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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du lundi 29 décembre 1834
Sommaire
1)
Pièces adressées à la chambre
2)
Projet de loi d’organisation de la garde civique. Demande d’ajournement (Gendebien, de Theux, Dumortier, Rogier, Gendebien). Discussion générale (F.
de Mérode, Gendebien), charge de l’habillement
par les communes (Rogier, Dumortier,
Evain, A. Dellafaille, de Theux, A. Dellafaille, Desmanet de Biesme, F. de Mérode,
Dumortier, Rogier, de Brouckere, de Theux, F. de Mérode, Lardinois, de Theux), sélection des gardes selon leur capacité à
contribuer à l’habillement (Desmanet de Biesme, de Theux, Dumortier, Rogier, de Theux, Dumortier, de Brouckere, de Theux), nomination par le Roi d’agents comptables et
contrôle des armes (Eloy de Burdinne, Dumortier, de Man d’Attenrode, de Brouckere, Dumortier),
caractère incomplet du projet de loi (Gendebien, Dumortier, Gendebien, F. de Mérode, Rogier, Dumortier), nomination par le Roi d’agents comptables
(de Brouckere, Dumortier,
de Brouckere, Gendebien, Dumortier, de Brouckere),
principe de l’élection indirecte des (sous)-officiers (Gendebien,
de Theux, de Brouckere, de Theux, de Brouckere, F. de Mérode, Evain, Dumortier, de Puydt, de Brouckere, de Theux, d’Hoffschmidt, Gendebien, Dumortier, Gendebien, de Muelenaere, Gendebien, de Muelenaere, F. de Mérode,
Gendebien, de Muelenaere,
de Theux, A. Rodenbach, Liedts, Dumortier, Milcamps, Gendebien, F. de Mérode, Rogier), conditions
d’éligibilité (de Theux, Desmanet
de Biesme, Rogier, de Theux,
Gendebien), remplacement des officiers (Gendebien, Desmaisières, Gendebien), réquisition par le commissaire de district
et/ou le commandant de place et/ou charge des prestations au budget communal (Donny, de Theux, Donny,
Gendebien, Dumortier, F. de Mérode, de Theux, Brabant, Gendebien, Rogier, F. de Mérode, Brabant, Dumortier, Gendebien, Dumont, Gendebien)
(Moniteur belge n°364, du 30 décembre 1834)
(Présidence de M. Raikem.)
La séance est ouverte à une
heure et quart.
M.
Dechamps procède à l’appel nominal.
M.
H. Dellafaille donne lecture du procès-verbal de la séance précédente,
qui est adopté.
M.
Dechamps donne lecture des pétitions suivantes.
PIECES ADRESSEES A
« La dame veuve Tackaen réclame le paiement d’une rente de fl. 140 au
capital de 4,000 florins de change que lui doit la ville de Nivelles, et
hypothéquée sur des chaussées. »
______________
« La dame veuve Nicolay épouse Marechal, réclame l’intervention de la
chambre au sujet de la pension dont elle jouissait et qui lui a été retirée
depuis qu’elle a contracté de nouveaux liens. »
M.
Gendebien. (pour une motion d’ordre). - Je ne
sais pas, messieurs, s’il est bien convenable de discuter la loi qui est à
l’ordre du jour, alors que nous n’avons pas même le rapport de la section
centrale.
Il me semble qu’il
vaudrait beaucoup mieux mettre de côté le projet présenté et nous déterminer a étudier la loi générale pendant la vacance que la chambre
se propose de prendre ; on la mettrait en discussion après le retour de
l’assemblée. Nous aurons ainsi l’avantage d’avoir une loi complète qui ne sera
pas formée de pièces et de morceaux. Nous avons déjà une loi sur l’organisation
générale de la garde civique, une sur l’organisation du premier ban et une
troisième enfin modifiant les deux premières.
Pour bien discuter cette
loi, il faut se pénétrer des deux autres. Cela va amener des discussions
interminables. Je persiste donc à croire qu’il faut remettre la discussion à
notre retour. Que chacun prenne l’engagement d’étudier chez lui la loi en
question ; cela apportera, je crois, une grande économie de temps, et vous
éviterez de faire ainsi des lois avec des pièces de rapport que nous aurons
bien de la peine à ajuster et à mettre en harmonie.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, l’honorable préopinant vous propose de discuter, au retour de la
vacance, la loi générale sur l’organisation de la garde civique. Je ferai observer
à la chambre qu’elle est saisie de deux projets de loi, l’un présenté par
l’honorable M. de Puydt et l’autre par mon prédécesseur. La première a plus de
200 articles, la seconde 190. Je ne crois pas qu’il soit possible de nous
engager dans la discussion de ces deux lois. Le budget doit nécessairement
précéder. Je ne suis donc pas de l’avis de l’honorable préopinant. Il faut une
loi provisoire ; celle-ci n’est en contradiction avec aucune, ni avec celle du
21 décembre 1830, ni avec celle du 18 janvier 1831. Je pense que la chambre
doit maintenir l’ordre du jour.
M.
Dumortier, rapporteur. - Messieurs, je ne crois pas que la chambre soit
d’humeur à se déjuger du jour au lendemain. Il est incontestable que si vous
devez attendre la loi d’organisation générale, il se passera au moins un an.
Vous avez d’abord à discuter le budget, la loi communale et le second vote sur
cette loi, la loi sur la circonscription judiciaire, celle sur l’instruction
publique, la loi provinciale peut-être qui vous reviendra. Je pense donc,
messieurs, que la chambre ne peut revenir sur ce qu’elle a décidé avant-hier.
Le projet qui est présenté, se compose de 21 articles et peut suffire à tous
les besoins actuels.
M. de Brouckere. - Le rapport est-il imprimé
?
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai travaillé toute la nuit à ce rapport. Je
suis même indisposé des suites de ce travail ; je l’ai envoyé ce matin à
l’imprimeur, qui m’a promis de le faire distribuer aux membres avant 10 heures
; dès hier au soir j’ai demandé qu’on leur remît le projet du gouvernement.
M. Rogier. - Je ne crois pas admissible de reculer
la discussion. Si c’est le rapport qui nous arrête, il me semble que l’absence
de ce rapport n’est pas de nature à entraver la discussion. Cette cause surtout
ne doit pas nous entraîner dans le nouveau système proposé par l’honorable
député du Hainaut, système qui aurait pour but, pour résultat du moins, de
priver en ce moment le pays des ressources de la garde civique.
Je ferai remarquer que
la plupart des propositions de la commission se rapporte à celles du projet du
ministre. S’il est besoin d’explications, le rapporteur est là, il pourra les
donner. Quant à discuter la loi telle qu’elle fut présentée par le ministère
précédent, cela n’est pas admissible, Il y aurait inconséquence de la chambre,
cette discussion ne durât-elle qu’un mois, de voter d’urgence une augmentation
d’impôts, un budget de la guerre, et de s’arrêter pour un projet qui est
également d’urgence.
M.
Gendebien. - Quant à la question d’urgence, la chambre ne l’a décidée
que sous réserve de voir après le rapport, si réellement il y avait urgence.
Cela était impossible à juger quand on ne connaissait pas le projet qui n’a pas
même été lu. Veuillez bien vous rappeler que les vices que l’on prête à la loi
générale sur l’organisation de la garde civique ne viennent que de l’urgence,
et j’ose dire de la légèreté qu’on a apportée à la voter. Pour améliorer ce que
vous avez fait, vous tombez dans les mêmes fautes, et vous n’attendez pas même
le rapport. J’entends dire à chaque instant que la loi du 31 décembre est
inexécutable. Si je dois juger des améliorations qu’elle recevra d’après le
nouveau projet, par l’examen du projet lui-même, je dois dire qu’elles seront
bien minimes, car pour ma part, je ne trouve pas dans ce projet de remèdes au
mal dont on se plaint.
En admettant que l’on
discutera le projet à la rentrée de la vacance que va prendre la chambre, on
verra si vos prétendues améliorations pourront être adoptées, s’il n’y en aura
pas d’autres à y ajouter. Veuillez-vous rappeler que les vices principaux de la
loi dont on se plaint proviennent d’abord de ce que les légions et les
bataillons étant trop nombreux, aucun cadre n’était complet ; ensuite parce
qu’au lieu d’appeler la garde civique par compagnies, on ne pouvait appeler les
hommes que par bataillons, c’est-à-dire par cantons, de manière qu’il y avait
des cantons dépeuplés, tandis que d’autres ne fournissaient pas un homme. Je ne
vois pas dans le projet de remède à ce mal. Cependant, c’est le vice essentiel
qui coûte à l’Etat d’énormes sommes, et aux citoyens des charges inégales.
Il en est de même pour
les gardes sédentaires dont les légions et les bataillons sont trop nombreux.
Les villes sont surchargées par là de dépenses considérables. Vous ne présentez
pas non plus de remède à cet inconvénient majeur. Que l’on dise que mon but ou
le résultat de mes paroles est de priver le pays des ressources de la garde
civique, peu m’importe, mes actes sont là pour garantir mes intentions et pour
répondre à des accusations téméraires. Je dis et je répète que vous allez faire
une loi incomplète. Vous serez obligés de revenir trois ou quatre fois à
l’œuvre, et pourquoi ? pour faire une loi incomplète.
Il faut bien peu
connaître le mal et la peine qu’un homme, même rompu à l’étude des lois, doit
se donner pour en faire une juste application lorsque ces lois sont
embarrassées de plusieurs dérogations et amplifications successives ; il faut
avoir bien peu de notions sur l’application de ces lois pour discuter et
adopter un projet aussi incomplet que celui qui nous occupe, sans le méditer
profondément. Quant à la loi générale sur la garde civique, messieurs, je ne
suis pas d’avis qu’elle soit si mauvaise qu’on le dit. Elle est mauvaise, parce
que depuis le ministère Sauvage on n’a pas voulu l’exécuter, parce qu’on
redoute cette institution toute protectrice de la constitution. On l’attaque si
souvent, parce qu’on veut y introduire de petites dispositions ministérielles,
telles que l’art. 22 du projet de loi actuel, qui donne au Roi le droit de
suspendre ou de dissoudre tout ou partie de la garde civique d’une commune ou
d’un canton.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’entends un grand nombre de membres demander
à aller aux voix. Je me rallie à cette demande pour ne pas perdre de temps.
M.
Gendebien. - Comme je vois qu’il serait inutile de persister dans ma
proposition, je la retire ; mais je n’en proteste pas moins.
M.
F. de Mérode. - Messieurs, il ne s’agit pas, selon moi, d’établir une garde
civique qui sera mobilisée uniquement pour augmenter la force de l’armée.
Vous savez tous ce qui
est arrivé en 1831, à l’affaire de Louvain.
Non seulement l’armée,
mais la population tout entière voulut venir au secours du pays. Mais alors
rien n’était organisé, on arrivait pêle-mêle, sans ordre, sans chefs ; on ne
pouvait arriver au but que l’on se proposait, et malgré tout le zèle qu’on
déployait, on ne pouvait aider l’armée active.
Il s’agit d’avoir une
garde civique tellement organisée que dans tout temps on pût marcher à
l’ennemi. Il n’est pas dans ce moment nécessaire de recourir à une loi
d’organisation complète. Il faut une loi provisoire qui procurera cet avantage,
qu’au cas échéant les efforts des citoyens ne seront pas perdus ; et par le projet
qui dans ce moment est soumis à l’examen de la chambre, on pourra atteindre ce
but.
M.
Gendebien. - L’honorable comte de Mérode vient de dire que si la garde
civique en août 1831 n’a pas agi avec ordre, la faute en était à la loi de 1830
; je ne crois pas que ce soit la faute de cette loi. C’est celle du ministère
Sauvage et compagnie. On prétend qu’en adoptant le projet de loi actuellement
soumis à notre examen, on parera aux inconvénients qui se sont présentés :
qu’on me démontre cette vérité, et alors je conviendrai de l’urgence de le
voter.
Discussion des articles
Titre Ier. Dispositions spéciales sur la garde
civique dans certaines communes
Articles 1 et 2
M.
le président. - « Art. 1er. Le Roi pourra changer l’uniforme de la
garde civique dans les villes fortifiées ou dominées par une forteresse, et
dans les communes dont la population excède 5,000 habitants. Il pourra
également le changer dans les communes où cette mesure sera réclamée par le
conseil de régence.
« Le prix de
l’uniforme d’un simple garde ne pourra dépasser 50 francs. »
- L’article 1 est mis au voix et adopté.
_______________
M.
le président. - « Art. 2. Le nombre des légions, bataillons et compagnies
de garde civique, formés en vertu de la loi du 31 décembre 1830, est maintenu.
« Dans les communes
où, lors de la formation, le premier ban pas n’a pas été organisé séparément,
les compagnies du premier ban viendront en déduction du nombre de compagnies
sédentaires. »
- L’article 2 est également adopté.
M.
le président. - L’article 3 est mis en discussion.
« Art. 3. Les
compagnies du premier ban restent organisées séparément et soumises aux
dispositions existantes.
« L’administration
communale fournira tout ou partie de l’habillement des gardes de ce ban qui ne
peuvent s’habiller à leurs frais.
« Cependant, en cas
de mise en activité, l’Etat remboursera à la commune la moitie de la dépense
faite par elle, pour l’habillement des gardes qu’elle fournit. »
M. Rogier. - Au
paragraphe 2 de cet article il est dit : L’administration communale fournira
tout ou partie de l’habillement. Il reste bien entendu qu’en cas de mise en
activité le ministère de la guerre est chargé de l’équipement. Au 3ème
paragraphe il est dit : En cas de mise en activité, l’Etat remboursera à la
commune moitié, etc. Je trouve une addition à faire à ce paragraphe. On voit
que l’Etat rembourse la moitié dans le cas de mise en activité. Si cette mise
en activité ne dure que quelques jours, il y aurait injustice à faire payer
moitié au gouvernement. Il ne le faudrait que dans le cas où cet état de choses
durerait 2 ou 3 mois. Je propose donc de dire : « En cas de mise en activité
pour un espace de 2 ou 3 mois, l’Etat rembourse, etc. »
M. Dumortier, rapporteur. - Je déclare d’avance
à l’honorable député de Turnhout que j’adopte son amendement quant à la demande
relative au cas de mise en activité. Nous pensons que cela doit avoir lieu non
seulement pour le petit, mais encore pour le grand équipement.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je
reconnais qu’il est juste qu’en cas de mise en activité, et pour deux mois au
moins, l’Etat doit payer la moitié de l’habillement. Le grand équipement se
compose de l’habit, du pantalon et du schako. Il y a des effets de petit
équipement, tels que bas, chemises, etc., qui en tout montent à 36 fr. Je me
rallie entièrement à l’opinion de l’honorable rapporteur de la section
centrale.
M. A. Dellafaille. - Le paragraphe 2 de l’article en
discussion me présente l’occasion de faire remarquer que s’il est adopté tel
qu’il est, il entraînera une injustice facile à réparer. Il est dit :
L’administration communale interviendra en tout ou en partie dans l’habillement
de tous les gardes de ce ban qui ne peuvent s’habiller à leurs frais. Je
demande qu’il soit ajouté après « tous les gardes » ces mots : « auxquels
le gouvernement aura fait remettre des armes. »
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ne pense pas que l’addition soit nécessaire, et je crains que dans la
pratique elle n’amène des inconvénients. Ainsi, par exemple, la garde civique
de Bruxelles est armée mais ce n’est pas le gouvernement qui fourni les armes,
du moins directement. Des crédits ont été ouverts à cet effet, mais je ne pense
pas qu’on puisse dire que les armes aient été fournies directement par le
gouvernement à la garde civique de Bruxelles.
Vous
voyez donc que la rédaction de M. A. Dellafaille présenterait des
inconvénients. Elle est sans utilité, car le gouvernement sera aussi désireux
que qui que ce soit d’épargner aux communes des dépenses inutiles.
Je ferai de plus
observer qu’aux termes de la loi du 31 décembre 1830, les communes sont tenues
de fournir l’habillement aux gardes qui ne peuvent se le procurer à leurs
frais.
Comme cet habillement
doit être souvent renouvelé à raison de son peu de solidité, c’est une charge
assez lourde pour les communes.
Je pense qu’il faut
rester dans les termes généraux de la loi et ne pas mettre de condition
spéciale pour l’habillement.
M. A.
Dellafaille. -
Je pense que l’observation de M. le ministre est juste ; mais pour faire cesser
l’inconvénient qu’il a signalé il suffit de changer la rédaction de
l’amendement et de dire : les gardes qui sont armés.
Tant que le premier ban
n’est pas mis en activité, je ne vois pas la nécessité d’imposer aux villes
l’obligation de fournir aux gardes un uniforme coûteux. Il vaut mieux alors
laisser les fonds dans la caisse.
M. Desmanet de Biesme. - Je ne
reconnais jamais l’urgence de faire de mauvaises lois. Et je suis persuadé que
celle que nous faisons sera mauvaise parce que, pour la faire bonne, il aurait
fallu avoir le temps de revoir toute l’organisation de la garde civique. Aussi
je voterai probablement contre le projet de loi, Cependant je crois devoir
combattre l’amendement de M. Rogier, qui veut, que, dans le cas où les gardes
civiques ne seraient que deux mois hors de la commune, tous les frais
d’habillement fussent à la charge des communes. Je trouve cela souverainement
injuste. Vous pouvez avoir une campagne de deux mois. Pourquoi forcer, dans ce
cas, les communes à faire les frais de tout l’équipement, alors que l’Etat
profite des services des gardes civiques ? Les communes sont déjà horriblement
obérées, et quant à moi, je ne veux pas leur imposer de nouvelles charges avant
une discussion plus approfondie que ne peut l’être celle à laquelle nous nous
livrons. Je voterai donc contre l’amendement proposé, parce qu’à mon avis, les
dépenses auxquelles il s’agit de pourvoir, doivent être supportées par l’Etat
et non par les communes.
M. F. de Mérode. - L’observation de M.
Desmanet me paraît juste, cependant la question de savoir par qui doivent être
supportés les frais d’équipement peut dépendre de circonstances qu’il vous est
impossible de prévoir. Selon moi, ce n’est pas maintenant que nous devrions
voter une disposition définitive sur cet objet. Si on mettait en activité,
d’une manière permanente, le premier ban de la garde civique, par suite d’une
attaque inopinée ou de toute autre cause, plus tard on voterait une disposition
pour rendre justice à qui de droit.
M.
Dumortier, rapporteur. - Il est incontestable qu’il peut y avoir de
l’un et de l’autre côté des inconvénients. Sans doute l’Etat doit intervenir
dans les dépenses des gardes civiques qui sortent de leurs foyers ; mais, dans
les villes exposées aux attaques de l’ennemi, les gardes civiques peuvent sortir
par suite d’un fausse alarme : eh bien, dans ce cas, la commune doit supporter
seule les frais. Je pense que l’on peut réduire l’amendement de M. Rogier à un
mois, et dire que quand la garde civique sera sortie pendant un mois, l’Etat
remboursera à la commune la moitié des frais.
Il
ne faut pas perdre de vue que nous n’avons pas imposé de nouvelle charge à la
commune, car elle existait déjà ; mais nous avons créé de nouveaux moyens d’y
pourvoir. Sous le gouvernement hollandais, les schutters
qui n’avaient pas le moyen de se procurer leur équipement, le recevaient de la
commune. Le congrès a maintenu ce système ; la loi du 31 décembre force les
communes d’habiller tout garde civique qui n’a pas le moyen de s’habiller à ses
frais. Le nombre des gardes habillés par les caisses communales est très
considérable.
Pour moi, qui ai eu
occasion de faire exécuter la loi actuellement existante, depuis quatre ans, je
puis assurer que celle que nous discutons, sera beaucoup moins onéreuse pour
les caisses communales.
J’appuie donc
l’amendement de M. Rogier, en réduisant le délai à un mois.
M. Rogier. - Je me réunis au sous-amendement de M. Dumortier. Ma proposition n’avait
pour but que d’éviter de mettre à la charge de l’Etat la moitié des frais
d’habillement de gardes civiques qui ne seraient sortis de leurs foyers que
pendant quelques jours.
Je ferai observer que
l’Etat fournit déjà tout le petit équipement et la capote.
M. de Brouckere. - S’il y a des
inconvénients à adopter la proposition du ministre, il n’y en a pas moins à
voter celles présentées par les honorables préopinants. Il pourrait arriver que
le premier ban des gardes civiques ne fût pas en activité pendant un mois, et
que cependant les habillements fournis par la commune eussent souffert des
dommages considérables pendant le lieu de temps de cette activité. La garde
civique peut avoir à faire une campagne de quinze jours ou trois semaines, et
après cela rentrer dans ses foyers. Je vous demande s’il n’y aurait pas des
frais considérables à faire pour renouveler l’habillement de ces gardes :
d’après l’amendement, ces frais retomberaient tout entiers sur la commune. Ce
serait une véritable injustice.
Je déclare, quant à moi,
qu’il m’est impossible de voter en connaissance de cause des lois ainsi
improvisées. Le projet ne m’a été remis que ce matin ; je n’ai pas eu le temps
de comparer les lois sur la garde civique qui sont très volumineuses. Je me
trouve très embarrassé ; je serai forcé de prendre le parti auquel M. Desmanet
se propose d’avoir recours, de voter contre la loi.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il est impossible de prendre une mesure applicable à tous les cas. Quelle que
soit celle qu’on adopte, il se présentera des circonstances où elle n’atteindra
pas le but qu’on se propose. Il faut adopter soit l’amendement de M. Rogier,
soit celui de M. Dumortier qui paraît établir une règle générale assez équitable.
Si elle ne pare pas tous les inconvénients, ce sera tantôt l’Etat, tantôt les
communes qui en profiteront. Il y a une foule de circonstances de cette nature,
où il est impossible de trouver une règle absolument juste pour déterminer la
part contributive de chacun des intéressés.
M.
F. de Mérode. - C’est pour cela, parce qu’il me semblait impossible de
prévoir d’une manière juste dans quelle proportion l’Etat et les communes
devaient contribuer, que je proposais de ne pas s’occuper de cet objet dans la
loi actuelle. Je ne sais pas pourquoi on veut décider à l’avance des choses
qu’on ne peut apprécier avec justice que quand les faits sont accomplis (Aux voix ! aux voix !)
M.
le président. - Je vais d’abord mettre aux voix l’amendement de M. A.
Dellafaille, qui consiste à ajouter au deux paragraphe, après les mots
« des gardes de ce ban, » ceux-ci : « qui ne sont pas armés et
qui ne peuvent s’habiller à leurs frais. »
M. de Brouckere. - Mais qui fournira
l’habillement à ceux qui ne seront pas armés ?
M. A.
Dellafaille. -
Tant qu’ils ne sont pas armés, il est inutile de les habiller.
- L’amendement de M.
Dellafaille est mis aux voix et adopté.
M. le président. - Vient maintenant l’amendement
de M. Rogier, sous-amendé par M. Dumortier, qui consiste à ajouter après les
mots : « Cependant, en cas de mise en activité, » ceux-ci :
« pendant un mois au moins. »
M.
Lardinois. - Je demande la parole pour faire une question sur le
dernier paragraphe : Entend-on qu’il sera remboursé à la commune la moitié de
la dépense primitive, ou estimera-t-on l’état de l’habillement, pour rembourser
en concurrence de la diminution de valeur ?
Puisque j’ai la parole,
je dirai que je partage l’opinion de quelques honorables collègues sur le
danger de faire une loi avec trop de précipitation. Je crains que nous ne
fassions au pays le même cadeau qu’en 1830, en votant une loi non pas aussi
défectueuse qu’on la suppose, mais qui aurait besoin d’améliorations.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Les termes sont clairs. L’Etat remboursera à la commune la moitié de la
dépense faite par elle. C’est la moitié
de la dépense faite. Il ne s’agit pas d’estimer l’habillement.
M.
Lardinois. - Ainsi, il est bien entendu que si l’habillement est usé
aux 7/8, l’Etat remboursera la moitié des 50 fr. dépensés par la commune, c’est
à-dire 25 fr.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Oui !
- L’amendement de M.
Rogier est mis aux voix et adopté.
L’article ainsi amendé
est également adopté.
Article 4
M.
le président. - « Art. 4. La mise à exécution de l’article premier
de la présente loi sera précédée de la réorganisation des compagnies
sédentaires, et du renouvellement des caporaux, sous-officiers et officiers
soumis à l’élection.
« Les nouveaux
titulaires seront élus pour un terme de 5 années. »
- Adopté.
M.
le président. - « Art. 5. Il sera établi deux contrôles des hommes
destinés à composer les compagnies sédentaires, l’un de service ordinaire et de
l’autre de réserve.
« Les hommes portés
sur ce dernier contrôle ne seront appelés à faire partie de la garde civique
que dans des circonstances extraordinaires.
« Les gardes qui
peuvent s’habiller à leurs frais sont seuls tenus de concourir au service
ordinaire et constituent les compagnies.
« Néanmoins, dans
les communes où le nombre de gardes qui peuvent s’habiller à leurs frais,
n’atteindrait pas celui de 60 hommes dans chaque compagnie sédentaire, la
commune sera tenue de parfaire ce nombre en appelant au service ordinaire ceux
des gardes qui peuvent le plus facilement contribuer à leur habillement et qui
font partie du contrôle de réserve : dans ce cas, elle devra contribuer pour le
surplus. »
M. Desmanet de Biesme. - Quelle est
l’autorité qui décidera si les gardes ont ou n’ont pas le moyen de
s’habiller ? Il faudrait aussi savoir sur quoi on se basera pour décider
cette question.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Cette question sera décidée suivant les règles établies par la loi générale.
II ne s’agit pas d’innover la manière de résoudre cette difficulté. D’après la
loi générale, quand les gardes civiques n’avaient pas le moyen de se procurer
la blouse, c’est l’administration municipale qui constatait le fait. Il en sera
de même à l’avenir, il n’y a de différence que dans la nature de l’habillement.
M.
Dumortier, rapporteur- Nous avons donné une garantie aux gardes en
établissant à l’art. 8 un degré d’appel. Nous avons reconnu que
l’administration communale pouvait rendre de mauvais jugements, accorder ou
refuser l’habillement aux frais de la commune. Par l’art. 8 nous avons admis
l’appel au conseil provincial, en faveur des citoyens qui se croiraient lésés
par les décisions de l’administration communale. C’est une amélioration qui
empêche les abus auxquels pouvait donner lieu la législation actuelle.
- L’art. 5 est mis aux
voix et adopté.
M.
le président. - « Art. 6. Dans les communes où la présente loi
sera mise à exécution, les gardes devront se pourvoir de l’uniforme dans le
mois après qu’ils en auront reçu l’ordre de leur chef de corps.
« Tout
refus, toute négligence, de se conformer à cet ordre, sera puni d’une amende de
60 francs au profit de la commune, qui demeurera chargée de fournir l’uniforme.
« L’officier jugé
en retard sera considéré comme démissionnaire. »
M. Rogier. - Je
crois qu’il serait nécessaire d’indiquer par qui sera prononcée l’amende de 60
fr. Le conseil de discipline ne peut d’après la loi en vigueur condamner qu’à
une amende de un à sept florins. On pourrait étendre la compétence du conseil
de discipline et ajouter à l’article, après ces mots : « sera puni, »
ceux-ci : « par le conseil de discipline.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Il vaudrait mieux ajouter un quatrième paragraphe ainsi conçu : « Le jugement
sera prononcé par le conseil de discipline. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Je propose de dire : « La peine sera
appliquée. »
M. de Brouckere. - Vous verrez que la loi
que vous faite sera inapplicable, Voyez ce qui résulte de la rédaction de M. Dumortier. Je concevrais qu’après
le deuxième paragraphe, après avoir dit : Tout refus, toute négligence de se conformer
à cet ordre, sera puni d’une amende de 60 fr. au profit de la commune, qui
demeurera chargée de fournir l’uniforme, on ajoutât : Cette peine sera
prononcée par le conseil de discipline.
Mais je ne comprends
plus cette disposition si elle est précédée de celle-ci : « L’officier
jugé en retard sera considéré comme démissionnaire. »
Il n’y a plus aucun
rapport. Si on veut que le conseil de discipline décide que l’officier en
retard est démissionnaire, il faut dire : « Le jugement sera
prononcé, » car on ne peut pas dire : « La peine sera
prononcée, » quand il s’agit de déclarer un officier démissionnaire.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- J’avais proposé de rédiger le paragraphe comme l’indique l’honorable
préopinant.
- L’amendement ainsi
rédigé : « Le jugement sera prononcé par le conseil de discipline, »
est mis aux voix et adopté.
L’article amende est
également adopté.
Articles 7 à 9
M.
le président. - « Art. 7. Dans les localités dont les ressources
ne suffiraient pas à l’exécution des dispositions qui précèdent, le
gouvernement, après avoir pris connaissance de la situation financière de la
commune, pourra autoriser l’administration locale à exiger de chacune des familles
aisées dont il est fait mention à l’art. 60 de la loi générale, de fournir soit
la totalité, soit une partie déterminée du prix de l’uniforme d’un
garde. »
- Adopté.
_________________
Les articles 8 et 9 sont
adoptés.
Ils sont ainsi conçus :
« Art. 8. Les
citoyens qui se croiraient lésés par l’application des art 3, 5 et 7, pourront
en appeler à la députation du conseil provincial dans les dix jours de l’avis
qui leur en aura été donné.
« Tout membre de la
garde pourra également appeler des décisions du conseil de régence, par
lesquelles les gardes auraient été indûment portés sur le contrôle de
réserve. »
« Art. 9.
L’uniforme prescrit par la loi du 31 décembre 1830 reste obligatoire pour les
communes qui ne tombent pas sous l’application de l’article premier de la
présente loi. »
Titre II. - Dispositions communes pour toute la garde civique
M.
le président. - La discussion est ouverte sur le titre II.
M.
le président. - « Art. 10. Les adjudants-majors sont comptables de
l’armement, de l’habillement et l’équipement des gardes ; le tambour-major, de
ceux des tambours. »
M. Eloy de Burdinne. - Je désirerais
savoir si l’intention de la commission est que les adjudants-majors soient
responsables de la comptabilité qu’on leur impose.
M. Dumortier, rapporteur. - Cela est
incontestable ; car tout comptables est responsable de la gestion. Dans l’état
actuel de la législation sur la garde civique, il n’existe aucun officier
chargé de la surveillance de l’armement, de habillement et de l’équipement de
la garde civique, tellement qu’un matériel considérable appartenant à l’Etat se
trouve entre les mains des gardes, et se détériore faute d’un contrôle
suffisant. C’est une chose fâcheuse et la commission qui a reconnu qu’il
fallait mettre ordre à cet abus a pensé que le meilleur moyen d’y porter remède
était de charger les adjudants-majors de cette surveillance.
M.
de Man d’Attenrode. - Messieurs, on s’est plaint, à plusieurs reprises dans nos
discussions parlementaires du mauvais état des armes de la garde civique. Ces
plaintes sont très fondées ; il me semble inutile de m’étendre sur la nécessité
de prendre des mesures pour assurer leur entretien. La cause du mauvais état
des armes, ce sont les lois qui ont régi la matière jusqu’à présent ; en effet,
aucun article n’autorisait les chefs à faire des inspections d’armes, à faire
payer des amendes aux gardes qui s’obstinent à ne pas tenir leurs armes en bon
état. J’ai cherché à remédier à cette absence de disposition par l’amendement
suivant.
(L’amendement présenté par M. de Man d’Attenrode ne nous étant pas
parvenu, nous ne pouvons en faire connaître les dispositions.)
M. de Brouckere. - La commission, en
établissant les adjudants-majors comme officiers comptables dans la garde
civique, consacre une innovation. En effet, dans aucun corps l’adjudant-major
n’est chargé de la comptabilité. Il est chargé de tout ce qui est relatif à
l’instruction des hommes, à l’exercice, aux manœuvres. Mais jamais il n’a été
chargé de la surveillance du matériel. Faut-il admettre cette innovation ? Je
ne m’y oppose pas, mais plus tard je crois que l’expérience démontrera les
inconvénients qui en résulteront.
M. Dumortier, rapporteur. - Il existe dans
l’organisation de la garde civique, une foule de dispositions qui ne sont pas
admises dans l’armée en ligne, et cela se conçoit. Il ne peut y avoir dans la
garde civique des officiers d’habillement et d’équipement. Quels sont donc les
officiers qui, les mieux à même de surveiller l’équipement des gardes et le
matériel de la légion, peuvent être appelés à les remplacer ? Ce sont les
adjudants-majors qui sont chargés de tous les détails du service.
La commission a donc cru
qu’elle agirait dans l’intérêt de la conservation des effets d’équipement et du
matériel en assimilant les adjudants-majors aux officiers d’habillement de
l’armée. Elle a rempli par là une lacune dont les inconvénients se faisaient
vivement sentir. Je ne crois pas que personne conteste l’utilité, l’urgence
d’une pareille mesure.
M.
Gendebien. - Mon intention n’est pas de discuter à fond la loi qu’a
rédigée à la hâte la commission. Je vois trop bien qu’il est impossible d’en
faire quelque chose de bon.
M.
Dumortier, rapporteur. - Signalez les vices de cette loi.
M.
Gendebien. - Je sais que l’honorable M. Dumortier a des connaissances
transcendantes en matière de législation ; mais il me permettra en cette
occasion de douter de l’excellence de la loi à laquelle il a mis la main.
Si j’ai pris la parole,
c’est que j’ai voulu prévenir la chambre qu’elle va commencer une deuxième
inconstitutionnalité. Elle en a consacré une première en imposant à l’art. 5
une charge plus forte à une certaine catégorie de citoyens dans le service de
la garde civique en en faisant peser toutes les obligations sur les gardes qui
ont le moyen de s’équiper à l’exécution des autres.
La
deuxième inconstitutionnalité que je signale est celle où vous donnez aux
adjudants-majors le titre de comptables, ce qui est une chose absurde,
irrationnelle, uniquement pour avoir occasion à l’article 11 de conférer la
nomination de ces officiers au Roi, ainsi vous voyez ce que dit cet article :
« Les
adjudants-majors, le quartier-maître sont nommés par le Roi. »
Il est certain que
l’inspection de l’armement et de l’équipement des soldats ne constitue pas une
comptabilité ; j’ai seulement voulu prévenir la chambre de ce qu’elle allait
voter. Car j’ai la conviction que la loi actuelle ne sera pas exécutable. Je
m’expliquerai plus tard là-dessus. Mais allez, faites, puisque vous y êtes ;
achevez votre loi.
M.
Dumortier, rapporteur. -Si vous pouviez contribuer à nous faire marcher
plus vite et mieux, à coup sûr vous avez grand tort de nous priver de vos
lumières. Je n’ai pas comme vous le bonheur d’être avocat, d’être législateur…
M.
Gendebien. - On s’en aperçoit de reste. Il est plus facile de faire un
académicien qu’un avocat.
M.
Dumortier, rapporteur. - M. Gendebien prétend que la loi ne sera pas
exécutable, qu’il nous le démontre. Rien n’est plus facile que de nous désigner
les points qui la rendront inexécutable ; s’il le sait, il a grand tort de ne
pas le faire.
Il est facile au bout de
quatre années d’exécution de saisir les points faibles de la loi de décembre
1830 sur la garde civique. Il n’est personne qui n’ait été à même d’en
apprécier les inconvénients. C’est pour remédier à ces inconvénients que le
projet de loi a été rédigé. On est parti des données que fournissait
l’expérience.
D’abord l’Etat a là un
matériel qui vaut des millions entre les mains des gardes civiques. Cependant
personne n’est chargé du contrôle des armes remises à chacun des membres de la
milice citoyenne. Il y a bien une liste générale des fusils fournis, mais je le
répète, il n’y a pas de contrôle.
Nulle part les armes ne
sont poinçonnées. Il sera libre à chaque garde de remplacer le bon fusil de 50
francs qu’il aura reçu, pas un mauvais fusil provenant peut-être du fameux
marché de 1831.
Quant à ce qu’a dit le
préopinant, que l’on a créé les adjudants-majors officiers comptables
uniquement pour les faire nommer par le Roi, c’est là une grave inexactitude,
une contre-vérité ; il fallait créer dans les légions des officiers comptables.
Personne
n’était plus à même que les adjudants-majors d’être préposé au soin de
l’armement et de l’équipement des gardes. En leurs qualités d’adjudants-majors,
ils sont rétribués par la loi, il était inutile de créer de nouvelles places
d’officiers rétribués, et l’on faisait une économie notable tout en atteignant
le but que l’on avait en vue.
On nous dit : Vous ne
faites que des inconstitutionnalités. Vous en avez fait une à l’article 5 en
n’admettant qu’une classe de citoyens à faire partie de la garde. La seconde
inconstitutionnalité consiste à ranger les adjudants-majors parmi les
officiers-comptables. Je crois que l’honorable M. Gendebien serait très
embarrassé de nous démontrer ces prétendues inconstitutionnalités. Il faudrait
reconnaître que le congrès lui-même, à qui nous devons la constitution, le
congrès, dont M. Gendebien était un des membres les plus distingués, aurait été
le premier à la violer, car il n’a pas admis tous les citoyens à faire partie
de la garde civique. Il en a exclu une grande partie. Qu’avons-nous fait ? Nous
avons agi comme cette assemblée. Et nous n’avons pas cru commettre une
inconstitutionnalité en n’admettant pas dans les rangs de la garde civique les
citoyens de tout âge et de tout sexe. (Hilarité
générale.)
M.
Gendebien. - Si le système large de M. Dumortier était mis en pratique,
cela pourrait chasser l’ennui des casernes et des corps-de-garde. Je regrette
que l’honorable député et bourgmestre d’Anvers ne soit pas présent à la séance.
Il aurait eu beau jeu de crier à la lubricité. (Hilarité.)
Je soutiens ce que j’ai
dit sur l’art. 5. Il suffit d’en prendre lecture. Vous imposez la charge de
l’habillement à certains citoyens, et vous les forcez de concourir seuls à la
formation des compagnies et aux charges du service. Le congrès avait été plus
libéral. Il avait admis tous les citoyens dans la garde civique. Mais il les
avait divisés par catégories, de tel âge jusqu’à tel âge. Il avait proportionné
le service des gardes à leur âge et à leur force physique. Mais si la loi de
1830 établissait des exclusions comme M. Dumortier le prétend, il aurait fallu,
ainsi qu’il l’a annoncé, que les hommes et les femmes font partie de la garde
civique, puisque celles-ci, considérées comme citoyennes, sont égales devant la
loi. Cette conséquence nécessaire serait absurde et détruit par conséquent le
système.
Si le congrès avait dit
: Les citoyens seuls qui ont le moyen de s’équiper font partie de la garde
civique, il aurait consacré une inconstitutionnalité, mais il n’a pas dit cela.
Il a admis en principe tous les citoyens à faire partie de la garde civique.
Mais il a fait des distinctions entre eux. Il les a classés par catégories
d’âge que chaque citoyen est à son tour appelé à atteindre ; il y a donc
égalité parfaite.
Quant à
l’inconstitutionnalité que j’ai signalée à l’article 10, elle est évidente. En
effet, l’article 122 de la constitution établit l’existence d’une garde civique
et confère aux gardes la nomination des titulaire de tout grade jusqu’à celui
de capitaine inclusivement. Il ne fait d’exception dans cette catégorie de
grades que pour les comptables dont la nomination est déférée au Roi.
Or, la commission
qualifie de comptables, dans son projet, les adjudants-majors ; c’est
uniquement pour que la nomination en puisse être faite par le Roi. Il n’y a pas
moyen d’envisager la chose sous un autre point de vue.
Tous les chefs de corps
sont chargés de la surveillance de l’équipement et de l’armement des soldats.
Si leur surveillance est insuffisante, créez dans les légions des officiers
d’armement et d’habillement ; mais ces officiers ne seront jamais considérés
comme des officiers comptables. La constitution ne considère comme comptable
que l’agent qui manie des deniers. On a voulu que le gouvernement eût une
garantie à l’égard des hommes qui sont dans la position d’avoir un
maniement de fonds. N’est-ce pas forcer
le texte de la loi que de considérer comme comptable un homme qui n’aura pas à
rendre compte de l’emploi d’un seul denier ?
Vous surchargez l’adjudant-major
en lui imposant l’inspection et la responsabilité des armes et du matériel de
la légion. Considérez, messieurs, que les adjudants-majors sont les chevilles
ouvrières des régiments.
C’est
à peine si, dans les troupes régulières, ils ont le temps nécessaire pour
remplir tous les détails de leurs fonctions, et vous allez dans une troupe
irrégulière, dont l’instruction et l’organisation sont bien plus difficiles,
ajouter d’autres attributions à ces fonctions déjà si multipliées. Dites que
dans chaque bataillon ou dans chaque légion il y aura un officier d’armement à
la nomination du colonel, ou faites nommer un officier d’habillement par le
pouvoir royal, mais parmi les officiers élus. Je le veux bien ; mais, encore
une fois, il est évident que la qualification de comptable ne pourra être
donnée à cet officier. Je ne puis attribuer cette singulière dénomination qu’au
désir qu’a eu la commission de faire nommer les adjudants-majors par le Roi.
Au reste, allez
toujours, et je vous garantis que votre loi n’aura qu’une courte durée. Si on
nous avait présenté une loi mûrement élaborée, je me serais donné la peine de
la discuter. L’honorable M. de Mérode nous a déjà annoncé une nouvelle loi
complémentaire sur la garde civique. J’approuve sa prévoyance, toute naïve
qu’elle est, et j’espère qu’alors on nous présentera quelque chose de
discutable et surtout d’exécutable.
M. F. de Mérode. - Il est reconnu que pour
élaborer une loi générale sur la garde civique et sur l’armée, il faudrait un
temps considérable. Nous voulons simplement aujourd’hui améliorer ce qui existe
par quelques articles ; mais nous ne nous réservons pas moins le droit de
discuter une troisième loi qui, cette fois, sera définitive. Nous savons que la
loi actuelle est imparfaite. Nous savons qu’on pourra en faire une meilleure.
Si j’ai parlé d’une loi définitive, si j’ai reconnu que celle-ci n’était que
transitoire, je n’ai pas avoué qu’elle serait inexécutable ; j’ai voulu dire
qu’essentielle dans les circonstances actuelles, à cause des améliorations
qu’elle introduit à l’ancienne, elle était tout ce qu’elle pouvait être vu le
peu de temps que l’on a mis à la faire.
La lenteur de nos
discussions contre laquelle je me suis si souvent élevé, retardera le vote
d’une loi définitive sur la garde civique, s’en suit-il qu’il faille que nous
n’introduisions pas des améliorations à celle qui régit actuellement cette
milice ? C’est ce que nous faisons.
M.
Rogier. - Je dois déclarer que si j’appuie le projet de loi en
discussion, ce n’est pas que je le considère comme parfait. Je crois que M.
Gendebien lui-même, malgré toutes ses connaissances en droit, ne parviendrait
pas à faire une œuvre parfaite. J’appuie la loi parce que je la trouve utile, nécessaire
dans les circonstances où le pays se trouve, parce qu’elle introduit des
modifications à la loi générale de 1830, que l’expérience de quatre années a
reconnues nécessaires. Quoique l’on ait prédit, et d’une manière positive,
cette fois, que la loi sera inexécutable, pour ma part je la considère non
seulement comme exécutable, mais comme plus exécutable que ce qui existe
aujourd’hui.
Je reconnais très
franchement que si l’on a désigné les adjudants-majors comme officiers
comptables, ç’a été en grande partie pour pouvoir en attribuer la nomination au
Roi.
Il ne faut pas se le
dissimuler. Ce mode de nomination est nécessaire.
Je crois qu’il est du
devoir de la chambre de donner son adhésion à une semblable disposition. Pour
ma part, je ne pense pas qu’il y ait absurdité, comme on l’a dit, à considérer
les adjudants-majors comme officiers comptables, alors qu’ils sont chargés de
l’armement et de l’habillement.
En faut, il est bon de
savoir que les adjudants-majors n’ont jamais été nommés par les gardes, mais
bien par le gouvernement. On peut paraître avoir dévié un peu en cela du texte
de la constitution. Mais il était tellement indispensable que le gouvernement
eût la nomination des adjudants-majors, que personne n’a jamais protesté
jusqu’à ce jour contre la manière de procéder à cet égard. Que demande
aujourd’hui la commission ? C’est que la chambre confirme ce qui existe.
D’ailleurs, en agissant de la sorte, l’assemblée ne violera pas la
constitution, qui a voulu, d’après ce qui vient d’être dit, que
On dit qu’il n’était pas
nécessaire d’introduire une législation nouvelle, que la législation existante
suffisait. J’ai été, messieurs, de ceux (et cela pour de bonnes raisons) qui
n’ont pas regardé la loi de décembre 1830 comme aussi entachée de vices qu’on
veut bien le dire. Mais cette loi en laissait subsister que l’expérience nous a
dévoilés, notamment en ce qui concerne l’uniforme. Depuis les désastreux
événements de 1831, le prestige attaché à la blouse est tombé. Aussi il y a un
an que le gouvernement vous a présenté un projet de loi à l’effet de changer
l’uniforme de la garde civique. Ce projet, sur la discussion duquel j’insistai
à plusieurs reprises, ne fut pas examiné dans la dernière session. Aujourd’hui
par le nouveau projet de loi dont vous êtes saisis, il a été pourvu au
changement d’uniforme. Vous venez de décider que le Roi pourra le déterminer.
On a voulu également assurer au pouvoir royal
la nomination de certains grades d’officiers nécessaires pour la bonne
organisation des bataillons et des légions ; on a voulu en troisième lieu
fortifier les moyens de discipline dans la garde civique.
Voilà les principales
améliorations introduites par le projet de loi en discussion. Je ne dis pas que
tout ait été prévu, que les vices de l’ancienne loi aient tous disparu ; mais
je suis certain qu’à l’aide des améliorations proposées, la garde civique
pourra mieux marcher qu’elle ne l’a fait jusqu’à ce jour.
M. Dumortier, rapporteur. - J’avais demandé la
parole pour présenter les mêmes observations que l’honorable M. Rogier. La loi de 1830 lassait peu
de chose à désirer. Seulement le temps avait signalé quelques vices auxquels il
était nécessaire de porter remède. Par exemple : Rien n’était défini quant aux
devoirs des grades. On ne savait s’ils pouvaient être forcés de remplir les
obligations de leur grade. Nous avons détruit tout doute à cet égard au moyen
de l’article 16. Souvent dans les conseils de discipline, on éprouvait des
difficultés à mettre les jugements à exécution ; l’article 20 fixe la
législation à cet égard. Un autre vice consistait dans le refus que faisaient
certaines communes, de faire face aux dépenses de la garde civique. L’article
21 pare à ces inconvénients.
Vous voyez donc que la
loi ne sera pas aussi mauvaise et aussi inexécutable que M. Gendebien veut bien
le dire, puisqu’elle se borne à améliorer une loi qui est exécutée depuis 4 ans
dans le pays.
M. de Brouckere. - Il m’est impossible de ne
pas relever ce qui vient d’être avancé par un honorable préopinant. Vous venez
d’entendre M. Rogier poser enfin que si l’on a donné dans la loi aux adjudants-majors
la qualification de comptables, ç’a été pour conférer la nomination de ces
officiers au Roi. Si telle est la pensée de la commission…
M.
Dumortier, rapporteur. - Ce n’est nullement la pensée de la commission.
M. Rogier n’en fait pas partie.
M. de Brouckere. - C’est donc la pensée de
MM. Rogier et de Mérode.
M.
F. de Mérode. - Ce n’est pas du tout la mienne.
M. de Brouckere. - En ce cas c’est la pensée
individuelle de M. Rogier. (Hilarité.)
Et bien, je crois que
l’honorable M. Rogier a imprudemment révélé le secret de tous les membres de la
commission et de tous ceux qui veulent bien appuyer l’article. Il est
impossible de rendre l’adjudant-major comptable, sinon par le motif qu’on veut
donner au Roi le droit de le nommer. Si ce n’était pas ce motif, on
n’établirait pas pour la garde civique ce qui n’existe dans aucun corps. Mais
peut-on donner au Roi ce droit de nomination ? Je n’hésite pas à dire que non.
L’article 122 de la constitution porte : « Il y a une garde civique,
l’organisation en est réglée par la loi. Les titulaires de tous grades, jusqu’à
celui de capitaine au moins, sont nommés par les gardes, sauf les exceptions
jugées nécessaires pour les comptables. » C’est-à-dire que les titulaires
de tout grade jusqu’à celui de capitaine au moins, sont nommés par les gardes,
sauf les exceptions pour les officiers qui, par la nature de leurs fonctions,
sont essentiellement comptables, en un mot pour les officiers-payeurs et les
quartiers-maîtres ; car ce sont là les seuls officiers comptables.
Si vous conservez le
système proposé par la commission qui a examiné le projet et soutenu par M. le
rapporteur, il en résultera qu’il suffira de rendre un officier comptable pour
enlever sa nomination aux gardes, et qu’elle appartienne au Roi. Ainsi vous
pourrez par une disposition nouvelle rendre tous les capitaines officiers
comptables, vous pourrez dire : « Les capitaines sont comptables de
l’armement, de l’habillement et de l’équipement des gardes de leur
compagnie, » et cette disposition serait assurément plus sage, plus
logique, que celle que vous prenez relativement aux adjudants-majors. Et bien
il résultera de là que la nomination de tous les capitaines appartient au
gouvernement. Pourquoi n’en serait-il pas ainsi ? Cela n’a rien de contraire à
la constitution, de la manière dont vous l’interprétez. Non sans doute ; mais
si ce n’est pas violer la constitution, c’est au moins l’expliquer judaïquement
(on rit) ; car évidemment la clause
de l’art. 122, « sauf les exceptions jugées nécessaires pour les
comptables, » s’applique uniquement, je le répète, aux officiers
nécessairement comptables, c’est-à-dire seulement aux officiers payeurs et
quartiers-maîtres.
Si
vous consacrez cette première inconstitutionnalité, vous n’aurez rien à
répondre si, les chefs de compagnie ayant été rendus comptables, le
gouvernement réclame le droit de les nommer. Voyez, messieurs, si vous voulez
entrer dans cette voie d’inconstitutionnalité ; quant à moi je ne le veux pas,
je voterai contre l’article ; s’il est adopté, je voterai contre toute la loi.
A
ceux qui nous disent que si la loi n’est pas bonne, nous pouvons proposer
quelque chose de mieux, je répondrai qu’une loi ne peut pas s’improviser alors
qu’elle doit être en harmonie avec un grand nombre de lois. Le rapport de la
section centrale a été fait avec beaucoup de rapidité ; c’est à cela que
j’attribue ses imperfections. Si la section centrale en un ou deux jours n’a
pas pu donner un bon travail, comment voulez-vous que nous fassions mieux,
nous, en dix minutes ! Cela est impossible. Aussi ne présenterai-je pas
d’amendement ; je craindrais de contrarier des dispositions qui ne me sont pas
présentes et que je n’ai pas eu le temps de compulser.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je répondrai à ce qu’a dit l’honorable
préopinant, à savoir que nous avions rendu l’adjudant-major comptable pour
donner sa nomination au Roi, que c’est là une inexactitude. La commission n’a
pas eu cette pensée ; son but a été de charger un officier de l’inspection des
armes. Nous avons cru trouver dans l’adjudant-major, homme payé par la commune,
l’homme qu’il fallait pour faire ce service, et nous n’avons pas hésité à
admettre cette proposition.
L’honorable préopinant a
dit également que nous avons eu en vue d’enlever aux gardes la nomination de
l’adjudant-major. Pour dire qu’il s’agit d’enlever cette nomination aux grades,
il faut avoir bien peu de connaissance de ce qui se passe en matière de garde
civique ; car, cette nomination appartient non aux gardes, mais aux officiers
du bataillon, nous n’avons donc rien enlevé aux gardes.
M. de Brouckere. - Les officiers sont des gardes
civiques.
M. Dumortier, rapporteur. - Cela étant, on peut
dire aussi bien que tous les gardes civiques sont officiers.
L’honorable M. de
Brouckere prétend que donner au Roi le droit de nommer l’adjudant-major, ce
serait violer indignement la constitution ; il y a cependant un décret qui
contient la même disposition, qui a été rendue par le congrès, décret que
l’honorable M, de Brouckere a signé en sa qualité de secrétaire du congrès. Ce
décret porte (art. 51) que dans le premier ban de la garde civique la
nomination des chefs de bataillon et des autres officiers d’état-major
appartient au gouvernement. Or, que sont les adjudants-majors ? Il est
incontestable que ce sont des officiers appartenant à l’état-major ; donc le congrès
a donné la nomination des adjudants-major au gouvernement ; et le gouvernement
n’a jamais cessé de l’avoir, depuis ce décret, dans tout le premier ban de la
garde civique et même de la garde civique non mobilisée.
On a donc tort de dire
que la disposition de l’article 11 du projet consacre une violation de la
constitution, puisque la congrès qui a fait la constitution a, par le décret
que j’ai cité, laissé au gouvernement le droit de nommer les adjudants-majors.
M. de Brouckere. Je veux informer
l’honorable M. Dumortier que je n’ai pas approuvé tous les décrets du congrès,
parce que je les ai signés, et que la signature que j’ai donnée comme
secrétaire, n’est pas une marque d’approbation. Je crois que l’honorable M. Dumortier
le savait assez pour ne pas avancer une assertion aussi bizarre.
Je crois que l’article 11 du projet consacre une violation de la
constitution, et j’ai pu le dire ; mais quant aux mots : « indignement,
outrageusement violée, » ils ne sont pas de moi ; ils sont de l’invention
de l’honorable M. Dumortier.
M. Dumortier.
- Vous avez dit « judaïquement. »
M. de Brouckere. - J’ai dit que si on
interprétait la constitution dans le sens de votre article 11, ce serait
l’interpréter judaïquement. C’est une expression dont on se sert habituellement
dans toute discussion ; et même elle ne se prend jamais en mauvaise part. Mais
je le répète, les mots « outrageusement, indignement, » sont le
propre de M. Dumortier. Je n’ai
pas l’habitude de me servir de ces expressions.
M.
Gendebien. - L’honorable rapporteur a si bien reconnu que la nomination
des adjudants-majors n’appartenait pas au Roi qu’il a proposé de le décider
dans l’article 11 ainsi conçu : « Les adjudants-majors et le
quartier-maître sont nommés par le Roi, etc. »
M.
Dumortier, rapporteur. - Pour le premier ban, la nomination appartient
au Roi.
M.
Gendebien. - Si vous interprétez la loi du 31 décembre 1830 en ce sens
que la nomination des adjudants-majors appartient au Roi, alors la disposition
de votre article 11 est au moins inutile.
M.
Dumortier, rapporteur. - J’ai donné lecture de l’art. 51 du décret du
congrès, d’après lequel la nomination de tous les officiers de l’état-major
appartient au Roi. Peut-être voudrez-vous prétendre que les adjudants-majors ne
font pas partie de l’état-major ; mais ce sera une grande nouveauté.
M.
Gendebien. - Remarquez donc que votre art. 10 fait partie du titre II,
intitulé : « Dispositions communes pour toute la garde civique, »
tandis que le décret que vous citez n’est relatif qu’au premier ban ; vous ne
pouvez donc pas l’invoquer en faveur de votre projet.
- L’art. 10 est mis aux
voix et adopté.
M. de Brouckere. - Il faudrait maintenant
nommer un comptable pour les fifres.
Articles 11 et 12
M.
le président. - « « Art. 11. Les adjudants-majors et le
quartier-maître sont nommés par le Roi ; le tambour-major par le chef de la
légion.
« Ils seront
renouvelés lors de la mise à exécution de la présente loi. »
- Adopté.
_________________
M.
le président. - « Art. 12 Dans les villes où il y a plusieurs
légions, le Roi déterminera la composition de l’état-major du colonel en
chef. »
- Adopté.
M.
le président. - « Art. 13. Aussi longtemps que le premier ban est
en activité de service, les officiers, sous-officiers et caporaux ne sont point
soumis à la réélection.
« Il sera présenté
par le commandant du corps pour chaque grade vacant, quatre candidats parmi
lesquels le titulaire devra être élu. »
M.
Gendebien. - Cet article consacre une violation de la constitution ;
mais c’est bagatelle, au train dont vous y aller. (On rit.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je propose de mettre dans le premier paragraphe de cet article, au lieu des
mots « est en activité de service » ceux-ci : « restera
mobilisée. » Je crois qu’on atteindra mieux le but que se propose la
commission, et qu’on évitera tout ambiguïté.
M. de Brouckere. - Je ne puis pas garder le
silence sur cet article. Je n’ai rien à objecter au premier paragraphe. On fait
bien de dire qu’il n’y aura pas de réélections quand la garde civique sera
mobilisée ; ces réélections donneraient beaucoup d’embarras, et la constitution
n’ayant pas déterminé la durée pour laquelle se dont les élections, on peut
retarder la réélection sans inconstitutionnalité. Mais quand il y a des grades
vacants, on ne peut pas changer les conditions d’éligibilité sans violer la
constitution. Remarquez que je ne parle pas de la violer indignement ou
outrageusement ; mais je dis que cela ne se peut sans violer la constitution.
Quand il y aura un grade
vacant, l’on propose qu’il soit présenté, par le commandant du corps, quatre
candidats parmi lesquels les gardes civiques choisiront. Mais si un commandant
désire faire nommer un de ses favoris, il le présentera avec trois autres
candidats sur lesquels ne pourront se porter les suffrages des électeurs, et
ainsi il leur forcera la main ; c’est-à-dire qu’il n’y aura plus aucune espèce
d’élection pour la garde civique dès qu’elle sera mobilisée, et que le choix
des officiers sera laissé au commandant.
Si vous voulez adoptez
cette proposition, je ne puis qu’élever la voix contre ; mais je crois et je le
déclare consciencieusement ; je crois que c’est là une inconstitutionnalité.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- La constitution ne dit pas qu’il y aura élection directe. Ensuite il est
reconnu par tout le monde qu’il y aurait le plus grand danger à abandonner à la
garde civique le choix de ses officiers, quand elle est en activité. Ce serait
compromettre la vie des hommes, le salut de la compagnie. Je crois que par des motifs
aussi graves il faut interpréter la constitution d’une manière plus large. Je
crois qu’en adoptant l’élection faite par les gardes sur la présentation que
fera le chef du corps de 4 candidats, on ne sortira pas des termes de la
constitution.
M. de Brouckere. - Il faut, dit M. le
ministre, interpréter la constitution d’une manière plus large ; mais c’est
qu’en l’interprétant aussi largement, elle se réduit vraiment à rien.
M. le ministre croit
effacer l’inconstitutionnalité de l’article en discussion en cherchant à
établir qu’il peut être utile, en ce sens que ce serait compromettre la vie des
hommes que d’abandonner à la garde civique le choix de ses officiers quand elle
est en activité. Mais si cela est vrai au moment de l’activité, c’est également
vrai quelque temps avant. Ainsi voyez l’inconséquence ; peu de jours avant la
mise en activité, les gardes civiques même du premier ban éliront leurs
officiers ; puis aussitôt la mise en activité, la nomination sera laissée au
commandant. Compromettrez-vous moins la vie des hommes, en laissant la
nomination aux gardes civiques avant l’activité, que si vous la leur laissez
après la mise en activité ?
Si la disposition de
l’art. 13 était utile, elle le serait également avant comme pendant l’activité,
il faudrait donc l’appliquer à toutes les époques, au moins pour ce qui
concerne la garde civique.
Je ne sais si ce que
j’ai dit convaincra l’assemblée que l’art. 13 est sans but utile, ou au moins
sans nécessité, et que de plus il consacre une inconstitutionnalité.
M. F. de
Mérode. - Il ne
s’agit pas maintenant de mobiliser la garde civique, comme nous l’avons fait
précédemment pour tenir les hommes constamment sous les armes, ou tout au moins
pendant fort longtemps ; alors une disposition analogue à celle en discussion
pouvait être très utile. Il s’agit seulement maintenant de pouvoir
momentanément recourir à la garde civique, si les circonstances l’exigeaient.
Je crois d’après cela que l’article pourrait être modifié, et que peut-être
ainsi, il n’est pas parfaitement constitutionnel. Je crois qu’il n’y a pas lieu
à restreindre le droit de nomination des gardes civiques. Je dois le dire
sincèrement, parce qu’il m’est impossible de ne pas dire ce qui me paraît vrai.
M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Le
premier ban de la garde civique se composait de 30 bataillons, il a été réduit
à 24 bataillons. Les hommes ont été renvoyés en congé illimité ; mais je compte
les rappeler dès que le gouvernement aurait besoin de leur service. Il n’y a
pas eu dans le premier ban à pourvoir par élection aux grades vacants ; il y
avait un excédant d’officiers ; et lorsqu’il y avait des grades vacants, je
rappelais à l’activité des officiers de garde civique qui étaient dans leurs
foyers.
Je crois que quand le
premier ban de la garde civique est mobilisé, il serait fâcheux qu’il fût
pourvu aux places vacantes par élection directe de la part de gardes civiques ;
je crois que ce serait contraire au bien-être du service.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je crois que l’on tombe dans une grave erreur
lorsqu’on vient prétendre qu’il y a dans l’article en discussion une
constitutionnalité. La disposition proposée est sévère ; mais chacun conviendra
qu’il faut une disposition sévère lorsqu’il s’agit d’exposer la vie des hommes
; quant à la prétendue inconstitutionnalité de l’article je ne saurais
l’admettre.
L’honorable M. de
Brouckere dira que nous interprétons judaïquement
la constitution, lui qui ne se sert jamais de mots déplacés ; et assurément
cette expression n’outrage pas la philosophie et le libéralisme, elle n’offense
pas une partie de la population, une classe de personnes ; non elle est modeste
et convenable comme tout ce qui sort de la bouche de cet honorable
représentant.
Pour prouver la
constitutionnalité de l’article que nous proposerons, je citerai le rapport de
la section centrale du congrès sur l’art. 122 de la constitution. Voici comment
s’exprime le rapporteur ; c’est l’honorable M. Destouvelles, un des membres les
plus éclairés du congrès.
« On ne peut
méconnaître que le principe de l’article 122 pris dans un sens trop absolu
entraînerait de graves inconvénients lorsque les gardes civiques sont
mobilisées et mises en activité. Car, outre qu’une partie des titulaires
choisis par les gardes peut laisser à désirer les connaissances militaires
indispensables en temps de guerre, un personnel trop nombreux surcharge le
trésor de fiais inutiles. »
Ainsi,
vous le voyez, messieurs, l’article de la constitution ne doit pas être entendu
dans un sens trop absolu.
Personne ne contestera
qu’en présence de l’ennemi il serait dangereux d’abandonner entièrement aux
gardes civiques le choix de leurs officiers. La disposition proposée peut être
sévère, mais elle n’est pas inconstitutionnelle ; elle est indispensable pour
que l’on ait la garantie que les officiers ne compromettront pas la vie des
hommes sous leurs ordres, ne compromettront pas le salut du pays.
M. de Puydt. - Messieurs, moi qui ai fait partie
de la commission chargée d’examiner le projet de loi en discussion, je ne
comprends pas le but qu’on a en vue. Je désire une loi qui mette l’organisation
de la garde civique en harmonie avec celle de l’armée. Une des plus grandes
difficultés c’est que lorsque, par suite de circonstances qui le
nécessiteraient, la garde civique arriverait dans l’armée, elle amènerait avec
elle une organisation qui ne serait pas celle de l’armée. Je suppose le cas où,
après un combat, les officiers viendraient à manquer, il semblerait que la
nomination appartiendrait à la compagnie, et cependant un arrêté donne au Roi
la prérogative de nommer les officiers dans l’armée, parce qu’il est chef de
l’armée, et, selon moi, cette prérogative n’appartient qu’à lui seul.
Pour lever cette
difficulté il faudra donc établir comment la garde civique mobilisée sera mise
en harmonie avec l’organisation de l’armée. Je crois qu’il fait renvoyer la
solution de cette question à la loi sur la réserve de l’armée, promise par M.
le ministre de la guerre. Quant à moi, je me sens dans l’impossibilité de
voter, d’une part, parce que c’est inconstitutionnel, et de l’autre, parce que
je suis d’avis que l’on doit conserver au chef de l’Etat la prérogative de
nommer les officiers faisant partie de l’armée.
M. de Brouckere. - Je crois devoir revenir
sur l’inconstitutionnalité évidente à mes yeux. L’honorable M. Dumortier
prétend que vous n’ôtez pas aux gardes le droit d’élection. J’ai déjà prouvé
qu’en laissant au commandant du corps l’élection de quatre candidats, c’était
lui laisser le privilège de nommer qui il voudrait. C’est égal, dit l’honorable
représentant de Tournay, il y a élection. Supposez que le Roi nomme les
ministres sur une liste de quatre candidats présentés par la chambre ; on dira
: vous voyez bien que la constitution est respectée, car le Roi nomme sur une
liste de quatre candidats. Une pareille raison est absurde. Eh bien, moi, je
vous dirai, si l’on interprète la constitution comme il le faut, que les gardes
civiques ont droit à l’élection dans toute l’acception du mot, et voilà que
dans une nouvelle loi, ce droit d’élection, non restrictif selon la
constitution, nous nous empressons de le restreindre. Est-ce là respecter la
constitution ou la violer ? Quant à moi, je n’ai pas de doutes à cet égard.
Vous avez entendu tout à l’heure l’honorable compte de Mérode dire avec sa
bonne foi ordinaire, que cela était inconstitutionnel. Que l’on pèse l’article
122 de la constitution et l’article 13 du projet de loi que nous discutons et
l’on verra si cette inconstitutionnalité n’est pas flagrante.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- L’honorable préopinant a dit qu’il serait absurde que les ministres fussent
présentés par une liste de candidats à la nomination du Roi. Ce serait absurde,
mais il ne s’en suit pas de là que la demande du projet du gouvernement soit
inconstitutionnelle ; l’honorable M. de Puydt a dit qu’il désirait voir
présenter la loi sur l’armée de réserve. Dans son opinion, il faudrait
organiser l’armée de réserve de manière à attribuer au Roi la prérogative de
nommer les officiers. Je ne combats pas son opinion à cet égard, mais en
attendant que cette loi soit votée, rien ne s’oppose à ce que l’article proposé
dans ce projet soit adopté, car il amènera d’utiles résultats.
M. d'Hoffschmidt. - Messieurs, comme membre
de la commission chargée d’examiner le projet de loi que nous discutons, j’ai
émis déjà les doutes dont on vient de parler. Je rejetterai l’article 13 ; mais
s’il passait je rejetterais la loi. Il serait inouï qu’une assemblée
législative donnât l’exemple de l’inconstitutionnalité. La question n’est pas
de savoir si la mesure est utile ou non. Nous devons avant tout et quoi qu’il
arrive, observer la constitution dont nous sommes les conservateurs.
M. Gendebien. - Il m’avait paru suffisant pour
démontrer l’inconstitutionnalité de l’article 13 du projet de loi de lui
opposer l’art. 122 de la constitution. Je n’ajouterai rien à ce qu’ont dit mes
honorables collègues. On s’est retranché dans l’utilité qu’il y aurait
d’interpréter la constitution autrement qu’elle ne doit l’être. Quand on veut
agiter la question d’utilité, c’est un débat sur un fait. La constitution est
inflexible, elle est indépendante de toute question de fait ; il n’est point
permis de la faire plier à une question d’utilité ; toutes ces réflexions
seraient peut-être recevables s’il s’agissait de faire ou de réviser la
constitution, mais elles ne sont d’aucune valeur si on veut la respecter.
M.
Dumortier, rapporteur. - Remarquez, messieurs, que chaque article de la
loi devient l’objet d’une attaque d’inconstitutionnalité. S’est-il agi de créer
des officiers et de donner leur nomination au Roi ? On a dit que c’était
inconstitutionnel. Maintenant on parle d’une présentation de la part du chef de
corps, c’est encore inconstitutionnel, Je respecte infiniment la constitution,
j’en ai fourni des preuves, j’ose le croire. Parlant de la nomination des
ministres, on a voulu argumenter par comparaison. Si l’on veut établir des
comparaisons, il faut au moins qu’elles soient plus réelles, plus fondées que
celle-là. De quoi s’agit-il, messieurs ? De savoir si une présentation est
inconstitutionnelle, ou si, en d’autres termes, vous avez le droit de
restreindre le cercle dans lequel cette nomination doit avoir lieu. Oui, vous
avez ce droit et vous en avez déjà fait usage.
En effet, lors de la loi
provinciale, qu’avez-vous fait ? Vous avez établi des conditions d’éligibilité
; vous avez d’abord établi qu’il fallait avoir l’âge de 25 ans. Vous avez donc
par là restreint le cercle dans lequel les électeurs pouvaient choisir. Quoique
la constitution posât dans les termes les plus formels le principe d’élection
directe, vous avez interdit la faculté d’élire des personnes n’ayant pas l’âge
que vous avez fixé. Vous avez établi d’autres exceptions que ma mémoire ne me
rappelle pas. Ce sont autant de restrictions que vous avez apportées au choix
des électeurs. La mesure que nous vous proposons est du même genre. Dans la loi
communale vous avez admis le même principe, vous avez écarté du nombre des
éligibles tous ceux qui n’avaient pas l’âge requis par la loi et de plus, tous
ceux qui ne payaient pas le cens que vous avez établi. Là encore vous avez donc
restreint le cercle des éligibles.
Plusieurs
des honorables membres qui nous accusent en cette circonstance de violer la
constitution, ont appuyé une proposition qui excluait les ministres du culte de
l’éligibilité au conseil communal. Là l’inconstitutionnalité était plus
formelle ; car il s’agissait de prononcer une exclusion contre toute une classe
de personnes. On restreignait bien aussi le choix des électeurs. Avez-vous dit
que la proposition était inconstitutionnelle ? Non, parce qu’elle vous
convenait. Aujourd’hui vous invoquez cette raison parce que la mesure ne vous
convient pas. Il n’y a pas plus d’inconstitutionnalité aujourd’hui qu’il n’y en
avait alors.
Quant à l’autre article
sur lequel on s’est appuyé, article qui déclare tous les Belges égaux, il est
incontestable que si on le prenait à la lettre, non seulement les hommes, mais
les femmes seraient éligibles, car les femmes sont belges aussi.
M.
Gendebien. - Vous feriez bien de consulter le casuiste Legrelle.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je ne suis pas casuiste, je ne suis pas même
avocat, je n’ai jamais fait de consultation.
M.
Gendebien. - On s’en aperçoit. (Hilarité.)
M. Dumortier, rapporteur. - La question
d’inconstitutionnalité écartée, la première qui se présente ensuite est celle
d’utilité. Je crois que celle-là, personne ne peut la révoquer en doute.
Je repousse de toutes
mes forces le projet d’organisation de M. de Puydt, qui tendrait à faire du
premier banc de la garde civique une espèce d’armée de réserve, parce que dans
ce projet je vois une violation manifeste de la constitution, en ce qu’il
enlève toute espèce de nomination aux gardes, pour la conférer au Roi. C’est
là, je le répète, une inconstitutionnalité que je repousserai de toutes mes
forces, car je ne consentirai jamais à accorder à la prérogative royale ce qui
appartient au peuple.
Je voterai donc, pour
maintenir la garde civique, contre votre armée de réserve que je regarde comme
le plus grand vice qu’on puisse introduire dans notre pays.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - On prétend que la disposition proposée est contraire à
la constitution, notamment à l’art. 122.. Voici cet article : « Les titulaires
de tous les grades, jusqu’à celui de capitaine au moins, sont nommés par les
gardes. ».Vous voyez que dans cet article il ne s’agit pas d’élection directe,
que le seul droit conféré aux gardes, c’est de nommer tous les officiers
jusqu’au grade de capitaine inclusivement. Maintenant cet article interdit-il à
la législature d’établir des conditions d’éligibilité, ou ne le lui interdit-il
pas ? Il me semble incontestable que cet article n’interdit pas d’établir des
conditions d’éligibilité pour ceux qui pourraient être nommés. J’en trouve la
preuve dans une foule de dispositions de la constitution. Pour l’ordre
judiciaire, par exemple, voici ce que porte l’article 99 :
« Les juges de paix
et les juges des tribunaux sont directement nommés par le Roi. »
L’article 101 ensuite
porte :
« Le Roi nomme et
révoque les officiers du ministère public, près des cours et tribunaux. »
Or, dans une loi
précédente, dans la loi d’organisation judiciaire, quoique le droit de nommer
les juges de paix et les juges des tribunaux appartienne au Roi, d’après la
constitution, ainsi que le droit de nommer et de révoquer les officiers du
ministère public, près des cours et tribunaux, vous avez créé des conditions
d’éligibilité. Il n’est pas permis au Roi de nommer tout individu à la place de
juge ; il ne peut pas non plus nommer indistinctement celui qui lui plaît à la
place de procureur du roi, près d’un tribunal de première instance, ou de
procureur-général près d’une cour d’appel.
Vous avez mis à l’éligibilité
des conditions d’âge et de capacité, vous avez déclaré que pour pouvoir être
nommé, il fallait avoir fait des études spéciales, qu’il fallait être gradué en
droit et avoir pratiqué près d’un tribunal de première instance ou près d’une
cour d’appel ; en un mot, vous avez restreint le droit qui appartient au Roi de
nommer les juges et les officiers du ministère public ; et vous l’avez fait,
sans violer en rien la constitution. Vous avez donc le droit d’établir des
conditions d’éligibilité.
Cela est si vrai que si
on avait inséré dans la loi des conditions d’éligibilité pour les officiers des
gardes civiques, personne ne se serait élevé contre la disposition. Eh bien que
fait-on ? On propose de dire que : il sera présenté par le commandant du corps
pour chaque grade vacant, quatre candidats parmi lesquels le titulaire devra
être élu.
Cette
disposition peut paraître sévère, elle restreint de beaucoup le choix des
électeurs, le rapporteur lui-même vous l’a dit, mais il n’y a cependant pas
d’inconstitutionnalité. Car après tout, les officiers seront nommés par les
gardes sur présentation faite par le chef du corps. On satisfait ainsi à la
lettre de la constitution, qui veut que les officiers soient nommés par les
gardes. Quant à moi, je l’avoue, j’aurais préféré qu’on eût déterminé les
conditions qu’il faut réunir pour pouvoir être nommé à un grade. Mais je
conçois que la commission pressée qu’elle a été, n’ait pas pu se livrer à
toutes les investigations nécessaires pour présenter une disposition complète. Cependant,
je ne vois pas d’inconstitutionnalité dans la mesure présentée, car elle
n’enlève pas aux gardes le droit de nommer leurs officiers jusqu’au grade de
capitaine, elle ne fait que restreindre le cercle dans lequel ils devront les
choisir.
M.
Gendebien. - Messieurs, on vous a dit que l’article 13 combiné avec
l’article 122 faisait tomber le reproche d’inconstitutionnalité que j’adressais
à la mesure proposée, et on a ajouté que si le reproche était fondé, la chambre
se serait rendue coupable d’une infinité d’inconstitutionnalité. On a cité
l’âge de 25 ans fixé pour pouvoir être éligible et électeur, on a cité aussi
les restrictions apportées à la nomination des juges et des officiers du
parquet, qui est déférée au Roi par la constitution.
Veuillez remarquer que
pour l’éligibilité, chaque citoyen arrive à son tour à l’âge de 25 ans, et
quant aux conditions requises pour être nommés juges, elles sont toutes
naturelles, car si on n’avait pas établi ces conditions, le Roi aurait pu
nommer un enfant de dix ans, quelque familier de la cour, son portier même.
Est-ce là détruire le droit de nomination qui appartient au Roi ? Non
certainement, car tout citoyen peut arriver à l’âge de 25 ans et remplir les
conditions requises pour pouvoir être juges ou officiers du ministère public.
En Belgique, l’instruction est libre, tous peuvent l’acquérir, nous n’en sommes
pas encore au régime allemand, à ce despotisme qui ne permet l’instruction qu’à
certaines classes ; en Belgique, toutes les classes peuvent également
l’acquérir ; les conditions, loin de contrarier la constitution, rentrent au
contraire dans la nature des fonctions laissées à la nomination royale.
Il
est de principe en législation que jamais l’exception ni la restriction ne doit
absorber la règle. Or, dans le système qu’on propose pour la nomination des
officiers de garde civique, la restriction que l’on veut apporter à l’article
122 de la constitution absorbe la règle. C’est une monstruosité en législation
que de soutenir que l’exception peut absorber la règle. C’est cependant ce que
vous faites, car dans une compagnie, tous les membres de cette compagnie sont
éligibles et vous réduisez par votre disposition les éligibles à quatre.
N’est-ce pas rendre illusoire le droit de chacun d’être élu et d’élire ? c’est donc absorber la règle.
Voilà la différence
immense que l’honorable contradicteur sait aussi bien que nous. Je puis assurer
que, devant un tribunal, soit comme avocat, soit dans sa qualité de procureur
du Roi, qu’il avait avant la révolution, il n’aurait jamais osé émettre les
principes qu’il vient d’énoncer.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Je crois que dans tous les temps et à toutes les
époques, j’aurais pu soutenir l’opinion que je viens d’émettre. Je continue à
penser qu’il n’y a aucune inconstitutionnalité dans la proposition faite par la
section centrale. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire l’article 122. Cet
article ne confère qu’un seul droit aux gardes, celui de nommer leurs officiers
jusqu’à certain grade ; il ne s’explique pas sur les conditions requises
pour pouvoir être nommé, vous avez le droit de déterminer ces conditions, les
conditions d’éligibilité, comme vous l’avez fait, à l’égard d’une foule de
fonctionnaires publics dont la constitution confère la nomination au chef de
l’Etat. Mais, dit l’honorable préopinant, il a bien fallu déterminer les
conditions qu’il fallait réunir pour être juge, sans cela le Roi aurait pu
nommer des gens de cour, ou même son portier.
Cette supposition n’est
pas probable. Si je voulais faire des suppositions, si je voulais même
présenter des réalités, je dirais que des hommes qui, dans la vie sociale,
jouissent de moins de considération que des portiers ont été promus au grade
d’officier dans la garde civique. Mais vous savez comment ont été faites les
nominations dans certaines localités, vous savez quels individus ont été
appelés aux grades, que les gardes ont plus abusé du droit de nommer leurs
officiers, qu’aucun pouvoir de l’Etat n’aurait pu le faire.
Mais,
dit-on, l’exception absorbe la règle. Je ne suis pas convaincu de cela. Je
crois que chacun aura son tour de présentation, s’il y a beaucoup de
nominations dans un corps. J’ai dit que j’aurais préféré des conditions
d’éligibilité. Je pense que si la section centrale avait eu le temps nécessaire
pour mûrir son projet, elle se serait arrêtée à cette proposition qui me
paraissait plus utile, plus rationnelle.
Je persiste à dire que
la constitution ne confère aux gardes civiques qu’un droit, c’est celui de
nommer les officiers. Elle ne s’oppose pas à ce que l’on établisse des
conditions d’éligibilité ou une liste de présentation. Vous ne violez pas la
constitution en renfermant le droit de nomination dans certaines limites.
M. F. de Mérode. - Ayant partagé plus ou
moins l’opinion de ceux qui regardent l’article comme inconstitutionnel il est
nécessaire que je développe ma pensée.
Les conditions
d’éligibilité doivent-elles être les mêmes dans une troupe comme la garde
civique lorsqu’elle est dans ses foyers et sans solde, et lorsqu’elle est
mobilisée et soldée par le trésor public ? Dans ce dernier cas, messieurs, il
semble rationnel de restreindre autant que possible le droit d’éligibilité,
parce que ce droit est évidemment contraire à un bon service militaire. Or,
messieurs, la constitution a donné aux gardes civiques un droit très large
d’élection pour les officiers. L’esprit de l’article, qui consacre ce droit,
s’appliquait à une troupe qui faisait un service gratuit, et, non point à une
troupe payée. Dès lors, dans le cas où une partie de la garde civique et payée
et mise tout à fait sur un pied militaire, dès qu’elle reçoit la même solde que
la troupe de ligne, elle doit s’en rapprocher autant que possible pour éviter
une dangereuse anomalie ; et alors, en se maintenant dans la rigueur du texte
de l’art. 122, on ne sort point de l’esprit de la constitution, des
circonstances toutes particulières autorisant la législature à interpréter cet
article dans le sens le plus restrictif possible du droit d’éligibilité, vu que
l’intérêt de la défense du pays l’exige évidemment.
Du moment que la lettre
de la constitution ne s’oppose pas à ce que l’article soit adopté, je pense que
nous pouvons l’admettre. Nous pouvons nous en tenir strictement à la lettre de
la constitution. S’il s’agissait de la garde civique agissant dans ses foyers,
je conçois que nous devrions plus rechercher l’esprit de la constitution. Mais
la position de la garde civique mobilisée étant toute exceptionnelle en ce
qu’elle fait le même service que la ligne, il nous suffit que suivre la lettre
ne soit pas agir contre l’esprit de la constitution.
M. Gendebien. - Je crois de mon devoir de
député et de citoyen de relever une injure que M. le ministre des affaires
étrangères vient d’adresser à la garde civique. Il a prétendu que les
nominations par les membres de la milice citoyenne avaient été indignes de la
mission qui leur était confiée. Il ne m’est rien parvenu de semblable à ce que
signale M. le ministre.
Je n’ai jamais entendu
dire que l’on ait nommé des hommes qui fussent au-dessous des portiers. Je
laisse aux gardes civiques à apprécier l’honneur que leur fait M. le ministre
en comparant à des portiers les officiers qu’ils ont élus.
Moi aussi je veux bien
des conditions d’éligibilité. Vous pourrez exiger que pour être nommé officier,
il faille posséder les connaissances militaires nécessaires pour chaque grade.
Cela ne serait que très légitime, que très rationnel. Mais autre chose est
d’imposer des conditions qui ressortent de la nature même des fonctions ou de
porter une atteinte aussi directe au mode même de l’élection, en réduisant le
nombre des candidats à 4 individus seulement. Certes, la différence est grande
et il ne faut qu’un peu de bonne foi ou au moins de bonne volonté pour la
reconnaître.
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - Je proteste contre l’inculpation lancée contre moi par
l’honorable M. Gendebien. Selon
lui ma pensée aurait été de comparer les officiers de la garde civique à des
portiers. Personne plus que moi ne respecte ceux que l’élection des citoyens a
nommés à des grades mérités dans la garde civique ; j’ai fait allusion à des
abus connus de tout le monde. Je ne citerai personne. Si je voulais révéler des
faits, la chambre en serait indignée. (Adhésion
générale.)
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je conçois les scrupules qui arrêtent des membres de cette assemblée.
Cependant il ne faut pas que l’on s’exagère la portée des dispositions de la
constitution. Nous devons les prendre telles qu’elles sont écrites et non pas
en forcer l’interprétation. Les membres qui ont combattu l’article en
discussion ont supposé que la constitution consacrait l’élection directe des
officiers de la garde civique.
Lorsque
la constitution consacre l’élection directe, qu’elle ne veut pas qu’il y soit
porté la moindre atteinte, elle fait comme elle a fait à l’égard de l’élection
des membres de la législature. Elle détermine les conditions d’éligibilité.
Lorsque la constitution consacre l’élection directe, mais qu’elle veut laisser
plus de latitude aux lois organiques, elle s’exprime comme elle l’a fait pour
les institutions provinciales et communales. Elle permet d’établir quelques
conditions d’éligibilité. Mais lorsqu’il s’agit de la garde civique, elle ne
dit pas que les officiers seront élus directement, ce qui laisse à la
législature la latitude d’établir des conditions d’éligibilité. La nomination
des officiers de la garde civique par les gardes peut-elle se faire sur
présentation de candidats ? Voilà la question à résoudre.
La constitution ne le
défend pas. Par conséquent nous pouvons l’admettre sans violer la constitution.
On regrette que la
commission n’ait pas eu le temps d’établir des conditions d’éligibilité. Je
ferai remarquer que des conditions quelles qu’elles fussent ne seraient pas
aussi efficaces que la disposition proposée. Elle est plus utile et ce sous ce
rapport d’utilité elle doit mériter la préférence.
M. A. Rodenbach. - Tout le monde est
convaincu qu’il y a eu des nominations scandaleuses dans la garde civique. J’ai
appris par un honorable députe d’Anvers qu’un homme mal famé était parvenu à
prix d’argent à se faire nommer par sa compagnie, qui se dégoûta bientôt de
lui, lorsqu’au bout de 15 jours il se fût lassé de lui payer à boire.
A Cachtem
(Flandre orientale), on a nommé un ancien soldat inscrit sur le tableau des
indigents ; il recevait l’aumône en même temps qu’il commandait sa compagnie.
Il faut que le mode de nomination soit changé. Des choses aussi ignobles ne
devraient plus se présenter.
M. Liedts. - M. le ministre de l’intérieur vient
de dire que l’article 122 de la constitution n’exigeait pas l’élection directe
des officiers de la garde civique. Si la chambre ne s’attachait qu’au texte
littéral de la constitution, cette interprétation pourrait avoir une apparence
de fondement. Mais sur tous ceux qui ont fait partie du congrès, il est
impossible de mettre en doute que la constitution ne consacre l’élection
directe. Il suffit de lire l’exposé des motifs dont l’article 122 est
accompagné.
« Cette force
intérieure (c’est de la garde civique qu’il est question), est la garantie que
son organisation lui est abandonnée. L’article établit un principe fondamental,
celui de l’élection directe des officiers par les gardes. »
Vous voyez
donc que le but du congrès était d’établir l’élection directe. On peut
certainement, sans violer l’esprit de la constitution, imposer à cette élection
des conditions d’éligibilité, parce que tous les citoyens, en se soumettant à
ces conditions, sont éligibles. Mais dire que l’on remplit le but de l’article
en exigeant la présentation de quatre candidats, c’est interpréter judaïquement
l’art. 122, et ne pas se conformer à son esprit.
M. Dumortier,
rapporteur. - L’honorable M. Liedts a fait un appel aux personnes qui
ont siégé au congrès. Je n’ai pas eu l’honneur de faire partie de cette
assemblée ; mais je puis connaître les intentions qu’elle a eues dans la
rédaction de l’article 122, en parcourant, comme M. Liedts, l’exposé des motifs
qui l’accompagne. Voici ce que dit le rapport :
« J’aurai
l’honneur de faire observer (c’est M. Fleussu qui parle) au congrès, que
l’article du projet avait été discuté dans les sections avant l’adoption de la
loi sur la garde civique, et que le vœu de quelques-unes a été rempli par les
dispositions des articles 25, 27 et 29 de cette loi. Or, comme ces articles ont
déjà subi l’épreuve d’une discussion publique, qu’ils ont obtenu l’assentiment
de la majorité de l’assemblée, la section centrale a été d’avis de les faire
entrer dans la constitution. C’est d’ailleurs le seul moyen de faire accorder
la loi particulière avec la loi fondamentale. »
Il
s’agit, messieurs, de prendre en ce qui concerne la garde civique, une
disposition analogue à celles que vous avez prise relativement aux élections
dans les lois communales et provinciales. Vous ne violerez pas plus la
constitution aujourd’hui que vous ne l’avez violée dans ces deux lois.
Plusieurs
membres. - La
clôture.
M. Milcamps. - Si la loi qui nous est proposée
n’était pas transitoire et temporaire, je concevrais que l’on considérât la
disposition en discussion comme violant l’art. 122 de la constitution ; et
assurément je ne l’adopterais pas dans une loi d’organisation définitive de la
garde civique. Mais chez aucun peuple, l’histoire des nations l’atteste, les
dispositions temporaires, d’urgence, ne sont jamais considérées comme des
violations de la constitution. Les Anglais ont leur habeas corpus, et leur alien-bill ; les
Romains avaient leur caveant consules. Ces exemples me porteront à
voter pour l’article en discussion. J’ai voulu seulement faire connaître
succinctement mon opinion.
M. Gendebien.
- Je prie la chambre de se rappeler que l’article 130 de la constitution porte
:
« La
constitution ne peut être suspendue en tout ni en partie. »
Je ne
pense donc pas que cette circonstance, que la loi est transitoire et
temporaire, puisse justifier le vote du préopinant.
Plusieurs membres. - La clôture !
M. F. de Mérode. - Ce n’est pas
parce que la loi est transitoire que…
(Les
cris : la clôture ! empêchent
l’orateur de continuer.)
- La
clôture sur l’art. 13 est mise aux voix et prononcée.
M. Rogier. - La clôture a-t-elle eu lieu sur
l’amendement de M. le ministre de l’intérieur ?
M. le président. - Oui, je ne puis vous accorder
la parole que sur la position de la question.
M.
Rogier. - J’aurais aussi préféré quant à moi le système proposé d’abord
par le gouvernement et qui consistait à imposer des conditions d’éligibilité.
J’aurais quelques doutes
sur la constitutionnalité des nominations sur la présentation du commandant du
corps. Je reconnais toutefois que cette présentation peut être utile et même
nécessaire, alors qu’il y a activité effective du premier ban.
M.
Gendebien. - C’est le fonds.
M.
le président. - Je ne puis pas laisser l’orateur rentrer dans la
discussion.
M.
Rogier. - Je voulais éclairer la chambre sur la portée du vote qu’elle
va émettre.
- L’amendement de M. le
ministre de l’intérieur est mis aux voix et adopté ; le premier paragraphe de
l’art. 13 ainsi amendé est également adopté.
Le deuxième paragraphe
de l’art. 13 est mis aux voix ; deux épreuves sont douteuses ; la chambre
procède à l’appel nominai ; en voici le résultat :
60 membres sont
présents.
1 membre s’abstient.
59 prennent part au
vote.
16 répondent oui.
43 répondent non.
La chambre n’adopte pas.
Ont répondu oui : MM.
Verrue-Lefranc, A. Dellafaille, de Longrée, de Man d’Attenrode, F. de Mérode,
de Muelenaere, de Sécus, de Theux, Dumortier, Eloy de Burdinne, Milcamps, Morel-Danheel,
A. Rodenbach, Thienpont, Ullens, C. Vuylsteke.
Ont répondu non : MM.
Brabant, Brixhe, Cols, Cornet de Grez, Davignon, de Behr, H. Dellafaille, de
Meer de Moorsel, W. de Mérode, de Nef, de Puydt, de Roo, Deschamps,
Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Stembier, de Terbecq, Dewitte, d’Hane, d’Hoffschmidt,
Dumont, Duvivier, Gendebien, Helias d’Huddeghem, Hye-Boys, Lardinois, Liedts,
-Meeus, Vandenhove, Vanderbelen, Vanderheyden, Verdussen, H. Vilain XIIII,
Watlet, Pirson, Polfvliet, Raikem, C. Rodenbach, Rogier, Schaetzen, Simons,
Smits.
M. le président. - J’invite le membre qui s’est
abstenu à faire connaître conformément au règlement les motifs de son
abstention.
M.
Donny. - Je n’ai pas voulu voter contre l’article, parce que les
dispositions qui y sont analogues, me semblent non seulement utiles, mais même
indispensables. Je n’ai pas voulu voter pour l’article, parce qu’il me reste
des doutes sur sa constitutionnalité.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Messieurs, j’avais déclaré que je consentais à ce que la discussion s’établît
sur le projet de loi, tel que l’avait amendé la commission ; maintenant que la
demande a été rejetée, je dois revenir aux conditions d’éligibilité et en
conséquence je propose la rédaction suivante :
« Amendement de M.
le ministre de l’intérieur.
« Nul ne pourra
être élu officier s’il ne possède l’une des conditions suivantes :
« 1° Avoir servi
dans l’armée comme officier ou sous-officier ;
« 2°
Payer, par soi-même ou par ses père et mère, des contributions au moins égales
à celles exigées pour être électeur pour la formation du conseil de régence
dans la commune à laquelle la garde civique appartient ;
« 3° Etre porté
d’office sur la liste des éligibles, par le commandant du corps. »
La
première condition de l’éligibilité est de grande importance. La deuxième de
payer soi-même ou par ses père et mère les contributions dans la commune où la
garde civique est établie, est également une condition très importante. La
troisième, être porté d’office par le commandant du corps, a pour objet
d’étendre le cercle de l’élection. L’éligibilité ayant lieu de ces trois
manières le cercle se trouvera nécessairement étendu. Il n’est personne, je
crois, qui puisse contester la nécessité des conditions de l’éligibilité.
M. Desmanet
de Biesme. - Cette disposition paraît extrêmement importante ; je
demande qu’elle soit imprimée et que la discussion en soit remise à demain.
Plusieurs membres. - A demain ! à
demain !
M.
Rogier. - J’appuie la demande de l’impression,,
mais je crois qu’il faut continuer la discussion.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je déclare que cette disposition doit faire l’objet d’un article applicable à
toute la garde civique.
M.
Gendebien. - Je demande que l’amendement soit distribué ce soir afin
que nous n’ayons pas à souffrir les mêmes inconvénients que ceux qui se sont
présentés pour le rapport.
M.
le président. - Nous allons passer à l’art 14.
« Art. 14. Pourront
être remplacés, sur la décision du commandant du corps, les officiers qui,
trois mois après leur élection ne connaîtront pas les deux premières écoles, et
les sous-officiers qui ne connaîtront pas l’école du soldat. » -
M.
Gendebien. - Il me semble que l’art. 14 ne peut pas être adopté dans le
texte qui nous est soumis. Il y a beaucoup trop d’arbitraire dans ce texte.
C’est le commandant seul qui peut juger si l’officier est ou non capable de
remplir ses fonctions. Je ne crois pas que l’état d’un officier puisse être
soumis au caprice d’un chef, d’autant plus que ce chef est l’homme du
gouvernement puisqu’il est nommé par lui. Je désirerais que cette élimination
ou destitution fût prononcée par une commission d’officiers supérieurs et que
des officiers de tous grades fussent appelés à donner tout au moins leur avis.
Vous détruisez l’élection par le pouvoir exorbitant que vous donnez au
commandant.
M. Desmaisières. - Je viens appuyer les
observations de l’honorable préopinant. Je crois avec lui qu’on ne peut pas
laisser à l’arbitraire du chef du corps de décider si les officiers et
sous-officiers ont acquis dans le temps donné l’instruction voulue par la loi.
Je crois qu’il faudrait remettre cette décision à une commission élue par les
officiers et sous-officiers du corps. J’en fais la proposition formelle par
amendement.
M.
Gendebien. - Puisque nous aurons à discuter demain un article renvoyé à
la commission, je demande qu’on renvoie également l’article dont il s’agit,
afin que chacun puisse présenter les amendements qu’il croira convenables.
- L’article 14 est
renvoyé à la commission.
M.
le président. - « Art. 15. Le gouverneur et le commissaire de district
pourront requérir le service de la garde civique, toutes les fois qu’ils le
jugeront nécessaire.
« Lorsque la garde
civique sera requise pour faire le service de garnison pendant plus de dix
jours, l’Etat sera tenu de solder les sous-officiers, caporaux et gardes
composant les détachements de service. »
M. Donny. - Messieurs, je viens combattre le
pouvoir extraordinaire que l’article en discussion donne aux commissaires de
district. Je repousse cette disposition d’abord parce qu’elle me paraît
inutile. L’article confère au gouverneur le droit de requérir la garde civique.
Cela me paraît suffisant. Je ne vois aucune utilité à ce que ce pouvoir
exorbitant soit aussi donné aux commissaires de district. Je repousse encore la
disposition, parce qu’elle me paraît étendre d’une manière vraiment
irrationnelle les attributions des commissaires de district.
D’après la généralité
des termes dans lesquels cet article 15, est conçu, la disposition s’étend aux
gardes civiques des villes, tout aussi bien qu’aux gardes civiques des
campagnes. Or, les commissaires de district n’ont aucune attribution sur la
population des villes et leur en conférer une, c’est évidemment étendre le
cercle de leurs attributions. C’est ce que je ne crois pas devoir faire,
surtout, dans une circonstance aussi importante que celle-ci.
Afin de pouvoir voter
contre le pouvoir conféré aux commissaires de district, je demanderai la
division du paragraphe.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Je ferai observer que la question soulevée par l’honorable préopinant a été
discutée quand nous nous sommes occupés de la loi provinciale et qu’elle a été
résolue en sens inverse de l’opinion qu’il vient d’émettre.
L’art. 139 du projet de
loi d’organisation provinciale, déclare les dispositions des articles 128 et
129 communes aux commissaires des districts, et ces articles confèrent aux
gouverneurs le droit de requérir la force publique.
Lors
de la discussion de la loi provinciale, vous avez formellement voulu que le
commissaire de district eût le droit de requérir la garde civique. Je ne
saurais comment concilier la loi actuelle avec la loi provinciale, si vous loi
refusiez le droit que vous lui avez conféré dans cette loi.
Je ne vois pas qu’il y
ait de graves inconvénients à lui accorder le droit de requérir la garde
civique. Je ne pense pas que les commissaires de district abusent du pouvoir
qu’on leur donne. Je suis persuadé qu’ils prendront toujours l’avis du
gouverneur, à moins de circonstances urgentes et imprévues, où il leur serait
impossible de le faire. C’est pour ces circonstances que le droit de requérir
la force publique, la garde civique, leur a été conférée par la loi
provinciale, ce sont aussi ces motifs qui ont déterminé votre commission à le
leur maintenir.
M. Donny. - Mais encore faudrait-il que l’on
déterminât quelle sera la garde civique que le commissaire de district pourra
requérir, s’il aura le droit de requérir la garde civique des campagnes de son
arrondissement et de la ville où il demeure. Voilà ce que la loi ne dit pas.
Si on veut lui donner le
droit de disposer de la garde civique d’une ville, par la raison seule qu’il y
a sa résidence, je croirai devoir m’y opposer. M. le ministre argumente de la
loi provinciale. Je ferai observer que cette loi n’a encore été votée que par
une branche du pouvoir législatif, qu’elle pourra subir des modifications et
que par conséquent elle ne peut être considérée dans la discussion actuelle
comme pouvant nous lier. Je demande donc de quelle garde civique le commissaire
de district pourra disposer.
M.
Gendebien. - Si la loi dont nous nous occupons devait avoir une longue
durée, je regarderais à deux fois avant de donner aux commissaires de district
le droit de requérir la garde civique. Mais il s’agit ici d’une loi transitoire
et même de courte durée. Le pays lui-même est dans une position toute
transitoire par suite des événements politiques et militaires qui peuvent se présenter,
je pense donc que, par exception et sans entendre lier mon vote, quand il
s’agira de voter la loi définitive, je pense, dis-je, que, vu les
circonstances, il est bon d’accorder au commissaire de district le droit de
faire prendre les armes à la garde civique, surtout dans les communes voisines
de la frontière.
Mais afin d’empêcher
qu’il pût en abuser, je voudrais qu’il fût obligé de donner, dans les 24
heures, connaissance au gouverneur des dispositions qu’il a prises.
Il faudrait ensuite
diviser le paragraphe en deux, car tel qu’il est rédigé, il est inexécutable.
En effet, voici comment est conçu ce paragraphe :
« Le gouverneur et
le commissaire de district pourront requérir le service de la garde civique,
toutes les fois qu’ils le jugeront nécessaire. »
D’après cette rédaction
on pourrait croire qu’il est nécessaire que le gouverneur et le commissaire de
district soient d’accord sur la question de savoir s’il y a lieu de requérir la
garde civique pour lui faire prendre les armes, ils ne pourraient pas la
requérir l’un sans l’autre, tandis que c’est le contraire que vous voulez
établir ; car vous voulez que l’un et l’autre puissent la requérir. Pour
remplir ce but, il faudrait rédiger ainsi l’article :
« Le gouverneur
peut requérir le service de la garde civique toutes les fois qu’il le jugera
nécessaire.
« Le commissaire de
district aura la même faculté, sauf à en informer le gouverneur dans les 24
heures. »
Je demanderai la
permission de dire maintenant un mot sur le troisième paragraphe.
Je lis le deuxième
paragraphe de l’article du projet. Il est ainsi conçu : « Lorsque la
garde civique sera requise pour faire le service de garnison pendant plus de
dix jours, l’Etat sera tenu de solder les sous-officiers, caporaux et gardes
composant les détachements de service. »
Je ne veux pas ôter au
gouvernement la faculté d’obliger les citoyens à défendre leur ville en cas
d’attaque. Mais je ne veux pas que les commandants de place abusent de cette
faculté pour forcer, toutes les fois qu’il le jugera convenable, les habitants
d’une ville à faire le service de la garnison. Puisque, dans ce cas, la garde
civique remplacerait les troupes de l’armée de ligne, elle ferait un service
d’intérêt général. Ce serait donc à l’Etat à pourvoir aux frais que
nécessiterait ce déplacement de citoyens. Je désirerais que le terme de 10
jours fût remplacé par 24 heures. De cette manière on éviterait l’abus que les
commandants de place pourrait faire de cette faculté.
On
se rappellera qu’une ville du royaume est restée trois mois sans service de
garnison aucun, parce que le bourgmestre a cru ne pas devoir obtempérer aux
réquisitions du commandant de la place qui voulait faire garder tous les postes
pour la garde civique.
Cette absence de tout
service de garnison n’a entraîné aucun fâcheux résultat dans le cas que je
cite. Mais cette conduite d’un fonctionnaire aussi raisonnable que le
bourgmestre auquel je fais allusion et le résultat négatif de la privation de
toute garnison prouvent d’un côté que la charge de faire le service d’une place
est onéreux aux communes, et de l’autre, que les prétentions du commandant ne
sont pas toujours raisonnables.
Il est juste
d’indemniser du temps qu’il perd un citoyen qui fait un service dans l’intérêt
général. Je ne sais pas pourquoi les citoyens d’une ville auraient à la fois à
subir toutes les chances et les dangers d’un siège et la charge très
désagréable et onéreux de monter la garde pendant dix jours, sans l’espoir
d’une indemnité quelconque.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je déclare que je m’oppose à la rédaction du
deuxième paragraphe parce que je la regarde comme nuisible et en même temps
inutile. Il est inutile parce que la loi générale sur la garde civique a pourvu
à cette disposition. C’est à la commune à pourvoir aux dépenses de la garde
civique pour les services relatif à l’intérêt communal. A coup sûr, ce n’est
pas au moment où nous cherchons à diminuer les dépenses de l’Etat que nous
irons lui imposer des dépenses purement communales.
Il s’agit d’appeler à faire
le service ordinaire les personnes qui ont le moyen de s’équiper ; nous nous
trouvons dans ce cas. Croyez-vous que nous serions disposés à recevoir la solde
du soldat pour un service momentané dans la ville à laquelle nous appartenons.
Evidemment non. Au surplus, je le répète, il ne faut rien innover à la loi
générale qui a pourvu à cette disposition.
En second lieu quelles
sont les circonstances dans lesquelles la garde civique peut être appelée à
faire un service de garnisons ? Ce sont dans les places fortes et dans les
villes menacées par l’ennemi. Personne dans les places fortes n’a plus
d’intérêt à garder les fortifications que les habitants eux-mêmes.
Ces fortifications
défendent leurs propriétés. Quand une ville a une citadelle, les citoyens ont
intérêt à ce qu’elle ne tombe pas entre les mains de l’ennemi. Ce sont les
habitants d’une ville qui jouissent des avantages attachés à ce séjour ; il
faut bien qu’ils en supportent les chances.
Je vois un honorable
député de Namur sourire. Je soutiens que l’habitation offre des moyens
d’existence, des ressources plus grandes que ne présente par séjour des
campagnes.
Vous ne devez pas
dégrever les communes d’une charge qui jusqu’aujourd’hui par le roi Guillaume
et depuis la révolution à toujours été exclusivement communale.
Les habitants d’une
ville font le service de la garnison quand il n’y a pas de troupes réglées. Ce
cas s’est présenté en 1830, parce qu’alors nous n’avions pas d’armée. Il
fallait bien que les citoyens montassent la garde et fissent le service de la
citadelle. On ne ferme pas une citadelle à clé et l’on ne peut pas dire : Elle sera au
premier occupant.
Il peut se présenter un
cas semblable. Je suppose que le roi Guillaume nous attaque, ou, comme je le
désire fortement, que le gouvernement se décide à aller l’attaquer chez lui.
M.
Gendebien. - En avant donc, je ne demande pas mieux.
M. Dumortier, rapporteur. - C’est le seul moyen
d’en finir. Dans cette hypothèse, les habitants de chaque ville devront faire
la garde de leurs remparts. Faudrait-il que l’Etat les paie comme de simples
soldats ? Faudra-t-il qu’il donne une paie à des soldats qui par leur position
honorable, n’en auront pas besoin ? Et d’ailleurs, le trésor public n’aurait-il
pas alors assez de charges à supporter sans qu’on lui en impose de
nouvelles ?
Songez qu’en 1831 nous
avons fait deux emprunts forcés, et en 1832 deux emprunts Rothschild.
Voilà des circonstances
difficiles pour le trésor public. Je demande s’il est nécessaire de les faire
renaître en imposant des charges à l’Etat, et cela pour le plaisir de dire que
l’on donne aux citoyens la paie de caporal, de sergent et de soldat.
Je repousse l’amendement
de M. Gendebien, et je demande l’adoption du projet.
M. F. de Mérode.
- Je demande aussi l’adoption de la proposition de la section centrale. Lors de
la révolution le service de la garde civique s’est fait gratuitement, excepté
pour quelques gardes à qui leurs moyens ne le permettaient pas. Le patriotisme
doit être le même maintenant. Il n’y a donc pas lieu à allouer une solde aux
gardes. Ces observations me paraissent extrêmement justes. Dans les
circonstances actuelles, s’il y avait lieu à appeler la garde civique, ce
serait l’armée qui irait en avant, et la garde civique ne servirait qu’à la
garde des places intérieures. Il est donc inutile, je le pense, de lui allouer
une solde.
M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux).
- Le second paragraphe de l’article en discussion a été introduit comme
amendement par la commission. Je pense comme l’honorable préopinant qu’il vaut
mieux le supprimer. Car il consacre une innovation que la chambre ne doit pas,
ce me semble, adopter.
M. Brabant. - L’honorable M. Dumortier est grand
partisan des dépenses à la charge de la commune. Il semble que si l’habitant
d’une commune verse des contributions au trésor, il n’est pas frappé par cette
contribution et qu’il est dans une position plus favorable s’il verse au trésor
que s’il verse à la commune. Je conviens que d’après la législation en vigueur,
le service de la garde civique a été payé par la commune ; mais veuillez
remarquer que vous introduirez un changement complet. Jusqu’à présent la garde
civique n’avait été requise que par le bourgmestre et seulement dans un intérêt
communal. Par conséquent, elle avait dû être payée jusqu’à présent par la
commune.
Maintenant on demande
que les gouverneurs et commissaires de district soient autorisés à requérir la
garde civique ; ils ne la requerront que dans l’intérêt général, dans l’intérêt
du gouvernement. Dès lors, c’est celui au profit de qui elle est requise, c’est
le gouvernement qui doit la payer. Le changement de rédaction de M. Gendebien
relative au service de 24 heures ne me paraît pas devoir être admis. Il
pourrait l’être, si tout le monde comprenait la proposition comme il la
comprend, comme nous la comprenons nous-mêmes. Mais il est possible qu’on ait affaire
à des gens qui ne veulent pas la comprendre. Je pense donc qu’on ne doit pas
indiquer la durée du service.
M.
Gendebien. - Je m’étonne que l’honorable M. Dumortier ait trouvé
absurde ce que j’ai dit ; je ne lui renverra pas l’épithète ; mais je
chercherai à prouver que si quelqu’un s’est montré absurde, ce n’est pas moi.
J’ajouterai peu de
choses à qu’a dit l’honorable M. Brabant, parce qu’il a dit ce qu’il y avait de
mieux à dire. Je relèverai seulement une observation de M. Dumortier. Il veut qu’on oblige à un service gratuit tout ceux
qui ont le moyen de s’acheter un uniforme. S’il y a une absurdité, c’est là,
sans doute, puisque c’est engager tous les citoyens à faire leurs efforts pour
éviter d’être mis dans la catégorie de ceux qui ont le moyen de s’acheter un
uniforme. Si vous dédommager les citoyens de la peine qu’ils prennent pour le
service public, vous les rendez plus disposés à se joindre aux bons citoyens
qui prennent les armes quand cela est nécessaire. Mais vous dégoûtez les
citoyens du service, si à la charge de l’uniforme vous ajoutez celle du service
gratuit.
M.
Dumortier a dit que personne n’a plus d’intérêt à garder une ville forte que
ceux qui l’habitent ; mais de même, personne n’a plus d’intérêt à défendre une
ville ouverte que ceux qui l’habitent ; ainsi cela ne prouve rien ; ce que j’ai
dit est sans doute plus logique ; j’ai dit, et l’honorable M. Brabant a très
bien développé cette idée, que quand il s’agit d’un service communal, je
comprends très bien que ce soit la commune qui le paie ; mais j’ai dit que dès
que les habitants de la commune prennent les armes dans l’intérêt général, il
serait injuste de faire supporter à la commune l’indemnité à laquelle ils ont
droit.
On vous a dit qu’en cas
de guerre il y aurait pénurie pour le trésor, mais alors aussi, il y aura
pénurie dans la caisse communale et dans la bourse du particulier, et c’est
alors que vous exigerez de lui de plus grands sacrifices. Lorsque le trésor est
gêné, c’est parce que le particulier l’est lui-même. Si le trésor n’est pas en
position de pouvoir payer immédiatement, il le fera dès que les événements le
lui permettront ; et vous consolerez au moins les gardes des sacrifices que
vous leur demandez par l’espoir d’obtenir un jour ce qu’ils auront gagné par
leurs services. Je ne crois pas que l’on pourra faire à ceci de sérieuses
objections. Quant à l’imputation d’absurdité, je m’en suis amplement justifié,
il me semble.
M. Rogier. - J’avais d’abord demandé la parole sur
le premier paragraphe. Par des motifs tout rationnels, je considérais le
service de dix jours comme insuffisants, pour donner une indemnité aux gardes,
aux caporaux et aux sergents.
Pour un service qui
aurait duré toute une saison, cinq ou six mois, cela eût été faisable, mais dix
jours, c’est infiniment trop peu et je ne conçois pas cette proposition.
Entend-on qu’on solde le tour de rôle de service ? Je demande ce que sera la
paie d’uns soldat, d’un caporal ? Je trouve que cela sera par trop faible.
L’article 62 de la loi de décembre 1830 impose l’obligation d’indemniser les
gardes lésés par le service. Mais c’est à cette condition que la caisse perçoit
des amendes. Je suis grand partisan de la rétribution de tous les services
publics, mais je ne pousse pas ce système à l’excès. Partout le service de la
grade civique se fait sans être rétribué et si on veut le rétribuer ici qu’on
étend beaucoup plus loin le délai de dix jours.
M. F. de Mérode. - L’honorable M. Brabant a
confondu le service qui se fait en dehors et celui qui se fait dans l’intérieur
de la commune. Quand un homme fait le service hors de chez lui, il est obligé
de faire d’autres dépenses que quand il rentre chaque soir dans son ménage où
il trouve toutes ses habitudes. Je ne comprends pas qu’on veuille faire solder
par l’Etat tous les services. Ce système nous conduit à un égoïsme que nous ne
pouvons admettre quand nous voyons en France les gardes nationaux faire le
service gratuitement.
M. Brabant. - J’ai si peu confondu, comme le
prétend l’honorable préopinant, le service qui se fait dans l’intérieur de la
commune et celui qui se fait à l’extérieur, que toute la distinction que j’ai
faite est basée sur l’art. 50. J’ai dit qu’il était juste de faire payer par la
commune tout service communal et par le gouvernement tout service fait dans
l’intérêt de la généralité ; j’ai dit que l’art. 50 était insuffisant parce
qu’il n’en donnerait qu’autant qu’on était sorti de la commune. J’ai établi la
raison pour laquelle un service militaire fait dans la commune, un service de
garnison devrait être placé sur la même ligne que celui fait hors de la
commune, parce que le citoyen qui est distrait de ses occupations au profit du
gouvernement dans sa commune ne souffre pas moins que celui qui est distrait de
ses affaires pour aller faire un service dans une commune voisine. Il y a des
communes qui doivent faire le service dans des forts placés hors de leur
territoire, parce que ces forts les dominent. .
Et bien, les gardes qui
feront le service de garnison dans ces forts, seraient payés, tandis que quand
la forteresse serait dans la commune, il ne le seraient
pas. Evidemment ce serait une injustice. J’en reviens au principe que j’ai
posé. Si le service se fait au profit de la généralité, la généralité doit
pays, si c’est au profit de la commune seule, c’est la commune qui doit payer.
Le système de
réquisition par le commissaire de district modifie le système de la loi du 31
décembre 1830. Alors le bourgmestre avait le droit de requérir la garde
civique, et il ne la requérait que dans l’intérêt de la commune.
M.
Dumortier, rapporteur. - Je pense que l’honorable préopinant se trompe
dans l’application du principe que tout service rendu à la généralité doit être
payé par la généralité, et tout service rendu à la commune payé par la commune.
Je lui demanderai si
lorsqu’un citoyen défend son foyer domestique, la porte de sa maison, les murs de
sa ville, il n’agit pas bien plus dans son propre intérêt que dans l’intérêt
général. C’est incontestable et la distinction qu’on veut établir est plus
subtile que réelle.
L’honorable préopinant
nous a reproché une tendance à sacrifier l’intérêt communal à l’intérêt de
l’Etat. Je pourrais plutôt prouver qu’il est disposé à sacrifier l’intérêt de
l’Etat à l’intérêt communal.
D’après l’article 50,
quand un garde civique sort du territoire de la commune, il reçoit des
prestations, parce qu’alors il cesse d’agir dans l’intérêt communal, et qu’il
agit dans l’intérêt général.
Celui qui a l’honneur de
vous parler a plusieurs fois eu l’occasion de faire sortir des détachements de
garde civique.
Ces détachements ont
toujours été payés comme la troupe de ligne en vertu de l’article 50 de la loi
sur la garde civique, parce qu’ils agissaient dans l’intérêt général.
Les communes peuvent
payer, puisque les familles dont les membres ne font pas partie de la garde
civique, paient une certaine somme annuellement dans la caisse communale en
vertu de l’article 62 de la même loi. Il n’y a donc pas nécessité de sacrifier
l’intérêt général à l’intérêt communal. La commune a une faculté de recette.
Pourquoi la délivrer d’une dépense qui de tout temps a été considérée comme
dépense communale ? Ainsi d’un côté la commune recevrait un impôt
spécialement affecté aux dépenses de la garde civique, et de l’autre ce serait
l’Etat qui pourvoirait à ces dépenses.
Pour
que votre proposition fût juste, il aurait fallu nous demander que le tour de
rôle fût perçu par l’Etat. Sans cela, à mesure que la commune s’enrichira,
l’Etat s’obérera dans la même proportion. Prendre garde de rendre la garde
civique tellement dispendieuse que le gouvernement ne se soucie plus d’avoir
recours à ses services. De tout temps les citoyens ont veillé à la garde des
murailles de leur ville. Avant l’établissement des armées permanentes, les
bourgeois s’armaient et se réunissaient en commun pour cet objet. Plus tard,
des compagnies de citoyens, connues sous la dénomination de serments, furent affectées spécialement
au service des remparts, et toujours les dépenses qui en sont résultées ont été
à la charge de la cité.
Remarquez, d’ailleurs,
ce qui se passe dans un pays voisin. Dans toutes les villes de France, la garde
nationale fait le service intérieur, et les citoyens regarderaient comme une
injure qu’on leur donnât la solde des soldats.
M.
Gendebien. - L’honorable M. Rogier a dit que ce n’était pas la peine
d’indemniser les citoyens qui ne seraient de service que tous les 8 ou 10 jours
; mais qui est-ce qui prouve qu’ils ne seront de service que tous les 8 ou 10
jours ? Il y a peut-être quelque grande ville où il pourra en être ainsi.
Anvers par exemple ; encore je ne crois même pas ; je suis persuadé que pour la
garde de la citadelle on serait de service plus d’une fois tous les 10 jours,
qu’on serait de service tous les 5 jours au moins. Le service sera bien plus
fréquent à Charleroy, Marienbourg, Philippeville,
Mons même. Bien plus, je défie que la garde civique de Charleroy garde la
forteresse et tous les forts (à moins que vous ne vouliez un simulacre de
garde), si elle n’est pas de service une fois tous les 2 jours. Vous voyez que
ce n’est pas une petite charge.
On a dit aussi que mettre
à la charge de l’Etat la solde des gardes civiques de service, c’était enrichir
la commune. Singulière manière, vraiment, d’enrichir la commune, que d’empêcher
des citoyens de gagner leur journée, laquelle serait de 2 fr. ou 2 fr. 50, et
en revanche, de leur donner la paie du soldat pour toute compensation.
C’est, dit-on, enrichir
la commune, que de percevoir sur les familles aisées exemptes du service de la
garde civique, pour pourvoir aux nécessiteux ; mais vous savez bien que cette
disposition de la loi n’est pas exécutée.
M.
Dumortier, rapporteur. - Si fait, elle l’est.
M.
Gendebien. - Elle n’est pas exécutée partout, elle ne l’est pas à
Bruxelles.
Un membre. - Elle l’est ailleurs, notamment à
Anvers.
M.
Gendebien. - Elle n’est pas, je le répète, exécutée partout ; mais
n’importe, je suppose qu’elle soit exécutée partout ; singulière manière encore
d’enrichir la commune que de prendre dans la poche des habitants pour mettre
dans la caisse communale. S’il y a quelque chose d’absurde, c’est bien ce que
j’ai entendu dire tout à l’heure à cet égard.
On a répondu que le
patriotisme des bons citoyens suffirait à tout ; messieurs, c’est une fort
bonne chose le patriotisme, mais celui-là ne serait qu’une duperie et chacun
s’en apercevra bientôt lorsque les habitants d’une ville forte seront obligés
de faire gratuitement le service de garnison tous les 2 ou 3 jours et pendant
plusieurs mois, alors que les habitants des faubourgs seront exempts de ce
service, et qu’on en sera exempt dans les villes ouvertes, dans toutes les
communes voisines, ces hommes seront-ils bien disposés à se faire tuer sur les
remparts, le cas échéant, alors qu’ils auront été forcés à servir gratuitement.
Je dis qu’en bonne
justice, le service d’intérêt général doit être à la charge de la localité, le
service d’intérêt général doit être à la charge de la généralité. Je ne connais
pas de patriotisme qui puisse méconnaître ces règles-là. Un tel patriotisme
deviendrait une duperie pour les citoyens qui supporteraient la charge et une
injustice de la part de ceux qui l’imposeraient.
M. le président.
- Je vais mettre les amendements et l’article aux voix.
M.
Gendebien. - Je demande la suppression des mots : « pendant plus
de 10 jours. » C’est la seule chose légale et constitutionnelle.
M.
Dumont. - Quelle est la portée de la disposition de cet article. Le commissaire
de district pourra-t-il requérir la force de la garde civique ?
- Le second paragraphe
de l’amendement de M. Gendebien est adopté.
L’autre paragraphe de
l’amendement du même membre est rejeté.
M.
Gendebien. - Maintenant qu’on a rejeté l’amendement sur mon second
paragraphe, je voterai contre la disposition ; car toutes les parties de mon
article se liens avec une telle façon que l’une ne peut sans injustice
subsister lorsqu’on retranche celle relative à l’indemnité.
- La disposition est
mise aux voix et adoptée.
Plusieurs membres. - A demain !
M.
le président. - A quelle heure veut-on fixer l’ouverture de la séance ?
Plusieurs membres. - A onze heures.
- La séance est levée à 5
heures et demie.