verrez transiter par notre pays, au détriment du commerce belge.

- L’amendement de M. Lardinois n’est pas adopté.

Le chiffre de 10 fr. proposé par M. Coghen est adopté.


« Vermicelle, macaroni, semoule, les 100 kil. : entrée, 24 fr ; sortie libre ; transit, 10 fr. »

- Adopté.


M. le président. - Nous passons aux notes qui sont en marge du tarif :

« . Le méteil et l’épeautre sont assimilés pour les droits au froment

« Les grains en gerbes ou en épis, comme les grains, selon leur espèce.

« La taxe sur les grains en sacs est fixée à 2 p. c. du poids brut.

« Les grains importés en entrepôt obtiendront, lorsqu’ils seront réexportés par mer, exemption du droit de transit. »

- Adopté.


M. le président. - « Les moyens de vérification par pesage ou mesurage seront fournis par les intéressés ou à leurs frais ; le salaire des agents préposés par le gouvernement à cette opération ne pourra excéder 50 c. par 1,000 kilogrammes. »

- Adopté.


M. Dubus. - En comprenant dans la dernière colonne de l’article premier, les amendements de MM. Dumont et Rodenbach que vous avez adoptez, on pourra voter l’article 2 sans le modifier.

M. Coghen, rapporteur. - Les amendements de MM. Dumont et Rodenbach changent toute l’économie de la loi. Je devrai changer tout le réglementaire des articles 3, 4, 5 et 7. Je crois qu’il conviendrait de renvoyer à la section centrale, et de prier les auteurs des amendements de se joindre à elle pour s’entendre sur la rédaction.

M. de Muelenaere. - On peut adopter l’ensemble de l’article sauf rédaction.

M. Dubus. - Le renvoi que demande M. le rapporteur n’est pas nécessaire. Les amendements n’ont fait que changer le chiffre du maximum et du minimum en ajoutant, il est vrai, un chiffre intermédiaire pour la liberté d’importation, et d’autres chiffres où il y aura doublement du droit. Cela pourra faire l’objet de notes à l’article premier, sans que pour cela il soit nécessaire de modifier la rédaction des articles qui suivent.

- L’ensemble de l’article premier est mis aux voix et adopté sauf rédaction.

Article 2

« Art. 2. Lorsque le prix du froment ou celui du seigle dépassera le maximum fixé pour l’une ou l’autre espèce, l’exportation de cette espèce ainsi que de ses similaires ci-dessus désignés, cessera provisoirement d’être permise, et, tout le temps que durera cette interdiction, l’importation du grain étranger de même nature sera libre de tout droit à l’entrée.

« Les quantités de ces grains existantes alors en entrepôt, seront néanmoins admises à sortir, pour être réexportées par mer ou en transit.

« De plus, tout détenteur de grains de l’espèce aura, pendant le délai des deux jours qui suivront celui de la proclamation dont il est fait mention ci-après, la faculté d’en déclarer et effectuer immédiatement le dépôt, soit en entrepôt public, soit en entrepôt particulier, afin de conserver, à l’égard de ces marchandises, la libre faculté de les expédier, en totalité ou en partie, pour l’exportation, sous paiement du droit de sortie établi par le tarif, outre celui des frais d’entrepôt. »

M. Jullien. - Messieurs, l’article 2 en discussion renferme trois dispositions bien distinctes. La première a pour objet de régler les effets du maximum. Il est dit dans cette disposition, qu’aussitôt que le maximum fixé aura été proclamé, l’exportation du froment et du seigle sera défendue, et par contre, l’exportation sera admise sans droit.

Je n’ai rien à dire à cette première disposition, elle est la conséquence du système que vous avez adopté et Dieu veuille seulement que le pays s’en trouve bien.

La seconde disposition de l’article est celle-ci : on a prévu le cas où, lorsque le maximum sera déclaré, l’importation permise et l’exportation interdite, il se trouvera du froment et du seigle dans les entrepôts réels. D’après cette disposition, les propriétaires de céréales en entrepôt auront toujours la faculté de les exporter. Ils ne pourront pas les livrer à la consommation intérieure, mais ils auront la faculté de les exporter.

Cette disposition est infiniment juste, parce que les marchandises en entrepôt doivent être considérées comme étant à l’étranger. Il n’est pas possible d’empêcher les propriétaires d’en disposer, parce que la variation survenue dans le prix des céréales ne pourrait pas changer la condition du propriétaire. Je ne puis qu’appuyer et approuver cette disposition. Il n’en est pas de même de la troisième dont je vais avoir l’honneur de vous donner lecture et qui est celle que j’attaque.

« De plus, tout détenteur de grains de l’espèce aura, pendant le délai des deux jours qui suivront celui de la proclamation dont il est fait mention ci-après, la faculté d’en déclarer et effectuer immédiatement le dépôt, soit en entrepôt public, soit en entrepôt particulier, afin de conserver, à l’égard de ces marchandises, la libre faculté de les expédier, en totalité ou en partie, pour l’exportation, sous paiement du droit de sortie établi par le tarif, outre celui des frais d’entrepôt. »

La disposition dont je viens de vous donner lecture me paraît contraire aux véritables intérêts du consommateur. Et je crois, comme je le prouverai plus loin, qu’elle peut devenir nuisible au commerce qu’elle a voulu protéger, et pourra dans certains cas compromettre la tranquillité publique.

Quand le prix du froment et de seigle est parvenu à son maximum, que doit faire l’administration ? Elle doit par tous les moyens chercher à faire arriver la plus grande masse de grains possible dans les marchés afin de faire diminuer le haut prix de cette denrée. Cependant, par une mesure essentiellement contraire à cette institution du législateur, au moment où le maximum sera déclaré, où l’exportation des céréales sera défendue, tous ceux qui seront détenteurs de cette denrée pourront demander qu’elle soit déposée dans des entrepôts ou publics, ou particuliers.

Il pourra arriver de cette fausse mesure que des accapareurs affament le pays. Supposez des spéculateurs avides, de ces hommes qui osent faire le commerce des grains, comme il se fait quand il y a rareté de subsistances ; supposer les détenteurs$ de céréales qu’ils pourraient verser sur les marchés intérieurs. Ils demanderont la faculté d’entreposer leur marchandise. Quel sera l’effet de cette possibilité que leur donnera la loi ? Ce sera de rendre les grains livrés à la consommation beaucoup plus rares. La hausse du prix déjà considérable deviendra plus considérable encore, et le peuple souffrira de plus en plus de la disette.

Ici il ne s’agit plus de protéger le cultivateur, de veiller aux intérêts du propriétaire. Car l’honorable rapporteur de la section centrale vous l’a dit, lorsque le prix des grains est arrivé à son maximum, le cultivateur et le propriétaire retirent de la vente du produit de leurs terres des bénéfices immenses. Du moment que l’intérêt de l’industrie agricole est à couvert, il faut songer à l’intérêt du consommateur. Or adopter la mesure que consacre le troisième paragraphe de l’article 2, c’est sacrifier et le consommateur et le commerçant lui-même.

En effet, si vous adoptez ce paragraphe, vous permettez à tous les détenteurs de grains de jouir de la faculté d’entreposer leur marchandise. Aussitôt que les grains auront atteint le prix qui paraîtra leur devoir procurer d’énormes bénéfices, ils ouvriront leur grenier et verseront leur denrée dans le commerce. Ils auront donc contribué au renchérissement des grains en détournant de la masse existant dans le pays une quantité considérable. Le but de la loi se trouvera ainsi faussé, et le consommateur sera à la merci d’une avide spéculation.

Est-ce bien dans l’intérêt du commence que le troisième paragraphe est proposé ? Je crois qu’il pourrait en résulter un grand danger pour les marchands de grains, par cela seul qu’ils jouiront du bienfait de l’entreposage dans un temps de disette. Le peuple murmurera. Si les grains sont déposés dans un entrepôt public, l’attention de la multitude qui a intérêt à empêcher que les grains ne sortent du pays, se portera là. Si l’entrepôt est particulier, le commerçant sera obligé d’y apposer son nom, et cette indication suffira pour faire connaître l’endroit où seront déposées des subsistances dont la rareté se fera si vivement sentir. Je crois que la mesure proposée exposerait les détenteurs de grains à tous les inconvénients de l’effervescence populaire.

Je sais bien qu’il faudrait tâcher d’écarter de l’esprit de la multitude les préjugés qu’elle conçoit à l’égard des céréales. Nous avons tous été témoins de la stupidité des habitants de certaines villes où la disette se faisait sentir, où le peuple gaspillait les convois de céréales que le commerce lui apportait, sans songer que, loin de détruite la disette, il l’aggravait en portant l’effroi parmi les négociants qui seuls pouvaient pourvoir à sa subsistance. Je ne pense pas cependant qu’il soit possible de détruire complètement ces préjugés parce qu’ils sont profondément enracinés dans les classes inférieures, et qu’ils sont dans la nature de l’homme. Il est donc utile de veiller dans une loi de subsistances à l’intérêt des consommateurs.

Or je le trouve tout à fait compromis par la mesure dont on vous propose l’adoption. Aussi comme je suis disposé à adopter les deux premiers paragraphes de l’article 2, je demanderai la division du vote, espérant que la chambre voudra bien prendre en considération les observations que je viens de lui soumettre.

M. Donny. - J’appuie les observations de l’honorable M. Jullien.

Il me paraît que nous ne pouvons admettre le dernier paragraphe de l’article 2 parce qu’il détruirait entièrement l’effet des deux premiers, l’effet de la loi elle-même, car si vous permettez aux vendeurs de grains d’entreposer leur marchandise avec la faculté de la réexporter, vous établissez en leur faveur la levée de la prohibition dont vous avez eu l’intention de frapper les céréales lorsqu’elles sont arrivées au maximum fixé.

Il est certain qu’aussitôt que le maximum sera déclaré, le marchand de grains se prévaudra du dernier paragraphe de l’article 2 pour déposer en entrepôt les grains qu’il aura en sa possession, et il conservera ainsi la faculté de les réexporter en dépit de la prohibition, ce qui d’ailleurs ne l’empêchera pas de verser la denrée dans la consommation s’il y voit un espoir de profit. Il n’y aura pas un seul marchand de grain qui n’use du bénéfice du paragraphe 3 de l’article 2 de votre loi et qui n’élude ainsi la prohibition d’exportation. Si vous voulez maintenir celle-ci, comme l’intérêt du consommateur me paraît l’exiger, il faut nécessairement rejeter la disposition combattue par l’honorable préopinant.

M. Coghen, rapporteur. - Messieurs, la pensée qui a préoccupé et guidé la section centrale dans la rédaction du paragraphe 3 de l’article 2 est celle-ci : C’est que le commerce réclame contre toute espèce de mesures restrictives, et nous avons voulu que si, par suite du maximum, il se voyait tout à coup frappé d’interdiction dans les exportations qu’il aurait préparées, il lui restât du moins la faculté de déclarer et effectuer des entreposages, de façon à ne pas éprouver de pertes trop sensibles.

Si, cependant, l’on craint qu’une telle disposition ne soit susceptible d’aggraver, dans des temps de pénurie ou de disette, le sort du consommateur je n’insisterai pas sur le maintien du paragraphe 3, et consentirai, au contraire, très volontiers, à ce que la suppression en soit prononcée.

M. Dumont. - Il me semble que la rédaction de cet article ne se concilie pas avec les précédentes décisions de la chambre ; en effet …

M. Coghen, rapporteur. - Je suis d’accord, à cet égard avec l’honorable M. Dumont ; mais l’article ne sera adopté que sauf rédaction. Il y a d’ailleurs dans le texte une faute d’impression. Dans la première phrase de l’article, il faut « aura atteint » au lieu de « dépassera. »

- Les deux premiers paragraphes de l’article sont mis aux voix et adoptés sauf rédaction.

Le troisième paragraphe est mis aux voix et rejeté.

L’article 2 est adopté dans son ensemble.

Article 3

« Art. 3. Lorsqu’au contraire, le prix moyen de l’un ou l’autre desdits grains sera descendu au minimum fixé pour cette espèce, l’importation en consommation cessa d’être permise. Les quantités existantes alors en entrepôt ne seront admises à en sortir que pour l’exportation par mer ou transit, dont l’expédition réelle sera garantie au moyen d’acquit à caution. »

- Cet article est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art. 4. Toute quantité de grains livrée frauduleusement à la consommation, soustraite au régime de restriction ci-dessus, ou détournée même indirectement de l’exportation ou du transit déclaré, rendra, dans les cas prévus pas les deux articles précédents, le contrevenant, ainsi que le propriétaire on le détenteur, sauf leur recours l’un envers l’autre, solidairement responsables de la contravention et du paiement d’une amende égale au double de la valeur de l’objet détourné, suivant le prix du jour où le fait aura été constaté. »

M. Jullien. - Comme il s’agit ici d’une peine et même d’une peine assez grave contre les contraventions énumérées dans cet article 4, je désirerais savoir ce que l’honorable rapporteur entend par détournement « indirect » de l’exportation ou du transit déclaré.

Je conçois le détournement du transit déclaré lorsqu’on demande un acquit à caution pour transiter, et qu’on n’arrive pas par le bureau qu’on avait désigné, de même pour l’exportation, lorsqu’après avoir pris des informations et fait la déclaration, l’exportation n’a pas lieu ; mais je ne conçois pas le détournement indirect.

Quand il est question devant les tribunaux d’appliquer de telles dispositions de la loi, ils sont dans un grand embarras. Je voudrais que l’honorable rapporteur, avec ces connaissances commerciales, voulût bien nous expliquer cette expression ; car pour moi, ayant cependant quelque habitude des affaires judiciaires, je ne la comprends pas. Cette explication servira aussi aux tribunaux dans le cas où ils auraient à appliquer la loi.

M. Coghen, rapporteur. - Cet article a été rédigé par le ministre des finances. Mais d’après l’observation de M. Jullien les mots « même indirectement » me paraissent inutiles, et peuvent, je crois, être supprimés.

- La suppression des mots « même indirectement » dans l’article 4 est mise aux voix et adoptée. L’article 4 est adopté dans son ensemble.

Article 5

« Le gouvernement fera établir chaque semaine, et publier dans le Bulletin officiel, le prix moyen du froment et du seigle d’après les mercuriales qui seront, chaque samedi, formées à cet effet, par les soins respectifs des autorités communales et provinciales, qui les adresseront immédiatement à l’autorité supérieure désignée par le Roi.

« Les marchés régulateurs sont exclusivement : Arlon, Anvers, Bruges, Gand, Liége, Louvain, Namur, Mons, Hasselt et Bruxelles. »

M. Devaux. - Cet article ne dit pas sur quelle semaine devra porter la mercuriale : si ce sera sur la semaine qui vient de finir, ou sur la semaine antérieure. Je suppose qu’il y ait négligence dans les envois que devront faire les autorités communales et provinciales, sur quoi alors portera la mercuriale ? le gouvernement sera-t-il libre de l’établir sur telle semaine qu’il voudra ? Si vous laissez les choses dans ce vague, quoiqu’on fasse il s’élèvera des plaintes.

M. Coghen, rapporteur. - L’intention de la section centrale a été que le samedi de chaque semaine les mercuriales de la semaine qui finit soient formées par les soins de l’autorité locale. Elles arriveront au gouvernement le lundi, qui fera publier le mardi le prix moyen du froment et du seigle pour tout le pays.

Lorsque la loi sera publiée la première semaine qui suivra la promulgation de la loi sera la base de l’établissement de la mercuriale et de l’indication des prix régulateurs.

Article 6

« Art. 6. Lorsque, pendant deux semaines consécutive le prix moyen ainsi publié aura atteint le maximum ou baissé jusqu’au minimum prémentionnés, l’introduction provisoire prévue dans la présente loi sera proclamée par le gouvernement et sortira son effet dès le septième jour après celui de cette proclamation ; il en sera, à cette fin, adressé ampliation aux gouverneurs de chaque province. »

- Plusieurs voix. - Il y a une faute d’impression dans l’article.

- L’article est adopté avec la substitution du mot l’interdiction à la place du mot introduction.

Article 7

« Art. 7. Lorsqu’ensuite, et pendant deux semaines consécutives, le prix moyen sera redevenu inférieur au maximum ou supérieur au minimum, le rétablissement du cours ordinaire de l’exportation ou de l’importation en consommation jusqu’alors suspendu sera proclamé par la même voie. »

- Adopté.

Article 8

« Art. 8. La présente loi ne sera obligatoire que jusqu’au 30 juin 1837. »

M. A. Rodenbach. - Il me semble qu’il faudrait rendre la loi permanente ; je demande la suppression de l’article.

M. Dumont. - J’appuierai la proposition de M. Rodenbach ; j’ai déjà dit mes motifs à cet égard dans la discussion.

C’est afin de donner plus de sécurité aux agriculteurs.

M. Meeus. - J’inclinerais plutôt pour fixer le terme de la durée de la loi au 30 juin 1836. Je ferai remarquer que nous avons introduit dans la loi un système tout nouveau, dont nous n’avons aucunement l’expérience ; vous avez entendu des objections très graves contre ce système. Il faut que nous puissions revoir ce qui en sera résulté.

M. Coghen, rapporteur. - Comme il s’agissait de l’introduction d’un nouveau système en matière de céréales, il a paru nécessaire à la section centrale de limiter l’effet de la loi à trois ans, au 30 juin 1837. Je crois qu’il serait imprudent d’en agir autrement. Voyons ce que l’expérience apprendra. Si la loi est bonne, on s’empressera de la confirmer ; si on lui trouve quelques vices, on la modifiera, et si elle est reconnue mauvaise, on l’abrogera tout à fait.

M. Eloy de Burdinne. - Je ne crois pas qu’il y ait de danger à déclarer la loi stable, Si dès l’année prochaine nous lui reconnaissons des vices, chacun de nous s’empressera d’en proposer la modification ; cependant, en adoptant le système de la section centrale qui est que la loi n’ait d’effet que jusqu’au 30 juin 1837, il pourra arriver que la chambre, se trouvant très occupée, néglige de déclarer que la loi reste en vigueur, et cet oubli peut amener des calamités, des événements très graves. Si le grain se trouve à un prix élevé, on comptera sur la protection et on sera exposé à voir enlever les grains du pays en très peu de temps. Par ces motifs, je pense qu’il est prudent de rendre la loi stable.

M. Desmanet de Biesme. - Les observations faites, tant par les partisans, que par les adversaires de la loi, me font croire qu’il serait plus prudent de supprimer tout à fait l’article.

Voici les motifs qui me font pencher vers cette opinion. Il faut convenir que la loi dont il s’agit est une loi d’essai. Nos opinions ne sont pas tellement fixées que nous soyons persuadés que nous faisons une chose excellente pour l’agriculture. Je pense aussi que les adversaires du projet s’exagèrent les inconvénients qu’il doit avoir pour le commerce. Il me semble que si ces inconvénients sont reconnus dans un an ou deux, nous pourrons revenir sur ce que nous aurons fait. Mais ne lions pas la législature, laissons la chambre dans tous ses droits, en supprimant l’article.

M. Jullien. - Il est de la nature des lois de douane d’être temporaire. Il arrive très souvent des circonstances politiques qui obligent à les changer. Ainsi vouloir déclarer stable la loi actuelle, comme le demande M. Rodenbach, c’est vouloir ce qu’on n’a jamais demandé en matière de douane. Il n’y aurait pas grand inconvénient à supprimer l’article, comme il n’y en a pas à le laisser subsister. Cependant, je crois qu’il y a avantage à le conserver. Cet avantage consiste en ce que nous déclarons que nous ne mettons pas une sorte d’obstination dans un système si fortement controversé. C’est un essai que nous faisons, tout le monde le reconnaît. Fixons le terme de la révision à 1837 ; nous verrons ce qu’aura été l’expérience, si elle aura été heureuse ou non.

La section centrale a bien fait de proposer cette disposition. Je l’appuierai.

M. de Muelenaere. - L’intention de l’honorable M. Rodenbach n’a pas été de faire déclarer que la loi serait permanente, en ce sens qu’elle ne pourrait pas être modifiée. Il y aurait danger à fixer dès à présent l’époque où elle cesserait d’être obligatoire. Les inconvénients nous en ont été signalés par M. Eloy de Burdinne. Cependant, comme c’est un essai, il est bon de faire un devoir à la législature de réviser une loi qui nous occupe à une époque plus ou moins éloignée. Je crois qu’on concilierait toutes les exigences en rédigeant ainsi l’article :

« La présente loi sera révisée avant le 30 juin 1837. »

De cette manière, si des circonstances empêcheraient la chambre de s’occuper de cette révision, la loi continuerait à ressortir ses effets.

M. le ministre de l'intérieur (M. Rogier) - Elle ne serait plus obligatoire.

- L’amendement de M. de Muelenaere est mis aux voix et adopté.


M. le président. - Le vote définitif est renvoyé à lundi.

M. Coghen, rapporteur. - Je prie les auteurs des amendements de se réunir à la section centrale et à la commission d’industrie, pour s’entendre sur la rédaction.

- La séance est levée à 4 heures et demie.