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Chambre des représentants de
Belgique
Séance
du mercredi 27 janvier 1836
Sommaire
1) Pièces
adressées à la chambre
2) Projet
de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice 1836.
Second vote des articles. Etat-major général, position et avancement des
officiers (de Puydt, Manilius,
Evain, Desmaisières, Evain, Bosquet, Pirson,
Manilius, Dumortier, Evain, Dubus, de
Theux, de Muelenaere)
3) Projet de loi
tendant à la répression de la fraude des céréales particulièrement dans la
province du Limbourg
4) 2)
Projet de loi portant le budget du département de la guerre pour l’exercice
1836. Second vote des articles. Marché militaire (lit en fer) (Evain,
A. Rodenbach, Evain, Dubus, Evain, F.
de Mérode, de Muelenaere, F.
de Mérode, Evain, Brabant, Dubus, Legrelle), remonte des
chevaux (Desmaisières, Fallon,
Dubus, Desmaisières, d’Huart, Desmaisières, F. de Mérode, Fallon, Desmaisières, Evain, Desmanet de Biesme, (préférence nationale) d’Hoffschmidt, Evain), école
de médecine militaire et concurrence des universités (F.
de Mérode, A. Rodenbach, F.
de Mérode, Evain, Dubus, F. de Mérode)
(Présidence de M. Raikem.)
(Moniteur
belge n°28, du 28 janvier 1836)
M. de Renesse
fait l’appel nominal à une midi et demi.
Il donne ensuite lecture du procès-verbal de
la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.
M. Verdussen
présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.
PIECES ADRESSEES A
« Le sieur Huns-Stuyck,
à Anvers, commissionnaire en fruits, réclame une indemnité pour des pertes
qu’il dit avoir essuyées par la révolution. »
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Second vote des articles
Chapitre I. -
Administration centrale
M. le président. -
Sur le premier chapitre, aucun amendement n’a été adopté.
Chapitre II. - Soldes et
masses de l’armée, frais divers des corps
Chapitre premier. -
Administration centrale
Section I. - Solde des
états-majors
Article
premier
« Art.
1er. Etat-major général : fr. 650,464 45 c. »
M. le président. -
La chambre a adopté un amendement auquel le ministre ne s’est pas rallié, qui
réduit l’allocation à 644,464 fr. 45 c. et limite de la manière suivante le
nombre des officiers de chaque grade :
« Solde de 8 généraux de division, 22 généraux
de brigade, 7 colonels, 4 lieutenants-colonels, 8 majors, 12 capitaines de
première classe, 2 capitaines de deuxième classe, 6 lieutenants ; supplément de
solde de 68 capitaines, 9 lieutenants, 4 sous-lieutenants aides-de-camp. »
M. de Puydt, rapporteur.
- Messieurs, lorsque l’amendement de l’honorable M. Desmaisières a été présenté
la première fois, il m’a frappé d’abord par son inconvenance aussi bien que par
son inutilité, et je me suis hâté de le combattre. Depuis qu’une majorité l’a
adopté dans cette chambre, je l’ai examiné de nouveau, et je reste convaincu
que l’irréflexion seule a pu le faire accueillir favorablement.
Quand j’ai fait remarquer que l’amendement portait
atteinte à la prérogative royale, on m’a reproché d’oublier la prérogative de
la chambre qui dans son omnipotence, dit-on, pèse la nécessité des promotions
avant d’accorder les allocations demandées.
Pour que cette observation pût être juste, il
faudrait que la loi organique prescrite par l’art. 139 de la constitution
existât ; alors les promotions se feraient en vertu de la loi et dans les
limites qu’elle aurait établies ; l’action de la chambre se renfermant dans ces
mêmes limites serait une action conservatrice, une action de contrôle, et c’est
le seul caractère qu’elle puisse et doive avoir dans ce cas. La chambre
veillerait à ce que le nombre des officiers de telle ou telle arme ne soit pas
dépassé.
Il ne pourrait pas y avoir là de conflit, car où
finirait la prérogative du pouvoir exécutif, commencerait celle de la chambre,
sans que l’une nuisît à l’autre.
Mais, dans l’état actuel des choses, il y a absence
d’une loi organique ; la nécessité seule a été la règle suivie par le
gouvernement.
Placé en première ligne par la responsabilité, et
principal juge des besoins de l’armée, le Roi a eu l’initiative de la création
des emplois militaires auxquels la constitution lui donne le droit de nommer :
il n’y a qu’une loi à faire qui puisse le dispenser de prendre cette
initiative, et le refus du subside ne serait aujourd’hui qu’une entrave
dangereuse au lieu d’être une mesure conservatrice.
Vainement viendrait-on prétendre que des
amendements comme celui dont il s’agit remplacent la loi : cela n’est pas. Une
disposition isolée, restrictive, empiète sur le droit de nomination. Empêcher
de faire, ce n’est pas organiser, c’est détruire.
Or, la constitution a voulu que la législature
édifiât et non qu’elle arrêtât la marche de l’administration.
Remarquez-le bien, vous mettez non seulement
obstacle à l’exercice de la prérogative royale, mais vous y substituez la vôtre
; vous ne faites pas les nominations par une action directe, mais vous y
procédez par une action négative, si je puis m’exprimer ainsi ; vous vous
mettez en place de la loi qui n’existe pas, et en définitive vous n’avez aucune
responsabilité alors que vous augmentez le poids de la responsabilité du
pouvoir exécutif.
Une chose certaine, c’est que celui qui crée des
grades, qui y nomme par suite de son droit, pour satisfaire aux nécessités du
service, en l’absence de la loi, sait ce qu’il fait ; il agit conformément aux
principes d’organisation que seul il a dû arrêter d’après les circonstances ;
ce qu’il fait est rationnel ; telle est la position du chef de l’armée. Mais
celui qui, sans partir d’aucun principe, sans les lumières nécessaires pour
apprécier les moyens d’arriver au but, se borne à restreindre l’action
d’autrui, arbitrairement et sans règle, ne sait et ne peut savoir s’il fait
bien ou mal ; il procède au hasard : c’est le rôle que voudrait jouer ici la
chambre.
La prérogative du pouvoir législatif est une chose
qu’on ne conteste pas. La chambre doit faire la loi organique, mais elle doit
la faire entière parce qu’une disposition isolée qui ne se rattache pas à
l’ensemble de l’organisation ne peut qu’être mauvaise dans l’état actuel des
choses ; l’amendement est un acte d’administration, et un acte d’autant plus
dangereux qu’il apporte une entrave à la marche régulière du service. Si, pour
faire la loi bonne, il faut la faire tout entière, pour administrer bien, il
faut administrer tout à fait. Avec l’amendement, la chambre administre
imparfaitement, Avec l’amendement, la chambre force le gouvernement à
administrer mal, sans assumer sur elle aucune part de responsabilité.
On a dit dans une discussion précédente que le Roi
ne devait pas avoir la faculté de mettre des officiers en non-activité, pour
les remplacer ensuite par d’autres ; que contre un pareil abus il fallait créer
une barrière.
Mais on ne fait pas assez attention aux principes
organiques de l’état militaire. L’emploi et le grade sont deux choses séparées,
et tellement séparées, qu’en France la loi même en prononce la distinction.
Un officier a la propriété de son grade, la
constitution la lui garantit ; mais l’emploi est à la disposition du Roi.
Dans un service aussi important que le service
militaire, le talent seul ne suffit pas pour être employé avec fruit ; il faut
inspirer encore la confiance aux troupes, il faut l’inspirer surtout aux chefs
supérieurs ; et plus les grades s’élèvent, plus cette considération devient
rare. Aussi voyons-nous dans les lois d’avancement l’influence de l’ancienneté
décroître, en montant l’échelle des grades, de manière que les emplois
supérieurs sont entièrement conférés au choix. La législation française est basée
sur ce principe. La loi à faire en Belgique devra le consacrer également.
Or, ce principe essentiel vous le contrariez par
l’amendement proposé. En déclarant formellement que l’armée est stationnaire
pour un an, vous arrêtes l’émulation. Ce que vous faites pour un an, vous le
pouvez faire pour deux, pour trois, pour un temps indéfini. La carrière
militaire n’offre plus alors qu’incertitudes décourageantes.
En méconnaissant le principe de la distinction entre
le grade et l’emploi, vous empêchez le libre choix ; vous entravez l’exercice
de la prérogative royale de la manière la plus directe, car c’est le libre
choix qui garantit la responsabilité du chef, qui maintient l’obéissance entre
lui et les subordonnés. Si des officiers-généraux, supérieurs ou autres,
peuvent être conservés dans leurs emplois par un pouvoir en dehors de celui que
la constitution a dévolu au chef de l’Etat, en dépit de la méfiance qu’ils
inspireraient, ou d’une incapacité démontrée par l’expérience, ou de toute
autre cause propre à compromettre la responsabilité de ce chef, comment
pourra-t-il compter sur les troupes commandées par ces officiers ? comment pourra-t-il répondre de l’esprit de l’armée ?
Cette question est extrêmement grave, et nous ne
pouvons la trancher par une mesure aussi légèrement prise.
Si l’on se demande quels motifs la chambre peut
avoir pour agir avec une précipitation aussi étrange, et faire ainsi invasion
dans le domaine de l’administration, on est obligé de reconnaître qu’il n’y en
a aucun ; la promotion d’un général de brigade au grade de général de division
est la cause apparente de cette soudaine alarme ; c’est du moins le seul motif
déterminant connu : cependant les choses en sont aujourd’hui au point où elles étaient
en 1832.
On a nommé en cinq ans un seul général de division,
dans une armée où il manque le tiers des officiers de ce grade, même en se
renfermant dans les limites les plus rigoureusement économiques ; et j’ai
démontré que depuis quatre ans il n’y avait pas eu moyennement une promotion
par officier dans toute l’armée. Où donc est l’urgence d’une mesure
extraordinaire ?
Le corps de l’artillerie est loin d’être complet,
il s’en faut d’un dixième des officiers ; cependant on en remplit que de loin
en loin les vacances quand on a des sujets propres à ce service.
Le corps de l’état-major n’a que les 2/3 de son
effectif : on y est très sobre de promotions, car depuis 1832 il n’y est entré
qu’un seul officier par suite d’un examen.
Le corps du génie, où il manque un quart du
personnel indispensable en temps de paix, se recrute lentement et avec une
extrême circonspection.
Enfin, dans les régiments
d’infanterie et de cavalerie, beaucoup d’emplois sont vacants depuis plusieurs
années ; il y a moins de colonels que de régiments, moins de
lieutenants-colonels que de colonels ; le gouvernement n’a pas jugé à propos de
compléter les cadres, et cependant c’est dans les grades supérieurs qu’on
prétend qu’il y a excès. Voilà des faits réels, positifs, auxquels je défie que
l’on oppose rien. Voilà des faits qui démentent toutes les suppositions dont on
a voulu faire résulter la nécessite de restreindre le pouvoir de nommer. Or,
pour porter atteinte, même en apparence, à la prérogative royale, il faudrait
au moins de puissantes raisons, et non ces observations mal fondées qui
tiennent plus à des considérations de personnes qu’à des considérations de
principes.
On a prétendu que le ministre de la guerre aurait
promis de ne pas nommer de généraux de division : je ne sais ce qui en est,
mais si la chambre avait exigé une pareille promesse, elle aurait commis une
indiscrétion ; c’est le mot le plus honnête que je puis trouver, car le
ministre ne peut la faire cette promesse ; ce serait de sa part une forfaiture.
Je crois donc, messieurs, que nous ne devons pas
maintenir cet amendement ; d’abord, parce que l’état des choses n’est pas
changé depuis 5 ans ; parce qu’il n’y a nul péril à laisser au pouvoir exécutif
une liberté d’action dont il est loin d’avoir abusé, quoi qu’on dise et quoi
qu’on publie tous les jours sur cet objet ; enfin, parce qu’il soulève une
question de principe qui mérite un plus sérieux examen que celui que nous avons
pu faire au milieu des débats compliqués d’un budget ; parce qu’il touche à des
droits que nous devons respecter, si nous voulons qu’on respecte les nôtres.
M. Manilius. -
J’ai remarqué dans le cours de la discussion combien le ministère tient à
observer religieusement l’art. 118 et 124 de la constitution qui garantit les
grades, honneurs, droits et pensions des militaires. Certes, messieurs, on ne
saurait mettre trop de sévérité à l’exécution de ces sages dispositions, car
cette garantie est une véritable force morale pour notre belle armée.
Mais c’est à regret que je ferai observer à M. le
ministre qu’il est encore des officiers supérieurs qui depuis longtemps sont
privés inconstitutionnellement de leur grade ; la chambre est même nantie de la
plainte, entre autres, d’une diminution de grade ; quoique dûment breveté, un
autre a été révoqué de ses fonctions sans avoir obtenu ni indemnité, ni
demi-solde, ni aucun traitement.
Il est bien possible qu’on ait fait valoir des
motifs quelconques, mais rien ne peut contre la volonté de la loi
constitutionnelle, et je le dis à M. le ministre de la guerre ; il est très
important pour le bien-être de l’armée de faire cesser les plaintes à cet
égard. Si ces plaintes sont fondées, que l’on y fasse promptement justice ; si
elles ne le sont point, qu’on renvoie les plaignants devant les conseils de
guerre. Et ainsi l’on ne satisfera pas seulement aux exigences des plaignants,
mais à la nation entière qui doit trouver sa garantie dans la constitution de
Autre observation tendante également à conserver la
force morale de l’armée et à l’économie du trésor public.
C’est, messieurs, sur la manie de mettre les
officiers à la demi-solde pour la moindre faute disciplinaire ou la moindre
querelle de ménage entre les officiers supérieurs. Je comprends très bien la
facilité de procéder ainsi pour couper court aux correspondances tracassières,
aux polémiques des journaux, aux querelles domestiques, etc. Mais, messieurs,
c’est le trésor public qui souffre de toutes ces puérilités. A la vérité, comme
l’honorable M. Dumortier nous l’a dit dans une des séances précédentes, cela
laisse assez de latitude pour donner de l’avancement ; mais quant à moi,
messieurs, je me prononce formellement contre cette manière d’agir, et en voici
les motifs :
Outre la charge que fait incomber cette mesure sur
le trésor public, elle ne fait encore qu’exciter des murmures et du
mécontentement tant dans le civil que dans le militaire, démoralise l’armée, et
au lieu de servir de correction, ne fait qu’exciter le mépris pour les actes du
ministère.
Il ne m’appartient pas,
messieurs, de faire la leçon à M. le ministre de la guerre. Je lui reconnais
pour cela trop d’expérience et de connaissances acquises dans la carrière
militaire qu’il a si honorablement parcourue. Mais je ferai observer cependant
qu’il reste bien des moyens pour infliger des punitions disciplinaires sans
recourir à ces moyens onéreux pour le trésor public, et inefficaces pour la
conservation de l’honneur et la discipline de l’armée.
Outre les nombreuses punitions disciplinaires que
l’on peut infliger, il reste à M. le ministre de la guerre le moyen de
déplacement, de changer les officiers de corps, même d’arme. C’est ainsi qu’on
aurait pu agir envers les officiers auxquels on accorde des pensons malgré eux.
C’est ainsi qu’on aurait pu agir envers un commandant de dépôt, qu’on a mis à
la suite avec solde entière, en changeant son commandement On pouvait faire cesser les querelles d’une
part, et confier une administration moins importante d’autre part.
Mais non, messieurs, en agissant comme on l’a fait
jusqu’à présent, on a ouvert la porte aux avancements prématurés ; on ne tient
aucun compte du besoin d’économie pour le trésor public, et on excite au
contraire un mécontentement général, que l’on pourrait prévenir en exigeant une
plus sévère application des peines disciplinaires contre les officiers
tracassiers.
Je le répète, messieurs, je ne me permets de faire
ces observations à M. le ministre de la guerre que dans l’intention bien pure
de l’engager à faire cesser ainsi toute récrimination contre lui, et pour
maintenir autant que possible à nos braves militaires ce caractère à la fois
ferme et confiant, chose impérieusement nécessaire à une bonne armée. Je
voterai pour l’amendement de l’honorable M. Desmaisières.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, l’honorable préopinant a annoncé que deux
officiers avaient été prives de leur grade contrairement aux dispositions de
l’art. 134 de la constitution. Je désire qu’il puisse me communiquer une note à
cet égard, car je ne me rappelle aucun fait qui puisse se rapporter à un tel
acte. Il y des officiers entrés dans l’armée pour la durée de la guerre
seulement, sans faire partie des cadres de l’armée ; je les ai soumis à un
examen, pour apprécier les droits qu’ils pourraient avoir à recevoir des
brevets définitifs. Cinq ou six ont été remerciés avec indemnité de
licenciement. Mais quant à des officiers compris dans les cadres de l’armée, brevetés,
aucun n’a été renvoyé avec perte de son grade ; j’ai trouvé beaucoup
d’officiers admis au traitement de non-activité en 1832. Tous ceux que leur âge
ou des infirmités rendaient impropres au service actif, ont été successivement
mis à la retraite, et ceux que j’ai reconnus aptes à rentrer au service, je les
ai fait successivement entrer dans les cadres. Le nombre de ces officiers se
trouve considérablement réduit, car il n’est plus que de 119. Et dans ce
nombre, quatre colonels et deux lieutenants-colonels attendent leur retraite,
ou leur remise en activité. II y avait aussi en non-activité un major qui,
ayant été reconnu apte au service actif, a obtenu un emploi.
Tous les trois mois on fait une revue des officiers
qui sont susceptibles d’être remis en activité, et je propose au gouvernement
de les employer au service actif. Mon intention bien formelle est de diminuer
autant que je le pourrai le nombre des officiers qui ont été, par divers
motifs, admis au traitement de non-activité.
Maintenant, abordant l’amendement de M.
Desmaisières, je dois déclarer que ce que j’ai eu l’honneur d’exposer à la
chambre contre l’amendement de l’honorable M. Brabant, s’applique à celui qui
se trouve en discussion.
Il me suffit, messieurs, de citer deux ou trois
exemples qui feront voir que depuis le jour où la proposition a été faite
jusqu'à aujourd’hui, espace de 8 jours, il s’est présenté des cas, dans
lesquels il m’eût été impossible de me renfermer dans les limites tracées par
les dispositions de cet amendement.
Hier, j’ai remis une lettre de rappel et
d’admission à la retraite à un major français de la part de son gouvernement.
Mon intention est de le remplacer dans les
fonctions qu’il exerçait, mais comme je n’ai plus de major en non-activité, je
me proposais de faire remplir ses fonctions par un colonel ou un
lieutenant-colonel. Si l’amendement existait, il faudrait que je laissasse ces
fonctions vacantes, par cela même que je jugerais plus convenable de les faire
remplir par un des officiers actuellement en demi-solde.
Un sous-lieutenant d’état major a donné sa
démission. On me propose un capitaine pour le remplacer dans les fonctions qui
lui étaient confiées : mais comme je ne pourrais employer que 28 capitaines et
sept lieutenants, je me trouverais dans l’impossibilité de remplacer par un
capitaine ce lieutenant qui vient de donner sa démission.
Je me borne à citer ces deux exemples qui se sont
présentés en 8 jours, pour démontre l’impossibilité d’admettre l’amendement de M. Desmaisières.
On a prétendu que j’étais
sorti des prescriptions du budget de 1835. C’est une erreur ; la preuve en est
que l’année dernière je demandais qu’on me comprît dans le nombre des généraux
de division, attendu que si je quittais le ministère, il serait juste que
suivant les conventions faites et les engagements pris lorsque je passai au
service de
Un général de brigade a été, il est vrai, promu au
grade de général de division. Mais celui qui occupait cet emploi avait été mis
à la retraite. Il y a plus, c’est que deux généraux de division ont été mis à
la retraite et qu’un seul a été promu à ce grade ; ainsi cette nomination que
l’on me reproche d’une manière si acerbe n’a été faite qu’après la retraite de
deux généraux de division.
Ainsi que je l’ai déjà déclaré, dans l’état actuel
des choses, et tant que durera le statu quo, le nombre de 8 généraux de
division et de 22 généraux de brigade me paraît suffisant. Mais il peut arriver
tel événement qui mette le gouvernement dans la nécessité d’augmenter de deux
ou trois le nombre des officiers-généraux, et il faudrait bien que je
proposasse ces promotions. Mais je le répète, dans l’état actuel des choses, je
déclare que le nombre de 8 généraux de division et 22 généraux de brigade me
paraît suffire pour tous les besoins du service.
M. Desmaisières.
- Je crois devoir répondre en peu de mots aux nouvelles objections présentées
contre mon amendement. Je parlerai d’abord de l’obstacle à l’avancement qu’on
persiste à voir dans cet amendement.
Mon amendement est à la vérité un obstacle à la
création de nouveaux grades. C’est dans ce but que je l’ai proposé ; mais il
n’est nullement un obstacle à l’avancement, car je ne suppose pas qu’on veuille
dire que quand des officiers ont deux ou trois années de grade, il soit
nécessaire de créer des grades supérieurs, alors même que ce serait
complètement inutile, et cela pour pouvoir donner de l’avancement à ces
officiers. Je ne pense pas que ce soit là ce qu’on veut dire quand on prétend
que mon amendement jettera le découragement dans l’armée parce qu’il est un
obstacle à l’avancement. Cependant, si on ne veut parler que de l’avancement
ordinaire qui a lieu pour remplir les vacances de grade qui surviennent par
suite de démission volontaire ou forcée, retraite ou décès, mon amendement n’y
apporte aucun obstacle.
Il est loisible au ministre de la guerre de remplir
toutes les places qui viennent à vaquer. Et qu’on ne dise pas maintenant que
cet avancement sera trop lent dans le corps de l’état-major général, car les
exemples que vient de citer M. le ministre de la guerre prouvent le contraire.
M. le ministre vient de vous dire que pendant que nous discutions ici sur mon
amendement il est déjà survenu deux vacances de grades supérieurs dans
l’état-major général.
Ainsi voilà déjà deux officiers qui pourront avoir
de l’avancement.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Ces vacances sont remplies sans avancement.
M. Desmaisières.
- Toujours est-il qu’il y a moyen d’en donner, puisqu’il y a deux vacances.
En ce qui touche les officiers des corps de
troupes, l’honorable rapporteur de la section centrale vient de faire connaître
lui-même que les cadres ne sont pas complets, qu’il y a des vacances et qu’on
ne les a pas remplies. Ainsi, en supposant même, ce qui n’est pas à supposer,
qu’il ne survienne aucune vacance dans le cours de l’année, par suite de décès,
retraite ou démission, il y a aura des places vacantes, et la porte sera
ouverte à l’avancement.
Mais, a-t-on dit dans une autre séance, la guerre
peut survenir tout à coup, comme au mois d’août 1831 ; et alors nous aurions
besoin d’un plus grand nombre de généraux qu’aujourd’hui, et notre amendement
empêcherait de pourvoir à ce besoin.
Je ne crois pas que ce soit sérieusement qu’on
prétende que mon amendement empêcherait en cas de guerre de pourvoir aux
besoins du service. Car jamais la législature ne refuserait en cas de guerre
les crédits qu’on devrait demander non seulement pour cet objet, mais encore
pour beaucoup d’autres. Et si la législature n’était pas rassemblée, je crois
que le ministre de la guerre oserait bien prendre sur lui de pourvoir à des
nominations d’officiers généraux ; car le gouvernement a bien su prendre sur
lui au mois d’août 1831 d’appeler des troupes étrangères sans le consentement
de la législature, quoique la constitution le défendît expressément. Certes on
oserait bien aussi nommer un général de division s’il était nécessaire de le
faire.
Il y a plus, c’est que quand une armée s’est une
fois mesurée sur le champ de bataille, il arrive souvent que des brigades, des
divisions même sont commandées par des colonels et des lieutenants-colonels et
même par des officiers de moindre grade, parce que les officiers généraux qui
commandaient ces divisions ou ces brigades sont tués ou blessés de manière à ne
pouvoir pas conserver leur commandement.
Je ne vois pas comment on ne pourrait pas
maintenant charger des colonels ou des lieutenants-colonels en qui on aurait
reconnu de l’aptitude à un commandement général, de commander provisoirement
des brigades. On les mettrait à même de mériter par leur conduite, leur
bravoure, leur science militaire, que ces grades leur fussent définitivement
conférés.
Messieurs, je crois que le ministre et les
honorables membres qui se sont opposés à mon amendement auraient dû se
dispenser de rappeler l’époque du mois d’août 1831 ; car alors nous avions de
nombreux généraux, et depuis cette époque, on en a mis beaucoup en
non-activité, quoiqu’ils ne fussent nommés que de fraîche date. Ils avaient été
crées pendant l’armistice ; pendant que nous étions dans une position moins
voisine de la paix que celle où nous nous trouvons actuellement. Cela fait voir
le danger qu’il y a à faire trop de généraux, quand on se trouve en temps de
paix ou de quasi-paix.
Je ne reviendrai pas sur l’objection tirée de la
prérogative royale, car il a été prouvé à évidence qu’elle ne recevait aucune
atteinte de mon amendement. Je me bornerai à cet égard à lire trois lignes de
l’exposé des motifs du ministre de la guerre à l’appui du projet de loi qu’il a
présenté sur l’avancement dans l’armée.
L’art .118 de notre constitution a établi que le
mode de recrutement de l’armée est détermine par une loi et que la loi règle
également l’avancement, les droits et les obligations des militaires.
L’art. 66 dit d’un autre côté que le Roi confère
les grades dans l’armée.
Le Roi conserve donc, par mon amendement,
pleinement son droit de conférer les grades ; mais pour la création des grades,
il en est autrement ; il faut le concours du pouvoir législatif, car la
création d’un grade emporte avec lui une dépense pour l’Etat, et cette dépense
doit durer pendant toute la vie de l’officier auquel ce grade a été conféré.
Or, puisque la création d’un grade emporte une dépense, et que les dépenses
doivent être votées par la législature, il s’en suit nécessairement que la
création des grades appartient au pouvoir législatif.
Aussi M. le ministre de la guerre lui-même vous
a-t-il annoncé plusieurs projets de loi pour fixer les grades et leur nombre
dans les diverses armes.
Encore une fois, que le gouvernement prenne bien
garde à ce qui adviendrait si mon amendement était rejeté ; il serait bientôt
assailli de sollicitations qui deviendraient d’autant plus pressantes que
lui-même aurait consacré par le rejet de mon amendement le principe subversif
de toute organisation militaire, qu’il faut créer des grades nominaux pour
donner de l’avancement. Qu’il prenne bien garde à ce qu’il peut être en état de
faire en face de l’ennemi, si la guerre vient à se déclarer. Il doit se garder
de donner maintenant de l’avancement trop rapide et surtout dans les grades
élevés.
En temps de paix le mérite de l’officier est bien
différent de celui qu’il doit avoir en temps de guerre. En temps de paix, on
prime par la bonne conduite, l’observation de la discipline, le zèle,
l’exactitude, l’instruction. En temps de guerre, on brille en outre et surtout
par sa valeur, le coup d’œil militaire, la tactique, la pratique des arts et
des vertus de l’homme de guerre.
Il résulte donc de ce que je viens de dire, que mon
amendement n’empêche pas la collation des grades par le Roi, et qu’il n’est pas
non plus un obstacle à l’avancement raisonnable, le seul que tout bon militaire
désire, l’avancement donné au mérite.
D’un autre côté, cet
amendement est une garantie dans l’intérêt du pays pendant la paix, en même
temps qu’il assure à nos guerriers la récompense due à leur courage, à leur
aptitude pour les commandements généraux, quand la guerre surviendra. Il n’est
après tout que l’insertion dans la loi du tableau fourni par le ministre,
tableau par lequel il n’a pas trouvé le moindre inconvénient à être lié.
Enfin, comme l’a fort bien dit un honorable député
d’Audenaerde, ce n’est qu’une simple note par laquelle la législature indique à
la cour des comptes les motifs de l’allocation votée, afin d’empêcher qu’on ne
continue à augmenter indéfiniment le nombre des officiers de grades supérieurs.
Maintenant, en terminant,
j’aurai l’honneur d’adresser une question au ministre de la guerre. C’est que
quand j’ai eu l’honneur de faire observer qu’il devait avoir pris les fonds
pour les frais de représentation des inspecteurs-généraux sur le chapitre même
de la solde en guise de supplément de solde, il m’a répondu que c’était sur les
dépenses extraordinaires et imprévues. Cependant, je ne vois pas figurer cela
dans la note qui m’a été remise par le rapporteur de la section centrale. J’y
ai bien vu un chiffre de 20 mille fr. pour frais de représentation pendant le
premier trimestre, mais je ne vois rien pour les inspections générales qui ont
eu lieu après le premier trimestre.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je m’empresse de répondre à l’observation qui vient
d’être faite. Il est vrai qu’un honorable membre ayant demandé sur quel crédit
auraient été payés les frais de tournée alloués aux inspecteurs-généraux
d’armes, j’assurai que cette dépense n’aurait pas été prise sur le fonds de la
solde, et que je croyais que c’était sur celui des dépenses extraordinaires et
imprévues. Je me suis fait rendre compte de ce qui aurait été fait, et le
lendemain je me hâtai de rectifier la déclaration que j’avais faite la veille,
en ce que ces frais de tournée avaient été prélevés sur les fonds affectés à
chacune des armes inspectées, comme incombant, avais-je dit, au service spécial
de chacune de ces armes.
M. Bosquet. - Un
honorable préopinant a adressé tout à l’heure à M. le ministre de la guerre des
observations plus ou moins étrangères à l’objet en discussion, mais qui
tendaient encore une fois, si je les ai bien comprises, à reprocher à M. le
ministre de la guerre sa trop grande sévérité dans l’application de certaines
mesures disciplinaires l’égard de certains officiers. Si j’avais à adresser des
reproches à M. le ministre, ce ne serait pas des reproches de cette nature.
Quant à moi, au contraire, j’engage M. le ministre de la guerre à maintenir
d’une main ferme toutes les règles de la discipline à l’égard de tout officier,
quel que soit son grade.
Sans doute, si je ne devais
consulter que les intérêts du trésor, j’inviterais aussi M. le ministre à ne
mettre à la demi-solde que le nombre le plus restreint possible d’officiers ;
mais je ne viendrai pas vous dire avec cet honorable préopinant que la mise à
la demi-solde est une peine trop sévère, et qu’il serait préférable de recourir
à certaines peines disciplinaires moins graves ; la mise à la demi-solde est au
contraire, selon moi, une peine insuffisante, inefficace dans certains cas
graves d’insubordination.
Aussi, j’appelle de tous mes vœux la loi qui
déterminera une bonne fois quand et comment un officier pourra être révoqué.
Quoi ! n’est-ce pas une contradiction étonnante que de
voir, d’une part, une constitution qui veut que les procureurs-généraux des
cours de cassation et d’appel, les gouverneurs, les procureurs du Roi, les
commissaires de district et tous les autres agents des administrations civiles,
soient à la nomination et à la révocation des ministres, et de voir d’autre
part, les officiers de l’armée revêtus d’une quasi-inamovibilité ! Les uns et
les autres sont sans doute des citoyens ; mais quand des agents du ministère se
rendent coupables d’insubordination grave, les ministres ont cependant le droit
de les révoquer, et ils font bien ! Pourquoi n’en serait-il pas de même, et à
plus forte raison, des officiers de l’armée ? Je suis, du reste, décidé le
premier à demander pour eux des garanties. Je ne saurais donc engager assez M.
le ministre à maintenir, à l’égard de tous, une discipline juste et sévère.
M. Pirson. - Comme je n’aime pas
à passer pour inconséquent, il est bon que j’explique mon vote. J’ai voté dans
la première discussion pour l’amendement de l’honorable M. Desmaisières ; cette
fois-ci je voterai contre. C’est que l’amendement de M. Desmaisières n’était
que l’application de l’amendement présenté par l’honorable M. Brabant. Dans
celui-ci étaient déterminés les cas où la limite imposée au gouvernement
pourrait être dépassée. Du moment que l’amendement de M. Brabant a été repoussé
par la chambre, celui de M. Desmaisières devient trop absolu. C’est pourquoi je
ne puis l’admettre. Il peut arriver des cas, en cas de guerre par exemple, où
le gouvernement ait besoin de faire des promotions : Je ne suis pas de ceux qui
conseilleront au gouvernement dans ces circonstances-là de sortir de la constitution
; jamais je ne donnerai un pareil conseil au gouvernement.
Je lui dirai au contraire
d’avoir toujours recours à législature. Il peut arriver des circonstances où le
gouvernement se trouvât fort embarrassé par de l’amendement de l’honorable M. Desmaisières. Je ne veux pas le
mettre dans cet embarras.
Je crois, après cette explication, que l’on ne
pourra pas m’adresser le reproche d’inconséquence si je vote contre
l’amendement de M. Desmaisières.
M. Manilius. - Au
contraire de ce qu’a dit l’honorable M. Bosquet, j’ai excité M. le ministre à
la rigueur disciplinaire ; mais j’ai dit qu’il fallait respecter la loi
constitutionnelle, et c’est sa violation que j’ai reprochée au ministre ; je
lui ai remis les noms des victimes de cette violation.
M. Dumortier. -
Je ferai remarquer à l’honorable député de Dinant qu’il se trompe gravement
dans sa manière d’argumenter. Il perd de vue que le budget que nous votons
maintenant n’est pas destiné à faire la guerre. Le gouvernement ne peut faire
la guerre pendant huit jours au moyen de ce budget ; nous n’avons sous les
armes que 42,000 homme, et l’on ne peut faire la guerre avec une armée aussi
faible.
Une voix. - Si, une guerre
défensive.
M. Dumortier. -
Il y aurait une imprudence extrême à dégarnir nos places fortes, à laisser la
capitale sans défense. Vous savez aussi bien que moi que 42,000 hommes ne
suffiraient pas pour la défense du pays. Si la guerre éclate, le premier soin
du gouvernement comme son premier devoir serait de rassembler la législature
pour voter un crédit, afin de pouvoir rassembler 110,000 hommes comme en 1832.
Si une pareille chose avait lieu, M. le ministre de la guerre demanderait en
même temps pour le gouvernement l’autorisation de nommer à des grades
supérieurs. Il n’y a donc pas de raison pour repousser la proposition de M.
Desmaisières, déjà admise une première fois.
Du reste, je ne trouve pas étrange que l’on
combatte maintenant un amendement adopté dans une séance précédente. Toutes les
fois qu’il s’agit de redresser des abus, tontes les fois qu’il s’agit de
s’opposer à leur reproduction, un long cri de détresse se fait entendre. Je
n’ai donc pas été étonné de voir que l’on voulait combattre la proposition très
sage et très rationnelle que vous avez admise dans une séance précédente après
une discussion approfondie.
Mais ce qui m’a étonné, ce sont les moyens par
lesquels on combat cet amendement, les moyens employés dans ce but par le
premier orateur qui a parlé dans cette séance. Selon lui, la chambre
empiéterait sur la prérogative royale, en limitant le nombre des officiers
supérieurs. Encore une fois oubliez-vous que la constitution nous fait un
devoir de nous occuper de l’organisation de l’armée ; que dans tous les pays
constitutionnels la législature fixe le nombre des officiers supérieurs ? En
France, par exemple, un honorable général qui a été longtemps ministre des
affaires étrangères, attend encore à l’heure qu’il est, une vacature pour être
nommé maréchal. Ainsi, en France la loi limite le nombre des
officiers-généraux. Je m’étonne donc que l’on prétende que nous portons
atteinte à la prérogative royale, en mettant un terme au désir immédiat de
l’avancement des grades.
Avec des arguments semblables, il me semble que
l’honorable préopinant aurait dû dire, lors de la discussion de la loi
d’organisation judiciaire, que nous portons atteinte à la prérogative royale en
limitant le nombre des tribunaux. Le Roi n’est-il pas, en effet, le chef de la
justice ? N’est-ce pas en son nom que la justice se rend ? Comme dans l’armée,
c’est lui qui nomme les fonctionnaires de l’ordre judiciaire. Je vous le
demande, quelqu’un voudra-t-il prétendre que nous portons atteinte à la
prérogative royale en limitant le nombre des tribunaux ?
Le gouvernement ne peut nommer un gouverneur à
moins qu’une place ne soit vacante. Le nombre de ces places est déterminé par
la loi. Il y a plus, le gouvernement ne peut nommer un seul commissaire de
police si ce n’est dans les termes de la loi. L’on voudrait que par exception
dans les nominations de l’armée, le gouvernement pût créer sans limite des
généraux de division, des généraux de brigade, et grever ainsi le budget d’une
manière indéfinie.
Il y a trop d’absurdité dans cette manière de voir
pour que cette absurdité ne résulte pas des faits que j’ai exposés. Je
maintiens que c’est une obligation pour nous de mettre un terme aux nominations
immodérées qui ont eu lieu quelques années.
Ici je rencontrerai une argumentation de
l’honorable préopinant. Si vous adoptez l’amendement de M. Desmaisières, la
carrière militaire n’offrira plus d’avancement. Depuis 5 ans on n’a nommé qu’un
général de division. Selon lui, depuis 5 ans, il n’y aurait pas eu de
promotions dans l’armée. Pour montrer la fausseté de cette allégation, il me
suffira de comparer le budget de 1832 avec celui de 1836. Il y a quatre ans de
distance. Vous verrez combien l’avancement a été rapide depuis lors dans
l’état-major.
Le budget de 1832 fut fait avec le plus grand soin
par M. le ministre de la guerre actuel. Un général, qui commandait à cette
époque notre armée avec une grande distinction et dont
En 1832, il n’y avait que six généraux de division.
En 1836, il y en a dix. Depuis 1832 il n’y a donc pas eu seulement deux
généraux de division remplacés. Mais il y a eu deux créations de grades.
En 1832, il y avait 16 généraux de brigade. En 1836
Il y a 26, c’est-à-dire au-delà des deux tiers de plus que ce qui existait en
1832. Notez bien qu’à cette époque notre armée était de 110,000 hommes, et
qu’aujourd’hui elle n’en compte plus que 40,000.
En 1832, le corps de l’artillerie se composait d’un
colonel, et de 6 lieutenants-colonels. Aujourd’hui il y a un général de
brigade, 2 colonels et 5 lieutenants-colonels.
L’on ne dira pas qu’il n’y a pas eu d’avancement
dans cette arme.
Le corps du génie, en 1832, se composait d’un
général de brigade, 2 colonels et 4 lieutenants-colonels.
Aujourd’hui il y a un général de division qui
attend un général de brigade, 3 colonels et 6 lieutenants-colonels.
En 1832, il n’y avait au budget que 15 colonels
d’infanterie, et aujourd’hui il y en a 24.
Il me semble que l’on a fait un pas assez grand
depuis 1832. Il faut mettre un terme à cette gradomanie
et à ces promotions sans fin. En France, un officier ne peut avancer qu’après
avoir quatre, cinq, et même dix ans dans un grade pour parvenir à un grade
supérieur, et ici nos généraux de brigade n’étaient avant la révolution que de
simples majors, quelquefois même de simples capitaines ; et on dira qu’il n’y a
pas d’avancement dans notre armée !
Si on doit être étonné de quelque chose dans cette
enceinte, c’est d’entendre de pareilles assertions si contraires aux faits les
plus avérés. Pour moi, j’appuie de tous mes moyens l’amendement de M.
Desmaisières. Cet honorable membre vous a rappelé les discours prononcés
l’année dernière lors de la discussion du budget ; il a rappelé
particulièrement la promesse formelle faite par M. le ministre de la guerre
qu’il n’y aurait pas de promotions dans l’armée, et que c’est en présence de
cette déclaration qu’on n’avait pas mis dans la loi de disposition restrictive
; eh bien, qu’est-il arrivé ? C’est que l’on a vu un avancement de grade qui
n’est justifié par aucun service rendu au pays ; un avancement qui en appellera
d’autres, si vous ne prenez aucune mesure pour préserver le trésor public :
voilà ce qui aura lieu ; un général de division appellera deux généraux de
brigade.
M. de Puydt, rapporteur.
- Cela est absurde !
M. Dumortier. -
Vous le dites ; mais quand on en sera aux nominations, nous verrons.
L’arme de l’artillerie qui est parallèle à celle du
génie demandé à cor et à cris que le général qui la commande soit promu au
grade de général de division : c’est une arme aussi importante que celle du
génie ; on sera forcé par conséquent de nommer un général de division, et de
remplacer le général de brigade qui sera promu par deux autres. Quand les
promotions ne sont pas limitées par la loi, elles sont appuyées par tout le
corps, parce que tout le corps espère de l’avancement. Tout le génie, par
exemple, appuie la nomination du général de division. Tous les officiers
d’artillerie, dans l’espoir d’avancer, réclament la nomination du général de
brigade qui les commande au grade de général de division ; parce que, tous,
jusqu’au dernier sous-lieutenant, espèrent faire un pas en avant.
Si les grades pouvaient être conférés sans grever
le trésor, je dirais, mon Dieu, nommez !
Des orateurs ont prétendu que nous avions toujours
le moyen de limiter les nominations, parce que si le gouvernement faisait
encore de semblables promotions, nous pourrions voter contre le budget ; ce qui
m’a surpris en entendant ce langage, c’est qu’il ait été tenu par des hommes
que nous n’avons pas encore vu voter contre les demandes ministérielles : on
verra vraiment d’étranges choses dans ce monde, quand on verra un budget rejeté
à cause de nominations qui auraient été faites !! Pour moi, je pense qu’il y a
un moyen bien plus simple pour arrêter les abus ; c’est d’adopter l’amendement
déposé par M. Desmaisières. Si cet amendement est écarté, le gouvernement se
croira encouragé par votre vote à faire autant de nominations de généraux et de
colonels qu’il voudra.
Voyez comment les abus se perpétuent. Quand on
présenta la loi sur l’armée de réserve, on disait qu’elle n’apporterait pas
d’accroissement de dépense, parce qu’il n’y aurait pas d’accroissement dans
l’état-major ; cependant nous avons vu transporter les corps de l’armée de
réserve en régiments, et nommer des officiers pour les commander. A coup sûr on
ne pourra pas justifier de pareilles mesures.
C’est pour nous un devoir de nous opposer à ce que
dorénavant on en prenne de semblables.
Il ne faut pas de toute
nécessité que pour avoir le commandement attribué à un certain grade on ait
effectivement ce grade. Lors de la révolution, qui commandait nos armées ? Ce
n’était pas des généraux de division, c’était un lieutenant-colonel qui était à
la tête des patriotes, et il a vaincu les Hollandais.
C’était un général de brigade qui commandait à
Venloo, et il vainquait et sauvait
Il faut arrêter ces promotions immodérées ; il y a
du scandale dans de telles nominations. Attendez que vos généraux aient gagné
leurs grades sur le champ de bataille, que leurs épaulettes aient vu le feu de
l’ennemi. Donner des grades quand nous sommes en état de repos, faire des
promotions sans fin, c’est abuser du trésor public.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je me hâte de répondre à quelques faits allégués par le
préopinant.
Il est très vrai que je fis un budget en 1832 sous
une autre forme que celui qui a été adopté ; ce budget statuait sur les besoins
de l’armée tenue sur le pied de paix. Il n’était alors question que d’avoir
seulement 28 à 30,000 hommes sous les armes, et je ne portais que 6 généraux de
division et 16 généraux de brigade. Les événements politiques ne permirent pas
de s’occuper de ce projet. On demanda un budget sur le pied de guerre ; on le
présenta, et il fut adopté au mois de mars 1832. Celui-ci ne contenait encore
que 6 généraux de division, mais il faut y ajouter 4 généraux de division
étrangers. On avait ensuite l’arrière-pensée de mettre trois généraux de
division à la retraite. Le fait est que depuis le mois de mars 1832, où je suis
entré aux affaires, il n’y a eu que trois généraux de brigade nommés par le Roi
; qu’on me cite d’autres nominations, et je passe condamnation.
L’année dernière un général de brigade a été nommé
général de division en remplacement de deux généraux de division mis à la
retraite. Voilà toutes les promotions qui ont été faites.
On parle du luxe des états-majors dans les neuf
régiments de la réserve que j’ai organisés ; mais tout ce qui existe dans ces
régiments, existait auparavant dans les budgets. Ils ont quatre colonels, cinq
lieutenants-colonels et trois majors ; total, douze officiers, qui, la plupart,
étaient en non-activité de service ; en les plaçant à la tête de ces régiments,
ils n’ont pas occasionné une augmentation de dépense.
L’honorable préopinant dit qu’en France il faut
quatre années de service dans chaque grade pour obtenir de l’avancement ; il
est vrai que la loi du 10 mars 1818, pour mettre un terme aux exigences de ceux
qui prétendaient avoir combattu pour la restauration, contenait cette
disposition.
Le maréchal Gouvion-St-Cyr, dont j’étais alors le collaborateur, et qui
se trouvait assailli de demandes, voulut poser une limite pour arrêter ce
débordement de prétentions, et la loi, en effet, déclara qu’il fallait quatre
années de grade pour en obtenir un supérieur ; mais ou ne tarda pas à
s’apercevoir que cette uniformité de temps ne convenait pas à tous les grades.
Si cela pouvait être bon pour les grades
subalternes, cela ne l’était plus pour les grades supérieurs. On ne doit
considérer que trois sortes de grades réels dans l’armée ; et l’empereur
Napoléon disait lui-même qu’il ne reconnaissait que trois grades : celui de
capitaine, celui de colonel et celui de général de division : ce sont là en
effet les grades constitutifs de l’armée. Dans le projet de loi sur
l’avancement de l’armée si nous demandons quatre années de grade de capitaine,
nous ne demandons que trois ans de grade de major, deux de grade de
lieutenant-colonel, et deux aussi pour parvenir à des grades supérieurs. Quoi
qu’il en soit, je reviens sur un des derniers objets qui a été rappelé par
plusieurs préopinants : ils croient et ils ont répété que dans la dernière session
j’ai pris l’engagement solennel de ne pas faire de promotions.
La section centrale a aussi pensé que j’avais pris
cet engagement et m’en a parlé ; aussi la section centrale, ayant fait
rechercher dans le Moniteur, n’a rien
trouvé de semblable. On a vu simplement que j’avais dit que le nombre des
officiers me paraissait suffisant ; que je croyais ne pas avoir besoin d’en
augmenter le nombre.
Je dis encore la même chose cette année ;
toutefois, s’il y a des vacances, par suite de mort, ou d’autres causes, il est
clair que je peux remplir la vacante en ne dépassant pas les allocations du
budget. (Aux voix ! aux voix !)
M. Dubus. - Je
ne dirai que peu de mots pour appuyer l’opinion de mon honorable ami.
J’ai voté pour la proposition présentée par M.
Brabant, qui pourtant n’a pas été accueillie. Je n’ai pas regret à mon vote ;
je regrette seulement que la disposition n’ait pas été adoptée. Je crois que
l’on s’est fait illusion sur les prétendus dangers qu’elle présentait : il
paraît véritablement étrange que lorsque notre budget offre un choix à faire
entre 30 généraux, on vienne soutenir que l’on met des entraves a la
prérogative royale, en limitant son exercice dans ce nombre ; on s’écrie sans
cesse : Il faut que le chef de l’Etat ait la liberté du choix. Mais qui donc a
nommé ces 30 généraux ? N’est-ce pas le pouvoir exécutif ? Ne serait-il pas
déplorable que parmi trente généraux, nommés par lui, il n’y en ait pas un
capable de commander à l’armée ? Je ne puis admettre une possibilité semblable
; car l’admettre serait faire la satire la plus sanglante de la manière dont
les grades ont été conférés.
On pourrait donc, messieurs, rétorquer avec le plus
grand avantage ce fameux argument qui nous a été si souvent opposé : il ne faut
pas entraver le pouvoir exécutif ; il faut lui laisser le libre choix, et cela
quand il a déjà à choisir entre trente spécialités militaires. Quoi qu’il en
soit, admettons que par suite de je ne sais quelles circonstances il y ait
difficulté à trouver des hommes convenables dans un si grand nombre de hauts
fonctionnaires ! Eh bien, je trouve encore que l’amendement de M. Desmaisières
fait disparaître l’inconvénient, et je dirai que l’inconvénient n’existait pas
réellement dans l’amendement de mon honorable ami M. Brabant, puisqu’il faisait
une exception dans le cas d’hostilités déclarées. Mais enfin, que peut faire le
ministre, que peu faire le gouvernement, d’après l’amendement de M.
Desmaisières ? Si l’on a fait des choix peu convenables, on peut mettre les
généraux en non-activité ; alors leur traitement est payé sur un autre article
du budget ; on peut remplacer ces généraux par d’autres qui, dès lors, sont
payés sur l’article que nous discutons maintenant, tant qu’ils ne présentent
pas un excédant sur le nom qui est ici déterminé. Voilà à quoi se réduit la
question. Ce n’est pas une question de personne, c’en est une de nombre.
Est-il nécessaire, dans l’état de choses actuel,
que nous ayons plus de 30 généraux, tant de division que de brigade, tant en
activité qu’en disponibilité ; car l’art. 1er sert exclusivement à payer la
solde des officiers de l’état-major général en activité et en disponibilité. On
a reconnu que non. Lorsque l’amendement de M. Desmaisières a été présenté, le
ministre de la guerre a déclaré lui-même que ce nombre était suffisant. Il est
vrai qu’un seul membre a prétendu que la complète organisation de l’armée
exigeait davantage d’officiers-généraux ; mais j’opposerai au rapporteur de la
section centrale qui a tenu ce langage, ce qu’il a dit dans son rapport. Voici,
en effet, ce que je lis à la page 7 de ce document :
« En ce qui concerne la promotion d’un général
de division, et tout en accordant le crédit propose à cet égard, la section
centrale rappelle néanmoins à M. le ministre de la guerre que lors de la
dernière discussion du budget, il avait annoncé l’intention de ne faire de
semblables promotions qu’en cas de nécessité bien démontrée, nécessité qui ne
lui a pas paru suffisamment établie dans le cas actuel. »
Ainsi, l’opinion de la section centrale est que le
personnel de l’état-major général est suffisant avec un général de division de
moins ; maintenant qu’il y a un général de division de plus, comment
pourrait-on faire croire que ce personnel serait insuffisant, surtout quand le
gouvernement demeure toujours armée du droit de mettre en non-activité les
officiers qui ne lui conviendraient pas, et de les remplacer ?
Que veut-on en s’opposant à l’amendement ? on veut
que l’on puisse avoir plus de trente généraux en activité, et que si le
gouvernement en voulait quarante, il pût en nommer quarante, qu’il n’eût à cet
égard aucune limite ; qu’il pût grever le budget actuel et tous les budgets
suivants, en accordant ainsi par profusion, à un grand nombre d’officiers, des
titres qui ne pourraient plus leur être enlevé selon notre constitution.
Ces observations me paraissent démontrer
surabondamment que le député de Dinant était dans l’erreur, lorsqu’il a supposé
que le rejet de l’amendement de M. Brabant devait entraîner le rejet de celui
de M. Desmaisières ; car vous le voyez, pour le cas d’hostilités déclarées,
aucun inconvénient ne résultait ni de l’un ni de l’autre amendement ; et pour
le cas de guerre cet inconvénient disparaît dans l’amendement qui est
aujourd’hui présenté.
C’est très mal à propos, messieurs, que l’on vous a
assuré que cet amendement serait un empiétement sur l’administration, sur la
prérogative royale, car assurément vous avez le droit de limiter le nombre des
fonctions quelconques qui sont à la nomination du gouvernement ; on vous en a
cité des exemples dans le civil ; là en effet le nombre des hauts
fonctionnaires est déterminé et ne peut pas être augmenté : à la vérité, on
peut destitué un de ces hauts fonctionnaires et le remplacer par un autre.
On objecte ici, il est
vrai, que la destitution n’est pas possible ; mais si on ne peut enlever le
grade à un officier, on peut le mettre en non-activité ; et, sous ce rapport,
l’application du budget, la seule chose que nous discutons, revient au même,
puisque, quand l’officier est mis en non-activité, il est payé par un autre
article ; ainsi le ministre n’est pas entravé dans son action.
A toutes ces considérations, ajoutez qu’en vertu de
la constitution, l’organisation de l’armée appartient à la législature ; que
par conséquent elle a bien le droit de diminuer le nombre des officiers. La
législature détermine le nombre des soldats, à plus forte raison peut-elle
diminuer celui des officiers, lequel doit toujours être en proportion avec
celui des soldats : il serait étrange que, quand on ne peut pas retenir sous
les drapeaux un soldat de plus que ne le permet le vote annuel, on pût créer
autant de hauts grades que le ministre le jugerait à propos. Un pareil état de
chose serait monstrueux ; il y aurait plus que de l’incohérence dans des
dispositions semblables ; il y aurait inconséquence manifeste.
J’appuie de toutes mes forces l’amendement de M.
Desmaisières.
M. le ministre
de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai peu de mots à ajouter à ce qu’a
dit M. le ministre de la guerre. On s’est prévalu dans cette discussion d’un
projet de budget pour l’exercice 1832. Je me rappelle particulièrement ce
projet de budget parce qu’il a subi un profond examen et qu’il a été l’objet de
grands débats dans le conseil : il avait été préparé immédiatement après la
conclusion du traité des 24 articles, et pour le cas de l’éventualité de la
ratification de ce traité, car alors on devait réduire l’armée et ses cadres.
L’honorable préopinant a
entièrement perdu de vue dans sa réplique les motifs allégués par M. le
ministre de la guerre. M le ministre a dit que s’il combattait l’amendement de
M. Desmaisières, ce n’était pas pour augmenter le nombre des officiers
supérieurs ; mais il vous a cité des faits qui prouvent que dans l’intérêt du
service il est utile de ne pas lier le gouvernement par des spécialités des
grades, comme le propose l’amendement. Les faits qu’il a cités sont tellement plausibles
que personne n’a essayé de les réfuter.
L’honorable ministre de la guerre s’est encore
élevé contre l’inconvénient d’insérer dans le budget de son département une
disposition organique de l’armée.
Veuillez ne pas perdre de vue, comme j’ai eu l’honneur
de la dire dans une précédente séance, que vous avez la latitude la plus
complète pour réduire les crédits qui vous sont demandés. Si, par exemple (ce
que je ne puis admettre), vous n’aviez pas la plus entière confiance dans
l’amendement de M. le ministre de la guerre, s’il y avait un excédant dans les
dépenses de cette année, vous pourriez l’an prochain ramener le budget aux
limites du crédit actuel.
Je pense donc qu’il y a lieu de rejeter
l’amendement de M. Desmaisières comme vous avez rejeté celui de M. Brabant.
(Moniteur
belge n°29, du 29 janvier 1836) M. le
ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, un
honorable députe de Bruxelles, avec le sentiment d’une profonde conviction, a
fait entendre dans cette enceinte des paroles justement sévères. Je me félicite
que ces paroles aient trouvé un assentiment général ; cet assentiment général
prouve que le gouvernement pourra toujours compter sur l’appui et le concours
de la chambre, chaque fois qu’il s’agira d’un acte nécessaire pour rétablir ou
maintenir la bonne discipline dans l’armée.
Je ne veux pas par là insinuer que le gouvernement
pourrait sous prétexte de maintenir la discipline, s’écarter des dispositions
de la loi et surtout d’une disposition constitutionnelle. Aussi c’est afin que
le gouvernement ait plus de latitude à cet égard que je provoque de tous mes
vœux une loi qui conformément à l’acte constitutionnel, détermine la manière
dont les officiers pourront au besoin être privés de leurs grades, honneurs et
pensions.
Ce vœu que je forme n’a rien d’hostile à l’armée ;
je ne veux pas qu’on se méprenne sur mes intentions. Au contraire, je déclare
hautement que c’est dans l’intérêt bien entendu de l’armée que j’exprime ce
vœu. En effet, je désire que l’épaulette belge soit respectée au-dedans et en
même temps au-dehors. Mais il est évident qu’on ne parviendra à la faire
respecter qu’autant que le gouvernement aura le droit d’expulser des rangs de
l’armée ceux qui la déshonorent. C’est pour cela qu’il est indispensable qu’on
s’occupe le plus tôt possible d’une loi sur cette matière.
Je viens maintenant à l’amendement proposé par M.
Desmaisières. J’avoue que je ne m’attendais pas à une longue discussion sur ce
point ; il me semblait que la question était jugée, et que l’amendement de M.
Desmaisières devait avoir le même sort que celui qu’avait eu l’amendement
proposé par un honorable député de Namur, et en effet tous les arguments que
l’on a fait valoir dans une précédente séance, contre l’amendement du député de
Namur, militent à plus forte raison contre l’amendement en discussion : ces
arguments, la chambre les a appréciés, et le premier amendement a été repoussé
à une très grande majorité. A-t-on repoussé cet amendement parce qu’on serait
partisan, comme on a voulu le faire croire, de la gradomanie,
d’une profusion de grades, de promotion inutiles ? Il n’existe rien de tout
cela. Aucune de ces considérations n’a pu agir sur vos esprits. Au contraire,
dans les séances où il a été question de cet amendement, la plupart des
orateurs qui ont parlé contre l’amendement ont manifesté le plus vif désir que
les grades ne fussent pas prodigués et qu’ils fussent la récompense de services
rendus au pays, du mérite et d’une bonne conduite. Dès lors personne n’a pu
présumer qu’il fallait les prodiguer, qu’ils devaient devenir des actes de
courtisanerie ; car, avant tout, il faut la justice : il faut, je le répète,
que les grades soient la récompense des services rendus, du mérite ou de la
bonne conduite.
Si les officiers de notre armée sont convaincus de
ces vérités, vous verrez bientôt régner dans l’armée ce bon esprit qui seul en
fait la force, et qui la rendra, en temps de paix, propre à maintenir l’ordre à
l’intérieur, et en temps de guerre, redoutable aux ennemis du pays.
Quoi qu’il en soit, vous avez été, je pense,
déterminés par deux motifs principaux à repousser l’amendement de l’honorable
M. Brabant : le premier, une crainte bien légitime, bien respectable de votre
part, de porter, même involontairement, même indirectement, atteinte à la
prérogative royale, cette prérogative que notre serment, d’accord en cela,
j’ose le dire, avec toutes nos affections personnelles, nous fait un devoir de
maintenir intacte.
Mais, dit on, comment pourrait-on par cet amendement
porter atteinte à la prérogative royale ? N’avez-vous pas le droit de régler
par une loi l’organisation de l’armée ? Oui, vous avez ce droit, vous :
c’est-à-dire, le Roi et les deux chambres ; c’est-à-dire que le pouvoir
législatif a le droit incontestable, aux termes de la constitution, de régler
l’organisation de l’armée ; mais vous n’insérerez dans cette loi que les
dispositions que vous aurez, après mûr examen, reconnues pouvoir être utiles à
l’organisation de l’armée. Il y a une grande différence, que déjà j’ai signalée
dans une précédente séance, entre une loi spéciale et une disposition que vous
glisseriez dans une loi purement annale, purement financière, disposition qui,
en bornant la prérogative royale à certaines spécialités, ne ferait peut-être,
malgré vos intentions bien connues, que l’entraver au préjudice de la bonne
composition de l’armée.
Quand vous ferez la loi relative à l’organisation
de l’armée, vous y insérerez sans doute quelques dispositions relatives aux
grades supérieurs ; mais vous combinerez tous les besoins du service. Ce sera
là une loi générale. Si, d’une part, le gouvernement sera forcé de se renfermer
dans certaines limites, d’autre part, vous ferez au gouvernement une part assez
large pour que le bien du service soit garanti. C’est dans ce sens que se
concerteront les trois branches du pouvoir législatif pour régler
l’organisation de l’armée. Mais je le demande, serait-il rationnel de consacrer
dans une loi financière, dans une loi de budget, une disposition dont vous n’avez
pas pu d’avance calculer toute la portée et dont M. le ministre de la guerre
vous a signalé déjà de graves inconvénients ?
Car il vous a démontré que cette disposition
empêcherait dans certains cas le gouvernement de pouvoir faire les économies
que le bien du service permettrait de faire ; car le gouvernement serait forcé
d’accorder de l’avancement dans telle circonstance où cet avancement ne serait
pas requis dans l’intérêt public.
On vous a dit que cet amendement était tout à fait
dans l’intérêt du gouvernement ; que si la chambre ne l’adoptait pas, le
gouvernement serait assailli de sollicitations et force de créer un grand
nombre de grades pour donner de l’avancement. Pour moi, je n’admets pas cela ;
je crois que si l’on crée des grades nouveaux, ce ne sera pas uniquement pour
donner de l’avancement, sans égard aux besoins du service, au mérite et au
titre des personnes promues à des grades supérieurs. Je vous avoue que
moi-même, quelle que fût ma position, je ne parlerais pas dans cette enceinte
en faveur d’un ministre qui accorderait de l’avancement sans motif. Mais je
pense que M. le ministre de la guerre ne cédera pas à de pareilles
sollicitations.
Depuis plusieurs années, un seul général de brigade
a été promu au grade de général de division. Cette nomination a provoqué, à ce
qu’il paraît, de la part de quelques membres, de vives réclamations ; c’est là
cette profusion de grades que l’on a eue en vue. Je vous avoue que je n’aime
pas à m’occuper de ces questions de personnes ; ce sont des discussions désagréables
dans une assemblée publique. Mais je vous demande à vous-mêmes (quelles que
soient vos relations personnelles avec ce général), si la position dans
laquelle il s’est trouvé, si les services qu’il a rendus, si le zèle au moins
dont il a fait preuve dans différentes fonctions publiques ne lui donnaient pas
des titres à la bienveillance du gouvernement.
Après tout, le gouvernement a reconnu que le
général dont il s’agit est un homme spécial, qui a des connaissances
approfondies dans la partie dont il s’occupe, et il me semble qu’il pouvait
même être désirable qu’un général de division fût placé à la tête du corps du
génie.
Y a-t-il dans cette seule nomination cette gradomanie dont on a parlé ? C’est tout le contraire.
L’honorable rapporteur, qui s’est particulièrement occupé de ce budget, vous a
dit qu’il y avait des vacatures dans presque tous les corps de l’armée, et que
c’était par des motifs d’économie que le ministre de la guerre n’avait pas
pourvu à ces vacatures. Dès lors je crois que vous pouvez être rassurés à cet
égard, et d’autant plus qu’il est à espérer que dans la session actuelle (et je
le désire de tout mon cœur), la chambre pourra s’occuper des lois organiques,
afin que les officiers connaissent leurs droits et leurs devoir envers le gouvernement, qu’ils sachent les droits que le gouvernement
a sur eux. Car, comme je l’ai dit en commençant, c’est une chose absurde qu’un
officier, pour quelque motif que ce puisse être, ne puisse, dans aucun cas, être
privé de ses grades, honneurs et pensions. Je désire que le cas ne se présente
jamais ; mais quand un officier se rend indigne de l’estime publique et de la
confiance du gouvernement, quand il déshonore l’épaulette qu’il porte, je crois
qu’il est de l’intérêt de toute l’armée que cet officier soit expulsé de ses
rangs. (Adhésion générale.)
Messieurs, je crois en avoir dit assez, surtout
après la discussion très récente qui a eu lieu sur un amendement proposé par un
honorable député de Namur, pour faire comprendre à la chambre tout le danger qu’il
y aurait à adopter dans une loi annale et financière une disposition qu’on
voudrait faire considérée comme organisatrice de l’armée.
(Moniteur
belge n°28, du 28 janvier 1836) Un grand nombre de membres. - La clôture ! la clôture !
M. le président. -
Je vais mettre aux voix le maintien de l’amendement qui porte sur le libellé de
l’article.
Plusieurs
membres. - L’appel nominal !
- La chambre procède à l’appel nominal sur le
maintien de l’amendement de M.
Desmaisières.
Voici le résultat du vote :
79 membres sont présents.
1 membre (M. Seron) s’abstient.
78 membres prennent part au vote.
26 votent pour le maintien de l’amendement.
52 votent contre.
En conséquence la chambre ne maintient pas
l’amendement.
Ont voté le maintien de l’amendement : MM. David,
Brabant, Beerenbroeck, Berger, de Roo, Desmaisières, Dequesne, Dubus (aîné),
Doignon, d’Hoffschmidt, Fallon, Dumortier, Jadot, Simons, Trentesaux, Kervyn,
Stas de Volder, Mast de Vries, Vergauwen, Scheyven, Lejeune, Manilius,
Verdussen, Vandenbossche, Schaetzen, Troye.
Ont voté contre : MM. Raikem, Morel-Danheel,
Quirini, Nothomb, Lebeau, Polfvliet, Hye-Hoys, Pirson, Legrelle, de Muelenaere,
de Nef, de Puydt, Vandenhove, Ullens, Vanden Wiele,
C. Rodenbach, Keppenne, A. Rodenbach, Vanderbelen, Rogier, Dechamps,
Verrue-Lafrancq, de Foere, de Behr, Cornet de Grez, Smits, Bekaert-Baeckelandt,
Andries, Bosquet, Coghen, W. de Mérode, de Longrée, F. de Mérode, de Meer de
Moorsel, de Jaegher, de Renesse, Desmet, Desmanet de Biesme, de Terbecq, de
Sécus, Eloy de Burdinne, Duvivier, Ernst, Wallaert, Zoude, F.-C. Vuylsteke,
Watlet, de Theux, L. Vuylsteke, Devaux, d’Huart, Frison.
M. le président. -
J’invite M. Seron à vouloir bien, conformément au règlement, exprimer les
motifs de leur abstention/
M. Seron. - Je n’ai
assisté qu’à une petite partie de la discussion, et je ne me suis pas trouvé en
état de prononcer en connaissance de cause.
- L’art. 1er est adopté avec le libellé
« état-major général », et avec le chiffre de 644,464 francs 45
centimes adopté au premier vote.
Les autres articles de la première section du
chapitre II n’ayant pas été amendés ne sont pas mis aux voix.
PROJET DE LOI TENDANT A
REPRIMER
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). présente un projet de
loi tendant à la répression de la fraude des céréales particulièrement dans la
province du Limbourg.
- Ce projet de loi et l’exposé de ses motifs
paraîtront dans le Moniteur.
La chambre donne acte à M. le ministre de finances
de la présentation de ce projet de loi, en ordonne l’impression, la
distribution et le renvoi à une commission nommée par le bureau.
PROJET DE LOI PORTANT LE
BUDGET DU DEPARTEMENT DE
Second vote des articles
M. le président. -
La chambre reprend le deuxième vote du budget de la guerre.
Chapitre II. - Soldes et
masses de l’armée, frais divers des corps
Section III. - Masses des
corps, frais divers, indemnités
Article
1 à 5
Les amendements introduits dans les cinq premiers
articles de la section III, « Masse des corps, frais divers ;
indemnités » sont confirmés par le vote de la chambre.
Article
6
« Art. 6. Masse du casernement des chevaux :
fr. 128,000. »
- Le reste de l’article a été ajourné.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Messieurs, sur la proposition de l’honorable M. Brabant
vous avez scindé l’article du casernement en deux parties, l’une pour ce qui
concerne celui des hommes, l’autre pour ce qui est relatif à celui des chevaux
: j’ai appuyé moi-même cette proposition, et je persiste à en demander le maintien.
Ainsi l’article du casernement des chevaux étant
fixé à 128,000 francs, reste celui des hommes qui était porté au budget pour
778,603 fr. 20 centimes, mais qui a été réduit par la section centrale à
723,703 fr. 10 cent., par le retranchement de l’allocation pour les 3,000
hommes qui doivent être cantonnés pendant l’exercice courant.
Le chiffre primitif de 778,603 fr. 20 c avait été
fixé sur l’effectif’ des troupes qui doit exister sous les armes pendant l’année 1836, conformément aux tableaux de
composition de chaque arme, et ainsi que le tableau (p. 120) le fait connaître
en détail, par le nombre de journées de chacune de ces armes.
La quotité de l’allocation a été calculée à 5 c.
par homme et par jour, ce qui fait pour l’année, qui est bissextile, 18 fr. 30
c. par homme.
C’est ici le moment, messieurs, de vous faire
connaître comment ce service est actuellement organisé avec les régences.
Seize villes possèdent ensemble 10,000 lits à 2
places, qui peuvent donc coucher 20,000 hommes. Comme c’est par homme que cette
allocation est fixée, il en résulte que le lit est payé 36 fr. 60 c. aux
régences, malgré que l’honorable M. Dumortier ait soutenu le contraire à trois
reprises différentes, sans faire nulle attention à l’assertion formelle que je
lui donnais, qu’il était à cet égard dans l’erreur la plus complète.
Ainsi 10,000 lits à 2 places à 36 fr. 60 c., l’un font 366,000 fr.
L’entreprise doit fournir pour son service 1 000
lits à 2 places, 19,600 lits à une place, total 20,600 lits.
Le prix de location et d’entretien des lits à 2
places n’est fixé par le marché qu’à 29 fr. 50 c.,
c’est-à-dire, 7 fr. de moins que l’on ne paie aux régences, dont les 1,000 lits
coûteront à l’Etat la somme de 29,500 fr.
Quant aux 19,600 lits à une place, au prix de 20
fr. 50 c., le montant de la dépense sera de 401,800
fr.
Les trois sommes réunies font un total de 797,300
fr. ; mais attendu que le service ne sera monté que successivement dans le
courant de l’année, et qu’en attendant nous ne paierons aux régences de quatre
villes, qui ne fournissent que des literies incomplètes, et aux corps qui ont
le service des literies à leur compte dans onze autres places, que 2 1/2
centimes pendant deux mois pour 14,000 hommes, et pendant quatre autres mois
pour 7,000 hommes, la différence sera de 50,000 fr. environ, et il pourra y
avoir 23,000 fr. d’économie sur les hommes aux hôpitaux.
Ainsi la somme allouée par la section centrale sera
suffisante pour assurer tout le service.
A cet égard, je ferai remarquer que si le prix du
loyer du lit en fer à une place dépasse de 2 fr. 20 c. la fixation de
l’allocation, ce qui fait pour les 19,600 lits la somme de fr. 43,120 d’un
autre côté, le rabais que j’ai obtenu sur le prix du loyer du lit en fer à 2
places est de 7 fr. par lit, comparé à l’allocation et à ce que l’on paie aux
régences, ce qui fait à défalquer 7,000.
Reste donc fr. 36,120 d’excédant final de dépense
pour que nos soldats soient bien couchés, et que l’Etat n’a pas eu à débourser
une somme de 600,000 fr., et n’ait pas pris à sa charge la fabrication des
couchettes en fer.
Vous conviendrez, messieurs, qu’ayant obtenu un
résultat aussi important, au moyen d’un sacrifice aussi minime, je ne devais
pas m’attendre aux attaques qui ont été dirigées contre le marché que j’ai
conclu.
Et moi aussi je voulais apporter dans ce service
toutes les économies compatibles avec l’intérêt de l’Etat et le bien-être des
soldats. C’était une somme de 150,000 fr. que je voulais économiser
annuellement, ainsi que vous allez en être convaincus, en entendant la lecture
d’un rapport que je fis le 1er juin, et dont je viens de retrouver la minute.
Vous y verrez si je sais plaider, quand il
convient, les intérêts du trésor.
« Sire,
« J’ai l’honneur de rendre compte à votre
Majesté que j’ai procédé aujourd’hui à l’adjudication préparatoire de la
fourniture et de l’entretien de 21,610 lits dans les places désignées dans la
colonne A de l’état ci-joint, et qu’un grand nombre de soumissionnaires s’est
présenté pour concourir à cette entreprise, mais aucun pour le compte des
régences.
« Avant donc de prendre une décision sur ce point
important, je crois devoir faire connaître à Votre Majesté le résultat des
diverses observations qui m’ont été présentées.
« D’abord les soumissionnaires se sont réunis
pour qu’il fût accordé, comme en France, un prix ferme par an, au lieu de payer
deux prix, l’un d’occupation pour les lits en service, et un prix d’entretien
pour les lits non occupés.
« M’étant réservé la faculté de répartir ces
lits dans les autres places de garnison, suivant les besoins du service, j’ai la certitude de pouvoir les faire tous
occuper, et je puis alors compter sur une diminution de prix en traitant à prix
ferme.
« J’ai donc consenti, dans l’intérêt de l’Etat, à
traiter à prix ferme, dans la prochaine adjudication, et j’espère obtenir des
soumissions à un prix plus bas que le montant actuel des allocations que l’on
paie aux régences pour les lits qu’elles fournissent, si l’on admettait
également, pour le nouveau service, des lits de fer également, mais à deux
places au lieu d’une.
« La différence de prix serait au moins de
150,000 fr. par an, ce qui ferait 3 millions de moins à payer pendant la durée
du marché qui est fixée à 20 ans.
« Ainsi, au moyen d’un prix ferme, j’obtiendrais un
lit à deux places, d’un loyer annuel de 30 fr., tandis que le prix du lit à une
place sera de 22 fr., ce qui fait 44 fr. pour deux hommes, et, en conséquence,
une augmentation de 14 fr., c’est-à-dire, 7 fr. de plus par homme.
« A cette considération d’économie je dois
ajouter celle que l’usage des lits à une place ne permet plus de loger autant
d’hommes dans les casernes, et, que leur capacité sera réduite du cinquième au
quart, ainsi que l’expérience l’a déjà prouvé en France.
« Telle caserne qui pouvait recevoir 50 lits à
deux places, et conséquemment loger 1,000 hommes, ne pourra plus en recevoir
que 700 à 800 au plus à une place, parce que l’espace à laisser entre les lits
est, à peu de chose près, le même dans les deux systèmes de couchage.
« Il est aussi à remarquer que, dans les
cantonnements et en route, les soldats coucheront toujours deux dans le même
lit, et que généralement les habitants de la campagne, dont se compose la
majorité de nos soldats, sont habitués à coucher 2, 3 et 4 ensemble.
« Sous le rapport de l’hygiène, les avis sont
partagés.
« Sous celui des moeurs, il est presque égal
d’être deux dans un lit, ou dans deux couchettes séparées d’au pied ou deux.
« Ce n’est donc que sous le rapport de la
répugnance qu’éprouve à avoir un camarade de lit, un jeune homme bien élevé et
qui désire servir : je conviens que ces cas existent, mais ils sont assez
rares.
« D’un autre côté, Votre Majesté remarquera à
la colonne D de l’état que j’ai déjà assuré le couchage de 16,750 hommes, avec
fournitures complètes, dans dix places, et que ce service se fait par les soins
des régences, avec des lits à deux places.
« Quand une fois le service sera assuré dans
les places indiquées dans la colonne A, je l’étendrai successivement aux places
des colonnes B et E.
« La question à décider aujourd’hui est celle
de savoir s’il faut monter le nouveau service en couchettes à une place,
nonobstant les considérations que je viens d’exposer, l’économie de 150,000 fr
par an qui résulterait de l’adoption des lits à deux places, et la diminution
du nombre des hommes qu’on pourra loger dans les casernes existantes, et qui le
réduira de 50,000 hommes à 40,000 au plus.
« Aujourd’hui que je suis fixé, d’après la
différence des prix de l’un et l’autre mode de couchage, sur le montant de
l’économie que j’étais loin d’estimer à ce taux, je pencherais pour l’adoption
de lits en fer à deux places, et j’imposerais aux régences l’obligation d’en
fournir dans le courant de l’année prochaine.
« Je prie Votre Majesté de me faire connaître
ses intentions sur le système définitif à adopter pour que je puisse procéder
aux adjudications.
« Le ministre de la guerre, Baron
Evain. »
Le Roi assembla un conseil
d’officiers-généraux pour avoir leur avis sur cette question, et l’avis unanime
fut que les soldats devaient coucher seuls.
C’est alors que je rédigeai le 2 juin le nouveau
cahier des charges de l’entreprise qui fut imprimé le 3, et que le jour de
l’ouverture des soumissions fut fixe au 15 du même mois.
Je pense, messieurs, que sans préjuger la question
relative au marché des lits militaires que vous avez soumise à une commission,
il convient d’après les explications que je viens d’avoir l’honneur de vous
donner, de ne pas laisser le budget incomplet, et je vous propose en
conséquence d’allouer la somme indiquée par la section centrale, montant à
723,703 fr. 20 cent, comme basée sur les allocations existantes, et qui suffira
pour le service.
M. Dumortier. -
Vous tranchez la question.
M. le ministre de la guerre (M.
Evain). - Du tout. La question n’est nullement préjugée.
M.
A. Rodenbach. - Je demanderai à M. le ministre ce qu’il adviendra si
nous votons le chiffre qu’il demande pour l’exécution d’un marché que nous
considérons comme onéreux. On vient de lire un long rapport tendant à obtenir
une allocation de 725,000 fr. Mais j’ai mis des chiffres en avait contre le
marché conclu par le ministre de la guerre ; c’est moi qui ai pris l’initiative
à cet égard ; et jusqu’à présent, malgré le rapport et tout ce qui a été dit,
mes chiffres subsistent.
Une commission a été nommée
par la chambre pour l’examen de ce marché ; elle doit porter sur ce marché des
investigations sérieuses ; car l’affaire est importante ; il s’agit dans
l’opinion de certaines personnes, de 3 ou 4 millions, et dans mon opinion de 1,500,000 fr, Je crois que la chambre ne doit pas, sans avoir
entendu le rapport de cette commission, accorder les 725,000 fr. demandés. Car
si nous accordons cette somme et que la commission se prononce contre le
marché, nous ne voterions que pour la forme sur ces conclusions. Dans ce cas
qu’aurions-nous à faire ? Je demande à cet égard une explication catégorique.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Quelle que soit la résolution de la chambre sur le marché
que j’ai conclu, il faut que nos soldats soient couchés et que ceux qui feront
les fournitures nécessaires reçoivent l’allocation votée. Remarquez que le vote
de la somme que je demande ne préjuge pas la question ; car, qu’elle que soit,
je le répète, la décision de la chambre, il y aura 40,000 soldats à coucher, il
leur faudra des lits, il faudra que ces lits soient payés. Que ce soit à
Pierre, que ce soit à Paul, il faudra toujours payer 723,000 fr. Cela est clair
et très conséquent.
M. Dubus. - Il ne me semble pas que la chambre
puisse revenir sur la résolution qu’elle a prise d’ajourner son vote sur
l’amendement de la masse de casernement, en ce qui concerne le casernement des
hommes, à moins que la chambre ne veuille se désarmer tout à fait. Car si vous
votez les fonds, vous armez le gouvernement du pouvoir de payer d’après le
marché qu’il a conclu. Je ne sais même si le ministre pourrait se refuser à
payer les entrepreneurs, alors que d’une part il aurait pris un engagement par
un marché, et que de l’autre la chambre aurait alloué la somme.
Vous avez renvoyé à une commission l’exécution du
marché conclu. Si maintenant vous votez les fonds nécessaires pour payer les
entrepreneurs, le rapport de la commission ne sera plus qu’un avis ou une
consultation sur ce que vaut ou ne vaut pas le marché dans l’intérêt de l’Etat
; car vous ne pourrez plus empêcher l’exécution de ce marché.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Mon intention n’est nullement d’opposer à la chambre une
fin de non recevoir. J’appelle au contraire de tous mes vœux un examen
consciencieux et un prompt rapport sur le marché qui a été fait. Si l’on
croyait que mon intention a été d’annuler la décision de la chambre et les
effets du renvoi de la question à l’examen d’une commission, je retirerais
moi-même ma proposition.
M.
F. de Mérode. - Je demande la parole contre le retrait de la proposition.
On vient de dire que l’allocation de 723,000 fr.
serait la ratification du marché, et on dit en même temps qu’il s’agit dans ce
marché de 3 ou 4 millions ; mais il est clair que l’allocation de 723,000 fr.
ne couvrira pas une dépense de 3 ou 4 millions.
M. le président. - M. F. de Mérode reprend-il la
proposition que vient de retirer M. le ministre de la guerre ?
M. le ministre des affaires étrangères (M. de
Muelenaere). - M. le ministre de la guerre avait d’abord proposé de
porter au budget 723,000 fr. en sus de l’allocation votée par la chambre au
premier vote, afin que, quel que fût le résultat de l’enquête sur le marché, et
en supposant même qu’il fût défavorable, on ne fût pas obligé de revenir sur le
budget.
Là-dessus on reproche à M. le ministre de la guerre
d’opposer à la chambre une fin de non-recevoir. M. le ministre de la guerre,
d’après cela, n’a pas dit qu’il retirait sa proposition, mais que plutôt de
laisser croire à une telle intention de sa part, il retirerait sa proposition.
Il n’en est pas moins vrai que la proposition de M. le ministre de la guerre et
ses observations subsistent. En effet, quelle que soit la décision de la
chambre sur la question renvoyée à la commission, il n’en faudra pas moins
allouer pour le service des lits militaires pendant l’année 1836, la somme de
723,000 fr que vous avez allouée les années précédentes, avant que le marché
fût conclu.
M.
F. de Mérode. - Je voulais faire observer qu’effectivement il faudrait
en tout état de choses pourvoir au couchage des soldats en 1836 comme en 1835,
et que ce que demandait le ministre de la guerre était très simple. Il me
semblait dès lors qu’il ne devait pas renoncer à sa proposition.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Je crois qu’il y aurait un moyen terme qui concilierait
toutes les opinions. Le travail de la commission peut être long. A la fin du
mois il faudra que je règle avec les régences, qui se sont chargées du couchage
de leur garnison ; la chambre devra alors au moins m’accorder une provision,
pour faire face aux dépenses jusqu’à ce que l’affaire soit définitivement
vidée.
M. Brabant. -
Nécessairement il faudra une somme pour le casernement, quels que soient ceux
qui fourniront le couchage ; mais il n’y a pas urgence dans le vote de cette
somme. Le ministre avait sans doute perdu de vue le règlement, quand il a dit
qu’il devrait régler avec les régences à la fin de janvier ; car aux termes du
règlement un trimestre ne doit être payé que dans le premier mois qui suit.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Et les corps qui ont eux-mêmes
entrepris leurs couchages ?
M. Brabant. - Les
corps ne paient non plus que par trimestre, et quand un trimestre est expiré,
il n’y a pas manque de foi si on ne le paie que le dernier jour du mois
suivant, par exemple si on paie le premier trimestre le 30 avril.
Nous avons donc tout le temps, nous avons devant
nous d’ici au 30 avril pour satisfaire à cette obligation. Il me semble
préférable de ne porter aucune somme au budget. Il n’y a pas danger ; en
supposant que le marché soit maintenu, on exécutera loyalement la convention en
payant le trimestre expiré dans le courant du quatrième mois,
Il n’est pas rare que dans ce budget on vienne nous
demander des suppléments de crédit ; ce sera un article resté en arrière. Il
nous est arrivé dans les budgets antérieurs d’avoir jusqu’à 5 et 6 articles
supplémentaires.
M. Dubus. - On
a supposé à tort que j’avais attaqué les intentions du ministre, que je l’avais
accusé de vouloir exécuter le marché en dépit de la chambre. Je ne sais pas qui
exécutera le budget actuel, je ne dois pas le savoir, mais quelqu’un sera
chargé de l’exécution de ce budget comme des autres lois. Eh bien, je suppose
qu’une autre personne que le ministre actuel soit appelée à exécuter ce budget,
il ne verra que ce qui est écrit, il trouvera une somme votée pour le
casernement des hommes, il l’appliquera comme il le jugera à propos, car vous
ne formulez rien. Si vous ajoutiez qu’on ne pourra employer tout ou partie de
ce crédit sans une loi ultérieure, vous levez la difficulté. Ajoutez cela et je
suis prêt à voter, car je saurais qu’il y aura une loi nouvelle et que la
chambre n’aura pas ordonné une instruction inutile, attendu que quand
l’instruction sera terminée, elle pourra prononcer par un vote sur la question.
Mais si le budget était voté, je vous demande quel
vote vous auriez à émettre. On vous fera un rapport, vous le discuterez mais
vous n’aurez rien à voter, vous ne pourrez pas vous prononcer. Si les
renseignements que vous avez chargé une commission spéciale de recueillir vous
avaient été fournis avant, vous auriez formulé une opinion et vous l’auriez
fait dans le budget. Réservez-vous ce droit pour quand la commission vous aura
présenté son travail.
Il n’y a ici ni question de personne ni question
d’intention mais une question du fond des choses. Vous vous ôtez le moyen de
prononcer si vous adoptez la proposition que vient de faire le ministre de la
guerre.
J’ajouterai que le ministre avait consenti à
l’ajournement lors du premier vote : j’ai même cru comprendre tout à l’heure
que le ministre retirait sa proposition.
M.
le ministre des finances (M. d'Huart). - M. le ministre de la guerre
avait consenti à l’ajournement jusqu’au second vote.
M. Dubus. - La
chambre n’a nommé une commission que pour que son rapport fût discuté avant le
vote.
Je demande comment la chambre pourra user de son
droit, formuler un vote, si vous allouez dès à présent le crédit. Il est
évident qu’elle ne le pourra pas. (Aux
voix ! aux voix !)
M. le président. -
Je vais mettre aux voix l’ajournement.
M. Legrelle. -
Je ne m’oppose pas à l’ajournement, mais je crois devoir appeler l’attention de
la commission sur la nécessité d’une prompte solution de la question.
- L’ajournement du crédit demandé pour le
casernement est adopté.
Articles
7 à 13
La chambre confirme successivement, et sans
discussion les amendements adoptés, aux articles 7, 8, 9, 11, 12 et 13.
Article
14
« Art. 14. Remonte : fr. 404,000. »
M. le président. -
La chambre a adopté te chiffre de 370 mille francs et le ministre se rallie à
cette réduction.
M. Desmaisières.
- Je demande à reproduire mon amendement. J’espère qu’on n’y mettra pas
opposition. A la séance où cet article a été voté, je n’ai pas insisté pour que
l’adoption de mon amendement qui avait eu lieu à une forte majorité fût
maintenue. J’espère que du côté du ministre il n’y aura pas moins de procédé et
qu’il ne s’opposera pas à ce que je reproduise mon amendement.
M. le président. -
J’ai une observation à faire. C’est que si l’amendement de M. Desmaisières
avait été adopté, le bureau en aurait prononcé l’adoption. Je n’étais pas au
bureau dans ce moment ; mais je suis persuadé que les membres qui le
composaient auraient déclaré l’amendement adopté, si effectivement la majorité
s’était prononcée en sa faveur.
M. Desmaisières.
- Je dois avouer qu’il était difficile de se reconnaître au milieu du brouhaha
qu’il y avait dans ce moment ; mais il est notoire pour tous les membres qu’il
y avait une grande majorité pour l’adoption de mon amendement.
M. le président. -
Quand il y a décision du bureau, elle ne doit pas être contestée ensuite, quand
il n’y a pas eu de réclamation et quand le lendemain le procès-verbal a été
adopté sans que personne se soit élevé contre sa rédaction. L’assemblée doit en
pareil cas maintenir ce qui a été décidé.
M. Desmaisières.
- Je ferai observer que j’ai dit en commençant que je n’avais pas fait de
réclamations pour éviter une discussion qui aurait pu être irritante.
J’ai dit aussi que je ne faisais maintenant mon
observation que pour qu’on ne tire pas argument de ce qui s’était passé, pour
qu’on ne considère pas le chiffre adopté comme une proposition ministérielle
qui exclurait mon amendement.
M.
le président. - Le procès-verbal fait foi de ce qui s’est passé à la
séance, quand il a été adopté par la chambre elle-même. L’observation de M.
Desmaisières ne change pas la position des choses.
Quant à l’amendement, je ne m’en occupe pas. Je me
borne à maintenir ce qui a été décidé par la chambre.
M. Desmaisières.
- Je n’insiste pas. Mais je dis que c’est un fait qu’une grande majorité
s’était prononcée pour mon amendement.
M.
Fallon. - Je demande la parole sur le fait dont il s’agit. J’occupais
le fauteuil lorsque l’amendement de M. Desmaisières a été mis en délibération.
Il y avait la proposition de la section centrale à laquelle le ministre s’était
rallié et celle de M. Desmaisières.
Le chiffre de la section centrale ayant été rejeté,
M. le ministre a présenté un autre chiffre qui a été adopté. C’était à la fin
de la séance, et il était assez difficile de voir ce qui se passait. Mais nous
y avons regardé à deux fois, et nous nous sommes assurés que le second chiffre
proposé par le ministre était adopté.
Après cela il est possible qu’une grande majorité était favorable à l’amendement de M. Desmaisières, mais
cette majorité est restée assise. (Hilarité
générale.)
M. Dubus. - Je
demande la parole.
M. le président. -
Mais le procès-verbal a été adopté.
M. Dubus. -
Comme c’est sur l’incident que je demandais la parole, je croyais que M. le
président ne devait pas préjuger la question.
Je pense qu’il y a ici erreur sur les faits : elle
provient, précisément de ce qu’une partie de l’assemblée n’aura pas saisi ce
qui s’est passé. Il me semble qu’une partie de l’amendement de M. Desmaisières
n’a pas été mise aux voix, et la mémoire de M. Fallon le trompe.
Je comprends que M. Desmaisières a pu croire son
chiffre adopté : il y en avait deux en présence : celui de 344,000 francs qu’il
proposait, et celui de 372,000 demandé par le ministre. Quand le ministre a vu le
sien rejeté, parce qu’on commence toujours à mettre en délibération les
chiffres les plus élevés, il a demandé 370,000 fr., et ce chiffre a été adopté.
Des membres. - Il fallait réclamer.
M. Dubus. - On
a réclamé. C’est le Moniteur qui m’a
appris ce qui s’est fait, et non le procès-verbal. J’en ai été frappé, en
lisant le Moniteur. Vous voyez donc
que M. Desmaisières a facilement pu se méprendre et croire que c’était son
chiffre de 344,000 fr. que l’on avait adopté.
M. Desmaisières.
- Je n’insiste pas pour mon amendement ; mais j’insiste pour qu’on me donne le
droit de le reproduire.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande la question préalable sur l’amendement
; ou tout au moins, je demande une explication...
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. -
Il ne peut y avoir lieu ici à un rappel au règlement.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). - Je demande le rappel à l’article 45 du
règlement.
Le chiffre de M. Desmaisières a été rejeté ; ainsi
l’a déclaré le bureau. (Bruit.) S’il
y a eu erreur, on peut revenir sur le fond de la question ; cependant un
antécédent semblable entraînerait de graves inconvénients, car il permettrait
de revenir sur des amendements écartés.
Nous avons un moyen certain de nous assurer du fait
; c’est le procès-verbal adopté par la chambre : je demande que M. le président
veuille bien en faire donner lecture.
M. le président. -
J’ai envoyé chercher le procès-verbal : le voici, On y lit :
« Art. 14, qui devient l’article 15. Remontes.
Le ministre demande 404,000 francs, la section centrale propose 370,000 fr. ;
M. Desmaisières, 344,000 francs ; M. de Jaegher, 360,000 francs. Le chiffre de 372,000
francs est rejeté. M. le ministre de la guerre réduit sa demande à 370,000
francs : ce chiffre est adopté.
« La séance est levée.»
M.
Desmaisières. - Je vois d’après ce procès-verbal que ce qu’a dit M.
Dubus est vrai, que mon amendement n’a pas été rejeté, puisqu’il n’a pas été
mis aux voix. Je crois que la chambre me permettra de le reproduire.
M. F. de Mérode.
- Si l’on a adopté le chiffre présenté en second lieu par le ministre de la
guerre, c’est qu’on n’a pas voulu adopter le chiffre de M. Desmaisières. Au reste la différence n’est pas considérable et
de plus il s’agit d’une éventualité. Il ne fait pas pour une chose pareille
bouleverser tout un budget. S’il s’agissait du salut de l’Etat, sans doute il
faudrait recommencer mais il ne s’agit pas de cela actuellement.
M. Fallon. - En
matière de budget, la chambre a dérogé un peu à son règlement ; car alors elle
met toujours aux voix le chiffre le plus élevé en premier lieu. En procédant
ainsi, le chiffre inférieur se trouve véritablement rejeté quand le chiffre
supérieur est adopté. La chambre a-t-elle en effet entendu que les choses
soient ainsi ?
Plusieurs membres. - Evidemment oui.
M. le président. -
Le chiffre de 350,000 francs est présenté par M. Desmaisières.
M. le ministre des
finances (M. d'Huart). C’est un nouvel amendement.
M. Desmaisières.
- Lorsque le ministre de la guerre nous a proposé son chiffre de 372,000
francs, lequel ne s’applique qu’à un crédit purement éventuel, il nous a donné
l’assurance qu’il ne dépenserait pas toute la somme, si elle n’était pas
nécessaire ; mais c’est précisément parce que ce crédit est purement éventuel
qu’il ne faut pas en augmenter le chiffre outre mesure ; car sous le prétexte
d’éventualités, on parviendrait bientôt à augmenter tellement les chiffres du
budget général des dépenses de l’Etat que la balance qui doit exister entre les
recettes et les dépenses ne pourrait jamais être établie.
Remarquons qu’il y a ici deux éventualités : le
nombre des chevaux de remonte et le prix des chevaux.
Les prévisions ministérielles sont faites au grand
maximum ; c’est ainsi que cela doit avoir lieu ; cependant il y a des mesures
en tout ; et je fonde mon amendement sur plusieurs grandes exagérations en ce
qui concerne les prix moyens sur lesquels le ministre a appuyé sa demande.
Depuis le premier vote j’ai pris des renseignements
; et voici les calculs que j’ai établis, d’après les renseignements que l’on
m’a donnés.
Dans les développements du budget, pour les chevaux
de cavalerie légère, le ministre de la guerre demande, comme prix moyen, 510
francs ; or, je crois être modéré, en ne portant ce prix moyen qu’à 480 francs
; de même c’est être très modéré que de réduire le prix moyen des chevaux de
cuirassiers à 600 fr. au lieu de 670 fr. que demande le ministre, et enfin de
porter le prix moyen des chevaux des guides aussi à 600 fr. et ceux
d’artillerie à 475 fr.
Il est résulté que j’ai modifié le tableau qui se
trouve à la page 128 des développements du budget comme suit :
(Ce tableau
n’est pas repris dans la présente version numérisée.)
Je propose donc le chiffre
de 350,000 fr. Je crois cette proposition très raisonnable, et j’ose espérer
que M. le ministre aura la bonne foi de s’y rallier et ce d’autant plus que mes
réductions ne portent que sur les prix des chevaux et non sur les nombres qui
ne sont cependant pas exempts aussi d’exagération.
Je crois, dis-je, encore une fois, que ma
proposition est très raisonnable et que j’ai même peut-être été trop modéré
dans mes réductions.
Il y a ici d’honorables membres qui ont servi dans
la cavalerie et qui savent qu’il n’y a pas de marchés dans lesquels il y ait
plus de tripotages que les marchés des remontes ; nous avons donc être très
sobres dans nos allocations sur cet objet ; car si nous basons nos allocations
sur des moyennes trop élevées, il est à craindre que ce ne soit au profit des
entrepreneurs auxquels nous présenterions ainsi un appât à leur avidité qui
n’est déjà souvent que trop grande.
J’engage donc de nouveau M. le ministre de la
guerre à se rallier à mon amendement.
M.
le ministre de la guerre (M. Evain). - Les prix moyens qui sont portés
ici en ligne de compte pour que, multipliés par le nombre des chevaux, leur
produit représente la somme à accorder, sont le résultat des différents marchés
qui ont été conclus. Nous avons eu des prix plus élevés, ces deux dernières
années, parce que nous avons tiré du Danemarck les
chevaux pour la cavalerie légère. Mais comme tout se fait par adjudication,
comme il y a pleine concurrence et que le marché est adjugé au soumissionnaire
qui offre le moindre prix, il n’y aurait aucun avantage à baisser le prix
d’estimation porté au budget. En conséquence, je ne crois pas nécessaire la
diminution proposée de 20,000 fr. sur le chiffre de la section centrale auquel
je m’étais rallié.
M. Desmanet de
Biesme. - Je pense que le prix de 670 fr. pour les chevaux de grosse
cavalerie est exorbitant. Je ne puis admettre que les chevaux pour tout un
régiment coûtent un tel prix. Je crois, je ne l’affirme pas, car je n’ai pas de
preuves positives, mais j’ai ouï dire par des personnes bien informées qu’on
éloignait les fournisseurs en leur présentant des conditions exorbitantes dans
le cahier des charges, et qu’on se relâchait de ces condition, par des marchés
particuliers, qu’on n’exigeait pas l’accomplissement de toutes les formalités
indiquées au cahier des charges, dans les marchés passés avec certains
entrepreneurs. J’engage donc, M. le ministre de la guerre à avoir un œil sévère
pour tout ce qui concerne les marchés des chevaux.
Quant à moi, je
crois suffisante la somme proposée par l’honorable M. Desmaisières. Je crois que cette réduction n’empêchera pas la
cavalerie d’être bien montée.
Je conviens que les choses se passent mieux que
dans le commencement. Car pour la première remonte, consultez quelque major de
cavalerie que ce soit, il vous dira que ce fut chose pitoyable que la manière
dont fut montée la cavalerie, surtout relativement à ce que coûtèrent les
chevaux. Sans doute, il faut faire la part des circonstances ; aussi les choses
vont-elles mieux à présent. Quoi qu’il en soit, je me crois fondé
à appeler l’attention de M. le ministre de la guerre sur bien des choses qui se
passent et qui ne sont pas tout à fait régulières.
M. d'Hoffschmidt.
- Je désirerais savoir de M. le ministre de la guerre si tous les chevaux de la
cavalerie sont achetés à l’étranger. On pourrait au moins acheter dans le pays
les chevaux de l’artillerie ; ceux-là, le pays peut les fournir ; il faudrait
donc ne pas aller les chercher à l’étranger. Vous savez combien les chevaux
sont à vil prix. Ma demande tendrait à relever ce commerce si essentiel.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - Tous les chevaux de l’artillerie ont continuellement été
achetés dans le pays. Et comme je connais les souffrances de la province du
Luxembourg, je mettrai pour condition dans les marchés relatifs à ces chevaux
qu’ils devront être achetés dans cette province.
M. d'Hoffschmidt.
- Je suis très satisfait de la réponse de M. le ministre de la guerre.
- Le chiffre de 370,000 fr. pour l’art. 14,
« Remonte, » n’est pas adopté. L’art. 14 est adopté avec le chiffre
de 350,000 fr. proposé par M.
Desmaisières.
Chapitre III. - Service de
santé
Article
2
- L’amendement introduit dans l’article 2 de ce
chapitre est confirmé par le vote de la chambre.
Article
3
« Art. 3. Hôpitaux (personnel). »
M. le président. -
Le gouvernement avait demandé à ce titre 241,695 fr. 26 c. La chambre a adopté
le chiffre de 222,045 fr., 26 c., réduction 19,650 fr.
M. F. de Mérode.
- Après ce qui a été dit dernièrement contre le projet de rétablir un hôpital
militaire d’instruction en Belgique, j’ai relu la brochure offerte à la chambre
des représentants par M. le docteur Fallot, médecin principal de l’armée, et
j’en ai résumé les motifs auxquels il me semble qu’on n’a rien répliqué de
raisonnable.
En admettant que, parmi les docteurs sortis des
facultés, le gouvernement n’eût qu’à choisir, ces médecins, dit M. Fallot,
seraient-ils propres aux fonctions auxquelles ils seraient appelés ? Non, et
cent fois non : quelques bonnes études qu’ils eussent faites, ils ne pourraient
savoir que ce qu’on leur aurait appris, et il est des connaissances
indispensables pour l’exercice de la médecine militaire qui ne s’enseignent et
ne doivent pas s’enseigner dans les facultés. Le médecin militaire doit être
non seulement médecin, chirurgien, pharmacien, mais comptable. Détaché au loin
il doit, d’après des formes données, rendre un compte exact des objets mis à sa
disposition pour l’accomplissement de ses devoirs.
Chaque profession a des maladies qui lui sont
propres. M. Fallot a cité à l’appui de cette vérité un passage du traité sur
les maladies des artisans publics, par le docteur Patissur.
Il a fait voir la pauvreté de l’argument ironique qui consistait à demander en
quoi l’organisation du soldat diffère de celle des bourgeois et si le corps du
militaire changeait avec son habillement. Il a appuyé cette différence dans les
maladies des diverses classes de la société par l’exemple terrible de
l’ophtalmie exclusivement épidémique jusqu’ici dans l’armée belge, tandis
qu’elle n’affecte point d’autre classe des habitants du pays.
Je ne prétends pas que la fréquentation de
l’hôpital d’instruction suffira pour initier les élèves à tous les cas de
pratique, j’avoue le premier qu’il n’est pas possible de les réunir tous : mais
voici ce que je soutiens, c’est qu’en le plaçant dans une garnison assez
nombreuse pour l’alimenter en tout temps de maladies aiguës, en y faisant
transporter tous les malades de maladies chroniques susceptibles de déplacement,
réunissant dans les salles de clinique les cas les plus intéressants des deux
ordres, les y expliquant, commentant, comparant, on donnera aux officiers de
santé de l’armée une occasion de s’instruire que jamais ils ne rencontreront si
un pareil établissement n’est pas formé.
Indépendamment de ces considérations que j’extrais
de l’écrit de M. Fallot, il faut reporter la nécessité d’instruire à fond
l’officier de santé militaire sur les maladies simulées ou dissimulées, matière
difficile sur laquelle le médecin civil n’a que rarement à se prononcer et
qu’il étudie plutôt comme objet de curiosité que de pratique. Le médecin
militaire doit savoir se suffire avec peu, suppléer à ce qui lui manque,
improviser des aides, des ressources en médicaments, instruments appareils, et
s’occuper journellement de mille choses dont le médecin civil n’a jamais à
s’enquérir.
Beaucoup sont venus prendre place dans les rangs de
l’armée ; ils ne manquent pas de théories, mais la pratique leur est encore
étrangère. Serait-il permis d’abandonner des malades à leurs mains
inexpérimentées, à des essais dont le hasard serait souvent le seul guide ?
C’est afin de leur en donner un plus sûr dans l’expérience de leurs anciens,
qu’on veut leur faire faire un cours pratique.
C’est précisément l’arrêté du 20 mars 1817, où est
consignée l’obligation d’être pourvu du degré de docteur pour pouvoir entrer
dans l’armée, qui crée les deux hôpitaux d’instruction de Louvain et de Leyde, et
c’était le célèbre Brugmans qui avait fait l’arrêté.
Quel intérêt peut-on supposer au ministre de la
guerre lorsqu’il réclame les moyens de rétablir en Belgique une école
d’instruction reconnue nécessaire en tout pays, et dont
Tandis que, dans l’ordre civil, vous choisissez
votre médecin, celui auquel vous croyez le plus de savoir, dans le militaire un
médecin est imposé, on doit le subir parce que le gouvernement l’a jugé capable
; d’où naît incontestablement pour ce dernier le devoir de porter l’instruction
de ses officiers de santé au plus haut degré possible, et cela avec d’autant
plus de raison que la perspective offerte par la médecine militaire n’est pas
assez belle, que la vie à laquelle elle assujettit est trop vagabonde, trop
fatigante, trop soumise à la discipline pour tenter les jeunes gens, les plus
aptes et les plus capables de se procurer une meilleure position. Quel est le
village en Belgique où un docteur, très médiocrement instruit, ne gagne pas
1,400 francs, montant, après retenue, de la solde du médecin adjoint ?
Après avoir traité la question sous le point de vue
de l’utilité, M. Fallot l’examine sous le rapport de la discipline. C’est aux
écoles militaires et dès l’âge de 16 ans, dit-il, qu’on appelle les aspirants
au grade d’officier ; le sacerdoce saisit, au sortir de l’enfance, et fait
élever dans des établissements directement surveillés par lui, ceux qui se
propose de faire participer plus tard ses fonctions : à chacun son éducation
spéciale, et on s’en trouve bien ; aussi n’est-il pas un pays où n’existent des
établissements particuliers d’instruction pour les médecins militaires, en
Prusse, en France, en Autriche, en Hollande, en Angleterre. A l’appui de ces
exemples, survient encore l’avis directement donné à M. le ministre de la
guerre par M. le baron Larrey. A ces autorités si puissantes, qu’a-t-on opposé
? un membre vous a dit : J’ai parlé à des médecins, et
ces médecins m’ont assuré le contraire de ce qu’affirme le docteur Fallot. Un
autre a voulu vous persuader, mais ce qu’ils ont dit a été complètement réfuté,
qu’une école, suivie par 32 jeunes gens, serait un cinquième université. On a
aussi eu recours à l’inconstitutionnalité. En effet, la constitution, arbitrairement
étendue dans tous les mots qui en composent le texte, devient une excellente
fin de non-recevoir contre les projets utiles auxquels on ne peut opposer que
des raisons et des comparaisons semblables à la prétendue cinquième université.
Enfin, on nous a lancé un de ces arguments qui ont tout la valeur concluante
des suppositions auxquelles se livre si volontiers l’esprit de défiance. C’est
que la création d’un hôpital d’instruction pour les officiers de santé
militaire n’a d’autre avantage et d’autre but que de procurer à quelques
personnes des places rétribuées ou des supplémentes de traitement.
Voici, à cette insinuation si décisive contre
l’opinion des Brugmans et des Larrey, ce que répond
M. Fallot : « Je signe cet écrit parce qu’il ne renferme rien qui n’émane
de ma conviction. L’ineptie et la malveillance y verront peut-être un acte
intéressé. Je dédaigne de répondre à cette allégation. Je sais tout ce qu’il y
aurait eu à gagner pour ma tranquillité à me couvrir du voile prudent de
l’anonyme ; mais la question que je traite est si au-dessus de toute position
personnelle, elle embrasse de si grands intérêts, qu’aucune considération ne
m’arrête et que j’écarte ce qui ne toucherait que moi. »
Mais il existe M, Fallot, contre vos projets
bienveillants pour la santé du soldat, un obstacle dont vous n’aviez pas
connaissance, à savoir celui qui naît de certaines susceptibilités catholiques,
lesquelles ont cru voir dans l’établissement de votre hôpital d’instruction un
voisin dangereux pour les élèves de l’université de Louvain, élèves qu’une
louable sollicitude cherche à préserver des écarts auxquels la jeunesse des
écoles s’abandonne malheureusement avec trop de facilité.
Tout en partageant cette
sollicitude, je ne puis trop combattre les fâcheux résultats dont elle serait
la cause en privant l’armée de médecins formés comme tous ceux des nations
civilisées qui nous environnent. L’esprit catholique n’est pas un esprit étroit
et ombrageux, mais un esprit généreux et humain, et d’après ce que m’a assuré récemment
d’une manière très positive le bourgmestre de Louvain, auquel j’ai pleine
confiance, MM. les recteur et professeurs de l’université libre de cette ville
ne craignent point du tout l’établissement de l’hôpital militaire
d’instruction, qui, selon le projet de M. le ministre de la guerre, devait être
placé dans ladite ville de Louvain.
Si je redoutais un contact que je crois au
contraire très utile pour nos jeunes officiers de santé militaires, je dirais
publiquement à M. le ministre : « Une institution précieuse pour le pays vient
d’être fondée par la munificence de souscripteurs animés d’un zèle digne
d’éloge. La prospérité de cette institution, les heureux effets scientifiques
et moraux qu’elle est destinée à produire exigent l’isolement. Vous avez besoin
d’une école spéciale pour l’instruction de vos officiers de santé. Veuillez la
placer dans un lieu où elle ne porte préjudice à personne. Faites le bien qui
est dans vos attributions sans troubler le bien qui se produit par une autre
voie. » Mais jusqu’ici je n’ai aucune raison de tenir ce langage à M. le
général Evain, et je me contente d’appuyer purement et simplement son projet.
M.
A. Rodenbach. - Ce n’est pas par susceptibilité catholique ou
protestante que nous avons repoussé le crédit relatif à l’institution d’une
école de médecine militaire, c’est parce que cette école est une superfétation.
L’opinion publique en a déjà fait justice. L’honorable préopinant a cité une
brochure que nous connaissons tous et qui a été réfutée dans cette enceinte par
moi-même et par d’autres membres.
La chambre a rejeté le crédit demandé en
connaissance de cause ; elle ne reviendra pas sur sa décision ; la demande du
préopinant est inopportune, et c’est peine perdue que celle qu’il a prise.
M. le ministre de la guerre a annoncé qu’il
demanderait au second vote 8,000 fr. pour, traitement de 16 élèves des hôpitaux
militaires ; il ne peut être question de rien de plus, il ne peut être question
du crédit de 19,650 fr. que la chambre a rejeté.
M. F. de Mérode. - L’honorable M. A.
Rodenbach aurait dû nous développer ses raisons contre la brochure du docteur
Fallot, qu’il prétend avoir réfutée. Toutes les raisons que je lui ai entendu
alléguer, dans la première discussion, c’est qu’il avait entendu de la part de
quelques personnes des assertions contraires à celles du docteur Fallot.
La chambre, qui est bien revenue tout à l’heure sur
un amendement relatif à la remonte, peut bien, ce me semble, revenir sur un
article qui a rapport au traitement du soldat.
M. le ministre de la guerre
(M. Evain). - J’attache la plus grande importance au crédit demandé, et
je serai obligé de décliner la responsabilité du service sanitaire de l’armée,
si la chambre ne veut pas accueillir les bonnes raisons que j’ai à lui donner
l’appui de ma demande de crédit.
Plusieurs membres. - A demain.
M. Dubus. - On
perd de vue que la chambre a rejeté le crédit, parce qu’elle en a renvoyé la
discussion à sa véritable place, qui est la discussion du projet de loi relatif
à l’institution de l’école de médecine militaire.
Quoi qu’il en soit, je remercie l’honorable M. de
Mérode de la peine qu’il s’est donnée de transcrire la brochure de M. Fallot.
Je serai bien aise de lire demain dans le Moniteur
une deuxième édition de cette brochure, par lui revue, corrigée et
considérablement diminuée, au lieu de lire la brochure même.
M. F. de Mérode.
- Vous avez tort, M. Dubus. Vous
feriez bien de lire la brochure. On veut renvoyer la discussion à l’époque de
celle du projet de loi. Mais on sait bien que ce serait renvoyer l’institution
de l’école militaire aux calendes grecques.
- La séance est levée à 5 heures.