Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 19 décembre 1834

(Moniteur belge n°354, du 20 décembre 1834)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dechamps procède à l’appel nominal à une heure 1/2.

M. Brixhe lit le procès-verbal de la dernière séance, la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.

« Cinq entrepreneurs de diligence et de roulage de la ville de St-Nicolas s’élèvent contre le droit d’octroi de cette ville. »

« Le sieur F. de Ruyck, soldat au 1er régiment de ligne, renvoyé du service, demande le paiement de sa solde pendant six mois et trois jours. »

« Cinq habitants de la commune de Villers demandent que l’impôt sur la bière soit réduit de moitié. »

Projet de loi accordant un crédit supplémentaire au budget du département de l'intérieur

Discussion de l'article unique

M. le président. - Le projet de loi sur lequel la chambre délibère à l’ouverture de la séance est conçu en ces termes :

« Vu la loi du 9 août 1833, n°991 ;

« Considérant que le budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1831, ayant été clos le 31 décembre dernier en vertu de l’article 404 du règlement général sur l’administration des finances, approuvé par arrêté royal du 24 octobre 1834, n°69, il importe d’aviser aux moyens de payer les dépenses de 1831, ou années antérieures, qui devaient être imputées sur les fonds alloués pour ledit exercice et qui n’ont pu l’être ;

« Considérant que l’ordre de la comptabilité semble demander que lesdites dépenses forment l’objet d’un chapitre spécial du budget de 1834 ;

« Sur le rapport de notre ministre de l’intérieur,

« Nous avons arrêté et arrêtons :

« Notre ministre de l’intérieur présentera en notre nom, à la chambre des représentants, le projet de loi dont la teneur suit :

« Art. unique. Il est alloué, au département de l’intérieur, un crédit de la somme de cent vingt-huit mille quatre cent cinquante fr. (fr. 128,450) pour l’acquit des dépenses de 1831 ou années antérieures, restant à liquider, et qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présente loi.

« Cette allocation formera le chapitre XVII, articles 1 à 10, du budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1834. »

Ce projet présenté par M. Rogier, alors ministre de l’intérieur, porte la date du 14 février 1834.

M. Zoude, rapporteur de la section centrale qui a été chargée de l’examen du projet, a conclu à l’adoption en proposant toutefois une autre rédaction ; son rapport a été présenté dans la séance du 21 novembre dernier.

Voici l’article unique proposé par la section centrale

« Il est alloué au département de l’intérieur un crédit de la somme de cent vingt-six-mille trois cent seize francs soixante-sept centimes, pour acquit des dépenses de 1831 et années antérieures restant à liquider, et qui sont détaillées dans le tableau annexé à la présente loi.

« Cette allocation formera le chapitre XVI, article 10, du budget du département de l’intérieur pour l’exercice 1834. »

Les dépenses et les services pour lesquels on demande un crédit supplémentaire sont ainsi désignés : (suit la liste des dépenses chapitre par chapitre, non reprise dans la présente version numérisée.)

- Personne ne demandant la parole sur l’ensemble de la loi, les différents paragraphes des dépenses sont soumis aux voix. Les primes sont supprimées.

A l’exception du paragraphe relatif au culte catholique (traitements ou suppléments de traitements, 10,000), tous les autres ont été adoptés sans discussion. Voici le débat qui a eu lieu sur ce paragraphe.

M. Jullien. - Jusqu’à présent je ne sais pas de quoi il s’agit ; je n’ai peut-être pas écouté. Je ne vois pas dans le rapport en quoi consiste ce supplément de traitement. On devrait nous donner des explications. Il paraît qu’il y a un an que la loi a été proposée.

M. Zoude, rapporteur. - Sous le gouvernement du roi Guillaume, le traitement d’un nouveau fonctionnaire ne commençait à courir qu’au trimestre qui suivait la nomination ; par compensation, celui qui cessait ses fonctions jouissait du trimestre entier dans lequel il les cessait. Cette règle a été changée par le régent. Il a déclaré que les traitements, pour les employés administratifs et judiciaires, commenceraient à courir à dater du premier mois qui suit la nomination, mais la cour des comptes a décidé que la règle ne s’appliquait pas au clergé.

Le clergé a fait des réclamations : nous avons accordé une somme ronde de 10,000 fr., parce que nous avons la conviction que la cour des comptes n’admettra que les réclamations fondées ; ainsi, le chiffre que nous avons posé n’est pas celui des dépenses à faire.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demanderai qu’on mette au paragraphe : « Culte catholique et culte protestant, » parce que la mesure est commune aux deux cultes.

M. Jullien. - Je désirerais bien qu’on voulût me dire pourquoi il y a nécessité de fournir ce supplément et de quelle loi on s’autorise ; car, dans le tableau remis à la chambre, tout ce que j’y vois de renseignements, c’est : « Traitements ou suppléments de traitements, 10,000 fr. »

Après avoir si bien rétribué le culte catholique dans le budget, je voudrais connaître sur quoi on se fonde pour demander un supplément. Je ne le refuserai pas si la réclamation est légale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il ne s’agit pas de nouveaux traitements. Il s’agit ici d’une question de comptabilité restée en litige entre le ministre de l’intérieur et le ministre des finances. Les employés administratifs et judiciaires qui cessent leurs fonctions dans le cours d’un mois, touchent le mois entier ; quant au culte catholique et aux autres cultes, la règle est différente. Si un ecclésiastique décède dans le courant d’un trimestre, ses héritiers ont droit au traitement du trimestre entier ; et le successeur de l’ecclésiastique décédé ne jouit que du traitement du trimestre suivant. Cette question a été agitée devant la cour des comptes, et c’est ainsi qu’elle en a donné la solution. Les réclamations pour le culte catholique s’élèvent maintenant à plus de 2,000 francs ; mais toutes les réclamations ne sont pas connues ; on présume que la totalité des demandes ne s’élèvera pas à 10 mille francs. On ne pourra disposer de ce crédit qu’autant que le droit des réclamants sera constaté. Il y a des règles à cet égard, et il est impossible de commettre aucun abus.

M. Jullien. - D’après les explications données, on comprend que les héritiers d’un ecclésiastique décédé peuvent réclamer le traitement du trimestre entier dans lequel le décès a eu lieu ; mais on ne nous dit pas si l’ecclésiastique successeur ne touche le traitement qu’au commencement du trimestre suivant. S’il touche à dater de l’époque de sa nomination, l’Etat aura payé deux fois.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je crois avoir déjà dit que l’ecclésiastique nommé dans le courant d’un trimestre n’avait droit à aucune portion du traitement de ce trimestre, et qu’il ne pouvait toucher d’honoraires qu’au commencement du trimestre suivant. C’est ainsi que la question est résolue au département de l’intérieur et à la cour des comptes.

M. Pollénus. - D’après la proposition faite tout à l’heure par M. le ministre de l’intérieur, il paraît qu’il veut rendre le supplément applicable au culte protestant comme au culte catholique ; je demanderai pourquoi on ne l’appliquerait pas aux autres cultes, au culte israélite, par exemple.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est depuis peu de temps que le culte israélite est rétribué par l’Etat ; il n’a pas de réclamations à faire.

- Les 10,000 francs mis aux voix sont adoptés.

L’article de la section centrale est adopté.

Vote sur l'ensemble

La chambre vote par appel nominal sur l’ensemble de la loi. Le projet de loi est adopté à l’unanimité par les 65 membres présents. Il sera en conséquence transmis au sénat.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre II. Des attributions municipales

Chapitre VI. De la nomination de quelques agents de l’autorité municipale
Article 122 (du projet du gouvernement) et article 120 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion est continuée sur le chapitre VI, intitulé : « De quelques agents de l’autorité municipale, » et sur l’article 122 du projet du gouvernement, correspondant à l’article 120 du projet de la section centrale.

« Art. 122 du projet du gouvernement. Les commissaires de police sont nommés et révoqués par le Roi.

« La nomination a lieu sur une liste de deux candidats présentés par le conseil municipal, auxquels le collège des bourgmestre et échevins peut en ajouter un troisième.

« Les bourgmestre et échevins peuvent, de concert avec le procureur du Roi, les suspendre de leurs fonctions pendant un temps qui ne pourra excéder quinze jours, à charge d’en donner immédiatement connaissance au gouverneur de la province. Celui-ci peut ordonner la suspension pendant un mois, à charge d’en informer dans les 24 heures les ministres de la justice et de l’intérieur. »


« Art. 120 de la section centrale. Les commissaires de police sont nommés et révoqués par le Roi.

« La nomination a lieu sur une liste de deux candidats présentés par le conseil de régence, auxquels le collège des bourgmestre et échevins peut en ajouter un troisième.

« Les bourgmestre et échevins peuvent, après avoir pris l’avis du procureur du Roi les suspendre de leurs fonctions pendant un temps qui ne pourra excéder quinze jours, à charge d’en donner immédiatement connaissance au gouverneur de la province. Celui-ci peut ordonner la suspension pendant un mois, à la charge d’en informer, dans les 24 heures, les ministres de la justice et de l’intérieur. »


Amendements proposés par M. Pollénus aux articles 120 et 121 du projet de la section centrale.

Amendement à l’article 120. « Dans les villes de 5,000 habitants et au-dessus, il sera établi un ou plusieurs commissaires de police.

« Dans les communes au-dessous de 5,000 habitants, il ne peut en être établi que sur la demande des conseils de régence.

« Les traitements à charge de la caisse communale, dont jouiront les commissaires de police seront déterminés par l’arrêté de nomination. »

Amendement à l’article 121. « Le Roi nomme et révoque les commissaires de police.

« Leur nomination a lieu sur une liste de deux candidats, présentés par le conseil de régence, auxquels la députation permanente du conseil provincial peut en ajouter un troisième.

« Le gouverneur de la province peut ordonner la suspension des commissaires de police pendant le terme d’un mois, à charge d’en informer, dans les 24 heures, les ministres de la justice et de l’intérieur. »


Sous-amendement à l’amendement de M. Pollénus, proposé par M. le ministre des affaires étrangères

« Dans les communes de 5,000 habitants et au-dessus, il peut être nommé par le Roi, après avoir entendu le conseil communal, un ou plusieurs commissaires de police. »


Sous-amendement proposé par M. Pollénus à l’amendement qu’il a déposé aux articles 120 et 121 du projet de la section centrale.

« Dans les communes, etc., il est loisible au gouvernement, après avoir entendu le conseil communal, d’établir un ou plusieurs commissaires de police. »


M. le président. - L’amendement présenté par M. Pollénus à l’article 121 du projet de la section centrale devrait, selon son auteur, précéder l’amendement à l’article 120. La chambre juge-t-elle convenable d’intervertir l’ordre de la discussion et de commencer par l’article 121 ?

M. Pollénus. - Le motif qui m’a engagé à changer l’ordre des articles présentés par la section centrale est celui-ci : c’est qu’il me semblait plus convenable de commencer par dire qu’il y a des commissaires de police avant d’établir quelles sont leurs attributions et de discuter le mode de leur organisation. J’avais déjà développé dans une séance précédente les raisons qui m’engageaient à présenter ce changement. Personne n’a réfuté le mode de classification propose par moi.

Il est d’ailleurs un autre motif qui vient à l’appui de mon opinion. Depuis 1791 jusqu’à la loi de pluviôse an VIII qui a couronné la législation française en matière de commissaire, l’ordre que je propose a été constamment observé.

M. Jullien. - Je demande la parole pour la régularité de la discussion. Lorsqu’un membre fait un amendement à un article d’un projet soumis à la chambre, c’est à lui à caser sa proposition dans l’article qu’il veut amender. Parce qu’il a plu à M. Pollénus de présenter un amendement à l’article 121, dont la discussion lui semble devoir précéder celle de son amendement à l’article 120, ce n’est pas une raison pour nous de changer l’ordre de la discussion. Ce serait une raison seulement pour M. Pollénus de changer l’économie de ses amendements.

M. Pollénus dit qu’avant d’établir que les commissaires de police seront nommés par le Roi, il convient de poser en fait qu’il y aura des commissaires de police ; je suis assez de son avis : avant de déterminer la nature des fonctions d’un individu, il faut créer ses fonctions, puisque la loi que nous discutons est une loi d’organisation. Mais il me semble alors que l’amendement de M. Pollénus à l’article 120 peut s’appliquer à l’article 121. On peut commencer par dire : « Il y aura des commissaires de police, etc. Ces commissaires de police seront nommés et révoqués par le Roi. »

Si donc il veut arranger son amendement pour l’appliquer à l’article 120, je n’y vois pas d’opposition. Mais s’il vent déranger l’ordre de la discussion, je m’y oppose.

M. Dumortier, rapporteur. - Messieurs, nous perdons un temps précieux à savoir quel article passera le premier. Cela est réellement trop futile pour occuper si longtemps une assemblée délibérante. Je demande que l’on discute l’article 121 avant l’article 120, si M. Pollénus le désire vivement, ou l’article 120 avant l’article 121, si on l’aime mieux. Cela est entièrement indifférent. Que du moins on se décide pour l’un ou pour l’autre.

- L’article 120 est mis en discussion.

Il est donné une seconde lecture de l’amendement de M. Pollénus.

M. Helias d’Huddeghem. - Je crois qu’il convient de maintenir le paragraphe de l’article 122 tel que le propose le gouvernement, c’est-à-dire, que les bourgmestre et échevins ne peuvent, que de concert avec le procureur du Roi, suspendre les commissaires de police de leurs fonctions.

Le gouvernement, comme on vous l’a déjà dit, messieurs, avait dans son projet proposé le concours du procureur du Roi par une conséquence de ce principe que les fonctions de commissaire de police sont mixtes, et qu’il serait contraire à la nature des fonctions de les ôter de la dépendance du magistrat judiciaire. En effet, l’article 9 du code d’instruction criminelle dispose que la police judiciaire sera exercée par les commissaires de police, par les maires et les adjoints-maires qui se trouvent ainsi placés sur la même ligne, ce qui résulte encore plus expressément de l’article 144 du même code conçu comme suit : « Les fonctions du ministère public près les tribunaux de police seront remplies par le commissaire du lieu où siégera le tribunal. En cas d’empêchement du commissaire de police, ou s’il n’y en a point, elles seront remplies par le maire ou par son adjoint. »

Il résulte de là que les commissaires de police, en tant qu’auxiliaires du procureur du Roi, sont exclusivement les agents du magistrat judiciaire.

Mais, en envisageant les fonctions de commissaire de police d’une manière plus générale et plus en rapport avec la police locale, dans ce cas la police préventive, quand elle est faite avec exactitude, rend aussi difficile qu’il est possible le succès des crimes et des délits ; et, sous ce rapport même, il est bon de ne pas ôter les agents de la dépendance des autorités judiciaires.

Ainsi, comme les commissaires de police sont sous la surveillance immédiate des procureurs du Roi,et qu’en leur qualité d’officiers de police judiciaire ils sont placés sur la même ligne que les bourgmestres et les échevins, il me paraît qu’il est nécessaire, qu’il est même décent que le procureur du Roi concoure avec le collège des bourgmestre et échevins à la suspension d’un fonctionnaire dont les attributions sont essentiellement mixtes.

Je me prononce donc pour le projet du gouvernement.

M. Pollénus. - Je répondrai deux mots à l’honorable M. Helias d’Huddeghem sur les observations par lesquelles il vient de combattre l’amendement que j’ai eu l’honneur de proposer.

Il ne faut pas, dit-il, soustraire le commissaire à la soumission qu’il doit au magistrat avec lequel il a tant de relations. Je ne crois pas que le droit de révocation soit ici en rapport avec cette sorte de soumission du commissaire de police à l’égard du magistrat dont il est question. Le droit de suspension n’est nullement lié à leur position hiérarchique. Si on donnait cet argument comme étant concluant, et si le procureur du Roi avait ces prérogatives, il s’en suivrait donc qu’il aurait tous les droits à l’égard des officiers judiciaires qui sont également sous son autorité. Je n’ai jamais entendu dire qu’un procureur du Roi pût en agir ainsi vis-à-vis d’un juge de paix, par exemple. Je crois devoir écarter le projet du gouvernement et maintenir l’amendement que j’ai présenté.

Car, messieurs, je vois un très grave inconvénient à déférer à deux autorités concurrentes le droit de suspension. Ordinairement, quand il arrive qu’un droit est déféré à deux autorités qui doivent agir concurremment, il est fort rare que ce droit soit convenablement observé. L’une de ces autorités s’en rapporte quelquefois à l’autre, ou il y a entre elles deux dissidences complètes. Faut-il faire dépendre un fait de cette nature de l’intervention d’un tiers qui ne pourra approuver ce qui donne lieu à la suspension. Faut-il que l’intervention de l’autorité judiciaire vienne vinculer l’intervention de l’autorité administrative ? Non, messieurs, il faut qu’une autorité supérieure intervienne.

Les relations qui existent entre les commissaires de police et les autorités locales et judiciaires étant très importantes, il serait très dangereux, messieurs, de laisser à des autorités qui sont en contact continuel avec les officiers judiciaires dont il s’agit, le droit de suspension. Il faut, je le répète, faire intervenir une autorité qui, n’étant pas en contact continuel avec eux, puisse donner son avis et sa décision en cette matière. En outre, le fonctionnaire qui aura à prononcer la suspension se trouvera gêné en ce fait qu’il aura existé et existera entre lui et le commissaire ce contact continuel dont il est question.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, dans la dernière séance dans laquelle cet article a déjà été discuté, mon honorable collègue M. le ministre des affaires étrangères a cru important pour assurer l’efficacité de la police préventive, d’accorder au collège des bourgmestre et échevins le droit de suspendre le commissaire de police sans le concert du procureur du Roi. Dans cette séance, j’avais déjà signalé l’inconvénient que cela pût avoir lieu sans ce concert ou du moins sans recours à l’autorité supérieure, alors que les commissaires de police agiraient en matière de police judiciaire.

J’avais pensé qu’on pouvait modifier l’article de manière à tout accorder. Je proposerai donc cet amendement : « à charge d’en donner sur-le-champ avis au gouverneur, qui pourra lever la suspension. » Cette faculté me semble absolument nécessaire pour que la police judiciaire ne se trouve pas entravée par une suspension imprudente dont le bourgmestre frapperait le commissaire de police. D’après cette garantie, il n’y aurait plus rien à craindre. Si le collège frappe un commissaire de police de suspension, il en est immédiatement donné communication au gouverneur, qui sur une juste réclamation du procureur du Roi peut lever la suspension. Je crois de cette façon que les intérêts de la police judiciaire et préventive se trouvent suffisamment garantis.

M. Jullien. - Je réprouverai les amendements de l’honorable M. Pollénus et de M. le ministre de l’intérieur.

En examinant l’article tel qu’il est proposé par la section centrale, je crois en vérité que cette section a fait au pouvoir la part la plus large qu’il lui était possible. D’après la disposition de l’article de la section centrale, le Roi nomme et révoque les commissaires de police. Vous avez donc déjà dans cette nomination et cette révocation une garantie qu’il sera choisi des hommes qui pourront comprendre la nature de leurs fonctions. Les commissaires de police sont des hommes de l’autorité communale, qui les paie. S’il n’en était pas ainsi, il ne pourrait pas exister de bonne police dans les communes. Dans les villes un peu populaires les commissaires de police viennent rendre compte aux bourgmestre et échevins, chaque jour et quelquefois deux fois dans le même jour, des faits dont ils ont connaissance et qui intéressent l’autorité locale. Il est donc positif que ces officiers judiciaires sont placés sous la surveillance des bourgmestre et échevins.

On propose de laisser au collège des bourgmestre et échevins la faculté de suspendre pendant 15 jours un commissaire de police. Et c’est avec raison, car qui peut mieux que le conseil de régence, qui est en relations journalières avec le commissaire de police, juger la nécessite de la suspension ? Les relations des commissaires de police avec le pouvoir exécutif, avec le procureur du Roi, sont très rares. Elles n’ont lieu que quand le procureur du Roi a besoin de l’assistance de la police communale pour poursuivre tel ou tel délit spécial qui lui est dénoncé. Mais la police journalière de la commune, le commissaire de police, est sous la main de l’autorité communale. C’est cette autorité qui est la première juge de la nécessité qu’il peut y avoir de le suspendre.

La section centrale, par considération pour les relations que le commissaire de police peut avoir avec le ministère public, propose de ne prononcer sa suspension qu’après avoir pris l’avis du procureur du Roi. Il y a déjà là toute garantie. La section centrale propose en outre de donner à la députation provinciale la faculté de suspendre un commissaire de police pendant un mois, à charge d’en donner avis au gouvernement.

Il me semble qu’avec des garanties aussi bien et aussi clairement établies dans la loi, il n’y a pas lieu d’adopter des amendements qui tendraient à faire plus large encore la part du pouvoir exécutif.

M. le ministre de l’intérieur semble avoir senti cette vérité, car il adopte en son entier la proposition de la section centrale. Seulement, il voudrait qu’après les mots : « à charge d’en donner immédiatement connaissance au gouverneur de la province » on ajoutât : « qui pourra lever la suspension. »

Je m’oppose à cet amendement, parce que si vous l’adoptez, vous détruisez tout l’effet du droit de suspension que vous accordez à la régence. Quand une régence, par des motifs tirés de la sûreté et de la sécurité des habitants et de la connaissance directe qu’elle a de l’inconduite de tel commissaire de police, aura prononcé sa suspension pendant quinze jours,vous voudriez que le gouverneur, qui ne connaîtra pas comme la régence les motifs qui ont déterminé la mesure, pût lever la suspension ! Ce serait un démenti formel donné à la régence qui ne prendrait pas une mesure semblable vis-à-vis d’un agent qui jouit de quelque considération, sans y avoir mûrement réfléchi. Elle se trouverait avec raison offensée par la levée de la suspension. La régence aurait dit : M. un tel est suspendu de ses fonctions de commissaire de police, et le gouverneur répondrait : La suspension est levée

Il y aurait évidemment conflit entre les deux autorités. Mieux vaudrait refuser à la régence le droit de prononcer la suspension d’un commissaire de police que d’accorder au gouverneur de la province la faculté de la lever. On ne peut pas ainsi abandonner au caprice ou à la mauvaise volonté d’un gouverneur qui ne s’entendrait pas avec une régence, le droit de détruire une décision de l’autorité communale. Il y aurait là quelque chose de choquant et de défectueux. Je m’opposerai donc à la proposition de M. Pollénus et à celle de M. le ministre de l’intérieur. Je voterai pour l’article de la section centrale.

M. de Nef. - Il est très vrai de dire que les commissaires de police sont en même temps agents du gouvernement et agents des communes. Mais, par cette raison, ne conviendrait-il pas que la moitié de leur traitement fût mise à la charge du gouvernement ? Il me semble que ce serait de toute justice.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ferai remarquer que nous n’en sommes pas encore à l’article relatif au traitement des commissaires de police. Quand nous discuterons cet article, l’honorable préopinant pourra, s’il le juge convenable, présenter sa proposition.

je dirai cependant que, dans mon opinion, le traitement de ces fonctionnaires doit rester tout entier à la charge des communes.

J’aurai quelque chose à répondre à ce que vous a dit l’honorable M. Jullien.

Ainsi que l’a dit dans une précédente séance M. le ministre des affaires étrangères, il faut que les bourgmestres et échevins puissent, quand un commissaire de police manque à ses devoirs le suspendre sur-le-champ ; il ne faut pas que l’autorité communale ait besoin de l’intervention du gouverneur.

Messieurs, il ne faut pas se tromper sur les faits. Les commissaires de police ont, il est vrai, des fonctions mixtes ; ils sont les agents de la police locale et de la police judiciaire. Mais voyons les choses comme elles se passent réellement. Les fonctions du commissaire de police comme agent de la police locale sont des fonctions de tous les jours, tandis que celles d’agent de la police judiciaire ne sont que momentanées, et il ne les exerce que par exception.

Quand on a voulu établir des officiers de police judiciaire, on a trouvé les commissaires fiscaux qui étaient des agents communaux ; le pouvoir s’est emparé de ces agents et leur a déféré les fonctions de police judiciaire. Ils ne sont devenus agents de la police judiciaire que parce qu’on les a trouvés sous la main, mais ils étaient d’origine municipale. Puisque les fonctions de ces agents sont des fonctions municipales, il ne faut pas que l’autorité supérieure puisse venir contrecarrer les mesures que la commune peut prendre vis-à-vis de ceux qui en sont revêtus, dans l’intérêt de la sûreté et de la sécurité de la commune.

J’admets qu’on donne au gouverneur le droit de suspendre ce fonctionnaire quand il le trouve utile, mais je n’admets pas avec M. le ministre de l’intérieur qu’on doive donner au gouvernement la faculté de lever une suspension prononcée par la régence, afin que la police judiciaire ne soit pas entravée. Si le collège suspend un commissaire de police, il ne faut pas penser que la police judiciaire soit entravée pour cela ; tout rentre alors dans l’ordre établi pour les communes où il n’y a pas de commissaire de police.C’est un échevin qui en remplit les fonctions.

On peut donc, sans craindre d’entraver le service, adopter la proposition de la section centrale qui, comme l’a dit l’honorable M. Jullien, a fait assez grande la part du gouvernement.

- Plusieurs voix. - La clôture ! la clôture !

M. Smits. - Je crois remarquer une lacune dans l’article que nous discutons. Il est dit dans cet article que les commissaires de police sont nommés et révoqués par le Roi. Il y a dans les villes maritimes des fonctionnaires qui sont chargés de la police, et qu’on appelle baillis maritimes. Leurs fonctions ne sont pas aussi étendues que celles des commissaires de police. Leur action ne s’étend que sur les gens de mer. Ne serait-il pas utile de dire dans l’article : « Les commissaires de police et les baillis maritimes sont nommés et révoqués par le Roi ? »

Si vous ne le faisiez pas, ces fonctionnaires, qui sous certains rapports sont agents de l’autorité judiciaire, seraient nommés et révoqués par les régences.

M. Donny. - Je ne sais comment on doit considérer le bailli maritime d’Anvers, mais celui d’Ostende n’est autre chose qu’un simple commissaire de police. Sa qualité a été expliquée dans ce sens par un arrêté royal qui, sur la demande du conseil de régence d’Ostende, déclare que le bailli maritime n’a jamais été qu’un simple commissaire de police dans les attributions duquel on a mis la police du port.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Les baillis maritimes remplissent deux espèces de fonctions. D’abord, en qualité de baillis maritimes, ils exercent des fonctions qui leur sont déférées par des lois spéciales ; mais, indépendamment de cela, ils sont encore commissaires de police. Ils exercent la police administrative et judiciaire dans un rayon déterminé par l’arrêté de leur institution. Il en est ainsi à Ostende et à Anvers. Ils sont agents de la police administrative et judiciaire pour les habitants qui demeurent dans le rayon déterminé par l’arrêté de leur institution, rayon qui se borne ordinairement à ce qu’on appelle le port. Ils exercent quelquefois d’autres fonctions résultant des règlements sur la marine et la navigation.

Dans toutes les villes où il existe des baillis maritimes, ce fonctionnaire a la double qualité de bailli maritime et de commissaire de police ; il est toujours nommé par le pouvoir exécutif. Il n’en est pas moins vrai que si on considère le bailli comme commissaire de police, il doit être nommé par le pouvoir exécutif ; il doit l’être à plus forte raison en sa qualité de bailli maritime, puisqu’à ce titre il n’a aucun rapport avec la régence, avec l’administration communale. Je pense donc que l’amendement de M. Smits ne présente aucun inconvénient, qu’il lève au contraire tous les doutes qui pourraient exister à cet égard.

- L’amendement de M. Smits consistant à ajouter au paragraphe premier de l’article 122 du projet du gouvernement les mots : « et les baillis maritimes » et après ceux « les commissaires de police, » est appuyé.

M. Smits. - Il serait peut-être mieux de dire : « les commissaires de police, y compris les baillis maritimes. » Il serait alors évident que les baillis maritimes sont sur la même ligne que les commissaires de police.

M. Dumont. - Sans doute l’on ne veut assimiler les baillis maritimes aux commissaires de police que quant aux dispositions de l’article en discussion. Dès lors il serait mieux d’y ajouter un paragraphe spécial qui serait ainsi conçu : « Les dispositions qui précèdent sont applicables aux baillis maritimes. »

M. H. Dellafaille. - Dans le cas où l’un de ces amendements serait adopté, le conseil de régence aurait le droit de suspendre les baillis maritimes.

M. Dumortier, rapporteur. - Cela est clair.

M. H. Dellafaille. - Je fais cette observation parce que les baillis maritimes sont, je crois, seulement les agents du pouvoir exécutif.

M. Jullien. - Je crois que l’on ne peut pas introduire dans la loi les dispositions proposées ; car on serait très embarrassé pour expliquer ce que c’est que les baillis maritimes, quelle loi détermine leurs droits et le mode de leur nomination. Il y avait des commissaires de police dans les ports ; au temps du royaume des Pays-Bas on a change leur nom, on les a appelés baillis maritimes comme en Hollande, comme on les appelait autrefois. Mais, quant à leurs fonctions, en quoi consistent-elles ? Quelles sont leurs attributions ? Ce sont toutes matières qu’il s’agirait d’examiner. Mais la loi doit-elle régir ces fonctions ? Ou bien ces fonctions doivent-elles former une exception ? Pour moi, je pense qu’il y aurait de l’inconvénient à nommer dans la loi les baillis maritimes, sans savoir ce que c’est que ces fonctionnaires J’avoue que, quant à moi, je l’ignore tout à fait. Si d’honorables membres peuvent donner à cet égard des explications claires et précises, et de nature à ce que nous votions en connaissance de cause, rien de mieux. Dans le cas contraire, je m’oppose à l’adoption de l’amendement. Nous considérons les fonctions des baillis maritimes comme faisant une exception à la loi communale. Nous aurons assez d’occasions de régler la nature de ces fonctions.

M. Smits. - Je n’insiste pas, c’est une simple observation que j’avais voulu présenter.

M. le président. - L’amendement de M. Smits est retiré.

- Les autres amendements relatifs à l’article 122 du projet du gouvernement (article 120 de la section centrale) sont successivement mis aux voix ; ils ne sont pas adoptés. L’article 120 de la section centrale est adopté.

Article 123 (du projet du gouvernement) et article 121 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article 123 du projet du gouvernement correspondant à l’article 121 du projet de la section centrale.

« Art 123 (du projet du gouvernement). Les places de commissaire de police actuellement existantes ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du Roi.

« Il ne peut en être créé de nouvelles que par une loi, ou par le Roi, du consentement du conseil municipal. »

« Art. 121 (du projet de la section centrale). Les places de commissaire de police actuellement existantes ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du Roi.

« Il ne peut en être créé de nouvelles que par une loi, ou par le Roi, du consentement du conseil municipal.

(Voir plus haut les amendements présentés à cet article par M. Pollénus et par M. le ministre des affaires étrangères.)

M. Pollénus. - Je me rallie au sous-amendement que M. le ministre des affaires étrangères a fait à mon amendement. Mais je ferai remarquer qu’il y a une omission au dernier paragraphe de mon amendement, et qu’il faut y ajouter ces mots : « sur la proposition du conseil de régence. »

M. H. Dellafaille. - Le projet de la section centrale me paraît préférable aux amendements présentés. Il y a des commissaires de police dans les villes et dans certaines communes rurales. La section centrale propose d’abord de maintenir ce qui existe, et ensuite qu’il ne puisse être créé de nouveaux commissaires de police que du consentement du conseil communal. Pour certaines communes un commissaire de police est une charge très forte. Le conseil communal sera plus à portée que qui que ce soit de décider sur la nécessité d’avoir ou non un commissaire de police. Et, si dans une commune l’administration communale suffit pour que la police soit bien faite, pourquoi imposeriez-vous à cette commune l’obligation d’avoir un commissaire de police ? Je conclus à ce que la chambre adopte la proposition de la section centrale.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je rappellerai les motifs qui m’ont déterminé à présenter mon amendement. Je crois qu’il n’est pas toujours nécessaire qu’il y ait des commissaires de police dans les communes de 5,000 âmes et au-dessus. C’est pour cela que l’article est purement facultatif : le gouvernement ne pourra nommer qu’après avoir pris l’avis du conseil communal. Un autre motif m’a déterminé à mon amendement ; c’est que je n’ai pas très bien compris le premier paragraphe de l’article de la section centrale ; il est ainsi conçu :

« Les places de commissaire de police actuellement existantes ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du Roi. »

Quelles sont les places de commissaire de police actuellement existantes ? On veut parler sans doute de l’époque à laquelle la loi sera mise à exécution. Si à cette époque une place est momentanément vacante par suite du décès ou de la démission d’un commissaire de police, parce que cette place aura été vacante au moment de la promulgation de la loi, ne pourra-t-elle pas être rétablie conformément au deuxième paragraphe du même article que du conseil du conseil communal, alors même que le besoin impérieux de cette nomination est reconnu par le procureur du Roi, la députation provinciale et le gouverneur ?

C’est pour obvier à ces inconvénients que je propose de maintenir la législation actuellement existante sur la matière, avec cette seule différence que la nomination des commissaires de police ne sera pas obligatoire dans les communes de plus de 5,000 habitants, que là elle ne sera que facultative ; que le gouvernement nommera après avoir pris l’avis du conseil communal, ce qui revient à dire que le gouvernement ne nommera que de l’avis du conseil communal, ou lorsque le procureur du Roi et l’autorité administrative auront jugé cette nomination indispensable.

Or, messieurs, c’est ce qui se trouve dans l’amendement que je propose. Dans les communes de 5,000 âmes et au-dessus il y aura un commissaire de police. Seulement je ne veux pas que cela soit obligatoire. Il est des communes dont la population excède cinq mille, où les services que peut rendre un commissaire de police ne sont pas nécessaires. Il y a dans beaucoup de localités des fonctionnaires zélés qui, ayant à coeur les intérêts de la ville qu’ils administrent, exercent gratuitement les fonctions de commissaire de police. Je demande donc qu’il soit facultatif au pouvoir central de nommer des commissaires de police dans les localités de 5,000 âmes et au-dessus, après que le conseil aura été entendu sur la question de savoir s’il y a nécessité de faire cette nomination.

M. Dumortier, rapporteur. - Si la proposition de M. le ministre des affaires étrangères n’avait pour but que de dire : « Il pourra être établi un ou plusieurs commissaires de police dans les communes de 5,000 âmes et au-dessus, » au moyen de ce changement de rédaction, elle me paraîtrait admissible ; mais si le ministre entend que le Roi pourra nommer dans les communes de 5,000 âmes un ou plusieurs commissaires de police après avoir entendu simplement le conseil communal, cet article nouveau établirait une dérogation formelle aux dispositions de celui que vous venez de voter. Il résulterait que le Roi pourrait nommer des commissaires de police sans en déférer au conseil communal ; il suffirait que ce corps fût entendu, et vous savez que quand on dit qu’un conseil sera entendu, on répond oui ou non à ses observations et on agit comme on veut.

Nous ne pouvons admettre que le pouvoir central vienne imposer à une commune un ou deux commissaires de police dont les traitements pourraient la ruiner. C’est le cas de l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères. Je pense donc que si M. le ministre a voulu dire que le Roi pourra nommer un ou plusieurs commissaires de police dans une commune après avoir entendu le conseil, son amendement est dangereux en ce qu’il tend à imposer aux communes, malgré leur volonté peut-être, des dépenses ruineuses, et à autoriser le pouvoir central à placer ses agents dans des localités qui n’en auraient pas besoin. Dire que le Roi nommera des commissaires de police, c’est déroger à ce qui vient d’être voté par l’assemblée.

De quelque côté que l’on envisage l’amendement de M. le ministre, il est évident que l’on ne peut l’admettre. Le texte présenté par la section centrale ne présente, au contraire, aucun inconvénient.

M. le ministre des affaires étrangères prétend que si l’on n’admet pas sa proposition, celle de la section centrale laissera un doute qu’il importe de faire disparaître. Je ne pense pas que le doute qu’il signale existe. L’article de la section centrale accorde plus au pouvoir central que le projet primitif du gouvernement, puisqu’il porte que c’est par le Roi que les nominations de commissaire de police pourront être faites, lorsqu’il s’agira de modifier le nombre des places de cette nature actuellement existantes.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je n’ai pas tout à fait bien saisi les observations de l’honorable M. Dumortier...

M. Dumortier, rapporteur. - Je vais tâcher de me faire comprendre par M. le ministre.

Ou l’amendement signifie (comme en effet il le dit) que le Roi pourra nommer des commissaires de police, après avoir entendu le conseil communal, et alors c’est une dérogation à l’article qui vient d’être voté par la chambre, article par lequel il est formellement stipulé que les candidats à ces fonctions seront présentés par le conseil communal ; ou l’amendement veut dire que le Roi pourra établir un ou plusieurs commissaires de police dans les communes de 5,000 âmes et au-dessus.

Je dis qu’il est dangereux en ce qu’il tend à mettre à la charge des communes le traitement de commissaires de police dont elles n’auraient pas besoin. Il ne faut pas que dans une ville comme Bruxelles, où il y a dix commissaire de police, le gouvernement puisse en nommer quinze ou vingt. Il faut que la création de nouvelles places de commissaire de police se fasse d’un commun accord par le gouvernement et le conseil communal. Ainsi de toute manière le système de M. le ministre des affaires étrangères est inadmissible.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La première objection de l’honorable préopinant est celle-ci : si par l’amendement on veut dire que le Roi pourra nommer des commissaires de police, il y a dérogation à l’article que vient d’adopter la chambre, article d’après lequel le Roi ne pourrait faire de pareilles nominations que sur la présentation de candidats par le conseil communal.

Evidemment, messieurs, il a été dans mon intention que la nomination et la présentation devront se faire comme il est stipulé à l’article 122. Il ne peut être dérogé en aucune manière aux dispositions de cet article. Mon amendement ne tend qu’à établir un principe. Actuellement il y a dans les communes de 5,000 âmes et au-dessus au moins un commissaire de police. J’ai voulu que cette nomination fût facultative et nullement obligatoire, et que cette création de fonctions ne pût avoir lieu qu’après que le conseil communal aurait été entendu. Mais la nomination des titulaires aura lieu d’après le mode indiqué dans l’article précédent. S’il pouvait y avoir le moindre doute à cet égard, je me rallierais volontiers à l’amendement qui tendrait à le dissiper.

L’honorable préopinant a vu dans ma proposition une autre question. Si elle veut dire que le Roi pourra établir des commissaires de police, il lui sera donc permis d’en fixer tel nombre qu’il jugera convenable dans les communes de 5,000 habitants et au-dessus.

Telle n’a pas été mon intention. Dans les localités de 5,000 âmes, il ne pourra y avoir qu’un commissaire de police. Si j’ai adopté les mots de un ou plusieurs commissaires de police, c’est pour me conformer aux lois existantes sur la matière qui règlent le nombre des commissaires de police selon la population. Mon intention a été de ne rien modifier à la législation existante, quant au nombre des commissaires de police. Le seul changement que j’y ai apporté, c’est qu’au lieu que leur nomination soit obligatoire, comme elle l’est actuellement, elle devient facultative. Je le répète donc, tous les amendements qui tendraient à expliquer le mien dans ce sens favorable, je les admettrais bien volontiers.

M. H. Dellafaille. - Je crois que l’honorable rapporteur de la section centrale avait mal saisi la proposition de M. le ministre des affaires étrangères. Il y a deux choses à distinguer : la création de la place et la nomination de l’individu. M. le ministre dans son amendement n’avait en vue que la création de la place qui ne déroge en rien au mode de nomination.

Cette distinction servira en même temps de réponse aux observations de M. le ministre. Il propose son amendement parce qu’il craint que dans le cas où l’une des places actuellement existantes serait vacante, on ne pût nommer un titulaire pour la remplir que de la présentation du pouvoir royal combinée avec celle de l’autorité communale. De ce qu’une place est momentanément vacante, il ne s’en suit pas qu’elle ne subsiste plus. Ainsi, si l’une des places de commissaire de police à Bruxelles est vacante momentanément, elle existe toujours. Il dépend du gouvernement de la faire remplir en nommant un candidat présenté par le conseil municipal.

Voilà ce qui me fait préférer la rédaction de la section centrale. Je crois qu’elle présente plus de garantie en ce qu’elle exige pour la nomination des commissaires de police non seulement l’avis, mais le concours du conseil communal. Le gouvernement certainement n’aura aucun intérêt à ruiner les communes. Nous devons nous en rapporter à cet égard à l’impartialité présumable d’un ministre, d’un gouverneur de province. Mais il n’en sera pas de même de leurs agents inférieurs. Si l’un d’eux avait à placer un parent, un ami, il proposerait la création d’une place de commissaire de police dans une commune ; c’est ce qu’il faut éviter. C’est pour ces motifs que je demande le maintien de la rédaction de la section centrale.

M. Dumont. - Si j’ai bien compris l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères, il est compatible avec les dispositions de la section centrale. Il n’a pour but que de rendre facultatif ce qui est obligatoire aujourd’hui. Il doit y avoir, dans les communes de 5,000 hab. et au-dessus, un ou plusieurs commissaires de police. M. le ministre des affaires étrangères demande que dorénavant le gouvernement ne soit plus tenu comme il l’est par la législation existante, et qu’il puisse ne pas charger une commune d’une dépense qui sera jugée inutile. Si c’est ainsi que M. le ministre entend sa proposition, il est d’accord avec les préopinants qui la combattent.

Je crois donc que, dans les communes de 5,000 âmes et celles au-dessous, le Roi ne peut nommer de commissaire de police qu’avec l’assentiment de l’autorité municipale.

M. Dumortier, rapporteur. - Toute la discussion qui existe en ce moment entre M. le ministre des affaires étrangères et la section se réduit à ceci : D’après M. le ministre, le Roi peut, nonobstant l’avis du conseil communal, instituer des commissaires de police, et nous, nous demandons que les nouvelles créations ne puissent être faites que du consentement du conseil municipal.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - L’honorable M. Dumortier paraît croire que je veux autoriser le gouvernement à créer des commissaires de police là où il n’en existe pas. Cela n’est point du tout mon intention. La section centrale propose de maintenir les places de commissaire de police actuellement existantes ; or, il en existe partout où la population excède 5.000 âmes. Dès lors, je ne vous demande pas d’autoriser le gouvernement à en créer dans les communes où il n’en doit pas exister. Je propose seulement de rendre les nominations facultatives, c’est-à-dire, qu’il n y ait pas obligation à la commune de proposer un commissaire, ni au gouvernement d’en créer un quand il n’y a pas nécessité d’imposer cette charge à la commune. Il ne s’agit ici que d’une affaire de rédaction. Je demande donc qu’on renvoie cet article à la section centrale.

M. Dumortier, rapporteur. - Toute la discussion, messieurs, est de savoir si on demande l’avis ou le consentement du conseil municipal. Nous proposons d’abord : « Les places de commissaire de police ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du Roi. » Nous sommes d’accord sur ce point avec le projet du gouvernement. Voyez la deuxième disposition : « Il ne peut en être créé de nouvelles que par une loi ou par le Roi, du consentement du conseil municipal. M. le ministre dit : « Dans les communes de 5,000 il peut en être nommé un par le Roi. » L’échelle n’est pas maintenue dans cet amendement. Le ministre stipule que le Roi peut en établir un ou plusieurs après avoir entendu le conseil communal, et nous, nous disons : « que par le contentement du conseil communal. »

Dans l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères, il existe donc une très grande différence avec la proposition de la section centrale.

M. Jullien. - Il me semble que la grande difficulté, c’est que la section centrale maintient le statu quo. Elle dit : « Il ne peut en être créé de nouvelles, etc., sans le consentement du conseil communal, » tandis que, d’après le ministre, il faudrait rendre cette nomination facultative et non obligatoire, comme le dit la section centrale.

Le ministre a dit qu’il pourrait y avoir des doutes sur certaines places de commissaire de police, qui n’étaient plus occupées depuis quelque temps, à cause du décès du titulaire par exemple. Si on maintient le statu quo, la place est vacante, mais elle existe toujours. Je pense donc que toute la question est de savoir si vous maintiendrez le statu quo, ou si vous rendrez cette nomination facultative comme le propose M. le ministre. Il me semble, messieurs, que sur cette question de statu quo, nous aurions dû entendre M. le ministre de l’intérieur, afin de savoir si l administration de la police est bien faite généralement, si les communes, en suivant l’échelle, ont un nombre de commissaires de police suffisant. Il conviendrait qu’il voulût bien donner des éclaircissements à cet égard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). Je persiste à croire que l’article de la section centrale n’est pas très clair, et voici ce qui me porte à avoir cette opinion. Il existe dans la Flandre occidentale une commune où la place de commissaire de police est vacante depuis 2 ans, depuis même l’époque de la révolution.

Depuis ce moment, le conseil communal n’a jamais voulu proposer de commissaire de police, et il en est résulté qu’on est venu demande une somme égale au traitement du commissaire de police, pour être attribuée à un échevin qu’on ne jugea pas capable de remplir ces fonctions. La députation ne pût donc approuver cette proposition. Il fallait un commissaire de police spécial, tandis qu’on voulait faire nommer un échevin étranger aux connaissances que réclame cet emploi. Je demande si dans cette commune, où la place de commissaire de police est vacante depuis trois ou quatre ans, où la régence a déclaré n’avoir pas besoin de commissaire, je demande s’il n’y aura pas de doute pour savoir si la place est ou non existante. Je ne veux pas, moi, que les communes soient obligées d’avoir des commissaires ; mais je réclame pour qu’il soit donné au Roi la faculté d’en nommer après avoir entendu le conseil communal et le procureur du Roi.

Je le répète, dans tout ceci il n’y a qu’une simple question de rédaction à résoudre et nous tombons d’accord en renvoyant l’article à la section centrale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne m’oppose pas au renvoi à la section centrale. Je demande qu’en suivant l’échelle, on examine si, dans telle commune où il n’y avait qu’un seul commissaire de police d’après la progression de la loi, il peut devenir nécessaire de faire une nouvelle nomination. Je demande en conséquence que la section centrale insère dans son article : « non seulement les places actuellement existantes, mais encore celles à introduire. »

M. Brabant. - La rédaction de l’article 121 me paraît suffisamment claire. M. le ministre demande de rendre facultative la nomination des commissaires de police, etc. L’article a pourvu à cela. Il conserve les places actuellement existantes, mais il autorise le Roi à supprimer. Il a donc pourvu à l’économie résultant de la suppression d’une place.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). Il faut qu’il y ait un commissaire de police dans toute commune dont la population excède 5,000 âmes.

D’après ma disposition, ce ne sera plus que facultatif. Le gouvernement ne pourra pas faire de nomination. S’il est reconnu que, dans une de ces communes de 5 mille habitants, la place de commissaire de police est inutile, elle sera supprimée par le Roi.

M. Dumortier, rapporteur. - J’avais demandé la parole, mais ce que vient de dire M. Brabant pour justifier l’article de la section centrale est si clair que je n’ai rien à y ajouter. Je ne comprends pas les objections qu’on peut faire à cet article, à moins qu’on ne veuille que le Roi puisse nommer des commissaires de police malgré le conseil.

M. Gendebien. - Je regrette de n’avoir pas pu me trouver ici dès le commencement de la séance (d’autres fonctions me retenaient ailleurs), car je me serais opposé à l’adoption de l’article 120. Je ne comprends pas comment un commissaire de police, qui est l’homme de l’administration communale, puisse être nommé et révoqué à volonté par le Roi. Plus tard je m’expliquerai plus longuement sur cet article.

J’aborde l’article 121 qui est en discussion. La rédaction de la section centrale est conforme à l’article du gouvernement.

J’ai vraiment lieu de m’étonner que, pour satisfaire à des lois que nous n’avons pas à considérer depuis que nous avons fait une révolution, dans le but de rendre la liberté aux individus et aux administrations communales, on oblige une commune à conserver une place de commissaire de police, alors qu’elle croit que le bourgmestre ou un échevin peut en remplir les fonctions. On ne peut pas lui imposer une charge de cette nature, et c’est la lui imposer que de déclarer qu’une place qu’elle croit inutile sera maintenue.

Si le ministre, comme il l’a dit, ne veut pas de la première disposition de l’article, parce qu’elle est obligatoire, impérative, ou, comme je l’ai dit, une inféodation, et que son intention soit de la rendre facultative, il n’est pas nécessaire pour cela de renvoyer l’article à la section centrale ; il n’y a qu’à la rédiger de la manière suivante :

« Dans les communes de 5 mille habitants et au-dessus, il peut être créé par le Roi, du consentement du conseil communal, une ou plusieurs places de commissaire de police. »

Si M. le ministre des affaires étrangères a voulu faire d’une disposition impérative une disposition facultative, en laissant aux communes le droit de vouloir on de ne vouloir pas créer de place de commissaire de police, il doit admettre la rédaction que je propose.

Si le ministre repousse ma rédaction, c’est qu’il a voulu autre chose que ce qu’il a dit, c’est qu’il a voulu donner au Roi le droit de créer des commissaires de police en prenant l’avis des conseils communaux. Vous savez ce que c’est qu’un avis demandé par une autorité supérieure à une autorité inférieure. L’avis est demandé pour la forme. On le suit ou on ne le suit pas, selon son bon plaisir. Si on ne veut pas que la disposition soit obligatoire et impérative, il ne faut pas se contenter de l’avis de la commune, mais dire nettement qu’il faudra son consentement.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, comme j’ai eu l’honneur de le répéter à plusieurs reprises, j’ai voulu concilier deux choses, les intérêts financiers de la commune avec la garantie d’une bonne police. Il est des communes où la nomination d’un commissaire de police est indispensable, où le besoin d’une bonne police se fait sentir, et une bonne police, messieurs, est dans l’intérêt des habitants eux-mêmes. Eh bien, lorsque ce besoin est vivement senti, lorsque la nécessité d’un commissaire de police est comprise par les fonctionnaires de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire, il doit appartenir à l’autorité supérieure de procéder à cette nomination, si elle trouve que les membres de l’administration communale n’ont pas les connaissances ou ne présentent pas les garanties nécessaires pour assurer une bonne police administrative dans la commune.

D’un autre côté, une ville, une commune de 5 mille habitants et au-dessus peut avoir une administration composée de citoyens assez zélés et assez instruits pour assumer les fonctions de police gratuitement. C’est pour ces communes qu’il doit être facultatif au gouvernement, après avoir entendu le conseil communal, de nommer ou de ne pas nommer, parce qu’il trouve que les fonctions peuvent être convenablement remplies par un échevin.

Mais quand, dans d’autres communes de plus de cinq mille habitants, le gouvernement trouve que la police est négligée, il doit avoir le droit, après s’être entouré de toutes les lumières nécessaires, de nommer un commissaire de police, même contre l’avis du conseil communal, parce que le besoin du service l’exige.

M. Dumortier, rapporteur. - Voilà un autre système.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’entends dire : Voilà un autre système ! Je demanderai ce qu’il a de contraire à ce que j’ai dit tout à l’heure. La section centrale propose de maintenir tous les commissaires de police actuellement existants. C’est là un maximum que je ne veux pas dépasser. Mais je dis : Pour les villes de 5 mille habitants, aux termes des lois existantes, la nomination d’un commissaire de police est obligatoire, je veux qu’elle devienne purement facultative, afin que le gouvernement ne soit pas obligé de nommer un commissaire de police lorsque les intérêts de la commune ne l’exigeront pas.

M. Dumortier, rapporteur. - Cela se trouve dans l’article de la section centrale.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - La disposition de la section centrale n’est nullement facultative. Voici ce qu’elle porte : Les places de commissaire de police actuellement existantes ne peuvent être supprimées qu’avec l’autorisation du Roi. »

Il faut donc pour supprimer une place de commissaire de police, qu’il y ait une demande formelle de la part du conseil communal. La plupart des communes reculeront devant une demande formelle de suppression, par déférence pour les fonctionnaires existants qui auront acquis des droits à une faveur de la part de la commune. D’après l’article de la section centrale, il faut que la suppression d’une place de commissaire de police soit demandée par le conseil communal. Ce n’est que sur cette demande que la suppression pourra avoir lieu.

M. Dumont. - On a proposé le renvoi à la section centrale. Il me semble qu’on est à peu près d’accord. J’ai à ajouter une considération pour appuyer ce renvoi, c’est que l’article 121, tel qu’il est présenté, ne parle que d’un fait et ne pose pas de règle. Je le concevrais si ce n’était qu’une simple disposition transitoire. Mais il faudrait déterminer quand il y aura et quand il n’y aura pas d’officier de police judiciaire. C’est ce qu’on ne fait pas dans l’article 121. Il se borne à maintenir un fait existant. La population qui devrait servir de règle est mise à l’écart. Il suffit qu’une place de commissaire de police existe pour ne pouvoir pas être supprimée.

Cependant il peut y avoir des villes où un commissariat de police a été créé parce qu’elles étaient de 5,000 habitants, qui n’en comptent plus aujourd’hui que 4,500. Eh bien, il faudra maintenir dans ces villes un commissariat de police, à moins qu’il ne plaise à la commune d’en demander la suppression.

Au lieu de s’en rapporter à la volonté de la commune, il veut mieux établir une règle et la baser sur la population.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne m’opposerai pas au renvoi à la section centrale ; cependant la question me paraît assez éclairée pour pouvoir être discutée.

Je ne veux pas, dit M. le ministre des affaires étrangères, qu’on puisse forcer une commune à avoir un commissaire de police quand elle n’en a pas besoin ; et son amendement dit que le gouvernement pourra établir un commissariat de police après avoir entendu le conseil communal. Entendre le conseil communal n’est pas se conformer à son avis.

Le texte de son amendement est donc opposé à ses paroles.

Je ferai observer d’abord que le mot « nomination » ne peut être conservé, car il s’agit de création de places et non de nomination de fonctionnaires.

Outre cette substitution, je proposerai de retrancher les mots : « après avoir entendu, » et de les remplacer par ceux-ci : « du consentement du conseil communal. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - J’ai déjà répondu, c’est l’observation de M. Gendebien.

M. Dumortier, rapporteur. - Si, comme vous le dites, vous ne voulez pas forcer les communes à avoir des commissaires de police quand elles n’en ont pas besoin, vous devez admettre ma proposition. Si vous ne l’admettez pas, c’est que vous avez envie d’avoir un agent dans la commune malgré elle. La section centrale et la chambre ne doivent pas acquiescer à une pareille prétention. Il ne doit pas être loisible au gouvernement d’envoyer dans les communes, et à leurs frais, un agent qui soit son espion auprès d’elles.

Cela ne peut être admis ; or, c’est évidemment le but que se propose M. le ministre des affaires étrangères, s’il ne veut pas admettre mon amendement.

M. le ministre des affaires étrangères dit qu’il y a des communes où le gouvernement a intérêt à ce qu’il y ait une bonne police. Mais qui a un intérêt plus grand à ce qu’il y ait une bonne police ? Ce sont les habitants de la commune ; c’est l’administration communale. Est-ce parce que dans ces localités il doit y avoir une bonne police qu’il devra y avoir des commissaires de police, malgré la volonté de ces communes ? Non sans doute. Cela ne doit pas être.

L’honorable M. Berger me dit que dans toute la province du Luxembourg, où sans doute il y a une bonne police, il n’y a qu’un seul commissaire de police, lequel est pour la ville de Luxembourg. La police est faite dans cette province par les bourgmestres et les échevins, les gardes-champêtres.

D’après le texte de l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères, il serait facultatif au gouvernement de nommer dans toutes les communes de 5,000 âmes et au-dessus un commissaire de police sans le consentement de la commune. Dès qu’une commune aurait plus de 5,000 habitants, non seulement, d’après cet amendement, le gouvernement pourrait nommer un commissaire de police, mais il pourrait en nommer 10, 20, 30, et plus encore.

M. Ullens. - Le gouvernement ne fera pas cela !

M. Dumortier, rapporteur. - Je sais bien qu’il ne le fera pas, mais il pourrait le faire. Je défie l’honorable M. Ullens de répondre à cela.

Je crois que la question est assez éclairée pour qu’on doive adopter l’article de la section centrale. Si l’on ne veut pas l’adopter, je propose un sous-amendement à l’amendement de M. le ministre des affaires étrangères, consistant à dire : « du consentement du conseil communal. »

M. Devaux. - Je crois que l’on obvierait aux inconvénients qui ont été signalés en fixant d’après l’échelle de la population le nombre des commissaires de police ; en disant par exemple : « Dans les communes de 5,000 habitants le Roi pourra créer un commissariat de police. Dans les communes d’une population supérieure le Roi pourra en outre créer autant de commissariat de police qu’il y aura de fois 10,000 habitants en sus de ce nombre de 5,000. » Ces limites ne pourraient être dépassées que du consentement de la commune. Je crois que si l’on renvoyait l’article à la section centrale et qu’elle déterminât ainsi une échelle de proportion, tout le monde serait d’accord.

M. Gendebien. - D’après ce que vient de dire le préopinant, il s’en suivrait que toujours le gouvernement pourrait créer des places de commissaire de police d’une manière absolue, en prenant l’avis ou sans prendre l’avis de l’autorité communale. Or, ce système s’écarterait, sinon du texte littéral de l’amendement du ministre des affaires étrangères, au moins des explications qu’il a données d’abord. Mais comme le sens de ces explications ne change ni le texte de l’amendement, ni la portée que le rapporteur et moi y avons reconnue, j’insiste pour qu’il ne soit pas adopté.

D’après l’amendement du ministre, le gouvernement a la faculté de nommer les commissaires de police en prenant l’avis du conseil communal. Si vous disiez : « ne peut nommer que de l’avis du conseil, » cela signifierait quelque chose. Dire seulement : « en prenant l’avis, » cela ne signifie rien.

Remarquez que par l’article 120 vous accordez au Roi la faculté de destituer les commissaires de police : ainsi le gouvernement nommera les commissaires de police et les révoquera quand il voudra. Dès lors ces fonctionnaires seront les hommes du gouvernement, les agents de la haute police du gouvernement. Etant toujours sous le coup de la destitution du gouvernement, ils obéiront uniquement ; ils se moqueront de l’administration communale, et ne connaîtront que le chef de la police générale qui leur fera connaître les ordres du gouvernement. Je demande si c’est là l’Etat que vous voulez constituer à notre Belgique.

Pour moi je demande qu’il ne puisse être nommé de commissaire de police que du consentement de la commune ; tel est le but de l’amendement que j’ai proposé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je crois que la chambre doit avant tout se prononcer sur la motion d’ordre tendant au renvoi à la section centrale ; car si en définitive ce renvoi est adopté, il est inutile de donner de nouveaux développements.

Toutefois je déclare que je ne m’oppose pas à ce qu’on admette le principe des anciennes lois sur la matière, qui fixaient d’après l’échelle de la population le nombre des commissaires de police. L’ancienne loi portait : Dans les communes de 5 à 10,000 âmes il y aura un seul commissaire de police. Dans les communes où la population excédera 20,000 âmes il y aura en outre du maire, des deux adjoints et du commissaire de police, un adjoint et un commissaire de police par excédant de 10,000 habitants. Je consens volontiers à ce qu’on détermine une proportion analogue dans la loi actuelle.

M. Fallon. - Avant le renvoi à la section centrale, je prierai M. le ministre des affaires étrangères de vouloir bien compléter son amendement, parce que nous comprenons parfaitement que dans certains cas les commissaires de police seront nommés contrairement à l’avis de l’administration communale. Si l’administration communale ne veut pas de commissariat de police, qu’adviendra-t-il ? Dans ce cas sans doute l’administration communale ne proposera pas de candidat. Ce sera donc alors le gouvernement qui nommera d’office.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Oui certainement.

- Le renvoi à la section centrale est mis aux voix et adopté.

Article additionnel

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je proposerai un article nouveau que l’on pourrait renvoyer également à la section centrale. Il est ainsi conçu :

« Lorsqu’il y a dans une commune plusieurs commissaires de police, le Roi peut désigner d’entre eux auquel les autres seront subordonnés dans l’exercice de leurs fonctions. »

Il y a des communes où il y a jusqu’à 8 commissaires de police, Bruxelles par exemple. Il serait extrêmement utile dans l’intérêt du service que parmi ces commissaires il y en eût un remplissant les fonctions de commissaire en chef pour donner les instructions et diriger l’ensemble des opérations. Cela faciliterait la découverte des délits et de leurs auteurs. Rien n’est plus fâcheux que plusieurs commissaires de police sans lien commun. Il est bien entendu que dans ces communes le commissaire en chef sera, comme les autres commissaires, subordonné à l’autorité locale.

- Le renvoi à la section centrale de la proposition de M. le ministre est ordonné.

Article 122 (du projet de la section centrale)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’article. 122 du projet de la section centrale auquel M. le ministre de l’intérieur déclare se rallier. il est ainsi conçu :

« Les fonctions des commissaires de police sont définies par le code d’instruction criminelle et les autres lois en vigueur.

« Les commissaires de police sont en outre chargés, sous l’autorité des bourgmestre et échevins, d’assurer, l’exécution des règlements et ordonnances de police locale. »

M. Gendebien. - Les attributions des commissaires de police sont définies par le code d’instruction criminelle. Il est important de ne pas laisser subsister dans l’article ces mots : « et les autres lois en vigueur. » Car, messieurs, on peut puiser dans des législations antérieures.

Vous savez que le gouvernement n’est pas très scrupuleux dans le choix des sources où il puise. On a puisé dans un arsenal où on la croyait ensevelie à jamais la loi de l’an VI, que l’on a démontré jusqu’à l’évidence, avoir été abrogée. Si le gouvernement a été jusque-là, je vous demande ce qu’il osera lorsqu’il s’agira de fixer les attributions des commissaires de police. Je pense que comme la police tient, de très près à la liberté individuelle, il conviendrait de définir nettement les attributions des fonctionnaires de cette partie de l’administration. Je désirerais qu’au lieu de dire « et autres lois en vigueur, » l’on mît ces mots : « et les lois à faire. » Vous sentez qu’il est impossible, en matière d’attributions, d’admettre une donnée aussi vague que ce qui peut être établi par la législation en vigueur. Pour moi, qui suis avocat depuis 25 ans, je serais fort embarrassé d’apprécier l’étendue de mon vote, si j’admettais une phrase aussi vague. Et je crois que tous les membres de la chambre sont dans le même cas.

Si la modification que je propose n’était pas admise, je ne pourrais donner mon vote affirmatif à cet article.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Quand bien même la disposition que combat l’honorable préopinant ne serait pas insérée dans la loi, elle serait sous-entendue de droit. La loi que nous discutons ne détruit en aucune manière la législation en vigueur sur les attributions des commissaires de police. La loi communale remplace les anciens règlements. Si elle remplaçait toutes les lois existantes sur les matières qu’elle embrasse, elle serait incomplète et il y aurait des lacunes sur une foule de points. Ce n’est pas ici le moment de réviser les lois qui régissent les attributions des commissaires de police. Je pense donc qu’il faut admettre l’article de la section centrale tel qu’il est rédigé, si l’on ne veut pas jeter la perturbation dans la législation existante.

M. Gendebien. - M. le ministre de l’intérieur, en se ralliant à la rédaction de la section centrale et en admettant ainsi un paragraphe qui ne se trouvait pas dans le projet du gouvernement, l’a donc jugé utile. Si, d’après ce qu’il vient de dire, l’on peut s’en passer, que l’on supprime tout l’article.

Il y a cette observation importante à faire, c’est qu’en ne disant rien nous ne nous lions pas. Si l’article de la section centrale ne renferme que la législation existante, il nous fait dire une chose inutile. S’il signifie autre chose, il peut être dangereux. Je vous défie de savoir ce que vous allez voter.

Quant à moi, je ne donnerai pas mon consentement à l’adoption d’une disposition dont je ne suis pas à même d’apprécier la portée. Qu’on supprime l’article, je le veux bien. Mais qu’on le vote tel qu’il est rédigé, je m’y oppose autant qu’il est en moi de le faire, et je proteste pour ma part contre son adoption.

Projet de loi relatif au traitement des auditeurs militaires

Rapport de la section centrale

M. Donny, rapporteur du projet de loi relatif au traitement des auditeurs militaires, dépose son rapport sur le bureau.

- La chambre en ordonne l’impression.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je demande que l’assemblée fixe la discussion de ce projet à lundi.

- La discussion du projet de loi relatif au traitement des auditeurs militaires est fixée à lundi prochain.

Projet de loi communale

Discussion des articles

Titre II. Des attributions municipales

Chapitre VI. De la nomination de quelques agents de l’autorité municipale
Article 122 (du projet de la section centrale)

M. Dumortier, rapporteur. - Je conçois que l’on puisse dire que la première partie de l’article en discussion est inutile. Dans la section centrale on avait même retranché toute la proposition du gouvernement. Mais l’examen du cahier plein de judicieuses observations envoyées par la régence de Mons a fait revenir la section centrale de sa première décision.

La régence de Mons a fait remarquer que si la première disposition était inutile, il en était une que la loi devait consacrer. C’était celle qui établissait que les commissaires de police sont tenus d’exécuter les règlements et ordonnances de police municipale.

Il est arrivé que des commissaires de police, trouvant leurs attributions définies dans le code d’instruction criminelle, se sont refusés à exécuter les ordonnances de police locale : Il faut que ces abus ne puisse se renouveler. Payés par les communes les commissaires de police sont les agents de la police locale. Un honorable membre de la section centrale, qui est en même temps bourgmestre de la ville d’Anvers, nous a cité des faits qui rendent la disposition que je défends indispensable.

Je demande donc que la dernière disposition de l’article en discussion soit maintenue ; si la première est inutile, je consens à ce qu’elle disparaisse. Les lois en vigueur ne cessent pas de l’être. On ne pourra empêcher que les commissaires se renferment dans le cercle des attributions définies par la législation existante. Il serait plus convenable de dire, ce me semble : Les attributions des commissaires de police sont définies par les lois. Mais quelle que soit la décision de la chambre, je demande que la partie de l’article qui exige de la part des commissaires de police l’exécution des ordonnances municipales soit maintenue. Il ne faut pas que ces fonctionnaires puissent s’établir en rébellion ouverte vis-à-vis du collège des bourgmestre et échevins.

M. Gendebien. - Messieurs, ce que vient de vous dire l’honorable M. Dumortier vous prouve le danger qu’il y a à ne pas laisser à l’autorité communale tout pouvoir sur les commissaires de police. L’inconvénient le plus grave est que, nommé par le Roi, le commissaire de police ne reconnaîtra pour chef que le gouvernement et méprisera l’autorité communale qui le paie. Quand cette autorité leur demandera tel ou tel acte, ils répondront que cela ne les regarde pas. De là il s’élèvera un conflit perpétuel entre le chef et le subordonné. Vous voyez le danger qu’il y a de se rattacher toujours au système despotique renversé par la révolution.

Nous agissons toujours comme s’il n’y avait pas eu de révolution. Nous avons sans cesse recours à des lois, soit de l’empire, soit d’autre part, et on croit avoir tout dit quand on a dit : Cela existait. Alors à quoi vous a servi votre révolution de 1830 ? Si vous mettez les choses dans la situation où elles étaient avant cette époque, vous provoquez une nouvelle révolution. Je désire qu’on ne dise rien si nous ne voulons pas qu’un commissaire résiste à son chef. Je désire, je le répète, qu’il ne soit rien dit de cela, et j’espère qu’on reviendra sur cet article 120 au second vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas fait de difficulté de me rallier au projet de la section centrale qui déclare que les commissaires de police sont en outre chargés, etc., Mais dès le moment que vous établissez cette disposition dans l’article, vous devez maintenir ce qui a été dit précédemment. Sinon, on pourrait inférer que les commissaires de police vont se borner à exécuter les règlements de police locale. Vous voulez sans doute que les commissaires aient des fonctions complètes, telles que celles qui sont de nature à maintenir le bon ordre et à prévenir et à découvrir les crimes et les délits.

M. Jullien. - Je crois, comme l’honorable M. Gendebien qu’il est fort inutile de dire : Les fonctions de commissaire de police sont définies par telle ou telle loi. D’un autre côté il serait dangereux de dire seulement que les commissaires sont chargés en outre, sous l’autorité, etc. » Il serait possible qu’on en inférât que les autres attributions des commissaires de police ne seraient plus obligatoires. Il serait donc bien, à mon avis, pour ne pas faire tenir à la loi le langage de M. de la Palisse, il serait bien de dire : « Indépendamment des attributions des commissaires de police déterminées par les lois existantes, ils seront aussi forcés d’exécuter les lois locales. » Si vous adoptiez la dernière partie de l’article, vous laisseriez subsister le doute. Cette rédaction, je le pense, pourra satisfaire l’honorable M. Gendebien ainsi que la section centrale. Il est bon, dans une loi d’organisation, de déterminer les fonctions de chacun.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’invite l’honorable préopinant à vouloir bien formuler son amendement par écrit. Il me semble qu’il est de nature à tout concilier. Les fonctions d’un commissaire de police sont mixtes : elles se composent d’actes de police judiciaire et de police administrative. Quant aux craintes de l’honorable M. Gendebien, elles ne me semblent pas fondées. Ou les lois sont en vigueur, ou elles ne le sont pas. Si son intention n’est pas d’abroger les lois qui existent, la nôtre n’est pas de faire revivre celles qui n’existent plus.

M. le président. - Voici l’amendement de M. Jullien :

« Indépendamment des attributions conférées aux commissaires de police par les lois existantes, ils sont chargés, sous l’autorité des bourgmestre et échevins, d’assurer, etc. »

M. le président. - Je vais mettre aux voix l’amendement qui est ainsi conçu :

« Indépendamment des attributions déterminées par les loi existantes, les commissaires de police sont en outre chargés, sous l’autorité des bourgmestre et échevins, d’assurer l’exécution des règlements et ordonnances de la police locale. »

M. Dumortier, rapporteur. - Le commencement de cette disposition ne me paraît pas clair. Il faudrait dire : « Indépendamment des attributions des commissaires de police, etc. »

M. Jullien. - En rédigeant ainsi mon amendement, toute difficulté cesse :

« Indépendamment des attributions qui leur sont conférées par les lois existantes, les commissaires de police sont chargés, sous l’autorité des bourgmestre et échevins, d’assurer l’exécution des règlements et ordonnances de la police locale. »

M. le président. - Le mot autre se trouve retranché.

M. Jullien. - Le mot indépendamment suffit.

- Plusieurs voix. - C’est sauf rédaction.

- La disposition est mise aux voix et adoptée.

La discussion est renvoyée à demain à une heure.

La séance est levée à quatre heures et demie.