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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 20 novembre 1835

(Moniteur belge n°325, du 21 novembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Dechamps fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la précédente séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dechamps donne connaissance des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Des habitants de la cinquième section d’Anvers demandent qu’il soit alloué au budget de la guerre une somme pour les indemniser des pertes que le siège de la citadelle leur a fait éprouver. »

« Le sieur H. Schuster, négociant, à Bruxelles, né à Francfort, habitant la Belgique depuis 12 ans, demande la naturalisation. »

« Les habitants de la ville de Diekirk demandent que la chambre adopte le projet de loi relatif aux routes, proposé par M. de Puydt. »

« Un grand nombre d’habitants de la commune d’Aerzele (Flandre occidentale) adressent des observations sur le résultat des opérations cadastrales. »

« Le sieur J. de Pommien, ex-capitaine du corps franc namurois, se plaint d’avoir été privé de son grade de capitaine, et deuxièmement de la démission qu’il a reçue, du grade de lieutenant dont il jouissait au 12ème régiment de ligne. »

« Le sieur Thomas Biolley, né à Augsbourg, et domicilié à Verviers depuis 1826, demande la naturalisation. »

« Des habitants des communes de Laplaine, Braffe, Bury, Collenelle, Fontenay, Vezon, Monbray et Peronnes, des cantons de Perewelz et Antoing, adressent des observations contre le projet de loi communale. »

« Plusieurs marchands de la ville de Thielt réclament contre l’élévation du droit de patente. »

« Le sieur Corbisier à Andeghein (Soignies) demande que la chambre intervienne pour lui faire obtenir justice de voies de fait commises sur sa personne, pour avoir tué une poule qui mangeait son grain, et demande à pouvoir faire exercer pro deo des poursuites contre l’auteur de ces voies de fait. »

« Le sieur Tibbaut-Wouters, saunier à Wetteren, réclame une nouvelle loi sur les sels et se plaint des entraves qu’éprouvent les sauniers des petites villes et auxquelles ne sont pas en butte ceux des grandes villes. »

- Ces pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.


Il est fait hommage à la chambre de la dernière livraison du Bulletin médical belge, publié sous la direction de M. le docteur J.- R. Marinus.

Comptes de l'Etat de l'exercice 1832

Observations de la cour des comptes

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demanderai à la chambre de vouloir bien ordonner le renvoi des observations adressées à l’assemblée sur les comptes de 1832, afin que je puisse formuler un projet de loi pour arrêter les comptes de l’exercice de 1832.

M. Dubus. - Il est bien entendu que ces observations n’en seront pas moins imprimées et distribuées, selon l’usage, aux membres de la chambre.

- Plusieurs voix. - Sans aucun doute.

M. le président. - L’impression et la distribution des observations de la cour des comptes auront lieu comme les années précédentes.

- La proposition du ministre des finances est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi relatif aux los-renten

Discussion des articles

Article premier (amendement de M. Fallon)

M. le président. - La discussion est ouverte sur l’amendement de M. Dumortier :

« Les rentes des domaines, dénoncées à Bruxelles avant le 1er octobre 1830, seront seules reçues en paiement des domaines vendus par le syndicat. »

Et sur celui de M. Fallon :

« Les los-renten non dénoncés à la banque de Bruxelles, avant le 1er octobre 1830 ne seront admis en paiement du prix des domaines, qu’à la charge par l’acquéreur de justifier de la date certaine de la mise en circulation en Belgique avant cette époque. »

M. Fallon, rapporteur. - Au point où sont arrivés les débats sur les graves questions que présente à résoudre la matière des los-renten, je n’ai pas la prétention de croire que puisse apporter dans la discussion quelque moyen nouveau de solution.

Je ne prends la parole que pour convier la chambre à ne pas reculer en présence de la difficulté, et à prendre enfin une mesure quelconque pour que la puissance ennemie, qui a pu déjà s’enrichir frauduleusement à nos dépens de plus de 21 millions, ne vienne pas absorber, en tout ou en partie, les 25 millions qui restent à recouvrer sur le prix de nos domaines.

Avant tout je dois répondre à un article d’un journal de ce matin (l’Union) qui vient de m’être communiqué. D’après ce journal les renseignements que j’ai rapportés ne seraient pas exacts, et la question n’aurait pas l’importance que je lui ai donnée. Le rédacteur s’exprime ainsi :

« Voici comment nous établissons le compte approximatif des sommes à déduire du reliquat de 23,726,682 fr. 03 c. qu’il y avait à recouvrer au octobre 1834 :

« 1° Recettes des trois derniers mois de 1834, un quart des évaluations du budget, portées à 3,590,000 fr., soit 897,500 fr.

« 2° Recettes de l’année 1835, suivant le budget, 5,250,000 fr.

« 3° Restant des obligations dénoncées à la banque de Bruxelles, et déclarées avant-hier admissibles au paiement des domaines, 10,179,339 fr.

« 4° Intérêts de cinq années, à 5 p. c., reconnus aussi par le vote de la chambre du 18 novembre, 2,544,835 fr.

« 5° Restitution de 2 1/2 p. c. sur les 2,295,800 fl. d’obligations dénoncées, déjà admises en paiement de domaines ; moyenne deux ans et demi, soit 6 1/4 p. c., ou 143,462 fl., en francs, 303,618

« Total général, 19,175,292 fr.

« Ainsi, et en résumé, la différence ne serait que de 4,551,390 fr., sur laquelle il faudrait déduire les sommes dont les établissements publics peuvent justifier la possession avant le 1er octobre 1830. On voit, par conséquent, combien nous avons raison de dire que le gouvernement est désintéresse dans la question incidente soulevée par l’amendement de M. Fallon et qu’en réalité ce sont les intérêts seuls des porteurs qui pourraient être compromis sans profit par l’Etat. »

L’erreur est dans le premier chiffre. Je ne sais où le rédacteur a vu qu’il aurait été porté au budget une somme quelconque à recevoir en los-renten. M. le ministre des finances nous dira s’il en est ainsi, mais je ne pense pas. Aussi, il s’agit toujours de 10 à 11 millions. La question présente toujours pour la Belgique la même importance financière.

Veuillez-y faire attention, messieurs, si vous n’adoptez pas l’un des amendements proposés, le résultat de nos débats sera qu’au lieu d’avoir amélioré notre position, nous aurons ouvert de nouveaux moyens à la fraude ; nous aurons aggravé nos charges de cinq années d’intérêts à 5 p. c d’un principal de près de dix millions, et nous n’aurons rien fait pour empêcher la Hollande de continuer à venir nous mettre à contribution jusqu’à ce que le prix de nos domaines soit entièrement épuisé.

Il n’y a pas à se le dissimuler, si nous ne prenons aucune mesure, le gouvernement restera sans moyen de refuser les los-renten de fabrique. Tous nos soins, toute notre sollicitude pour les intérêts du pays n’auront absolument rien produit d’utile.

Je concevrais ce résultat, si, dans le nombre des moyens proposés il n’en existait aucun que la loyauté ne puisse avouer, et je serais le premier à retirer mon amendement si on avait pu m’ébranler dans la conviction où je suis qu’il est fondé sur les véritables principes de notre droit public.

Votre commission vous l’a dit, messieurs, et je vous l’ai répété en lui donnant de nouveaux développements, il est une question de droit public qui domine nos débats, dont nous avons fait application dans de nombreux antécédents de la législature belge, et dont nous serons appelés encore demain à faire application.

Il faut enfin savoir résoudre cette question, et cette question une fois résolue, toutes les difficultés s’aplanissent aisément.

Je ne reviendrai pas sur les diverses considérations que j’ai soumises sur ce point préalable, ce serait abuser de l’attention de la chambre. Je ne ferai qu’une observation, c’est que les principes que j’ai exposés sont restés debout et n’ont pas même été attaqués par des moyens de droit.

Les effets actifs et passifs de la subrogation du gouvernement belge au gouvernement des Pays-Bas dans la souveraineté des provinces méridionales du royaume des pays ne peuvent se déterminer par aucune disposition de notre droit privé sur la subrogation conventionnelle ou légale.

Il s’agit là d’une subrogation tout exceptionnelle, qu’aucune loi n’avait prévue ; il s’agit de subrogation opérée par l’insurrection et la conquête. Cette espèce de titre universel est d’un tout autre ordre que les titres successifs dont s’occupe notre droit positif, il doit donc être régi par d’autres règles.

En l’absence d’un régime légal sur ce point, il faut associer les principes généraux d’équité nationale aux droits et aux intérêts politiques du nouvel Etat.

Les effets actifs de la subrogation seront que la Belgique se trouvera subrogée dans les droits et actions du gouvernement précédent sur les personnes et les choses qui font partie des provinces conquises.

Les effets passifs de cette subrogation seront, jusqu’au moment où il sera possible de procéder à une liquidation entre les deux pays, que chacune des deux parties devra satisfaire aux dettes légalement contractées, avant la séparation, envers les habitants des provinces sur lesquelles chacune d’elles exerce la souveraineté.

En attendant cette liquidation, que la force des armes ou un traité de paix peuvent seuls produire, la Belgique paiera la dette contractée légalement envers les Belges avant la séparation, et la Hollande satisfera de son côté à celle contractée envers les habitants des provinces septentrionales.

Il est même remarquable qu’en fait c’est ainsi que les choses se sont placées d’elles-mêmes ; c’est ainsi qu’une parfaite réciprocité s’est établie dans la conduite politique des deux pays.

De notre côté, nous ne nous sommes jamais refusés à payer à des Belges ce qui leur était dû pour cause antérieure à la révolution, et même à payer à des étrangers ce qui leur était dû avant cette époque pour travaux exécutés en Belgique ; nous payons la dette inscrite au livre auxiliaire de Bruxelles, parce qu’il y a présomption que c’est à des créanciers belges qu’elle appartient ; nous payons les intérêts des cautionnements et des consignations dont la Hollande continue à jouir des capitaux, et nous venons également au secours de la caisse de retraite, parce que tout cela est dû à des créanciers belges.

La Hollande s’est conduite de la même manière envers les habitants des provinces septentrionales et envers nous ; elle paie aux Hollandais la dette antérieure à la séparation, elle leur paie la dette inscrite au livre auxiliaire de la dette publique à Amsterdam. Mais elle se garde bien, lorsqu’elle peut en connaître l’origine, de payer aucune dette acquise par des Belges.

C’est ainsi qu’elle s’est refusée de payer à nos hospices, bureaux de bienfaisance et fabriques, la dette inscrite au livre d’Amsterdam ; c’est ainsi qu’elle s’est emparée et s’approprie les fruits de la partie des domaines situés en Hollande, qui appartiennent à la société générale de Bruxelles, quoique ce ne soit là qu’un établissement privé.

Et l’on a pu venir prétendre, car c’est là un système que l’on a voulu accréditer dans nos débats, que, quelle que soit la personne ou le pays à qui la dette antérieure à la révolution est due, nous sommes solidaires et devons y satisfaire indistinctement même envers les créanciers et le gouvernement hollandais.

Un semblable système, c’est la banqueroute de la Belgique ; c’est l’écraser de tout le poids des dettes contractées par le gouvernement des pays sans aucune distinction. Cette doctrine antinationale servirait parfaitement les vues de la Hollande, si nous étions assez niais pour nous y laisser prendre, et ce n’est pas ici, dans le palais de la nation, qu’il soit besoin de la réfuter.

Il faut donc admettre, comme principe, qu’en attendant la liquidation avec la Hollande nous ne sommes tenus à satisfaire à la dette antérieure à la révolution qu’en ce qui concerne les Belges ou qui a rapport à des travaux dont nous avons pris possession.

Appliquant ce principe à la matière des los-renten, la solution de la difficulté devient facile.

Je ne dis pas qu’on peut la résoudre de manière à éviter tout inconvénient, mais tout au moins de manière à faire une vaste application des règles de la logique et de la raison et à rester dans la voie de la légalité.

Il est incontestable, en fait, qu’au moment de la révolution le syndicat avait ou pouvait avoir à sa disposition des los-renten pour une valeur de plus de 43 millions de florins, valeurs dont il a pu faire argent, et dont il peut tous les jours faire argent, en les livrant à la circulation.

Il est incontestable, en droit, que dans le contrat d’emprunt l’obligation de l’emprunteur ne prend naissance que du jour où il reçoit la chose prêtée. Aussi l’on n’a pas contesté que si le gouvernement des Pays-Bas avait été autorisé par la loi à faire un emprunt de 100 millions au moyen d’une émission de certificats remboursables, ce n’est pas du jour où ces certificats ont été imprimés, signés et visés à la chambre des comptes que l’obligation de les payer a pris naissance, mais successivement du jour où ces certificats ont été livres à la circulation. Jusque-là c’étaient des valeurs mortes dans les mains du gouvernement.

Après la révolution, le gouvernement hollandais a pu donner effet à ces 48 millions de los-renten qu’il avait à sa disposition ; mais la dette résultante de leur mise en circulation constitue privativement la dette de la Hollande et non celle du gouvernement des Pays-Bas.

Pour que la Belgique soit tenue de la dette résultante de l’émission de l’emprunt de 100 millions, il faut donc deux conditions, savoir : que les los-renten aient été livrés à la circulation avant la révolution, et qu’avant la révolution ils soient devenus la propriété d’un Belge.

Ce sont là les principes de l’amendement que je propose, ce sont là les principes que je demande que l’on applique sans sortir de la voie légale.

Nous ne sommes pas les ayants cause du gouvernement des Pays-Bas dans toute l’étendue du terme ; nous sommes personne tierce à tous les actes que la Hollande a pu faire et consommer depuis notre séparation ; nous ne devons donc reconnaître que ce qui a date certaine avant cette époque, et je ne fais pas autre chose que de demander qu’on applique les règles du droit commun sur le mode de prouver légalement la date certaine des obligations, de demander que l’on fasse usage du moyen que le droit commun a établi pour se prémunir contre la fraude.

Mais, dit-on, la mesure est impraticable ; elle donnera lieu à des inconvénients de toute nature ; on a même été jusqu’à dire que c’était un leurre.

Tout cela, messieurs, ce ne sont que des mots qui ne résistent pas au plus léger examen.

Le moyen est un moyen que fournit le droit positif ; il est donc légal, et il n’est pas moins praticable à l’égard des los-renten qu’il ne l’est à égard de tout autre titre de finance quel qu’il soit.

Le receveur jugera comme il voudra la suffisance de la preuve, et on craint, dit-on, l’arbitraire de la justice administrative ; mais alors supprimez la loi sur l’enregistrement, car tous les jours vos receveurs ne font pas autre chose que d’appliquer, suivant leur discernement, les règles du droit aux obligations sur lesquelles ils perçoivent l’impôt ; chaque jour ils sont appelés à résoudre des points de droit, et souvent des points de droit fort difficiles.

Qu’arrive-t-il s’ils se trompent ou agissent arbitrairement ? les agents supérieurs revoient leur ouvrage, et s’ils se sont trompés, c’est à leurs risques et périls.

Lorsqu’un certificat de domaine los-renten leur sera présenté, ils examineront si les pièces qu’on y annexe sont bien des actes tels que la loi le requiert pour prouver la date certaine. S’ils ont quelque doute, ils consulteront le directeur, qui consultera à son tour l’administration centrale, et l’on prendra ainsi toutes les précautions que l’on prend dans les matières d’enregistrement, sans qu’on ait redouté jusqu’à présent ce que l’on appelle la justice administrative.

Dire que la preuve est impossible, ce n’est qu’une exagération.

La preuve sera facile dans les cas spécifiés par la loi, c’est-à-dire lorsque le los-renten se trouvera mentionné dans un registre d’administration, un acte public, un procès-verbal de société, un inventaire, etc.

Elle sera difficile dans d’autres cas, et elle sera même impossible dans les cas où la loi ne fournit pas de moyen de preuve ; mais ce n’est pas alors à mon amendement, c’est à la loi elle-même qu’il faut adresser le reproche. Lorsqu’on ne fait qu’user du droit que l’on tient de la loi, quels que soient les inconvénients qui peuvent en résulter pour les tiers, on ne peut s’en plaindre, parce que celui qui use de son droit ne fait injure à personne.

Il y aura procès sur procès, dit-on ; quant à moi, je ne le pense pas, parce qu’on ne fait de procès qu’alors qu’on a intérêt à le faire, et qu’un acquéreur aimera mieux échanger son los-renten à 1 ou 1 1/2 p. c. de perte que de soutenir un procès, si les moyens de preuve sont douteux.

Il y a aussi procès sur procès en matière d’enregistrement, et l’on ne pensera pas sans doute à demander la suppression de cet impôt.

On a parlé d’un inventaire où il serait fait mention qu’un défunt possédait un million en los-renten, et l’on a dit que les héritiers pourront, au moyen de cette mention faire revenir de la Hollande un autre million de ces obligations, si le million existant au moment du décès n’existait plus aujourd’hui.

Mais là une erreur. L’inventaire ne pourra servir de preuve que pour autant qu’il puisse constater l’identité des certificats, et pour cela il faut qu’il indique le numéro de la pièce, et les autres signes qui les distinguent entre eux.

Enfin ce moyen est un leurre.

Je ne sais s’il vaut la peine que je relève cette expression. On ne trompe personne lorsqu’on n’use de son droit qu’en se renfermant dans le cercle de la légalité. On ne trompe personne lorsqu’on proclame franchement et sans détour qu’on n’admettra plus dorénavant que les los-renten dont la date certaine sera justifiée dans les termes du droit ; on ne trompe personne lorsqu’on prévient que, sauf en ce qui regarde les établissements publics, le moyen de preuve, tout légal qu’il est, ne sera pas facile dans beaucoup de cas.

Nous examinons maintenant si l’amendement de M. Dumortier, qui s’est tant soulevé contre le mien, peut avoir droit à la préférence.

Je dis, moi, qu’on ne peut en présenter un plus mauvais, et je vais le démontrer en prouvant qu’il est tout à la fois injuste, inconséquent, impolitique et inutile.

Je demande, comme lui, que l’on tranche dans le vif, mais c’est dans le vif hollandais et non dans le vif belge que je demande que l’on tranche.

Prenez telle mesure que vous trouverez convenir contre la Hollande ; dès lors qu’elle ne porte préjudice qu’à la puissance ennemie, vous la justifierez aisément ; tout moyen est bon contre la puissance avec laquelle on est en guerre.

Mais la mesure que vous ne justifierez pas, et c’est la vôtre, c’est celle dans laquelle vous confondez dans la même proscription les intérêts des Belges avec les intérêts hollandais.

Permis à nous de frapper la Hollande par des coups d’autorité, mais ce qui ne nous est pas permis, c’est de frapper en même temps nos propres concitoyens, en les dépouillant de droits légalement acquis.

Vous reconnaissez qu’il est juste d’excepter de la proscription les los-renten qui ont été dénoncés à la banque de Bruxelles : les motifs de cette exception sont que ces los-renten ont une date certaine avant la révolution ; qu’à leur égard, on a la garantie qu’ils ont été mis en circulation et sont entrés en Belgique avant le 1er octobre 1830 ; qu’en un mot ils ont réellement fait partie de la dette du royaume des Pays-Bas, d’une dette dont l’hypothèque est dans notre possession.

Or, ce que vous trouvez juste dans un cas, vous devez, sous peine d’injustice et d’inconséquence, le trouver juste dans tout autre cas où le même principe de justice réclame la même application,

Quelle différence pouvez-vous trouver entre les los-renten dénoncés à la banque de Bruxelles avant le 1er octobre 1830 et ceux qui, avant cette époque, étaient entrés dans les caisses de nos hospices, bureaux de bienfaisance ou autres établissements publics, ou dans la possession d’un Belge, et dont la mise en circulation avant la même époque peut être justifiée, soit par des écritures publiques, soit par les autres moyens qu’indique le droit commun ?

Tous ceux-là ont tout aussi incontestablement fait partie de la dette contractée avant la révolution que ceux dénoncés à la banque ; ils sont tous dans le même cas. Il y aurait donc injustice criante et en même temps inconséquence à repousser les uns alors que vous admettez les autres.

La mesure proposée par l’honorable M. Dumortier serait au surplus impolitique.

C’est un principe révolutionnaire doit vous demandez l’application.

Mais, prenez donc garde que vous allez ébranler, au-dedans comme au-dehors, la foi que nous devons à la stabilité de notre nationalité et de notre indépendance. Nous ne sommes plus, je pense, en révolution ; c’est là pour la Belgique un fait consommé depuis longtemps. Les mesures révolutionnaires ne sont plus de saison, et fort heureusement pour mon pays, telle n’est plus la situation de la Belgique.

La mesure proposée serait encore impolitique en ce qu’elle compromettrait nécessairement le crédit public et ébranlerait la confiance que méritent et que mériteront toujours, j’espère, la loyauté et l’équité nationale des Belges.

Si vous pouvez, aujourd’hui, répudier la partie de la dette résultante des los-renten, dont l’existence antérieure au 1er octobre 1830 peut être légalement justifiée, demain vous pourrez envoyer, avec tout autant de raison, à la liquidation à faire avec la Hollande, c’est-à-dire, aux calendes grecques, la dette publique inscrite au livre auxiliaire de Bruxelles, les créances résultantes des fonds de cautionnement et de consignations, ainsi que les créanciers de la caisse de retraite.

Vous rejetterez aussi, demain, contre l’avis unanime de la commission qui a examiné la demande de crédit du ministre de l’intérieur, l’allocation demandée pour satisfaire à la dette contractée antérieurement à la révolution envers l’entrepreneur du canal de Gand à Terneuzen, car c’est aussi là nommément une dette du syndicat.

Vous renverserez enfin une jurisprudence établie par les nombreux antécédents de la chambre, qui n’a jamais refusé de reconnaître et de faire payer la dette du gouvernement précédent, alors qu’il était bien et dûment justifié de son existence.

Le moyen proposé est d’ailleurs inutile au but que l’on veut atteindre, puisqu’on peut y arriver en restant dans la voie de la légalité.

Si ce ne sont que les los-renten au moyen desquels la Hollande a pu et peut encore battre monnaie à nos dépens que nous voulons repousser, et c’est bien là le seul but de l’amendement de l’honorable M. Dumortier, cet amendement n’est pas nécessaire ; celui que j’ai propose suffit, puisque la conséquence de son adoption sera que l’on n’admettra plus en paiement du prix de nos domaines que les los-renten dont la date certaine de la mise en circulation en Belgique avant le 1er octobre 1830 sera justifiée dans les règles du droit commun.

M. Verdussen. - La discussion sur les amendements proposés a déjà été très longue. Quant à moi je ne prendrai plus la parole après ce que je vais avoir l’honneur de dire ; car je craindrais de tomber dans des répétitions inutiles.

Lorsque j’ai fait quelques observations sur l’amendement de l’honorable M. Fallon, il a bien voulu me répondre dans la dernière séance qu’il n’insisterait pas sur son amendement si l’on mettait quelque chose à sa place, mais qu’on ne mettait rien à sa place. Voilà en quoi se trompe l’honorable M. Fallon. Oui, nous mettons quelque chose à la place de son amendement et c’est la proposition pure et simple de la commission spéciale qui a été unanime pour vous la présenter, mais cette proposition, sans qu’on n’y ajoute rien ; car toutes les additions qu’on pourrait y faire me paraissent injustes.

On a beaucoup parlé dans cette discussion des intérêts des porteurs de los-renten ; mais on n’a pas fait attention qu’il y a deux intérêts en présence : ceux des porteurs de los-renten et ceux des acquéreurs de domaines. Ces intérêts, quoique opposés, se touchent de très près. Ils sont opposés, parce que si vous faites baisser par une mesure quelconque le prix des los-renten, vous favorisez les acquéreurs des domaines en ce que vous les mettez à même d’acheter les los-renten à un prix inférieur. Si vous prenez une mesure inverse, vous froissez les intérêts des porteurs de los-renten. Vous voyez donc que ces deux intérêts se touchent au moment du paiement du prix des domaines.

Si vous vous bornez à admettre en paiement des domaines les los-renten dénoncés à Bruxelles, vous obligez les acquéreurs de domaines à payer en numéraire, et vous les privez d’un avantage que leur offrait leur contrat d’acquisition à cet avantage, c’était la possibilité de voir descendre jusqu’à 80 p. c. la valeur des los-renten, et de les donner en paiement des domaines à cent pour cent. Vous voyez donc qu’il faut laisser les choses comme elles étaient, car vous ne pouvez favoriser les intérêts des uns sans froisser ceux des autres.

Les droits réunis de ces deux catégories d’individus intéressés résultent du contrat d’acquisition des domaines ; et il faut avouer que c’est une chosé inadmissible que de donner à un pouvoir légal, à un pouvoir gouvernemental, successeur d’un autre pouvoir, le droit de détruire les garanties établies par le pouvoir qui l’a précédé. Où irions-nous, si nous mettions en pratique de tels principes ! Je ne comprends pas que ces principes soient compatibles avec la justice et l’équité.

En proposant d’admettre purement et simplement la proposition de la commission spéciale, je me suis déjà expliqué antérieurement sur les mesures que le gouvernement devait prendre. Le gouvernement pouvait et devait faire le difficile, il pouvait peut-être exiger des acquéreurs des domaines la preuve que l’honorable M. Fallon propose d’introduire dans la loi, afin que le gouvernement ne soit pas obligé d’accueillir en paiement des domaines une partie des los-renten conservés dans les coffres du syndicat, ou que l’on pourrait croire émis par lui après coup.

Si les acquéreurs de domaines se refusaient à fournir la preuve exigée par le gouvernement, il faudrait que les tribunaux en décidassent ; car si le gouvernement succombait dans cette question judiciaire, qui est véritablement une question du tien et du mien, ce serait une preuve que le droit existait pour les acquéreurs de domaines de se servir de ce papier-monnaie pour le donner en paiement.

Mais, dit-on, il vous appartient à vous qui avez le pouvoir législatif d’annuler une telle décision judiciaire. Ce serait, messieurs, annuler la justice ; si vous portiez une loi dans ce sens, ce ne serait qu’une loi inique.

Répondrai-je au discours de l’honorable M. Dumortier ? Je crois que je puis m’en dispenser. Nous différons essentiellement d’opinion sur ce point. Quant à moi, je n’ai jamais défendu que ce que j’ai cru équitable, tandis que toutes les paroles de M. Dumortier m’ont paru dictées par l’intérêt. Il a toujours parlé de millions prêts à lui échapper. Il semble, quand il soutient son amendement, qu’il ne s’agit que de sauver à la Belgique des millions. Pour moi, je pense que si les principes doivent prévaloir, ils doivent prévaloir aussi bien pour des millions que pour des francs et des centimes, et j’avoue que le baromètre de ma conscience ne varie pas selon le nombre des millions, mais selon le poids des arguments. (On rit.)

Quoi qu’il en soit, je peux me tromper. Si la chambre est de cet avis, qu’elle fasse justice de ma manière de voir ; mais mon erreur, si elle existe, est une erreur de bonne foi.

Je n’admets aucun des amendements présentés. Si cependant je devais donner la préférence à l’un d’eux, je ne balancerais pas à préférer celui de M. Gendebien : c’est le plus noble, le plus loyal et le plus dignement belge.

Je ne condamne pas les membres de cette assemblée qui ne partagent pas ma manière de voir. Je les crois de bonne foi, comme je suis de bonne foi moi-même dans une opinion contraire.

Remarquez que le tort fait aux porteurs de los-renten et aux acquéreurs des domaines vendus en Belgique, si les choses restent dans l’état actuel, n’est pas très important ; car les certificats délivres à Amsterdam portent 5 p. c. d’intérêt ; et les los-renten qui n’ont été dénoncés ni à Amsterdam ni à Bruxelles peuvent être encore expédiés à Amsterdam pour jouir de cet intérêt élevé de 5 p. c. Mais ce tort deviendrait immense si les dispositions du gouvernement hollandais venaient à changer, et si l’intérêt des los-renten était réduit de 5 à 2 1/2. Vous aurez fait alors du tort à des Belges. Car ce sont des Belges ou des individus présumés tels qui sont devenus acquéreurs de nos domaines. Vous leur aurez fait un tort immense en les privant de la faculté d’acquérir à 60 p. c. du papier-monnaie qu’ils auraient donné en paiement à 100 p. c.

Quoi qu’il en soit, j’ai défendu ce que je crois juste et équitable. Si c’est la vérité que j’ai défendue, mes raisons sont nécessairement bonnes. Si je me suis trompé, j’en fais juge la chambre. Dans tous les cas, comme je l’ai dit en commençant, jamais je ne donnerais les mains à une mesure qui me coûterait un remords.

M. Dumortier. - Il m’était facile de prévoir que l’amendement que j’avais en l’honneur de proposer serait combattu, car chaque fois qu’on propose une mesure qui tend à améliorer le crédit public, mais qui en même temps froisse, si légèrement que ce soit, les intérêts de quelques citoyens, on est toujours assuré d’exciter de vives réclamations. Toutefois, je ne m’attendais pas à l’entendre taxer par l’honorable député de Namur d’injuste, d’inconséquent, d’impolitique et d’inutile. Je dis à mon tour que c’est son amendement qui est injuste, inconséquent, impolitique et inutile ; c’est ce qu’il me sera facile de démontrer tout à l’heure. Je commencerai par répondre aux accusations de cet honorable député.

Votre amendement, me dit-il, est injuste ; vous confondez les intérêts des Belges et les intérêts des Hollandais, vous sacrifiez des droits légalement acquis à des Belges.

Mais je ne confonds pas plus les intérêts belges et hollandais que vous ne les confondez dans votre amendement. Je propose une mesure uniquement dans l’intérêt du trésor public, et qui ne peut nuire à des intérêts belges ; car les los-renten dénoncés à Amsterdam et non dénoncés à Bruxelles sont des obligations au porteur que tout Belge peut reporter en Hollande comme toute autre action émanée de la Hollande. Si vous acquittez cette partie de la dette constituante du royaume des Pays-Bas, vous devez de même acquitter toutes les actions des autres parties de la dette qui se trouvent entre les mains de Belges.

C’est là une conséquence inévitable de votre proposition. Mais vous n’admettez pas cette conséquence et par là vous commettez une inconséquence évidente ; et vous me faites un reproche d’inconséquence, alors que vous-même n’avez pas compris la question.

Mon amendement, dites-vous, est impolitique ; il contient des principes révolutionnaires, c’est un amendement révolutionnaire. Non, il n’en est pas ainsi ; il serait révolutionnaire s’il déclarait qu’aucune espèce de los-renten ne sera reçue par le trésor public. Mais quand il tend à exclure les los-renten émanés de la Hollande, ce papier au moyen duquel le roi Guillaume épuise nos ressources pour nous faire la guerre, alors il est juste et voilà tout.

Mon amendement est impolitique, il est vrai, si l’honorable Fallon entend qu’il n’est pas diplomatique. A cet égard je ne puis lui adresser le même reproche ; car il a avoué, en présentant son amendement, qu’il était impossible d’en assurer l’exécution, et cependant il l’a présenté. Mon amendement, au moins, a le mérite de la franchise ; il en résultera que tout Belge, porteur d’une inscription créée en Hollande, ira en chercher le montant en Hollande.

On a parlé de foi due aux engagements, de la crainte de compromettre le crédit public ; c’est ainsi qu’on a cherché à faire écarter mon amendement. Mais quels engagements avons-nous à l’égard des los-renten émis chaque jour par le roi Guillaume ? En quoi le crédit du trésor peut-il être compromis par notre juste refus de les acquitter ? Vous voyez que ces reproches et ces inquiétudes sont encore dénues de toute espèce de fondement.

On dit ensuite que mon amendement est inutile ; et comment peut-on considérer comme inutile un amendement qui tend à empêcher que nous continuions d’être les tributaires de la Hollande ? Vous le savez, messieurs, il faut prendre une mesure ; il faut, comme je l’ai dit, trancher dans le vif. Ce n’est pas par arguments d’avocat, c’est par des actes que vous arriverez à a un résultat. Alexandre le Grand, en présence du nœud gordien n’eut pas recours à des arguments d’avocat, il eut recours à son épée. C’est aussi avec l’épée qu’on doit trancher la question des los-renten.

L’honorable M. Verdussen voudrait remettre les choses dans leur état primitif. Je serais fort curieux de voir comment le préopinant peut justifier, comment il entend que nous avons bien fait d’accorder 5 p. c. d’intérêt aux los-renten dénoncés à Bruxelles, de dire quel motif il y avait à prendre une pareille mesure.

Si nous n’adoptons pas une mesure ultérieure qui la modifie, le trésor public sera dans une condition plus fâcheuse qu’il ne l’est aujourd’hui. Car, comme je l’ai dit dans une séance précédente, si vous laissez les choses dans l’état actuel, le roi Guillaume ne négociera plus les los-renten à 98, il les négociera à 90, à 80, à 50 même. Toujours est-il vrai qu’au moyen d’opérations multipliées, il pourra prélever le produit des domaines dans la Belgique.

Il arrivera un autre préjudice pour notre pays, c’est qu’en reconnaissant que les los-renten ont droit à un intérêt de 5 p. c., nous reconnaissons qu’ils touchent le trésor public. De cette manière, s’il arrivait que quelques millions d’obligations restassent entre les mains de Belges, après l’entier remboursement de nos domaines, la Belgique serait obligée de payer indéfiniment l’intérêt ou de les racheter.

C’est un triste pouvoir que de faire des lois iniques, a dit l’honorable préopinant. Le plus triste des pouvoirs, c’est de laisser notre ennemi prélever des impôts sur notre propre territoire. La seule iniquité qu’il y aurait, ce serait de permettre une pareille chose, puisqu’en définitive ce serait les contribuables qui devraient payer ce préjudice causé au trésor public.

Le principe d’équité dont parle l’honorable préopinant, est un principe en l’air, qui ne repose sur rien. Son baromètre, c’est le thermomètre du roi Guillaume. Je veux que le trésor public soit à l’abri des incertitudes dans lesquelles il s’est trouvé depuis quelques années. Nous avons un déficit considérable. Nous sommes forcés tous les ans d’émettre une certaine quantité de bons du trésor pour y faire face.

Vous comblez le déficit en adoptant la mesure que je propose. Vous empêcherez le roi Guillaume de venir prélever sur notre territoire une partie des impôts dont il doit former son budget. Car dans le budget des recettes du roi Guillaume figure une somme de 5 millions prélevée sur les domaines de la Belgique. Il n’y a que la mesure que je propose qui puisse faire cesser un pareil état de choses.

La seule différence qu’il y ait entre ma proposition et celle de l’honorable M. Fallon ainsi que celle de l’honorable M. Gendebien, c’est que je ne veux pas que les los-renten émis en Hollande et qui se trouvent entre les mains de Belges, viennent figurer dans le trésor public. Cette disposition n’est pas inique. On ne peut l’accuser de manquer d’équité puisque les détenteurs des los-renten, qui après tout ne sont que des spéculateurs sur le fonds publics, pourront les faire passer en Hollande. C’est une chance de spéculation qu’ils ne doivent pas craindre de courir.

On dit que les los-renten sont hypothéqués sur la Belgique. Non, ils sont hypothéqués sur les domaines du royaume des Pays-Bas, aussi bien sur ceux qui se trouvent en Hollande que sur ceux qui se trouvent en Belgique. Il n’y a pas de raison pour que ce soit maintenant la Belgique qui paie plutôt que la Hollande.

M. Legrelle. - Je répondrai d’abord à l’honorable député de Namur en ce qui regarde les calculs qu’il a tâché de combattre.

Quand il faut satisfaire à ses engagements, peu importe le chiffre qu’ils atteignent. L’honnête homme ne calcule jamais la hauteur de sa dette quand il peut la payer. Mais il importe néanmoins de réduire à sa juste valeur le chiffre auquel nous sommes tenus de recevoir encore des los-renten en paiement de nos domaines.

L’honorable M. Fallon a d’abord exprimé sa surprise qu’on eût cherché dans le budget des calculs qu’il n’y avait pas trouvés. C’est dans l’article relatif aux remises des receveurs qu’ils sont désignés. Vous verrez dans le budget qu’il est fait remise aux receveurs de 4 p. c. sur les los-renten comme sur d’autres recettes.

Les los-renten figurent au budget de 1834 pour fr. 3,500,000, au budget de 1835 pour fr. 3,250,000, au budget de 1836 pour fr. 3,590,000.

D’après les calculs que nous devons à l’estimable journaliste auquel l’honorable M. Fallon a fait allusion, c’est une somme de six millions de francs qui resteraient encore à rembourser. Mais comme je crois qu’en général les budgets des dépenses sont toujours enflés, je me suis rendu au ministère afin de connaître le montant des sommes reçues depuis le premier octobre 1834, alors que nous avions 23 millions à recevoir en paiement, 4 millions ont été reçus en los-renten depuis cette époque. Ce qui a réduit le chiffre des sommes à recevoir à 19 millions.

D’après ce que vous avez décidé dans votre dernière séance, tous les certificats los-renten dénoncés à Bruxelles, avant le 1er octobre 1830, seront reçus en paiement dans le trésor public. Je pense que nous pouvons évaluer la recette de leur montant, y compris les intérêts que vous avez fixés à 5 p.c. et la différence de 2 1/2 à 5 p.c. sur quelques rentes déjà reçues en paiement, à environ 13 millions.

Je suppose qu’une partie de ces 13 millions aient été échangés contre de nouvelles obligations du syndicat. Toujours est-il vrai qu’on définitive il ne restera environ que 9 millions à verser au trésor. Ainsi votre chiffre de 23 millions qui paraissait une si précieuse trouvaille, se réduit non pas à 4 ou 5 millions, comme l’affirmait le journaliste, mais à 9 millions.

Si, conformément à l’amendement de l’honorable M. Fallon, vous admettez les los-renten qui ont appartenu à des Belges avant la révolution, il va sans dire que sur ce chiffre de 9 millions vous aurez beaucoup de los-renten à recevoir en paiement, que la question de bénéfice pour l’Etat se réduira à peu près à zéro. Ce que l’on paiera en numéraire sera très peu considérable. En présence de ces calculs, qui sont exacts, devons-nous nous exposer à compromettre les intérêts des tiers ?

Ils seront toujours compromis tant par l’amendement de l’honorable M. Dumortier que par celui de M. Fallon et celui de M. Gendebien rentre le plus dans mon sens. Mais encore il ne rend qu’une justice partielle. Vaut-il la peine de commettre une injustice, d’autant plus que ce n’est pas une somme de quelques millions que vous donnez à la Hollande ; ce n’est qu’une anticipation sur le paiement. Tôt ou tard vous aurez à régler avec le syndicat. Force alors vous sera de reconnaître ce que vous ne voulez pas reconnaître aujourd’hui.

Si les détenteurs des los-renten, même hollandais, émis depuis la révolution, les apportent actuellement au ministre, que fera celui-ci ? Il ne les recevra pas, direz-vous ; mais les tribunaux comment jugeront-ils la question ? Est-ce que le ministre, en refusant les los-renten, serait fondé dans son droit ? Les tribunaux ne pourront-ils pas dire : De quel droit anticipez-vous sur la loi ? de quel droit, refusez-vous d’admettre les los-renten sans distinction, avant que les trois branches de la législature aient prononcé ? Indépendamment de toute autre question, c’est une question très grave. Je crois que votre différence de neuf millions sera facilement comblée par l’amendement de l’honorable M. Fallon ou par celui de l’honorable M. Gendebien. Si l’on est en droit de payer aujourd’hui, elle sera comblée avant que le sénat ait eu le temps de se prononcer sur la loi en discussion.

En regard de ces difficultés, permettez-moi de dire que l’amendement de M. Dumortier pèche de plus par l’injustice. Les los-renten dénoncés à Bruxelles doivent être admis sur le même pied que les autres. C’est là toute la question. Tel a été le but que la commission s’est proposée dans son travail, auquel j’ai, pour ma part, donc mon approbation entière. Le gouvernement s’y est rallié. Ce n’est donc ni le gouvernement, ni la commission qui proposent une chose injuste. La commission voulait mettre les Belges sur le même pied que les autres porteurs de los-renten.

L’amendement de l’honorable M. Dumortier change complètement la loi. Au lieu d’une loi de justice telle que la commission de la chambre et le gouvernement se l’étaient proposée, l’on veut consacrer une injustice. L’on admet les articles 1 et 2 du projet de la commission ; mais par contre, par une inconcevable incohérence, on refuse tout ce qui n’est pas de la catégorie des los-renten dénoncés à Bruxelles.

Vous consacrez un acte de justice en faveur des porteurs d’une catégorie de los-renten pour être injustes envers les porteurs des autres catégories. Cependant ils sont tous créanciers de l’Etat, un Hollandais comme un autre. Un créancier, né sur les bords du Moerdyck ou dans la capitale de la Belgique, est toujours un créancier.

J’entends l’honorable M. de Mérode demander pourquoi le gouvernement hollandais ne reçoit pas les los-renten dénoncés à Bruxelles. De ce que ce gouvernement est injuste, est-ce une raison pour que nous le soyons ? (Réclamations.) Je suis loin d’approuver tout ce que fait ou a fait le gouvernement hollandais. Je suis l’un des signataires des pétitions où étaient consignés nos griefs contre la Hollande. On ne peut me soupçonner d’être le partisan de toutes ses mesures. Je répète seulement que si la Hollande, commet une erreur, nous ne devons pas l’imiter.

M. Fallon avait proposé d’abord que les los-renten non dénoncés à Bruxelles avant le 1er octobre 1830 fussent reçus en paiement du prix des domaines, à charge par les détenteurs de justifier que ces los-renten avaient été mis en circulation avant cette époque. Cet amendement avait quelque chose de très spécieux, de très agréable au premier abord. Mais j’ai éprouvé des scrupules qui m’en ont montré la partialité. En effet, sur la foi de ce qui s’est passé depuis 5 ans, des personnes ont pu acheter des los-renten mis en circulation après le 1er octobre 1830.

M. Fallon a modifié cet amendement et a introduit cette clause que les obligations devaient avoir été mises en circulation en Belgique. J’ai répondu à cela qu’il n’y avait pas eu de Belgique, financièrement parlant, et que les obligations de ces rentes n’avaient jamais été émises qu’à Amsterdam.

Comment reconnaître des obligations qui ont été mises en circulation en Belgique ? Excepté les registres des établissements publics et les actes enregistrés, il n’y aura aucun moyen de prouver la circulation ; car, pour ce qui regarde les livres des négociants, les carnets des agents de change etc., le gouvernement, ne voudra probablement pas admettre ces preuves. La justice ne sera donc pas entière, ne sera donc pas la même pour tous.

L’amendement de l’honorable M. Gendebien est plus juste et va plus loin. Il s’agit dans son amendement d’admettre toutes les obligations de los-renten, pourvu que les détenteurs prouvent qu’ils en sont possesseurs avant la révolution, ou qu’elles ont appartenu à des Belges. Mais je ferai observer à l’honorable député de Mons qu’il n’est pas juste que des étrangers (je ne citerai pas les Hollandais, de crainte d’effaroucher encore une fois les oreilles de M. Dumortier, mais je prendrai pour exemple des Français), que des étrangers, dis-je, ne fussent pas admis à verser leurs obligations dans le trésor, parce qu’elles n’auraient pas appartenu à des Belges. Pourquoi les étrangers, porteurs d’obligations dont ils prouveraient la mise en circulation avant la révolution, ne seraient-ils pas traités sur le pied que les porteurs d’obligations ayant appartenu à des Belges ?

C’est pour tous ces motifs que je ne puis admettre d’autre projet que le projet primitif de la commission.

Je ne sais s’il n’y a quelque chose à gagner pour l’Etat par les amendements que l’on propose, mais je pense que s’il y a un bénéfice, il sera éclipsé avant le vote du sénat. Je suis loin de croire avoir plus de probité que tout autre, mais je puis, dans la question qui nous occupe, envisager les choses plus sainement que mes honorables adversaires.

Enfin, quoi qu’il arrive, je pourrai, comme l’a fort bien dit avant moi mon honorable ami M. Verdussen, quitter la carrière parlementaire sans que ni directement ni indirectement je n’aie fait de tort à personne. C’est la satisfaction à laquelle je vise et la plus grande consolation que j’ambitionne.

M. Gendebien. - Je n’ai pas la prétention de traiter la question en jurisconsulte, ni l’intention de la résoudre en révolutionnaire. C’est un non-sens ou un contresens de parler de révolution en l’an de grâce 1835. Je tâcherai d’être bref. Je n’entends imputer de mauvaises intentions à personne. Je désire que l’on respecte mon opinion comme je respecte celle des autres. Du reste, je n’ai nullement la prétention de rien dire de neuf. Je veux seulement motiver mon amendement.

En 1824 eut lieu la création de 100 millions de los-renten ; elle ne lia pas plus les Belges que les Hollandais. Seulement, pendant notre communauté une certaine quantité de ces los-renten fut émise. Cette émission fait partie de la dette du royaume des Pays-Bas. C’est cette partie de la dette que, nous, provinces méridionales devenues Belgique, nous sommes forcés de reconnaître.

Personne ne peut contester cela. Nos engagements sont restés les mêmes qu’avant notre séparation. Les droits des tiers restent entiers.

Lorsqu’une société, le mariage par exemple, se dissout, les droits des tiers, n’en existent pas moins après la dissolution. Ils restent quelque temps en souffrance. Ils attendent la liquidation. Ils peuvent subir une perte s’il y a déconfiture, mais ils n’en existent pas moins dans leur intégrité.

La question est donc de savoir si nous sommes en état de déconfiture. Non. Pouvons-nous invoquer un droit pour refuser de payer ? Aucun. Je défie qui que ce soit de me le prouver.

Je sais bien qu’un honorable membre voudrait trancher le nœud gordien, ainsi qu’Alexandre le Grand qu’il a si souvent cité. Mais moi qui suis aussi révolutionnaire que quiconque, je lui répondrai que ce n’est pas ici le cas d’employer des moyens révolutionnaires. Au fort de la révolution, nous ne crûmes pas possible de trancher le nœud gordien, de peur que les intérêts des Belges n’en fussent lésés.

Il y va de notre honneur de remplir les engagements que nous avons contractés lors de notre réunion avec la Hollande, tout en prenant toutes les précautions convenables pour que nous ne soyons pas dupes. C’est là le but de mon amendement. J’ai amendé la proposition de l’honorable M. Fallon en exigeant, des porteurs des obligations, de prouver qu’elles ont été mises en circulation avant notre séparation d’avec la Hollande.

Vous voyez que mon amendement rend aussi clairement que possible ma pensée. On me permettra de traiter la question un peu en jurisconsulte et non en révolutionnaire. Soyons révolutionnaires avec la Hollande. Faisons-lui franchement la guerre. Mais ne tournons pas des armes révolutionnaires contre nos concitoyens.

Messieurs, je ne puis admettre non plus l’opinion de ceux qui prétendent que nous avons des obligations à l’égard de tout porteur quelconque.

Bien certainement que pour les los-renten mis en circulation depuis la dissolution de la communauté qui a existé entre la Hollande et la Belgique, il est impossible qu’un tiers débiteur puisse de bonne foi venir nous en demander le paiement, alors que de fait nous sommes séparés de corps et de biens au moins depuis le 1er octobre 1830. Car il est impossible d’être de bonne foi et de nier que nous sommes séparés depuis cette époque. Envoyons les porteurs négocier ces los-renten en Hollande, s’ils ne veulent pas attendre la liquidation. Nous ne ferons de cette manière d’injustice à personne. Ces porteurs savaient qu’il y avait dissolution de la communauté et qu’ils ne pourraient obtenir le paiement des obligations qu’ils prenaient que d’une restauration ou d’une liquidation. Nous ne ferons donc pas d’injustice en renvoyant ces porteurs, soit à la liquidation, soit au roi Guillaume qu’ils ont suivi.

Nous ne ferons pas non plus bâillonner la justice, gardez-vous bien de le croire : la législature sera toujours impuissante à faire bâillonner la justice. L’honorable M. Legrelle vous a présenté un aperçu, peut-être subtile, mais qui n’a aucun fondement. Il vous a dit : Si dans l’intervalle de la discussion à la chambre, au sénat et de l’approbation du gouvernement, si dans cet intervalle des acquéreurs mettaient le ministre des finances en demeure de recevoir le prix des domaines qu’ils ont achetés, en los-renten de toute espèce, que répondra le ministre ?

Le ministre n’aura rien à répondre. Les tribunaux prononceront sur les droits des prétendants, d’après les principes émis dans cette chambre ; ils admettront ou repousseront leurs prétentions. Je défie de faire autrement.

Que tous les los-renten qui sont en Hollande arrivent, qu’on les présente, il en résultera cette seule conséquence que la loi que nous ferons ne sera pas applicable à ces porteurs ; mais les tribunaux prononceront, et ils prononceront d’après les principes qui feront la base de cette loi. Quel est le tribunal qui oublierait assez les principes et ses devoirs pour forcer notre gouvernement à recevoir des los-renten d’individus qui les auraient reçus du roi Guillaume postérieurement au 1er octobre 1830 ? Comme je l’ai dit tout à l’heure, ces porteurs savent que les los-renten émis depuis la dissolution de la communauté ne peuvent engager que le roi Guillaume. On leur dirait : Attendez la liquidation du syndicat, ou demandez au roi Guillaume le remboursement de ces los-renten qu’on vous a remis à tort contre des reçus à une époque où on n’avait plus le droit d’en émettre. C’est là une raison de simple bon sens, qui doit être comprise par tout le monde.

Ainsi l’objection de l’honorable M. Legrelle doit disparaître, et les scrupules des honorables membres qui ont soutenu les droits des porteurs doivent être levés ; le peu que j’ai dit suffit, je crois, pour les faire cesser,

Ce serait, je crois, abuser des moments de la chambre que d’en dire davantage. Si je n’ai pas satisfait à l’engagement que j’ai pris en commençant de justifier mon amendement, qu’on m’indique les objections auxquelles je n’ai pas répondu, je le ferai de manière à satisfaire mes adversaires.

Je déclare positivement que je voterai très consciencieusement pour l’amendement que j’ai proposé. Je voterai également pour l’amendement de M. Fallon ; mais je crois le mien plus complet, et ce que j’ai ajouté, quoique rendant la disposition plus rigoureuse, peut être admis par tout homme qui veut consciencieusement empêcher que la Belgique ne soit dupe du roi Guillaume.

Article premier (deuxième partie)

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Comme on a cité des chiffres sur le montant de ce qui reste à recevoir du prix des domaines vendus et sur la somme des los-renten déjà encaissés, je crois devoir communiquer à la chambre les renseignements que j’ai recueillis à cet égard.

Les voici :

Les los-renten inscrits à Bruxelles montent à 7.103,500 florins, soit en francs 15,033,862 fr. 41 c.

La somme des los-renten dénoncés et reçus en paiement du prix des domaines vendus s’élève à 4,893,756 fr. 53 c.

En sorte qu’il reste encore en circulation, de los-renten dénoncés, pour une somme de 10,140,105 fr. 88 c.

Il a été vendu des forêts et des domaines (il est à remarquer qu’on n’a pas seulement vendu des forêts, mais aussi des domaines qui n’étaient pas des propriétés boisées), il a été vendu, dis-je, des forêts et des domaines situés sur le territoire de la Belgique, jusqu’à concurrence de 82,541,346 fr. 65 c.

Il a été reçu des los-renten en paiement de ces domaines, avant la révolution, pour une somme de 37,786,616 fr. 50 c.

Et depuis la révolution jusqu’au 31 octobre dernier pour 24,912,081 fr. 61 c.

Somme totale, 62,698,698 fr. 11 c. qu’on a reçus en los-renten, sur le prix des domaines vendus, ce qui réduit la somme à payer à 19,842,843 fr.

A cette somme, il faut ajouter les intérêts à raison de 2 1/2 p. c. sur le prix de veille, comme cela a été stipulé dans le contrat de vente.

D’après la loi qui est en discussion, dont les deux dispositions déjà adoptées passeront assurément en loi, 10,140,000 de los-renten seraient versés au trésor, sur le paiement des 19 millions, auxquels seront ajoutés les intérêts, de sorte qu’il resterait 9 ou 10 millions écus, et dans mon opinion ce serait plutôt 10 que 9, qu’on pourrait toucher en écus, si on n’admettait pas d’autre domein los-renten que ceux dénoncé à Bruxelles.

Car il est vrai que si le trésor a des intérêts à recevoir, il en a aussi à payer ; mais l’avantage sera du côté du trésor.

On dit à côté de moi que par suite de la bonification de 2 1/2 p. c. en sus, la somme des intérêts à bonifier devra être plus forte que celle des intérêts à recevoir ; c’est une erreur ; la somme à recevoir en écu serait plutôt supérieure à celle que j’annonce, si on ne recevait que des obligations dénoncés à la banque de Bruxelles, parce que la somme principale du prix de vente est plus forte que celle des los-renten dénoncés.

Voilà, quant aux chiffres, la position des choses. Chacun peut maintenant se faire une opinion sur l’importance de la somme qui reste à récupérer.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas par la quotité du chiffre que vous vous déterminerez, ce sont plutôt des arguments de droit et de légalité qu’il faut invoquer pour vous faire stipuler dans la loi ce que nous demandons en ce moment.

Je partage en tout point l’opinion de l’honorable M. Gendebien. J’ai déjà dit que dans ma conviction nous étions obligés pour notre part de la dette contractée pendant la communauté des provinces septentrionales et méridionales. Il ne peut pas y avoir de contestation à cet égard. La dette contractée par nous pendant la communauté doit être supportée solidairement par toutes les divisions de l’ancien royaume des Pays-Bas ; personne ne veut se soustraire à cela.

Mais il y aurait pour nous véritable duperie, comma vous l’ont déjà démontré MM. Gendebien et Fallon, de continuer à courir le risque de prendre une part de la dette plus forte que celle qui nous incombe, et c’est ce qui arriverait si nous ne prenions des précautions contre les obligations qui ont pu être émises depuis la dissolution de la communauté.

Voilà pourquoi ces deux honorables membres ont proposée d’exiger que les porteurs de los-renten non dénoncés justifiassent de la date certaine de la mise en circulation de leurs titres, afin que nous ne soyons pas victimes d’une loyauté sans exemple. Oui, messieurs, d’une loyauté sans exemple, car aucun peuple n’aurait fait ce qu’a fait la Belgique relativement aux los-renten.

Quoi de plus juste que de demander aux parties intéressées de prouver que l’obligation offerte en paiement a été émise antérieurement à la dissolution de la communauté ? Jusqu’ici on n’avait pas demandé cette justification, parce qu’on pensait qu’il n’y avait pas moyen de l’exiger.

C’était une erreur, car la discussion a prouvé que ce moyen se trouve tracé dans nos lois existantes par l’article 1328 du code civil. A la vérité, cette justification pourra présenter des inconvénients pour quelques individus, mais ces inconvénients doivent-ils être considérés comme plus graves que ceux du dommage qu’éprouverait la nation, la réunion de tous les Belges, si la mesure proposée n’était pas adoptée ?

D’ailleurs, les inconvénients que peuvent éprouver certains particuliers ne sont pas aussi positifs qu’on l’a prétendu et ne peuvent pas en tout cas être comparés, je le répète, à ceux que la nation entière éprouverait par l’admission d’un système contraire à celui proposé.

Après les explications auxquelles je viens de me livrer, vous comprenez que je donnerai la préférence à l’amendement de M. Gendebien. Je sais que M. Fallon n’est pas éloigné non plus de se rallier à l’amendement de M. Gendebien.

D’après l’amendement de l’honorable M. Gendebien, il n’est fait aucune distinction entre les los-renten mis en circulation, soit en Belgique, soit en Hollande, pour autant qu’ils soient devenus la possession immédiate de Belges. Il était prudent de l’admettre ainsi parce que nous aurions pu, sans le vouloir, faire une injustice ; en effet il est des Belges qui avant la révolution ont pu acquérir en Hollande des obligations los-renten.

Alors il n’y avait qu’un seul Etat, qu’une communauté ; vous ne pouvez donc faire de distinction territoriale dans l’espèce. Il faut s’attacher à ce point seulement, que l’obligation ait pu être la possession d’un Belge avant la dissolution de la communauté.

C’est bien cela que comporte l’amendement de M. Gendebien.

On a dit que pendant que nous discutons cette loi, et d’ici au moment où elle aura été discutée par le sénat et sanctionnée par le Roi, les los-renten non dénoncés que nous voudrions exclure pourront affluer dans nos caisses et combler les 10 millions que nous aurions l’espoir de toucher en numéraire, si les dispositions qu’on discute étaient adoptées.

Ces craintes, messieurs, ne sont pas fondées. Déjà j’ai pris sur moi de donner des ordres à tous les agents comptables qui sont en position de recevoir des los-renten en paiement des domaines vendus, de n’en accepter aucun non dénoncé à la banque de Bruxelles avant le 1er octobre 1830. J’ai cru que ma responsabilité m’obligeait à prendre cette mesure.

Elle est prise et de toute manière elle sera maintenue jusqu’à ce que la loi ait passé par toutes les filières. Cette mesure a été adoptée dès le premier vote de la chambre sur les articles 1 et 2, c’est-à-dire immédiatement après la sortie de votre avant-dernière séance. Toutes les réserves, messieurs, sont donc faites, et vous pouvez compter que vous ne serez pas frustrés par les retards que peut éprouver l’adoption de la loi.

A la vérité on vient de nous prévenir que sans doute on protestera contre la mesure conservatoire que j’ai prise ; mais nous attendrons avec confiance la décision des tribunaux. Je pense qu’elle ne sera pas favorable à ceux qui y recourront, car la loi actuelle n’a aucun effet rétroactif, elle ne pourra être considérée que comme déclarative et non autrement.

Je dis que la loi n’est que déclarative, c’est-à-dire qu’elle ne fait rien autre chose que de formuler des principes préexistants, et qui n’ont aucunement pris naissance dans la discussion actuelle.

Je me trouve dans la nécessité de présenter un amendement sur un autre point de la discussion, mais un point fort simple en lui-même, qui sera saisi au premier abord, et ainsi n’embrouillera pas la discussion actuelle.

Dans la précédente séance, l’honorable M. Devaux avait demandé si la bonification des 2 1/2 p. c. profiterait aux acquéreurs seulement jusqu’au jour de l’échéance du paiement, ou jusqu’au moment où le paiement serait effectué. Je m’étais empressé de répondre que la bonification n’aurait lieu que jusqu’au jour de l’exigibilité et non jusqu’au jour où le paiement serait réellement effectué, parce que chaque fois qu’un délai était accordé, c’était sous la réserve du paiement des intérêts. Quoique ma réponse fût exacte, en thèse générale, elle présentait cependant une erreur sous un rapport.

Quand on accorde des délais, les intérêts sont stipulés en vertu du cahier des charges ou surabondamment par la décision accordant le délai, à raison de 2 1/2 p. c. seulement ; si nous bonifions 5 p. c. sans distinction, par cela même qu’un acquéreur n’aurait pas payé à l’époque de l’exigibilité, nous lui ferions en quelque sorte cadeau d’un intérêt de 2 1/2 p. c. depuis le moment de l’exigibilité jusqu’au moment où le paiement serait effectué en domein los-renten dénoncés. Telle ne peut être notre intention. C’est une chose qui nous a échappé, mais on peut y remédier, sans déroger même au règlement, car je propose un nouvel article 3 qui sera simplement un corollaire des deux articles précédents.

Cet article serait ainsi conçu :

« Lorsque des certificats dénoncés auront été ou seront fourni en paiement de termes arriérés, le supplément de 2 1/2 p. c. d’intérêts résultant des dispositions des deux articles qui précèdent, ne sera pas bonifié pour le temps écoulé entre l’époque de l’exigibilité du paiement et celle où il aura été effectué, quand même de délais auraient été accordé. »

Je crois inutile d’ajouter quelque chose à cette simple lecture ; la disposition se comprend d’elle-même.

M. Demonceau. - Je pense que M. le ministre des finances ne veut appliquer cette disposition qu’aux acquéreurs des domaines, et non aux porteurs de los-renten. Alors il faudrait insérer dans l’article le mot « acquéreurs », et dire : « le supplément ne sera pas bonifié aux acquéreurs. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce que demande l’honorable préopinant est inutile, car il ne s’agit ici que du versement des los-renten au trésor, et les acquéreurs de domaines sont seuls admis à faire des versements.

M. Demonceau. - Vous accordez aux porteurs de los-renten 5 p. c. d’intérêt, vous ne pouvez pas faire de distinction. C’est à l’acquéreur de domaines en retard et non au porteur de los-renten que vous voulez refuser le supplément de bonification.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Remarquez que dans l’espèce le trésor ne peut avoir de contrat qu’avec les acquéreurs de domaines. Le gouvernement n’a pas affaire aux porteurs des los-renten ; pour eux c’est une affaire ordinaire et privée de bourse. Le gouvernement ne connaît que ceux qui viennent payer avec ces los-renten.

M. Dumortier. - Je demanderai comment la chose se passerait si un acquéreur qui devait payer il y a un an faisait son versement après l’adoption de la loi. Les los-renten portent maintenant 5 p. c. d’intérêt, ils ne portaient auparavant que 2 1/2 p. c.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je vais tâcher de rendre la chose plus claire par un exemple. Je suppose qu’un acquéreur ait eu à payer cent mille francs le 1er janvier 1834. Il s’est présenté et a demandé un délai, ou on l’a laissé tranquille jusqu’à présent.

Il viendra demain verser, en suite de la loi, le douzième dont l’échéance était arrivée le 1er janvier 1834 ; il paiera avec des domaines los-renten, dénoncés en Belgique ; eh bien, au lieu de bonifier le supplément de 2 1/2 p. c. d’intérêt jusqu’au jour du paiement, on ne le bonifiera que jusqu’au jour où le paiement devait être effectué, c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 1834.

De cette manière, le prix de vente portant 1/2 pour cent d’intérêts et l’obligation los-renten ne portant également que 2 1/2 p. c. d’intérêts depuis le jour où le paiement était exigible, il y aura compensation, c’est-à-dire justice.

M. Demonceau. - Voici comment j’ai compris l’amendement. J’ai compris que M. le ministre voulait faire une déduction à l’acquéreur en proportion du retard du paiement, c’est-à dire, qu’au lieu d’admettre une valeur de 100 florins pour 125 florins il ne la recevrait que pour 112,50 si l’acquéreur avait dû payer en 1830.

Lorsque vous ne voudrez bonifier que 2 1/2 au lieu de 5 p. c., ne sera-ce pas le porteur qui fera cette perte, tandis que ce devrait être l’acquéreur ?

Si je suis dans l’erreur, j’espère qu’on voudra bien me le démontrer.

M. Pirmez. - Il me semble que le délai changera la position des porteurs de los-renten. Il y a deux ou trois ans, j’avais déjà, dans une note remise au ministre des finances, montré que, relativement aux délais, on modifiait la situation respective des porteurs de los renten. Je conçois qu’il est trop tard pour revenir sur les objets dont il était question dans cette note ; cependant ce changement dans leur position est une espèce d’injustice.

M. Dubus. - Messieurs, tout en applaudissant aux motifs qui ont dicté la proposition de M. le ministre des finances, je suis obligé de vous déclarer que cette mesure, en elle-même, est injuste, parce que l’effet qui en résultera ne portera pas, sur les acquéreurs des domaines, mais sur les détenteurs de los-renten dénoncés à Bruxelles.

Elle est inefficace, parce que si parmi les détenteurs de los-renten il se trouve des acquéreurs de domaines, ils négocieront leurs valeurs pour ne pas éprouver de perte.

Je dis que tous les mauvais effets de la mesure vont porter sur les détenteurs ; car il s’agit d’une espèce de los-renten, c’est en réalité comme si l’on disait aux acquéreurs de domaines : N’achetez pas de los-renten dénoncés à Bruxelles !

Si un acquéreur a de tels los-renten, il ne sera pas assez simple pour les donner en paiement, il les donnera à d’autres, et vous présentera des los-renten non dénoncés à Bruxelles, mais dont la circulation a eu lieu en Belgique avant la révolution ; ou il vous donnera du numéraire, puisqu’il ne perdra rien sur la monnaie métallique.

M. d'Hoffschmidt. - Il paiera les intérêts.

M. Dubus. Ne diminuez pas dans les mains des détenteurs la valeur d’un billet au porteur, puisque cette valeur n’est pas diminuée dans celles des autres.

Il me semble que je me suis suffisamment fait comprendre. Je le répète l’amendement est inefficace et injuste.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’espère prouver que la mesure sera efficace. D’abord, messieurs, cela se voit clairement en considérant ce qui est dit dans l’article 2 que vous avez déjà adopté.

Je suppose qu’un acquéreur de domaines ait payé le 1er janvier 1834, avec des los-renten dénoncés à Bruxelles, une échéance qu’il aurait dû payer un au plus tôt ; et, bien ! dans ce cas, au lieu de lui bonifier, à raison de 5 p. c. jusqu’au 1er janvier 1834, on ne lui bonifiera que jusqu’au 1er janvier 1833, ainsi la mesure sera efficace.

La disposition est injuste, ajoute-t-on : elle serait injuste s’il ne restait pas à payer des prix de vente pour une somme plus forte que les dix millions des los-renten dénoncés à Bruxelles, mais il en reste pour plus de 20 millions. J’admets qu’un acquéreur en retard de payer soit porteur de los-renten dénoncés à Bruxelles et qu’il ne veuille pas solder ses échéances avec ces valeurs, eh bien ! il ne sera pas lésé puisqu’il pourra les passer à d’autres et il ne peut y avoir d’injustice puisqu’il n’est pas forcé de perdre.

Et remarquez que sans la loi, les los-renten dénoncés à Bruxelles n’auraient peut-être jamais obtenu la valeur qu’elles obtiendront par cette loi : quand vous réduiriez le taux de 1/2 pour cent au-dessous du pair, vous seriez loin d’être injustes.

Il ne faut pas considérer quels sont les porteurs de los-renten ; quel en sera le cours ; c’est une affaire de bourse, de fonds publics ; ces fonds pourraient tomber plus bas qu’ils ne sont si quelque événement arrivait ; les porteurs seraient seuls responsables des conséquences.

M. Pirson. - Pour éclairer l’objet en discussion, je demanderai au ministre des finances si, quand le gouvernement accorde un délai de paiement, on est obligé de payer l’intérêt des sommes qu’on ne rembourse pas.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quand on accorde un délai, on paie un intérêt de 2 1/2 p. c.

M. Pirson. - Eh bien ! la bonification étant aussi de 2 1/2 p. c., il y a compensation ; l’amendement est donc inutile.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant ne fait pas attention que par les deux articles déjà adoptés, nous accordons une bonification de 2 1/2 p. c., c’est-à-dire que nous ajoutons au 2 1/2 p. c., que portent les valeurs dont il s’agit, un intérêt de 2 1/2 p. c., ce qui fait en tout 5 p. c. jusqu’à l’époque de l’échéance. Mais si en accordant un délai, on bonifiait encore les 2 1/2 p. c., le trésor public en ferait la perte.

M. Pirson. - Oui ! oui !

M. Dubus. - M. le ministre des finances a trouvé que la mesure serait efficace dans certains cas ; ce serait pour les acquéreurs en retard de se libérer et qui auraient fait leur déclaration. Mais il reste toujours vrai que la mesure est tout à fait fausse, inefficace et injuste, lorsqu’il s’agit de l’appliquer dans d’autres circonstances.

Prenez garde que vous allez déclarer par la loi que certains acquéreurs ne pourront pas payer en los-renten dénoncés à Bruxelles. Or, je le demande, sur qui tombe la peine ? Evidemment sur les détenteurs de los-renten dénoncés à Bruxelles.

Si les acquéreurs avaient eu des los-renten dénoncés ils auraient payé et n’auraient pas été en retard. La présomption est que les los-renten sont en mains tierces, et vous allez les mettre hors du commerce ; car la perte sera si considérable, que les acquéreurs doivent avoir intérêt à payer autrement qu’en papier. Leur perte serait de 25 p. c. pour les cinq années depuis notre révolution. Ainsi ils achèteront d’autres los-renten ou ils se libéreront en numéraire, et il est certain que plus il y aura de ces acquéreurs en retard, et moins vous aurez de facilité à placer les los-renten dénoncés à Bruxelles.

Je persiste à croire la mesure injuste.

M. Demonceau. - Les observations de M. le ministre des finances me satisfont en ce qui concerne l’article 2 : quant à la disposition de l’article 3 qui se rapporte à l’article premier, je pense que tout retombe sur les porteurs de los-renten dénoncés à Bruxelles : car, si les acquéreurs ne peuvent pas les donner en paiement avec bonification de 5 p. c., ils n’en achèteront pas, et paieront en numéraire. Ainsi, le porteur de los-renten ne pourra vendre que 100 plus 2 1/2, et non 105.

M. Gendebien. - Il me semble que si on y réfléchit, la mesure n’a pas une grande portée. Les los-renten et les intérêts ne sont reçus qu’autant que l’on vient les offrir pour paiement de domaines ; eh bien ! qu’en résultera-t-il ? C’est qu’au lieu d’acquérir des los-renten pour solder l’arriéré, on paiera en écus.

M. Pirson. - Tant mieux !

M. Gendebien. - Cet avantage est-il tel qu’il mérite une disposition législative ? Je n’en sais rien parce que je ne connais pas les sommes à payer.

Toute la perte qu’éprouvera un porteur de los-renten dénoncés à Bruxelles, c’est d’attendre plus longtemps. Je ne puis pas évaluer cette perte, parce que encore je n’ai pas les documents nécessaires.

Une chose certaine, c’est que dès le 1er janvier prochain les porteurs pourrait vendre leurs los-renten et payer ce qui échera à cette date. Si la loi passe, comme il y aura une somme à payer avant de pouvoir faire recevoir dans les caisses des los-renten, il en résultera peut-être des transactions entre les porteurs de los-renten et ceux qui doivent ; et les porteurs de los-renten devront perdre.

Je ne sais s’il entre dans les intentions du ministre de faire éprouver cette perte ; mais je ne vois pas la nécessité de commettre une injustice pour recevoir quelques écus de plus. Quand même il y aurait intérêt à recevoir beaucoup d’écus, ce n’en serait pas moins une injustice.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je répondrai à M. Dubus qu’il est dans l’erreur lorsqu’il suppose que les acquéreurs de domaines ne sont plus porteurs de los-renten dénoncés à Bruxelles. Je puis déclarer, d’une manière certaine, qu’il en est autrement ; car des acquéreurs de biens domaniaux ont demandé des délais pour payer et ont motivé leur demande sur la présentation de la loi en discussion, ils ont voulu attendre que la question des intérêts fût décidée avant de libérer.

L’honorable M. Dubus doit reconnaître avec moi que l’amendement n’est pas inefficace, relativement à l’article 2.

M. Gendebien a parfaitement saisi la question : les retardataires vont payer en écus ; eh bien ! cette considération n’est pas à dédaigner, elle mérite toute votre attention.

Ou il y a de retardataires pour des sommes considérables ou pour des sommes peu importantes : s’il y a des retardataires pour des sommes considérables votre trésor jouira de suite de ces sommes ; si les retardataires ne doivent que peu vous comprenez que la mesure ne peut rien léser.

Il y a une considération que M. Dubus n’a pas saisie, c’est qu’outre les 10 millions dénoncés il y aura encore à payer pour 10 à 12 autres millions ; ainsi cette différence des sommes à payer donne une marge aux porteurs de los-renten. Ne vous occupez donc pas d’eux, les chances qu’ils courent entrent dans le domaine des transactions particulières sur lesquelles la loi n’a pas à porter sa sollicitude.

Je crois que M. Demonceau a fait une confusion : la discussion que je propose ne tend pas à réduire les 2 1/2 p. c. sur tous les paiements qui seront effectués par des retardataires ; elle tend à réduire la bonification depuis le jour où l’échéance est arrivée jusqu’au jour où le paiement sera effectué et rien de plus.

M. Dubus. - Je demanderai la permission de parler une troisième fois. Le ministre prétend que je n’ai pas répondu à ses observations, je ne dirai que quelques mots là-dessus.

Il est certain, dit le ministre, qu’il existe des los-renten dénoncés à Bruxelles dans les mains des acquéreurs ; la preuve en est qu’ils ont demandé délai pour payer, et délai jusqu’à ce que la loi fût portée ; mais si ce sont ces acquéreurs que l’on a en vue, il serait injuste de leur faire éprouver une perte ; ils ont en mains la valeur pour payer ; le retard ne vient que de ce qu’ils demandent un intérêt de 5 p. c, et vous tranchez la question en leur faveur ; alors pouvez-vous les mettre dans une position différente ? Voilà ma réponse à la première observation.

Le ministre a prétendu ensuite qu’il n’était pas exact de dire que le coup de la mesure serait reçu non pas par les acquéreurs, mais par les détenteurs de los-renten ; la raison en est, a-t-il ajouté, qu’il y a 19 millions à payer et qu’il n’y a que 10 millions de los-renten dénoncés à Bruxelles ; moi, je dirai que de la comparaison que vous établissez entre le chiffre des paiements à faire et celui des los-renten dénoncés à Bruxelles, il résulte que les détenteurs de los-renten sont certains de les placer sans perte aucune. S’il en est ainsi, votre mesure est injuste, car les acquéreurs, au lieu de vous apporter des los-renten, vous apporteront de l’argent.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Et l’article 2 ?

M. Dubus. - Ou bien il faut admettre que le résultat de la mesure sera de gêner les acquéreurs dans le placement des los-renten, mais cette gêne sera commune à tous les détenteurs ; ainsi il est certain que ce sont tous les détenteurs qui en souffriront.

Je persiste donc à croire que la proposition ne peut pas être admise, à moins que l’on ne démontre que l’exécution en est possible et facile et qu’il s’agit d’une somme telle, que ce soit la peine de faire une exception à la loi.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je suis fâché de devoir prendre aussi souvent la parole, c’est sans doute parce que j’ai le malheur de ne pas m’expliquer assez clairement.

Je dirai d’abord à l’honorable préopinant que l’application de l’article 3 que je propose se fait incontestablement à l’article 2 déjà voté. Il demande si l’exécution en est possible. Je réponds oui, elle est facile. Il a été payé pour plus de 4 millions sur le prix des domaines, avec des los-renten dénoncés à Bruxelles ; les personnes qui ont fait ces paiements ont droit à la bonification de 2 1/2 p. c. admise par les deux premiers articles.

Quoi de plus simple que de revoir dans toutes leurs parties chacun de ces paiements quand on s’occupera du compte qui devra être fait avec chaque acquéreur.

Quant à l’élévation de la somme, je ne saurais la préciser ; cependant sur plus de 4 millions versés en los-renten dénoncés, la somme des suppléments d’intérêts pour des échéances arriérées peut fort bien être assez considérable.

L’honorable préopinant a fait un dilemme dont j’accepte la première partie. Il a dit : ou vous laisserez aux acquéreurs de domaines qui ont des los renten dénoncés en mains la faculté de s’en défaire avec avantage et de solder leur échéance en numéraire, et ainsi votre amendement ne les atteint pas, soit ; donc il n’y a aucune espèce de détriment causé aux détenteurs de los-renten.

Les acquéreurs de domaines paieront en numéraire et vendront leurs los-renten sans perte, ainsi mon amendement qui est au moins utile pour le cas de l’article 2. ne préjudicie rien pour celui de l’article premier ; il est donc juste de l’admettre.

M. de Behr. - Je crois que l’honorable M. Dubus a tellement démontré que l’amendement de M. le ministre des finances n’a aucune influence sur l’article premier, qu’il est inutile d’y revenir. M. le ministre des finances prétend qu’il a de l’influence sur l’article. Il résulterait alors de là que ceux qui se seraient acquittés, qui auraient rempli leur obligation, souffriraient un préjudice que ceux qui n’ont pas payé n’éprouveraient pas. Il y aurait là inégalité de position. Ceci doit suffire, ce me semble, pour vous déterminer à ne pas admettre l’amendement.

M. Verdussen. - Je me bornerai à répondre à M. le ministre des finances qu’il a confondu par erreur les comptes des acquéreurs des domaines et ceux des porteurs de los-renten. Lorsqu’un acquéreur de domaines en retard vient pour payer, on établit son compte. S’il paie en écus, il n’y a rien à dire ; s’il paie en los-renten dénoncés à Bruxelles, le taux est établi à 5 p. c. Vous voyez qu’il y a des comptes à faire pour les acquéreurs de domaines et non pour les porteurs de los-renten.

- L’amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.

Article premier (amendement de M. Fallon)

M. Fallon. - Lorsque j’ai proposé mon amendement, j’ai dit que je ne demandais pas mieux que de le voir améliorer. Le sous-amendement de l’honorable M. Gendebien me paraît ajouter une garantie de plus à ma proposition ; je déclare donc m’y rallier. Ainsi je persiste dans mon amendement tel qu’il a été sous-amendé par M. Gendebien.

M. Dubus. - J’ai demandé la parole pour quelques observations qui me restent à faire sur les amendements proposés par les honorables MM. Fallon et Gendebien, et pour quelques considérations qu’il me reste à développer.

Une de ces considérations est relative au chiffre de la somme restant à payer sur les domaines vendus, J’ai dit que, dans mon opinion, cette somme devait s’élever à plus de 19 millions ; je crois être en mesure de le prouver.

Le prix des domaines vendus, d’après la loi de 1822 s’est élevé à 32,500,000 fr. Mais je vous prie de faire attention que cette somme est le capital fixé à l’époque de la vente, et un capital portant un intérêt de 2 1/2 p. c. M. le ministre des finances dit qu’il a été payé depuis le jour de la vente jusqu’à aujourd’hui une somme de 62 millions et quelques cent mille fr. ; il déduit cette somme du capital, et c’est ainsi qu’il trouve la somme de 19 millions qu’il prétend rester seule due.

Je lui ferai observer que la somme payée n’est pas à imputer en entier sur le capital, mais sur le capital et les intérêts qui peuvent être évalués à quelques millions, et que par suite il reste dû non 19 millions, mais bien quelques millions. Ainsi, la question ne perd pas de son intérêt, comme on l’a soutenu dans cette enceinte et dans un journal de ce matin.

Quant aux considérations que l’on a fait valoir sur les paiements des domaines en los-renten, je ferai remarquer qu’il ne suffit pas de déclarer en principe que les los-renten seront reçus en paiement, il faut encore que les acquéreurs de domaines aient intérêt à les acheter et à les donner en paiement ; et si vous ne prenez pas des mesures pour repousser les los-renten fabriqués par le syndicat à qui ils ne coûtent que le papier et la main-d’œuvre, jamais vous ne pourrez lutter avec ces los-renten. Si le syndicat fabrique les los-renten à 50 p. c., cela va faire tomber des valeurs qui sont entre les mains de Belges, et dont le remboursement est dénoncé depuis 5 ans.

Ainsi la mesure est incomplète et peut devenir illusoire, si vous ne prenez des mesures sévères pour éviter une concurrence qui peut fabriquer des los-renten autant que besoin sera et au prix qui lui conviendra pour les placer.

Cela seul détruit de fond en comble toute l’argumentation, au moyen de laquelle on a voulu présenter la question comme dénuée d’intérêt. N‘eussions-nous à envisager que l’intérêt qu’il y a de ne pas laisser sortir du pays les 10 à 12 millions de los-renten, dénoncés à Bruxelles, ce serait déjà assez pour que nous nous en occupions.

Il me reste une troisième observation à faire. C’est celle qui détermine la préférence que je donne aux amendements des honorables MM. Fallon et Gendebien sur celui de mon honorable ami M. Dumortier.

L’un des principaux avantages que j’y trouve, c’est qu’ils sont uniquement fondés sur l’application à la matière des principes de droit qui ne peuvent pas être sérieusement contestés, tandis que l’amendement de mon honorable ami est seulement arbitraire et de droit positif. L’on ne pourrait l’appliquer aux détenteurs qu’après qu’il aurait reçu l’assentiment des trois branches du pouvoir législatif. D’ici là Dieu sait les paiements qui pourraient avoir lieu.

Je rends grâce, au nom de mon pays, à M. le ministre des finances d’avoir déclaré aux détenteurs des los-renten qu’il ne recevrait que les obligations dénoncées à Bruxelles avant le 1er octobre 1830 jusqu’à la décision à prendre par la législature.

Vous devez vous attendre à ce que ceux qui présenteront au trésor des obligations placées dans d’autres catégories s’adresseront aux tribunaux.

L’amendement de M. Fallon et Gendebien n’étant qu’une application de la législation en vigueur à la matière se trouvera résoudre d’avance les questions, tandis que celui de mon honorable ami étant de droit positif ne pourra agir que sur l’avenir.

Tout en admettant l’amendement de MM. Fallon et Gendebien, je désirerai y voir introduire un changement de rédaction. Au lieu de : « ne seront pas reçus en paiement, » je désirerais que l’on dît : « Ne peuvent être reçus en paiement. » M. le ministre des finances me fait observer qu’il serait à désirer que l’on dît également dans l’article que la preuve de cette date devra être démontrée dans l’un des modes déterminés par l’article 1328 du code. Je proposerai égarement cette addition.

M. Gendebien et M. Fallon déclarent se rallier aux amendements de M. Dubus.

M. Devaux. - Je désirerais ne pas retarder une discussion qui est déjà fort longue, mais d’un autre côté elle est si délicate que j’éprouve le besoin d’émettre quelques doutes qui ne restent. Je serais enchanté de les voir levés.

Dans cette discussion l’on s’est surtout préoccupe de notre position vis-à-vis du gouvernement hollandais. S’il n’y avait que cette position à envisager, certainement mes scrupules ne seraient pas grands. Mais notre position doit être considérée à l’égard des détenteurs des obligations et à l’égard des domaines.

De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une vente dont nous demandons le prix. Cette vente a été faite avant la révolution entre le syndicat et les acquéreurs. Nous nous mettons à la place du syndicat.

Nous demandons aux acquéreurs le prix de la vente en vertu du contrat. Certainement si quelqu’un venait proposer un amendement tendant à doubler le prix de la vente convenu entre le syndicat et les acquéreurs, il n’y aurait qu’un cri dans cette assemblée. On aurait beau se fonder sur les besoins du trésor, sur les torts du roi Guillaume dont nous sommes la dupe ; cet amendement ne serait pas admis. Tout le monde conviendrait que rien ne justifierait l’iniquité qu’il y aurait de la part de vous, vendeur, à changer les conditions du contrat à votre avantage.

Si nous ne consacrons pas une injustice aussi énorme que celle que je viens de supposer, prenons garde de ne pas changer la position des acquéreurs. Car nous commettrions la même injustice du plus au moins.

Je regrette que nous ne connaissions aucun des acquéreurs de nos domaines ; nous nous serions mieux rendu compte de leur position. Ils ont eu le plus grand intérêt à amasser des obligations de los-renten avant l’époque fixée pour la dénonciation.

Il était de toute probabilité qu’à partir de cette époque ces obligations auraient acquis une grande valeur, parce que les domaines ne pourraient se payer en autre monnaie. Ils ont donc amassé des los-renten alors que la taxe était moins élevée. Si nous disions : Vous ne paierez plus les domaines en los-renten, vous les paierez en numéraire, il faudrait qu’ils vendissent toutes les obligations dont ils sont porteurs.

Pourrons-nous apprécier l’influence que nos décisions auront sur le cours de ces obligations ? Cela me paraît difficile. La mesure que nous allons prendre influera sur la valeur des los-renten. La crainte que le gouvernement n’use de représailles pourra aussi exercer une influence sur ces fonds. L’on peut dire sans crainte de se tromper que le cours des los-renten tombera, je ne sais de combien, mais dès lors il y aura perte pour les acquéreurs. Ils devront se défaire de leurs los-renten au taux que nous aurons fixé.

Ce sont ces considérations qui me donnent plus que des doutes sur l’état de maturité de la question. Je crains que nous ne consacrions une iniquité. Je crains que nous, vendeurs, nous ne changions les conditions du contrat. Quel que soit le sort de la loi, je ne l’admettrai que si l’on fait en sorte de laisser les acquéreurs dans la position où les avait placés le syndicat, lors de l’émission des los-renten.

Je ne ferai pas de proposition parce que je ne suis pas assez sûr de mon amendement, Je voudrais que l’on accordât aux acquéreurs qui paieraient les domaines la remise de la différence qu’il y aurait entre le cours des obligations et le pair. Alors ils ne perdraient rien. Ainsi, en supposant les los-renten à 80, le gouvernement les recevrait à ce prix au lieu de 100, parce qu’en vertu de son contrat, il a acquis le droit de payer avec des los-renten et que ces los-renten ont une valeur de 80.

Je ne suis pas convaincu par l’argument qui consiste à dire : Nous admettons toutes les obligations qui ont date certaine ; prouvez. En bonne foi, on sait que la plupart du temps, cette preuve est impossible. Nous allons donc refuser les los-renten qui étaient dans la condition que nous voudrions constater pour les accueillir ; et le défaut de preuves sera le cas ordinaire.

L’honorable M. Fallon a reconnu lui-même qu’on ne pouvait pas prouver la date certaine d’une obligation, pas plus que celle de la possession par des Belges. M. Fallon vous a dit qu’il n’attendait autre chose de son amendement que l’admission des los-renten possédées par les établissements de bienfaisance. Evidemment, nous exclurons une foule de los-renten que nous voudrions admettre.

Je suppose une société qui se dissout ; cette société a dans sa caisse des obligations signées par elle. Par la mauvaise conduite d’un associé, ces obligations entrent dans le commerce ; croyez-vous que cette société serait admise à dire : Parce qu’il s’est échappé de nos caisses des obligations, nous ne paierons plus aucune de celles que nous avons véritablement émises à l’époque où nous pouvions les émettre ? La société pourrait poursuivre en faux son associé, mais elle ne pourrait pas dire aux porteurs des obligations : Prouvez qu’elles sont vraies. Je crois que dire aux détenteurs de los-renten : Prouvez la date certaine de votre certificat, c’est dire : Nous ne voulons pas les payer. Je ne vois pas de différence.

On pourra toujours dire : Si vous prétendez que les obligations dont je suis porteur ont été émises après votre séparation, prouvez qu’elles sont fausses ; puisque vous ne pouvez pas faire la distinction, vous devez les admettre.

Remarquez la différence qu’il y a entre la position du gouvernement et celle des particuliers. Si les particuliers perdent vis-à-vis du gouvernement, ils n’ont aucun recours ; tandis que si le gouvernement perd vis-à-vis des particuliers, il a un recours sur la Hollande ; il a une liquidation à faire, il peut faire valoir ses droits ; s’il ne le fait pas, est-ce aux particuliers à en subir les conséquences, alors qu’il pourra revendiquer ses droits tôt ou tard ?

Car le gouvernement ne paie pas l’ancienne dette de la Belgique, il a un recours possible, plus ou moins éloigné, envers le syndicat, tandis que les particuliers n’ont aucun recours si vous les repoussez.

Permettez-moi, messieurs, d’appeler votre attention sur un point sur lequel je voudrais avoir des éclaircissements. L’argument principal qu’on a fait valoir dans cette discussion, c’est le tort que l’on craint de la part du roi Guillaume et la certitude qu’on croit avoir d’être ses dupes.

En ces circonstances comme en beaucoup d’autres, je ne serai pas le défenseur du roi Guillaume, j’admettrai qu’il a pu émettre et qu’il a émis des bons du syndicat.

Eh bien, quelle que soit la somme qu’il ait émise, je doute qu’il ait pu en résulter un tort pour nous. Je suppose qu’il ait émis pour 25 millions de bons los-renten, je doute qu’il nous ait fait en cela le moindre tort. Il a pu faire tort aux débiteurs de los-renten, mais au trésor belge, non.

A l’époque de la révolution, il restait à payer à peu près pour 44 millions de domaines belges. La somme totale des domaines vendus s’élevait à 82 millions. Sur quoi 37 millions environ avaient été payés ; restaient 44 millions dus. Ces 44 millions devaient être payés en los-renten. Ainsi du moment qu’il existait à l’époque de la révolution une somme de los-renten en circulation supérieure à 44 millions, il est certain que, sans que le roi Guillaume ait émis de los-renten, la somme qui restait à payer sur les domaines vendus pouvait nous arriver en valeurs mortes, ni plus ni moins, que le roi Guillaume en ait émis ou non.

Je suppose que le roi Guillaume n’ait émis aucune obligation, que serait-il arrivé ? Exactement ce qui arrive aujourd’hui. A moins que des éclaircissements ultérieurs ne viennent me démontrer que je me trompe, je pense que les los-renten en circulation suffisaient pour couvrir le prix de nos domaines.

C’est un point qu’on conteste, je vais y revenir. Je crois, dis-je, que la somme des los-renten en circulation suffisait et bien au-delà pour parfaire le paiement du prix de nos domaines. Dans ce cas, n’est-il pas certain qu’alors que le roi Guillaume n’aurait émis aucune nouvelle obligation, les acquéreurs étant forcés de payer avec cette monnaie, nous n’aurions reçu que des valeurs mortes ? Si cela est vrai, le roi Guillaume a pu émettre des obligations sans nous faire tort, car nous sommes dans la même position que s’il n’en avait pas émis.

Nous n’avons pas de renseignements précis, mais nous voyons dans les comptes qu’au 15 janvier 1829, il restait des los-renten en circulation pour 45 millions de florins, c’est-à-dire au-delà du double de la valeur de nos domaines. Entre le mois de janvier 1829 et notre révolution il s’est fait des paiements en los-renten. Il en a été reçu au pair dans l’emprunt.

Il serait désirable que nous ayons quelques communications à cet égard. Si cette somme n’a pas été diminuée pendant cet intervalle au point d’être au-dessous des 44 millions restant à payer, le roi Guillaume a eu beau émettre des los-renten ; il a pu en faire baisser le taux, il a pu faire tort aux porteurs, mais non à la Belgique qui aurait alors comme à présent des valeurs mortes.

Je désire être éclairé sur ce point.

Je ne me suis occupé que de la position des acquéreurs. Il y aurait beaucoup à dire pour ce qui concerne les détenteurs. Sous ce rapport, il ya une lacune que je ne me sens pas capable de combler.

Je me trouve dans la même position que l’honorable M. Trentesaux. C’est l’honnête homme qui craint de commettre une injustice. Je désire que mes scrupules soient levés.

Quoique la discussion ait été très longue, je suis encore dans le doute, et ce doute est partagé par beaucoup de personnes, je ne dirai pas seulement depuis le gouvernement provisoire et le ministre des finances ; mais même la commission spéciale que vous avez nommée. Elle a examiné avec soin toutes les questions que la matière soulève, et voici comment elle conclut sur la cinquième question qu’elle s’était soumise et qui est celle dont nous nous occupons.

« Telles sont, messieurs, les considérations principales qui ont été débattues dans votre commission dans l’examen de la cinquième question posée.

« Les difficultés sérieuses que soulève cette importante question, lui ont paru de nature à devoir en différer la solution jusqu’à ce que le gouvernement, plus avantageusement placé pour en saisir toute la portée, puisse lui-même prendre l’initiative sur la mesure qu’il croira la plus convenable à notre situation financière. En conséquence, et sans rien préjuger, votre commission a pris la résolution de se borner, quant à présent, à appeler l’attention du gouvernement sur d’aussi graves intérêts. »

Je ne décide pas qu’il n’y a aucune mesure à prendre ni que la mesure actuelle est mauvaise. Mais il me semble que la question aurait besoin d’être plus approfondie.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour faire une seule observation sur le discours de l’honorable préopinant. L’honorable membre pense qu’il y avait assez de los-renten en circulation au moment de la révolution, pour couvrir le paiement des domaines vendus en Belgique. Il a rappelé la somme qui restait à payer, et d’après les renseignements qu’il a recueillis, il a conclu qu’il y avait une somme de los-renten suffisante pour faire face à ce qui restait à payer de ces domaines.

Je ferai remarquer que l’honorable membre ne tient compte que des domaines vendus en Belgique, tandis qu’il en a été vendu aussi en Hollande pour une somme considérable, lesquels devaient être payés aussi en los-renten. N’y a-t-il pas lieu de penser dès lors qu’il n’y aurait pas eu assez de los-renten pour tout payer si on n’en avait pas émis depuis la révolution ?

Il est des los-renten émis par le bon vouloir du syndicat postérieurement à la première émission légale ; en effet, la seconde émission a eut lieu pour faire face à des dépenses qui n’intéressaient en rien la Belgique.

D’après l’honorable préopinant, il semblerait en ce qui concerne l’amendement en discussion que la question a surgi subitement ; il semblerait dis-je, que c’est seulement dans cette enceinte que l’idée d’exiger la date certaine de la mise en circulation des los-renten non dénoncés a pris naissance. Cependant, le rapport seul de la commission faisait un devoir au gouvernement de s’assurer de cette date ; et dans une de vos précédentes séances, j’ai déclaré que dans mon opinion le gouvernement devait, à l’avenir, exiger la justification de la date des obligations non dénoncées qu’on lui présenterait, alors même que la loi ne le stipulerait pas.

Relativement à un autre point touché par M. Devaux, je ne crois pas, messieurs, qu’il y ait lieu d’admettre dans la loi une disposition d’après laquelle les acquéreurs pourraient se libérer au taux où les los-renten se trouveraient en Hollande ou en Belgique à l’époque de l’échéance de leurs paiements, car après l’adoption de la loi, les los-renten non dénoncés vont nécessairement tomber, et ainsi cette loi deviendrait une mesure de faveur pour les acquéreurs. Cela ne peut être votre intention. Remarquez que sous la loi ils ne paieraient pas à moins de 98 ou 99 p. c. Car c’est là le taux actuel des los-renten. En les faisant payer au pair ils n’auront même pas à se plaindre, car si la Belgique fût restée réunie à la Hollande, les los-renten auraient augmenté de valeur nominale, de telle sorte que les acquéreurs eussent payé peut-être à raison de 120 après 1830.

M. Devaux. - Je ne veux pas suivre la discussion à laquelle s’est livré M. ministre des finances ; je veux seulement présenter une observation sur les sommes en circulation.

Il nous fait remarquer que nos domaines ne sont pas les seuls qui aient été vendus, et que des domaines hollandais ont aussi été aliénés ; cependant il paraîtrait, d’après ce que rapporte M. Jadot que nos biens vendus formaient une valeur supérieure à celle des biens hollandais. J’ai énoncé qu’il restait à payer 44 millions de francs, et qu’il y avait encore en circulation pour 45 millions de florins de los-renten à l’époque dont je parlais ; supposons qu’à l’époque de la révolution il en restait à payer la moitié : eh bien, il restait encore de la marge entre la somme due et les valeurs pour l’acquitter.

M. Dumortier. - Il est facile de lever tous les doutes que l’on manifeste. Ces doutes sont fondés sur un principe faux ; il ne s’agit pas de la vente, il s’agit de la monnaie dans laquelle on paiera ; il s’agit de savoir si l’on paiera en monnaie battue par le roi de Hollande, ou en monnaie qui a cours dans le pays. La question n’est pas ailleurs.

Lorsque les acquéreurs ont acheté, la monnaie métallique courante était l’or et l’argent, marqués à l’effigie du roi Guillaume. Si vous disiez qu’on ne paiera plus dans cette monnaie, est-ce que vous feriez une injustice ? Evidemment non. Eh bien ! c’est la même chose. Il s’agit d’une monnaie qu’a émise le roi Guillaume, qu’il émet encore chaque jour et que la Belgique ne peut émettre. Cette valeur, vous pouvez plus facilement la faire retourner en Hollande, puisqu’elle y a cours ; car, à l’exception des los-renten dénoncés à Bruxelles, tous les autres los-renten sont d’une nature telle qu’il est impossible au roi Guillaume de distinguer ceux qui sont entre les mains des Belges, d’avec ceux qui sont entre les mains des Hollandais. Cette monnaie ne porte pas d’endossement, ne porte pas de signature, et Guillaume ne peut s’empêcher de la recevoir.

On a parlé de la paix et de ses effets : veut-on envisager cet événement dans l’intérêt des porteurs de los-renten ou dans l’intérêt des acquéreurs ? Il est facile de répondre sous l’un et l’autre aspect.

S’il s’agit des porteurs, je dirai qu’ils ont acheté les los-renten à 85 ; que ces los-renten ont été en hausse ; qu’ils auraient été très haut, à 100, 120 peut-être ; qu’ils ont baissé pendant la révolution ; qu’ils valent maintenant à peu près le pair ; que ce sont là des chances que les détenteurs doivent subir. En définitive, ces conséquences ne peuvent être fâcheuses, puisque les los-renten produiront le capital qu’ils représentent nominalement. La Hollande et la Belgique présentent assez de garanties pour le paiement intégral de cette dette.

S’agit-il maintenant d’envisager la question sous le rapport des acquéreurs ? Elle devient plus facile encore ; car nous savons que les acquéreurs de domaines ont regardé l’obligation de payer en los-renten comme une véritable charge ; cela est si vrai que beaucoup de personnes qui se proposaient d’acheter des domaines n’ont pas osé le faire, et que d’autres ont beaucoup mieux aimé payer leurs acquisitions en numéraire.

On savait que le roi Guillaume avait retiré de la circulation une grande partie des los-renten, et les acquéreurs s’attendaient à les payer 110 et même 120 ; ainsi, en déterminant que le prix sera payé en écus, vous faites une chose qui leur sera plutôt avantageuse que préjudiciable.

Quant à la masse des los-renten en circulation au jour de la révolution, j’ai déjà à peu près traité cette question : j’ai dit qu’une grande partie de ces valeurs n’avaient pas d’abord été émises ; qu’on en avait ensuite admis en paiement pour l’emprunt de 35 millions, et qu’en Hollande, il y en a eu d’absorbées pour des sommes considérables.

Indépendamment de ces faits, en voici un qui ne laisse aucun doute sur cet objet : à 1’époque de la révolution il se trouvait dans les caisses du syndicat des los-renten pour des sommes énormes ; et l’on en trouve la preuve dans le compte rendu par le syndicat lui-même avant la révolution. Le syndicat avait plus de 40 millions de francs en caisse.

M. Fallon. - Finissons-en !

- Plusieurs membres. - A demain ! Il est quatre heures et demie !

M. Dumortier. - Ainsi, l’honorable membre est dans l’erreur s’il pense que dans la circulation avant la révolution il y avait des los-renten pour plus de la valeur des biens vendus. Toutes les personnes qui ont acheté des domaines vous diront qu’elles ont acheté de los-renten en Hollande pour payer. (Aux voix ! aux voix !)

Je demanderai, pour que mon amendement ait la forme déclarative, qu’on le rédige ainsi :

« Sont seules admissibles en paiement des domaines vendus par le syndicat, les los-renten dénoncés à Bruxelles avant le 1er octobre 1830… »


- L’amendement de M. Dumortier est mis aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :

61 membres sont présents.

22 votent pour l’adoption,

39 votent contre.

En conséquence, l’amendement n’est pas adopté.

Ont voté pour l’adoption : MM. Andries, Berger, de Jaegher, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Roo, Desmet, Dumortier, Hye-Hoys, Jadot, Kervyn, Lejeune, Pirson, A. Rodenbach. Simons, Thienpont, Vandenbossche, Vergauwen, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke, L, Vuylsteke, Zoude.

Ont voté contre : MM. Beerenbroeck, Bekaert, Bosquet, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Longrée, Demonceau, de Nef, de Renesse, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus aîné, Bernard Dubus, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Keppenne, Lebeau, Legrelle, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Smits, Ullens, Vanderbelen, Verdussen.


- La chambre vote par appel nominal sur la proposition de MM. Fallon et Dubus, sous-amendée par M. Gendebien.

57 membres prennent part au vote.

47 adoptent.

10 rejettent.

En conséquence l’amendement est adopté.

Ont voté pour : MM. Andries, Beerenbroeck, Bekaert, Bosquet, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, Dechamps, de Jaegher, de Longrée, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, du Renesse, de Roo, de Terbecq, d’Hoffschmidt, d’Huart, Dubus, B. Dubus, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Mast de Vries, Milcamps, Morel-Danheel, Pirson, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Schaetzen, Scheyven, Simons, Thienpont, Vandenhove, Vanderbelen, Vergauwen, C. Vuylsteke, L. Vuylsteke, Zoude.

Ont voté contre : MM. Berger, Devaux, Lebeau, Legrelle, Pirmez, Smits, Ullens, Verdussen, H. Vilain XIIII, Raikem.

La séance est levée.