Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 9 février 1835

(Moniteur belge n°41, du 10 février 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

La séance est ouverte à une heure.

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal.

M. Dechamps lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente à la chambre l’analyse de la pièce suivante.

« Le sieur Coudroy, sergent-major au 12ème régiment de ligne, né Français, demande la naturalisation. »

- Renvoyée à la commission des pétitions.


M. Verdussen et M. Eloy de Burdinne écrivent pour demander un congé.

- Le congé est accordé.

Démission d'office d'un membre de la chambre

Par arrêté du 30 janvier, le Roi a nommé M. Teichmann chevalier de l’ordre de Léopold ; cet honorable membre annonce avoir accepté la décoration qui lui a été conférée par S. M. et doit être ainsi soumis à réélection.

Motion d'ordre

Impression au Moniteur de la liste des députés absents

M. le président. - Je vais donner lecture de la motion d’ordre de M. Desmanet de Biesme, ainsi conçue :

« Les noms des membres qui n’auront pas répondu à l’appel nominal ou signé la liste de présence, seront imprimés dans le Moniteur, en tête du compte rendu de la séance.

« Cette liste indiquera séparément les noms des membres absents sans congé, les noms des absents avec congé, les noms des membres empêchés pour cause de maladie, qui en ont prévenu le bureau.

« Sont réputés absents sans congé ceux qui passent le terme pour lequel il a été accordé.

« Dans les premiers jours de chaque mois, il sera formé un tableau indicatif du nombre des séances du mois précédent, des membres qui y ont assisté, et des absents avec ou sans congé. ce tableau sera également imprimé au Moniteur.

« A la fin de chaque session législative, il sera dressé un tableau général sur le modèle des tableaux mensuels, auquel il sera donné la même publicité. »

M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, quoique la motion d’ordre que j’ai l’honneur de soumettre à la chambre n’ait pas besoin de grands développements, car nous sentons tous quels graves inconvénients résultent de siéger comme nous le faisons en ce moment et même comme nous l’avons fait une partie de la session dernière, cependant je crois pouvoir me permettre de donner quelque extension à ma proposition, pour bien faire comprendre à l’assemblée à quel point il serait pénible aux membres qui viennent assidûment remplir leur mandat, de voir se prolonger un pareil état de choses.

Indépendamment de cette première raison, il est à remarquer qu’une autre question très importante doit également attirer toute notre attention, c’est que si un plus grand nombre de députés se rendait aux séances, bien des lois recevraient une solution différente de celle qui leur est donnée.

Remarquez ensuite, messieurs, que de ce défaut d’assiduité résulte un grave abus. Tout gouvernement constitutionnel ne repose que sur une fiction, celle de la délégation du député. L’article 49 de la constitution dit que chaque député est censé représenter 40,000 individus ; eh bien, quand nous nous trouvons en nombre ou à peu près en nombre, nous en représentons 70 à 80,000. C’est là un bien grave inconvénient et qui porte atteinte au droit constitutionnel qu’ont tous les citoyens d’être représentés selon le vœu de la constitution. Le Courrier Belge contenait dernièrement un excellent article sur l’absentéisme ; j’en recommande la lecture aux honorables membres de cette assemblée ; ils n’y trouveront rien de personne, et tout y est dit dans les termes les plus modérés.

Je ferai valoir en outre une considération dont il n’a pas parlé : on se plaint de la lenteur des discussions : je crois en avoir trouvé le motif. Beaucoup de membres se réservent de ne venir à la chambre que pour le second vote des lois. Ces membres renouvellent alors les discussions, ils les perpétuent : si, au lieu d’arriver tardivement, ils avaient assisté au premier vote, il serait fort rare qu’on dût revenir sur ce qui aurait déjà été dit.

Un journal étranger disait qu’un des signes les plus évidents de la décadence d’un Etat, c’était lorsque des citoyens honorables refusaient des fonction publiques. Que dira-t-on d’un Etat où on accepte les fonctions de député et où on ne les remplit pas ? Et cela, lorsqu’on reçoit une indemnité pour s’acquitter d’une devoir ?

Nous devons empêcher par tous les moyens possibles que l’emploi de député ne devienne une sinécure. Je ne vous citerai pas ce qui se fait en Angleterre, où, lorsque les chambres se réunissent, les membres qui les composent s’y rendent des points les plus éloignés de l’Europe. Un honorable membre de cette assemblée pourrait vous dire qu’il a voyagé avec un Anglais qui, se trouvant à Odessa, quitta cette ville pour retourner immédiatement à Londres, non pour siéger au parlement, mais simplement pour remplir son mandat d’électeur. Nous sommes loin des mœurs anglaises à cet égard, et c’est un malheur.

Sans aller chercher mes exemples si loin, je pourrais citer la conduite honorable des députes belges aux états-généraux. Vous savez, messieurs, que les états-généraux se tenaient alternativement à Bruxelles et à La Haye. Malgré le trajet pénible, malgré le passage d’eau souvent nuisible à la santé, les députés belges n’ont jamais manqué d’assister aux assemblées de La Haye. Cependant, messieurs, vous savez avec quel découragement un député belge devait aller à La Haye, par la manière partiale dont étaient composés les états-généraux ; les députés de la Belgique étaient toujours sûrs d’être vaincus.

Mais le sentiment de leur devoir s’accroissait en eux de la certitude où ils étaient qu’on cherchait à opprimer leur pays. Ils savaient qu’il est telle défaite qui pour l’opposition est une victoire, alors que l’on est appuyé par l’assentiment de quatre millions d’hommes. Plusieurs d’entre eux ont rempli leur mandat au prix de leur santé, de leur vie même, et il me sera peut-être permis, aux risques de prolonger ces développements, de citer un trait qui honore un citoyen belge.

C’était à cette époque où les Hollandais cherchaient à imposer des chaînes nouvelles, et chaque session arrachait à notre pays une de ses libertés ; tous les députés belges se réunissaient alors en phalanges serrées pour lutter contre l’esprit d’envahissement qui régnait aux états-généraux. L’honorable M. Claessens-Moris, de Bruxelles, se trouvait indisposé gravement : malgré les conseils de ses amis, malgré les prescriptions des médecins, il voulut aller à La Haye remplir son mandat. Il le fit et y mourut bientôt après. J’ai cru devoir saisir cette occasion pour citer un citoyen vertueux qui a droit au respect de tous ses compatriotes.

La proposition que j ai l’honneur de soumettre la chambre portera-t-elle des fruits ? Je l’ignore ; mais si, pour faire cesser un tel état de choses tous les arguments étaient inutiles, il y aurait à examiner si l’article 52 de la constitution, qui traite de l’indemnité, n’est pas susceptible d’interprétation.

Je ne me prononce pas à ce sujet, j’attends. Le congrès national, en faisant les articles de la constitution, n’a pas dû ni pu croire à ce qui arrive aujourd’hui. Les membres du congrès étaient tous d’une exactitude exemplaire pendant de longues séances durant lesquelles ils ne recevaient aucune indemnité. Il n’y a pas un seul exemple qu’on ait été obligé de lever la séance parce qu’on n’était pas en nombre voulu. J’ai entendu dire qu’alors les lois étaient pleines d’intérêt ; mais, messieurs, notre besogne n’est pas moins importante : si le congrès national a bâti l’édifice, c’est à nous à l’approprier. C’est à nous de faire les lois que le congrès n’a pu faire.

On ne dira pas que les lois qui sont en souffrance en ce moment sont des lois sans intérêt : la loi provinciale, si le sénat ne l’admet pas entièrement, le second vote de la loi communale, la loi sur l’instruction publique si palpitante d’intérêt et où se trouve tout un avenir, ne sont-elles pas de la plus haute importance ? les lois d’industrie, pour lesquelles des milliers d’ouvriers de Gand et d’ailleurs attendent, la loi sur les mines, ne sont-elles pas aussi impérieusement réclamées ? Je pense donc, messieurs, que cette session peut porter les plus grands fruits si tous les membres consentent à remplir le mandat qui leur est conféré. Je prie l’assemblée de remarquer que, dans tout ce que je viens de dire, il n’y a rien de personnel, et je ne crois pas que les honorables collègues qui sont absents puissent mal interpréter le désir que j ai de les voir siéger parmi nous et profiter de leurs lumières.

M. Gendebien. - J’appuie de toutes mes forces la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme, proposition à laquelle il a donné des développements si lumineux et si solides.

M. A. Rodenbach. - J’appuie également la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme ; mais je crois qu’il s’y trouve une lacune. Il est arrivé plusieurs fois que des membres sont venus et ont répondu à l’appel nominal et sont partis immédiatement ou une demi-heure après : ceux-là sont réputés avoir assisté aux séances, tandis qu’un député arrivé une heure après l’ouverture de la séance et qui y reste pendant tout le reste de la journée, est regardé comme étant absent et signifié dans le Moniteur. Il me semble donc qu’il y a une lacune.

M. Desmanet de Biesme. - J’ai bien pensé à l’objection que fait en ce moment l’honorable M. Rodenbach. Mais vous devez voir par ma proposition que je n’ai pas entendu que l’appel nominal suffît pour constater la présence d’un membre ; j’ai dit qu’il fallait signer l’acte de présence ; ceux qui partiront après agiront, pour ainsi dire, à leurs risques et périls, puisqu’ils s’exposeront à un second appel nominal dans le cours de la séance, chose qui s’est déjà faite et au moyen de laquelle leur absence sera constatée.

M. Gendebien. - Pour éviter toute difficulté et tout scrupule, je pense qu’il faut faire imprimer la proposition de l’honorable M. Desmanet, soit au Moniteur, soit autrement, et nous délibérerons demain avec plus de certitude.

- L’impression au Moniteur est ordonnée.

Rapports sur des pétitions

M. le président. - On va passer à l’ordre du jour.

M. A. Rodenbach. - Je suis d’avis qu’on doit commencer par les pétitions : vous devez savoir que dans notre dernière séance, on a fait des rapports sur des pétitions qui datent de 13 mois. Si nous voulons que cela ne soit pas un vain mot, nous devons nous occuper des pétitions ; la chambre les néglige, et je pense pourtant qu’il y a urgence de s’en occuper aujourd’hui.

M. Dubus. - Par la raison que la chambre pas en nombre samedi dernier, elle n’a pu changer l’ordre du jour : ce n’est donc pas par la loi communale et les pétitions que l’on doit procéder, mais par les pétitions, et s’il y a lieu, la loi communale.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il y a encore quelques amendements qui ont été renvoyés à la section centrale depuis un ou deux mois ; je désirerais savoir si nous aurons bientôt le rapport qui y est relatif.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Bruxelles se plaignent de la violation de la loi du 25 janvier 1817 sur le mode arbitraire adopté par le ministre de l’intérieur dans la délivrance des brevets, et demandent un autre projet de loi plus efficace sur cette matière, ou que M. le ministre se conforme plus strictement à l’exécution de la loi existante. »

Conclusions : Renvoi au ministre de l’intérieur et dépôt au bureau des renseignements.

M. Gendebien. - Il s’élève tant de plaintes fondées ou non sur le mode adopté pour la délivrance des brevets d’invention ou d’importation, que je crois convenable d’ajouter aux conclusions de la section centrale : « avec demande d’explications ; » alors nous saurons positivement si les abus sont réels, si les plaintes sont fondées.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, quant à moi, je ne refuse aucune explication sur le mode dont la loi s’exécute ; mais quant aux plaintes qui sont faites, je puis affirmer qu’elles ne sont pas fondées.

- Les conclusions de la section centrale sont adoptées avec addition de ces mots : « avec demande d’explications.»


M. Polfvliet, rapporteur. - « Le sieur Louis Deton, plafonnier à Anvers, réclame le paiement de 2,460 fr. 02 C. pour des pertes suscitées par le génie français lors du siège de la citadelle d’Anvers. »

Les conclusions sont le renvoi à M. le ministre de la guerre.

- Ces conclusions sont adoptées.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Le sieur de Robaulx, de Saumay, demande que le droit d’entrée sur les ardoises françaises soit diminué. »

Les conclusions de la section centrale sont le renvoi à M. le ministre des finances.

Le pétitionnaire prétend que les ardoises tirées de Tournay sont de mauvaise qualité et que la hauteur des droits d’entrée des ardoises françaises empêche qu’on se serve de celles-ci, qui sont excellentes.

M. Seron. - Les faits articulés dans la pétition dont on vient de vous donner l’analyse sont conformes à la vérité. Les ardoises qu’on tire de... sont si mauvaises, que lorsqu’il fut question de repayer les toitures de l’arsenal de Philippeville, on mit dans les conditions que les ardoises seraient tirées de Fumay et autres localités. Je demande non seulement le renvoi à M. le ministre de l’intérieur, mais encore à la commission d’industrie. Les ardoises dont il est question sont de si mauvaise qualité, qu’elles détruisent les clous, qu’elles se dissolvent entièrement, si on les trempe dans le vinaigre. Je demande donc le renvoi à la commission d industrie.

M. Desmanet de Biesme. - En appuyant l’opinion de l’honorable M. Seron, je voudrais appeler également l’attention de M. le ministre sur une autre pétition. Dans une autre province, dans celle du Luxembourg ou de Liége, on tire des ardoises de très bonne qualité, mais elles doivent passer par la France ; car le pays qui les produit est privé de routes. Cela rend les frais de transport très chers. Si je me le rappelle bien, on devait s’entendre avec le gouvernement français pour ce fait, et il faudrait, je crois, songer à cette pétition pour que ces frais énormes de transit pussent diminuer.

M. Berger. - Je suis loin de m’opposer au renvoi à la commission d’industrie, mais je ne puis pas laisser passer un fait avancé par l’honorable M. Seron qui prétend qu’il n’y a pas de bonnes ardoises dans le pays. J’ai l’honneur de lui opposer que dans les Ardennes il y a des ardoises qui ont une réputation européenne. Je puis invoquer à cet égard le témoignage de M. le ministre de l’intérieur. Car ces ardoises ont été analysées et soumises à des expériences chimiques, et on a reconnu qu’elles étaient de très bonne qualité.

M. Pirson. - J’ai demande la parole pour répondre à l’honorable M. Berger. Je connais peut-être mieux que lui les localités. L’ardoise dont il parle est tirée des environs de Bouillon.

Je confirme ce qu’a dit l’honorable préopinant, qu’il y a des ardoises excellentes dans le Luxembourg mais nous n’avons pas de communications, pas de routes ; heureusement le gouvernement paraît se mettre en mesure pour en doter ce pays, mais jusque là il sera fort difficile d’en tirer le parti convenable. Quant aux ardoises dont a parlé l’honorable M. Seron, il est véritable qu’elles sont de mauvaise qualité et qu’il n’y a pas moyen de les employer ici ni ailleurs. Ce sont des frais perdus par la banque ; je puis en dire quelque chose. Car la banque travaillait sur un terrain qui appartenait à ma famille.

M. Seron. - Il n’est plus question de l’ardoiserie, où la banque a enterré une somme considérable.

Je ne parle que des ardoises des … ; je n’ai pas contesté la bonté des ardoises des Ardennes ; je les connais ; on n’en a présenté des échantillons ; mais il est impossible aux habitants de la rive gauche de la Meuse de tirer des ardoises de ce pays, parce que le transport en élève trop le prix. C’est cette considération qui m’a fait proposer le renvoi au ministre de l’intérieur. Comme il y a des difficultés pour le transit de ces ardoises, je demande en outre le renvoi de la pétition à la commission d’industrie.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). Je dirai que des notes ont été envoyées sur ce sujet à la commission d’industrie qui à Paris est chargée de la défense de nos droits.

- Le renvoi du mémoire au ministre de l’intérieur et son dépôt au bureau des renseignements sont ordonnés.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Trois habitants de Beerendrecht réclament une indemnité pour les pertes qu’ils ont essuyées par suite de l’inondation du polder de Lillo. »

Il paraît qu’ils ont déjà reçu une partie de cette indemnité, car ils ne demandent maintenant que 50 p. c. des pertes.

La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Plusieurs négociants de Charleroy demandent que le droit de sortie sur les cendres de mer soit réduit à un simple droit de balance. »

La commission propose le renvoi au ministre des finances et le dépôt au bureau des renseignements.

M. Gendebien. - Je prierai le ministre de donner quelque attention à cette pétition. Vous savez, messieurs, que depuis l’ouverture du canal de Charleroy à Bruxelles on transporte des charbons par Bruxelles jusqu’à Anvers, et qu’au retour les bateaux prennent des cendres dites de mer. Je ne sais pourquoi on imposerait ces cendres à la sortie. C’est une matière qui a si peu de prix en elle-même qu’il est difficile de la frapper. Je crois qu’il ne peut y avoir d’inconvénient à faire droit à la demande des réclamants. En général, il ne faut rien imposer à la sortie.

Vous vantez si souvent l’utilité du transit, et ici vous voulez l’entraver. Quand il s’agissait du transit par le chemin de fer, qui transportera des marchandises dont il ne vous restera rien, on trouvait le transit admirable ; pourquoi le transit serait-il plus mauvais à l’égard du transport des cendres qui diminuent les frais du transport des houilles ? J’appuie les conclusions de la commission des pétitions.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je prendrai note des observations faites par l’honorable membre ; elles me paraissent fondées ; et s’il n’y a pas de disposition légale qui empêche de faire droit à la réclamation, il sera dans l’intérêt de la navigation et de l’industrie houillère de réduire le droit sur le transport des cendres.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Le sieur Martin Benoît, au nom du sieur Bricaux, aux droits duquel il se trouve subrogé, demande le paiement des pertes essuyées en septembre 1830 par le premier. »

- Renvoi au ministre de l’intérieur sur les conclusions de la commission.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Les habitants de Lillo, refugiés en grande partie depuis le 30 octobre 1830, demandent du soulagement à leur position malheureuse. »

Leurs réclamations s’élèvent à environ 2,445,160 fr. La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

- Ce renvoi est ordonné.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Blerich, commune de Maesbrée, réclament le paiement de ce qui leur revient des pertes qu’ils ont essuyées lors du siège de la citadelle de Venloo en 1813. »

Un assez grand nombre de maisons rurales ont été démolies, on en élève la valeur à 30,000 fr.

La commission propose le renvoi au ministre des affaires étrangères pour lui servir de renseignements lors des arrangements définitifs.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Le sieur Piecq Dujardin, marchand de charbon à Peruwelz, demande, d’obtenir en bail emphytéotique ou par achat une parcelle de terrain près du pont de Peruwelz, sur le canal de Pommeroeul à Antoing, sur les terres provenant des emprise de ce canal. »

- Renvoi au ministre des finances sur les conclusions de la commission.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Le sieur P. Rosseels de Burght demande que la chambre prenne une décision sur sa pétition adressée le 26 janvier dernier. »

Attendu qu’il a été statué sur une autre pétition du sieur Rosseels, postérieure à celui-ci, la commission propose l’ordre du jour.

M. Jullien. - C’est un rappel que fait le pétitionnaire ; je crois qu’il faut renvoyer cette nouvelle pétition au ministre de l'intérieur, au lieu de passer à l’ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a pris une décision sur la demande du pétitionnaire ; sa dernière demande est sans objet.

M. Jullien. - On vous adresse une pétition ; vous la renvoyez à un ministre qui ne répond pas ; on réclame une réponse, et vous ne pouvez passer à l’ordre du jour ; renvoyez la seconde pétition au ministre qui a reçu la première.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La pétition qui a été renvoyée au ministre est antérieure à celle-ci.

M. Polfvliet, rapporteur. - On réclame une décision, et la décision a été prise : on ne peut que passer à l’ordre du jour.

M. A. Rodenbach. - Qu’est-ce que demande le pétitionnaire ? Lisez son mémoire.

M. Polfvliet, rapporteur. - Le pétitionnaire expose qu’il est dans une position malheureuse. Sa première pétition a été renvoyée aux ministres de la guerre et des finances,

M. Gendebien. - Qu’on fasse un renvoi semblable pour celle-ci, avec demande d’explications.

M. Legrelle. - Les explications de l’honorable rapporteur n’expliquent rien ; je désirerais savoir ce que réclame le pétitionnaire dans son mémoire du 26 janvier. Cet objet peut être important. N’écartons pas par l’ordre du jour une demande dont nous ne connaissons pas les motifs.

M. Jullien. - Il paraît que la décision invoquée par la commission des pétitions est tout uniment un renvoi aux ministres des finances et de la guerre ; eh bien, ce renvoi n’a produit aucun effet, et le mémoire a été, comme bien d’autres, enterré dans les cartons du ministre. Le pétitionnaire dit : je souffre ; cela me suffit pour m’opposer à ce que sa demande soit écartée par l’ordre du jour : il croirait qu’il n’a plus rien à faire. Il y a donc motif pour renvoyer encore aux ministres. C’est le seul moyen d’en finir. Je désire que le renvoi ait lieu avec demande d’explications.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’honorable préopinant est dans l’erreur. Une pétition postérieure à celle dont on s’occupe a été renvoyée aux ministres des finances et de la guerre ; ainsi, nous n’avons rien à statuer sur un mémoire antérieur par lequel on réclame une décision qui a été prise. Au reste, il est indifférent que la chambre passe à l’ordre du jour ou renvoie encore aux ministres.

- Le renvoi aux ministres des finances et de la guerre est mis aux voix et ordonné.


M. Polfvliet, rapporteur. - « Le sieur J. Cleirens de Santvliet, province d’Anvers, réfugié du polder inondé de Lillo, demande un à compte sur l’indemnité qui lui revient pour les pertes qu’il a éprouvées par cette inondation.

-Renvoi au ministre de l’intérieur sur les conclusions de la commission.


M. de Roo, autre rapporteur de la commission des pétitions, est appelé à la tribune. - « Le sieur Dugard, ex-capitaine au 12ème de ligne, défère à la chambre un prétendu déni de justice commis à son égard par la haute cour militaire relativement à sa plainte en calomnie contre le général Magnan. Il demande en outre la naturalisation. »

La commission ne croit pas qu’il y ait déni de justice, et propose l’ordre jour sur la première partie de la pétition comme sur la seconde.

M. Gendebien. - Le sieur Dugard est un de ces hommes qui ont tout sacrifié pour la révolution, et qui lui ont rendu de grands services, au moment où le danger était pressant et où peu de personnes se présentaient pour défendre le pays. Il a été nommé officier, et c’est sur le champ de bataille qu’il a gagné ses épaulettes ; ce qui n’a pas empêché de le mettre à la porte en 1831.

Il fut réintégré dans son grade en 1832 mais en 1834 il fut expulsé avec 25 ou 26 autres étrangers après les pillages du mois d’avril. Il est constant, et je l’ai entendu de la bouche même des personnes qui ont été défendues par le sieur Dugard, qu’il avait pris des mesures pour mettre à l’abri des désordres un établissement important à Bruxelles. Il est probable que c’est pour le récompenser de sa prudence et de son amour de l’ordre qu’on l’a expulsé. Sans entrer dans les causes et ne considérant que les effets, je crois qu’il serait inconvenant de passer à l’ordre du jour sur la pétition d’un homme qui a rendu des services au pays, et qui se trouve expulsé.

Si le ministre s’est mis hors la loi en portant l’arrêté qui mettait aussi hors la loi les personnes qui en ont été victimes, ce n’est pas une raison pour nous de considérer le sieur Dugard comme légalement hors de loi ; je pense qu’il ne faut rien préjuger à son égard et en son absence ; je demande que sa pétition soit déposée au bureau des renseignements. Dans l’état où nous avons laissé la question relative aux expulsions, il ne faut prendre aucune décision même indirecte. Ces expulsions ont été reconnues comme des actes violents et inconstitutionnels même par le ministre de la justice actuel. Renvoyez donc purement et simplement le mémoire au bureau des renseignements ; et c’est à quoi je conclus.

M. Liedts. - Le sieur Dugard dénonce un arrêt illégal, selon lui, rendu par la haute cour militaire. Je me rallierais à la proposition de l’honorable M. Gendebien si l’exposé de sa pétition était fidèle. Le sieur Degard se plaint d’un déni de justice ; mais il résulte des explications de M. le rapporteur qu’il n’y a pas eu déni de justice, puisqu’il y a eu arrêt. Je conclus donc à l’ordre du jour. Si la chambre agissait autrement, elle exercerait une espèce de censure sur un arrêt de la haute cour. C’est ce qu’elle ne doit pas faire.

M. Jullien. - Je ne connais pas très bien les circonstances dans lesquelles s’est trouvé le pétitionnaire. Si sa demande ne portait que sur un objet, je me rallierais volontiers à l’opinion de l’honorable M. Liedts. Il paraît que le sieur Dugard se plaint d’un déni de justice. Or, il y a eu un arrêt de la haute cour militaire à l’occasion d’une question soumise à son égard. Or, ces deux faits ne peuvent coexister. S’il y a eu jugement, et le fait est avancé par le pétitionnaire lui-même, que le jugement soit bon ou mauvais, il ne peut pas y avoir un déni de justice. Il reste au sieur Dugard la faculté de s’adresser à une autorité supérieure. Voilà ce que j’ai à dire sur sa première demande.

Mais il y a une seconde demande distincte de la première qui est une demande en naturalisation. Sous ce dernier rapport, je partage l’opinion de l’honorable M. Gendebien.

Le pétitionnaire a été violemment expulsé du territoire belge en vertu d’une loi que l’on a tirée de l’oubli, que je considérerai comme ayant été abolie, que M. le ministre de la justice considère pour telle. Le pétitionnaire cependant adresse une demande en naturalisation.

Notez bien qu’il a rempli des fonctions en Belgique. Il a été capitaine dans le 12ème de ligne. Il a suivi la seule voie qui lui fût ouverte, puisque c’est à la législature qu’il défère le droit d’accorder la naturalisation. Répondre à sa demande par un ordre du jour c’est décidé, sans examen, qu’elle n’est pas fondée : Ce serait alors qu’il aurait beau jeu de se plaindre d’un déni de justice.

Je me rallie donc à l’honorable M. Liedts pour la première partie de la pétition. Mais je m’oppose à l’ordre du jour pour la seconde. Je demande que cette seconde partie soit renvoyée à la commission chargée de l’examen des demandes en naturalisation.

M. le président. - La division proposée par M. Jullien est exécutable, attendu que les objets différents de la demande de M. Dugard forment deux pétitions séparées.

M. Gendebien. - Comme l’a dit l’honorable M. Jullien, vous ne pouvez passer à l’ordre du jour sur la deuxième partie de la demande du capitaine Dugard. L’honorable M. Liedts lui-même n’a pas contesté ce fait.

Si j’ai demandé le dépôt de la première pétition au bureau des renseignements, c’est pour éviter une discussion longue et fastidieuse. Je me demande comment il se fait que le pétitionnaire se plaigne d’un déni de justice, alors qu’il y a eu un arrêt ; la chose est trop bizarre, est trop absurde pour qu’il n’y ait pas quelque chose là-dessous qu’il nous importe d’approfondir. Il me semble que nous ne sommes pas en mesure de bien juger la question. Pour éviter tout débat sur cet objet, je demande que l’on renvoie le tout au bureau des renseignements, afin que rien ne soit préjugé, afin qu’un jour, lorsque l’on rendra justice aux étrangers, ce qui, je l’espère bien, arrivera, l’on puisse examiner la réclamation du sieur Dugard, s’il y a lieu. Ma proposition me paraît admissible, puisqu’elle tend à éviter une discussion à laquelle, moi tout le premier, je ne suis pas préparé. L’ordre du jour ne peut pas être prononcé, puisque la pétition n’a pas même été lue, puisque la chambre aurait besoin de plus amples renseignements.

M. de Roo, rapporteur. - C’est précisément parce que la pétition du sieur Dugard a paru bizarre à la commission, c’est parce qu’il se plaignait d’un déni de justice en même temps qu’il citait l’arrêt de la haute cour, que la commission a conclu à l’ordre du jour.

M. Jullien. - J’avoue que j’ai un peu compris ces mots de déni de justice en avocat, et j’ai oublié que c’était un militaire peu habitué à la langue du barreau qui avait adressé la pétition. Je suis porté à croire maintenant qu’il s’est tout bonnement plaint de l’arrêt de la haute cour, qu’il regarde comme injuste. Dans cette position, je ne vois aucune espèce d’inconvénient à ce que la première pétition soit déposée au bureau des renseignements. Cette décision de la chambre n’impliquera en aucune manière la censure de l’arrêt de la haute cour militaire.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je ne m’oppose pas à ce que la deuxième pétition soit renvoyée à la commission des naturalisations. Mais je ne puis consentir à ce que la première, qui est une plainte en déni de justice, soit déposée au bureau des renseignements. Il y a un arrêt de la haute cour militaire ; le sieur Dugard, quoiqu’étranger, a, comme tout citoyen belge, la faculté d’employer les moyens de faire casser l’arrêt s’il y a lieu. Mais la chambre ne peut intervenir dans une question étrangère à ses attributions.

M. Gendebien. - Je demande qu’avant de prendre une décision sur la première pétition du sieur Dugard, la chambre veuille en entendre la lecture, afin de ne se prononcer qu’en connaissance de cause.

M. de Roo, rapporteur donne lecture de la première pétition du sieur Dugard : c’est une réclamation contre un arrêt de la haute cour militaire.

- En conséquence, l’ordre du jour est prononcé.

M. Fallon. - J’appuie la proposition du renvoi de la demande à la commission des naturalisations. La chambre ne peut s’y refuser. Le sieur Dugard a le droit, comme tout autre, d’être inscrit au tableau des étrangers qui demandent à être naturalisés belges. Plus tard, l’on jugera s’il a des droits à cette faveur.

- Le renvoi de la deuxième pétition du sieur Duard à la commission des naturalisations est adopté.


M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition datée de Jacubes (Namur) en date du 19 janvier 1834, le sieur Rosier, adjudicataire de la route de Namur, réclame une indemnité pour les pertes que l’arrêté royal du 31 mars dernier qui permet aux voituriers d’augmenter leur charge, lui a fait éprouver. »

Le sieur Rosier s’est rendu adjudicataire de l’entretien de la route de Namur vers Marches, le 29 janvier 1829, pour un terme de 9 ans, à commencer du mois de juillet de la même année. Il prétend avoir exécuté le contrat et n’avoir pas été payé aux époques déterminées, et de ce chef demande des dommages-intérêts. En second lieu, l’arrêté du 31 mars dernier, en permettant aux voituriers d’augmenter leur chargement, lui ayant causé du préjudice, lui donnerait également droit à une indemnité. La commission a pensé que le droit réclamé par le pétitionnaire relevait d’un contrat synallagmatique, comme il le dit lui-même ; que dès lors ce n’était point à la législature, mais aux tribunaux compétents pour connaître de cette demande qu’il devait s’adresser, et par conséquent a proposé l’ordre du jour.

- L’ordre du jour est adopté. .


M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition datée de Mons, le 29 janvier 1834, la régence de la ville de Mons demande que la chambre alloue au budget un subside pour son collège communal. »

La ville de Mons expose que depuis plusieurs années elle réclame un subside pour son collège, qui lui occasionne annuellement une dépense d’environ 20,000 fr., et qu’aucun collège de la Belgique n’a des titres supérieurs aux siens pour jouir des bienfaits de la législature. Cependant elle n’a encore rien obtenu.

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur et au dépôt au bureau des renseignements.

- Ses conclusions sont adoptées. .


M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles le 19 janvier 1834, le sieur A. Beekman, de Gand, dont les deux fils sont au service, demande que le plus âgé, André Beekman, tambour-maître au 2ème régiment, qui s’est engagé en 1821 pour 10 ans et dont le terme de service est expiré, lui soit renvoyé. »

Le sieur Beekman expose que son fils André s’est engagé le 3 novembre 1830 pour terminer son engagement préalablement pris à l’ex-17ème division pour un terme de 10 ans, qu’il commença le 17 janvier 1821. De sorte que depuis le 17 janvier 1831 il a déjà droit à un congé définitif, son terme étant expiré à cette époque, et que l’unique cause du refus est parce qu’il fait trop bien son service, et qu’on en a besoin.

La commission conclut au renvoi au ministre de la guerre avec demande d’explications.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition en date du 24 janvier 1834, le sieur Chevron, architecte à Liége, soumet à la chambre un projet de suppression des deux plans inclinés dans la partie du chemin de fer pour arriver à Liége. »

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.

Le sieur Chevron prétend que le plan qu’il propose est préférable au plan dressé par les ingénieurs Simons et de Ridder parce qu’il ne faut pas de machines à vapeur auxquelles il advient souvent des accidents, que son système est d’ailleurs plus économique, présente plus d’accélération et de sécurité. La commission a conclu de renvoyer cette pétition au ministre de l’intérieur chargé de l’exécution du chemin de fer.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition datée d’Alost en date du 30 janvier 1834, plusieurs habitants d’Alost demandent que la chambre s’intéresse à l’avancement de la route projetée et commencée entre Vilvorde et Alost. »

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.

La régence d’Alost dit qu’on a staté les travaux de cette route aux confins de la province du Brabant méridional, et qu’ainsi on n’en peut retirer ce qu’on s’en était promise. Il y a encore à parcourir 2 lieues dont une partie se trouve déjà pavée, de manière que les frais d’exécution ne peuvent plus être très considérables, et que cette route est destinée à devenir route militaire par sa communication à celle d’Audenaerde à Alost par Vilvorde, Louvain et toute la campine.

M. Dewitte. - J’ai demandé la parole pour prier M. le ministre de l’intérieur d’examiner la pétition dont il s’agit avec l’attention la plus scrupuleuse. On demande l’achèvement d’une route qui est une communication sûre d’Alost sur Malines et dont deux lieues seulement restent à achever.

M. Desmet. - Je ne doute pas que M. le ministre de l’intérieur ne reconnaisse toute l’importance de la route pour laquelle les habitants de la ville d’Alost pétitionnent ; elle fait partie de la route provinciale d’Audenaerde à Anvers ; elle est de la plus grande utilité non seulement pour une grande partie de la province de la Flandre orientale, mais aussi pour celles de la Flandre occidentale et du Brabant.

Déjà la province du Brabant a pavé toute la partie qui se trouve sur son territoire, et il n’y a plus qu’une petite distance à faire pour qu’elle soit entièrement achevée. Si cette courte lacune reste ouverte, le public ne pourra pas jouir de cette intéressante route provinciale. J’ose me flatter que M. le ministre de l’intérieur fera entrer son achèvement dans le projet que, j’espère, nous pourrons bientôt voter pour le confectionnement des routes les plus nécessaires du pays et pour lequel on fera un emprunt.


M. de Roo, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 4 février 1834, la dame Godecharles demande que son fils unique, milicien de la levée de 1826, désigné en 1829 et incorporé dans le 1er régiment de ligne, soit libéré du service. »

La commissions propose le renvoi au ministre de la guerre avec demande d’explications.

La dame Godecharles s’est adressée à différentes reprises à M. le ministre de la guerre, pour réclamer l’exemption de son fils ; M. le ministre de la guerre a répondu que, vu qu’il était incorporé, il ne pouvait l’exempter définitivement, mais qu’il lui procurerait un congé illimité, lorsque le temps le permettrait. Sur de nouvelles instances, le même ministre a déclaré que le temps n’était pas encore arrivé.

La commission a pensé que c’était au ministre de l’intérieur à s’expliquer pour quelles raisons le sieur Godecharles fils, exempté comme fils unique, en 1826, 1827 et 1828, a été incorporé en 1829, étant encore fils unique.

M. d'Hoffschmidt. - Je crois la demande d’explications inutile. Car il résulte de l’analyse de la pétition que la dame Godecharles a adressée le 4 février 1834 : or, depuis cette époque, la classe de 1826 a été renvoyée dans ses foyers. Il me semble que la veuve se borne à demander que son fils lui soit renvoyé. Par la mesure générale que je viens de rappeler, son but est rempli. Il n’y a donc plus lieu de demander des explications à M. le ministre de l’intérieur. Je demande l’ordre du jour.

M. de Roo. - Je ferai observer qu’il n’a été désigné qu’en 1829.

M. d'Hoffschmidt. - Peu importe. Il appartient toujours à la classe de 1826. Il est vrai que le milicien dont il est question n’a pas obtenu son congé définitif. Mais toujours est-il que la demande d’explications est inutile, puisque c’est le conseil provincial qui juge en dernier ressort en matière de milice.

M. Legrelle. - Je viens m’opposer à l’ordre du jour parce que, s’il est vrai que le milicien est actuellement rentre dans ses foyers il n’est pas considéré comme libéré du service. Il peut toujours être rappelé sons les drapeaux et sa position précaire lui impose des devoirs qu’il n’aurait pas s’il était définitivement libéré. Ainsi il ne peut contracter un mariage sans permission. Il ne peut servir en qualité de remplaçant. Je ne crois donc pas les motifs présentés par l’honorable M. d’Hoffschmidt admissibles.

Je m’oppose à l’ordre du jour et appuie les conclusions de la commission.

M. d'Hoffschmidt. - Je suis d’accord avec l’honorable préopinant sur la position du milicien de la classe de 1826. Je sais bien qu’il peut être rappelé sous les drapeaux ; mais je dis que le but de la pétitionnaire, puisqu’elle demande le renvoi de son fils dans ses foyers, que ce but, elle l’a atteint. Quant à sa libération définitive, c’est une question générale. Il serait à désirer et j’en ai fait la demande il y a deux ans, que les miliciens de la classe de 1826 reçussent leur congé définitif. Car, comme l’a fait observer M. Legrelle, leur situation incertaine a des inconvénients qui cesseraient, si le gouvernement se décidait à les licencier.

M. Fallon. - Je pense qu’il y a un point de fait qu’il faudrait d’abord examiner. Est-il vrai que toute la classe de 1826 a été licenciée ? Je crois qu’on n’a renvoyé que les miliciens de cette classe qui avaient fini leur terme. D’après les renseignements contenus dans la pétition, il est incertain si le milicien dont s’agit est encore au corps ou s’il a été renvoyé chez lui. Dans ce cas nous devons adopter les conclusions de la commission, le renvoi proposé ne peut d’ailleurs avoir aucun inconvénient.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je ne comprends pas comment un fils unique exempté antérieurement puisse avoir été incorpore dans l’armée en 1829. Quoi qu’il en soit, si l’incorporation du milicien qui réclame a eu lieu par erreur, il a le droit non pas d’être renvoyé en congé illimité, mais à être entièrement libéré du service. La classe de 1826 ne fait pas de service en ce moment, elle est tout entière rentrée dans ses foyers, ; mais elle peut être rappelée sous les drapeaux.

Si le milicien dont il s’agit est dans la position qu’il indique il aurait le droit, je le répète, d’exiger, conformément à la loi, d’être libéré de l’obligation de tout service ultérieur. Sous ce rapport, il peut y avoir lieu à renvoyer la pétition au ministre de la guerre, pour examiner si ce n’est pas par erreur que ce prétendu fils unique a été incorporé dans l’armée.

M. d'Hoffschmidt. - Je retire ma proposition.

- Le renvoi au ministre de la guerre, avec demande d’explications, est mis aux voix et ordonné.


M. de Roo, rapporteur. - « La dame veuve Thirionnet, meunière à Namur, demande qu’il soit alloué au budget de l’intérieur un crédit pour satisfaire aux condamnations prononcées à charge du gouvernement, pour l’indemniser de la suppression de son usine, par suite des travaux pour la canalisation de la Sambre. »

La chambre vient de faire droit à cette pétition, en allouant au ministre la somme nécessaire pour payer à la dame Thirionnet ce qu’elle réclame, de sorte que cette pétition devient à peu près sans objet. Cependant, comme elle peut servir de renseignements pour établir le compte des intérêts, la commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Le renvoi proposé est maintenant inutile, car le règlement est fait ; seulement le paiement n’est pas opéré.

M. Jullien. - Je crois devoir appeler l’attention de la chambre sur cette pétition. En voici l’objet : Cette dame Thirionnet a obtenu des condamnations contre le gouvernement, elle réclame l’exécution de l’arrêt rendu en sa faveur. Or il arrive très fréquemment que le gouvernement qui fait si bien exécuter les jugements qu’il obtient contre les contribuables, est très lent à s’exécuter quand il est condamné.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande la parole.

M. Jullien. - Je n’en fais pas un reproche au ministre de l’intérieur, mais au ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole.

M. Jullien. - Je connais maintes condamnations portées contre le gouvernement en matière de douanes et accises, au profit de contribuables, et dont on ne peut pas obtenir l’exécution. D’après quelques lois sur la matière, lois sur lesquelles il y aura lieu d’appeler l’attention de la chambre, on ne peut pas mettre à exécution les arrêts rendus contre le gouvernement parce qu’on ne peut pas saisir la caisse d’un receveur. Mais quand il s’agit d’un jugement rendu au profit du gouvernement contre un contribuable, c’est tout autre chose, il n’y a pas assez d’huissiers dans le royaume pour l’exécuter, tandis que quand la condamnation est portée contre le gouvernement au profit d’un particulier, on se refuse à exécuter l’arrêt, on ajourne, on conteste sur les frais, et en définitive le contribuable, quelquefois après avoir plaidé pendant cinq ou six ans avant d’avoir obtenu un arrêt définitif, est encore obligé d’attendre un an avant d’arriver au paiement des condamnations prononcées à son profit. Il faudra qu’un jour la chambre s’occupe de régler ce point qui intéresse singulièrement les contribuables.

Puisqu’il ne paraît pas que l’arrêt sur lequel se fonde la pétition soit définitivement exécuté, je demande qu’il soit donné suite aux conclusions de la commission, que le renvoi soit ordonné, afin d’engager le gouvernement à exécuter les arrêts de la justice.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ferai observer que la pétition dont le rapport vient d’être fait à la chambre est de l’année dernière, que depuis un crédit a été demandé à la chambre, et qu’aussitôt que le crédit lui à été accordé, le ministre de l’intérieur s’est empressé de faire la liquidation que réclamait la veuve Thirionnet.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ajouterai à ce que vient de dire M. le ministre de l’intérieur que le mandat a été délivré, qu’il a été envoyé au visa de la cour des comptes, et que sous huit jours le paiement aura été consommé.

L’honorable M. Jullien a dit que d’autres faits de la nature de celui dont il s’agit étaient à sa connaissance ; j’avais cru qu’il allait les préciser, mais l’honorable membre s’est borné à parler de généralités. Il a dit que les contribuables ne pouvaient pas obtenir la sanction des jugements rendus contre l’administration. Mais, messieurs, cela prouve que l’administration n’agit pas légèrement et qu’elle a soin des intérêts du trésor qui lui sont confiés. D’un autre côté, souvent nous ne pouvons exécuter des jugements parce que nous manquons d’allocations pour y satisfaire.

M. Fallon. - Je vais donner quelques explications sur l’affaire dont il s’agit. Voici ce qui s’est passé :

La dame Thirionnet a été dépossédée d’une usine située sur les bords de la Sambre, pour procéder à la canalisation de ce fleuve. La dame Thirionnet, aux termes du cahier des charges, devait recevoir une indemnité en compensation de la perte de son usine, et cette indemnité devait être payée par les concessionnaires. Ils ont été mis en cause et le gouvernement a été appelé en garantie. L’affaire a duré assez longtemps avant de parvenir à son terme, mais enfin le gouvernement a été condamné à payer l’indemnité sauf un recours contre les concessionnaires. Dans l’intervalle survint de leur part une demande formée en résiliation du contrat. Cette circonstance retarda la liquidation de l’affaire, mais aussitôt que la cour de Liége eut prononcé et que le gouvernement fut parvenu à se mettre d’accord avec les concessionnaires, le ministre adressa à la chambre une demande de crédit qui lui fut accordé. En exécution de cette allocation, samedi dernier une ordonnance de paiement fut envoyée au visa de la cour des comptes, qui l’a aussitôt renvoyée au ministre des finances pour être enregistrée dans les livres du trésor. De sorte que si le mandat n’est pas déjà délivré, il le sera sous peu de jours.

M. Jullien. - Je n’avais pas demandé d’explications sur la pétition de la veuve Thirionnet, mais il résulte de ce que vient de dire M. le ministre de l’intérieur, qu’il y a un an que la pétitionnaire a obtenu des condamnations contre le gouvernement sans pouvoir les faire exécuter.

Je connais des affaires en matière de douanes et d’accises dans lesquelles des contribuables ont obtenu des condamnations contre le gouvernement sans pouvoir mettre les arrêts à exécution. C’est au nom du Roi et en vertu de la loi que ces arrêts ont été rendus, et il n’y a pas moyen de les faire exécuter.

Quand il a encouru des condamnations judiciaires, le gouvernement devrait faire en sorte de les exécuter. Un arrêt doit être exécuté dans les 24 heures. Quand un jugement est rendu contre un contribuable, l’administration ne manque pas de le faire exécuter et elle ne perd pas de temps. Elle ne devrait pas mettre moins de diligence à exécuter les arrêts de la justice quand ils lui sont contraires.

Je recommande ces observations à MM. les ministres de la justice et des finances.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si nous n’avons pas de fonds.

M. Jullien. - Vous devez en avoir pour les affaires de douanes et d’accises.

- Le renvoi au ministre de l’intérieur est mis aux voix et ordonné.


M. de Roo, rapporteur. - « Le sieur Dufour demande la révocation de la loi exceptionnelle, qui permet au gouvernement de conférer des grades dans l’armée à des étrangers. »

La commission propose le renvoi au ministre de la guerre et au bureau des renseignements.

Le pétitionnaire motive très peu sa demande. Il se borne à dire qu’autrefois c’étaient les Hollandais et que maintenant ce sont les Français qui occupent toutes les places dans l’armée, par suite de la loi de 1831 dont il demande la révocation.

M. Jullien. - Je ne comprends pas la nécessité du renvoi au ministre de la guerre. Je ne sais pas ce que le ministre de la guerre pourra faite d’une demande de révocation de la loi de 1831. Cette loi, c’est vous qui l’avez faite ; si vous voulez la révoquer, vous en êtes les maîtres ; le ministre de la guerre n’a rien à faire là-dedans.

Je voterai contre le renvoi proposé, attendu qu’il n’est pas justifié.

M. de Roo, rapporteur. - La commission a proposé le renvoi au ministre de la guerre, parce qu’il se plaint de ce que tous les grades dans l’armée sont donnés à des étrangers.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. de Roo, rapporteur. - « La dame veuve Tixon, dont le fils sous-lieutenant d’artillerie de campagne, est mort au service, demande une pension. »

La demande de la dame Tixon tombe dans la disposition de l’article de la loi proposée par M. le ministre de l’intérieur, modifiant et étendant les dispositions de l’arrêté du gouvernement provisoire en date du 6 novembre 1830, concernant les pensions auxquelles ont droit les veuves des citoyens succombés en combattant pour l’indépendance nationale.

La commission propose le renvoi au ministre.

- Adopté.


M. de Roo, rapporteur. - « La régence de la ville de Gand demande que la chambre avise au moyen de venir au secours de l’industrie de cette ville. »

La régence de la ville de Gand expose que c’est de la législature que dépend l’avenir industriel de la Belgique. Les plaintes de l’industrie cotonnière sont légitimes, dit-elle, la détresse est réelle. Les étrangers sont hostiles envers nous, tandis qu’ils nous inondent de leurs produits. Si vous ne venez à son secours l’industrie cotonnière est morte.

La commission avait pensé que la commission d’industrie, s’occupant alors de cette industrie, il convenait de lui envoyer cette supplique, et au ministre des finances, parce qu’il s’agit également de la loi des douanes. La commission propose le renvoi au ministre des finances, et à la commission d’industrie.

M. de Foere. - Je demande l’impression de la pétition de la régence de Gand. Nous allons bientôt discuter la grande question à laquelle cette pétition est relative, nous pourrons y trouver des éclaircissements utiles.

- La chambre ordonne l’impression de cette pétition. Elle ordonne en outre le renvoi au ministre de l’intérieur et à la commission d’industrie.


M. de Roo, rapporteur. - « Le sieur Depoorter demande que le droit sur les rubans étrangers soit augmenté à l’entrée. »

La commission propose le renvoi à la commission d’industrie et au ministère des finances.

M. de Foere. - Ce n’est pas au ministre des finances que la pétition doit être renvoyée, mais au ministre de l’intérieur. Le ministre des finances n’a dans ses attributions que l’exécution du tarif et non la fixation des droits.

Je demande que la pétition soit renvoyée au ministre de l’intérieur au lieu du ministre des finances.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que la commission a eu raison de proposer le double renvoi. La tarification regarde sans doute plus particulièrement le ministre de l’intérieur, mais pour l’exécution du tarif, le ministre des finances doit intervenir. Par ces motifs, le double renvoi me paraît devoir être ordonné.

M. de Foere. - La pétition dont il s’agit ne peut concerner en rien le ministre des finances, car elle ne parle pas de l’exécution de la loi, mais seulement de changements à y apporter. Ainsi donc elle doit être renvoyée au ministre de l’intérieur. Au ministre des finances ne compète que l’exécution du tarif. Son élévation est exclusivement dans les attributions du ministre de l’intérieur.

M. Jullien. - On demande un changement de tarif. Il ne peut pas y avoir d’inconvénient au double renvoi. (S’adressant à M. de Foere :) La pétition ne reviendra pas plus vite, n’ayez pas peur.

Je ne vois pas, dis-je, d’inconvénient au double renvoi. Il est évident que la pétition regarde le ministre des finances, car l’élévation du tarif peut dépendre de la manière dont le tarif est exécuté. Il y a au moins doute, et d’après ce que vient de dire le ministre des finances lui-même, je pense que la pétition doit lui être renvoyée.

- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à la commission d’industrie, au ministre des finances et au ministre de l’intérieur.


M. de Roo, rapporteur. - « Un grand nombre de scieurs de bois réclament contre l’introduction des bois étrangers, notamment les bois du Nord, de sapin et autres qui entrent dans le pays tout sciés ; ils exposent que cela leur fait grand tort, et leur ôte, pour ainsi dire, leur existence. Que si l’on permettait l’entrée du bois seulement cela devrait suffire. »

La commission a conclu au renvoi au ministre des finances pour y porter remède et à la commission d’industrie pour prendre leurs doléances en considération.

M. de Foere. - Je demande, comme pour la précédente, le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Jullien. - Est-ce que le ministre de l’intérieur est compétent en matière de scie ? (On rit.)

M. Desmet. - J’appuie le double renvoi de cette pétition. Vous savez, messieurs, que le nord de l’Allemagne nous expédie une immense quantité de bois sciés, ce qui fait un tort immense à nos moulins à scier.

Il est vrai, cependant, que nous avons besoin du bois du Nord, mais nous pouvons le recevoir en grume, et je ne m’opposerai pas à ce que ces bois entrent de la sorte dans le pays car nous en avons réellement besoin pour nos balises ; mais je ne doute pas un instant que nous ne devions empêcher l’entrée de ces bois sciés.

- La pétition est renvoyée à la commission d’industrie, au ministre des finances et au ministre de l’intérieur.


M. de Roo, rapporteur. - « Les habitants du Nord des Flandres demandent avec instance que l’on veuille décréter l’achèvement du canal exécuté en partie sous le gouvernement autrichien et en partie sous le gouvernement français : ce canal aura une utilité morale parce qu’il empêchera la fraude et un but politique, parce qu’il sera une limite utile des pays limitrophes, et mettra les Hollandais dans l’impossibilité d’inonder dorénavant nos belles terres et leurs riches moissons et mettra fin à l’empêchement de l’écoulement de nos eaux dont les écluses sont toutes en leur possession. »

La commission a pensé qu’il était urgent de prendre cette réclamation en considération. En conséquence elle propose le renvoi à la commission des lois sur les travaux publics, au ministre de l’intérieur et le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.


M. de Roo, rapporteur. - J’ai maintenant à vous entretenir de deux pétitions que dans une dernière séance vous avez renvoyées à la commission avec invitation de faire un rapport dans la huitaine.

La première est de la régence de Dinant. Elle expose que la législature a été en erreur en classant leur tribunal dans le dernier rang, elle en demande par conséquent le redressement et en outre l’augmentation du personnel par l’adjonction d’une seconde section.

Ils disent que malgré les décisions considérables de leur tribunal, il y a un arriéré de causes qui s’accroît progressivement. Pour le démontrer ils y joignent un état descriptif du nombre des affaires portées à ce tribunal, d’où il résulte qu’en 1833, il y a eu 561 causes pendantes et arriérées, 452 jugements rendus en matière civile et 719 en matière correctionnelle ; en 1834, 565 causes civiles, 414 jugements et 881 en matière correctionnelle ; il s’y trouve joint 3 déclarations d’avoués qui déclarent avoir à inscrire beaucoup de causes nouvelles.

Ils prétendent avoir une circonscription territoriale du double de l’arrondissement de Namur qui a un tribunal de neuf juges, qui a un nombre de causes bien inférieur à celui porté devant le tribunal de Dinant. Pour la même raison ils croient avoir droit à un rang plus élevé, et se regardent comme placés au premier rang des tribunaux du ressort de la cour de Liége.

Aussi sous le rapport de la vie animale ils prétendent qu’elle est beaucoup plus chère qu’à Charleroi, Namur et Liége, puisque toutes les provisions viennent de ces côtés.

La seconde est de la régence de Charleroi. Un projet de loi a été proposé tendant au même but dans la séance d’hier ; vous l’avez envoyé en section ; comme je l’ai dit dans une dernière séance, ce serait plutôt un tribunal de commerce qu’il faudrait ; c’est le commerce qui le réclame maintenant, le barreau s’y est joint par une enquête imprimée ; mais comme il est impossible d’avoir le personnel nécessaire pour composer un tribunal de commerce à Charleroi, puisqu’on n’y trouve pas, d’après la pétition, des négociants suffisamment éclairés pour former ce tribunal, et que les négociants propres à cet effet se trouvent disséminés à la campagne, et que leurs affaires ne leur permettent pas de venir siéger à un tribunal, ils réclament l’adjonction d’une section à leur tribunal civil. Je proposerai donc d’adjoindre aux conclusions de la commission, celle du dépôt au bureau des renseignements.

M. Seron. - Il est certain que le nombre des causes dont doit s’occuper le tribunal de Dinant est trop considérable pour le nombre de juges dont il est composé. Mais faut-il augmenter pour cela le personnel du tribunal de Dinant ? Non, je ne le pense pas.

Voici mes motifs : c’est que les quatre cantons de l’arrondissement administratif de Philippeville donnerait à eux seuls beaucoup plus de causes que le reste de l’arrondissement judiciaire de Dinant. Les quatre cantons de l’arrondissement administratif de Philippeville demandent depuis longtemps qu’un tribunal soit établi à Philippeville. Cela paraît d’autant plus raisonnable qu’en y établissant un commissariat de district, on a reconnu la nécessité de ne pas assujettir les administrés à trop de déplacements. Les mêmes motifs doivent y faire établir un tribunal, afin de ne pas assujettir les justiciables à trop de déplacements.

En conséquence, je prierai M. le ministre de la justice d’examiner en même temps les réclamations des habitants de Dinant et les pétitions adressées par les cantons de Philippeville pour obtenir un tribunal.

M. Pirson. - Nous n’avons pas à préjuger si c’est un second tribunal qu’on doit établir ou si on doit augmenter le personnel du tribunal de Dinant. Nous n’avons à nous prononcer que sur le renvoi au ministre de la justice qui examinera ce qu’il y a de mieux à faire dans l’intérêt du trésor et des convenances des justiciables.

M. A. Rodenbach. - Mais dans les pétitions on demande aussi une augmentation d’appointements pour les juges, car on demande une nouvelle classification. Je ne pense pas que cela puisse se faire.

M. Desmanet de Biesme. - Je pense qu’il y aurait beaucoup plus d’utilité à établir un tribunal à Philippeville qu’à augmenter le personnel du tribunal de Dinant.

Les plaideurs sont extrêmement loin de cette ville ; les communes de Couvin, par exemple, en sont à dix lieues, et remarquez que le pays de Philippeville est un des plus industriels de toute la Belgique.

M. Dubus. - Comme la commission s’occupe en ce moment d’une proposition qui a beaucoup d’analogie avec celle-ci, je crois plus utile de renvoyer la pétition à toutes les sections, qui prendront en considération les motifs qui y sont développés.

Cela pourra être fort avantageux dans ce moment où on examine une proposition de l’honorable M. Frison, qui est presque conforme au sujet de la pétition dont il s’agit.

M. Desmanet de Biesme. - La proposition de l’honorable M. Frison, relativement à l’augmentation du personnel du tribunal de Charleroy, est arrivée à un point de maturité que n’ont point les autres, et il n’y a pas lieu de la confondre avec celles dont parle l’honorable M. Dubus.

M. Dubus. - Je ne sais pas ce que l’honorable M. Desmanet de Biesme entend par point de maturité. Si la proposition faite relativement à l’augmentation du personnel du tribunal de Charleroy est arrivée à maturité, c’est en ceci qu’il y a une instruction et que pour ce qui concerne Dinant il n’y a encore qu’une pétition. Je n’ai pas considéré la pétition du tribunal de Dinant comme une proposition ; je n’ai pas demandé que les sections en fussent saisies comme d’une proposition, j’ai demandé que cela fût renvoyé aux sections pour qu’elles pussent s’éclairer, parce que je crois très utile, pour ce qui concerne la demande de la ville de Charleroy, que l’on sache ce qui est désiré ailleurs dans le même sens.

M. Gendebien. - Il n’y a pas moyen d’équivoquer ici sur ce qu’a dit l’honorable M. Desmanet de Biesme ; quand il a dit que la demande du tribunal était arrivée à un tel point de maturité qu’elle était dans une position exceptionnelle, il a voulu prouver qu’elle ne pouvait avoir de connexité avec les autres pétitions du même genre.

D’un côté il y a un projet de loi dont les sections sont saisies, de l’autre une simple pétition dont on demande le renvoi au ministre. Y a-t-il une proposition ? Non. Ce que l’on propose de faire en ce moment retarderait les demandes de chacun. A quel effet renverrait-on aux sections ? Quelle détermination peuvent-elles prendre ?

L’honorable M. Dubus reconnaît lui-même que ce serait à titre de renseignements. Quels renseignements pouvez-vous obtenir de ce renvoi ? Est-ce que le ministre de la justice fera diminuer le nombre des procès ? La question est de savoir s’il y a ou non à Charleroy le nombre de juges suffisant. Les tableaux prouvent qu’il y a 700 causes et non 7,000 comme me l’avait fait dire le Moniteur. Le nombre des causes aujourd’hui est décuple de ce qu’il était autrefois. Voilà des renseignements positifs. Je pense, Quelle utilité y a-t-il pour l’affaire de Charleroy de savoir si Dinant ou Philippeville ont besoin de plus ou moins de juges. Cela n’a aucune connexité ; ces deux questions sont complètement étrangères l’une à l’autre, quoique au fond de même nature.

Les éléments en sont tout différents. Je connais les besoins de Charleroy ; c’est pourquoi je crois devoir instamment appuyer la proposition de l’honorable M. Frison. Il ne faut pas entraver la marche de l’affaire relative au tribunal de Charleroy, par une discussion qui lui est étrangère.

- La proposition de M. Dubus est mise aux voix et rejetée.


M. de Roo, rapporteur. - « Les membres du conseil charbonnier pour les bassins de Charleroy réclament contre les embranchements projetés au canal de Charleroy à Bruxelles. »

Je crois qu’il faudrait ajouter aux conclusions le renvoi à M. le ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.


M. Gendebien. - La chambre a pris une décision à l’égard du capitaine Dugard, par suite d’une erreur de fait qu’il est important de rectifier. Il nous a paru, à l’honorable M. Jullien et à moi, que l’on n’avait pas bien saisi le sens de cette pétition. Lorsqu’on en lit le commencement, on peut penser qu’il s’agit d’un déni de justice, mais quand on poursuit cette lecture, on voit que le pétitionnaire a eu un autre but. (L’orateur donne lecture de la pétition.)

Cette pétition rentre dans la catégorie de celle qu’a présentée l’honorable général Mercx qui a demandé qu’on prît des mesures pour éviter les abus dont il était frappé. Le sieur Dugard s’est présenté devant la haute cour militaire ; il y a décision à son égard : il demande aussi qu’on remédie aux abus qu’il signale. Je ne dis pas qu’il faille renvoyer son mémoire au ministre de la justice ainsi qu’on a fait pour le mémoire du général Mercx, mais je propose le dépôt au bureau des renseignements.

La chambre mieux informée doit revenir sur sa première décision.

M. le président. - Je vais consulter la chambre pour savoir si elle veut en effet réformer la première décision.

M. Gendebien. - Nous avons été trompés en fait. La pétition rédigée par un militaire n’offre pas un ordre bien régulier : on n’a pas trouvé ses conclusions à la fin de son mémoire et c’est ce qui a induit en erreur.

M. Jullien. - J’appuie les observations présentées par l’honorable préopinant, parce qu’il est de fait qu’il y a erreur dans l’exposé qui nous a été soumis. On vient nous dire que le déni de justice n’existe pas, car il y a arrêt ; mais le pétitionnaire ne parle que d’un arrêt injuste. Il ne peut y avoir inconvénient à renvoyer au bureau des renseignements.

M. de Roo, rapporteur. - La commission s’est attachée à l’analyse qui a été faite de la pétition, et elle a trouvé les pièces conformes à cette analyse. Il paraît que celui qui a fait l’analyse s’est trompé.

- La chambre consultée, rapporte sa première décision.

La pétition sera déposée au bureau des renseignements.


M. Pollénus, autre rapporteur, est appelé à la tribune. - « Quelques réfugiés politiques demandent que la chambre adopte la proposition de MM. Rouppe et Gendebien, pour les arracher à leur misère. »

M. Gendebien. - Je me propose de consulter mon honorable collègue M. Rouppe, à l’effet d’inviter la chambre à s’occuper de cette proposition. Les réfugiés sont dans la misère.

Ils n’en sont pas moins recommandables, non parce qu’ils appartiennent à des familles riches autrefois dont les biens sont confisqués, mais parce qu’ils sont réfugiés en Belgique pour avoir défendu les principes qui ont triomphé chez nous. Sans abuser de la patience de la chambre, je l’avertis simplement que j’appellerai bientôt son attention sur notre proposition.

- Le mémoire sera déposé au bureau des renseignements.


M. Pollénus, rapporteur. - « Le baron de Scherpenzeel-Hensch, né en Gueldre, et actuellement colonel de la garde civique de Ruremonde, demande la grande naturalisation. »

- Renvoyé à la commission future pour les naturalisations.


M. Pollénus, rapporteur. - « La régence de Wiltz (Luxembourg) demande que la chambre adopte la proposition déposée à la séance du 6 mars, relativement à la construction des routes. »

La commission conclut au dépôt au bureau des renseignements.

M. d'Hoffschmidt. - On a institué une commission des travaux publics, à laquelle on a déjà renvoyé des pétitions semblables à celle-ci ; je demande que le même renvoi ait lieu.

- La proposition de M. d’Hoffschmidt et les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Pollénus, rapporteur. - « Les membres du conseil charbonnier pour les bassins de Charleroy réclament contre les embranchements projetés au canal de Charleroy. »

- Renvoyé au ministre de l’intérieur et au bureau des renseignements.


M. Pollénus, rapporteur. - « Le sieur A. de Poelgie adresse des observations sur le traité du 8 novembre fait avec la banque. »

La commission conclut au dépôt au bureau des renseignements, et au renvoi à la commission chargée de l’examen de la situation de la banque.

M. de Foere. - Mais la chambre ne sait pas quelles observations sont présentées par le pétitionnaire. Il serait à désirer que la commission fît des analyses plus étendues des mémoires qu’on nous adresse. Il faut que nous puissions apprécier les conclusions de la commission.

M. Pollénus, rapporteur. - La commission a cru qu’il était inutile d’entrer dans de longs détails sur cet objet, attendu que la chambre elle-même a chargé une commission spéciale d’examiner la situation de la banque. Elle a pensé qu’il serait prudent, de sa part, de proposer le renvoi du mémoire à cette commission spéciale. Celle-ci a des renseignements qui lui permettront de prendre des conclusions convenables.

M. de Foere. - Je ne veux pas que la commission des pétitions prenne d’autres conclusions que celles qu’elle a prises ; mais je demande qu’elle veuille bien nous faire connaître les conclusions du pétitionnaire.

M. Pollénus, rapporteur. - J’avouerai que, depuis un si long temps que la commission des pétitions a terminé son travail, je n’ai pas bien présent à l’esprit le contenu du mémoire ; mais si la chambre le désire, je vais en donner lecture.

M. Fallon. - Il faut connaître l’objet de la pétition.

M. Pollénus, rapporteur. - Le pétitionnaire craint que la banque qui, selon lui, doit 20 millions à l’Etat, ne présente plus de garanties si elle continue à vendre ses bois.


M. Pollénus, rapporteur. - « Le sieur J. Pauwels, à Waesmunster, désigne comme cause de l’ophtalmie qui désole l’armée, le savon, la lessive et l’eau qui en est infectée, dont se servent les soldats. »

- Renvoyé au ministre de la guerre.


M. Pollénus, rapporteur. - « Plusieurs habitants de Bouillon réclament l’intervention de la chambre pour obtenir le paiement de prestations et logements militaires, faits par eux en 1831, et dont le montant a été reçu par leur bourgmestre depuis longtemps. »

La commission propose le renvoi aux ministres de la guerre et de l’intérieur.

L’analyse de la pétition telle qu’elle est insérée au feuilleton, n’est pas tout à fait exacte. Les pétitionnaires demandent que la chambre les autorise à poursuivre devant les tribunaux le bourgmestre et d’autres fonctionnaires qui auraient reçu les sommes qu’ils réclament. La commission aurait peut-être dû proposer l’ordre du jour, attendu que la loi n’exige pas d’autorisation pour exercer de semblables poursuites ; cependant, comme elle a cru voir dans la réclamation une question que le gouvernement pouvait résoudre, par ce motif elle a proposé le double renvoi. Je pense qu’il n’y a pas lieu à demander des explications.

M. Gendebien. - Je vois dans l’énoncé de la pétition un fait très grave. S’il est vrai que le bourgmestre de Bouillon a reçu au commencement de 1831 les indemnités dues aux habitants de cette ville pour logements militaires, je le répète, c’est un fait trop grave pour qu’on ne l’éclaircisse pas. Je ne préjuge rien mais pour l’honneur même du bourgmestre, tout autant que dans l’intérêt des administrés, il faut que des explications soient données à ce sujet.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Il arrive très souvent que des administrés se plaignent de la distribution des indemnités pour logements militaires. Quand ces réclamations sont adressées au ministère de l’intérieur on ne manque jamais d’y donner suite. Si la chambre adopte le renvoi proposé par la commission, je prendrai tous les renseignements nécessaires. Mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’ajouter à ce renvoi la condition d’une demande d’explication.

M. Jullien. - Je ne vois pas pourquoi la chambre ne demanderait pas d’explications. Le fait signalé par la pétition, s’il est vrai, serait un délit grave. Quand il n’y aurait que le fait que nous connaissons déjà, c’est-à-dire la non-distribution au mois d’avril 1834 d’indemnités payées par le ministre de la guerre en 1831, cela suffirait pour mériter l’attention de la chambre et du gouvernement. Il y a nécessité de demander au ministre des explications. Quand il nous les aura remises, nous saurons jusqu’à quel point ce bourgmestre est compromis.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense pas qu’il faille multiplier les demandes d’explications sans motifs fondés. Dans cette occasion la demande d’explications n’est pas fondée. Si les pétitionnaires se plaignaient que le gouvernement n’eût pas fait droit à leur demande d’indemnités pour logements militaires, je concevrais que l’assemblée désirât des explications de ma part.

Mais je suppose que je donne dans le cas dont il s’agit tous les renseignements possibles, j’admets que la demande des habitants de Bouillon soit fondée, que pourra décider la chambre ? Elle ne pourra qu’engager les habitants à s’adresser aux tribunaux.

M. Pollénus, rapporteur. - Je dois devoir faire remarquer à l’assemblée que les habitants de Bouillon ont adressé leur pétition, pendant que l’affaire s’instruisait au gouvernement provincial. Ils n’ont pas attendu, par conséquent, qu’elle fût terminée.

M. Gendebien. - Il est un fait constant. C’est qu’en 1834, les habitants de Bouillon n’avaient pas reçu le montant des indemnités de logements militaires dues en 1831. Que justice leur soit rendue cette année-ci ou l’année prochaine, le fait subsiste. Il faut rechercher la cause de ce retard, et à qui l’on doit attribuer cette injustice.

Ensuite il importe au bourgmestre qu’il soit lavé du reproche qu’excite le simple rapprochement des deux dates. Puisque l’accusation a été publique, il faut que M. le ministre de l'intérieur, le défenseur de tous les administrateurs sous ses ordres, donne une justification publique de la conduite du bourgmestre de Bouillon. J’appuie donc la demande d’explications.

M. Desmanet de Biesme. - Messieurs, je ne crois pas que nous fassions pour les pétitionnaires tout ce que nous devrions faire. Ces demandes d’explications sont de véritables fictions ; car presque jamais l’explication n’arrive. Il me semble que les ministres à qui l’on demande des explications sur tel ou tel objet pourraient nous les donner, sinon dans la séance suivante, du moins dans la huitaine. Je n’entends presque jamais parler du résultat donné aux demandes d’explications. Je suis sûr qu’il y a plus de deux cents de ces demandes sur lesquelles il ne vous est rien revenu.

- Le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur avec demande d’explications est adopté.


M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition sans date la dame veuve Gleys à Erteweghen demande l’exemption du service de la milice de son fils aîné, comme étant son soutien. »

Ordre du jour.

- Adopté.


M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition en date du 14 mars 1834, la dame Konlle, à Frisange, Luxembourg, demande le paiement des deuxième et troisième trimestres de l’année 1831 pour la pension de feu son mari, ex-employé aux douanes. »

Renvoi au ministre des finances.

- Adopté.


M. Pollénus, rapporteur. - « Par pétition en date du 5 mai 1834, trois habitants de Bruxelles demandent le paiement de rentes constituées par la ville de Nivelles et hypothéquées sur les revenus des péages de barrières des chaussées construites et à construire. »

Dépôt au ministre des finances.

M. Gendebien. - C’est pour la douzième ou la treizième fois qu’il nous arrive des pétitions de même nature, Vous savez, messieurs, que sous le gouvernement autrichien, des provinces, des villes, ont construit des routes à leurs frais. Elles ont emprunté des capitaux pour faire face à ces dépenses. Le gouvernement s’est ensuite emparé de la propriété de ces routes, et n’a pas indemnisé les bailleurs de fonds qui ont aidé à leur construction. Remarquez-le bien, on a été injuste envers les propriétaires. La ville de Nivelles a construit la chaussée de Nivelles aux Quatre-Bras, chaussée par laquelle se transporte la houille de Marimont, la Hestre, Sara-Longchamp ; et cette route rapporte 50 p. c. de bénéfice.

Le gouvernement ne se fait aucun scrupule d’appliquer le bénéfice de ces routes à la construction et à l’amélioration des routes dans d’autres provinces, et cependant il se refuse à indemniser les bailleurs de fonds de qui lui vient cette source de revenus.

Je demande si ce n’est pas là l’injustice la plus caractérisée. Le gouvernement se refuse positivement à payer une dette reconnue légitime. Je demande non seulement le dépôt de la pétition au bureau de renseignements, mais aussi le renvoi à M. le ministre de l’intérieur afin qu’il y donne quelque attention. L’objet en vaut bien la peine ; car, je le répète, il est impossible de signaler au pays une plus grande injustice ; on n’a cessé, depuis le congrès, d’élever des réclamations. Puisque le produit des barrières vous offre un excédant de recette, ne pourriez-vous l’appliquer au paiement de justes créances. J’insiste sur le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.

M. Legrelle. - Comme l’a fort bien dit l’honorable M. Gendebien, c’est une injustice des plus criantes qu’il y ait. Ce ne sont pas seulement des villes qui ont construit ces routes, mais des particuliers, et le gouvernement en perçoit le revenu sans qu’ils aient été indemnisés. Je ne sais à quoi aboutira ce renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

Il a été question déjà dans cette enceinte de plaintes de cette nature. Le gouvernement a répondu que la question ne pouvait pas être résolue par la chambre, que les tribunaux seuls étaient compétents.

Messieurs, c’est par cette fin de non-recevoir que l’injustice a été perpétuée d’année en année. Il est plus que temps que la chambre songe à y mettre un terme. Je ne sais ce que le ministre pourrait faire. C’est à la chambre qu’il appartient de faire cet acte de justice. Si vous persistez à soutenir que c’est aux tribunaux qu’il appartient de décider cette question, votre siècle s’écoulera sans que rien soit décidé, et nos descendants seuls pourront espérer d’obtenir justice.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ces questions recevront incessamment une solution. Plusieurs procès sont intentés au gouvernement ; les tribunaux sont saisis de la question. J’espère que dans le courant de cette année elle pourra être définitivement résolue.

Quant à présent, je ne pense pas que ce soit le moment de la discuter ici.

M. Gendebien. - Messieurs, si ma mémoire est bonne, il sera fait incessamment un rapport sur une pétition, à propos de laquelle on m’a écrit. C’est une pétition adressée à la chambre par une personne habitant Nivelles, qui réclame le paiement d’une rente hypothéquée sur la route de Nivelles aux Quatre-Bras ; on a dit à cette personne qu’il fallait qu’elle s’adressât aux tribunaux. Le tribunal de Nivelles s’est déclaré incompétent. Cette pétition doit se trouver ou à la commission ou au bureau. Je prie les membres qui seront chargés de l’examen de porter leur attention sur ce fait.

Le gouvernement possède les routes, il en jouit et à moins de vouloir jouer le rôle de possesseur de mauvaise foi, il doit en payer le prix, puisqu’il possède sans avoir payé le prix de la chose. Si un citoyen se permettait d’enlever de la chaussée de Nivelles un pavé, il serait considéré comme un voleur et poursuivi comme tel.

Le gouvernement s’empare de la route toute entière ; il en perçoit paisiblement les revenus, et ne veut pas la payer. Mais on le sait, les petits voleurs sont toujours punis, tandis que les grands voleurs ne le sont jamais. Ici, c’est le gouvernement qui est le grand voleur.

M. Fallon. - Chaque fois que des réclamations de la nature de celle qui nous occupe ont été adressées à la chambre, je n’ai cessé d’appeler l’attention du gouvernement sur les conséquences funestes qu’aurait pour le trésor le système qu’on suivait. Chaque fois on a repoussé mes observations, et il en est résulté, comme vient de le dire M. le ministre de l'intérieur, que les particuliers et les communes, fatigués d’attendre, se sont adressés aux tribunaux.

La ville de Namur a été dépossédée d’une chaussée qui lui appartenait incontestablement, car elle l’avait fait construire à ses frais. Elle a assigné le gouvernement par devant le tribunal de Namur, afin d’être indemnisée de cette expropriation forcée. Le gouvernement avait d’abord pensé que les tribunaux étaient incompétents, mais cette exception a été écarté, le fonds est en instruction.

Il n’y a plus par devant le tribunal de Namur, qu’à procéder à la liquidation de l’indemnité. Voici quelle va être la conséquence de la conduite du gouvernement.

Immédiatement avant notre révolution, des liquidations avaient été préparées pour les dépossessions de chaussées au préjudice des villes et des particuliers, ces liquidations étaient arrivées à leur terme, et un arrêté royal du 18 mai annonçait à la ville de Namur qu’elle allait recevoir le résultat de cette liquidation, pour ce qui la concernait.

Par cette manière de procéder, le gouvernement obtenait un immense avantage, car il y avait composition et le gouvernement aurait encore pu jouir de cet avantage depuis la révolution, s’il avait suivi mes conseils ; la ville de Namur, par exemple, se serait contentée d’être mise hors d’intérêts pour les capitaux qu’il y avait encore à rembourser, tandis qu’aujourd’hui, il est à la veille d’être obligé de payer beaucoup plus. Car la ville de Namur a fait valoir tous ses droits, et je crois, je l’espère du moins, qu’elle obtiendra plus d’une liquidation judiciaire, qu’elle n’aurait obtenu d’une liquidation administrative.

Quant à la ville de Namur, il lui est maintenant sans aucun doute plus avantageux de suivre le procès que de demander une liquidation par voie de transaction.

M. Donny. - Je m’étonne, messieurs, que le gouvernement belge ait des doutes sur l’obligation d’indemniser les villes des routes faites par elles et dont il est en possession. Le gouvernement hollandais avait reconnu que l’Etat était obligé d’indemniser les villes de ce chef, et je puis parler pertinemment, car la ville d’Ostende, qui avait fait construire la route d’Ostende à Tourrout qui a cinq lieues, en ayant été dépossédée, a fait des réclamations, et le roi Guillaume, par un arrêté de 1820, a décidé que l’Etat devait indemniser la ville à ce sujet. Seulement il restait à fixer le taux de l’indemnité.

Ce taux n’a jamais été fixé et peut-être l’aurait-il été un jour si la révolution n’avait pas en lieu. Mais toujours est-il que le principe qu’une indemnité était due aux villes pour les routes dont elles avaient été dépossédées, a été reconnu par le gouvernement hollandais. Il me semble dès lors que le gouvernement belge ne peut pas contester ce qui avait été admis par le gouvernement précédent.

M. de Foere. - La question qui s’agite en ce moment est très grave. Il n’est presque pas de route en Belgique qui n’ait été faite on par une province ou par une ville ou par une société particulière, Il est à craindre que maintenant des réclamations ne surgissent pour toutes ces routes.

Ç’a été une grande injustice que de s’emparer de ces routes, mais l’injustice à été consacrée par le gouvernement français. C’est le gouvernement français qui a commence à confisquer la propriété de toutes ces routes. Il y a eu depuis liquidation entre la France et la Hollande. Le gouvernement hollandais possède les fonds cédés par la France afin de faire droit à toutes les réclamations.

Je ne pense pas que la chambre puisse en ce moment s’occuper de cette question. Elle est à mon avis de la compétence des tribunaux.

L’honorable M. Legrelle a dit que c’était à la chambre qu’il appartenait de faire cet acte de justice. Messieurs, la justice est exclusivement du ressort des tribunaux. S’il y a des particuliers, des villes et des provinces qui ont droit à des indemnités, c’est à eux à faire valoir leurs droits devant les tribunaux, et si les tribunaux décident en leur faveur, ce sera alors au pays à réparer les injustices commises à leur égard. Mais la chambre ne doit intervenir que pour allouer les fonds adjugés aux réclamants par les tribunaux.

Je le répète, cette question est presque générale, il n’y a presque pas de route dans toute la Belgique qui ne se trouve dans le cas de celle dont il s’agit.

M. Fallon. - L’honorable préopinant fait observer que la question est du ressort des tribunaux. Mais j’ai démontré qu’en renvoyant les réclamants devant les tribunaux, on compromet gravement les intérêts du trésor, qu’il y avait beaucoup plus d’avantage à liquider par transaction qu’à se laisser condamner. Je profite de l’occasion pour appeler l’attention du gouvernement sur un objet non moins important qui peut avoir le même résultat que les contestations à propos des routes ; ce sont les réclamations pour les … Si vous ne faites par droit à ces réclamations, les réclamants se lasseront et finiront pas s’adresser aux tribunaux.

Je pense donc que dans ce cas comme dans l’autre, une liquidation par voie administrative sera bien plus avantageuse qu’un recours aux tribunaux.

M. Gendebien. - Un honorable préopinant vous a dit que c’était le gouvernement français qui s’était emparé des routes et qu’il y avait eu, à ce sujet, liquidation entre le gouvernement français et celui du roi Guillaume. A coup sûr le gouvernement français n’a pas emporté vos chaussées. S’il n’a fait que les user, il n’a pas eu de liquidation à faire de ce chef, et par conséquent il n’y a pas lieu à renvoyer les pétitionnaires en réclamation auprès du roi Guillaume.

On vous a dit que les pétitionnaires s’adressent aux tribunaux. Mais est-ce bien là un conseil honorable à donner au gouvernement ? Vous possédez le bien et vous ne l’avez pas payé ; si le gouvernement objecte qu’il en a payé le prix à quelqu’un, alors les pétitionnaires pourraient avoir à plaider et contre le gouvernement et contre ceux qui auraient reçu le paiement. Comment appelle-t-on les hommes qui possèdent une chose et refusent de la payer, et qui disent à leurs créanciers : Adressez-vous aux tribunaux.

Cela peut se faire pour des villes comme Namur, Bruxelles ou Anvers, mais les malheureux créanciers qui n’ont pas le moyen de faire des poursuites. Vous citerai-je cette personne de Nivelles, qui s’est adressée aux tribunaux et qui n’avait pas de quoi payer le premier exploit ? Des hommes généreux sont venus à son aide et néanmoins les poursuites ont été arrêtées parce que le tribunal de Nivelles s’est déclaré incompétent ; aujourd’hui la malheureuse femme dont il s’agit est réduite à l’impuissance de faire réformer ce jugement erroné. Un homme d’honneur, quand il doit, paye, ou compose quand il doute. Nommez une commission à l’effet de liquider toutes ces créances. Mais vous aurez beau faire, il résultera toujours de ce qui arrive deux choses incontestables : Vous possédez des chemins que vous n’avez pas payés, et ceux qui ont prêté leurs fonds pour les faire, sont en proie à la plus affreuse misère. C’est un vol et de plus c’est une iniquité.

M. Jullien. - Il n’y a qu’un mauvais payeur qui renvoie ses créanciers aux tribunaux. Je demande au gouvernement s’il lui convient de descendre au rôle de mauvais débiteur. J’engage MM. les ministres à bien réfléchir à leur responsabilité, si tant est qu’ils y tiennent. Il est incontestable en fait que ces créances sont légitimes ; que le gouvernement s’est emparé de ces routes et qu’il en jouit. Eh bien ! MM. les ministres, quand vous aurez constitué l’Etat en frais considérables, vous en aurez la responsabilité. Ainsi, vous voilà avertis. Il me paraît que la créance est certaine et que l’on doit payer.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Quand une créance est légitime, quand elle est incontestable, je suis d’accord avec le préopinant, qu’il n’y a que les mauvais débiteurs qui renvoient leurs créanciers devant les tribunaux ; mais ici la question tout entière est de savoir si la créance est légale, si elle est incontestable. L’honorable préopinant sait aussi bien que moi que dans presque toute la Belgique, et notamment dans les Flandres, les grandes communications ont été établies aux dépens des particuliers, des châtellenies ou des corporations. Dans quelques localités on a fait des emprunts hypothéqués sur les routes, dans d’autres on a fixé des impôts pour couvrir les frais.

Si vous remboursez ces emprunts, ne craignez-vous pas que les particuliers, les châtellenies qui ont construit les routes à leurs frais et qui en ont été également dépouillés, ne viennent aussi réclamer une indemnité ou le remboursement des dépenses qu’ils ont faites ? C’est là une question très grave et de la plus haute importance : le gouvernement ne peut prendre sur lui de la décider parce qu’il s’agit ici de sommes extrêmement élevées, si considérables même, que la Belgique toute entière serait hors d’état de faire face aux réclamations qui, sous une certaine apparence de justice pourraient surgir de toutes parts.

Le gouvernement a pris le parti le plus sage. Quand les tribunaux auront prononcé en dernier ressort, le gouvernement proposera une mesure générale aux chambres. Mais je ne pense pas que jusque là il doive rien décider. La question n’est pas incontestable.

M. A. Rodenbach. - Toutes les routes dans les Flandres sont provinciales ; si on rend aux communes les routes qu’elles ont construites, les provinces auront les mêmes droits ; il s’agit ici de plusieurs centaines de millions. Avec le système qu’on invoque on pourrait demander la restitution des biens des émigrés : On leur a volé leurs biens, donc il faudrait les leur rendre. Cette thèse pourrait se soutenir tout aussi bien que l’autre. Le système admis aurait encore des conséquences plus étendues : les seigneurs seraient autorisés à venir demander la restitution de leurs anciens droits.

Messieurs, le gouvernement français s’est emparé des routes ; mais c’est en vertu des lois, il y avait dans beaucoup de communes des places publiques des allées qui appartenaient aux seigneurs et qui ont été données à ces communes.

Si on veut revenir sur ces dons et sur mille autres objets que je ne détaillerai pas, il faudrait cinq ou six années du revenu de la Belgique pour indemniser les anciens propriétaires, que dis-je, cinq ou six années, il faudrait des milliards... Laissons donc agir les tribunaux et ne nommons pas de commission de composition, de transaction, comme on voudra la nommer ; en un mot, il ne faut pas ruiner le pays.

M. Gendebien. - Messieurs, M. le ministre des affaires étrangères a dit : Ces créances sont-elles légitimes ? Voilà la question. Mais comment l’a-t-il résolue ? Par le droit ? Non, mais par une question de faits. Les créances ne sont pas légitimes parce qu’il y a des provinces, des corporations, des châtellenies qui ont construit des routes et qui les ont payées de leurs deniers, tandis qu’il en est d’autres qui pour faire face à des dépenses de cette nature ont fait des emprunts. De ce que les uns ont payé la totalité des dépenses et de ce que les autres la doivent encore en partie, cela change-t-il rien au droit de ceux qui sont créanciers ? Leurs créances étaient établies, étaient hypothéquées sur les produits des routes. Vous êtes possesseurs de ces routes. Vous devez donc vous mettre au lieu et place des anciens possesseurs. Payez les charges qui étaient imposées à ces propriétaires de qui vous tenez vos droits des principes.

Voilà des principes que vous ne renverserez pas par des rapprochements de faits. On vous dit : Les routes des Flandres ont été construites par les états et par les communes. Mais les belles routes du Brabant et du Hainaut, la route de Bruxelles à Mons, n’ont-elles pas été construites par les états du Brabant et du Hainaut ? Aucune d’elles n’a été construite par le gouvernement. Cependant, c’est le gouvernement qui les possède.

De ce que dans certaines corporations l’on a jugé à propos d’établir un impôt au lieu d’un emprunt, nous dites-vous, il y aurait également justice à les indemniser de leurs frais, ou bien il faudrait leur laisser la possession des routes à la charge des réparations qu’elles exigent. Sans doute : c’est la seule chose juste et équitable que vous ayez dite, et les habitants du Brabant et du Hainaut ne demanderont pas mieux que justice leur soit faite de cette façon, car ce sont ces deux provinces qui fournissent la presque totalité des 7 à 8 cent mille francs de bénéfice provenant de l’impôt des barrières. Les Flandres, au contraire, seraient fort embarrassées, si on leur faisait le cadeau de leurs routes. Qu’ils ne fassent donc pas les généreux qu’ils ne se vantent pas de leur générosité. Qu’on ne m’accuse pas de montrer un esprit de localité. Ce n’est pas moi qui ai fait le premier des comparaisons. Je ne fais que répondre. Je dis, moi, que les députés qui font blanc de leur épée, se garderont bien de redemander leurs routes parce qu’elles leur seraient à charge, parce que leur produit ne suffirait pas à leur entretien.

Vous avez bonne grâce à venir nous tenir un pareil langage : si vous aviez tout payé, il n’y aurait pas de réclamations. Vous avez donc déjà oublié que nous contribuons dans les 35,000,000 votés pour un chemin de fer dont nous ne profiterons pas et dont vous profiterez dans toute l’étendue des Flandres depuis Ostende jusqu’à Anvers, et vous venez encore nous demander 4,600,000 fr. pour la construction d’un canal d’écoulement qui est uniquement dans l’intérêt des Flandres.

Puisque vous êtes venus plaider pour votre province, je puis aussi parler pour la mienne et je dis que ni la province du Hainaut, ni la province du Brabant, ne perdrait si on restituait à chacune des provinces ses chaussées, et si on laissait aux soins de chacune d’elles de pourvoir aux dépenses de construction et d’entretien.

Ou nous a parlé de biens d’émigrés, de droits seigneuriaux. On nous a dit que pour être juste il faudrait indemniser les uns et les autres de leurs biens et de leurs droits abolis. Il semble en vérité qu’on se soit donné le mot pour faire des comparaisons qui clochent. Les émigrés ont perdu leurs biens en vertu d’une loi très sévère il est vrai ; mais après tout ils ont déserté leur pays, ils lui ont suscité des guerres étrangères, ils se sont armés contre leur patrie, voilà pourquoi ils ont été dépossédés de leurs biens.

M. Jullien. - On leur a rendu un milliard.

M. Gendebien. - En France, qu’est-il arrivé ? on leur a rendu un milliard, comme dit l’honorable interrupteur ; et ce milliard d’indemnité était injuste, car ceux qui ont défendu le sol natal ont fait bien d’autres pertes ; il dépendait d’ailleurs de ces émigrés de conserver leurs biens en n’abandonnant pas leur pays, tandis que pour les prêteurs ou pour les propriétaires de chaussée, il n’a pas dépendu d’eux de conserver leurs propriétés.

Vous leur avez enlevé des routes qu’ils avaient construites avec leur capitaux, vous en jouissez, vous en percevez les revenus et vous ne pouvez leur opposer aucune déchéance. La loi de l’équité devrait seule parler ici. Mais, dit-on, les droits seigneuriaux ont été abolis, il faudrait aussi indemniser les seigneurs.

Cela pourra venir si l’alliance qu’on cherche à cimenter se réalise, et si on avait autant de cœur et d’audace qu’on en a le désir, on viendrait vous demander des indemnités, et pour les droits enlevés aux seigneurs, et pour certaines corporations.

Les droits seigneuriaux ont été abolis, parce qu’ils étaient le résultat du joug le plus honteux qui ait pesé pendant plusieurs siècles sur le peuple. C’était un droit de conquête. C’était le droit du plus fort, et lorsque le peuple par une victoire se fut affranchi, il a eu le droit de dire à ceux qu’il avait vaincus : Ces droits que la conquête vous avait donnés, la conquête vous les ôte, et nous les rend avec la liberté.

Dans les premiers temps les seigneurs haut-justiciers, percevaient des droits sous diverses dénominations, parce qu’ils avaient à rendre la justice, parce qu’ils devaient défendre le pays, parce qu’ils faisaient enfin les dépenses auxquelles pourvoit votre budget.

Ces droits étaient pour les seigneurs qui les percevaient en dédommagement des charges qui leur étaient imposées. Mais depuis plusieurs siècles, ils étaient débarrassés de leurs charges, et ils n’en continuaient pas moins à percevoir les droits. C’est là qu’était l’injustice, C’était une charge que depuis trop longtemps le peuple supportait, il a fini par s’en débarrasser, et bien il a fait. L’injustice était donc dans l’existence prolongée sans motifs de ces droits seigneuriaux, et non dans les lois qui les ont abolis.

Qu’on vienne demander une indemnité pour l’abolition de ces droits, et nous montrerons de quel côté était la justice.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Lorsque M. le ministre des affaires étrangères vous a fait sentir toutes les conséquentes de la question que l’on agite en ce moment, il a été loin de sa pensée de prétendre que, parce que la question était importante, elle se trouvait résolue en faveur du gouvernement. Il a seulement voulu faire sentir la nécessité de procéder avec plus de circonspection dans une question de cette gravité.

D’ailleurs, messieurs, il ne faut pas croire que cette question soit aussi claire que plusieurs membres veulent bien le dire, et pour ne parler que du procès de la ville de Namur, je dirai que les noms seuls des jurisconsultes appelés à soutenir les intérêts du gouvernement sont une garantie suffisante que cette cause n’est pas si mauvaise qu’on voudrait le faire croire. Je n’entrerai pas dans des débats sur cette matière, attendu que les tribunaux en sont saisis et que nous ne devons pas par nos discussions dans la chambre, préjuger sur les décisions des tribunaux.

On a parlé de transactions. Est-ce par la loi qu’on veut transiger ? mais ce système de transaction est inadmissible. Veut-on transiger à l’amiable ? mais cela n’est pas praticable. Il est question de savoir si les villes qui ont fait construire des chaussées à leurs frais, ont le droit de les reprendre ou de s’en faire rembourser. Plusieurs créanciers hypothécaires se sont adressés aux communes qui ont mis le gouvernement en cause, c’est maintenant aux tribunaux à prononcer.

Un honorable député a cru devoir saisir l’occasion de parler du canal de Zelzaete comme si le gouvernement avait l’intention de favoriser certaines provinces au détriment des autres. Cette allégation est dénuée de toute vérité ; le canal d’écoulement a pour but principal de conserver à la navigation le grand canal des Flandres ; si pour couvrir les frais du canal d’écoulement la province venait à établir des péages sur le canal de navigation, la province de Hainaut qui en jouit aujourd’hui gratuitement, réclamerait en masse contre cette mesure qui pourrait cependant devenir une conséquence du système des préopinants.

M. F. de Mérode. - Je demande la parole pour une motion d’ordre. Comment se fait-il que le même orateur puisse avoir la parole à tout propos, ne demandant jamais qu’à dire deux mots et au moyen de cette promesse entrant dans des détails qui empêchent les autres membres de prendre la parole. Tantôt cet pour un fait personnel, tantôt pour une motion d’ordre.

M. Gendebien. - Si M. de Mérode m’avait laissé dire, j’aurais fait perdre à la chambre bien moins de temps, qu’il ne l’a fait lui-même en se récriant contre un abus qu’il me semble partager en ce moment. Je dois dire à M. le ministre de l'intérieur que si j’ai parlé tout à l’heure du canal de Zelzaete, c’était pour répondre à un honorable député des Flandres.

M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Je vous avoue que je pourrais m’étonner avec raison de la violence que le préopinant à apporter dans ses expressions. Toutefois je me bornerai à rectifier ce qu’il y d’inexact et d’erroné dans sa réplique. Ils a dénaturé ma pensée et mes paroles. Je n’ai pas avancé que les créances n’étaient pas légitimes ; je n’ai pas l’habitude de trancher ainsi des questions épineuses. J’ai dit que la créance était très contestable et que dès lors, la solution devait en être abandonnée à l’autorité judiciaire.

L’honorable préopinant m’a reproché un esprit de localité ; de pareilles considérations n’exerceront jamais aucune influence sur mon vote. Si j’ai parlé des Flandres, c’est parce que je sais mieux ce qui s’est passé dans ces provinces que dans d’autres parties du royaume.

A l’occasion de ces débats, le préopinant a parlé du chemin de fer : il a supposé qu’on le ferait au profit des Flandres qui ne paieraient rien de la dépense.

Si cette dépense tombe en définitive à charge du trésor, les Flandres en paieront une bonne partie, comme elles supportent une large part dans toutes les charges publiques.

Ce ne sont pas les Flandres qui se laissent guider par des vues étroites de localité. Les faits sont là pour prouver l’esprit qui les domine. Les canaux appartiennent aux provinces ; les frais d’entretien de ces canaux incombant aux provinces sont très considérables, et le droit de navigation est nul. Et, cependant, vous savez tous, messieurs, que la navigation charbonnière ne se fait pas pour compte et au profit des Flandres. C’est que dans nos provinces, on a compris depuis longtemps que l’intérêt général du commerce et de l’industrie devait l’emporter sur des considérations particulières, et que toutes les provinces d’un royaume devaient se prêter la main, et concourir simultanément au développement de la prospérité publique.

M. F. de Mérode. - L’honorable M. Gendebien a encore adressé à cette assemblée des reproches qu’elle ne mérite pas.

M. Gendebien. - Je n’ai pas adressé des reproches à la chambre.

M. F. de Mérode. - A propos d’une discussion sur des objets en litige qui se débattent entre le gouvernement et des particuliers, l’honorable préopinant suppose une alliance faite par les partisans de certains abus ; il vous avertit qu’on va réclamer des droits soit religieux, soit d’une autre nature ; que M. Gendebien se tranquillise, il n’y a ici d’alliance qu’entre les gens de bien (on rit) qui veulent soutenir les intérêts du pays, la liberté et l’ordre, sans jamais menacer leurs compatriotes de révolutions nouvelles, parce qu’ils ne voudraient point se laisser imposer des mesures que réprouve l’opinion publique. (On rit encore.)

J’appartiens à une famille qui a émigré, non pour faite la guerre à la Belgique, non pour empêcher le développement des libertés raisonnables, mais pour ne pas être traitée de la même manière dont une foule d’individus furent traités en France par cette fameuse montagne qui, dit-on, l’a sauvée et qui a aussi contribué au salut de la Belgique : chacun sait de quelle manière.

M. Gendebien. - Je proteste contre ce qu’a dit M. de Mérode. Faisant allusion à ce que j’avais dit sur certaine alliance, il a prétendu que j’avais insulté la chambre. Pour ce qui est de l’émigration de sa famille, cela ne prouve rien ; ma famille aussi a émigré ; mais cela ne change rien à la question de droit. Au surplus, je m’inquiète fort peu de ce que peut dire M. de Mérode sur mon opinion et sur ma manière de l’exprimer.

M. Fallon. - M. le ministre des relations extérieures à propos d’indemnités est venu faire de la diplomatie. Voyez, nous a-t-il dit, quelle serait la conséquence des indemnités accordées aux créanciers des routes. Il y a des provinces, des corporations, des châtellenies qui ont construit des routes. Il faudrait aussi en payer le capital. Jamais il n’a été question de cela, par une raison bien simple, c’est que les créanciers n’existent pas. Mais il est juste, l’équité exige que l’on indemnise les particuliers qui ont avancé des fonds pour la construction et dont les créances sont hypothéquées sur des produits que le gouvernement perçoit au lieu et place des villes qui les ont souscrites.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

La séance est levée à 5 heures.