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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 22 février 1836

(Moniteur belge n°54, du 23 février 1836 et Moniteur belge n°55, du 24 février 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

(Moniteur belge n°54, du 23 février 1836)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Schaetzen fait l’appel nominal à une heure.

Il lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Dechamps présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Un grand nombre de propriétaires et cultivateurs du district de Maestricht se plaignent de la grande fraude de céréales venant de la Prusse par le rayon stratégique autour de Maestricht ; ils demandent qu’il soit avisé immédiatement à la répression de cette fraude qui a anéanti l’agriculture et démoralisé le pays. »


« Le sieur B. Canoy, négociant en vins à Steyt, se plaint de l’interprétation donnée par l’administration des finances à l’article 167-168 de la loi générale du 26 août 1832, relatif au territoire réservé. »


« Un grand nombre de propriétaires et d’habitants de la commune de Clercken, district de Dixmude, demandent la construction d’une route de Dixmude à Ypres. »


« Des régences et un grand nombre de propriétaires de communes de la province demandent que le grand chemin royal de Lierre à Hoogstraeten soit pavé. »


M. de Nef. - Je demanderai que la pétition des habitants de Clercken soit renvoyée à la commission des travaux publics.

M. le président. - La commission des travaux publics a déclaré avoir terminé sa mission.

M. Fallon. - Cette commission a terminé ses travaux ; elle a déposé deux rapports sur le bureau ; ses rapports ont été imprimés et distribués. Il faudrait nommer une nouvelle commission spéciale des travaux publics, pour lui renvoyer les pétitions.

M. de Nef. - Je demanderai alors que la pétition soit déposée sur le bureau de la chambre, pendant la discussion des rapports de la commission des travaux publics, et qu’elle soit imprimée au Moniteur.

M. le président. - De semblables pétitions ont été renvoyées à la commission des pétitions avec invitation de faire son rapport avant la discussion des rapports.

M. de Nef. - Eh bien, je fais cette demande.

- La dernière proposition faite par M. de Nef est adoptée.


M. Schaetzen. - Je demande que la pétition des cultivateurs du district de Maestricht soit renvoyée au ministre des finances et reste déposée sur le bureau de la chambre pendant la discussion du projet de loi relatif à la fraude des céréales.

- Cette proposition est adoptée.


M. Van Hoobrouck de Fiennes, proclamé membre de la chambre des représentants dans une des précédentes séances, est admis à prêter serment.

Atteinte à la liberté de la presse

Motion d'ordre

M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Dans la journée d’hier il s’est passé, dans la capitale, une scène des plus fâcheuses, une scène attentatoire à la propriété et à la liberté individuelle.

Je ne me constitue pas le défenseur de tel ou tel journal, mais je considère comme le plus mauvais de tous les gouvernements celui du sabre.

Dans la journée d’hier des militaires se sont transportés dans les bureaux d’un journal ; ils se sont permis d’en briser les presses et ont commis des actes très répréhensibles : je demanderai au gouvernement quelles mesures il a prises pour réprimer de tels abus, Ces abus nous touchent tous ; car, si les militaires interviennent aujourd’hui contre telle opinion, demain ils interviendront contre telle autre opinion. C’est ainsi que j’ai vu à Tournay des militaires entrer dans la cathédrale, y singer les cérémonies religieuses et y commettre d’autres scènes de scandale ; à Hasselt pareille chose est arrivée.

Cc qu’il y a de plus déplorable dans ces abus c’est qu’ils ne sont pas réprimés. Si l’on avait réprimé dès le commencement ceux qui ont été commis, on n’aurait pas vu ce qui s’est passé hier. Pour moi je réclame la répression de tous les abus, et je terminerai en demandant au gouvernement ce qu’il a fait dans les circonstances dont il s’agit.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Je répondrai en deux mots à l’honorable préopinant que le gouvernement n’a rien négligé pour parvenir à la découverte des auteurs des délits commis dans la journée d’hier, et assurer la punition des coupables. La justice informe, nous ne devons pas nous occuper davantage de cette affaire.

M. Gendebien. - Je n’ajouterai rien aujourd’hui à ce qu’a dit M. Dumortier. Cet honorable membre se propose de déposer sur le bureau de la chambre un projet de loi ; je l’appuierai.

Je suis prévenu qu’une pétition sera adressée aujourd’hui ou demain à la chambre ; j’aviserai à ce qu’il y aura à dire, quand nous examinerons cette pétition, ou le projet que présentera M. Dumortier.

Comme l’a dit cet honorable membre, toutes les opinions sont intéressées à la répression d’actes aussi contraires à la liberté.

Je n’entends pas attaquer ici les malheureux qui, sans savoir ce qu’ils faisaient, sans savoir qu’ils commettaient un crime, se sont livrés à des actes de dévastation, à des actes attentatoires à la liberté individuelle, qui ont scandalisé la ville de Bruxelles tout entière.

Par une bonne enquête, on arrivera à la source du mal ; vous allez poursuivre et faire condamner des malheureux, comme on a instruit en avril contre d’autres malheureux, sans instruire contre les vrais coupables. Il ne faut pas suivre maintenant la marche que l’on a suivie en avril. Il faut atteindre les vrais criminels. Il faut arrêter le mal à sa source.

Je n’en dirai pas davantage aujourd’hui. Nous verrons si le gouvernement aura le courage de faire son devoir.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Que le gouvernement n’ait pas le courage de faire son devoir... Je repousse de toutes mes forces de telles accusations ; rien n’a été dit qui prouve que le gouvernement n’ait pas fait ce qu’il devait faire pour réprimer les délits et même pour les prévenir.

(Note du webmaster : la motion d’ordre se réfère à un événement qui sera signalé dans le Moniteur belge n°57 du 26 février 1836 comme suit : « Les brigadiers Causins, Vandenbosch, Godin et Gaillé, ainsi que les cavaliers Vandereck, Marton, Barwez et Debeau, tous du régiment des guides, ont été écroués avant-hier aux Petits-Carmes, sous prévention d’avoir coopérés à la dévastation commise dimanche dernier dans les bureaux du Libéral. Ils sont tous au secret. C’est M. l’auditeur militaire Gérard qui est cahrgé de l’instruction de cette affaire. »).

Projet de loi relatif aux attributions des administrations communales

Discussion des articles

Titre II. Des attributions communales

Chapitre premier. Des attributions du conseil communal
Article 7

M. le président. - Nous sommes parvenus à 7, ainsi conçu :

« Art. 7. Le conseil arrête les conditions de location ou de fermage des biens et de tout autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que les conditions des adjudications et fournitures.

« Néanmoins, pour les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les actes seront soumis à l’approbation de la députation provinciale. »

La section centrale propose la rédaction suivante du même art. 7 :

« Le conseil arrête les conditions de location ou de fermage et de tout autre usage des produits et revenus des propriétés et droits de la commune, ainsi que les conditions des adjudications et fournitures.

« Néanmoins, les actes d’adjudication seront soumis à l’approbation de la députation du conseil provincial. »

M. Rogier propose l’amendement suivant au paragraphe 2 :

« Néanmoins, dans les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les cahiers de charge et les procès-verbaux d’adjudication, et, dans les autres communes, les procès-verbaux d’adjudication seulement, seront soumis à l’approbation de la députation du conseil provincial. »

M. Dubus. - Je viens m’opposer à l’adoption de l’amendement de l’honorable député de Turnhout ; et à l’occasion de cet amendement, je ferai remarquer que M. le ministre de l’intérieur, dans la séance de samedi, s’est opposé à la rédaction de la section centrale, précisément parce que cette rédaction tendait à centraliser plus que ne le demandait le gouvernement.

La proposition du gouvernement, telle qu’elle a été expliquée par le ministre de l’intérieur, et telle qu’elle avait été faite par le député de Turnhout alors qu’il était ministre, ne soumettait aux députations provinciales que les procès-verbaux des adjudications seulement. Quand les populations des communes étaient supérieures à 5,000 habitants, leurs cahiers des charges et leurs procès-verbaux d’adjudication n’étaient pas soumis à l’autorité provinciale ; et quand les communes étaient d’une population inférieure à 5,000 habitants, c’étaient leurs procès-verbaux d’adjudication qui étaient soumis à l’approbation de l’autorité provinciale.

Au lieu de cela, on propose de soumettre tous les cahiers des charges et les procès-verbaux d’adjudication à l’approbation de la députation provinciale, et d’imposer aux communes la nécessité d’une double approbation ; mais la nécessité de cette double approbation n’est pas démontrée.

Le ministre de l’intérieur a fait remarquer que le règlement du plat-pays n’exigeait pas cette double approbation ; qu’il se bornait à exiger que les procès-verbaux d’adjudication fussent approuvés.

On a répondu que l’on est dans l’usage d’exiger la double approbation ; mais cet usage est un abus, et j’ai entendu s’élever des plaintes contre cet abus.

Les cahiers des charges sont toujours les mêmes, quand il s’agit de la location des biens communaux ; quand il s’agit de renouveler les baux, on copie l’ancien cahier des charges, et l’on procède à une nouvelle adjudication d’après les conditions qui ont été copiées.

Eh bien, de quelle utilité serait l’obligation que l’on imposerait aux administrations communales de renvoyer d’abord ce cahier des charges aux commissaires de district, qui le renvoient aux états députés, lesquels le renvoient aux commissaires de district qui le font enfin parvenir aux administrations communales ?

C’est là multiplier les formalités inutilement, et par conséquent multiplier les entraves de l’administration ; c’est là ce qu’on appelle paperasses sans utilité.

On a dit qu’il pouvait arriver que l’administration communale combinât les conditions dans le cahier des charges, de manière à rendre l’adjudication favorable à cet individu plutôt qu’à tel autre.

Si de telles conditions étaient insérées dans les cahiers des charges, l’administration provinciale ne s’en apercevrait pas, ni le commissaire de district non plus ; car, pour s’en apercevoir, il faudrait connaître parfaitement la localité et les personnes.

A moins que l’administration communale ne fît connaître son but caché, ce qui serait contraire à ce but, on ne pourra s’en apercevoir. D’après cette réflexion, l’amendement de l’honorable député de Turnhout serait préjudiciable, puisque le cahier des charges serait approuvé et qu’il n’y aurait plus de remède.

Dans le système de la section centrale, qui est celui du ministre de l’intérieur, il y aurait remède ; car au moment où les conditions seraient publiées, les parties intéressées à en signaler les abus et à en poursuivre la réparation arriveraient quand l’autorité provinciale aurait à se prononcer sur l’adjudication elle-même.

C’est par ces motifs que je m’oppose à l’amendement.

M. Eloy de Burdinne. - Je me propose d’appuyer les observations de l’honorable M. Dubus.

L’amendement a pour but de soumettre les cahiers des charges à l’approbation des autorités provinciales : cet ordre de choses existait dans le règlement du plat pays ; mais on n’a pas tardé à reconnaître les inconvénients qu’il entraînait, et on a fait disparaître cette disposition. Les motifs qui ont fait changer la disposition du règlement du plat pays, c’est que généralement, les administrations provinciales étant surchargées de besogne, les décisions relatives aux procès-verbaux étaient retardées, et il en résultait quelquefois de grands préjudices quand il s’agit de louer les biens des communes. Aussi dans le règlement du plat pays on a introduit une mesure qui devrait trouver place dans notre loi.

Quand l’autorité provinciale n’avait pas le temps de prononcer sur les procès-verbaux d’adjudication, et un délai était fixé, l’autorité municipale avait elle-même le droit d’approbation.

En ma qualité de bourgmestre je me suis trouvé dans le cas d’approuver la location d’un bien communal, parce que cette approbation n’avait pas été donnée dans le temps déterminé par l’autorité provinciale. Le conseil provincial ayant reçu le procès-verbal de location, et étant surchargé de besogne, il n’envoya pas son approbation ou son refus d’approbation ; j’ai dû, d’office, prononcer sur cette adjudication.

S’il n’en était pas ainsi, il en résulterait de graves inconvénients ; car, dans le cas que je viens de citer, il s’agissait de location de terres ; le temps pressait pour mettre en culture ; si on n’avait pas pris de détermination, il aurait fallu les laisser en friche une année.

Si le conseil provincial avait en outre à examiner les conditions du cahier des charges, il aurait double besogne, ce qui retarderait encore le renvoi des pièces aux communes.

Je crois que l’on se fait illusion sous le rapport des conditions ; il ne pourrait en résulter rien d’avantageux en les soumettant à l’administration provinciale. Dans toutes les communes rurales, ces conditions, du moins les conditions essentielles, sont connues, et elles sont insérées dans le cahier des charges. Ces conditions sont perpétuellement suivies dans les communes ; et aucune commune du plat pays ne veut s’en écarter. Si elle s’en écartait, son procès-verbal d’adjudication pourrait être rejeté ; elle ne s’exposera pas à ces inconvénients.

Je m’oppose donc à l’amendement.

M. Rogier. - Messieurs, la principale objection que soulève mon amendement, réside dans le retard que pourraient éprouver les affaires communales, alors que l’administration provinciale ne se hâterait pas de prendre une décision sur les cahiers des charges soumis à son approbation.

Mais M. Eloy de Burdinne, en signalant le mal, a indiqué le remède ; il a lui-même appliqué ce remède dans sa commune.

Le cahier des charges soumis à l’administration provinciale n’occasionne pas un travail compliqué, et dispense presque de tout travail relativement à l’examen des procès-verbaux d’adjudication. Il en serait autrement, si on lui soumettait seulement l’adjudication, parce qu’alors l’autorité provinciale aurait à examiner à la fois et les conditions de l’adjudication et l’adjudication elle-même ; et les retards pourraient être la suite de ce mode de procéder.

Au reste, il est imprudent d’abandonner à l’administration municipale de beaucoup de villages le règlement des conditions de tous les actes qu’elle passera. Quelques lumières qu’on veuille supposer aux conseils communaux, il faut cependant admettre qu’ils ne sont pas tous capables de rédiger des cahiers des charges. L’administration provinciale sera bien plus en état de régler les conditions du cahier des charges, et de les régler d’une manière plus générale.

Ce qui m’avait engagé à proposer mon amendement, c’était le vague de la disposition présentée par le gouvernement, et que le retrait de cet amendement ne ferait pas disparaître.

Je demanderai, en effet, ce que signifie le deuxième paragraphe : « Néanmoins, pour les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les actes seront soumis à l’approbation de la députation provinciale. »

M. Dubus. - Sont-ce les actes définitifs ?

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Oui, tous les actes définitifs.

M. Rogier. - Alors cela rentre dans mon amendement ; il paraît que M. le ministre est de mon avis.

Si le paragraphe proposé par le gouvernement soumet à la députation provinciale non seulement les actes d’adjudication mais encore les conditions, alors mon amendement vient à tomber ; mais il faudrait que le paragraphe s’expliquât. Dans tous les cas je crois que l’approbation de la députation provinciale est nécessaire non seulement pour les communes placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement mais encore pour toute espèce de communes. Les villes font quelquefois des marchés très considérables qui engagent la caisse communale pour plus de 100,000 fr. Je crois que de tels marchés doivent être soumis à la députation provinciale. Il faut dont que le paragraphe soit modifié.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - La proposition du gouvernement ne soumet pas à l’approbation supérieure, en ce qui concerne les villes d’une population de plus de cinq mille âmes, les actes énoncés dans l’art. 7. Le gouvernement ne l’a pas proposé, parce que jusqu’ici cela n’a pas existé. L’art. 72 du règlement des villes laisse aux régences des villes l’approbation définitive de ces actes.

Cependant le gouvernement propose de soumettre à l’approbation de l’autorité supérieure les actes des villes d’une population inférieure à 5,000 habitants. Ce changement a été réclamé par une députation des états dont l’avis a été pris sur les objets en discussion.

Indépendamment, de ce que, pour les grandes communes, on n’a pas signalé les inconvénients des règlements existants, il est à remarquer que dans les villes il y a beaucoup d’actes de cette nature à passer ; leurs administrations, qui d’ailleurs sont toujours composées d’hommes éclairés, seraient donc trop souvent soumises à une formalité gênante.

Nous avons donc cru qu’il n’était pas nécessaire d’étendre le cercle des attributions de l’autorité supérieure, sinon pour les villes de moins de 5,000 habitants. En ce qui concerne les communes rurales et les villes de moins de 5,000 habitants, il est évident, d’après l’art. 7, que tous les actes qui y sont énoncés, doivent être approuvés par la députation du conseil provincial. Ce sont les actes qui résultent des adjudications des locations. Mais il est certain qu’en donnant l’approbation définitive, la députation provinciale examinera toutes les conditions du cahier des charges.

Je conviens que, dans certaines circonstances, il peut être utile que la députation provinciale soit appelée à l’examen préalable des conditions d’adjudication, pour éviter qu’en venant plus tard à infirmer les adjudications publiques, il n’en résulte préjudice de devoir procéder à une nouvelle adjudication.

Au milieu de ces inconvénients opposés, qui se rencontrent dans l’un et dans l’autre système, je crois que ce qui est préférable, c’est le maintien de l’art. 37 de l’ancien règlement.

Il est vrai, comme l’a cité un honorable membre, que ce règlement prévoit le cas d’urgence et statue que, dans ce cas, l’autorité communale pourra passer outre si la députation provinciale n’a pas prononcé sur l’adjudication dans un délai déterminé.

Nous n’avons pas cru nécessaire de reproduire cette dernière disposition parce que l’administration communale, dans les cas d’urgence, la signalera au commissaire de district qui la signalera à la députation provinciale, et celle-ci fera droit en temps utile.

Par ce motif, nous n’avons pas cru devoir reproduire la disposition finale de l’article 37 du règlement du plat pays.

M. Jullien. - Il me semble que l’on donne à cette question plus d’importance et plus de temps qu’elle ne mérite. En effet, le gouvernement demande que l’on soumette à la députation provinciale tous les actes qui concernent les conditions d’adjudication des biens communaux. Il y a une remarque qui ne vous a pas échappé, parce que l’observation en a été faite, c’est que toutes les adjudications de biens communaux doivent être faites publiquement, conformément aux lois. Or, pour passer les actes d’adjudication, il n’y a pas de commune qui n’ait son notaire et le modèle du cahier des charges ; les conditions de toutes les adjudications se trouvent là, et ces adjudications ne peuvent être faites que conformément aux lois sur l’administration des biens communaux. Ces faits sont à la connaissance de tous ceux qui ont quelque habitude ou quelque idée de l’administration. Je vous demande dès lors quelle nécessité il y a, à moins que l’on ne veuille multiplier la bureaucratie et les lenteurs d’expédition, à soumettre ces actes à l’approbation de la députation provinciale.

Je conçois que s’il plaît à une commune, malgré les dispositions des lois, ou parce que les lois lui en laissent la faculté, de changer quelque chose au cahier des charges soumis à l’autorité supérieure, il y a lieu de l’empêcher, parce qu’il n’appartient pas à une commune de violer les règlements d’administration. Mais pour cela il n’est pas besoin d’envoyer le cahier des charges à la députation provinciale, puisque, dès l’instant que vous lui soumettez l’acte d’adjudication, elle s’apercevra s’il y quelque chose à changer aux clauses et conditions du cahier des charges, car elles sont énoncées dans cet acte. Il suffit dons d’envoyer à la députation l’acte d’adjudication, d’autant que, je le répète, les modèles de tous ces actes sont imprimés et je suis étonné que le gouverneur d’une province...

M. Rogier. - Je demande la parole.

M. Jullien. - Il est possible que ces modèles ne soient pas à Anvers, mais je puis assurer qu’ils se trouvent aux archives du gouvernement de la Flandre occidentale ; ils sont également aux archives de la régence à laquelle j’ai l’honneur d’appartenir, et servent depuis 20 ans pour les actes de cette nature.

Je crois qu’il est bon d’adopter la proposition de la section centrale. Le gouvernement et l’amendement de M. Rogier n’y perdront rien, puisque cette proposition remplit le but qu’ils se sont proposé.

M. Rogier. - Je ne veux pas donner à ma proposition plus d’importance qu’elle n’en mérite ; toutefois, je la crois utile ; je crois aussi que souvent l’honorable M. Jullien lui-même s’est étendu sur des questions qui dans la pratique présentaient moins d’utilité que celle-là. Loin de moi la pensée de retarder les travaux de la chambre, pour une question de cette nature, car je crois que ce que nous pouvons faire de plus utile, c’est d’aller vite en ce moment.

M. Jullien est étonné qu’un gouverneur de province ne sache pas qu’il y a un modèle pour toutes les adjudications. Mais je serais étonné que M. Jullien citât un cahier des charges imprimés pour des travaux nouveaux, qui n’ont pas encore été exécutés dans une commune, un chemin vicinal, une église, un presbytère, une école.

A chaque instant les communes font exécuter des travaux nouveaux, ce qui exige des conditions et des cahiers des charges nouveaux. Dans ce cas, on ne peut se servir de modèles imprimés ; du moins ces modèles imprimés n’existent pas à ma connaissance. Il est possible qu’ils existent dans la province où l’honorable M. Jullien a été gouverneur pendant un certain temps.

M. Jullien. - Un tiers de gouverneur.

M. Rogier. - C’est peut-être à lui qu’est due cette amélioration. Mais je voudrais qu’il voulût bien dire comment ces modèles peuvent prévoir les conditions de travaux qui n’ont pas encore été exécutés.

Pour moi, je persiste à croire que l’appréciation préalable des conditions du cahier des charges par la députation provinciale est dans l’intérêt de la commune. Si la députation est en retard pour répondre, la commune insistera auprès de la députation pour obtenir une réponse ; mais si la députation attend jusqu’au jour de l’adjudication, alors, si elle le désire, il faudra une nouvelle adjudication, et on refera le cahier des charges.

Dans tous les cas, je persiste à croire qu’il serait dangereux que les actes d’adjudication des villes ne fussent pas soumis à l’approbation de la députation des états. Je ne sache pas, au reste, qu’il se fasse maintenant une adjudication dans une ville qui ne porte cette clause : « sauf l’approbation de la députation des états. » Je ferai observer que je ne parle pas de villes ou de provinces que je n’habite pas ou que je n’administre pas.

Je pense que, dans tous les cas, il faudrait pour le moins que l’amendement de la section centrale fût introduit dans la loi, et que les adjudications fussent soumises à l’approbation de la députation des états.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je me suis aperçu que beaucoup de membres étaient incertains sur la portée du deuxième paragraphe. Je pensais que l’explication que j’ai donnée aurait fait cesser cette incertitude ; elle était fondée sur le texte même mis en rapport avec le premier paragraphe. Pour lever tout doute, je proposerai d’ajouter ces mots : « Les actes de location, d’adjudication et de fourniture seront soumis, avec le cahier des charges, à l’approbation de la députation provinciale. »

Il reste à voir si l’on veut étendre ce contrôle à des actes d’une importance minime. Pour moi, je pense qu’on aurait tort de le faire.

M. Smits. - Je crois comme quelques honorables préopinants que l’amendement de l’honorable M. Rogier peut être écarté. Je ne me propose que d’ajouter quelques observations à celles qui ont été présentées.

Une adjudication est faite ; ceux qui s’y présentent souvent sont ou incapables ou insolvables. Il est arrivé dans la localité que j’habite que des personnes ont entrepris un pavage à 20 p. c. au-dessous du prix de carrière. Dans ce cas, que fait la députation ? La députation, ayant des craintes sur l’incapacité ou l’insolvabilité de l’entrepreneur, ne cherche pas à ruiner l’entrepreneur ; elle engage la députation à ne pas ratifier le procès-verbal d’adjudication. La députation qui n’admet pas le cahier des charges, y fait quelques légères modifications et motive là-dessus sa non-approbation. Elle ménage ainsi et l’intérêt des particuliers et l’intérêt des communes. Je pense qu’il ne faut pas soumettre séparément à la députation le cahier charges et les procès-verbaux, afin que la députation trouve, au besoin, dans le cahier des charges, le moyen de rejeter le procès-verbal d’adjudication.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Au point où la discussion est arrivée, il ne s’agit plus que de savoir si on veut appliquer à toutes les communes, y compris les villes, les dispositions du deuxième paragraphe de l’article en discussion. Or, je pense que pour les villes mêmes, dans beaucoup de cas, il serait utile d’exiger l’homologation de l’autorité supérieure, où on procède à des adjudications pour des sommes considérables, de 500,000 fr. quelquefois.

Si cette homologation est utile pour les petites communes, pour empêcher qu’elles ne fassent de fausses opérations, elle ne serait pas moins importante pour les villes, car si d’une part les conseils des villes sont plus nombreux, s’il y a plus de lumières, les affaires qui s’y traitent sont en général beaucoup plus importantes, ont une portée beaucoup plus grande.

La section centrale, sous ce rapport, n’avait pas voulu faire de distinction entre les communes placées sous la juridiction des commissaires de district et celles qui ne le sont pas. Et, en effet, dans le deuxième paragraphe de la section centrale, on ne fait aucune espèce de distinction. Elle trouvait donc qu’il serait rationnel de soumettre les actes mentionnés dans l’article à l’homologation de l’autorité supérieure aussi bien pour les villes que pour les communes rurales. D’accord avec elle, je demande que les mots : « placés sous la juridiction des commissaires de district » soient supprimées au deuxième paragraphe de l’article 8 et qu’on modifie en outre ce paragraphe comme le propose M. le ministre de l'intérieur, afin d’ôter toute espèce de doute sur la portée de ce paragraphe qui, ainsi amendé, ne fera que rendre d’une manière plus positive la même idée énoncée d’abord par M. le ministre de l'intérieur.

M. Dumortier, rapporteur. - Les motifs qu’on vous donnait pour faire soumettre les adjudications à la députation des états ne militent pas pour les autres actes mentionnés à l’art. 7. Nous voulons bien que les grandes adjudications, par les motifs énoncés par M. le ministre de l'intérieur, soient soumis à la députation, mais d’un autre côté, nous sommes convaincus qu’il est inutile de soumettre à l’approbation de cette autorité les petits actes de location, du plus petit droit d’une commune, du plus petit emplacement. Rappelez-vous, messieurs, ce qui s’est passé dans la dernière séance, quand la discussion fut ouverte. M. le ministre déclara qu’il ne se ralliait pas à l’article de la section centrale, parce qu’il présentait une centralisation qu’il ne reconnaissait pas nécessaire. C’est le ministre de l’intérieur qui combattait la centralisation, aujourd’hui M. le ministre des finances vient l’étendre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - On a demandé le renvoi de la discussion pour avoir le temps de réfléchir.

M. Dumortier, rapporteur. - C’est sur l’amendement de M. Rogier qu’on a demandé l’ajournement. La rédaction de la section centrale est suffisante, elle est peut-être même déjà trop générale. Les observations présentées par le ministre de l’intérieur militent pour le système que je défends.

Il est à remarquer que dans l’état actuel des choses, aucune ville n’envoie aucun de ces actes à l’approbation des états. On ne signale pas d’inconvénients qui en soient résultés. Ce serait donc étendre inutilement la centralisation que de faire intervenir une autorité supérieure dans ces circonstances.

M. Rogier. - Si dans certaines localités on n’envoie pas ces actes à l’approbation de la députation, dans d’autres, on le fait.

M. Dumortier, rapporteur. - Je ne vois pas la nécessité de régler la Belgique sur ce qui peut se faire à Anvers.

M. Rogier. - Pas plus sur ce qui peut se faire à Tournay.

M. Dumortier, rapporteur. - J’ai dit que cela ne se fait pas. Le règlement est là qui ne prescrit rien de semblable. A cela vous ne sauriez répondre. Si ce contrôle n’a pas eu lieu jusqu’ici, il faudrait, pour l’introduire, en démontrer la nécessité. C’est ce qu’on n’a pas fait.

Quant à moi, je pense qu’il faut laisser les mots : « pour les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, » et se borner à envoyer à la députation les actes d’adjudication, parce que la commune, en envoyant l’acte d’adjudication, soumet en même temps l’acte en lui-même et toutes les dispositions sur lesquelles il se fonde, de sorte qu’elle a toujours ainsi le moyen de faire annuler une adjudication.

Mais vous ne pouvez pas soumettre à l’approbation tous les actes des villes. Comment ! une ville comme Bruxelles, aura loué pour 6 mois la plus petite chose possible, une place sur un marché, et vous voudriez qu’on envoyât cet acte à la députation provinciale ? Je vous demande si ce n’est pas déraisonnable, si ce n’est pas vraiment puéril ?

Mais qui fait ces contrôles ? Un employé de la députation. Pensez-vous qu’un employé de la députation connaisse mieux ce qui convient à une commune que la régence de la localité ? La chambre ne voudra pas qu’une régence, pour louer une place au coin d’un pont, soit obligée de demander l’approbation de la députation des états.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je pense qu’il y aurait moyeu de concilier les opinions divergentes en ce qui concerne les villes. Ce serait d’ajouter :

« Il en sera de même pour les autres communes, pour les actes d’adjudication lorsqu’ils auront pour objet une valeur de plus de 25 mille francs. »

Maintenant, les actes dont il s’agit à l’article 7 ne sont pas, dans les villes, soumis à la députation ; si quelques-uns l’ont été, c’est qu’ils renfermaient d’autres dispositions. Mais cependant, je conviens que quand il s’agit d’une valeur considérable comme 25 mille francs, il peut être utile que l’acte soit soumis à l’approbation de la députation provinciale.

Voici comment je proposerai de rédiger le second paragraphe :

« Néanmoins, pour les communes placées sous les attributions des commissaires d’arrondissement, les actes de location, d’adjudication et de fourniture seront soumis, avec les cahier des charges, à l’approbation de la députation provinciale. Il en sera de même dans les autres communes pour les actes d’adjudication, lorsque ces actes auront pour objet une valeur de 25 mille fr. »

M. Dumortier, rapporteur. - S’il s’agissait de louer une place pour une ménagerie, à la rigueur, la députation ne pourrait pas exiger que l’acte lui fût soumis. (Non ! non !) Si la chambre l’entend comme cela, votons.

M. Rogier. - Mon amendement a diminué d’importance depuis la proposition de celui de M. le ministre, je le retire. Mais je propose à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur de substituer le chiffre de 10,000 à celui de 25,000.

Le premier paragraphe de l’article 7 est mis aux voix et adopte. (Aux voix ! aux voix !)

- Le sous-amendement de M. Rogier à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur est adopté après une double épreuve.

Le deuxième paragraphe proposé par M. le ministre, ainsi sous-amendé, est également adopté.

M. Lebeau. - Avant qu’on ne vote sur l’ensemble, je demanderai à faire une observation.

Il se présente aujourd’hui une difficulté assez grave à l’occasion de des actes dont vous venez de faire l’énumération.

Il y a doute sur la question de savoir quand commence le délai dans lequel l’enregistrement doit avoir lieu. Certains employés de l’enregistrement pensent que le délai commence à partir du jour de l’adjudication ; d’autres au contraire pensent, et, selon moi, avec raison, que le délai ne doit compter que du jour ou l’acte est parfait par l’homologation de la députation des états. Je demanderai au ministre des finances, si la divergence est assez grande pour qu’il soit utile de trancher la difficulté en insérant une disposition dans la loi.

Je sais que cette disposition serait assez singulièrement placée ici, puisqu’il s’agit d’une modification à la loi sur l’enregistrement. Lorsque la loi de frimaire an VII a été faite, on ne pouvait pas prévoir le mécanisme administratif établi par l’ancien gouvernement et celui que nous organisons. Il n’est pas étonnant alors que la loi présente une lacune, ait quelque chose de vague qui conduise à des divergences d’opinions dont j’ai été témoin. Y aurait-il des inconvénients à trancher la difficulté en disant dans la loi ou que le délai ne courra qu’à dater de l’approbation, ou que l’enregistrement se fera en débet, et que les frais ne seront recouvrés que quand l’approbation aura été donnée ?

J’attendrai les explications que je sollicite de M. le ministre, me réservant de faire de nouvelles observations s’il y a lieu.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je crois qu’il est inutile d’introduire un amendement dans la loi, pour trancher le doute sur la question soulevée par l’honorable préopinant. Selon moi, il n’y a date certaine pour un acte que lorsqu’il est définitif, et pour ceux de l’espèce spécifiée à l’art. 7, la date certaine n’existe que quand la députation des états a donné son approbation et que l’acte est devenu ainsi irrévocable. S’il n’en était pas ainsi, il pourrait arriver que le droit d’enregistrement fût perçu sur un acte qui ne recevrait pas son exécution, et que devant procéder à une nouvelle adjudication, alors que la première n’aurait pas été approuvée, on exigeât un second droit sur l’acte qui serait approuvé. Il résulte de là que la date des actes dont il s’agit doit avoir pour point de départ l’approbation de l’autorité supérieure.

Je ne pense pas, je le répète, qu’il soit nécessaire d’introduire une disposition dans la loi, mais qu’une instruction donnée aux employés de l’enregistrement suffira pour prévenir tout doute ultérieur. Je prends l’engagement de donner cette instruction, et à moins qu’on n’y trouve des inconvénients, je résoudrai ainsi la question, au moyen d’une circulaire qui sera adressé à tous les employés de l’enregistrement.

M. Dubus. - Je ne pense pas non plus qu’il soit nécessaire d’insérer dans la loi actuelle une disposition sur l’enregistrement, pour trancher la question dont il s’agit. Je ferai observer que pendant longtemps, il n’y a pas eu doute sur ce point. Le doute a été élevé à une époque assez récente.

Des notaires ont été frappés d’amendes par les receveurs du fisc, parce qu’ils présentaient leurs actes dans le délai à dater de l’approbation, mais hors des délais, si on devait compter du jour de l’adjudication. Je pense qu’en envoyant son instruction, M. le ministre pourra donner l’ordre de rembourser les amendes indûment infligées.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je puis dire que j’avais prévenu le désir exprimé par l’honorable préopinant, car j’ai fait la remise des amendes à différents notaires qui, effectivement avaient des procès-verbaux dressés à leur charge par des employés de l’enregistrement. Il n’y a pas huit jours que j’ai encore accordé une remise semblable.

M. Lebeau. - Mon but est atteint ; dès lors je ne ferai aucune proposition.

- L’ensemble de l’art. 7 est mis aux voix et adopté.

Article 8

« Art. 8. Le conseil accorde, s’il y a lieu, aux fermiers ou adjudicataires de la commune, les remises qu’ils ont droit de réclamer, aux termes de la loi, ou en vertu de leur contrat ; mais lorsqu’il s’agit de remises réclamées pour motifs d’équité et non prévues par la loi ou le contrat, le conseil ne peut les accorder que sous l’approbation de la députation provinciale. »

- Adopté.

Article 9

« Art. 9. Les conseils communaux et les administrations des établissements publics ont l’administration de leurs bois et forêts, sous la surveillance de l’autorité supérieure, de la manière qui sera ultérieurement réglée. »

« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, les lois arrêtés, décrets et règlements actuellement en vigueur continueront d’être exécutés en ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes et des établissements publics. »

M. Jullien. - Vous vous rappellerez peut-être que la première disposition de cet article qui donne aux communes l’administration de leurs biens et forêts, a éprouvé de longs débats dans cette chambre à deux reprises différentes. Plusieurs honorables orateurs, qui voulaient conserver l’état de chose actuel, sont venus dire que si on donnait aux conseils communaux l’administration pleine et entière de leurs biens et forêts, ce serait la destruction des forêts, qu’il y aurait une multitude de communes qui, pressées de jouir, feraient des coupes extraordinaires et déshériteraient l’avenir pour avantager le présent. On a parlé avec beaucoup d’étendue de l’incapacité des conseils pour administrer les bois et forêts. Je vous dirai que mon intention n’est pas de recommencer ces débats, mais que j’admets au contraire la première disposition qui a été le résultat de cette discussion et qui a été adoptée à une grande majorité.

C’est sur la seconde partie de l’article, que je crois devoir appeler l’attention de la chambre.

Voici comment est conçue la première partie :

« Les conseils communaux et les administrations des établissements publics ont l’administration de leurs bois et forêts, sous la surveillance de l’autorité supérieure, de la manière qui sera ultérieurement réglée. »

Je dois dire à la chambre que si l’on a adopté cette première disposition, c’est que l’on a pensé que lorsqu’on en viendrait à la loi sur la surveillance de ces mêmes administrations, l’on assurerait cette surveillance de manière à ce que tout en laissant aux communes l’administration de leurs bois et forêts, il fût mis des obstacles à l’anéantissement ou à la dévastation de ces propriétés.

Voilà quel a été le résultat de la longue discussion qui a eu lieu sur cet article. L’on se demande : En attendant que la loi soit portée, que fera-t-on ? Je crois que l’intention de la chambre est que jusqu’à ce que cette loi soit faite, on laisse les choses dans l’état où elles sont sous l’empire de la législation existante.

Telle a été l’intention de la chambre. Mais il me paraît que la rédaction du deuxième paragraphe de l’article ne reproduit pas explicitement cette intention, et que cette rédaction, si elle est maintenue, est de nature à faire naître de grandes difficultés entre l’administration générale et les communes.

Ce paragraphe est ainsi conçu :

« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, les lois arrêtés, décrets et règlements actuellement en vigueur continueront d’être exécutés en ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes et des établissements publics. »

Ainsi les lois qui régissent les bois et les forêts continueront d’être exécutées, mais seulement en ce qui concerne la surveillance de leur administration. Maintenant je vous soumets cette difficulté qui va naître. Une commune ordonnera la coupe de bois, elle multipliera ces coupes sans examiner s’il y a convenance ou intérêt pour elle à le faire. L’administration forestière voulant exécuter les lois telles qu’elles existent actuellement prétendra que c’est à elle à régler cela.

Que répondra la commune sous l’empire de la disposition qu’on vous propose d’adopter ? Nous avons l’administration de nos bois ; nous pouvons en faire ce que nous voulons ; vous, gouvernement, vous n’en avez que la surveillance. Eh bien, surveillez-nous, ne vous en empêchons pas ; mais nous ne voulons pas que votre surveillance s’étende jusqu’à nous interdire d’user de notre propriété et même d’en abuser.

Vous le savez, messieurs, aux termes de la loi, la propriété consiste dans le pouvoir d’user et d’abuser.

Est-ce la surveillance impuissante dont je viens de parler que la chambre a voulu ? Je ne le pense pas. L’intention de la chambre a été de ne rien innover jusqu’à ce que la surveillance dont il est question dans l’article ait été réglée par une loi, de manière à concilier à la fois l’intérêt du propriétaire et celui du gouvernement. Mais jusque-là il est nécessaire, dans l’intérêt de la conservation des forêts, qu’elles continuent à être soumise au régime de la législation existante.

Que le gouvernement présente une loi nouvelle qui détermine, comme elle l’entendra, et l’exercice de la surveillance et l’exercice du droit de propriété, c’est tout naturel ; mais jusque-là que l’on n’expose pas les communes à des conflits, à des contestations qui ne manqueront pas de s’élever entre elles et l’administration forestière si le paragraphe reste ainsi rédigé.

Pour éviter ces conflits, il faut retrancher du dernier paragraphe de l’article ces mots : « En ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes et des établissements publics. »

C’est dans ce sens que j’aurai l’honneur de déposer un amendement.

M. le président. - M. Thienpont a déposé l’amendement suivant :

« J’ai l’honneur de proposer la suppression des mots : « et des établissements publics. »

M. Thienpont. - La raison qui a déterminé la chambre à placer l’administration des bois des communes sous la surveillance du gouvernement n’existe pas quant à l’administration des établissements publics. Ces établissements institués dans un but de charité sont des administrations toutes paternelles qui n’ont aucun intérêt à anticiper sur l’avenir. Il me paraît donc convenable de soustraire la surveillance de leurs bois à l’administration supérieure ; on leur évitera ainsi les frais considérables qu’entraîne l’entretien des gardes placés par le gouvernement.

M. Andries. - C’est l’arrêté du 19 ventôse an X qui a porté un coup mortel aux bois des établissements publics et qui a fait un tort immense à ce genre de propriétés. Sous l’empire, il n’y avait pas d’espoir de faire disparaître les abus dont les administrations et les communes avaient à se plaindre. Napoléon, qui avait besoin de donner un avenir aux soldats estropiés, les plaçait en qualité de gardes dans les bois des administrations publiques, et les faisait vivre ainsi aux dépens de ces administrations.

Sous l’ancien royaume des Pays-Bas, des réclamations s’élevèrent de toutes parts contre l’administration forestière dans les provinces méridionales. Ces réclamations datent de l’année 1816. C’est alors que les états provinciaux s’adressèrent au Roi.

Lorsque l’administration des eaux et forêts n’existait pas, les bois ne s’en trouvaient pas plus mal en Belgique. Il faudra que l’on en revienne à l’ancien système et que l’on replace l’administration des bois communaux sous la surveillance des autorités provinciales, qui sont les tuteurs nés des communes et des établissements de bienfaisance.

Il est tout à fait irrégulier de mettre ces établissements publics en relation immédiate avec une administration spéciale qui leur fait payer les frais de la surveillance qu’elle exerce. Je crois même que la constitution veut qu’à l’avenir cette surveillance soit accordée aux autorités provinciales. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 108 de la constitution, la loi d’organisation communale doit consacrer l’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt communal et provincial.

Assurément la surveillance des bois communaux est bien d’un intérêt communal et provincial en même temps.

La section centrale a laissé la question un peu indécise. Elle dit que les communes auront l’administration de leurs bois sous la surveillance de l’autorité supérieure. Ce terme est trop vague. Je voudrais y substituer l’autorité provinciale. Je sais bien que l’on ne peut pas immédiatement changer le mode de surveillance de ces bois communaux. J’admets qu’il faut une transition. Mais je voudrais que cette transition s’opérât dans le terme de trois années.

De cette manière, la surveillance des bois communaux ne serait plus du ressort de l’administration générale au bout de 3 ans, mais rentrerait dans les attributions de l’autorité provinciale. Un arrêté royal réglerait le mode de surveillance.

Pour moi, j’ai la persuasion que lorsque ce changement sera opéré, la surveillance des bois communaux se fera beaucoup mieux qu’elle ne se fait aujourd’hui.

Aujourd’hui les gardes nommés par le gouvernement sont à la dévotion de l’administration forestière. Ils s’inquiètent peu de plaire à l’autorité communale. Cela va si loin que l’on a vu des communes nommer un garde pour surveiller les gardes du gouvernement.

Aujourd’hui les gardes sont beaucoup trop payés. Si les établissements publics n’avaient plus à payer les gardes que leur impose le gouvernement, ils pourraient choisir pour la surveillance de leurs bois un de leurs ouvriers sachant lire et écrire, qui aurait le pouvoir de verbaliser. Cet homme se contenterait d’un gain de 5 à 6 francs par mois. (Signes de dénégation.)

Messieurs, je parle de la province que j’habite.

M. Pirson. - Où il n’y a pas de bois.

M. Andries, reprenant. - Dans notre province le gouvernement se charge de surveiller nos bois malgré nous et cela à un prix fort élevé.

L’administration forestière, dans les deux Flandres, coûte à l’Etat 4,786 florins. Les établissements publics et les communes paient sur cette somme 1,200 florins. Reste donc à la charge de l’Etat une dépense de 3,586 florins. Mes calculs sont basés sur le budget de 1831. Il est possible que les choses soient un peu changées depuis. On a supprimé quelques employés, mais voilà tout.

Les hospices et bureaux de bienfaisance de Gand ont 250 bonniers de bois dans la province. Ils paient au gouvernement une somme de 474 florins pour la surveillance de ces bois.

L’administration forestière et donc très onéreuse à l’Etat, ainsi qu’aux communes et aux établissements publics. Il est donc nécessaire de changer le système actuel et de confier à l’autorité provinciale la surveillance des bois communaux.

(Moniteur belge n°55, du 24 février 1836) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si l’on envisageait la question d’une manière restreinte, comme l’honorable M. Andries, je concevrais à peine que l’on pût venir proposer de rendre à la disposition des communes et des administrations de bienfaisance la gestion de leurs bois, c’est-à-dire la prompte destruction de leurs propriétés.

L’honorable M. Andries n’envisage pas la question dans l’intérêt général, il n’en fait qu’une question d’intérêt communal ; mais tous les gouvernements qui se sont succédé ont compris que l’intérêt général était en cause dans la conservation des forêts. Ils ont pris des mesures, jusqu’à une certaine époque, pour que les forêts, même celles appartenant aux particuliers, fussent soumises à un régime de surveillance de la part de l’administration générale.

Je pense qu’il est inutile d’entrer dans de longs développements pour prouver que la conservation des bois est nécessaire dans l’intérêt du pays, c’est une nécessité évidente. Le pays est intéressé à ce que nous conservions des bois ; aujourd’hui, nous pouvons livrer des bois à l’étranger ; nous avons des richesses que nous exploitons ; d’après le système que l’on préconise, nous devrions devenir tributaires de l’étranger et tarir ainsi une source de prospérité.

Telle ne peut être la pensée de l’orateur, quoique ce soit la portée de sa proposition.

Sans doute le motif exclusif qui dirige l’honorable préopinant est d’obtenir de l’économie dans l’administration des bois communaux ; mais si l’on isolait l’administration forestière à chaque commune et à chaque hospice, les frais deviendraient bien plus considérables.

Tel garde forestier qui veille à la fois aux bois de l’Etat en même temps qu’il surveille les propriétés communales, si le système de séparation de l’administration forestière était adopté, ne servirait plus qu’à garder une seule propriété. Il faudrait des gardes spéciaux, et l’on paierait ainsi plusieurs traitements au lieu d’un.

Ensuite il semblerait, à entendre l’honorable préopinant que l’administration des bois communaux peut se faire par tout le monde, qu’un bourgmestre dans une commune peut dire : Il faudra couper tel bois, il faudra le repeupler de telle essence. Or, l’administration forestière exige des connaissances particulières. Il faut, messieurs, de l’expérience, une étude spéciale pour bien gérer la conservation des bois communaux. Ce ne sont pas de simples particuliers qui peuvent administrer de telles propriétés : il n’en est pas de cela comme des champs. Il faut des connaissances, de l’expérience, pour pouvoir diriger l’exploitation des bois.

Je concevais que l’on s’élevât, il y a quelques années, contre l’administration forestière, alors que les communes étaient placées sous ce rapport dans une tutelle nuisible et fort désagréable pour les administrateurs. Aujourd’hui les choses sont changées. Pour ceux qui connaissent l’arrête de 1819, le service de l’administration forestière est tel qu’il laisse la plus grande latitude aux communes. L’administration forestière ne s’immisce, en ce qui concerne les bois communaux, que pour leur conservation, mais n’entre pas en ce qui concerne l’usage à faire du produit des bois. Les communes sous ce rapport ne sont tenues qu’à en référer à l’administration provinciale ; elles appliquent le revenu de leurs coupes à telle dépense qui leur convient.

Un arrêté postérieur à celui de 1819, l’arrêté de 1832, attribue non pas au département des finances, mais au département de l’intérieur, le pouvoir d’accueillir ou de rejeter les demandes de coupes extraordinaires ; c’est ce dernier qui reçoit les avis des autorités provinciales, accompagnés d’un simple avis de l’administration forestière, et il prononce en dernier ressort.

Au surplus, il ne faut pas croire que l’on pourrait renverser le système forestier existant à l’occasion d’un article de la loi communale, et décider ainsi incidemment une question aussi grave. Alors que vous auriez rendu aux communes l’administration de leurs bois sous la surveillance de chaque administration provinciale, il faudrait faire un code forestier nouveau et changer une foule de dispositions qui, si elles n’étaient pas reproduites, empêcheraient la répression des délits dans les forêts. Il y a une juridiction toute spéciale pour la recherche des contraventions en matière forestière. Il faudrait établir une législation nouvelle du moment où l’on transférerait à une autre administration la surveillance de ces domaines communaux.

Il est vraiment étonnant que les réclamations contre l’ordre de choses existant nous arrivent en ce moment de la part d’un député des Flandres. Ces provinces sont si peu intéressées dans cette question que je ne conçois pas que l’on élève la voix pour changer ce qui existe sous ce rapport, en ce qui les concerne.

Ici je dois rencontrer les chiffres de l’honorable M. Andries, car il est tombé dans une grave erreur.

Il a dit qu’il y avait dans les Flandres 3 ou 400 bonniers appartenant aux administrations communales et de bienfaisance qui leur coûtaient 4,000 florins de surveillance ; eh bien, les deux Flandres ensemble n’ont que 1,560 hectares de bois, et au lieu d’avoir 4,000 florins à rembourser au trésor, elles ne paient que 2,690 francs. Si l’honorable membre a basé ses observations sur des erreurs semblables, il devra nécessairement revenir de son opinion.

Les députés de la province du Luxembourg se garderont bien, je pense, de réclamer la disposition que d’autres voudraient voir introduire dans la loi communale. Ils comprennent la nécessité du maintien de la législation actuelle, et leur opinion doit peser dans la balance. Car les communes de la province du Luxembourg ont à elles seules plus de bois que toutes les autres communes.

En effet, les communes et les administrations publiques de la province

- d’Anvers possèdent 430 hectares,

- du Brabant, 1,600 hectares,

- des deux Flandres, 1,560 hectares,

- du Hainaut, 13,300 hectares,

- de Liége, 12,100 hectares,

- de Limbourg, 1,330 hectares,

- de Namur, 41,500 hectares,

- du Luxembourg, 86,000 hectares.

Ainsi les provinces de Namur et de Luxembourg sont les provinces dont il faut s’occuper avant tout dans cette question ; or, elles se trouvent bien du système actuel, et je ne pense pas qu’elles soient désireuses d’adopter celui que l’on propose.

Un honorable député de Namur a pensé, à la vérité, qu’il était préférable d’avoir une administration provinciale spéciale pour la conservation des bois communaux ; il avait présenté des observations dans ce sens ; mais comme il était convaincu que l’on ne pouvait changer le mode actuel d’administration sans prendre d’autres dispositions législatives sur la matière, il a proposé lui-même une disposition à insérer dans la loi communale pour laisser les choses intactes. On rend, par cette disposition, aux communes l’administration de leurs bois sous la surveillance de l’administration supérieure, qui sera déterminée ultérieurement et selon le mode qui sera réglé par la loi.

En stipulant que les bois et forêts des communes restent sous la surveillance de l’autorité supérieure, on a compris que l’on pourrait entendre plus tard par cette expression la députation provinciale, et quand vous serez plus éclairés sur la question, vous pourrez confier à l’administration de la province la surveillance des bois communaux, si vous jugez qu’il en doit être ainsi dans l’intérêt du pays ; l’art. 9 de la loi communale renferme la mesure la plus sage que l’on pouvait prendre ; il respecte le principe posé dans la constitution, en maintenant l’ordre de choses actuel jusqu’à ce que l’on ait pu régler l’application de ce principe avec connaissance de cause et d’une manière complète et convenable.

L’honorable M. Jullien a présenté des observations qui ne sont pas sans importance. Il craint que la dernière partie du deuxième paragraphe ne donne lieu à des difficultés entre les administrations communales et l’administration forestière.

Cependant nous avons compris que ce paragraphe laissait les choses dans l’état où elles sont, et si nous avions pensé qu’il pût exister un doute à cet égard, nous aurions demandé le retranchement des mots que réclame l’honorable M. Jullien

Je comprends, dis-je, que les choses resteront dans l’état où elles sont, jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu par une loi spéciale. C’est alors qu’il faudra réviser, s’il y a lieu, le code de procédure en matière forestière, et régler de quelle manière les contraventions seront constatées et poursuivies par devant les tribunaux.

Les observations de l’honorable M. Andries tendent à peu près au même but. Il sent bien qu’il est impossible de changer toute la législation existante sur la matière par un article isolé de loi ; mais il fixe au gouvernement un délai fatal pour modifier la législation existante. Or, c’est ce que je ne puis consentir à voir insérer dans la loi.

Il n’est personne de nous qui puisse assurer que la législation forestière puisse être modifiée dans le terme de trois années. D’ailleurs, chaque membre dans cette enceinte ayant le droit d’initiative, si le gouvernement tardait à présenter sa loi, il pourrait la proposer lui-même.

Je pense donc qu’il y a lieu de maintenir l’état de choses actuellement existant, tout en assurant aux communes l’application du principe constitutionnel.

M. Andries propose, dans le premier paragraphe, de substituer aux mots « l’autorité supérieure » ceux-ci : « l’autorité provinciale ; » et dans le second paragraphe, au lieu de ces mots « jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu, » ceux-ci : « jusqu’au 1er janvier 1839 »

M. Pirmez. - Je pense aussi que la surveillance de l’administration des bois communaux ne peut être enlevée immédiatement à l’administration forestière. Mais il est une partie des attributions de cette administration qui devrait lui être enlevée dès aujourd’hui, je veux parler de l’avis qu’elle donne dans les questions de défrichement. L’administration forestière est alors juge et partie.

A l’exception du Luxembourg, partout les bois domaniaux ont été vendus. L’existence de l’administration forestière dépend presque entièrement de la conservation des bois communaux. Elle a toujours intérêt à empêcher les défrichements.

Cependant, messieurs, dans un pays comme la Belgique, les défrichements sont toujours une chose avantageuse. Le revenu du terrain défriché est le triple, j’ose le dire, de ce que rapportent annuellement les bois.

Ainsi d’un côté il est de l’intérêt des communes que les défrichements aient lieu ; d’un autre côté l’administration forestière a tout intérêt à les empêcher.

Si chaque particulier est libre de défricher ses bois comme bon lui semble, il faut accorder quelque latitude aux communes. Je ne voudrais pas les soustraire tout à fait à la surveillance de l’administration supérieure ; mais je voudrais que ces défrichements ne dépendissent pas de l’administration forestière.

L’on a dit que le gouvernement avait un intérêt au maintien des bois. Je crois que l’intérêt du gouvernement et de la nation est que la terre rapporte, le plus possible. Il n’a pas plus d’intérêt à conserver les bois des communes qu’à conserver ceux des particuliers.

Je n’en dirai pas davantage pour justifier l’amendement que j’ai l’honneur de présenter à la chambre.

« Les députations provinciales prononcent sur les demandes de défrichement sans l’intervention de l’administration forestière. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’amendement qui vient d’être présenté par l’honorable M. Pirmez est bien le plus singulier qui ait jamais été déposé sur le bureau. Il craint que l’administration forestière ne puisse aider de ses lumières l’administration provinciale dans son examen des demandes adressées par les communes. Voyez quelle prévoyance ! Il craint que l’administration ne se laisse guider par l’avis de l’administration forestière quand elle sera convaincue que le défrichement de telle partie de bois sera nuisible à l’intérêt de la commune.

Je ne comprends rien à une pareille manière d’envisager les choses. J’ai toujours pensé que pour prendre une décision sur une matière quelconque, on ne saurait être trop éclairé.

J’ai déjà dit que l’arrêté de 1832 avait entièrement désintéressé l’administration forestière dans les demandes de défrichement ou de coupes extraordinaires faites par les communes. J’ai fait observer que le département des finances n’intervenait pas directement dans les affaires de cette nature. Il suffit de donner lecture des dispositions de l’arrêté pour en convaincre l’assemblée.

(Ici M. le ministre donne lecture des dispositions de l’arrêté de 1832.)

Y a-t-il quelque chose de plus simple et de plus clair que cette manière de procéder, quelque chose qui soit mieux établi dans l’intérêt des communes ?

Une commune adresse une demande à la députation, d’être autorisée à défricher tel bois ou à faire une coupe extraordinaire. L’administration provinciale prend des renseignements auprès de l’administration forestière. (Vous supprimeriez l’administration générale des forêts pour la donner aux provinces, qu’il faudrait subdiviser simplement cette administration dans toutes les provinces, de telle sorte que ce serait toujours le même avis à demander.) L’administration provinciale reçoit donc l’avis de l’administration des forêts.

Ces fonctionnaires pourront représenter qu’il y a danger et pas d’avantage à défricher tel ou tel bois, ils feront connaître des raisons défavorables au défrichement qu’on aura cachées ; par exemple, que le bois se trouve sur un sol qui ne peut rien produire d’autre que du bois, qu’il est situé sur le schiste on sur une pente rapide où les eaux emporteraient le sol si les racines des arbres n’étaient là pour le retenir. Voilà ce que l’administration forestière viendra dire à la députation. Si celle-ci conçoit des doutes, elle a recours au commissaire de district qui, quoi qu’on en ait dit, est ordinairement le plus chaud défenseur des intérêts des communes ; et enfin arrive de la province un avis qui est presque toujours suivi par le département de l’intérieur.

Maintenant, M. Pirmez prétendra-t-il que l’administration forestière qui, aujourd’hui, n’est pas très considérable, veuille qu’on garde les bois, qu’elle s’opposera d’une manière absurde à tous les défrichements possibles ? S’il connaissait la manière de procéder de l’administration, il verrait que très fréquemment elle est d’accord avec les communes pour reconnaître des défrichements, et que très souvent c’est sur l’opinion unanime de toutes les administrations que le ministre de l’intérieur fait concéder l’autorisation de défricher les bois.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - L’arrêté dont mon collègue vient de vous donner lecture doit satisfaire à toutes les exigences. Cet arrêté a été pris par le Roi sur ma proposition pour mettre fin à une contestation qui existait entre la députation des états et l’administration forestière. Avant cet arrêté, les avis de la députation des états étaient contrôlés par l’administration forestière, et c’était sur la proposition du ministre des finances que les arrêtés autorisant des défrichements devaient être proposés au Roi. Les députations se plaignaient de ce qu’on subordonnait leur autorité, qui est tutrice née des communes, à l’administration forestière. Depuis l’arrêté dont on vient de vous donner lecture, il n’en est plus ainsi. La députation a repris la nature des fonctions que sa position lui assigne ; seulement elle demande l’avis de l’administration forestière pour savoir s’il n’y a pas d’inconvénient au défrichement proposé par une commune.

Depuis 1832 aucune députation ne s’est plainte de la marche suivie. Je suis persuadé qu’il n’est pas une députation qui voulût se passer de l’avis de l’administration forestière, pour ne pas prononcer sans connaissance de cause.

Il est d’une bonne administration que l’autorité s’éclaire par des rapports avec les agents qui ont le plus d’expérience. Si la députation trouve que l’opinion de l’administration forestière est erronée, qu’elle ne prend pas assez en considération les besoins de la commune, elle adresse un avis contraire au département de l’intérieur, à qui il appartient de proposer une solution définitive.

L’observation de l’honorable M. Pirmez se rapporte à un ordre de choses qui n’existe plus. Si vous n’admettiez pas le contrôle que je propose, vous agiriez d’une manière diamétralement opposée aux intérêts des communes.

M. Andries. - Il est inexact de dire que le bourgmestre ne sera pas apte à diriger l’administration des forêts de la commune. Ce ne sera pas lui qui dira : il faut faire des coupes dans tel endroit, des plantations dans tel autre ; ce sera une autorité qui remplacera l’autorité forestière et qui sera plus apte qu’elle à bien administrer les bois des communes. Il n’y a pas de danger à remettre les choses dans l’état où elles étaient avant la révolution française. L’administration des eaux et forêts n’était pas connue en Belgique, et cependant nos forêts ont été bien conservées, et nous pouvons, je crois, espérer que l’esprit de vandalisme ne s’emparera pas des autorités communales.

Je conjure la chambre de décider que la surveillance des forêts sera abandonnée aux conseils provinciaux. Si aujourd’hui, on ne prend pas cette décision, je ne vois pas d’ici vingt ans la centralisation. C’est aujourd’hui qu’il faut mettre en pratique le principe de la centralisation. Si on peut décentraliser dans une administration, c’est bien dans celle-là. On aura trois ans pour pourvoir au remplacement de l’administration forestière.

Les assemblées provinciales, dit-on, vont se réunir pour entendre les réclamations qui surgiront. Mais quelle nécessité d’attendre ? Il n’y en a pas un seul qui n’ait revendiqué l’administration spéciale particulière des bois et forêts des établissements publics et des communes. Nous n’avons rien de nouveau à entendre. Toutes les provinces désirent être chargées de cette administration ; elle sera mieux gérée et à meilleur compte.

On dit que c’est une question grave, qu’elle peut avoir les plus grands inconvénients, qu’il est difficile de la trancher. C’est ce qu’ont dit tous les gouvernements qui se sont succédé pour ne rien faire. Sans doute la question est grave, mais pourquoi devons-nous continuer à payer une multitude d’employés qui n’ont qu’à se promener le fusil sur le dos et auxquels il faut un traitement assez élevé, car ils n’ont que cela pour vivre, tandis que dans les provinces on pourrait conférer cette place à un autre employé qui, réunissant deux fonctions, n’aurait pas besoin d’être autant payé ?

M. le ministre ne m’a pas compris quand j’ai présenté mes calculs.

J’ai le budget de cette administration présenté au congrès. Depuis lors les modifications qu’elle a subies sont très peu importantes. Alors le personnel de l’administration forestière pour les deux Flandres coûtait chaque année, à l’Etat, 4,700 florins. Les subsides que les provinces payaient à l’Etat, s’élevaient à 1,700 fl. L’Etat dépensa donc 3,000 fl. pour se donner le plaisir de gérer les biens des autres malgré eux. Le tiers des revenus des bois de l’Etat était absorbé par l’administration forestière. J’espère qu’on ne renverra pas ce moyen important de décentraliser, aux calendes grecques. L’on ne veut pas substituer à l’autorité supérieure l’autorité provinciale ; la centralisation est maintenue pour longtemps, et on conserve un personnel d’administration qui coûte cher et ne rend aucun service.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable préopinant se trompe à plaisir pour soutenir une thèse qui n’est pas soutenable. Il dit que dans les Flandres l’Etat, par son système d’administration, fait une perte annuelle de plus de trois mille florins. Je ne puis pas lui répondre en ce moment par des chiffres exacts, mais je nie formellement ce résultat ; en ce qui concerne les communes et les établissements publics, si je consulte le tableau que j’ai sous les yeux, je trouve que la somme que les deux Flandres remboursent au trésor est de 2,560 francs. Les objections que le député des Flandres fait sont donc sans portée ; la Flandre occidentale rembourse à l’Etat pour l’administration de ses bois 690 francs. La Flandre orientale rembourse deux mille francs, non seulement pour les établissements de bienfaisance, mais aussi pour tous les bois des communes compris.

Nul doute que si on établissait des administrations séparées que chaque commune eût son garde particulier, les frais seraient beaucoup plus considérables que maintenant qu’il n’y a qu’un seul garde pour surveiller les bois de quatre ou cinq communes à la fois.

L’honorable préopinant a dit que, de la manière dont les choses se passent aujourd’hui, l’administration forestière a son homme à elle-même pour surveiller les propriétés d’autrui, et que la partie intéressée n’intervient en rien. Je lui répondrai que l’administration forestière ne nomme et ne peut nommer un garde que sur la proposition du conseil communal, et que dès lors il est inexact de prétendre que l’on impose des hommes aux communes. J’ai toujours suivi et dû suivre le mode que je viens d’indiquer pour les nominations de gardes forestiers parce qu’il doit en être ainsi aux termes des arrêtés qui régissent la matière.

Si l’on exagérait la liberté des communes en ce qui concerne l’administration de leurs bois, il en résulterait des effets déplorables pour ceux dont on croirait servir ainsi les intérêts.

M. Jullien. - Si je pouvais comprendre l’art. 9 comme M. le ministre des finances, je ne proposerais pas d’amendement. (Erratum inséré au Moniteur belge n°56, du 25 février 1836 :) Mais il est impossible, selon moi, de le comprendre autrement, sinon que c’est seulement la surveillance de l’administration des bois et des forêts qui continuera de subsister jusqu’à ce qu’il y soit ultérieurement statué par la législature. En lisant l’article tel qu’il est conçu, il me paraît que l’esprit et la lettre repousse l’interprétation de M. le ministre.

La deuxième partie est ainsi conçue :

« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, les lois, arrêtés, décrets et règlements actuellement en vigueur continueront à être exécutés. »

Si c’est là l’intention de l’article, il faut s’arrêter où je m’arrête. Cette disposition est très sage et l’article est complet.

Pourquoi a-t-on ajouté cette dernière partie, dont je demande la suppression :

« En ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes et les établissements publics. »

Cette disposition a-t-elle pour but de restreindre l’exercice des lois et des décrets actuels à la surveillance de l’administration des bois des communes et des établissements publics ? (Erratum inséré au Moniteur belge n°56, du 25 février 1836 :) Eh bien diront les communes, nous avons d’après la loi la propriété et l’administration de nos bois, et vous, gouvernement, vous en avez seulement la surveillance. Si nous coupons, si nous défrichons, surveillez, regardez-nous faire, voyez si nous coupons bien ou mal, mais là s’arrêté votre droit.

Voilà les contestations qui naîtront naturellement de la disposition de cet article. Encore une fois, celui qui et propriétaire est en droit de contester la surveillance, ou de la faire définir.

Si la chambre a entendu comme moi le deuxième paragraphe, la deuxième partie de ce paragraphe doit être supprimée.

Je dois dire quelque chose à l’honorable député qui siège à ma gauche.

Il a bien compris qu’il ne fallait pas abandonner des propriétés aussi intéressante que les bois, à l’administration libre des communes ; cependant il voulait leur laissez la liberté de défricher leurs bois sans contrôle.

Mais, messieurs, la question du défrichement contient toute la difficulté. Si vous permettez à une commune de défricher ses bois, c’est-à-dire d’enlever le bois du sol, il n’y a plus de forêt, et alors je ne comprends plus la sollicitude du député pour ce qui doit suivre le défrichement.

Si on veut substituer à l’administration forestière qui connaît la valeur des bois, leur emménagement, (Erratum inséré au Moniteur belge n°56, du 25 février 1836 :) l’administration provinciale, par exemple, cette nouvelle administration pourra être facilement trompée par la commune ; elle pourra être trompée sur la superficie des bois, et sur ce qu’on en peut retirer.

Il est très vrai que dans les Flandres la question n’est pas d’un grand intérêt ; mais je la considère comme étant d’un grand intérêt dans d’autres provinces. Dans les Flandres, il n’y a que de petits bois ; mais dans le Hainaut, par exemple, il y a des communes qui possèdent 700 hectares de bois. Peut-on en abandonner l’exploitation à ces communes ? Mais il pourrait se trouver des hommes qui les exploiteraient à leur profit.

Je partage l’opinion des honorables députés de ces provinces, quoique je ne les habite pas. Tout en admettant le principe que les communes interviennent dans l’administration de leurs forêts, jusqu’à ce qu’une loi nouvelle ait réglementé les droits des communes, il faut que les choses restent dans l’état où elles sont ; et tel est le but de mon amendement.

Quand il y a une disposition inutile, pourquoi la laisser subsister, surtout quand elle donne lieu à des doutes ?

M. Pirmez. - Dans tous les cas, l’administration forestière s’est opposée aux défrichements. Lorsqu’elle avait à sa disposition le despotisme impérial, elle voulait conserver tous les bois, parce que, de l’existence des bois, dépend l’existence des membres de cette administration forestière ; aussi ne sont-ils pas partisans des défrichements.

Je crois qu’il faut laisser aux états provinciaux ou au Roi l’administration des bois communaux ; et je retire mon amendement, parce qu’on m’a fait observer que la disposition qu’elle renfermait était déjà dans la loi. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président. - L’amendement de M. Pirmez est retiré.

M. Dubus. - Dans la discussion actuelle, on met en question tout l’article lui-même, notamment par le premier amendement présenté par M. Jullien ; car si on retranche la disposition dernière, il ne faut pas formuler d’article selon moi.

Quoi qu’on en ait dit, cet article a été réclamé, lors des dernières discussions, précisément par les députés des provinces que l’on a indiquées comme possédant une plus grande quantité de bois. Ce sont les députés de Namur et du Luxembourg qui ont présenté des amendements tendant à restituer aux communes l’administration de leurs bois ; ces amendements ont été renvoyés à la section centrale qui a été d’avis que cette administration devait être soumise à une surveillance de l’autorité supérieure ; elle n’a été partagée que sur la question de savoir par qui la surveillance serait exercée.

Messieurs, c’est un arrêté du 19 ventôse an X qui a dépouillé les communes de l’administration de leurs bois, et qui a donné tout à la fois à l’administration forestière l’administration, la garde, la surveillance des bois des communes. Je ne crois pas qu’on puisse dire que ce régime ait été favorable aux communes.

Il a été dit dans cette enceinte qu’à l’époque où l’administration française n’existait pas, les bois des communes étaient le mieux administrés. Quant à moi, je sais que la ville de Tournay, qui possédait cent hectares de bois, n’a jamais vu plus mal administrer ses bois que sous l’administration forestière française ; jamais plus de vols et de dilapidations n’ont eu lieu qu’à cette époque. Ces bois ont été vendus ; le particulier qui les possède, et qui les administre à son gré, en retire beaucoup plus qu’on n’en a retiré.

L’arrêté de 1815 avait restitué aux communes l’administration des bois d’une contenance inférieure à cinq hectomètres ; l’on ne dit pas que cette disposition ait donné lieu au moindre abus ; cependant le gouvernement de Guillaume a continué le même régime quant aux autres bois. Il est vrai que ce régime a été l’objet d’une foule de réclamations, notamment de la part des administrations publiques, des hospices et des établissements de bienfaisance, qui considéraient l’administration forestière comme funeste à la propriété des bois.

Ces réclamations se sont renouvelées dans cette enceinte lors des premières discussions sur la loi communale ; il a été démontré que nous devons, pour obéir à la constitution, restituer aux communes l’administration de leurs bois ; qu’il n’y a pas de différence entre les propriétés boisées et celles qui ne le sont pas, dans la constitution, qui dit que les propriétés communales sont administrées par la commune. Que l’on prescrive pour les propriétés boisées des mesures plus sévères et une surveillance particulière, c’est autre chose.

Sur ce point, je rappellerai à la chambre que la section centrale, à laquelle les amendements ont été renvoyés, a été unanime.

Je lis dans son rapport :

« La section centrale s’est demandé si, en vertu des principes consacrés par la constitution, les communes doivent avoir l’administration de leurs bois et forêts ; l’affirmative a été résolue à l’unanimité. Si cette administration sera soumise à une surveillance supérieure ; ici encore l’affirmative a été admise à l’unanimité. Nous n’avons pas cru qu’il fallait laisser aux communes l’administration de leurs bois et forêts, sans surveillance aucune ; il serait à craindre que le désir de jouir du présent ne les portât souvent à sacrifier les produits à venir. D’ailleurs, les communes ne sont qu’usufruitières de leurs bois ; elles doivent en transmettre la propriété à leurs successeurs, et c’est pour cela que nous avons demandé dans le projet de loi (art. 74) l’approbation du Roi pour le changement du mode de jouissance de tout ou partie des bois communaux.

« Ces décisions admises, il restait à savoir si la surveillance supérieure serait exercée par la députation provinciale ou par l’administration des eaux et forêts. »

Il fallait donc une surveillance ; ici les opinions se partagent sur le mode de surveillance, quant à la surveillance immédiate.

Les uns voulaient que la députation provinciale en fût informé immédiatement chargée, les autres que ce fût l’administration des eaux et forêts.

Je lis dans le rapport : « Ici la section centrale s’est divisée. La majorité a craint des innovations qui touchent à une législation existante. Tout en admettant que l’administration des bois communaux doit être laissée aux communes, que les fonds provenant de la vente doivent être versés dans la caisse communale, sans que l’Etat puisse prélever aucun droit de recette, etc., elle a pensé qu’il ne fallait pas déterminer ici quelle serait l’autorité chargée de la surveillance de ces bois, et que, jusqu’à ce qu’il ait été statué postérieurement, les lois et arrêtés actuellement en vigueur doivent continuer à être exécutés, en ce qui concerne la surveillance des bois des communes. »

Ainsi vous voyez que c’était relativement à la surveillance des bois communaux que la majorité de la section centrale était d’avis de continuer provisoirement l’exécution des règlements et des lois en vigueur. La minorité voulait attribuer cette surveillance à la députation provinciale. L’opinion de la majorité résulte au reste clairement du texte de l’article ; il porte :

« Art. 9. Les conseils communaux et les administrations des établissements publics ont l’administration de leurs bois et forêts, sous la surveillance de l’autorité supérieure, de la manière qui sera ultérieurement réglée.

« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, les lois, arrêtés, décrets et règlements actuellement en vigueur, continueront d’être exécutés en ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes et des établissements publics. »

Et je dirai plus, c’est que la garde des bois communaux a été également restituée par la loi à l’autorité communale. (Dénégation de la part de M. le ministre des finances.)

Sur ce point, j’invoque l’article voté par la chambre, et qui est conforme à la proposition du gouvernement ; il porte ;

« Art. 57. La députation provinciale nomme les gardes des bois communaux, sur une liste double de candidats présentés par le conseil communal ; elle en détermine le nombre pour chaque commune, les révoque ou les suspend de leurs fonctions.

« Le conseil communal peut également les révoquer ou les suspendre. »

Vous voyez que l’administration forestière est tout à fait étrangère à la nomination de ces gardes.

Quant à la surveillance, on a dit que si vous laissez subsister la disposition telle qu’elle existe, il en résultera des abus car les conseils communaux pourront arrêter des coupes forcées et que si vous ne modifiez pas la législation existante, même quant à l’administration des bois communaux, ces bois disparaîtront.

Mais, aux termes de la constitution, la surveillance des actes de la commune s’exerce, en beaucoup de cas, au moyen de la nécessité de l’approbation de ces actes.

Un acte du conseil communal décide une coupe forcée ; il sera soumis à l’approbation de l’autorité supérieure, laquelle exercera sa surveillance en refusant son approbation à cet article.

Les dispositions actuellement en vigueur, desquelles il résulte que les résolutions du conseil ne peuvent être exécutées sans une approbation, donnent donc toute satisfaction, quant à la surveillance que l’on désire.

Mais au moins ce ne sera pas une administration forestière qui viendra administrer les bois de la commune, prendre des résolutions et les faire exécuter. Ce sera le conseil qui administrera, qui résoudra, et ses résolutions seront soumises à l’approbation de l’autorité supérieure.

Remarquez que vous avez adopté une disposition d’après laquelle le conseil ne peut, sans approbation de l’autorité supérieure, changer le mode de jouissance des biens communaux.

Or, décider des coupes forcées, des défrichements, c’est changer le mode de jouissance ; car après cela la terre devrait être mise en culture ; on ne pourrait donc en jouir que d’une autre manière.

Ainsi vous avez satisfait à la proposition de M. Jullien par la disposition que vous avez admise quant aux résolutions du conseil qui changent le mode de jouissance ; toutes les craintes doivent donc disparaître. Mais je m’oppose formellement à ce qu’on retranche la dernière disposition de l’article, parce que de ce retranchement il résulterait que la première disposition serait effacée, et que l’administration, la garde et la surveillance des bois communaux, serait confiée à l’administration forestière, tandis que dans la première partie de l’article vous avez décidé que ce serait le conseil qui agirait, qui administrerait en cette matière.

Je crois donc que ces garanties sont suffisantes et que nous ne pouvons nous dispenser de voter l’article tel qu’il existe, si nous voulons nous conformer, au principe constitutionnel qui laisse les intérêts communaux à régler aux conseils communaux.

Je dois dire un mot sur l’amendement de M. Andries. Je ne parlerai pas de celui de M. Pirmez puisqu’il a été retiré.

M. Andries voudrait que l’on substituât dans le premier paragraphe, au mot « supérieure » le mot « provinciale. » Tout l’effet de cet amendement serait de consacrer dès à présent le principe que, dans les règlements ultérieurs sur la matière, c’est à l’autorité provinciale qu’appartiendra la surveillance. J’appuie sous ce rapport l’amendement de M. Andries, me référant aux motifs qu’il a présentés pour l’appuyer.

Quant à la partie de l’amendement tendant à fixés le terme dans lequel les règlements doivent être faits, je ne l’appuierai pas ; car si le 1er janvier arrivait sans que ces règlements fussent faits, je ne sais ce qui résulterait de l’article.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dubus, conséquent avec les principes qu’il a développés dans toute la discussion de la loi communale, voudrait voir, en ce qui concerne les bois communaux, la commune émancipée et érigée en petite république du pouvoir central.

M. Dubus. - Je n’ai pas dit un mot de cela.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Non pas explicitement, vos observations préliminaires tendaient à cela : et en effet, l’honorable membre admet l’intervention de la députation provinciale ; il a cependant prétendu que, d’après la constitution, l’administration des bois communaux, dans les termes les plus larges, appartenait à la commune. Il s’est appuyé, sous ce point de vue, de la proposition des députés de Namur qui ont présenté la rédaction de l’article dont nous nous occupons maintenant, mais à tort ; car ces députés n’ont jamais prétendu restituer aux communes l’administration de leurs bois ; ils ont seulement soulevé la question de savoir si la surveillance et l’administration des bois des communes appartiendraient à l’administration forestière actuelle ou à une autorité forestière provinciale. Voilà quel a été le but de la proposition des députés de Namur. Mais ils n’ont pas voulu affranchir la commune d’une surveillance supérieure, quant à l’administration de ses bois ; ils savent trop bien que les administrateurs communaux sont trop peu prévoyants pour maintenir la conservation de telles propriétés.

En ce qui concerne les gardes des bois communaux que l’honorable M. Dubus voudrait voir nommer et révoquer par les conseils communaux, il est certain que si un tel pouvoir était dévolu à ces conseils, il n’y aurait plus de surveillance, il n’y aurait plus de répression des délits dans les bois communaux ; car dès lors (et tous ceux qui savent ce qui se passe dans les campagnes n’en doutent pas), aucun garde n’oserait faire son devoir, attendu qu’il aurait à l’exercer contre des membres du conseil communal lui-même dont il tiendrait l’existence ; les administrateurs communaux sont souvent entraînés, aujourd’hui déjà, à commettre des délits dans les bois communaux. Où seraient donc les garanties pour la répression des délits forestiers, s’ils avaient les gardes dans leur dépendance ?

On répète sans cesse que les administrations provinciales et communales ont plus d’une fois élevé des plaintes contre l’administration forestière. Mais à quelle époque ces plaintes se sont-elles fait entendre ? Alors que l’administration forestière usait (j’en conviens volontiers) d’une sorte de despotisme sur les administrations communales.

Je ne pense pas qu’il y ait eu une seule plainte depuis que l’on a introduit les améliorations que j’ai rappelées tantôt ; aujourd’hui, quand une commune trouve avantage à défricher un bois, le ministre de l’intérieur l’y autorise, et l’administration forestière qui a encore un avis à donner n’y est jamais contraire, si les demandes sont fondées.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ajouterai seulement deux mots pour vous faire voir que quand on veut prétendre, comme MM. Andries et Dubus que les administrations communales et de bienfaisance peuvent être affranchies de la surveillance de l’autorité supérieure, quant à la conservation de leurs bois, on n’est pas d’accord, au moins M. Andries, avec ce qu’on a dit dans une précédente séance. Je citerai les expressions mêmes dont il s’est servi, en lisant le Moniteur :

« L’honorable M. Dumortier prétend que les comptes des bureaux de bienfaisance seront mieux examinés par l’administration locale que par l’administration provinciale.

« Pour moi, je pense que ce sera le contraire. Si vous émancipez les bureaux de bienfaisance du plat pays, vous verrez les abus se multiplier ; et si les comptes ne sont soumis qu’à l’administration locale sans contrôle de l’autorité supérieure, vous verrez les affaires se régler par compérages ; tout deviendra tripotage, on s’entendra pour dilapider les deniers des communes et des établissements de bienfaisance. Il est donc de toute nécessité de faire intervenir le contrôle d’une autorité supérieure.

M. Andries. - C’est-à-dire de l’autorité provinciale.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ainsi vous voyez qu’il fallait le contrôle d’une autorité supérieure, et que l’honorable M. Andries reconnaissait hier que des administrations de bienfaisance ou des administrations communales sauraient administrer seules dans l’intérêt public.

En ce qui concerne, pour les bois communaux, le choix de l’autorité supérieure, on viendrait de plano trancher une telle question. Mais êtes-vous assez éclairés pour cela ? Attendez au moins que les conseils provinciaux soient constitués et aient fait connaître leurs vœux ; alors vous serez à même de décider la question ; alors vous pourrez prononcer en connaissance de cause. Mais qui vous assure que ce que l’on vous propose de faire n’est pas contraire aux vœux des conseils provinciaux ?

Attendez surtout l’avis des conseils des provinces de Namur et du Luxembourg, et gardez-vous de trancher la question par rapport aux Flandres, qui n’ont presque aucun intérêt dans l’espèce.

Plusieurs membres. - Aux voix.

M. Gendebien. - Je demande la parole.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas fini. Je désirerais présenter encore quelques observations ; cependant, comme la chambre paraît impatiente d’en finir, si elle veut clore la discussion, je renoncerai à la parole.

M. Dubus. - Je demande la parole pour un fait personnel. Je suis obligé de répondre aux paroles par lesquelles M. le ministre des finances a jugé à propos de commencer son discours. Il a insinué que je voulais organiser toutes les communes en petites républiques, et soustraire presque tous les actes au contrôle de toute autorité supérieure. Mais lorsque l’on recherche sur quoi peut se fonder cette assertion, il se trouve que malheureusement elle ne contient pas un mot de vrai. Car je viens de défendre un amendement de la section centrale, proposé à l’unanimité par la section centrale, et qui, en rendant aux communes l’administration de leurs bois, les soumet à une surveillance. J’ai même soutenu que cette surveillance était indispensable. Ainsi, si j’ai voulu organiser la commune en république, je l’ai voulu comme la première section centrale, qui était composée de MM. Raikem, Legrelle, H. Dellafaille, et encore 2 ou 3 membres dont les noms m’échappent.

Je rappellerai à cette occasion, puisque le reproche de M. le ministre des finances s’adresse aussi à mes discours antérieurs, que je n’ai pas perdu une occasion de faire remarquer que tous les actes importants de la commune devaient être soumis à une approbation supérieure, et d’insister pour que l’on organisât les moyens de vaincre l’inertie des administrations communales, dans le cas où elles ne voudraient pas se conformer aux lois ou aux ordres qu’elles recevraient.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole pour répondre au fait personnel.

Il résultait évidemment des observations présentées par l’honorable M. Dubus, au commencement de son discours, qu’il voulait restituer sans réserve aux communes l’administration de leurs bois : car il argumentait d’une administration des bois communaux, sans aucunes limites. Il est vrai qu’il s’est rallié ensuite à l’opinion de la section centrale, qui fallait une haute surveillance ; mais il a sans doute défendu cette dernière opinion, parce qu’il n’y a pas dans cette assemblée six personnes qui voudraient abandonner aux communes l’administration de leurs bois, sans aucune espèce de surveillance, et que…

M. Dubus. - Vous incriminez mes intentions ; je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je n’ai pas terminé ma phrase ; quand je l’aurai finie, peut-être n’y aura-t-il pas matière à ce que vous demandiez la parole.

Je disais qu’il n’y aurait pas dans cette enceinte 6 personnes qui consentiraient à l’administration des bois de la commune par elle-même sans aucune surveillance supérieure, et que l’honorable M. Dubus, quel que fût son désir d’obtenir des économies et des libertés pour la commune, n’en voudrait pas dont le résultat serait comme ici la dilapidation des bois de la commune.

Voilà ce que je voulais dire, et je pense que personne ne supposera que j’ajoute la fin de ma phrase comme je viens de le faire parce que M. Dubus a demandé la parole ; c’était sans cela mon intention. Je n’attaque pas l’honorable membre, j’ai seulement voulu faire remarquer que, fidèle au système qu’il a suivi, consciencieusement, je n’en doute pas, dans la discussion de la loi communale, il veut encore ici détacher la commune du centre, quant à l’administration de ses bois, en préférant l’autorisation provinciale à l’autorité centrale, alors qu’une autorité supérieure était inévitable.

Voilà le sens de l’observation que j’avais présentée, je crois qu’elle a quelque chose de fondé.

Un grand nombre de membres. - La clôture ! la clôture !

M. d'Hoffschmidt. - Dans une question si intéressante pour ma province, j’espère que la chambre me permettra de dire quelques mots.

M. Dumortier, rapporteur. - Je désirerais aussi dire quelques mots, comme rapporteur. Je n’ai pas parlé dans toute cette discussion.

M. Berger. - Je demanderai également la parole.

M. F. de Mérode. - Dans une matière aussi intéressante et aussi importante, je ne pense pas que l’on doive fermer la discussion, alors, que deux députés appartenant à la province la plus intéressée dans la question demandent la parole.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est la troisième discussion. Je crois qu’il n’y a pas un membre qui ne connaisse tout ce qu’on peut dire sur cette matière.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

L’amendement de M. Andries est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

Le premier paragraphe de l’art. 9 est mis aux voix et adopté.

L’amendement de M. Jullien consistant à retrancher du deuxième paragraphe de l’art. 9 les mots suivants qui se terminent : « en ce qui concerne la surveillance de l’administration des bois des communes et des établissements publics, » est mis aux voix et adopté.

M. Thienpont. - Je pense qu’il faut mettre maintenant mon amendement aux voix.

M. Dubus. - Je crois que l’amendement de M. Thienpont doit être mis aux voix. Car il tendrait à excepter les bois des établissements publics de la surveillance de l’administration forestière.

Plusieurs voix. - C’est jugé, il est rejeté.

M. Dumortier, rapporteur. - Les motifs que l’on a donnés pour maintenir les dispositions existantes ne s’appliquent pas aux bois des administrations particulières que M. Thienpont voulait excepter. M. Thienpont n’a pas présenté seulement une rédaction, mais une pensée dont la rédaction doit être modifiée par suite de l’adoption de l’amendement de M. Jullien et soumise au vote de la chambre.

M. le président. - La pensée a été rejetée par le vote de la chambre. Présentez, si vous voulez, un nouvel amendement. L’article n’est pas voté.

Plusieurs voix. - Il y a clôture. ! il y a clôture !

M. Lebeau. - S’il y a clôture, je ne parlerai pas ; mais s’il n’y a pas clôture, je prendrai la parole pour prouver que l’amendement préjugerait la question, et aurait pour effet de détruire ce qui existe sans établir ce qu’il promet.

M. le président. - Voici l’amendement que propose M. Thienpont :

« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu, les lois, arrêtes, décrets et règlements actuellement en vigueur, continueront à être exécutés (M. Thienpont ajoute), en ce qui concerne les bois communaux. »

M. Gendebien. - Il faut laisser tout dans le provisoire ; un projet de loi sur la matière sera présenté incessamment ; ce projet est annoncé dans la loi. Un de nos collègues se propose d’ailleurs d’en présenter un sous peu de jours ; en attendant que nous ayons tout réglé par une loi, laissons toute l’administration, ainsi que le défrichement, à l’autorité supérieure. L’amendement de M. Jullien fait que rien n’est préjugé.

Prenez garde que, de ce que l’on propose, on ne tire un argument pour prouver que le défrichement reste définitivement réglé et soumis à l’approbation royale. Par l’amendement de M. Jullien, je le répète tout reste dans le provisoire. J’invite M. Thienpont à retirer son amendement, afin que tout reste en effet dans le provisoire.

M. Thienpont. - Si j’étais assuré que la loi qu’on doit présenter incessamment, fût bientôt portée, je n’hésiterais pas à retirer mon amendement.

M. Gendebien. - Elle sera présentée avant 15 jours.

M. Thienpont. - Si l’on voulait me permettre de rentrer dans la discussion générale, il ne me serait pas difficile de prouver que le ministre s’est trompé dans les détails qu’il a donnés sur l’administration des forêts. (Aux voix ! aux voix !)

Le deuxième paragraphe, amendé par M. Jullien, est adopté.

Des membres. - Aux voix l’amendement de M. Thienpont !

Plusieurs membres. - Il a été retiré !

M. Thienpont. - Je ne l’ai pas retiré.

- L’amendement de M. Thienpont est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

L’art. 9, tel qu’il est modifié par l’amendement de M. Jullien, est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :

« Les conseils communaux et les administrations des établissements publics ont l’administration de leurs bois et forêts, sous la surveillance de l’autorité supérieure, de la manière qui sera ultérieurement réglée.

« Néanmoins, jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, les lois, arrêtés, décrets et règlements actuellement en vigueur, continueront d’être exécutés. »

- La séance est levée à 4 heures 3/4.