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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 30 novembre 1835

(Moniteur belge n°335, du 1er décembre 1835)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure.

M. Schaetzen donne lecture du procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître les pièces adressées à la chambre.

« Le sieur J.-F. Herla, ancien directeur des contributions directes, etc., demande que sa pension lui soit payée sur le pied des arrêtés royaux des 13 décembre 1827 et 6 août 1828, qui la portent à 4,000 fr. »

« Quatre habitants de Bruxelles ayant fait des ouvrages de leur état à l’église des Augustins (temple protestant), dans les années 1828 à 1830, réclament le paiement de ce qui leur est dû de ce chef. »

« La régence de la ville de Turnhout réclame le paiement d’un solde de 1,667 fr. 11 c., qui lui revient du chef de prestations faites à l’armée française en 1831. »

« Le sieur Robert Disson, marchand de chiffons, réclame contre la pétition du sieur Janssens, d’Ostende, qui demande qu’on établisse un droit de 10 p. c. sur les os, à la sortie. »

« Le sieur H. Boutry, ancien militaire, demande que la pension annuelle de 100 fr., dont il a joui jusqu’en 1814, lui soit continuée. »


M. de Behr. - Je demande que la pétition du sieur Boutry, qui demande la continuation de sa pension, soit renvoyée à la commission chargée de l’examen du budget de la dette publique. La chambre a déjà prononcé ce renvoi à l’égard d’une pétition de même nature.

- La pétition du sieur Boutry est renvoyée à la commission chargée de l’examen du budget de la dette publique. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission chargée d’en faire le rapport.

Ordre des travaux de la chambre

M. Lebeau (pour une motion d’ordre.) - Je crois qu’il y a au moins un an et demi qu’il a été présenté un projet de loi relatif aux indemnités pour dommages causés en 1830 à diverses propriétés belges.

Je désirerais savoir à quel degré d’instruction est arrivé ce projet de loi, et si la section centrale chargée de son examen est encore complète ou s’il y a lieu de la compléter.

La chambre sentira que tôt ou tard une solution doit être donnée à ce projet de loi très ancien déjà, et qui intéresse un grand nombre de citoyens.

- M. Raikem quitte le fauteuil ou il est remplacé par M. de Behr, vice-président.

M. Raikem. - On demande par forme de motion d’ordre où en est, dans la section centrale, l’examen du projet de loi relatif aux indemnités. La section centrale s’était occupée de cet objet, aussitôt que le travail des sections fut terminé ; mais elle a été arrêtée dans ses travaux, parce qu’elle s’est trouvée incomplète, et qu’il y a eu lieu à la nomination de nouveaux membres par les sections.

Déjà plusieurs fois la question que vient de faire l’honorable préopinant m’a été adressée. Je suis obligé d’y faire la même réponse que j’y ai déjà faite. La section centrale s’est occupée de cet objet ; elle a nommé son rapporteur, et je pense que le rapport aurait pu être présenté à la chambre sous peu de temps ; mais on sera peut-être obligé à un nouvel examen.

Je ne puis au reste donner des renseignements plus détaillés. Mais je crois qu’on aurait pu, pour faire cette question, attendre la présence de M. le rapporteur.

M. Lebeau. - Je ne pense pas que l’honorable président de la chambre ait pu trouver l’ombre même d’un reproche dans la question que j’ai cru de mon devoir d’adresser à la chambre ou au bureau.

Je ne le crois pas fondé, en ce qui me concerne, à dire qu’il convenait d’attendre la présence du rapporteur ; car je ne connais pas même le nom du rapporteur. Je ne sais pas qui est le rapporteur ; et cet oubli est extrêmement facile à expliquer, alors qu’il y a si longtemps qu’on ne s’est pas occupé de cette question même par forme de motion d’ordre.

Quoi qu’il en soit, il importe aux nombreux intéressés, dont la plupart sont dans une position très malheureuse, par cela même qu’il y a incertitude sur leur position, il leur importe, dis-je, d’obtenir une prompte solution ; et sans insister aujourd’hui, puisque M. le président déclare que le rapporteur est absent, je me réserve de renouveler ma motion lorsqu’il sera présent.

M. Raikem. - J’ai voulu présenter une simple observation relativement aux travaux de la section centrale. La section centrale s’est occupée le plus assidûment possible de l’examen du projet de loi relatif aux indemnités. Mais il arrive quelquefois dans une section centrale des événements qui donnent lieu à la nomination de nouveaux membres. Au reste, si M. le rapporteur était présent, j’aurais pu provoquer des explications afin de savoir où les choses en sont.

M. Gendebien. - Je crois de mon devoir d’appuyer l’observation de M. Lebeau. Plus de 50 fois j’ai élevé la même réclamation ; mais toujours en vain ; je n’ai même pas été appuyé. J’insiste pour qu’on s’occupe le plus tôt possible du projet de loi, parce qu’il est constant que ce projet, tel qu’il a été présenté, ne peut être adopté, et qu’il doit être rejeté comme incomplet et comme complètement injuste ; car ce serait une véritable dérision que de proclamer qu’on veut indemniser ceux qui souffrent, alors qu’on resterait dans les termes du projet.

Je me permettrai d’ajouter une autre réflexion, c’est que de la manière dont les sections centrales sont organisées, il est difficile que leur travail marche couramment. Il est impossible qu’un homme, le président de la chambre, suffise aux travaux de toutes les sections centrales. Pour moi je l’adjure dans l’intérêt de sa santé, comme dans l’intérêt du travail, de faire présider deux sections centrales par les vice-présidents. Ainsi, au lieu d’une seule section centrale, nous en aurons trois qui travailleront en même temps.

Cela n’offre pas d’inconvénient, à moins que le même membre ne soit nommé rapporteur pour plusieurs lois dans les différentes sections centrales. Mais il y aurait un moyen d’éviter cela : ce serait de faire ce que nous avons fait dans ma section, comme dans presque toutes, de nommer à la section centrale un membre différent pour chaque budget ; ainsi le travail des diverses sections centrales pourrait marcher en même temps.

Quant à moi je déclare que je ne veux pas faire un reproche à M. le président. Je le remercie au contraire de son zèle ; mais à la fin il y a excès de zèle, et l’excès en tout est un grand défaut.

Je l’adjure donc de faire présider deux sections centrales par les vice-présidents ; ce n’est qu’ainsi, que nous pourrons marcher. D’un autre côté je ferai remarquer que depuis 8 jours ma section ne peut plus se réunir, attendu qu’il n’y a plus rien à l’ordre du jour des sections, et cela parce qu’une section n’a pas achevé son travail.

Il me semble que, le lendemain du jour où la majorité des sections a terminé son travail, on devrait leur distribuer de nouvelle besogne ; ainsi la majorité des sections serait occupée et ce serait un stimulant pour la section ou les sections qui seraient en retard.

Je pense donc qu’il convient de prendre ces mesures pour hâter le travail.

M. Legrelle. - Il est vraiment affligeant qu’une question comme celle des indemnités, qui trouve autant de sympathie dans la chambre, ne puisse pas être résolue. Je prie l’honorable M. Gendebien, qui se plaint de ce que ses réclamations de ce chef n’ont pas été appuyées, de se souvenir que j’ai demandé plusieurs fois le rapport sur cette loi. Si quelquefois je me suis abstenu de parler, c’est parce qu’on prétendait que je récriminais contre la section centrale.

Quelque justice que je rende à la section centrale, je dois insister pour que la question des indemnités reçoive enfin une solution. C’est une question importante pour le pays ; c’est une question d’honneur national ; nous ne saurions mettre trop d’empressement à la résoudre.

M. Raikem. - Je répondrai successivement aux diverses observations qui viennent d’être faites.

D’abord, en ce qui concerne la section centrale, je puis assurer qu’elle s’est occupée du projet de loi sur les indemnités tout autant qu’elle pouvait le faire. Si elle n’a pas encore présenté son rapport, j’ai expliqué pourquoi à l’assemblée. Je puis assurer qu’il n’y a aucun reproche à faire à la section centrale.

Si on veut lui faire des reproches, comme semblerait avoir voulu le faire l’honorable dernier préopinant, je crois qu’il aurait fallu prévenir du jour où l’on aurait fait ces interpellations ; alors je me serais concerté avec M. le rapporteur pour donner des explications, lesquelles, j’en suis sûr, auraient complètement satisfait l’assemblée sur ce point.

Du reste, la section centrale désire autant que qui que ce soit que la question des indemnités soit résolue ; et elle n’a rien négligé pour mettre la chambre à même de la décider le plus tôt possible, de la manière qu’elle jugera convenable.

On a fait une autre observation ; on a dit qu’un seul homme ne pouvait suffire a tous les travaux des sections centrales, que les diverses sections centrales qui travaillent en même temps devraient être présidées par MM. les vice-présidents.

A cet égard j’aurai l’honneur de faire observer qu’il en a été ainsi toutes les fois que la chose a été possible.

Je vois ici l’honorable rapporteur du projet de loi de péréquation cadastrale ; il sait que, comme une autre section centrale était assemblée en même temps, la section centrale chargée de l’examen de ce projet, afin que deux sections pussent travailler en même temps, fut présidée par un de MM. les vice-présidents. Quand la chose peut avoir lieu, cela se passe ainsi, comme vous le voyez d’après l’exemple que je viens de donner. Je pense que cette explication donne sur ce point à l’assemblée tous les apaisements désirables.

Je viens à un troisième point. Un honorable préopinant s’est plaint de ce qu’il n’y a rien à l’ordre du jour de sa section parce qu’une des sections n’a pas terminé son travail sur les divers budgets. Quand on a quelque expérience du travail des sections et de la section centrale, on sais que quand toutes les sections ne se tiennent pas au courant du travail, il est très difficile que le travail soit régulier dans les sections, et dans la section centrale, qui est le résultat de la nomination des sections.

Je m’étais occupé de dresser une liste des divers travaux restant à distribuer dans les sections, afin de convoquer les présidents des sections et de déterminer l’ordre des travaux. Mais, avant de convoquer ces messieurs, j’ai voulu vérifier quels étaient les projets qui restaient à examiner.

Je crois que ces renseignements convaincront l’assemblée que les sections centrales se livrent à un travail continu, et font tout ce qu’il est humainement possible de faire.

M. Demonceau. - Le projet de loi dont on parle est assurément d’une haute importance. Je pense qu’il devrait être distribué aux membres nouvellement élus. Lorsque nous demandons ces projets, qui ont été présentés avant que nous fissions partie de la chambre, on nous dit qu’il n’y en a pas. C’est ainsi qu’on nous a refusé le projet relatif aux los-renten ; je n’aurais pu en suivre la discussion si un de mes amis (M. Davignon) n’avait bien voulu me le communiquer.

Je pense que la chambre devrait ordonner que les projets de loi nous soient distribués. Sans quoi nous qui n’avons pris part, ni au travail des sections, ni a aucun travail préparatoire sur ces projets, nous sommes dans l’impossibilité de suivre la discussion.

Motion d'ordre

Projet de loi relatif à l'impôt sur le sel

M. A. Rodenbach (pour une motion d’ordre.) - Je demande la parole pour engager le ministre des finances à présenter sans retard le projet de loi relatif à l’impôt sur le sel. Ce projet devient très urgent. L’impôt sur le sel est de plus de 18 fr. sur 100 kilog. La recette prévue au budget des voies et moyens est de 3,700,000 fr.

Si on diminuait l’impôt de 20 ou de 25 p. c., il monterait aisément à 6 millions. Ainsi vous auriez à la fois l’avantage d’augmenter les ressources du trésor, de faire cesser la fraude et de dégrever le contribuable. Vous trouveriez ainsi des fonds pour faire face à la dépense qui résultera du projet de loi sur les indemnités dont on demande la discussion. Le projet de loi sur le sel est depuis longtemps élaboré ; il est tout prêt dans les cartons du ministère des finances. J’insiste pour qu’il soit présenté sans retard.

M. Eloy de Burdinne. - Je viens appuyer la proposition de l’honorable M. A. Rodenbach, et en même temps signaler à M. le ministre des finances combien, sur certains points, la fraude se fait facilement. Non que je veuille attribuer cela à l’administration. Je n’attribue cet état de choses qu’à l’absence de mesures convenables dans le rayon de Maestricht.

On écrit des environs de Maestricht touchant la fraude qui s’y pratique : « Le mal devient intolérable ; hommes, femmes, filles, enfants, tout le monde s’en mêle. Une bande de deux cents individus a été vue une fois se répandant au loin et emportant du sucre pour le frauder. Le consommateur a-t-il le courage d’exercer lui-même ce honteux trafic ? Il se rend au coucher du soleil près de Maestricht ; là un marché de sucre et de sel est établi, et il s’y approvisionne tout à l’aise de ces denrées. Le vin est devenu aussi un objet de fraude.

« Conséquence de cet état de choses, le trésor est frustré de ses droits. L’honnête boutiquier qui s’abstient de frauder voit les autres boutiquiers, moins consciencieux que lui, accaparer les affaires et causer sa ruine. Une population qui fait de la fraude un métier habituel se démoralise, s’abrutit ; elle résistera, s’il le faut, aux agents de la douane, opposera la force à la force et commettra le meurtre. »

Je ferai remarquer à M. le ministre des finances que la fraude se fait aussi d’une manière scandaleuse pour les céréales. On a établi dans quelques communes rurales, voisines de la frontière, des marchés de grains, ce qui favorise beaucoup la fraude. J’appelle sur ces différents points toute l’attention de M. le ministre des finances.

M. Desmet. - Sans contester l’urgence de la loi sur les indemnités, je ferai remarquer que nous en avons d’autres plus urgentes. Nous avons celle des voies et moyens qui sans doute sera bientôt présentée, et celle sur la péréquation provinciale cadastrale qu’il faudra nécessairement discuter avant les voies et moyens. Je crois même que la chambre devra changer son ordre du jour, et mettre la loi de péréquation à l’ordre du jour immédiatement après la discussion qui nous occupe et avant la loi communale.

M. Liedts, questeur. - Je commence par répondre à l’honorable M. Demonceau que si la chambre veut autoriser la questure à faire réimprimer les projets de loi qui ne se trouvent plus aux archives, pour être distribués aux membres nouvellement élus, la questure s’empressera de le faire. Je pense que c’est à la chambre à décider si elle veut faire droit à la réclamation de M. Demonceau.

Quant à l’ordre du jour, je crois qu’il convient de discuter la loi de péréquation cadastrale avant les voies et moyens. Je comptais en faire la proposition. J’attendais pour cela que la discussion qui nous occupe fût terminée. Sitôt qu’elle sera terminée et avant de discuter la loi communale, nous devons nous occuper de la péréquation ; cette loi, étant la base et le principe des voies et moyens, doit être évidemment discutée avant ce budget.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ainsi que l’a dit l’honorable M. A. Rodenbach, un projet de loi relatif à l’impôt sur le sel est élabore depuis longtemps ; il a été examiné à diverses reprises par une commission instituée pour réviser notre système d’impôt ; cette commission n’a pas arrête entièrement le projet, mais elle en a décidé les points les plus importants ; de telle sorte que je suis en position de le présenter à la chambre.

Si j’avais prévu qu’il pût être discuté prochainement, ne fût-ce que dans les sections, je n’aurais pas manqué de le présenter, Mais, en présence des nombreux travaux des sections et de la chambre, alors que les budgets sont encore soumis à l’examen des sections, alors que le projet de loi sur la péréquation cadastrale, projet qui est incontestablement de la dernière urgence, n’est pas encore discuté, je n’ai pas cru qu’il fût très important de déposer immédiatement le projet de loi sur l’impôt du sel.

A l’égard de ce projet de loi et autres semblables, je dois soumettre à la chambre une considération générale. Tous les projets qui tendent à modifier les impôts existants, ou à décréter de nouveaux impôts, ne devraient pas être présentés longtemps avant qu’ils pussent être discutés, et par conséquent adoptés ou rejetés, parce que, depuis la présentation de ces projets de loi jusqu’à leur adoption ou leur rejet, il s’établit des intérêts qui sont toujours contraires aux intérêts du trésor.

On spécule d’après la loi proposée, et le résultat de ces spéculations va toujours au détriment du trésor. Je pense qu’en général, dans l’intérêt du département des recettes, on ne doit pas présenter les projets de loi très longtemps avant l’instant où ils peuvent être mis en discussion. Du reste, je suis prêt quant au projet de loi sur le sel. Dès que je verrai la possibilité d’un examen en sections et dans la chambre, je m’empresserai de le déposer.

On est revenu sur la fraude qui se fait dans les environs de Maestricht. Dernièrement, quand j’ai été interpelle sur ce point, j’ai dû convenir que la fraude est considérable ; j’ai ajouté qu’on la réprime autant que possible, car le grand nombre des procès-verbaux de saisie atteste la présence et la vigilance des employés du gouvernement. C’est à la position politique et topographique de Maestricht et de la province du Limbourg, qu’il faut principalement attribuer cette fraude. Comme l’a dit l’honorable M. Eloy de Burdinne, la fraude se faisant dans tous les sens, il arrive souvent qu’on ne peut parvenir à l’empêcher. Ainsi 200 enfants se rendent à Maestricht ou dans le rayon réservé ; chargés là de deux ou trois kilogrammes de sel, ils s’éparpillent dans le rayon et en sortent a la fois.

Quelques enfants sont surpris par les employés ; ils jettent en s’enfuyant les kilogrammes de sel dont ils sont chargés ; ce sel est saisi mais pendant ce temps-là les autres enfants échappent aux moyens de répression. Il peut en être de même à l’égard du sucre qu’on peut transporter aussi par petites quantités.

Déjà, il y a quelque temps, on a renforcé, dans les environs de Maestricht, le personnel de la douane. Si ce personnel n’est pas suffisant, on le renforcera encore, car je ne connais pas d’autre moyen pour arrêter la fraude, dans les environs de Maestricht, que de renforcer le personnel de la douane.

Je crois, ainsi que les honorables MM. Liedts et Desmet, que la loi de péréquation cadastrale doit être prochainement discutée, parce qu’elle présente un des principaux éléments du budget des voies et moyens, à tel point que s’il s’agissait de discuter ce budget dans la séance de demain, il faudrait, avant de procéder à cette discussion, fixer la répartition de l’impôt foncier.

Je n’ai pu présenter jusqu’à présent le budget des voies et moyens. Vous pouvez en deviner la cause. Mais cette présentation aura lieu le plus tôt possible, et vous pourrez en prendre bientôt connaissance.

M. Eloy de Burdinne. - Je prie M. le ministre des finances de vouloir me dire s’il n’y aurait pas moyen de réprimer cette fraude au moyen de deux lignes de douanes. Je prie M. le ministre de l’intérieur de vouloir bien fixer son attention sur les autorisations données aux communes qui entourent la frontière, d’établir des marchés de céréales. C’est par ces marchés qu’il s’introduit dans le pays une grande quantité de grains de la Prusse et de la Hollande.

M. Gendebien. - Je ferai remarquer à la chambre que ce n’est pas sans raison que j’avais dit dans une séance précédente qu’il fallait faire respecter les douanes par les troupes hollandaises.

Il est de fait que les Hollandais font des excursions hors de Maestricht pour favoriser la fraude, et qu’ils ne se contentent pas de chasser les faibles détachements chargés de protéger les douaniers mais qu’ils frappent ceux-ci quand ils peuvent les atteindre. Je sais ce fait de personnes qui ont été cantonnées pendant 3 ans près de Maestricht. L’on envoie, pour faire un simulacre de surveillance de la fraude, 3 ou 4 cavaliers qui sont obligés de se retirer dès que les troupes hollandaises font mine de les approcher.

C’est pour écarter toute collision avec celles-ci que l’on envoie des détachements aussi faibles. Chaque fois que des officiers belges ont fait des rapports trop vifs à cet égard, ils ont été éloignés. Aussi les troupes hollandaises font des excursions à 3 lieues au-delà de Maestricht, et l’on punit les officiers qui sont indignes de l’impunité de nos ennemis.

M. le président. - La proposition de M. Desmet tendant à fixer la discussion de la loi sur la péréquation cadastrale, après le vote de la loi sur l’entrée du bétail, va être mise aux voix.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que la chambre veuille bien ne prendre une décision sur cette proposition que demain, afin que nous puissions, mes collègues et moi, nous concerter sur la question de savoir si l’on peut sans inconvénient ajourner l’examen de la loi communale.

M. Desmet. consent à la prorogation demandée par M. le ministre de l'intérieur.


M. Liedts, questeur. - Je demande que la chambre veuille bien prendre une décision sur la proposition de M. Demonceau, afin que l’assemblée autorise la questure à faire réimprimer les projets imprimés dans la dernière session, et dont il ne se trouve plus un nombre suffisant d’exemplaires aux archives,

M. le président. - Je crois qu’une décision de la chambre n’est pas nécessaire. C’est une affaire de ménage qui peut être réglée entre le bureau et MM. les questeurs. (Adhésion.)

M. Raikem remonte au fauteuil.

Projet de loi relatif aux droits sur les bestiaux

Discussion des articles

Article premier

M. le président. - M. Scheyven vient de déposer l’amendement suivant à l’art. 1er :

« J’ai l’honneur de proposer d’établir le droit d’entrée sur les taureaux, bœufs, vaches, taurillons, bouvillons, génisses, ainsi que sur les veaux pesant 30 kilogrammes et au-dessus, de la manière suivante :

« Sur les bêtes pesant 300 kil. et au-dessous, 7 c. par kil.

« Sur les bêtes pesant plus de 300 kil., 9 c. par kil.,

« sans que ce droit puisse, en aucun cas, s’élever au-delà de 60 fr. par tête de bétail. »

M. Scheyven. - D’après le projet de loi que le gouvernement nous a présenté, et auquel la commission s’est ralliée, le droit d’entrée sur le bétail était établi par tête ; ce n’est qu’après une discussion de plusieurs jours que la chambre, sur la proposition de l’honorable M. Dubus, a écarté ce système et y a substitué celui d’établir les droits au poids brut du bétail ; dès lors tous les amendements qui avaient été présentés jusque-là, en ce qui concerne les droits par tête, sont restés sans effet, et nous sommes en présence d’un nouveau système.

De toutes les discussions qui ont eu lieu, il me semble résulter que la chambre veut accorder une protection à l’industrie agricole en augmentant les droits d’entrée sur le bétail ; ce qui le confirme, c’est que, dans la séance de samedi dernier, elle a décidé qu’il y aura des modifications au tarif existant, ce qui supposé une augmentation, personne n’ayant demande une diminution ; je n’entrerai donc pas dans ces hautes questions d’économie politique, dont les différents orateurs se sont occupés dans les séances précédentes ; je prendrai pour point de départ la discussion de la chambre.

Le projet du gouvernement avait fixé les droits d’entrée à 50 francs par tête sur les taureaux, bœufs et vaches, et je pense qu’il n’est pas dans l’intention de la chambre d’aller au-delà.

Depuis que la nouvelle base de percevoir les droits au poids brut a été adoptée, deux amendements ont été présentés. Le premier par l’honorable M. Dubus, qui fixe les droits à 8 centimes, et l’autre par l’honorable M. Desmet, qui les fixe à 10 centimes par kilogramme. C’est en calculant la portée de ces amendements que j’ai cru m’apercevoir qu’ils n’atteindront pas le but que leurs auteurs ont eu en vue, et voici pourquoi.

Personne ne tient en doute que le bétail que produit notre pays surpasse de beaucoup celui nécessaire à la consommation intérieure ; on veut donc, pour empêcher l’importation, augmenter les droits d’entrée sur celui qui nous vient de l’étranger, et par là accorder une protection à l’agriculture. On importe de la Hollande un nombre considérable de bétail tant gras que maigre, mais l’importation de l’un et de l’autre, c’est-à-dire du bétail gras et du bétail maigre, ne nuit pas également à l’industrie agricole. On n’en a pas, me semble-t-il, suffisamment senti la différence.

Quant au premier, la valeur, proportion gardée du poids, est beaucoup plus élevée que celle du second : une livre de viande du premier se vend plus cher qu’une livre de viande du second, ainsi que des taurillons, bouvillons, génisses et veaux, de sorte qu’ayant admis les droits au poids, il ne serait pas juste d’imposer les objets de même nature d’un droit égal alors qu’ils sont d’une valeur différente : ç’a été aussi le motif principal pour lequel la chambre a rejeté la base de fixer les droits par tête de bétail.

Une autre considération que je crois non moins puissante pour établir une différence de droits pour le poids de chacun d’eux, est celle-ci. Le bétail maigre n’a que peu de valeur, ce n’est que quand il est engraissé, qu’il en acquiert, parce qu’alors seulement il est livré à la consommation : c’est donc l’agriculteur et le distillateur qui l’engraissent, qui en tirent leur profit, et nullement l’étranger qui le vend ou qui l’importe dans notre pays, tandis que le bétail gras, aussitôt entré, est livré à la consommation, sans que ni l’agriculteur ni le distillateur en retire le moindre avantage.

Cette opinion me paraît aussi conforme au système de douane généralement adopté. L’on trouve dans la plupart des tarifs que la matière première est moins imposée à l’entrée que celle perfectionnée, ou apprêtée pour être livrée à la consommation : pour ces motifs j’ai cru qu’il serait juste et en même temps favorable à l’industrie agricole qu’il existât une différence, quant aux droits d’entrée, entre le bétail gras et le bétail maigre, entre les bouvillons, taurillons, génisses et veaux, et que ces derniers ne soient pas frappés du même droit que le premier en proportion du poids.

J’ai proposé 7 centimes par kilogramme pour ceux pesant 300 kil. ou au-dessous. J’ai pris le chiffre de 300, parce que l’on ne peut pas considérer comme bétail gras les taureaux, bœufs et vaches dont le poids brut n’excède pas ce chiffre ; dans cette catégorie tomberont aussi les taurillons, bouvillons, génisses et veaux, parce que leur poids excédera rarement celui de 300 kilog. J’ai cru pouvoir l’assimiler au bétail maigre, puisque la valeur de la viande n’est pas égale à celle des bœufs ou vaches gras : d’ailleurs on n’en importe pas beaucoup, à ce que l’on m’a assuré. J’ai fixé, comme je l’ai dit, 7 centimes par kil. pour ceux- ci, puisque ce droit ne peut jamais excéder celui établi par le tarif encore en vigueur, où les droits sont fixés à 10 fl. par tête.

Quant au bétail gras, c’est-à-dire ceux pesant au-delà de 300 kil., j’ai proposé 9 centimes par kil. : par là j’ai tâché de me rapprocher des droits établis par le tarif de 1822 ; cependant je n’ai pas voulu que les droits pussent en aucun cas excéder le chiffre de 60 fr. établi dans le tarif du projet par tête, aussi je ne pense pas qu’il entre dans les intentions de la chambre d’aller au-delà.

En ce qui concerne les veaux pesant moins de 30 kil., j’appuie la proposition de l’honorable M. Desmet, qui consiste à n’établir qu’un droit de balance, un droit de 50 centimes par tête, parce qu’on achète les veaux au-dessous de ce poids alors qu’ils n’ont que 4 à 6 jours en Hollande, pour les engraisser dans notre pays ; on les achète 4 à 5 fr. De Weert dans la province de Limbourg, on transporte au moins 50 à 60 veaux gras par semaine à Liége, où on les abat ; ce sont tous des veaux venant de la Hollande, et qu’on a engraissés dans le pays.

M. Lardinois. - La lecture de mon amendement suffit, messieurs, pour vous faire connaître que mon but est de maintenir approximativement le droit actuel sur le gros bétail. Je ne veux pas entrer dans les considérations générales ; celles que quelques orateurs ont fait valoir devraient suffire pour faire rejeter la loi.

J’examine la question uniquement sous le rapport de l’agriculture, et je prouverai son insignifiance et même son inutilité, quant à cette branche de la fortune publique.

Il est bon de rappeler que les documents statistiques nous ont manqué pour éclairer la question ; je ne puis donc raisonner que sur les données de M. le ministre des finances, et je laisserai de côté les chiffres de M. Smits, quoiqu’ils combattent puissamment les premiers.

Le seul document produit par M. le ministre nous apprend qu’il est entré, en 1834, 21,341 animaux estimés à une valeur de 2,375,834 fr., que nous recevons en échange d’autres produits.

Il admet aussi que la Belgique possède une richesse en gros bétail de 880 mille têtes et que notre consommation réunie à nos exportations s’élève à peu près au quart, soit à 220 mille têtes.

J’estime que la Hollande introduit 6,000 têtes de gros bétail ; c’est sans doute le maximum, puisque le chiffre total de M. le ministre des finances n’est que de 5,706 taureaux, bœufs et vaches sur toute notre ligne frontière.

Ainsi nous trouvons que :

220,000 têtes à 800 livres donnent 176,000,000 de livres.

220,000 têtes à 300 francs donnent 66,000,000 de fr.

6,000 têtes à 800 livres donnent 4,800,000 livres.

6,000 têtes à 300 francs donnent 1,800,000 francs.

De ces chiffres je tire les conséquences suivantes : Sur 176,000,000 de livres il entre en concurrence pour 4,800,000 de gros bétail hollandais, soit un trente-huitième, c’est-à-dire que sur 37 bœufs, vaches ou taureaux que nous présentons à la consommation, il s’en trouve un nourri par la Hollande.

Sur une valeur de 66,000,000 de francs, la part de la Hollande est de 1,800,000, c’est-à-dire qu’elle y participe sur nos marchés pour un trente-septième de la valeur.

Une population de 4,000,000 d’habitants consomme 176,000,000 de livres de gros bétail, ce qui fait une dépense annuelle de 44 livres à 37 centimes ou 16 francs 28 centimes par individu. Sur cette somme la Hollande perçoit 40 centimes environ.

Maintenant voyons de quel bénéfice est privé le producteur belge par cette concurrence étrangère.

J’ai dit que 220,000 têtes de gros bétail représentent une valeur, suivant les évaluations du ministre, de 66,000,000 de francs, et en estimant le bénéfice à 10 p. c., cette industrie rapporte 6,600,000 fr.

Dans cette supputation, le contingent de la Hollande est de 1,800,000, soit 180,000 fr. de bénéfice, en supposant que le vendeur hollandais puisse atteindre le même taux de profit que le producteur indigène, lorsqu’il doit payer un droit d’entrée élevé et les frais de transport.

Ainsi, sur 6,600,000 fr. de bénéfice, la Hollande enlève aux producteurs belges 180,000 fr. ; et en supposant que cette perte soit répartie sur 180,000 propriétaires fonciers, fermiers et cultivateurs producteurs de bétail, cela faut un sacrifice annuel d’un franc par personne intéressée.

Vous voyez donc que la prétendue perte qu’éprouve l’industrie agricole n’est que de 180,000 francs ; mais remarquez, messieurs, que je n’ai raisonné que dans l’hypothèse que les évaluations du ministre soient exactes, et si j’avais opté pour base de mes calculs les documents officiels de la France, qui évalue une vache à 110 francs, cette perte imaginaire serait réduite au tiers, c’est-à-dire de 60 à 70,000 francs.

Voilà, messieurs, des faits et des chiffres. Je vous le demande, justifient-ils tout ce que l’on a dit sur le préjudice que l’introduction du bétail hollandais cause à notre agriculture ? Justifient-ils la loi qui vous est proposée, aggravée par la commission d’industrie et armée de toutes ses dispositions vexatoires ?

Beaucoup de membres répugnent à ces mesures ; mais si on adopte le principe de la loi, je crois qu’elles seront alors indispensables, parce que les lois fiscales ne sont pas, de leur nature, paternelles mais au contraire elles sont gênantes, vexatoires et arbitraires, si l’on veut rendre l’impôt productif et empêcher en partie la fraude.

A entendre les organes du gouvernement, la perte est bien plus considérable ; c’est, dit le ministre des affaires étrangères, un tribut de trois millions que l’on paie à la Hollande. Je ne sais comment on peut avancer une pareille opinion : car il faudrait, pour qu’elle fût juste, que nous donnassions une valeur double de ce que nous recevons.

A la vérité, dans une séance subséquente, le même ministre a donné pour motif le côté moral de la loi. Je conviens que ce projet est populaire, mais il est à observer qu’une opinion appuyée sur des idées fausses ne doit pas être soutenue ; il appartient à la législature de donner l’enseignement au peuple, et non pas à caresser ses erreurs ou ses caprices.

En définitive, messieurs, ces mesures que l’on propose en faveur de l’agriculture, ne sont prises qu’aux dépens des salaires des travailleurs, ne profilent qu’aux propriétaires fonciers, c’est-à-dire à la plus petite partie de la société.

Je vous avoue que si la loi avait été proposée dans un but purement politique en conservant les principes saufs, j’aurais pu comprendre cette mesure ; mais comme la question a été amenée sur le terrain des systèmes, j’ai voulu unir ma voix à celle des partisans des libertés en matière de douanes, et vous donner les motifs de mon vote réprobatif.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il n’entre pas dans mes intentions de reprendre la discussion générale qui a déjà été close deux fois. Je me contenterai d’examiner l’objet en discussion, c’est-à-dire quel est le taux de l’impôt à établir par kilogramme.

Je dirai seulement que l’on attache à la question soulevée par la loi une importance qu’elle n’a pas. Il semblerait que c’est une question de principes que nous allons décider, que nous allons établir un système tout nouveau en matière de douanes, tandis que nous ne vous proposons, messieurs, qu’une loi spéciale qui ne concerne qu’une partie de nos frontières. Dès lors, je ne comprends pas l’importance que certains membres attachent au résultat de nos délibérations actuelles.

M. Lardinois vient de vous présenter un amendement qui fixe à 6 centimes le droit par kilogramme. Cet amendement tend à réduire de beaucoup le droit tel qu’il est fixé aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il est tout à fait opposé au but de la loi. Si un pareil amendement était adopté, il faudrait nécessairement retirer le projet, puisque la position des intérêts que nous défendons serait plus défavorable que sous la législation actuelle. Je ne crois donc pas qu’il y ait lieu de combattre cet amendement, qui n’est rien autre chose qu’une question préalable présentée d’une manière détournée.

Je vais examiner l’amendement présenté par l’honorable M. Scheyven. Il propose d’établir un droit de 7 centimes sur les animaux qui ne pèsent pas plus de 300 kilogrammes, et un droit de 9 centimes sur les animaux plus pesants.

L’honorable membre a été dirigé dans la présentation de son amendement par cette considération que les bêtes maigres se trouvent exclusivement dans la catégorie qu’il désigne : c’est là une erreur. Il arrive très souvent que des bêtes pesant moins de 300 kilogrammes sont grasses et propres à être livrées à la boucherie. Ainsi le fait sur lequel est basée la première partie de l’amendement est loin d’être concluant, et il n’y aurait aucune justice à faire payer aux introducteurs de bétail étranger un droit proportionnellement moindre, parce que les bêtes qu’ils importeraient pèseraient moins de 300 kilogrammes.

D’ailleurs, admettre ainsi deux chiffres, deux espèces de droits sur le même objet dans un tarif de douanes, ce serait introduire dans la loi des complications qu’il est toujours bon d’éviter quand il n’y a pas de motifs suffisants pour le faire. Ces complications peuvent donner lieu à des errements et à des abus.

L’honorable M. Scheyven propose pour les bestiaux d’un poids supérieur à 300 kilogrammes, un droit de 9 centimes par kilogramme.

Ce droit, ainsi que celui proposé par l’honorable M. Dubus qui est de 8 centimes, seraient moyennement au-dessous du droit établi par la loi en vigueur avant 1830, lequel était de 42 francs par tête ; cependant nous sommes assez d’accord sur ce point, qu’il faut au moins en revenir à la loi de 1822.

Si l’on calcule à combien reviendra par tête un droit de 8 centimes par kil., on obtient un droit total de 32 francs pour un poids moyen de 400 kilogrammes. (Et notez bien que cette moyenne est très forte.) Ainsi, à 8 centimes par kil., le droit sera inférieur de 10 fr. à celui de 1822. A raison de 9 centimes, on n’obtiendrait encore qu’un droit de 36 fr. par tête, inférieur encore à celui de 1822.

Le but de l’honorable M. Dubus, en présentant son amendement, a été principalement de faciliter l’introduction du bétail maigre, afin de faciliter l’industrie des engraisseurs de bestiaux ; or, les bêtes maigres des plus fortes dimensions (si je puis m’exprimer ainsi) dépassent rarement un poids de 250 kil. ; si vous adoptiez l’amendement de l’honorable M. Dubus, vous ne voteriez qu’un droit de 20 fr. par tête pour le maximum du poids des bêtes maigres, maximum inférieur même au droit de 21 francs qui existe actuellement. Ainsi, au lieu d’augmenter le droit, comme c’est notre intention, vous le diminueriez réellement.

Ainsi les amendements qui proposent un droit de 8 et de 9 centimes par kilogramme ne doivent pas être admis. Si je ne croyais pas m’apercevoir que l’intention de la chambre est de fixer un droit raisonnable qui protège notre industrie, par une tactique parlementaire, très souvent employée en pareil cas, je me rallierais d’abord à l’amendement de l’honorable M. de Mérode, qui fixe un droit de 12 centimes, sauf à me rabattre ensuite sur l’amendement de M. Desmet. Mais je préfère me rallier immédiatement à ce dernier amendement, qui propose un droit très modéré. J’espère par cette déclaration amener la fin de la discussion qui a déjà été extrêmement longue et qui est, selon moi, amenée au point que chacun doit avoir ses apaisements, de manière à pouvoir, sans discussion ultérieure, voter sur chacun des taux proposés par les amendements.

Je ne ferais pas cette observation si la matière n’avait pas été plus que suffisamment éclaircie ; mais au point où en est arrivée la question, il faut nous hâter de voter. Eu égard au peu de jours qui nous séparent du renouvellement de l’année, époque avant laquelle d’importants projets de loi doivent être votés, il devient urgent de terminer le plus tôt possible l’examen de la loi qui nous occupe en ce moment.

La chambre me pardonnera cette digression ; je ne l’ai pas faite dans un esprit de critique, mais uniquement dans l’intérêt de nos moments précieux.

M. Rogier. - Si le temps a été perdu, si des travaux très urgents ont été mis en suspens pour examiner la présente loi, ce n’a pas été notre faute à nous qui ne regardions pas le projet comme indispensable. Mais l’on a voulu le discuter immédiatement, quoique nous n’eussions aucun des renseignements nécessaires pour l’examiner en connaissance de cause.

Malgré mon désir de voir clore une discussion qui, sans doute, a duré fort longtemps, mais que nous regardons comme très importante à cause des principes généraux dont la loi consacre l’application, je ne puis m’empêcher de m’élever contre la nouvelle proposition qui vient d’être faite. Je ferai remarquer que nous ne connaissons que depuis un instant l’opinion du ministère dans le nouveau système adopté par la chambre.

L’aveu de M. le ministre des finances nous révèle qu’il se prononce pour un droit de 10 centimes par kil. Je trouve ce droit exorbitant, si on le compare, je ne dirai pas au droit actuel, ni même au droit du tarif de 1822, mais au droit proposé par le ministre lui-même qui était de 30 fr. par tête de bétail.

Je vais vous montrer que dans beaucoup de cas le droit sera porté à 60 et 70 francs. Le ministre annonce bien que la plupart des bêtes grasses ne s’élèvent pas au-delà du poids de 400 kilog. ; mais consultez des marchands, des bouchers : ils vous diront que le poids de beaucoup de bêtes grasses s’élève à 6 et 700 kilog.

- Plusieurs voix. - Oh ! oh !

M. Rogier. - Il ne s’agit pas de se retrancher ici derrière des connaissances agricoles ; j’ai consulté des gens pratiques, des marchands ; je leur ai demandé de quel poids sont les bêtes grasses qui se vendent au marché, et ils m’ont répondu : Communément de six à 700 kilog.

- Plusieurs voix. - C’est une erreur.

M. Rogier. - Je soutiens que les vendeurs de bestiaux que j’ai consultés, et j’en ai consulté de plusieurs localités, m’ont tous dit que leurs bêtes grasses étaient d’ordinaire de 6 à 700 kil. Eh bien, sur une bête de 700 kil., si vous adoptez le chiffre de M. Desmet, le droit sera de 70 francs, 20 francs de plus que le droit primitivement proposé par le gouvernement, et que le ministre des finances a trouvé trop élevé, puisqu’il a dit qu’il se rallierait au chiffre de 40 francs proposé par M. Dubus. Sur des bestiaux de 600 kil, le droit sera de 60 fr. ; sur des bestiaux de 500 kil, il sera de 50 fr., et enfin pour les bêtes de 400 kil., nous arrivons au droit auquel on s’était rallié, au droit de 40 fr.

Je trouve donc que le taux de 10 centimes est exorbitant et hors de proportion avec ce qu’on nous avait proposé et annoncé jusqu’à présent,

Par les mêmes raisons, je trouverai le droit proposé par M. Dubus aussi trop élevé, puisque, dans certains cas, il dépassera encore le taux de 1822, taux dans lequel l’honorable M. Dubus avait voulu se retrancher. Je sais que dans certains cas, pour des bêtes d’un faible poids, le droit descendra au-dessous de 40 fr. ; mais pour les bêtes grasses, pour les bêtes achetées par les bons bouchers, il dépassera le taux du tarif de 182.

J’ajouterai, bien qu’on ait accueilli par des murmures ironiques les paroles de M. Verdussen, lorsque dans la dernière séance il a fait cette observation, que dans une bête tout n’est pas viande et profit, qu’il y a du déchet et dût-on rire encore (je ne demande pas mieux que de voir la chambre gaie et s’amuser), je dirai que sur une bête de 600 kil. il y a 100 kil. au moins de déchet et de perte.

M. A. Rodenbach. - Ce que vous dites là est très vrai.

M. Rogier. - Je suis bien aise de tomber d’accord une fois avec M. A. Rodenbach.

Il est donc vrai que, sur les bêtes de 600 kilog., le droit sera encore de 48 fr., y compris 8 fr. pour les 100 kilog. de déchet.

J’en viens au chiffre proposé par M. Lardinois, qu’on a repoussé comme réduisant le droit à un taux plus bas que le droit actuel. Rien n’était plus simple que de faire une vérification qui aurait prouvé que, dans certains cas, le droit au taux de 6 centimes sera le double du taux actuel.

Je m’arrête à votre chiffre de 400 kilog., bien que je persiste à soutenir que le poids ordinaire des bêtes grasses soit de six à sept cents kil. Pour une bête de 400 kilog., le droit sera de 24 fr. ; pour une bête de 500 kil., il sera de 30 fr. ; pour une bête de 600 kil., 36 fr., et pour une bête de 700 kil., 42 fr.

Vous voyez donc que le chiffre de 6 c. n’est pas chose illusoire, c’est un droit encore très élevé : et, quant à moi, je n’en voudrais pas ; mais je m’y rallierai parce que j’aime mieux appuyer quelque chose de moins mauvais que de laisser passer quelque chose de très mauvais. Mais, je le répète, le droit de 6 c. élèverait et doublerait, dans certains cas, le droit actuel.

Il est une observation générale qui ne doit pas être perdue de vue. De quel poids l’honorable M. Dubus est-il parti pour établir le droit au poids et s’arrêter à un droit modéré, comme il en a exprimé l’intention ? Il a dit que d’abord il voulait faire une distinction entre les bêtes grasses et les bêtes maigres pour ne pas les frapper toutes du même droit. Ensuite, il a dit que dans un moment où des transactions commerciales pouvaient avoir lieu avec la France, il était bon de poser une limite qui nous serait favorable dans les rapports à établir avec ce pays.

Remarquez que le tarif que nous élevons contre la Hollande, nous le dirigeons contre nous à la frontière française. Plus donc nous élevons notre tarif sur la frontière hollandaise, plus nous nous exposons à voir élever les droits sur la frontière française, puisque, d’après l’honorable M. Dubus, il s’agissait d’établir un tarif qui serait adopté par la France.

Je dis donc que dans l’intérêt de nos exportations pour la France, il importe que notre tarif soit le moins élevé possible. Si le tarif proposé par M. Dubus était adopté, pour une bête de 600 kilog. le droit s’élèverait à 48 francs.

Les bêtes que nous introduisons en France, sont frappées du même droit à peu près ; il n’y a que 2 francs de différence. Que pourrions-nous aller demander à la France ? sur quoi pourrions-nous baser une demande de diminution du droit ? de quel front irions-nous demander une déduction de son tarif alors qu’aujourd’hui, à l’instant même, où il paraît qu’on s’occupe de transactions commerciales avec cette puissance, nous déclarons qu’il est indispensable pour protéger notre agriculture d’élever notre tarif aussi haut que le sien ?

M. A. Rodenbach. - C’est contre nos ennemis que nous élevons notre tarif.

M. Rogier. - Le gouvernement est convenu que ce n’était pas un tarif dirigé contre nos ennemis. Je suppose qu’en France on voie les choses plus généralement, et je pourrais même dire plus généreusement. On n’examinera pas si le tarif destiné à protéger votre bétail est dirigé ou non contre nos ennemis. (Mouvement.)

Comme, en fait de patriotisme, je crois pouvoir soutenir la comparaison avec les plus forts et les plus chauds partisans de la loi, je continuerai à dire franchement ce que je crois dans l’intérêt du pays, dût-on dire, de certain côté de cette chambre, que je soutiens des intérêts antinationaux. (Interruption.)

Je dis donc que le tarif que nous ferions contre la Hollande, nous le dresserions contre nous du côté de la France.

Je sais que ce que je dis n’aura pas grand effet sur l’esprit d’un très grand nombre de membres, mais cela ne m’empêche pas de dire ce que je crois utile. Plus tard, on verra si nous nous sommes trompés. (Nouvelle interruption.)

- Plusieurs membres. - Silence ! silence !

M. Liedts. - M. le président devrait faire son devoir.

M. le président. - Vous dites ?

M. Liedts. - Je regrette de devoir le dire : depuis que M. Rogier a commencé son discours, il a été interrompu à chaque instant. M. le président devrait faire faire silence.

M. le président. - J’ai prié plusieurs fois de ne pas interrompre ; si on a continué, ce n’est pas ma faute : je ne sais quel moyen je pourrais employer pour l’empêcher.

Plusieurs membres (s’adressant à M. Rogier.) - Continuez ! Continuez !

M. Rogier. - Il est impossible de suivre et de développer une idée, quand on est sans cesse interrompu. Je ne continuerai pas.

M. de Jaegher et M. Vandenbossche demandent la parole.

M. de Jaegher. - Divers amendements ont été présentés sur l’article premier. Depuis trois jours je me suis fait inscrire pour émettre mon opinion sur un amendement. J’avais basé cette opinion sur des considérations qui se rattachent à la discussion générale de l’article ; mais comme les interruptions successives qui ont accueilli quelques orateurs sont peu encourageantes, je demande d’avance la permission d’entrer dans ces développements, parce que si on a l’intention de m’interrompre, j’aime mieux renoncer à prendre la parole et me borner à voter pour l’amendement qui se rapprochera le plus de mon opinion.

- Plusieurs membres. Parlez ! parlez !

M. de Jaegher. - Que mes idées en économie politique paraissent incomplètes ou viciées, je ne suis pas partisan d’un système exclusif qui ne reconnaît aucun cas où une industrie indigène doit jouir du bénéfice d’un tarif protecteur.

Quand une industrie n’est pas exotique, si je puis me servir de cette expression, c’est-à-dire quand cette industrie repose sur des éléments de prospérité spécialement inhérents au pays, une protection modérée et temporaire, pour avoir été momentanément nécessaire, devient en effet superflue dès que, par le perfectionnement des machines, la simplification de la main-d’œuvre et la diminution des frais généraux par leur répartition sur un plus grand nombre d’articles fabriqués, la concurrence intérieure a fait baisser les prix des produits jusqu’au taux auquel les livre l’étranger ; mais le même moyen, appliqué à l’industrie agricole, doit-il bien avoir le même effet, et la nature du remède demandé démontre-t-elle qu’on s’est ou non bien rendu compte des causes du mal ? Voilà ce dont je doute.

Depuis vingt ans et plus, l’agriculture se plaint ; ses plaintes se font entendre au sein d’un pays où le sol n’est pas ingrat, où le cultivateur est sobre et laborieux, où sa supériorité dans son genre d’industrie le rend l’objet de l’admiration de l’étranger, et néanmoins elles sont fondées.

Le paysan locataire, surtout le petit ménager, travaille comme un esclave, dépense peu et pourtant, à la fin de chaque année, il se sent heureux s’il s’est soutenu à la même hauteur : le plus souvent il a rétrogradé. Le vil prix des céréales nous ruine, le bétail ne se vend pas favorablement ; voilà comment ces braves gens s’expliquent leurs souffrances, c’est-à-dire les prix qui suffisent pour encourager le commerce des grains du Nord et de bétail de l’Allemagne et de la Hollande, nous laissent à peine un bénéfice assez fort pour subsister.

L’agriculteur du Nord n’est pourtant ni plus actif ni plus industrieux ni plus sobre ; ce doit donc être sur ses frais d’établissement qu’il trouve l’avantage sur les nôtres, ou, en d’autres termes, c’est donc l’élévation du prix de nos terres qui rend seule difficile à soutenir la concurrence avec les produits du Nord.

Sous l’empire de ce fait, il en est néanmoins un autre digne d’attention : le bonnier de terre qui se vendait il y a 20 ans 2,000 fr., se vend aujourd’hui 4,000 ; une pièce de terre est-elle présentée en vente, c’est dans le cultivateur propriétaire que le capitaliste trouve le plus redoutable concurrent ; oui, seulement il achète mais il achète à tout prix. Je vous citerais des terres situées loin de toute population agglomérée, récemment achetées au prix exorbitant de 24 francs la verge locale, ce qui équivaut à 7,500 fr. le bonnier métrique.

Le capitaliste subit le contrecoup de cette surévaluation de la propriété agricole ; il achète cher, il doit louer cher aussi ; la concurrence le pousse, sans qu’il le cherche, à augmenter ses baux, et c’est ainsi que les terres qui se louèrent 60 francs il y a 20 ans, se placent aujourd’hui à 120 ; d’un côté donc on ne peut pas vendre les produits à un taux assez élevé pour en tirer un bénéfice convenable, et d’un autre on en augmente successivement les prix de revient.

Pour s’expliquer de pareils faits, et concilier ces plaintes incessantes de l’agriculture avec cette hausse continue du prix des terres, il faut se rendre compte de l’accroissement progressif de la population, et de la pénurie de terres qui dans certaines parties des Flandres en résulte.

Une pièce de terre y devient-elle disponible en location, vingt personnes se présentent et renchérissent à l’envi ; les locations publiques des biens d’établissements communaux, dans lesquelles les baux sont poussés parfois jusqu’au taux de 200 et 250 francs le bonnier métrique, font foi de ce que j’avance.

Comment s’étonner dès lors que le locataire lutte avec peine contre le bas prix des céréales ? Je dis le locataire, parce que, quoi qu’on en dise, il n’y a que lui qui souffre ; le fermier propriétaire non seulement ne se plaint pas, mais prospère.

On a adopté une loi pour faire hausser le prix des céréales ; on va en adopter une pour faire hausser celui du bétail : eh bien, messieurs, vous aurez, en augmentant la valeur des denrées, frappé un impôt permanent sur le consommateur ; mais la partie souffrante des cultivateurs, celle qui réellement devrait jouir d’un meilleur sort, ne profitera ni de l’une ni de l’autre, parce que derrière chacun d’eux se tiennent vingt rivaux calculant jusqu’à la dernière paille qu’il peut retirer de sa terre pour hausser sur le prix de son bail ; parce que chaque mesure qui attribue une plus grande valeur à ses produits, a pour effet immédiat aussi d’augmenter dans une égale proportion ses frais de production, en donnant une plus grande valeur à la terre, et de rendre par conséquent plus difficiles encore les moyens de soutenir la concurrence étrangère.

Ce n’est pas dans le bas prix de vos denrées que gît le mal ; ce prix est déjà trop élevé, puisque l’étranger peut vous livrer aussi bonne marchandise à meilleur compte ; c’est dans la trop forte élévation du prix de ses terres qui est hors de toute proportion avec celle des pays avec lesquels il faut soutenir la concurrence ; c’est dans la tendance manifeste qu’elle a à accroître encore.

Livrez à vos agriculteurs les marchés d’un territoire deux fois aussi peuplé que la Belgique, et les mêmes motifs de plaintes renaîtront dans une période donnée, parce que celui qui exploite n’est qu’exceptionnellement celui qui possède ; parce que le prix des denrées servira toujours de base à celui du sol qui les produit, et que derrière chaque exploitant se trouvera toujours un enchérisseur.

On m’objectera : Que nous importe le prix de l’étranger ! nous ne devons pas sacrifier notre marché intérieur. C’est précisément parce que je ne veux pas le sacrifier que je redoute les effets d’une majoration de droits, effets inverses de ceux qu’on en attend.

Les prohibitions, quelque vogue qu’on veuille encore leur prêter, n’en disparaissent pas moins insensiblement. Les peuples, plus éclairés sur leurs véritables intérêts, commencent à mieux s’entendre, et l’époque n’est peut-être pas éloignée où l’on nous proposera l’accession au système de douanes d’un pays voisin. Si les intérêts généraux et l’industrie réclament cette accession, l’agriculture devra bien céder ; si alors ses produits se trouvent, grâce à vos lois de prétendue protection, hissés sur une échelle d’évaluation et de prix de revient disproportionnés avec ceux de l’étranger, la perte de votre marché sera la conséquence immédiate de l’abaissement des barrières, ou le prix des terres devra immédiatement être réduit à des proportions plus analogues à celui de l’étranger. Alors il y aura véritable motif de plainte, parce que l’acquéreur sera réellement préjudicié, parce que la propriété sera frappée de dépréciation spontanée.

Messieurs, les considérations que j’ai eu l’honneur de vous développer me porteraient à me prononcer contre tout nouveau pas dans cette voie au bout de laquelle est cachée la ruine sous l’apparence d’une prospérité factice ; mais, dans notre situation actuelle vis-à-vis de la Hollande, des considérations politiques me feront seules adopter une majorations de droit sur le bétail pour les bureaux longeant ses frontières. Je ne me prononcerai toutefois que pour les amendements qui joindront en principe la modération du droit à l’énergie des mesures de répression de la fraude.

M. Verdussen. - Lorsque l’honorable M. Rogier m’a fait l’honneur de prononcer mon nom et de rappeler ce que j’avais dit à la dernière séance, qu’il y avait d’un quart à un tiers de déchet, de la bête sur pied à la viande dépecée, quelques honorables membres ont dit que j’avais exagéré. C’est une erreur que je viens rectifier. L’opinion que j’ai émise, je la fondais sur la connaissance que j’avais acquise quand j’étais membre du conseil provincial et du conseil communal. A cette époque, j’avais cru utile de m’occuper de cet objet, et je connaissait le rapport qu’il y avait entre la viande sur pied et la viande dépecée.

J’ai pris des renseignements sur ce qui se passe dans la ville principale de la Belgique, à Bruxelles même. Une bête sur pied paie 22 fr. d’octroi. Je prends pour le poids de la bête 440 kilog. Je trouve ensuite que la viande dépecée paie à l’entrée à raison de 7 centimes par kilog. En appliquant ce droit de 22 fr. au poids de 440 kilog., je trouve que la viande sur pied paie un droit de 5 centimes par kilog. Cherchant ensuite sur quel poids on a calculé pour obtenir le droit de 22 fr. sur la viande dépecée, je trouve 315 kilog. De sorte qu’il y a un déchet de 125 kilog. sur une bête de 440, c’est-à-dire 28 1/2 p.c.

Je vous demande maintenant qui a exagéré, de moi ou des honorables membres qui ont ri de mes observations.

M. Vandenbossche. - Messieurs, l’intérêt de notre agriculture m’eût fait adopter le montant des droits proposés par M. le ministre sans réflexion ultérieure ; mais, vu que sa prospérité semble faire si peu d’impression sur une grande partie des honorables membres, j’ai cru devoir motiver mon vote, qui sera toujours en faveur du chiffre le plus élevé, plus que des considérations m’y déterminent, qui n’ont pas encore été présentées.

Plusieurs des adversaires de la loi prétendent que les droits élevés feraient surenchérir la viande au détriment du consommateur.

Je désirerais un droit de 15 centimes par kilogramme : je suppose ce droit admis, et que la viande dépecée du gros bétail introduit de la Hollande coûte 30 centimes de droit, attendu que je suppose qu’aucun bétail ne sera introduit en fraude. Quelle augmentation subira la viande ? Tous les adversaires de la loi ont soutenu que l’introduction du bétail hollandais ne formait qu’une partie minime à l’égard de la consommation du pays ; mais si on suppose que le bétail introduit conservât son prix et montât au vingtième de la consommation, alors la viande renchérirait de ce chef de 1 1/2 centime par kilogramme, ou 3/4 de centime par livre, ce qui certainement ne sera pas un motif pour qu’un seul boucher dans la Belgique pût vendre sa viande plus cher.

Mais le bétail hollandais baisserait de prix en proportion de ce droit, et ainsi il n’y aurait pas d’augmentation du tout.

Plusieurs adversaires sont convenus qu’il n’y aurait point d’augmentation dans le prix de la viande. Mais, dit-on, si la proportion du bétail étranger est si minime à l’égard de la consommation du pays (car personne ne l’a élevée au vingtième), quel bénéfice procurera la loi ?

La loi procurera le bénéfice : 1° de faire baisser le prix du bétail hollandais ; 2° de favoriser notre industrie agricole contre la concurrence de la Hollande ; 3° de favoriser la consommation du bétail belge à l’intérieur, et d’épargner à nos engraisseurs l’obligation d’envoyer, pour cette quotité, leur bétail à un prix inférieur en France ; car il faut bien remarquer que c’est l’engraisseur qui supporte finalement et les frais de route et les droits établis à l’introduction ; et si la France a nécessairement besoin du nombre de bétail que la Belgique annuellement lui expédie, elle le paiera un peu plus cher, ce qui augmentera l’éducation du bétail en Belgique, éducation que nous ne pouvons trop encourager pour la prospérité du pays ; éducation qui diminue, attendu que beaucoup de fermiers ne trouvent plus de bénéfice à élever du bétail au-delà du nécessaire pour la conservation de leurs étables.

Quant aux chevaux dont on a déjà décidé, mais sur lequel vote il est à revenir, je connais des fermiers qui furent dans l’usage d’avoir 3 ou 4 juments poulinières, et qui à présent ne se donnent plus la peine d’en faire saillir aucune.

On veut protéger notre industrie agricole ; mais un droit de 50 fr. par tête ne protège pas notre éducation de bétail, qui en forme une branche notable. Cinquante francs n’établissent même pas la concurrence entre la Belgique et la Hollande.

L’honorable M. A. Rodenbach a posé en fait (et personne ne l’a contredit) que les prairies grasses (vette weyden) se louent trente florins par hectare en Hollande, tandis qu’en Belgique ces mêmes prairies se louent de 60 à 100 fl. Mais je ne prends que le minimum en Belgique.

Ceci posé, on a besoin d’un hectare de prairie de première qualité pour engraisser deux bêtes de gros bétail ; ainsi, engraisser une bête de gros bétail coûte à l’engraisseur hollandais 15 fl., et 30 fl. à l’engraisseur belge. Donc, de ce seul chef, le Hollandais peut vendre son bétail à quinze florins meilleur marché que le Belge. Mais l’éducation des animaux, jusqu’au temps qu’on les engraisse, coûte au moins dans la même proportion, et on peut largement évaluer la différence du coût de leur éducation à la même somme, d’où il suit que le gros bétail gras hollandais peut se vendre 50 fl. meilleur compte que celui de même qualité élevé et engraissé en Belgique, et procurer à son propriétaire vendeur le même bénéfice.

Si on impose donc un droit de 63 francs par tête sur les bœufs, les vaches grasses et taureaux de la Hollande, on n’établit pas une protection pour l’industrie agricole de la Belgique, on ne fait qu’établir une simple concurrence. Tout ce qu’on établirait de moins serait protéger cette industrie de nos voisins aux dépens de la Belgique, notre commune patrie.

15 centimes par kilogramme forment, d’après les uns, 60 fr. ; d’après les autres, 75 francs par tête. Je prends le terme moyen, en établissant le poids à 450 kilogrammes par tête de gros bétail, bœufs, vaches et taureaux, ce qui formerait 67 francs 50 centimes par tête ; et dans ce cas, je donnerais à notre agriculture une protection de 4 fr. 50 centimes, et on ne pourra certainement pas dire que cette protection est trop forte.

M. A. Rodenbach. - Je dirai à l’honorable député d’Audenaerde qu’il doit savoir qu’en Russie les terres sont infiniment meilleur marché qu’en Belgique, que les impôts y sont moins élevés et que la main-d’œuvre y est pour rien. En Allemagne, dont nous tirons des grains, lorsque notre tarif le permet, les terres sont encore infiniment meilleur marché qu’ici. Nous devons considérer l’élévation de l’impôt, le prix des terres et de la main-d’œuvre, quand nous établissons un droit protecteur, si nous voulons que notre pays prospère.

Cet honorable membre a comparé la valeur actuelle du bonnier de terre avec celle qu’il avait il y a vingt ans. Je lui ferai observer que ce n’est pas la valeur de la terre, mais la valeur de l’argent qui a changé. En effet, quel est le revenu d’un propriétaire ? Il reçoit 2 ou 3 p. c. Jadis le propriétaire tirait également 2 à 3 p. c. de sa terre. Ainsi, vous voyez que c’est l’argent qui a changé de valeur. Si on voulait voir ce que valait un francs sous Henri IV, on verrait que c’était une tout autre valeur qu’aujourd’hui. Voilà ce qu’il faut considérer. Les arguments que l’honorable membre a avancés sont donc mal fondés.

Les propriétaires ont un revenu certain, il est vrai ; mais le revenu de 3 p. c. qu’ils tirent de leur propriété n’est pas un intérêt usuraire. Dans le commerce on tire de ses fonds 6, 7, 8, 10 et même 15 p. c.

Je crois avoir suffisamment réfuté le discours de l’honorable député d’Audenaerde. Venant à ce qu’a dit l’honorable député de Turnhout, je dirai que je ne partage pas l’opinion qu’il a émise que le poids moyen des bêtes grasses qui nous viennent de l’étranger est de 600 kil. J’ai pris aussi des informations près des marchands de bestiaux ; je leur ai demandé quel était le poids moyen du bétail qui entre de Hollande en Belgique ; ils m’ont répondu que c’était 350 kil. Eh bien, l’amendement de M. Desmet qui fixe le droit à 10 centimes par kil., porterait le taux moyen du droit à 35 fr. Ce n’est pas encore le tarif de Guillaume qui porte le droit à 42 fr. Loin de dépasser le taux de la loi de 1822, nous sommes beaucoup au-dessous. Il me semble donc que l’amendement de M. Desmet doit être adopté.

Nous sommes, dit-on, sur le point de conclure une transaction commerciale avec la France, A cela je répondrai : Quand un article ne se trouve pas chez nous, ou quand nous n’en produisons pas suffisamment, qu’on le fasse venir de l’étranger, je le conçois ; mais nous avons suffisamment de bétail.

Le ministre nous a dit qu’on introduisait 10 mille bœufs de la Hollande ; moi je calcule qu’avec la fraude on nous en introduit 50 mille. Je suis certain que la Hollande nous en introduit pour dix millions au moins. Si on empêche le bétail hollandais d’entrer en Belgique, nos cultivateurs en élèveront davantage ; le Belge mangera de la viande belge au lieu de manger de la viande hollandaise, et le bénéfice restera dans le pays.

Je répète donc que le droit de 10 c. par kilog. n’est pas trop élevé.

Je ferai observer à l’honorable députe d’Anvers que le déchet dont il a parlé n’est pas sans valeur. La peau et la graisse se vendent ; ainsi on ne doit pas considérer ce déchet comme une perte qui fait augmenter le droit sur la viande.

M. Desmaisières, rapporteur. - J’ai demandé la parole pour relever une erreur commise dans l’appréciation des amendements proposés par MM. Desmet er Dubus.

D’après ce qu’on a dit, il résulterait de ces amendements que les droits, en terme général, seraient plus élevés que ceux proposés par le ministre dans son projet primitif par tête. L’honorable M. Rogier a établi ses calculs sur les bêtes du plus haut poids ; alors il est arrivé à un chiffre plus élevé que celui que le ministre avait propose par tête. Mais ce n’est pas ainsi qu’il faut calculer. Je reconnais qu’il y a des bêtes grasses qui pèsent plus de 600 kilog., mais ce n’est pas le plus grand nombre.

Je vois dans le projet de tarif proposé en France que le droit est fixé à sept centimes par kilog., et qu’on stipule, à la demande faite dans l’enquête française par la commission consultative d’Alençon, que dans tous les cas le droit ne pourra jamais dépasser les quatre cinquièmes du droit actuellement existant en France.

Ainsi, si le tarif est adopté, le droit ne pourra jamais dépasser pour les bœufs le taux de 40 fr., pour les taurillons 12 fr., pour les vaches 20 fr., et pour les veaux 2-40. En divisant ces chiffres par 7 centimes, nous trouvons que les poids qui ont servi de base aux calculs des droits proposés sont, pour les bœufs, 570 kilogrammes ; pour les taurillons et les bouvillons 170 kilogrammes ; pour les vaches, 286 kilogrammes, et pour les veaux, 35 kilogrammes.

Le ministre français a cru devoir prendre un chiffre très élevé, parce qu’il s’est aperçu qu’en raison du droit de 50 fr. par tête, les Hollandais introduisaient principalement des bêtes extrêmement pesantes. C’est naturel ; ils trouvaient à cela un très grand profit. Mais je crois que nous pourrions calculer sur un poids moyen de 500 kilogrammes pour les bœufs seulement, et ensuite prendre les bases sur lesquelles s’est fondé le ministère français, relativement aux bouvillons, vaches et veaux.

Nous trouverons, en comparant les droits et le mode proposés par le ministre dans son projet primitif, par tête, avec ceux de MM. Dubus et Desmet, que le droit pour les bœufs, qui était de 50 francs d’après la proposition du ministre, sera, si on adopte l’amendement de M. Dubus, réduit à 40 francs. Il y aurait donc diminution sur le chiffre du ministre. Si on a le chiffre de 10 centimes proposé par M. Desmet, le droit est de 50 francs, chiffre proposé par le ministre dans son projet primitif.

Maintenant, pour les bouvillons et taurillons, c’est ici que vous allez voir le droit proposé par MM. Dubus et Desmet diminuer considérablement le chiffre proposé par le ministre. Nous voyons que le ministre a proposé de fixer à 25 francs le droit pour les bouvillons. Si vous prenez le poids de 170 kilog. qui a servi de base au projet français, et que vous fixiez ce droit à 8 centimes, vous aurez 13-60 au lieu de 25 ; donc réduction de 11-40 sur le chiffre du ministre. Si vous portez le droit à 10 centimes, comme le propose M. Desmet, vous avez 17 francs, ce qui présente encore une réduction de 8 francs sur le chiffre primitivement proposé.

Pour les vaches, le ministre avait proposé 50 fr. comme pour les bœufs. Si vous appliquez les 8 centimes au poids de 285 kil., vous avez 22 fr. 80 c., ce qui fait à peu près le même droit qu’aujourd’hui, et diffère du chiffre proposé par le ministre de 27 fr. 20 c. Si vous adoptez le droit de 10 centimes de M. Desmet vous avez 28 fr. 50 c, ce qui présente encore une réduction de 21 fr. 50 c. sur le droit proposé primitivement par le ministre.

Maintenant, pour les veaux. Le droit proposé par le ministre pour les veaux pesant de 60 à 120 kil. était de 15 fr. ; si vous appliquez le droit de 8 centimes à la moyenne de ce poids, à 85 kil., vous avez 6 fr. 50 c. ; diminution, 8 fr. 20. Si vous admettez le droit de 10 centimes, vous avez par tête 8 fr. 80 c. ; réduction, 6 fr. 50.

Pour les veaux de moins de 60 kil., le droit primitivement proposé était de 10 fr. Si vous prenez le poids de 50 kilog., vous avez avec le droit de 8 centimes 4 fr., différence 6 fr. ; et avec le droit de 10 centimes 5 fr., différence 5 francs. Si vous calculez d’après le poids moyen de 35 kil., adopté en France, vous avez 2 fr. 80 cent, avec le droit de 8 cent, et 3-50 si le droit est porté à dix. Dans le premier cas il y a 7-20 de réduction, et dans le deuxième 6-50.

Vous voyez, en terme général, combien, même en adoptant la proposition de M. de Mérode de fixer le droit à 12 centimes par kilog., vous diminueriez encore le chiffre primitivement proposé.

M. Dubus. - Lorsque j’ai expliqué antérieurement mon opinion sur le tarif, deux questions se présentaient : celle relative au mode le plus convenable de perception de l’impôt, et celle relative à la hauteur de l’impôt. J’ai exposé mes idées sur l’une et sur l’autre question. Un honorable membre a voulu, tout à l’heure, m’opposer mes propres paroles ; mais il a confondu les deux questions ; il a considéré ce que j’avais dit pour établir le mode de perception de l’impôt comme des arguments en faveur du taux de l’impôt ; c’est là une erreur.

J’ai pensé, messieurs, qu’il fallait préférer la perception au poids ; et une des principales raisons que j’ai données à l’appui de cette opinion, c’est que nous avons un très grand intérêt à ce que ce mode soit adopté en France, et que nous agirions politiquement en lui donnant l’exemple. Mais la question relative à la hauteur du droit est autre chose.

Qu’a-je dit sur ce point ? J’ai dit que la France ne trouverait pas étrange que nous opposions notre tarif à la Hollande. De quel front, s’est-on écrié, demanderions-nous des diminutions à la France, si nous augmentons le droit pour la Hollande ! Mais, messieurs, il ne faudra pas pour cela un très grand front : nous ne voulons pas laisser à la Hollande les avantages qu’elle a maintenant sur nous dans les exportations en France, et il me semble que rien n’est plus naturel.

Nous donnons à la France l’exemple d’un droit qui est conforme aux règles de l’équité et qui nous est favorable, puisqu’il rétablit l’équilibre entre nous et la Hollande relativement aux exportations en France. Si le projet de tarif français était adopté, le droit serait de trente-cinq francs environ, en prenant une moyenne ; et le nôtre ne sera que de vingt-et-un francs : nous pourrions donc lui demander encore une diminution de tarif.

Quant à la hauteur du droit, j’ai pensé que nous ne pouvions faire moins que ce qui a été fait par la législature du royaume des Pays-Bas, législature dans laquelle dominaient les partisans du haut commerce et de la liberté illimitée du commerce. Malgré la résistance du haut commerce on a senti dans le pays la nécessité d’établir un droit protecteur de notre agriculture.

Cette nécessité a même été sentie sous le gouvernement autrichien : alors le taux, il est vrai, était beaucoup moindre que celui de 1822 que je propose de rétablir, parce qu’alors tout valait moins qu’actuellement ; et parce qu’alors le système entier des douanes était établi sur une échelle plus basse ; cependant si l’on compare le droit sur le bétail avec les autres droits, on trouvera que proportionnellement il était aussi élevé que celui dont je demande le rétablissement.

Sous le gouvernement autrichien le droit était de 6 florins par bœuf, taureau, vache. Ce droit était perçu en 1690 ; il y a environ 150 ans. Or, six florins feraient une somme assez forte aujourd’hui. On payait moins pour le bétail maigre ; mais, par notre mode de perception au poids, il y aura différence aussi dans le droit, selon les différents bestiaux.

Le gouvernement autrichien favorisait l’entrée du bétail maigre dans l’intérêt des nourrisseurs et des distillateurs. Une semblable disposition occasionnait la fraude ; mais, pour la diminuer, on avait pris le parti de ne laisser entrer le bétail maigre que pendant quelques mois de l’année (de janvier à mai) ; tout le reste de l’année le bétail maigre payait comme le bétail gras. Aujourd’hui nous favorisons aussi l’entrée du bétail maigre, en l’imposant au poids.

On a dit que le bétail maigre ne s’élevait jamais au poids de 300 kilogrammes. Eh bien, en prenant huit ou dix centimes, l’impôt sera peu élevé, et des nourrisseurs et des distillateurs aura l’encouragement nécessaire.

L’honorable M. de Nef veut qu’on établisse un droit, de façon que le bétail maigre paie autant qu’il paie maintenant ; je ne partage pas cette opinion, et je pense que si le droit de huit à 10 centimes est assez élevé pour le bétail gras, à plus forte raison l’est-il pour le bétail maigre.

J’ai désiré, relativement au droit imposé par kilogramme, qu’il fût réglé de manière à revenir à l’impôt établi en 1822, parce que je pense qu’à cette époque on n’avait pas l’intention de rien faire de trop en faveur de l’agriculture et de l’industrie : il aurait été extraordinaire qu’une législation pareille fût sortie d’une pareille législature.

Ainsi, je ne crains aucun risque en demandant que l’impôt soit conservé au même niveau. J’avais supposé une moyenne pour le poids de 500 kilogrammes ; cette moyenne, au dire de personnes que j’avais consultées, paraissait assez bien choisie. Il me semblait, en outre, que c’était celle que les rédacteurs du tarif français avaient adoptée, laquelle a été calculée pour revenir à un droit moyen, de 35 fr. par tête de bœuf gras, de sorte que celui qui voudrait payer 40 fr. par tête serait exempt de la balance ou de payer par poids.

Toutefois, sur ce point je me trouve en présence de deux opinions assez opposées : les uns prétendent que la moyenne serait de 600 kilogrammes, et même de 700 kilogrammes ; les autres soutiennent qu’elle ne serait que de 300 à 350 kilogrammes. Si la moyenne devait être établie, non pas à 500 kilogrammes, mais à 420, alors, pour que je fusse d’accord avec le principe que j’ai posé, ce serait un droit de dix centimes qu’il faudrait percevoir, au lieu d’un droit de huit centimes.

Ceux qui élèvent beaucoup la moyenne, peut-être prennent-ils le poids le plus élevé de certaines bêtes de bétail pour cette moyenne ; et alors ils nous induisent en erreur. Il y a encore une observation qu’il ne faut pas perdre de vue sur ce point ; c’est que le tarif actuellement en vigueur, étant mis sur chaque tête de bétail, favorisait plus particulièrement l’entrée du bétail gras, du bétail gigantesque, si je puis m’exprimer ainsi, puisqu’un bœuf de 1,500 livres ne payait pas plus qu’un autre du poids de 700 livres ; sous l’empire d’une loi qui percevra l’impôt au poids, il entrera des bestiaux de toutes les grosseurs.

Je dois avouer que je ne suis pas bien fixé sur le chiffre qu’il faut choisir. Je ne le prendrai cependant pas en-dessous de huit centimes, ni au-dessus de dix centimes ; ce sera pour l’un ou pour l’autre de ces deux chiffres que je voterai, selon que l’on me montrera que la moyenne se rapproche plus de 450 kilogrammes, ou de 500 kilogrammes. (Aux voix ! aux voix ! La clôture ! la clôture !)

M. F. de Mérode. - J’ai proposé le chiffre de douze centimes, et je voulais ajouter de nouvelles considérations à celles que j’ai développées à l’appui de mon amendement. (Aux voix ! aux voix !)

- La clôture mise aux voix est adoptée.


M. le président. - Plusieurs chiffres sont proposés.

M. de Mérode présente le chiffre de 12 centimes ; M. Lardinois présente le chiffre de 6 centimes ; M. Scheyven demande que le droit soit de 7 centimes pour le bétail dont le poids est en dessous de 300 kil., et de 9 centimes pour le bétail dont le poids est au-dessus de 300 kil., mais de façon cependant que l’impôt ne puisse pas dépasser 50 fr. par tête ; M. Dubus propose 8 centimes ; M. Desmet propose le chiffre de 10 centimes.

Il s’agit de décider à quel amendement on accordera la priorité.

M. Rogier. - Il me semble qu’il y a un amendement à voter avant tout les autres, c’est celui de l’honorable député de Ruremonde qui veut que dans tous les cas le droit ne puisse excéder cinquante francs par tête de bétail.

Je n’examine pas la valeur de l’amendement ; mais il est logique de le mettre d’abord aux voix.

- Le maximum de 50 francs proposé par M. Scheyven, mis aux voix, est rejeté.


M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la proposition de M. Desmet, qui porte le droit à dix centimes par kilogramme.

M. le président. - Je vais mettre aux voix les chiffres les plus bas. (Oui ! oui !)

- Le chiffre 6 centimes par kilogramme, mis aux voix, est rejeté.

- Le chiffre de 8 centimes par kilogramme, proposé par M. Dubus, est rejeté.

- Le chiffre 7 centimes proposé par M. Scheyven pour les bestiaux au-dessous de 300 kilog., est rejeté.

- Le chiffre 9 centimes pour les bestiaux au-dessus de 300 kilog. est rejeté.

M. Liedts. - Je crois maintenant qu’il faudrait mettre aux voix le chiffre 12 centimes, proposé par M. de Mérode, puisque ce chiffre est un amendement. Le chiffre de 10 centimes proposé par M. Desmet ne peut plus être considéré que comme proposition principale, puisque M. le ministre la fait sienne ou s’y rallie.

M. le président. - C’est comme le voudra la chambre.

M. Dubus. - La chambre a toujours suivi pour règle de voter les chiffres de bas en haut, ou de haut en bas sans rompre la série.

M. Gendebien. - Mais si on vote 10 centimes d’abord, on va mettre des députés dans une singulière position.

Par exemple, vous me forcerez à voter le chiffre 10 dans la crainte d’avoir le chiffre 12, quoique je sois convaincu qu’il ne faut ni l’un ni l’autre, et qu’il est nécessaire de laisser les choses dans l’état où elles sont.

- Plusieurs membres. - Ceux qui ne veulent pas du chiffre 10 ni du chiffre 12 voteront contre.

M. Gendebien. - Mais pour n’avoir pas le plus mauvais chiffre, ou le chiffre 12, je préférerais adopter le chiffre 10, et cependant je ne voudrais d’aucun de ces chiffres.

M. Lebeau. - Je ne veux pas non plus du chiffre 10 c. ; cependant je ne crois pas que l’observation de l’honorable préopinant soit fondée. Elle le serait si, après avoir voté provisoirement sur les paragraphes de l’article premier, nous n’avions pas à voter sur son ensemble. En votant sur cet ensemble, quoiqu’on ait coopéré à l’admission provisoire du chiffre 10, on peut voter le rejet de l’article. Cette observation doit satisfaire les scrupules de l’honorable membre.

M. Gendebien. - Je ne veux pas insister ; mais il est très vrai de dire qu’on va me faire voter un chiffre dont je voudrais le rejet et dont je voterai en effet le rejet avec l’ensemble de l’article : c’est ainsi me mettre en contradiction avec moi-même. Quand on vote sur un article, on commence toujours par mettre aux voix les amendements, et surtout celui qui s’écartent le plus de la proposition principale ; cette proposition principale est de 10 centimes dans le cas actuel, puisqu’elle devient la proposition du gouvernement par l’adhésion du ministre.

Vous avez voté sur 6 centimes, puis sur 7, puis sur 8 ; votez maintenant sur 12 et vous reviendrez enfin à 10 centimes. Je ne comprends pas comment il me sera possible de ne pas me mettre en contradiction avec moi-même, si on vote autrement.

M. F. de Mérode. - Je suis dans la même position que M. Gendebien, puisque je veux 12 centimes et non 10 centimes.

- La chambre, consultée, décide que le chiffre de 10 centimes sera le premier mis aux voix.

Le chiffre de 10 centimes, mis aux voix, est adopte à une très grande majorité.


M. le président. - Nous allons passer à la seconde partie de la proposition de M. Desmet : « les veaux qui pèsent moins de 30 kilog. ne paieront que 50 centimes. »

- Cet amendement est rejeté.


M. le président. - La chambre passe à la discussion de l’article suivant du tarif :

« Moutons par tête, 5 fr. »

M. d’Hoffschmidt propose de substituer à ce droit celui de 12 centimes par kilogramme.

M. d'Hoffschmidt. - J’ai déjà, dans une séance précédente, fait valoir quelques considérations en faveur de cet amendement, que l’on a combattu en principe en disant que la loi que nous discutons ne sera applicable qu’aux frontières de la Hollande ; or, je sais fort bien qu’il ne nous vient que fort peu de moutons de la Hollande, et qu’ils sont tous à peu près de la même stature.

Mais si je demande que le mode de perception que vous venez d’adopter soit étendu aux moutons, c’est que premièrement il n’est pas décidé encore si la proposition de la commission ne sera pas acceptée ; d’un autre côté nous voulons par notre exemple prouver à nos voisins que le mode que nous avons adopté est non seulement très juste, mais encore exécutable dans son application et même sans difficultés.

Le droit de 12 centimes par kilogramme que j’ai l’honneur de vous proposer équivaut à celui de 3 fr. 60 c. par tête, le poids moyen des montons qui sont importés ici pouvant se calculer à 50 kil., et je crois ce droit suffisant.

Les suites qui pourraient surgir du rejet de mon amendement seraient que l’on pourrait argumenter en France de ce rejet que le droit à percevoir au poids sur les moutons est trop difficile dans son exécution, et cette conséquence que je considère comme très fausse, pourrait nous nuire infiniment ; voilà pourquoi, messieurs, j’insiste sur ce point. Quant au chiffre de 12 centimes que j’ai présenté, je vous dirai seulement que c’est celui qui a été présenté en France dans le nouveau projet de douanes qui a été soumis à la législature, sans doute après un mûr examen.

M. Mast de Vries. - Le droit de 5 fr. par tête pour les moutons me paraît une conséquence nécessaire de l’impôt que vous avez adopté sur le gros bétail. Le mouton dans le pays est une viande de luxe, ainsi la proposition du préopinant tendrait à imposer une viande de luxe à un taux moins élevé que celle dont se nourrit le pauvre. Cette proposition est inadmissible.

M. d'Hoffschmidt. - Le préopinant ne veut pas qu’une viande de luxe soit moins imposée qu’une autre chair ; je lui ferai observer que je propose pour le mouton un droit de 12 c. et que la chambre a adopté pour les bœufs un droit de 10 c. Ainsi la viande de luxe est plus imposée qu’une autre. Le préopinant doit donc être d’accord avec moi.

M. Eloy de Burdinne. - Je crois que l’on serait dans l’erreur si, en adoptant l’amendement de M. d’Hoffschmidt, on croyait voter un impôt plus élevé sur la viande de mouton que sur d’autre viande ; en effet M. d’Hoffschmidt dit qu’il calcule d’après un mouton de 50 kilog. Mais nous savons que 20 kilog. est la moyenne du poids des moutons. Ainsi le droit de 12 c. par kil. sera un droit de 2 fr. 50 par tête, l’un dans l’autre. Ce serait réduire de moitié la proposition du gouvernement. Je ne crois pas que cette proposition soit admissible.

J’ajouterai que je pense avec M. Mast de Viles qu’il ne serait pas juste que la viande de mouton, qui n’est pas nécessaire à la nourriture du malheureux, fût la moins imposée.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense ainsi que l’honorable préopinant qu’il n’y a pas lieu d’admettre la proposition de fixer le droit sur les moutons à 12 c. par kilog. ; la moyenne de 50 kilog. indiquée pour le poids des moutons est beaucoup trop élevée.

Je me suis opposé dans une précédente séance à ce que l’on adopte le droit au poids pour les moutons, parce que ce mode de perception serait sujet à des difficultés ; et en effet on ne pèse pas aussi facilement un nombreux troupeau de moutons, que quelques bœufs qui passent à la fois par la frontière. A la vérité l’honorable auteur de la proposition nous a dit que l’on pourrait se borner à peser le plus gros et le plus petit mouton de la troupe et prendre ensuite la moyenne, mais je répondrai à cela que si l’on veut se contenter d’une moyenne, autant vaut la porter dès maintenant dans la loi c’est-à-dire admettre le droit par tête, et maintenir ce droit tel qu’il est proposé.

Je crains que l’on n’en finît pas s’il fallait peser les moutons, et souvent il faudrait un jour entier pour peser un troupeau de ces animaux. Il est probable aussi qu’il serait nécessaire d’avoir d’autres instruments que pour peser les bœufs ; or les balances destinés à peser ces derniers devant déjà coûter environ 1,000 fr. chaque, la dépense deviendrait peut-être considérable.

La proposition, dans l’opinion même de son auteur, n’est pas en elle-même d’une grande utilité, car il en considère l’adoption comme destinée uniquement à donner l’exemple à la France : je ne sais si ce pays a besoin de l’exemple de la Belgique pour adopter la mesure déjà proposée ; et si tant est que cette proposition dont on a parlé soit adoptée en France, il est permis de douter que ce que nous aurons fait ici influe sur les dispositions de la loi française.

M. d'Hoffschmidt. - Je vois bien que la chambre n’est pas disposée à adopter mon amendement, peut-être parce que le chiffre que j’ai proposé ne lui convient pas. Mais je ne tiens pas à ce chiffre. Je voudrais seulement que le droit soit établi au poids, au lieu de l’être par tête. M. Le ministre des finances dit que le droit au poids serait difficile à percevoir. Je ne puis partager son opinion. Il prétend qu’il faudra d’autres balances que celles qui serviront pour les bœufs, vaches, etc. ; mais je ne vois pas pourquoi ces balances étant à bascules, l’on ne pourrait y peser vingt moutons et plus à la fois, si toutefois l’on ne veut pas prendre la moyenne, comme je l’avais dit précédemment, ce qui serait, à mon avis, sans inconvénient.

M. le ministre des finances a ajouté que la France, pour sa loi douanière, ne prendrait pas exemple sur la loi adoptée en Belgique. Je sais qu’en général une puissance aussi importante que la France ne viendra pas prendre ses exemples chez nous ; cependant je ne voudrais pas prêter des armes à cette nation qui pût l’autoriser à repousser nos demandes à cet égard et il est évident qu’elle pourrait s’autoriser de notre vote pour se refuser à établir le droit au poids ; et croyez-moi, messieurs, l’exception que nous faisons dans notre loi, quant aux moutons, pourrait avoir ce résultat.

Ce qu’a dit M. le ministre des finances sur la difficulté de ce mode de perception pourrait avoir plus d’influence qu’il ne le pense. Je regrette qu’il ait émis cette opinion ; car il doit savoir que la province de Luxembourg a le plus grand intérêt à ce que le droit sur les moutons à l’entrée en France soit établi au poids ou à la valeur et non par tête. Les moutons de cette province ne pèsent que de 30 à 35 livres, tandis que ceux du Brabant pèsent de 80 à 100 livres, de sorte que tant que la France maintient le droit sur les moutons par tête, les cultivateurs du Luxembourg sont privés de ce débouché, et c’est au grand détriment de cette province qui n’a pour ressource que l’élève du bétail.

Il faudrait, selon M. le ministre, une journée pour peser un troupeau de moutons. Mais cela dépend de la grosseur de ce troupeau ; quant à moi, je suis bien persuadé que l’on pourrait peser cent moutons en une heure ; d’ailleurs il ne s’agit pas ici de la facilité des employés, mais bien des intérêts des producteurs.

Au reste, quant au chiffre de 12 centimes par kilogramme, je n’insisterai pas davantage. Tout ce que je désirais, c’est que la chambre ne variât pas son système de perception pour les moutons que l’on peut assimiler aux autres animaux. Pourquoi en effet vouloir changer de système sans motif plausible ? Je ne puis me rendre compte de cette dérogation à un principe adopté par vous de préférence à celui que soutenait premièrement le gouvernement.

L’on a répété à satiété qu’il fallait jeter une pierre d’attente, que le système du droit au poids devait être favorable à la Belgique dans ses relations de traités commerciaux avec la France.

Pourquoi voulez-vous maintenant vous arrêter en si beau chemin ? Est-il plus difficile de peser des moutons que d’autres animaux ? Je pose en fait que le pesage d’un troupeau de cent moutons ne peut pas durer plus d’une heure, et certes ce temps n’est pas tellement considérable que ce soit une considération pour vous faire modifier votre propre système.

- L’amendement de M. d’Hoffschmidt est mis aux voix, n’est pas adopté.

« Agneaux, 1 franc par tête. »

- Adopté.


M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans la séance précédente, j’ai indiqué qu’il serait convenable d’introduire dans l’article premier un changement de rédaction qui rendît plus claires les dispositions de l’article 2.

C’est pour qu’il n’y ait pas de doute sur l’étendue des frontières de la Flandre occidentale que j’ai l’honneur de proposer à l’article premier la rédaction suivante :

« Par dérogation spéciale au tarif des douanes, le droit d’entrée sur les chevaux et bestiaux désignés ci-après, et dont l’introduction s’effectuera soit par terre, dans l’étendue des frontières mentionnées à l’article 2 de la présente loi, soit par mer, est fixé comme suit : »

M. Devaux. - On veut étendre les dispositions de la loi à la frontière maritime. C’est un point qui n’a pas été discuté.

L’amendement de M. le ministre apporte au projet un changement assez notable qui a l’air d’être dirigé contre l’Angleterre ; et le seul objet de la chambre en votant la loi est d’empêcher qu’il ne vienne du bétail de la Hollande. Or, une fois les frais de transport, il est plus naturel de croire que les importateurs hollandais enverront leurs bestiaux à Dunkerque plutôt que par Dunkerque. Il leur sera facile de les faire entrer en transit par la France. L’amendement de M. le ministre n’atteint pas son but et peut indisposer l’Angleterre contre nous. Il ne fait que compliquer la loi et y jeter une autre question que celle qui y a donné naissance, c’est-à-dire la nécessité de prendre une mesure douanière contre la Hollande.

M. F. de Mérode. - Les Anglais ne pourront se tromper au but de la loi. Ils verront évidemment qu’elle est dirigée contre la Hollande, puisqu’ils ne nous envoient pas de bétail.

- L’amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté.


L’ensemble de l’article est mis aux voix et adopté comme suit :

« Par dérogation spéciale au tarif des douanes, le droit d’entrée sur les chevaux et bestiaux désignés ci-après, et dont l’introduction s’effectuera soit par terre, dans l’étendue des frontières mentionnées à l’article 2 de la présente loi, soit par mer, est fixé comme suit :

« Chevaux, par tête, 15 fr.

« Poulains, 5 fr. (Ne seront réputés poulains que ceux ayant toutes leurs dents de lait.)

« Bœufs, taureaux, vaches, taurillons, génisses et veaux, 10 centimes par kilogramme du poids brut des animaux sur pied.

« Veau pesant moins de 50 kil., 50 centimes par tête.

« Moutons, 5 fr. par tête.

« Agneaux, 1 fr. par tête. »

- La séance est levée à 4 heures 1/2.