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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 1 mars 1836

(Moniteur belge n°62, du 2 mars 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à une heure. Il lit ensuite le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

M. Schaetzen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Des habitants de la commune de Curange (Limbourg) demandent que la chambre s’occupe de la loi relative aux indemnités. »


« Des commerçants de Tournay demandent que la chambre adopte une mesure qui interdise les ventes à l’encan des certaines marchandises neuves, par petits lots. »


« Le sieur Lagors, batelier à Anvers, réclame le paiement d’une somme de 200 florins qu’il prétend lui revenir du chef du renflouement de deux chaloupes canonnières hollandaises. »


- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.

Rapports sur des pétitions

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, vous avez demandé à la commission des pétitions des rapports d’urgence sur plusieurs pièces adressées à la chambre ; organe de cette commission, je viens remplir ce devoir.

« Par pétition en date du 26 janvier 1835, les sieurs Legrand et Brida, vicaires de Stavelot, demandent que la chambre décide à qui incombe le paiement des traitements des vicaires. »

La commission propose le dépôt sut le bureau pendant la discussion de la loi communale, et le renvoi à M. le ministre des finances.

« Par pétition en date du 11 décembre 1835, la régence de la ville de Verviers demande que les traitements des cinq vicaires de cette ville soient acquittés par l’Etat. »

Même conclusion que pour la pétition de Stavelot.

« Par pétition du 11 février 1836, les conseils de fabrique des églises de Capryk et d’Oost-Eecloo adressent la même demande. »

Même conclusion que ci-dessus.

« Par pétition en date du 24 février 1836, plusieurs curés et vicaires de Namur demandent que leurs traitements soient à charge de l’Etat. »

Même conclusion que ci-dessus.

« Par pétition datée du 11 décembre 1835, la régence de la ville de Verviers demande qu’il soit alloué au budget un subside pour l’école industrielle et commerciale de cette ville. »

La section centrale ayant terminé ses travaux, votre commission conclut à ce que cette pétition soit déposée sur le bureau pendant la discussion du budget et au renvoi à M. le ministre de l’intérieur.

« Par pétition en date du 11 février 1836, deux vicaires de Stavelot demandent que la chambre statue dans le plus bref délai possible si leurs traitements seront payés par la commune ou par le gouvernement. »

Ils font observer que la commune se refuse à payer, que la fabrique est dans l’impossibilité de subvenir à ces traitements et que les vicaires se trouvent dans une triste position.

« La régence de Verviers demande que les traitements des vicaires de cette ville, montant à deux mille francs, soient acquittés pas l’Etat aux termes de l’art. 117 de la constitution. »

La régence observe qu’elle s’est adressée antérieurement à M. le ministre de l’intérieur pour que l’Etat solde ces traitements. M. le ministre a répondu qu’il appartenait à la législature de décider cette question.

« Les conseils de fabrique des communes d’Oost-Eecloo et de Capryk (Flandre orientale) demandent que les traitements des vicaires soient à charge de l’Etat. »

Les pétitionnaires font observer que jusqu’à 1828 la commune a payé les traitements des vicaires, que depuis 1828 la fabrique a été chargée de solder ces traitements, mais que les fabriques ne peuvent continuer cette charge, leurs revenus n’étant pas suffisants même pour entretenir leurs églises. On demande en outre un secours à l’Etat pour la restauration de la tour de l’église de Capryk.

« Plusieurs curés et vicaires de la ville de Namur font observer que la régence a supprimé l’allocation destinée à l’indemnité de logement, et le traitement des vicaires, par ce motif que cette charge incombe au gouvernement. »

En 1834, le gouvernement a comblé cette lacune pour 1834.

Mais, en 1835 le gouvernement s’est refusé à faire payer et le traitement des vicaires et les indemnités de logement, motivant ce refus sur la crainte que si le gouvernement continuait à faire payer ce traitement aux vicaires de Namur, cela ne donnât une tentation à une multitude de régences de suivre l’exemple de la régence de Namur.

Les pétitionnaires demandent que la législature fasse cesser cet état de chose.

« La régence de Verviers demande qu’il soit alloué au budget de 1836 un subside de 1,500 fr. destiné à payer le professeur d’une classe élémentaire à établir à l’école industrielle et commerciale de ladite ville. »

La régence fait observer qu’elle a adressé à M. le ministre de l’intérieur une demande de même somme le 16 janvier 1835 et rappelée le 30 avril, même année.

M. le président. - Les conclusions de la commission tendent à ce que les mémoires concernant le traitement des vicaires soient déposés sur le bureau pendant la discussion de la loi communale.

- Ces conclusions mises aux voix sont adoptées.

M. le président. - Quant à la pétition de Verviers relative à une école d’industrie, la commission propose le dépôt sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur.

- Cette proposition est également adoptée.

Ordre des travaux de la chambre

M. Gendebien. - Messieurs, il est probable que nous aurons fini la discussion sur la loi communale après-demain vendredi ; je désirerais en conséquence que l’on fixât un jour pour commencer la discussion du second vote auquel cette loi sera soumise, de manière que personne ne puisse se plaindre de surprise. Vous pourriez, je crois, fixer ce jour à lundi prochain.

En effet, si après-demain jeudi vous avez terminé le premier vote, il vous faudra du temps pour imprimer les amendements ; nous avons en outre le projet de loi concernant la fraude des céréales à examiner entre les deux votes ; nous pourrions même nous occuper des pétitions, car il y en a au moins 150 en retard ; aussi je ne vois nulle difficulté et nulle perte de temps à remettre le second vote à lundi.

Messieurs, il est désirable que le plus grand nombre de représentants soient réunis pour le vote d’une loi aussi importante que celle qui organise la commune ; il faut donc que tous les députés puissent savoir quand aura lieu le second vote ; personne alors ne pourra se plaindre de surprise.

Je ne crois pas que ma proposition puisse rencontrer la moindre objection raisonnable.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je ne crois pas que sous prétexte de l’absence des membres de cette assemblée il soit nécessaire de remettre le second vote de la loi communale à lundi ; chaque député est suffisamment averti par la marche de la discussion que le second vote est prochain. Il serait inutile de le retarder plus loin que vendredi ; les amendements concernant le personnel ou le premier projet de loi sont imprimés, et il est probable que la loi relative aux attributions sera terminée demain ou après-demain au plus tard ; car il n’y a plus d’amendements à discuter. Ainsi il ne peut y avoir empêchement pour fixer le second vote à vendredi.

M. Fallon. - M. le ministre de l’intérieur nous dit qu’il est probable que nous aurons terminé la loi communale demain ou après-demain ; et si nous avons terminé jeudi, on ne pourrait commencer le second vote vendredi ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Vous me pardonnerez ; il y a deux lois.

M. Fallon. - Je crois qu’il vaudrait mieux fixer le second vote à samedi.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me paraît que le but de la demande de l’honorable M. Gendebien est que les membres puissent revenir pour le moment du second vote ; or, si l’on décide aujourd’hui que vendredi l’on commencera le second vote, quelque éloignés que nos collègues puissent être de Bruxelles, ils sauront demain dans la journée, ou jeudi matin au plus tard, que l’on procède au second vote vendredi.

Ils savent d’ailleurs déjà tous maintenant que c’est la loi communale qui est en discussion, personne ne l’ignore en Belgique ; et chaque membre a sans doute soin de se tenir au courant des progrès que fait chaque discussion. Quoiqu’il en soit, s’il fallait absolument que tous nos collègues apprissent spécialement que c’est vendredi que commencera le second vote, il n’y aurait pas d’inconvénient que le bureau leur écrivit pour les inviter à revenir.

En commençant le second vote vendredi, nous gagnerons deux jours sur la proposition de l’honorable M. Gendebien, et il ne faut pas dédaigner cette économie de temps alors que l’urgence nous presse de toutes parts.

M. Dumortier, rapporteur. - Je pense que nous ne gagnerons rien à indiquer un jour trop rapproché ; l’important est que nous soyons présents. Il nous reste encore 30 articles à discuter, dont quelques-uns renferment des questions très délicates. La question relative aux dépenses communales est de ce nombre, et nous a pris beaucoup de temps dans les discussions précédentes. Il n’y a rien de certain relativement au jour où nous aurons terminé le premier vote.

Ce serait une chose extraordinaire que de vouloir commencer le second vote vendredi prochain ; la plupart des membres qui sont dans leurs familles y resteront jusqu’au dimanche. (Bruit.) Il est incontestable que c’est la vérité, et qu’ils ne reviendront que lundi. En général, les membres de la chambre qui sont chez eux désirent achever la semaine dans leurs foyers. C’est là un fait incontestable. Je ne veux pas examiner s’ils ont tort ou raison. Quant à moi, voilà deux mois que je suis ici et que je n’ai pas retourné dans ma famille ; mais il est hors de doute que beaucoup de membres qui sont au milieu de la leur y demeureront le dimanche. Quoi qu’il en soit, il faut indiquer un jour où nous puissions être tous réunis ; évitons, en indiquant un jour plus rapproché, que le gouvernement ne donne des ordres aux personnes auxquelles il a droit d’en donner ; nous, nous ne sommes pas dans la même position.

Le ministre des finances prétend qu’en indiquant vendredi, ce sera deux jours de gagnés ; mais la chambre a mis à l’ordre du jour, entre les deux votes, la loi sur la fraude des céréales ; et hier, le ministre de la justice a signalé deux petits projets de loi comme étant fort urgents : il n’est pas douteux que, dans l’intervalle des deux votes, nous aurons de quoi occuper nos séances.

Vous avez de plus les pétitions qui sont en retard depuis un temps immémorial. ; cependant le règlement prescrit de faire un rapport sur les pétitions toutes les semaines ; si vous ne vous occupez pas des pétitions, vous allez rendre ce droit illusoire. J’appuie la proposition de M. Gendebien. Remarquez que le sénat n’est pas assemblé ; s’il était assemblé, je concevrais la précipitation que l’on paraît vouloir mettre dans la délibération. L’essentiel maintenant est que la chambre ne reste pas deux jours sans rien faire ; or, elle a des lois, en très grand nombre à élaborer. Ne fût-ce que par déférence pour nos collègues qui sont absents, je demanderais que l’on adoptât la proposition de M. Gendebien.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable préopinant vient de me citer dans ce débat incident, mais son assertion n’est pas exacte ; je n’ai pas demandé que les projets de loi dont j’ai parlé hier fussent mis sur-le-champ en discussion ; j’ai demandé qu’ils fussent soumis aux sections si elles pouvaient s’en occuper à bref délai. Ces projets ont sans doute leur importance, mais ce qu’il y a de plus important, c’est la loi communale si impatiemment attendue, et ensuite les budgets de l’intérieur et des finances qu’il faut voter pour ne pas entraver la marche de l’administration.

Indépendamment de cette erreur, je dois relever une imputation que s’est permise l’honorable préopinant. Il a prétendu que le gouvernement donnait des ordres aux députés qui sont en même temps fonctionnaires de l’Etat. Messieurs, le gouvernement comprend trop bien la dignité des membres de cette honorable assemblée pour agir aussi lestement à leur égard.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, après la loi communale, la chambre doit voter les budgets du département de l’intérieur et du département des finances ; rien n’est plus urgent que ces deux budgets, A Pâques, les députés prendront un congé, et si ces budgets n’étaient pas votés à cette époque, vous voyez combien loin ils seraient renvoyés ; la marche de l’administration ne peut souffrir des délais aussi longs.

Quand j’ai demandé que le second vote ait lieu vendredi, j’ai même fait une concession ; car rien n’empêcherait de commencer demain le second vote, si le premier était terminé aujourd’hui.

Quoique j’aie proposé vendredi, si la loi n’était pas terminée, on ne commencerait que samedi. Je crois que vendredi est un terme assez éloigné et qui offre des garanties suffisantes. (La clôture ! la clôture !)

M. Gendebien. - Je demande la parole contre la clôture.

Messieurs, en décidant que vous discuterez la loi communale, pour la seconde fois, vendredi, vous allez contrevenir à une décision que vous avez prise antérieurement. Vous avez réglé que, entre les deux votes, vous vous occuperez de la loi concernant les céréales, qui a été considérée comme urgente, Cette loi, remarquez-le bien, peut prendre plusieurs séances : on nous assure bien que sa discussion durera peu ; mais on nous disait la même chose relativement à la loi sur le bétail qui nous a occupés 15 jours. La loi concernant les céréales, fondée sur les mêmes principes, pourra ramener les mêmes débats.

Il n’est pas exact de dire que les députés sauront demain ce qui s’est passé aujourd’hui dans cette enceinte ; c’est tout au plus s’ils le sauront après-demain. J’ai voulu, par ma motion, éviter les reproches de précipitation. Au reste, puisqu’on y paraît décidé, que l’on précipite la délibération de manière à empêcher la présence d’un grand nombre de nos collègues ; ce sera un grief de plus contre la loi communale.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il est vrai que la chambre a décidé qu’elle s’occuperait de la loi relative à la fraude des céréales entre les deux votes de la loi communale ; mais on pourra satisfaire à cette détermination en discutant la loi des céréales dans les séances du soir. (Bruit.)

On parle de surprise ; mais comment pourrait-il y avoir surprise en remettant le second vote à vendredi, alors que tout le monde aura le temps d’être averti de la décision que vous aurez prise.

On parle en outre de déférences, d’égards envers ceux qui sont absents ; mais ceux qui sont absents devraient être présents ; si nous devons des égards, des déférences, c’est au pays qui attend la loi communale et qui l’attend avec impatience.

Messieurs, il n’y aura aucune espèce de surprise possible en commençant le second vote vendredi, et nous ne pouvons mieux faire que de ne pas le différer au-delà de ce jour.

M. Dubus. - Ce n’est pas par égard pour les absents que nous devons prendre une mesure par laquelle tous les députés puissent participer au vote ; c’est par égard pour la nation, c’est par égard pour le peuple ; c’est pour que le peuple soit représenté dans un vote si important.

Il ne se méprendra pas non plus sur le désir de ceux qui veulent que l’on commence vendredi, car c’est le désir de ceux qui veulent que le peuple soit représenté le moins possible. (Bruit.)

- La clôture est mise aux voix et adoptée.

M. Gendebien. - Je demande la parole sur la position de question.

Il est bien entendu que, quelque résolution que la chambre prenne, elle ne reviendra pas sur sa décision antérieure, à savoir que la loi relative aux céréales sera discutée entre les deux votes. Je demande que l’on s’explique à cet égard.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Il ne faut pas que l’on se méprenne sur la portée de la décision que nous allons prendre. Notre intention est que s’il y a possibilité de commencer le second vote sur la loi communale vendredi prochain, on s’en occupe, toute autre affaire cessante.

Messieurs, on a fait un appel au peuple : mais le peuple comprend parfaitement que ceux qui veillent véritablement à ses intérêts sont ceux qui veulent la loi communale, qui veulent toutes les lois organiques dont le pays a le plus grand besoin.

M. Gendebien. - Puisque le ministre invoque le témoignage du peuple, je lui dirai que le peuple ne se trompera pas. En effet, il connaît ceux qui s’occupent de ses intérêts, et il verra bien qu’il n’y a aucun motif d’urgence à commencer le second vote vendredi puisque le sénat n’est pas réuni ; il ne se réunira peut-être pas dans 15 jours, et en commençant lundi nous ne surprendrons personne et nous ne perdrons pas de temps.

On me dit que je me plains à tort d’une surprise. Ce n’est pas moi qui me plaindrai de surprise ; je suis toujours à mon poste ; ce sont ceux qui sont absents qui pourraient se plaindre d’avoir été surpris ; si je veux éviter des accusations de surprise, autant dans l’intérêt du pouvoir lui-même que de la chose publique ; car le peuple pourra croire aussi que l’on veut enlever d’assaut la nomination des bourgmestre et échevins.

M. le président. - Tous les députés doivent être à poste et ne peuvent être absents sans congé.

M. Gendebien. - Mais en fait, il n’en est pas ainsi ; il manque environ 45 membres.

M. Dumortier, rapporteur. - Je demande aussi la parole sur la position de la question.

Je ferai la motion formelle que, dans le cas où la chambre déciderait que c’est vendredi que l’on procédera au second vote de la loi communale, il est bien entendu que cette décision sera subordonnée à la résolution précédemment prise par la chambre, de discuter la loi sur les céréales entre les deux votes.

Je répéterai ce que j’ai déjà dit ; le sénat n’est pas assemblé, rien ne nous presse.

M. le président. - Il ne s’agit pas de cela ; vous n’avez la parole que sur la position de la question.

M. Dumortier, rapporteur. - J’appuie ma motion, et je dis que le sénat n’étant pas assemblé, il n’y s pas de raison pour précipiter la délibération.

Cinquante membres nous manquent…

M. le président. - Nous pouvons commencer immédiatement le second vote sur la première partie de la loi communale ; les amendements en ont été imprimés et distribués.

M. Dumortier, rapporteur. - Mais c’est une question de savoir si l’on fera une loi ou deux lois de l’organisation communale : on décidera cette question après le vote sur la loi concernant les attributions.

M. le président. - Il ne s’agit maintenant que de la position de la question.

M. Dumortier, rapporteur. - Ce serait une véritable iniquité que de forcer à voter la loi avant que nous soyons tous réunis. (Bruit.)

M. le président. - Je vais mettre aux voix les propositions qui ont été faites.

M. Dubus. - Je demande la priorité pour la question relative à la loi sur les céréales.

- La chambre consultée décide que la loi relative à la fraude des céréales ne sera pas discutée entre les deux votes de la loi communale.

La chambre vote ensuite par appel nominal sur la question de savoir si le second vote commencera vendredi.

61 membres sont présents.

36 votent pour le second vote à vendredi.

25 votent contre cette fixation.

En conséquence, la chambre décide que le second vote de la loi sur l’organisation communale commencera vendredi, s’il est possible.

Ont voté pour que le second vote ait lieu vendredi : MM. Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Bosquet, Cols, Coppieters, Cornet de Grez, de Behr, de Jaegher, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Theux, d’Huart, Dubois, Bernard Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Keppenne, Lebeau, Legrelle, Lejeune, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Raikem, Schaetzen, Scheyven, Simons, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen et Verdussen.

Ont voté contre : MM. Berger, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Jadot, Kervyn, Manilius, Raymaeckers, A. Rodenbach, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Vandenbossche, Vergauwen, Van Hoobrouck, Louis Vuylsteke, Wallaert et Zoude.

Projet de loi relatif aux attributions des administrations communales

Discussion des articles

Titre II. Des attributions communales

Chapitre V. De quelques agents de l’autorité communale
Article 56

M. le président. - Nous en sommes à l’art. 56 ainsi conçu :

« Les gardes champêtres sont nommés par le gouverneur sur une liste double de candidats présentés par le conseil.

« Le gouverneur les révoqué ou les suspend de leurs fonctions, s’il y a lieu.

« Le conseil communal peut également les révoquer et suspendre. »

Deux amendements sont présentés : l’un par M. Legrelle est ainsi conçu :

« Le conseil communal peut les suspendre pour un terme n’excédera pas un mois ; il peut aussi les révoquer sous l’approbation de la députation du conseil provincial. »

Le second par M. de Jaegher est le suivant :

« Le conseil communal peut également les suspendre ; en référé, dans la huitaine à la députation permanente du conseil provincial, qui maintient la suspension, et prononce même la révocation s’il y a lieu. »

M. Dumortier, rapporteur. - Je dois soutenir le projet du gouvernement adopté par la section centrale. Les rôles sont changés dans cette discussion. Car vous avez vu souvent nos bancs se lever pour défendre le projet du gouvernement, et le banc des ministres se lever contre ce projet.

D’après l’amendement de M. de Jaegher, le conseil communal pourrait suspendre pendant huit jours le garde champêtre puisqu’il doit en référer dans ce délai à la députation permanente ; ainsi l’honorable membre, non content de supprimer dans le projet du gouvernement le droit de révocation accordé au conseil communal, ne laisse à ce conseil que le droit de suspension provisoire pendant huit jours de sorte que l’action des communes sur les gardes champêtres se trouve annulée, et les gardes champêtres deviendraient de vrais agents des commissaires de district.

Messieurs, est-ce bien dans l’intérêt public que l’on nous fait de pareilles propositions ? Je conçois que certaines personnes puissent vouloir que la révocation des gardes champêtres soit prononcée par le conseil provincial, mais alors ces personnes doivent vouloir en outre que le conseil communal soit investi d’un droit de suspension, et que le gouvernement n’ait pas le droit de révocation sans l’intervention du conseil communal.

Il ne faut pas qu’on s’y trompe, les révocations des gardes champêtres auront toujours lieu sur la proposition des commissaires de district ; de façon qu’un garde champêtre à charge et odieux à une commune ne pourra être renvoyé par elle s’il est agréable à M. le commissaire de district. Telle est la portée de l’amendement de M. de Jaegher.

L’amendement de M. Legrelle est beaucoup plus rationnel ; il accorde aux conseils communaux le droit de suspension, et il leur accorde le droit de révocation sous l’approbation de la députation permanente. Cet amendement est beaucoup plus sage que le précédent ; cependant, je préfère l’article du gouvernement. Il paraît inconcevable que la commune n’ait pas le droit de révoquer un garde champêtre ; tout particulier, comme je le disais hier, a le droit de nommer et de révoquer un garde champêtre ; nous ne voulons pas aller si loin pour la commune ; cependant, il faut qu’elle puisse révoquer un garde champêtre.

Si un garde champêtre manque à ses devoirs dans l’ordre des attributions gouvernementales, le gouvernement doit avoir le droit de le révoquer ; si le garde champêtre manque à ses devoirs dans l’ordre des attributions communales, la commune doit pouvoir le révoquer.

On a dit qu’il fallait que le garde champêtre pût sévir contre un membre de l’administration communale ; mais si un garde champêtre était favorable à un membre du conseil communal, par cela seul il devrait être suspendu de ses fonctions par les autres membres de ce conseil communal.

Vous voyez que le système que le gouvernement avait proposé, et que la section centrale a adopté, est très rationnel. Je vous ferai remarquer que dans le système de M. de Jaegher il n’y a aucune distinction entre les villes et les petites communes. Aujourd’hui les villes nomment les gardes champêtres, et les régences les révoquent sans l’intervention du gouverneur. Nous marchons à reculons ; non contentes de la centralisation qui existait sous le roi Guillaume, certaines personnes voudraient établir une centralisation plus préjudiciable encore.

On veut soumettre au gouvernement la nomination et la révocation de tous les gardes-champêtres, même des plus grandes villes. Mais cela est ridicule ! Comment ! des villes telles que Bruxelles, Gand, Anvers, Tournay ne sauront pas quel est l’homme qui peut convenir pour garde champêtre !

Si vous n’accordez le droit de suspension que pour une huitaine, la suspension n’aura pas lieu ; la police rurale sera abandonnée ; les gardes-champêtres seront négligents, parce que le conseil communal n’aura plus aucune action sur eux. Vous détruirez ainsi toute espèce de police rurale ; car s’il faut s’adresser au gouverneur pour obtenir la suspension d’un garde-champêtre pour 8 jours, il n’y aura plus de suspension de gardes champêtres. Ils deviendront des agents inamovibles, lorsqu’ils seront agréables aux commissaires de district.

Je maintiens donc la proposition du gouvernement. Si elle est écartée, je voterai pour l’amendement de M. Legrelle. Mais je voudrais que cet honorable membre ne l’étendît pas qu’aux communes qui sont sous la juridiction des commissaires d’arrondissement.

Je demande le maintien de ce qui existe sans avoir présenté, depuis 20 années, aucun inconvénient.

M. Lebeau. - S’il ne s’agissait que de faire une exception pour les villes, pour les communes d’une population nombreuse que la loi soustrait à la juridiction des commissaires de district, j‘avoue que quant à moi je n’y verrais pas grande difficulté. Car si j’ai pris la parole sur l’article, si j’ai cherché à en faire retrancher le troisième paragraphe, j’ai surtout été préoccupé de son application aux communes rurales, et particulièrement aux petites communes ; ainsi, pour mon compte on me trouvera d’une facile composition, en ce qui concerne les autres communes.

Le gouvernement a proposé et la section centrale a admis (je prie la chambre de remarquer ceci) les deux premiers paragraphes de l’art. 56, ainsi conçu :

« Paragraphe 1er. Les gardes champêtres sont nommés par le gouverneur, sur une liste double de candidats présentés par le conseil. »

Voici donc les gardes champêtres nommés par un agent du gouvernement, du consentement de la section centrale.

Le gouvernement ajoute la disposition suivante, et la section centrale y adhère :

« Paragraphe 2. Le gouverneur les révoque ou les suspend de leurs fonctions s’il y a lieu. »

Le système actuel de l’honorable M. Dumortier, système qu’il a exposé tout à l’heure, est directement contraire à l’art. 66, qui place les gardes champêtres sous le coup d’une révocation immédiate de la part du gouvernement, Cependant la section centrale a concédé ce point, et je ne crois pas qu’elle pût ne pas le concéder.

Remarquez que quand il s’agit de simples agents de la commune, du secrétaire, du receveur, la loi n’accorde jamais à l’autorité municipale le droit de suspension ou de révocation, sans faire dépendre les effets de ce droit de l’approbation de la députation provinciale ; car le secrétaire et le receveur sont de simples agents de la commune. Quand au contraire il s’agit de suspendre ou de révoquer les commissaires de police, qui ont un double caractère, qui sont à la fois agent de la commune et du gouvernement en leur qualité d’officiers de police judiciaire, non seulement alors vous n’avez pas voulu qu’ils pussent être révoqués ou suspendus par l’autorité communale, mais vous n’avez pas voulu qu’ils puissent l’être provisoirement ni sous condition.

Vous avez exigé que la révocation vînt du gouvernement même. Eh bien, il y les mêmes raisons pour admettre ces dispositions à l’égard des gardes champêtres qui ne sont pas autre chose que les commissaires de police des communes rurales. Comme les commissaires de police, ils sont revêtus d’un double caractère ; ils sont les agents de la commune, et sont officiers de police judiciaire, auxiliaires du procureur du Roi. Ce ne sont donc pas de simples agents de la commune, comme le sont le secrétaire et le receveur, dont vous n’avez pas voulu cependant abandonner le droit de révocation pure et simple au conseil communal. Il y aurait donc contradiction avec les dispositions précédentes de la loi à abandonner le droit de révocation pure et simple des gardes champêtres au conseil communal.

Je suis surtout préoccupé de la position des gardes champêtres dans les communes rurales, et je dis que si vous abandonnez le droit de les révoquer et de les suspendre aux administrations des petites communes, ils ne pourront en général verbaliser contre les membres des administrations locales, qui commettraient des délits ou des contraventions. Ainsi en présence d’emprises sur les chemins vicinaux, en présence de l’abus du droit de parcours par le bourgmestre ou par tout autre membre de l’administration communale, le garde champêtre sera obligé de se croiser les bras pour ne pas s exposer a être privé de son pain, a être révoqué sans aucun contrôle ; et s’il est dans cette position précaire, ce seront les habitants les plus pauvres de la commune qui en souffriront. A leur égard il sera inexorable, tandis qu’en présence des délits commis par des membres du conseil communal (et il y en a), il sera impassible, frappé qu’il sera d’épouvante à l’idée qu’un simple procès-verbal contre une contravention, le placerait sous le coup d’une révocation, et d’une révocation en dernier ressort.

Je crois que tout ce que nous pouvons faire, c’est d’adopter l’amendement de M. de Jaegher ; si vous adoptez celui de M. Legrelle tel qu’il est, vous abandonnez, sans le dire en termes propres, le droit de révocation au conseil communal. On commencera par suspendre pendant un mois ; 15 jours après ce terme, on renouvellera la même suspension d’un mois. Vous aurez ainsi une révocation déguisée qui aura absolument les mêmes effets qu’une révocation pure et simple, que, d’après les principes consacrés dans la loi communale, vous ne pouvez, ce me semble, admettre.

Je dis donc que nous devons adopter l’amendement de M. de Jaegher ; car si vous adoptez celui de M. Legrelle, le mot de révocation ne sera pas dans la loi, mais la chose y sera formellement introduite.

M. Van Hoobrouck. - Je ne saurais donner mon approbation à l’amendement de l’honorable M. de Jaegher. Je crois que l’auteur de cet amendement s’est trop exclusivement occupé de la position des gardes champêtres sans tenir aucun compte de la position des administrations communales qui seraient sans moyens directs d’action à l’égard de leurs agents subalternes.

En examinant la question sous le point de vue de l’honorable député d’Audenaerde, il est hors de doute que si vous laissez la nomination pure et simple des gardes champêtres au conseil communal, cette disposition peut prêter à des inconvénients. Mais je crois qu’on s’est trop généralement exagéré ces inconvénients. Quel serait en effet le conseil communal composé d’hommes assez extraordinaires et assez mal organisés pour présenter à la nomination du gouverneur des candidats qui sous tous les rapports réuniraient les capacités requises, dans le but de les destituer et de les révoquer immédiatement ! Si vous avez une telle crainte, comme confiez-vous au conseil communal des intérêts bien plus grands, et l’administration de toutes les affaires de la commune ?

L’honorable membre qui siège près de moi a supposé des cas où les gardes champêtres devraient verbaliser contre les membres de l’administration communale ; il a cité de empiétements sur le droit de parcours Mais remarquez que le garde champêtre n’agissant ordinairement que sous l’impulsion du bourgmestre, la responsabilité tombera presque toujours sur ce fonctionnaire.

Si un membre du conseil communal se trouve lésé par une mesure juste et légale, croyez-vous que tous les membres du conseil épouseront sa querelle et se constitueront les agents d’une vengeance individuelle ? Je suis assuré qu’il en sera tout autrement ; car ces fonctionnaires ont une responsabilité morale vis-à-vis de leurs commettants. Je crois donc que cette responsabilité fait que les gardes champêtres trouveront toutes garanties dans les membres de l’administration communale. En tout cas, quand la circonstance extraordinaire, prévue par la sagacité de l’honorable député, deviendrait jamais une réalité, ce n’est pas par un cas hypothétique et éventuel que vous devez vous déterminer à retrancher de votre loi une disposition, la seule qui puisse rendre le service des gardes champêtres utile à la commune.

Si vous ôtez cette crainte, si vous brisez cet aiguillon entre les mains du conseil communal, les gardes champêtres se considéreront comme affranchis de toute surveillance de la part du conseil communal ; comme cela arrive souvent, ils se voueront à quelque industrie, à quelqu’occupation particulière, et dès lors ils apporteront la plus grande négligence dans leurs fonctions. Comment pourriez-vous attendre d’eux du zèle, alors qu’ils n’auront pas pour témoins les hommes qui seront leurs juges, qui tiennent leur avenir entre leurs mains ?

On vous a dit que les administrations communales auraient le droit de suspendre les gardes champêtres et pourraient provoquer leur révocation.

Ce droit est illusoire, sauf pour des fautes sensibles ou des cas prévus par les lois et les règlements. Jamais l’on ne révoquera pour défaut de zèle. Car il est impossible d’apprécier une qualité tout à fait négative.

Il faut surtout dans une loi organique chercher à exciter le zèle des agent de la police rurale, en les dirigeant par les mobiles de toutes les actions humaines, l’espoir de la récompense et la crainte du châtiment.

Il faut, pour que cette crainte soit efficace, qu’elle soit placée au pouvoir des hommes témoins continuels des actions du fonctionnaire. Il n’y a que le conseil communal qui soit dans cette position.

Je repousse l’amendement de l’honorable député d’Audenaerde. S’il m’est démontré que l’amendement de M. Lejeune puisse donner une garantie, je m’y rallierai.

M. le président. - M. Lejeune présente l’amendement suivant :

(Erratum inséré au Moniteur belge n°64, du 4 mars 1836 :) « Dans les communes placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, les gardes champêtres sont nommés et révoqués par le gouverneur, sur l’avis conforme de la députation provinciale du conseil provincial.

« La nomination a lieu sur une liste double de candidats présentés par le conseil communal.

« Le gouverneur peut suspendre les gardes champêtres pour le terme d’un mois.

« Le conseil communal peut également les suspendre, sauf à en référer, dans la huitaine, au gouverneur, qui, sur l’avis conforme de la députation permanente du conseil provincial, prononce définitivement. »

M. Lejeune. - Je ne reviendrai pas sur la révocation pure et simple du garde champêtre par le conseil communal. Je crois que mon amendement fait droit aux objections les plus fortes qui ont été faites contre les autres amendements.

Je dois seulement une réponse à l’honorable M. Dumortier, qui croit que : « sauf à en référer dans la huitaine, » signifie que le conseil ne pourra suspendre le garde champêtre que pour huit jours.

Cela veut dire seulement que le conseil devra en informer dans la huitaine l’autorité provinciale, et que la suspension continuera jusqu’à ce que celle-ci ait prononcé.

M. Dubus. - Messieurs, aux termes de la loi de 1791, sur la police rurale, les gardes champêtres étaient nommés par les conseils généraux des communes. Ils étaient révoqués dans la même forme dans laquelle ils avaient été nommés.

Remarquez que, d’après la loi de 91, les gardes champêtres avaient les mêmes attributions qu’aujourd’hui. L’on n’a pas changé depuis lors le caractère de ces agents. Mais l’on a reconnu que des agents communaux nommés par les communes pour la conservation des propriétés des habitants et le service de la poste rurale devaient être révoqués par le conseil qui avait seul un intérêt puissant à avoir un bon agent.

Cet état de choses n’a subi sous le gouvernement consulaire qu’une modification qui ne changeait pas cependant le caractère des gardes champêtres, mais qui portait sur la nomination de ceux dont le traitement était supérieur à 180 francs.

Selon un arrête du consul daté de l’an IX les gardes champêtres dont le traitement était supérieur à 180 francs devaient être dans une liste d’anciens militaires et de vétérans. Mais c’était toujours le conseil général qui faisait la proposition, et sur cette proposition le conseil était obligé de délivrer un brevet à l’individu désigné.

On me dit que dans le projet de loi française sur les attributions municipales il est question de donner au conseil la nomination et la révocation du garde champêtre. On suivrait ainsi les principes de la loi de 91.

C’est le roi Guillaume qui a dénaturé en Belgique le caractère de ces agents, et qui en a fait des agents du gouvernement d’agents communaux qu’ils étaient. Ce n’est pas sur des errements du roi Guillaume que nous devons nous traîner.

Les gardes champêtres sont des agents de la commune.

Ils devraient être nommés par la commune et révocables par elle. Mais l’on a trouvé de l’inconvénient à ce que la commune eût sans limite le droit de révocation. L’on a imaginé un mode de nomination par le gouverneur et le conseil communal, de telle sorte que le gouverneur ne puisse nommer que l’homme agréable à la commune. Si vous voulez mettre la révocation en harmonie avec le mode adopté pour la nomination, il faut que le conseil puisse avoir, comme le gouverneur, le droit de révoquer.

L’on donne au gouverneur un droit arbitraire de révocation, et l’on veut enlever au conseil toute participation à la révocation de son agent. C’est une véritable inconséquence.

Je suis étonné que l’on insiste autant qu’on l’a fait sur les inconvénients du droit de révocation.

J’en suis à comprendre la réalité de ces inconvénients prétendus. Je demanderai toujours si le principal intérêt de la commune n’est pas que les gardes champêtres fassent bien leurs devoirs, s’ils ne sont pas les hommes de la commune ?

C’est pour cela que l’on exige, pour la nomination, la procuration par le conseil d’une liste double de candidats.

Pourquoi ne pas donner, par les mêmes motifs, au conseil le droit de révocation ? pourquoi craignez-vous que le conseil n’aille révoquer à plaisir un homme qui fera bien son devoir ? Il n’aura garde de le révoquer. Loin de là, il le conservera.

Mais, dit-on, le garde champêtre pourra, dans l’exercice de ses fonctions, blesser un individu qui aura de l’influence dans le conseil. Il faut éviter que cet individu puisse provoquer la destitution d’un agent qui n’aurait que rempli son devoir. Mais pour atteindre à ce but, il faut que cet individu fasse partager son ressentiment par le conseil.

La crainte que l’on manifeste est donc exagérée puisqu’elle suppose la réunion de conditions qui ne se présenteront presque jamais.

Mais lorsqu’il s’agit de donner au gouverneur ou plutôt au commissaire de district le droit de révoquer et de faire de ce droit un usage arbitraire, lorsque la menace de révocation devient une menace de tous les instants, qui n’est subordonnée à aucune condition, l’on n’y voir aucune espèce d’inconvénient.

Les gardes champêtres exercent leurs fonctions sous les yeux de qui ? Ce n’est ni sous les yeux du gouverneur ni sous les yeux du commissaire de district. C’est sous les yeux de l’administration municipale. C’est précisément cette administration que l’on veut rendre étrangère à la révocation.

On a parlé d’emprises qui pourraient être faites par un personnage influent dans la commune, de délits contre le droit de parcours que pourrait se permettre un pareil individu, et que le garde champêtre tolérerait parce qu’il craindrait sa révocation.

Mais l’on n’a pas fait attention que ce n’est pas le conseil seul qui aurait droit de révocation. On l’accorderait également au gouverneur. Ce sont ces deux points qui s’harmonisent entre eux et qui détruisent mutuellement les mauvais effets de chacun s’il était isolé.

N’oubliez pas que si un habitant influent dans la commune commet un délit de parcours, il fait tort aux autres habitants de la commune, et soyez certains que s’il y avait négligence de la part du garde champêtre, il ne manquerait pas de gens qui le dénonceraient au gouverneur.

Tel est le bon effet du double droit de révocation.

On a parlé dans la séance d’hier des délits de chasse. Mais ces délits sont pour la plupart au préjudice de particuliers. Lorsqu’ils ne sont pas au préjudice de particuliers, ils peuvent faire tort sinon au droit, du moins aux prétentions d’autres particuliers.

Le garde champêtre ne pourrait être négligent en pareille matière qu’il ne fût immédiatement dénoncé au gouverneur.

Si vous n’accordez le droit de révocation qu’au gouverneur, il pourra arriver qu’un garde champêtre reste imposé à une commune malgré elle, quand bien même elle aura perdu sa confiance. Il sera maintenu parce qu’il sera un instrument aveugle pour des services pour lesquels il ne devrait pas servir d’instrument.

Ce système présenterait d’autant plus d’inconvénients que les fonctions de garde champêtre ne sont pas temporaires.

Je crois que vous ne pouvez admettre l’amendement de l’honorable M. de Jaegher. Je conviens que l’amendement présenté par l’honorable M. Legrelle offre moins d’inconvénients. Cependant il est contraire à l’article en discussion. Vous ne pouvez accorder un droit arbitraire de révocation au gouverneur sans accorder par contre un pareil droit au collège.

Il y aurait une inconséquence flagrante à en agir autrement.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne comprends pas pour quel motif on propose de changer le mode de nomination qui est présenté à la chambre par le gouvernement et par la section centrale.

On ne donne aucune espèce de motifs.

Je crois qu’en ce qui concerne le mode de nomination, il n’est pas question d’amender le projet.

Les observations n’ont porté que sur le dernier paragraphe de l’article 56 :

« Le conseil communal peut également révoquer et suspendre les gardes champêtres. »

Il y a lieu de faire droit aux observations qui ont été faites sur ce paragraphes pour les villes. Aussi je proposerai la rédaction suivante :

« Dans les communes qui ne sont pas placées sous les attributions du commissaire d’arrondissement, le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre. »

Le reste de l’article serait comme l’a proposé M. de Jaegher :

« Dans les autres communes, le conseil communal peut également les suspendre ; il en réfère, dans la huitaine, à la députation permanente du conseil provincial, qui maintient la suspension, et prononce même la révocation, s’il y a lieu. »

L’on a prétendu que l’on voulait ôter aux communes rurales une prérogative dont elles jouissent de ce moment. C’est une erreur.

Au contraire, la disposition, telle qu’elle est amendée, donne beaucoup plus de latitude aux conseils communaux qu’ils n’en ont maintenant : d’abord une part assurée dans la nomination, en second lieu la faculté de prononcer une peine grave.

Il ne faut pas se le dissimuler. La peine de la suspension sera une peine très sensible au garde champêtre. Indépendamment de l’effet du châtiment en lui-même, elle le privera de son traitement pendant assez longtemps ; car cette peine sera en réalité de près d’un mois.

Le conseil en référera à la députation provinciale ; celle-ci prendra des informations et recherchera les causes de la suspension, ce qui occasionnera un délai de 15 jours à un mois avant que la suspension soit levée. Par là les conseils obtiendront sur les gardes champêtres toute l’autorité dont ils ont besoin.

Pas un seul garde champêtre n’osera s’aviser de déplaire au conseil communal, quand celui-ci sera investi de la faculté proposée par M. de Jaegher.

- La clôture est demandée.

(Moniteur belge n°63, du 3 mars 1836) M. Dubus. - Il me semble, messieurs, qu’il n’est pas convenable de clore lorsque M. le ministre de l’intérieur vient de présenter un nouvel amendement. L’on ne peut en refuser la discussion.

Cet amendement peut être la combinaison d’autres amendements ; mais l’on sait que les amendements ne sont que des combinaisons différentes d’une même proposition.

Je demande donc que la clôture ne soit pas prononcée.

M. Dumortier, rapporteur. - Je n’ai entendu personne demander la clôture.

M. le président. - Le bureau n’aurait pas mis la clôture en discussion, si elle n’avait été demandée par dix membres.

M. Dumortier, rapporteur. - Puisqu’il en est ainsi, je dois m’opposer à la clôture. Je désire être entendu sur l’amendement de M. le ministre. Il est impossible de le mettre aux voix avant que la discussion n’ait été ouverte.

M. le président. - La parole est à M. Gendebien sur la clôture.

M. Gendebien. - Je n’ai pas la moindre intention de prolonger la discussion. Mais il me semble que ceux qui veulent économiser le temps de la chambre auraient dû s’en tenir à l’art. 56. Cet article est une espèce de transaction à laquelle a abouti une discussion très longue qui eu lieu au premier vole sur la nomination et la révocation des gardes champêtres.

M. le président. - C’est le fond que vous discutez.

M. Gendebien. - Permettez-moi de développer les motifs pour lesquels je m’oppose à la clôture.

M. le président. - Je ne puis permettre à M. Gendebien la question du fond. La parole lui est continuée sur la clôture.

M. Gendebien. - J’étais dans la question. Maintenant il ne me convient plus de parler.

M. Desmet. - Si vous ôtez tout pouvoir aux conseils communaux sur les gardes-champêtres, les autorités communales n’en pourront rien faire. Cependant les conseils communaux seront toujours meilleurs juges de l’opportunité de la révocation ou de la suspension des gardes champêtres, car ils sont à même d’apprécier leur conduite de tous les jours. Aussi je préfère l’ancien projet du ministre de l’intérieur, je le trouve plus dans l’intérêt des communes.

Je ferai observer que ce sont surtout les communes rurales qui sont intéressées à ce que les gardes champêtres ne soient pas indépendants des conseils communaux, parce que ce n’est que dans ces communes que leurs fonctions ont de l’importance. Dans les villes, ils n’ont rien à faire.

La chambre fera donc bien de maintenir l’article qu’elle a adopté lors de la première discussion.

M. Dumortier. - Il est impossible d’admettre les amendements proposés à l’article 56. L’an dernier, des observations ont été présentées à la chambre par diverses régences sur cette question. Voici ce que disait la régence de Mons :

Il peut paraître singulier que tout propriétaire ait le droit d’avoir un garde champêtre pour ses propriétés, avec l’agrément du Roi et que l’autorité communale, qui est chargée de la police rurale, n’ait pas sous ses ordres l’agent qui doit veiller à l’exécution de ses règlements.

Vous avez donné à la commune le droit de nommer son secrétaire et son receveur ; et vous iriez écarter son intervention en ce qui concerne la révocation des gardes champêtres ! Cela serait une véritable anomalie. L’an dernier, cette disposition a été adoptée après un long examen. Je désirerais que le gouvernement ne revînt pas à chaque instant sur les dispositions quelque peu libérales qu’il a présentées dans son projet. Il devrait agir avec plus de franchise et nous proposer un projet dépouillé de toute espèce de liberté, nous verrions alors ce que nous devrions faire, et ne pas venir nous présenter des dispositions libérales avec l’arrière-pensée de les faire échouer, comme il a fait pour la nomination des échevins et comme il fait maintenant pour ce qui concerne les gardes-champêtres. Car c’est là un véritable leurre. Je regrette de devoir le redire, mais c’est la vérité.

Dans les communes rurales, les fonctions de garde champêtre consistent dans la surveillance des propriétés des habitants. Il n’en est pas des gardes champêtres comme des gardes des bois, qui sont chargés de la conservation des propriétés communales. Quelle meilleure garantie pourrez-vous avoir que les gardes champêtres remplissent leurs devoirs, que de les mettre dans la dépendance de ceux dont ils doivent surveiller les propriétés ? Les conseillers municipaux verront mieux que personne si le garde champêtre veille à la conservation des propriétés de tous les habitants. Je ne vois aucun motif pour refuser au conseil communal le droit de révoquer ces agents, puisqu’il est particulièrement intéressé à voir si le garde champêtre veille ou non à la conservation de la propriété de chacun.

L’argument dont on se prévaut pour refuser au conseil le droit de révoquer les gardes champêtres tourne précisément contre ceux qui s’en occupent. C’est précisément dans les communes rurales qu’il est nécessaire que les conseils communaux aient la haute main sur les gardes champêtres. Car que font les gardes champêtres dans ces communes ? Ils surveillent les récoltes. Or, c’est une véritable absurdité que la commune ne puisse pas révoquer celui qui est chargé de surveiller ses récoltes. La proposition de M. de Jaegher a pour but d’empêcher la commune de révoquer un garde champêtre, quand il sera l’homme dévoué du commissaire de district. Alors la commune qui aura le malheur d’avoir un mauvais garde champêtre sera obligée de le conserver. Je m’empare ici de vos propres arguments : vous avez cité un secrétaire communal qui était odieux à toute la population de la commune, qui faisait trembler le conseil, et qu’on n’a pas pu faire révoquer quoique le gouvernement en eût le droit ; il a pesé vingt ans sur la commune, parce qu’il était dévoué au gouvernement. Eh bien, avec le système que vous proposez, vous arriverez au même résultat avec les gardes champêtres. Laissez à la commune le droit de révoquer son garde champêtre, quand elle le trouve convenable, nous consentons à ce que le gouvernement de son côté ait le même droit, pour le cas ou l’action de la commune serait insuffisante. Les amendements présentés compromettraient la police communale. La conservation des propriétés serait sans garantie.

Le garde champêtre n’est pas un agent du gouvernement, mais de l’administration communale. Il faut que l’administration communale puisse le révoquer quand il ne remplit pas ses fonctions.

M. Legrelle. - Je propose de modifier mon amendement de la manière suivante. Je maintiendrai l’article du projet et j’ajouterai la disposition suivante :

« Dans les communes qui sont placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, le conseil peut les suspendre pour un terme qui n’excèdera pas un mois ; il peut aussi les révoquer sous l’approbation de la députation du conseil provincial. »

M. A. Rodenbach. - Je ne sais pas pourquoi on attache une si grande importance à cette centralisation des gardes champêtres. La première fois que nous nous sommes occupés de la loi communale, nous avons discuté longtemps la question dont il s’agit, et ce n’est que par concession que la chambre a voté l’article dont nous demandons aujourd’hui le maintien.

Vous savez, messieurs, que les gardes champêtres, leur nom l’indique assez, n’ont été institués que pour surveiller les récoltes, pour empêcher qu’on ne commette des dégâts. Le garde champêtre est donc l’homme de la commune plutôt que celui du commissaire de district et du gouverneur qui n’ont rien à faire avec lui ; dès lors, c’est à la commune qu’il appartient de juger si cet agent remplit ou non ses fonctions.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je dirai comme l’honorable préopinant, mais dans un sens inverse, que je ne comprends pas l’importance qu’on attache à la révocation des gardes champêtres et à la prétendue influence que ces agents exerceraient. Personne n’imaginera qu’un agent d’un rang aussi infime que le garde champêtre puisse exercer de l’influence sur les notables de la commune. Il s’agit tout simplement de placer ces agents dans la position de mieux remplir leurs devoirs. Quant à la question d’influence, elle est tout à fait étrangère à l’objet que nous discutons. La commune aura une influence très réelle, puisqu’elle pourra prononcer une suspension qui pourra se prolonger de trois semaines à un mois.

M. Gendebien. - Il semble en vérité qu’on ne veut pas comprendre la chambre. L’honorable M. A. Rodenbach vous a dit la vérité : c’est par concession, vous a-t-il dit, que la chambre a adopte l’article dont nous demandons le maintien, et il ne comprend pas l’importance que le gouvernement attachait à avoir les gardes-champêtres dans sa seule dépendance. M. le ministre lui a répondu qu’il pouvait retourner la proposition et dire à son tour qu’il ne comprenait pas l’importance qu’on mettait à ne pas donner au gouvernement ce qu’il demandait. Eh bien, voici cette importance.

On ne veut pas déconsidérer le conseil communal aux yeux des habitants, en le mettant en parallèle avec l’agent du gouvernement du rang le plus infime, lequel pourra avoir raison et l’emporter sur la représentation communale, contre les élus de la commune. On ne veut pas que la représentation communale reçoive un soufflet du commissaire de district par la main du garde champêtre ; on veut éviter au conseil la position fâcheuse de voir rétablir par le gouvernement ou plutôt par un commissaire de district un garde champêtre qu’il aurait suspendu. Nous voulons éviter un pareil conflit.

Voila qui est sensible. On veut déconsidérer aux yeux des habitants des communes le produit de l’élection et faire prévaloir l’agent le plus infime du pouvoir exécutif.

Comme je le disais tout à l’heure, l’année dernière on a contesté au gouvernement toute intervention quelconque dans la nomination et la révocation des gardes champêtres, et c’est par transaction qu’on est arrivé à l’article 56. J’étais du nombre de ceux qui croyaient qu’on devait avoir assez de confiance dans les administrations communales pour leur laisser le libre choix de leurs gardes champêtres.

Je n’ai pas voulu reproduire cette question pour ne pas faire perdre du temps à la chambre, et voilà que de malencontreux amendements qu’on discute depuis trois heures sont présentés par le gouvernement qui ne se contente pas de la concession qu’on lui a faite l’année dernière à sa demande. Si je voulais revenir sur les discussions antérieures, il n’y aurait pas d’article qui ne m’en fournit le moyen. Je m’en suis abstenu par respect pour les décisions de la chambre. Mais il s’agit ici d’ôter un reste de puissance à l’administration communale, il n’est pas étonnant que le gouvernement se donne tant de peine pour y parvenir.

Songeons, messieurs, que l’art. 56 est une concession que nous avons faite, allons aux voix et maintenons par esprit de modération.

M. de Jaegher. - Messieurs, je me suis abstenu jusqu’à présent de prendre part à la discussion, quoique j’aie été attaqué plusieurs fois d’une manière peu obligeante par M. Dumortier. Si j’ai présenté ma proposition, c’est parce que, dans ma position hors de cette chambre, j’ai été à même d’en reconnaître l’utilité. Ce n’est nullement dans un intérêt personnel comme commissaire de district que j’ai fait cette proposition, car toutes mes relations avec les gardes champêtres se bornent à leur remettre des paquets pour les autorités communales.

Il n’appartient pas à M. Dumortier de venir tirer de ma proposition des inductions contre les commissaires de district.

Dans cette discussion, on argumente toujours comme s’il s’agissait d’une suspension à confirmer ou infirmer par le gouverneur, tandis que ce sera la députation du conseil provincial, qui est aussi une émanation de l’élection, qui prononcera. Pourquoi supposer que la députation du conseil provincial sera plutôt opposée au conseil communal qu’au commissaire de district ? Pour moi, comme commissaire de district, je m’en rapporte à la sagesse de la députation ; le conseil communal peut avoir en elle la même confiance.

On dit qu’il s’agit de retirer à la commune un reste de liberté.

Un membre. - Sans doute ; maintenant il n’y a rien !

M. de Jaegher. - S’il n’y a rien et que le service se fait sans inconvénients, pourquoi supposer qu’il y en aura davantage quand la commune aura plus de latitude pour déplacer son garde champêtre.

Je n’ai pas insisté pour étendre mon amendement au-delà des communes placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, mais je connais la difficulté qu’on a à trouver de bons gardes champêtres, et je sais par expérience que les membres des administrations communales sont trop souvent intéressés à faire taire des témoins et à soustraire des délits à la justice ; je veux que l’autorité supérieure trouve dans le garde champêtre un agent quelque peu indépendant de l’autorité immédiate.

M. le président. - A quel amendement vent-on donner la priorité.

M. de Jaegher. - Je me rallie à l’amendement de M. le ministre de l’intérieur.

M. Lejeune. - Je n’ai proposé mon amendement que pour le cas où celui de M. le ministre de l’intérieur ne serait pas adopté.

M. le président. - Je vais alors mettre aux voix l’amendement de M. le ministre de l’intérieur. Il est ainsi conçu :

Après les deux premiers paragraphes de l’article, il ajoute :

« Dans les communes qui ne sont pas placées dans les attributions des commissaires d’arrondissement, le conseil communal peut également les révoquer et les suspendre.

« Dans les autres communes le conseil communal peut également les suspendre ; il en réfère dans la huitaine à la députation permanente du conseil provincial, qui maintient la suspension et prononce même la révocation, s’il y a lieu. »

- Cet amendement est mis aux voix.

Après deux épreuves douteuses on procède à l’appel nominal.

Nombre de votants, 66.

Oui, 28.

Non, 38.

En conséquence l’amendement n’est pas adopté. La chambre donne ensuite la priorité à l’amendement de M. Legrelle.

L’amendement de M. Legrelle est mais aux voix et adopté.

L’art. 56 est adopté dans son ensemble avec l’amendement de M. Legrelle.

Article 57

« Art. 57. La députation provinciale nomme les gardes des bois communaux, sur une liste double de candidats présentés par le conseil communal ; elle en détermine le nombre pour chaque commune, les révoque ou les suspend de leurs fonctions.

« Le conseil communal peut également les révoquer ou les suspendre. »

M. d’Hoffschmidt. - Tous les inconvénients que l’on a signalés pour la révocation des gardes champêtres par les conseils communaux, s’appliquent à plus forte raison aux gardes des bois communaux. Je ne vous répéterai pas tous ces inconvénients ; ils vous sont présentés ; car ils viennent d’être développés très longuement.

J’ajouterai seulement quelques considérations relatives aux bois communaux. Il y a une grande différence entre les bois communaux et les autres propriétés. Les bois communaux sont des propriétés indivises qui ne se transmettent pas de père en fils ; les habitants de la commune n’ont pas le même intérêt à les conserver qu’à conserver les propriétés particulières.

Vous savez que dans beaucoup de localités, les bois sont la principale ressource des communes qui en jouissent. Si vous laissez la révocation des gardes des bois communaux au conseil, vous verrez, dans beaucoup de communes, des dévastations qui détruiront une ressource importante pour elles et même pour le pays.

Si vous laissez la révocation des gardes au conseil, il s’ensuivra que ces gardes se croiront dans la dépendance de chacun des membres du conseil et de leurs parents, et il en résultera des dévastations irréparables. Je crois donc qu’il est très dangereux de donner au conseil communal le droit de révoquer les gardes des bois communaux.

Vous remarquerez à cet article que ce n’est pas le gouverneur qui nomme, comme cela est pour les gardes champêtres. Ici c’est la députation qui nomme et qui révoque.

Quant aux gardes champêtres, on a fait des objections contre le droit de nomination par le gouverneur, et elles pouvaient se concevoir jusqu’à un certain point, quoique je les considère comme de vraies théories ; mais ce qui se fait suffit pour démontrer à ceux qui habitent la campagne que le droit du conseil communal de révoquer les gardes champêtres et les gardes des bois communaux pourrait entraîner à de graves inconvénients ; au reste, pour les bois communaux le gouverneur ne peut, d’après l’article en discussion, intervenir ni dans la nomination ni dans la révocation des gardes des bois communaux ; c’est à la députation, corps indépendant, qu’il réserve ce droit, ce qui est bien différent.

On prétendra peut-être encore que ce sont des agents simplement communaux, que c’est à la commune à les révoquer. Mais je répondrai à cela que les bois communaux n’ont pas exclusivement un intérêt communal.

Les bois communaux ont un intérêt qui se rattache au bien-être général. Je vais en donner un exemple frappant :

Dans bien des communes, les habitants ont un droit d’usage dans les forêts de l’Etat. Il consiste en ce que les particuliers ont droit à un certain nombre de cordes de bois, de bois de charronnage, de bois de bâtisse, lorsque les bois communaux n’en fournissent pas suffisamment.

Or, si vous laissez dévaster les bois communaux, les communes auront le droit de demander dans les bois de l’Etat le nombre de cordes qui leur manquent.

De sorte qu’ici ce n’est pas un intérêt exclusivement communal ; vous pouvez donc faire une exception à ce que vous venez de voter pour les gardes champêtres, quant aux gardes des bois communaux, sans sortir du principe que vous avez admis.

Si vous abandonniez la révocation des gardes des bois communaux au conseil, il en résulterait une source d’abus. L’on s’en repentirait plus tard, quand nos belles forêts, qui ont été conservées par une administration extrêmement soigneuse, seraient dévastées et que des ressources aussi essentielles pour les communes et pour l’Etat seraient assez anéanties.

J’attendrai les objections que l’on fera à ma proposition.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Dans une séance précédente vous avez décide par l’article 9 que la question des bois communaux resterait pour le moment indivise, intacte, et que l’on se réservait d’y revenir par une disposition spéciale sur la matière.

Par une conséquence nécessaire il faut supprimer l’article en discussion, parce que si d’une part l’on a laissé la question organique pour les bois communaux en suspens, il faut laisser également en suspens l’une des conséquences du principe, comme le principe lui-même.

Je pense donc qu’il y a lieu de supprimer l’article 57, comme conséquence du vote émis par la chambre à l’article 9. Du reste on peut s’en rapporter à ce qui se passe maintenant en cette matière. Il ne s’élève plus de plaintes aujourd’hui sur la législation en vigueur. Si les conseils communaux ne révoquent pas les gardes forestiers, ils ont cependant le droit de présentation et ce sont les candidats de la commune qui sont seuls admis par l’administration forestière.

Il n’y a donc aucun motif pour ne pas adopter l’ajournement de la question que je demande par la suppression de l’article 57.

M. Andries présente un amendement. - Messieurs, dit-il, il y a des gardes qui sont nommés par l’administration forestière pour veiller à la conservation des bois appartenant à 3 à 4 établissements publics. Il est difficile que ces établissements puissent faire une présentation. Comment voulez-vous qu’ils tombent d’accord sur le même individu ?

Je désire donc que l’on affranchisse ces établissements des conditions de la nomination des gardes des bois communaux. C’est le seul moyen d’assurer le bien du service : Alors on ne sera pas forcé, comme on l’est dans certaines localités, de placez un garde pour surveiller les gardes du gouvernement.

Dans les deux Flandres il y a 30 à 40 gardes forestiers qui n’ont qu’un supérieur. C’est le sous-inspecteur qui réside à Ypres. Comment voulez-vous que ce fonctionnaire surveille la conduite de subordonnés qui habitent à 20 lieues de sa résidence ?

L’amendement que je présente ne peut offrir aucune crainte sur le sort des propriétés des établissements publics. Les administrations placées à leur tête ont le plus grand intérêt à ce que ces institutions de bienfaisance prospèrent. Elles se chargeront donc de faire surveiller leurs bois mieux que ne pourrait le faire une administration supérieure avec laquelle ils n’ont qu’un contact forcé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il semblerait à entendre l’honorable M. Andries que les administrations de bienfaisance seraient obligées de faire surveiller les gardes du gouvernement par des gardes nommés à cet effet.

Si un semblable état de choses existait, les gardes négligents seraient révoqués à l’instant même. Le fait cité par l’honorable M. Andries ne peut exister, parce que les établissements dont il a parlé ne souffriraient pas un état de choses semblable ; ils se plaindraient, et leurs plaintes seraient écoutées.

Si l’on reconnaît qu’il est prudent de laisser les choses intactes en ce qui concerne les bois communaux, il faut en agir de même à l’égard des bois des établissements de bienfaisance.

L’honorable M. Andries a reconnu lui-même que dans bien des circonstances l’on ne pouvait laisser sans contrôle la gestion des administrateurs des établissements publics ; il ne doit pas avoir oublié ce qu’il a dit au sujet d’un amendement présenté par l’honorable M. Dubus : il craignait qu’il n’y eût du gaspillage, des collusions contre les intérêts de ces établissements en faveur des administrateurs, en l’absence de tout contrôle ; or, ces collusions sont bien plus à craindre quand il s’agit d’administrer les bois communaux, et cette administration serait sans contrôle du moment que les gardes forestiers seraient sous la dépendance de ces établissements.

L’abus dont l’honorable M. Andries a parlé, j’aime à le croire, est imaginaire. Je le prie de me citer le fait, j’y mettrai bon ordre. Mais je crois qu’il ne pourrait me citer un seul fait de ce genre. Les établissements qui seraient dans la nécessité de faire surveiller les gardes du gouvernement auraient adressé depuis longtemps leur réclamation à l’autorité supérieure, et les abus auraient été aussitôt réprimés.

Je persiste à demander la suppression de l’art. 57.

M. Andries. - Les abus que j’ai signalés ont existé ; mais je crois qu’ils n’existent plus depuis quelque temps.

Pour montrer la nécessité de réformer la législation existante sur les forêts, je ne citerai qu’un fait.

Lorsqu’en vertu d’un arrêté du mois de mai 1819, la Flandre orientale fut chargée de payer à l’Etat 969 florins pour l’entretien des gardes forestiers, il y avait dans cette province des bois domaniaux qui ont été vendus en 1828 et en 1829. Les acquéreurs ayant payé le prix de leur acquisition, ou ayant fourni une caution suffisante, sont entrés en possession immédiatement.

Le même arrêté laissait aux établissements publics le soin d’administrer leurs bois ayant moins de 5 hectares pourvu qu’ils ne fussent pas contigus aux bois de l’Etat. Beaucoup de bois appartenant aux établissements publics et présentant une contenance de moins de 5 hectares, qui se trouvaient dans ce cas, ne sont plus contigus à des bois de l’Etat, par suite de la vente des bois domaniaux. Cependant les établissements continuent à payer ces gardes. Il me semble qu’une partie des 969 florins payés par la Flandre orientale le sont indûment, et que les établissements pourraient réclamer le montant des sommes, minimes à la vérité, dont le paiement ne peut plus être légalement exigé par l’Etat.

Ceci vous démontre la nécessité de réviser la législation forestière.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Effectivement, comme l’a dit l’honorable M. Andries, c’est un arrêté de 1819 qui a amélioré l’administration des bois des communes et des établissements de bienfaisance : Les boqueteaux, c’est-à-dire, les bois de moins de 5 hectares, qui n’étaient pas contigus à des bois sous la surveillance de l’administration forestière, ont été abandonnés entièrement aux administrations de bienfaisance. Toutefois, s’il existe des bois de la nature de ceux dont a parlé l’honorable membre, qui ne leur aient pas été laissés aux termes de l’arrêté de 1819, c’est que ces administrations ont trouvé de l’avantage à maintenir l’état de choses actuel, car si elles veulent avoir l’administration de ces boqueteaux, elles n’ont qu’à la réclamer, l’arrêté de 1819 leur donne le droit de l’avoir ; mais nul doute qu’elles ne préfèrent, au lieu de gardes spéciaux, auxquels elles donneraient 4 ou 5 fl., laisser, pour la surveillance de ces boqueteaux aux employés de l’administration forestière, qui, ayant en même temps d’autres bois dans leur triage, pensent obtenir de la réunion de divers propriétaires un traitement de 100 ou 200 fl., et se créer ainsi un moyen d’existence, dans l’occupation exclusive de la garde des bois.

S’il n’en était pas ainsi, les administrations communales et les bureaux de bienfaisance auraient des gardes spéciaux auxquels ils donneront quelques francs de traitement ; or, quelle surveillance voulez-vous que l’on ait avec de semblables salaires ?

Rien mieux que l’exemple qui vient d’être cité par M. Andries ne prouve l’utilité de maintenir l’état de choses actuellement existant ; par les gardes de l’administration forestière, les administrations de bienfaisance obtiennent moyennent une rétribution très économique, une surveillance efficace.

Quoi qu’il en soit, s’il est encore des administrations de bienfaisance qui veuillent administrer par elles-mêmes leurs boqueteaux isolés, de moins de 5 bonniers, elles n’ont qu’à le réclamer ; on ne peut le leur refuser, parce que tels sont les règlements.

M. Dubus. - Je prierai la chambre de remarquer que l’article en discussion est un article présenté par le gouvernement non pas une fois, mais deux fois ; car cet article, au moins le deuxième paragraphe dont le ministre demande le retranchement, se trouve dans le premier projet. Le gouvernement a pris l’initiative de proposer un autre mode de nomination des gardes des bois communaux que celui actuellement existant ; car voici quel était l’article :

« La députation permanente du conseil provincial nomme les gardes des bois communaux sur une liste de candidats présentée par le conseil communal ; elle en détermine le nombre pour chaque commune, les révoque ou les suspend de leurs fonctions. »

Ainsi, c’est le gouvernement qui, dès 1833, a pris l’initiative pour proposer un changement dans le mode de nomination des gardes des bois communaux et la section centrale, d’accord avec les sections, a maintenu l’article, ou si elle l’a modifié, ce n’a été que pour le compléter ; elle a décidé que la liste de candidats serait double (car l’article du gouvernement ne disait pas dans quelle proportion avec les nominations à faire aurait lieu la présentation de candidats) ; et elle a proposé d’accorder au conseil communal le droit de révocation et de suspension.

Cette disposition de la section centrale a été adoptée par la chambre. Le gouvernement l’a reproduite dans son deuxième projet, telle qu’elle avait été adoptée au premier vote ; toutes les sections et la section centrale en ont proposé le maintien. C’est après qu’il a subi toutes ces épreuves que le gouvernement a présent en demande la suppression.

Voici une chose réellement rare dans les annales des différentes législatures, mais qui n’est pas rare dans les annales de la nôtre. C’est le gouvernement lui-même qui vient attaquer son propre projet, ou appuyer une attaque dirigée contre son propre projet par un membre isolé de la chambre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est la conséquence d’un vote.

M. Dubus. - On dit : « C’est la conséquence d’un vote. » C’est ce que vous allez apprécier. Cet article avait reçu l’approbation de tous. Mais plusieurs membres de l’assemblée trouvent qu’il ne va pas assez loin ; et en effet, dans l’état actuel, je ne dirai pas de la législation, mais des règlements imposés au pays, les communes sont privées à la fois de toute participation à l’administration, à la garde et à la surveillance de leurs propriétés boisées. Cependant, il est évident, d’après la constitution, qu’elles ne doivent pas y demeurer étrangères. Et réellement, je ne sais à quoi sert la constitution, sinon à de continuelles violations par des votes législatifs.

D’honorables membres ne trouvent pas que ce soit assez de donner à la commune une participation dans la surveillance de ses bois ; ils trouvent qu’elle devrait concourir à la nomination des gardes des bois communaux, et qu’elle devrait y concourir d’une autre manière.

D’honorables députés des provinces de Namur et du Luxembourg, dans lesquelles il y a beaucoup de bois, invoquant la constitution, ont demandé un article qui attribuât au conseil communal le droit de délibérer sur l’administration des biens communaux. Par suite le gouvernement a proposé, la section centrale a admis et la chambre a adopté l’article qui a été de nouveau reproduit par le gouvernement et la section centrale, et qui nous occupe maintenant.

M. le ministre des finances demande maintenant que l’on retranche cette disposition comme inutile ; il dit : L’on y reviendra quand on fera une loi. Mais l’on ne fait pas une loi pour dire : « On fera une loi. » On sait qu’on a toujours le droit de faire une loi. C’est comme si dans une loi, qui aurait pour but d’organiser le principe constitutionnel, on disait : « Il sera fait une loi pour organiser le principe constitutionnel. » Voici à quoi reviendrait l’adoption de la proposition du ministre des finances.

Maintenant le ministre veut prétendre que le retranchement du dernier paragraphe de la proposition primitive du gouvernement est la conséquence d’un autre vote de la chambre ; de telle sorte que les communes, non seulement seraient étrangères à l’administration de leurs bois, mais même seraient exclues de toute surveillance sur la conservation de leurs bois. C’est là ce que le gouvernement demande, opposé en cela à ce que deux fois il a proposé. Il faudrait au moins, ce me semble, que les ministres eussent quelque apparence avec eux-mêmes.

On a dit : Mais les bois communaux sont la principale ressource des communes qui en jouissent dans beaucoup de localités. J’en conclus que vous n’en trouverez pas de plus intéressés à la conservation des bois communaux que l’administration communale.

Mais, dit-on, les gardes des bois communaux doivent être indépendants de l’administration communale parce que ce sera souvent des membres de cette administration qui seront les délinquants. Mais, messieurs, a une époque où il y avait des bois assez considérables dans l’arrondissement de Tournay, régis par l’administration forestière, j’ai vu poursuivre devant le tribunal de Tournay un très grand nombre de délits forestiers ; mais ces délits étaient commis par des prolétaires, par des hommes qui n’avaient rien à eux.

Et l’on viendrait supposer que les membres du conseil communal se concerteraient pour voler les bois de la commune et destitueraient les gardes qui verbaliseraient contre ces vols. Car voilà ce qu’il faut supposer. En effet il y a 7 membres du conseil communal ; j’admets que parmi eux il y ait un voleur de bois ; il ne faut pas en conclure que la majorité du conseil s’empresserait de révoquer le garde qui aurait poursuivi ce voleur.

D’ailleurs la députation provinciale a également le droit de révocation ; et si le conseil communal laissait piller les bois de la commune, sans doute quelque habitant déférerait cette négligence à la députation provinciale, à moins que vous ne supposiez que tous les habitants de la commune sont des voleurs. (On rit.) Si vous supposez cela, je n’ai plus rien à dire.

Il me reste à parler de l’amendement de M. Andries. Quant à celui-là, je ne conçois pas ce qu’on pourrait y répondre. Car sans doute on ne prétendra pas que les membres des administrations des hospices et des bureaux de bienfaisance pilleront les bois des pauvres.

J’adopterai donc l’amendement de M. Andries.

M. d'Hoffschmidt. - L’honorable préopinant vient de s’appuyer principalement sur ce que le gouvernement a déjà présenté par deux fois la disposition qui nous occupe. Mais ce n’est pas là un motif d’adoption pour nous ; il s’agit de savoir si la disposition est bonne ou si elle ne l’est pas. Le gouvernement l’a présentée, ce n’est pas une raison pour ne pas la combattre. Je suis étonné que le préopinant prétende que parce que le gouvernement a présenté une disposition elle doit être maintenue, lui qui combat souvent les propositions du gouvernement… et il a souvent raison.

Il s’est appuyé encore sur la constitution ; il a dit que les bois communaux qui sont la propriété de la commune devaient être administrés par la commune. Sans doute si la constitution l’ordonnait ainsi, nous n’aurions pas à examiner si cela est bon on mauvais : nous devrions nous y conformer ; car il ne dépend pas de nous de la violer.

Mais voici l’art. 31 sur lequel sans doute se fonde l’honorable préopinant :

« Art. 31. Les intérêts exclusivement communaux ou provinciaux sont réglés par les conseils communaux ou provinciaux, d’après les principes établis par la constitution. »

Nous avons donc à examiner si les bois communaux ont un intérêt exclusivement communal.

J’ai déjà cité un fait qui prouve que ces intérêts ne sont pas exclusivement communaux ; car, comme je le disais, il y a un grand nombre de communes, ayant des bois, qui ont droit d’usage sur les forêts domaniales et qui si on laisse détruire leurs bois, ont, aux termes de l’ordonnance de 1757, le droit de réclamer des domaines de l’Etat les bois qui leur manquent. Voici déjà un argument qui répond à l’article 31 de la constitution.

J’entends l’honorable député dire qu’il s’est appuyé sur le deuxième paragraphe de l’art. 108 de la constitution ; voici ce paragraphe :

« Les lois provinciale et communale doivent consacrer les principes suivants :

« 2° L’attribution aux conseils provinciaux et communaux de tout ce qui est d’intérêt provincial et communal, sans préjudice de l’approbation de leurs actes dans les cas et suivant le mode que la loi détermine. »

Or, messieurs, dans bien des cas, vous avez déterminé que l’administration provinciale interviendrait. A l’article 2, sont énumérés une multitude de cas dans lesquels l’administration provinciale intervient. Je ne vois pas que l’article que je viens de citer soit absolu. Il est évident qu’il n’y a pas d’inconstitutionnalité à ce que l’administration provinciale intervienne en ce qui concerne les bois communaux.

L’honorable député de Tournay a dit : Si vous admettez que le conseil communal ne peut pas administrer les propriétés boisées, vous n’admettrez pas qu’il puisse administrer les autres propriétés. Je ferai observer qu’il y a une énorme différence entre les bois communaux et les autres propriétés de la commune, telles que les prairies et les champs.

Une terre est à louer, le conseil peut la louer sans inconvénient ; il n’y a pas possibilité qu’elle soit détériorée complètement, tandis que pour les bois toute la valeur est dans la superficie ; si on détruit cette superficie, la propriété est perdue, et j’ajouterai même que le conseil, avec la meilleure volonté, ne peut pas bien administrer ces sortes de propriétés, parce qu’il faut pour cela des connaissances spéciales.

L’honorable député de Tournay vous a dit que tous ceux qui étaient traduits devant le tribunal de police correctionnelle de la ville qu’il habite étaient des prolétaires. Il avait dit avant que les forêts de certains établissements n’avaient jamais été si mal administrées que par l’administration forestière. Je dirai que cela était vrai quand nous étions régis par les lois françaises, parce qu’alors la législation forestière était mauvaise, les agents étaient mal choisis ; mais, depuis, les arrêtés de 1815 et de 1819 sont venus modifier cette législation ; les vices d’administration ont disparu, et si les bois des environs de Tournay avaient continué à être sous la direction de l’administration forestière, les abus dont il a parle ne se seraient plus reproduits.

A moins de supposer, a dit le même préopinant, que tous les habitants sont des voleurs de bois, on signalera le garde qui fait mal son devoir. Le mot voleur me paraît assez mal appliqué. Ce sont les habitants mêmes qui ont des droits qui commettent les délits. Cela est facile à concevoir, des bois étant indivis et destinés à le rester toujours peut-être.

La génération actuelle veut en profiter, se souciant peu de laisser de beaux bois communaux aux générations futures. Faites-y attention, messieurs, ici je puis invoquer mon expérience, car j’appartiens à la province où il y a le plus de bois communaux. Si vous admettez les principes du député de Tournay, vous ferez la chose du monde la plus préjudiciable à beaucoup de communes. Je vous citerai un exemple : dans la province de Luxembourg il y a un village qui ne se composait que de douze maisons il y a soixante-dix ans ; depuis cette époque un grand nombre de particuliers sont venus l’habiter, et ce village compte 125 maisons. Toute la ressource de ces habitants consiste dans les bois communaux, qui sont beaux parce qu’ils ont été bien conservés par l’administration forestière. Eh bien, ces seules ressources eussent été bientôt anéanties si cette administration n’y avait pas placé un garde de plus, ayant reconnu que les habitants étaient des délinquants incorrigibles.

Si vous laissez aux conseils communaux la révocation des gardes forestiers, ces gardes devront ménager, pour se maintenir, non seulement les membres du conseil, mais encore tous leurs parents ; car si le garde verbalisait contre eux, on le révoquerait. Si vous étiez témoins des demandes de coupes forcées, de défrichement, d’essartage que font constamment les administrations communales, vous jugeriez combien elles sont peu soucieuses en général de la conservation de leurs bois communaux.

L’honorable M. Andries a cité des établissements de bienfaisance, mais je vous ferai observer qu’il faut faire une grande distinction entre les bois des communes et ceux de ces établissements. Une administration de bienfaisance peut être considérée comme un propriétaire. Les membres qui dirigent ces établissements ne sont pas portés à détruire les bois. Ainsi ses observations peuvent être justes en ce qui concerne les établissements de bienfaisance, mais non en ce qui concerne les communes.

Le ministre des finances réclame la suppression de l’article comme conséquence d’un vote précédemment émis. En effet, vous avez dit à l’article 9 : « Jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu, les décrets, ordonnances et règlements, continueront à être exécutés. »

Je ne suis pas d’accord sur ce point avec le ministre, je pense que nous ne serons pas inconséquents en admettant la première disposition de l’article en discussion qui est ainsi conçue :

« La députation provinciale nomme les gardes des bois communaux, sur une liste double de candidats présentés par le conseil communal ; elle en détermine le nombre pour chaque commune, les révoque ou les suspend de leurs fonctions. »

Je ne vois pas qu’en adoptant cette disposition, nous contreviendrions aux décrets, règlements forestiers, etc. ; la nomination et la révocation par la députation provinciale n’entraverait nullement la marche de l’administration. Toute la différence qu’il y aurait serait que ce ne serait plus l’administration forestière, mais la députation provinciale qui nommerait. On laisserait en vigueur les décrets et règlements, jusqu’à ce qu’il y soit autrement pourvu.

Je disais tout à l’heure qu’il fallait faire une distinction entre les gardes champêtres et les gardes des bois communaux. Je ferai encore observer, afin que l’on y fasse bien attention, que ce n’est pas le gouverneur qui nomme et révoque, mais la députation. Ce corps, qui est le produit de l’élection, offre toutes les garanties à ceux qui veulent la liberté des communes. La députation, par son organe, est autant intéressée à conserver la liberté des communes qu’à conserver les bois communaux. Je pense qu’en lui donnant le droit de nomination et de révocation des gardes forestiers, l’on ne froisserait aucun principe et l’on éviterait les plus graves inconvénients.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne rentrerai pas dans le fond de la discussion. Je pense qu’aucun de nous n’est disposé à abandonner aux communes la nomination et la révocation des gardes forestiers ; toutefois, comme l’a dit l’honorable M. d’Hoffschmidt, si on reconnaît qu’il est utile de modifier ou de supprimer un article que l’on aurait soi-même présenté, il n’y a aucun motif raisonnable de ne pas le faire, car notre mission n’a d’autre but que de donner la préférence aux mesures qui paraissent être les meilleures.

J’ai pris la parole pour démontrer les inconvénients graves qu’il y aurait à adopter la première partie de l’article. Voici quels sont ces inconvénients : Un garde forestier peut être en même temps garde d’un bois d’un établissement de bienfaisance et d’un bois appartenant au domaine, de telle sorte que si vous abandonner isolément à ces trois administrations la nomination de leurs gardes forestiers, vous tombez dans l’inconvénient de dépenser plus et d’avoir des gardes moins bons ; et en effet, si l’administration provinciale veut nommer un autre garde que celui du gouvernement, si les hospices veulent aussi nommer un garde spécial, vous avez trois gardes au lieu d’un, et nécessairement trois mauvais gardes. Celui des hospices ne pourra avoir qu’un petit traitement, celui de la commune de même, et, en définitive, le garde du gouvernement, dont le triage sera restreint, subira aussi une réduction de traitement. Vous aurez donc trois individus pour une surveillance qui serait incontestablement mieux exercée si un seul en était chargé, parce qu’il trouverait une existence dans les trois traitements, qui, réunis, pourraient respectivement être moins élevés que s’ils étaient séparés.

Mais si vous supprimez l’article, me dit-on, vous allez enlever aux communes toute participation à l’administration de leurs bois.

Eh ! Non, messieurs, nous laissons aux communes ce qu’elles ont aujourd’hui ; nous leur laissons une participation bien large puisque les gardes sont nommés sur leur proposition par le pouvoir central, ce qui est préférable, parce que le même garde sera choisi ainsi pour veiller en même temps aux bois des communes, à ceux des hospices et à ceux du gouvernement ; et ce garde, ayant un traitement suffisant pour exister, exercera une surveillance plus active qu’une personne moins rétribuée.

M. Desmanet de Biesme. - Comme c’est sur ma proposition qu’a été adopté l’article, je demande à faire quelques observations.

En vertu de l’article 31 de la constitution, j’avais propose de rendre aux communes l’administration des bois qui leur appartiennent. Je dois dire en passant que je ne suis pas touché des observations faites par l’honorable préopinant, que l’autorité supérieure devait avoir la surveillance de ces bois parce que cela rentrait dans l’intérêt général. Si on admettait cette considération pour les bois communaux, il n’y aurait pas de raison qu’on ne voulût pas l’appliquer aussi aux bois particuliers

Ma proposition, l’année dernière n’a pas été accueillie ; elle a été singulièrement modifiée par la section centrale. Je voulais que les communes eussent l’administration de leurs bois, mais sous la haute surveillance de l’administration provinciale. C’est la pensée que j’avais alors, c’est celle que j’ai encore actuellement. J’avais pensé qu’il fallait laisser tout dans l’état provisoire ; que les conseils provinciaux se réuniraient bientôt et feraient des règlements. La section centrale n’a pas voulu admettre ma proposition : elle a pensé qu’il fallait avant consulter les conseils provinciaux. Il me semblait qu’il nous appartenait de régler les attributions des conseils provinciaux, et que nous n’avions pas à nous enquérir si les attributions que nous leur donnions leur convenaient ou non.

Je dois maintenant me conformer au vote de la majorité et adopter le premier paragraphe de l’art. 57. Mais quant au second, je partage l’opinion de l’honorable M. d’Hoffschmidt ; j’en demande la suppression. En cela je ne suis pas inconséquent, parce que je n’ai jamais voulu rendre aux communes l’administration de leurs bois sans une grande surveillance, que je regarde comme étant de la plus grande nécessité.

L’honorable M. Dubus vous a dit que personne n’était plus intéressé que le conseil communal lui-même à la conservation des bois ; cela est vrai en principe ; cependant ce principe n’est pas sans exception.

Une coupe de bois revient tous les 15 ans ; c’est un revenu que la commune consacre à ses plus grandes améliorations, mais qui ne fait pas partie du bien-être particulier des individus ; et l’on est plus préoccupé des besoins du moment que du soin de se faire un avenir financier plus satisfaisant.

Quand une coupe est faite, les bestiaux du village peuvent être envoyés en pâturage dans le bois ; mais par l’envoi en pâturage dans des temps inopportuns on peut perdre une coupe de bois. Or, il est souvent très difficile à un conseil communal d’empêcher les habitants d’envoyer leurs bestiaux au bois.

Dans les petites communes, le bourgmestre et les membres du conseil sont souvent de petits particuliers qui eux-mêmes ne sont pas fâchés que leur bétail, avec celui des autres, aille au bois.

Quoi qu’il en soit de toutes ces considérations, je demanderai la division de l’article, et je voterai d’une manière conforme à mes principes.

M. F. de Mérode. - On a déjà répondu à ce que vient de dire l’honorable membre, que l’administration forestière était bien plus capable de régir les forêts que les administrations provinciale ou communale. Ceci a même été décidé par un des derniers votes de la chambre ; car on a posé en principe...

M. Gendebien. - Provisoirement !

M. F. de Mérode. - Or, qu’est-ce que serait une administration forestière qui serait en opposition avec une administration provinciale ? Un tel état de choses ne se comprend pas.

On a soutenu que les intérêts exclusivement communaux devaient être réglés par les conseils communaux : mais ce que l’on a dit pour soutenir ce principe vrai, démontre que les bois ne sont pas purement d’intérêt communal, et que le pays est encore intéressé à leur conservation.

Je suis propriétaire de bois, et je regrette que l’administration forestière n’ait plus d’action sur ces bois. C’est le gouvernement hollandais qui a détruit cette action, et cela se conçoit quand on considère le sol de la Hollande.

Tel sol en Belgique sera voué à la stérilité parce qu’on aura défriché les bois : mais en Hollande il n’y a pas véritablement de forêts : ils a quelques aulnes et quelques saules que l’on coupe tous les 30 ans, et qui ne demandent aucun soin pour leur conservation.

De manière que le gouvernement hollandais qui agissait toujours pour la Hollande, a supprimé toute la surveillance. Je crois qu’en cela il a rendu un très mauvais service au pays.

L’honorable M. Seron a dit que dans certaines communes il y avait plusieurs centaines d’hectares tout à fait stériles ; au lieu de produire du bois, de donner des moyens d’existence, ce n’est plus qu’un schiste improductif, Cet état de choses est très fâcheux pour ces communes. Je ne crois pas qu’on accuse M. Seron de vouloir donner trop de pouvoir au gouvernement ; ce n’est pas là sa manie. Eh bien, lui-même a défendu l’administration forestière.

Ce qui existe est évidemment contraire aux intérêts de la commune.

Je demande que l’on retranche l’article.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Lorsque j’ai dit tantôt que la commune avait une participation dans l’administration de ses bois par la présentation de candidats, j’ai remarqué que cette proposition offrait du doute dans l’esprit de mes honorables contradicteurs. Pour lever toute espèce de défiance à cet égard, je proposerai la rédaction suivante :

« Jusqu’à ce qu’il y ait été autrement pourvu, le ministre des finances continuera à nommer les gardes des bois communaux, sur une liste double de candidats, présentée par le conseil communal, et sur l’avis de la députation provinciale. »

Je pense qu’ainsi il y aura toutes les garanties que l’on peut raisonnablement désirer ; il restera encore possible à l’administration supérieure de charger à la fois le même garde forestier de surveiller des bois de communes et de l’Etat, lorsque ces bois seront à proximité l’un de l’autre et la commune conservera en même temps une part d’action suffisamment large dans l’administration de ses propriétés boisées.

M. Fallon. - L’amendement de M. le ministre des finances ayant pour but de rallier les opinions, il me semble qu’il vaut mieux le faire imprimer et voter dans la séance de demain.

Aussi bien nous ne sommes plus en nombre pour délibérer. (Appuyé.)

- La séance est levée à 5 heures.