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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 19 mars 1836

(Moniteur belge n°80, du 20 mars 1836, et Moniteur belge n°81 du 21 mars 1836)

(Moniteur belge n°80, du 20 mars 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.

Voici les membres qui n’ont pas répondu à l’appel : MM. Brabant, Coghen, Cols, Coppieters, Cornet, Dams, David, Félix de Mérode, Werner de Mérode, de Roo, de Sécus, de Theux, Doignon, Dubois, Dubus aîné, Duvivier, Frison, Jullien, Lebeau, Manilius, Meeus, Nothomb, Scheyven, Seron, Trentesaux, Troye, Vergauwen, H. Vilain XIIII, C. Vuylsteke.

M. Dechamps lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Andries annonce à la chambre qu’une indisposition l’empêche de se rendre à la séance de ce jour.

M. Schaetzen demande un congé de quelques jours à cause d’une maladie grave de madame son épouse.

- Accordé.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1836

Second vote

M. le président. - L’ordre du jour appelle en premier lieu le second vote du budget du département de l’intérieur. Aucun amendement n’ayant été introduit au premier chapitre, il n’y a pas lieu de le mettre en discussion.

Chapitre II. Pensions et secours

Article 5

M. le président. - Au chapitre II, il a été ajouté un cinquième article, allouant un crédit de 300,000 fr pour secours à accorder aux Belges nécessiteux victimes de l’agression hollandaise ; la discussion est ouverte sur ce nouvel article.

M. Dumortier. - Messieurs, je suis loin de m’opposer à ce qu’il soit accordé des secours aux nécessiteux dont il s’agit dans qui nous occupe ; mais avant d’entrer dans un pareil système, avant d’en venir à un vote, je désirerais obtenir quelques explications de M. le ministre des affaires étrangères.

Il s’agit, messieurs, des dégâts causés par la Hollande, dans les années 1830 et 1831 ; cette question est très importante puisque l’indemnité à accorder pour ces dégâts s’élèverait, je crois, à 20 ou 25,000,000 : parmi les objets qui ont été détruits par l’armée hollandaise, figurent en premier lieu l’entrepôt de la ville d’Anvers et toutes les marchandises qu’il contenait ; quant à l’entrepôt lui-nième, qui était la propriété de la nation, il ne doit pas entrer ici en ligne de compte ; mais les marchandises, qui y étaient renfermées, appartenaient à des particuliers ; la valeur de ces marchandises s’élevait à plusieurs millions ; elles ont été incendiées non point par la Belgique, mais par la Hollande ; le feu y a été mis de la main des soldats hollandais, sortis soit de la citadelle, soit des embarcations. De manière que, suivant toutes les règles de l’équité, la Hollande serait tenue d’en dédommager les propriétaires ; car celui qui a détruit un objet quelconque doit le payer. Malheureusement, dans les discussions entre gouvernements, les règles de l’équité ne sont pas toujours de saison, et c’est souvent le droit du plus fort qui remporte.

Nous ne devons poser dans la loi aucun précédent qui puisse autoriser des exigences de la part des personnes qui ont subi des pertes pas suite de l’invasion hollandaise, et mettre ainsi le gouvernement dans une position fâcheuse. Eh bien, je dois déclarer à l’assemblée que ce n’est pas sans crainte que j’ai vu introduire dans le budget la disposition présentée par l’honorable député d’Anvers. Comme lui, je compatis au malheur des personnes qui ont souffert par suite des mesures prises par la Hollande ; mais comme le législateur se trouve en présence du préjudice grave qui pourrait résulter pour le pays de l’adoption de la mesure proposée, je le reconnais, dans les vues les plus légales, mais qui consacrerait un principe dont on pourrait peut être tirer la conséquence que c’est à la Belgique à indemniser les victimes de l’invasion hollandaise, il importe de voir si cette mesure n’en amènerait pas d’autres qui seraient désastreuses pour la nation et qu’il serait trop tard de vouloir empêcher lorsque nous en aurions posé le principe dans la loi. Je crains que si nous posions aujourd’hui le principe que la Belgique doit indemniser les personnes dont les propriétés ont été détruites par l’armée hollandaise…

Plusieurs voix. - Il n’est pas question de cela !

M. Dumortier. - Un instant, messieurs ; l’article en discussion porte : « Secours aux victimes de l’agression hollandaise. Il pose donc, si je ne me trompe, le principe que l’effet de l’agression hollandaise incombe au trésor public ; tout au moins je crains qu’on n’en tire cette conséquence.

Réfléchissez-y bien, messieurs ; si l’on peut interpréter l’article de cette manière, et si vous l’adoptez tel qu’il est libellé, plus tard les Etats-Unis d’Amérique qui possédaient de nombreuses valeurs dans l’entrepôt d’Anvers, l’Angleterre qui se trouve dans le même cas, viendront revendiquer des indemnités pour les dégâts commis à leur préjudice par l’armée hollandaise. Voilà, messieurs, ce que je crains.

Je ne rendrai pas à l’honorable député d’Anvers le compliment qu’il m’a fait hier, je rends justice aux motifs qui ont dicté sa proposition ; mais je crains fortement qu’on ne puisse plus tard venir exiger de la Belgique le paiement d’indemnités pour les dévastations commises par nos ennemis. Si M. le ministre des affaires étrangères, dans la sagacité duquel j’ai beaucoup de confiance, partageait mes craintes à cet égard, je n’hésiterais pas à me prononcer fortement contre l’adoption de l’article en discussion, car j’aimerais beaucoup mieux qu’il ne fût pas accordé de secours, ou tout au moins qu’on n’en accordât que sur un crédit qui ne fût pas spécialement destiné à cet objet (comme, par exemple, les dépenses imprévues), que de voir figurer dans le budget un libellé quelconque, dont on puisse induire que la Belgique est débitrice du chef des dévastations commises par l’armée hollandaise.

La question est de la plus haute importance ; je désire que M. le ministre des affaires étrangères veuille bien répondre aux observations que je viens de présenter à la chambre.

(Moniteur belge n°81, du 21 mars 1836) M. le ministre des affaires étrangères (M. de Muelenaere). - Messieurs, lorsque, dans une séance précédente, vous avez voté la somme dont il s’agit en ce moment, j’ai eu l’honneur de faire comprendre à la chambre la nécessité de ne rien préjuger sur les deux importantes questions qui se rattachent aux indemnités, La première de ces questions est celle de savoir s’il faut reconnaître le principe des indemnités ; la seconde, par qui l’indemnité est due. Je pense que le vote de la chambre a été déterminé précisément par le motif que rien n’était préjugé à l’égard de ces importantes questions.

En effet, l’article est libellé comme suit : « Secours aux Belges nécessiteux qui ont souffert par suite de l’invasion hollandaise… » C’est donc à titre de secours que vous accordez la somme portée a cet article, ce qui est d’autant plus évident que l’application en est restreinte aux Belges nécessiteux.

Je dirai donc à l’honorable préopinant que je ne m’oppose nullement à l’adoption de la somme, ni à la manière dont elle est libellée dans le budget, puisque, selon moi, cela ne pose aucun principe nouveau. En effet, les années précédentes, dans plusieurs budgets, vous avez voté la même somme, libellée dans les mêmes termes, c’est-à-dire que vous avez chargé le gouvernement de distribuer cette somme uniquement, à titre de secours, aux Belges nécessiteux. De manière qu’en adoptant l’article qui est l’objet de cette discussion, vous ne poserez pas un principe nouveau, mais vous appliquerez un principe que vous avez déjà posé, au moins à deux reprises différentes, dans les budgets précédents.

Quant aux autres observations qu’a faites l’honorable préopinant, je suis entièrement d’accord avec lui ; je pense aussi que dans cette matière il faut procéder avec la plus grande circonspection ; et, à cet égard, je rappellerai à la chambre que, dans une séance précédente, j’ai fortement insisté pour qu’on ne préjugeât rien relativement au principe de l’indemnité, en attendant la discussion de la loi sur cet objet, qui vous est présentée.

Je me permettrai de faire observer à la chambre que j’ai reçu plusieurs réclamations relatives aux pertes éprouvées dans le désastre d’Anvers. Il est incontestable que, du moment où vous reconnaissez le principe de l’indemnité et que cette indemnité est due par le gouvernement belge, elle devient alors une dette, et il faut indemniser indistinctement, non seulement tous les habitants du pays, mais même les étrangers. Vous sentirez les conséquences qu’entraînerait une semblable solution de la question des indemnités.

Il faut donc voter la somme demandée pour être distribuée uniquement, à titre de secours, aux Belges nécessiteux qui ont subi des pertes par l’invasion hollandaise, de la même manière que vous l’avez votée les années précédentes, sans rien préjuger à l’égard d’aucun des principes qui se rattachent à l’indemnité.

M. Dumortier. - D’après les explications données par M. le ministre des affaires étrangères, je voterai pour le crédit demandé (Aux voix ! aux voix !)

(Moniteur belge n°80, du 20 mars 1836) M. Gendebien. - Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. le ministre des affaires étrangères, c’est uniquement pour faire une recommandation au ministre de l’intérieur que j’ai demandé la parole.

L’année dernière, il lui a été accordé trois cent mille francs pour secours à donner aux Belges nécessiteux victimes des désastres de la guerre et de la loi punique hollandaise. Eh bien, ces malheureux ont attendu, pendant plus d’une année, la part qui leur revenait dans cette somme. Je désire que cette fois on mette plus d’activité dans la distribution de ces secours ; l’homme qui souffre n’a pas le temps d’attendre. Les malheureux habitants des polders sont dans un tel état de détresse, que ce serait un crime de lèse-humanité d’apporter le moindre retard dans l’exécution des mesures à prendre pour les soulager.

Je ne prétends pas que le mal dont je me suis plaint provienne de M. le ministre de l’intérieur ; je sais bien que les renseignements des gouverneurs dont il avait besoin pour faire la répartition des secours se sont fait attendre longtemps ; mais je désire qu’il recommande cette année à ses subordonnés d’être plus expéditifs, qu’il les presse de manière à les faire opérer le plus lestement possible. Il ne doit pas oublier qu’il est responsable de la négligence de ses subordonnés.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, le retard qu’a subi, l’année dernière, la distribution des secours dont il s’agit, provient de ce que les gouverneurs ont dû, avant de pouvoir donner au gouvernement les renseignements nécessaires, prendre l’avis des autorités locales ; et il n’est pas étonnant que cela ait demandé beaucoup de temps. Quant à la distribution nouvelle, il restera à examiner s’il convient de la faire immédiatement, ou s’il ne vaudrait pas mieux attendre la mauvaise saison, sauf pour les cas urgents ; c’est ce dernier parti qu’on a pris l’autre année ; on a attendu alors le mois de décembre pour accorder des secours aux personnes qui ne se trouvaient pas dans une position assez fâcheuse pour avoir besoin d’un soulagement immédiat, parce que l’on a considéré qu’en général c’est en hiver que les malheureux ont le plus besoin d’être secourus. Si nous croyons devoir suivre cette année la même ligne de conduite, cela n’empêchera pas de donner immédiatement des secours là où il y aura urgence, comme, par exemple, dans les polders.

M. Gendebien. - Je ferai une simple observation : c’est qu’il y a des malheureux qui n’ont pas les moyens de s’abriter ; il serait bon que ceux-là reçussent, dans la bonne saison, les secours auxquels ils ont droit ; de cette manière ils auraient le temps de se préparer un refuge contre les rigueurs de l’hiver, ce qu’ils ne peuvent pas faire s’ils n’obtiennent ces secours qu’au mois de décembre. Il en est d’autres qui ne sont pas dans le même cas ; mais je prie M. le ministre d’avoir égard à la position des plus malheureux.

- L’article, mis aux voix, est adopté.

Chapitre III. Frais d’administration dans les provinces

Articles 4, 6 et 7

Les articles 4, 6 et 7, relatifs aux provinces de la Flandre orientale, de Liége et du Luxembourg, et qui avaient été amendés, sont successivement mis aux voix et adoptés sans discussion.

Chapitre IV. Instruction publique

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Frais des jurys d’examen pour les grades académiques : fr. 100,000. »

- Adopté sans discussion.


« Art. 2. Universités : fr. 542,256. »

- Adopté sans discussion.


« Art. 4. Frais d’inspection des athénées et collèges : fr. 2,500. »

- Adopté sans discussion.

Article 5

« Art. 5. Subsides annuels aux athénées et collèges : fr. 100,000. »

M. le président. - M. Pirson propose de majorer le chiffre de 3,000 francs en faveur du collège de Dinant ; ce qui porterait le chiffre à 103,000 fr.

M. Pirson. - Messieurs, j’étais absent de la chambre lorsque vous avez vote le subside annuel pour les athénées et quelques collèges. Mon projet n’est point de rouvrir une longue discussion. Vous avez tous lu dans le Moniteur les pièces à l’appui de la demande d’un subside annuel pour le collège de Dinant. Vous avez lu également le rapport de la section centrale. Cela devrait suffire pour déterminer votre conviction : cependant permettez-moi de vous rappeler quelques circonstances que je vous ai déjà fait connaître et que vous pourriez avoir oubliées Le collège de Dinant remplace deux anciens collèges, celui des Jésuites à Dinant et celui des Augustins à Bouvigne ; il est placé dans une localité aussi convenable pour le district de Philippeville que pour celui de Dinant. Il y a peu de fortune dans ces contrées, et cependant le goût pour l’instruction y domine. On le donne à bon marché à Dinant ; car je puis vous certifier que les professeurs n’ont pas chacun deux cents francs de reste au bout de l’année depuis 1830. Et cependant ce sont de bons professeurs, car notre collège jouit d’une belle réputation de loin comme de près. Ce sont les liaisons de l’amitié qui unit ces hommes qui ont soutenu notre collège depuis la révolution, car la ville endettée ne pouvait plus leur assurer aucun traitement. Voulez-vous une preuve de la générosité de ces messieurs ? Tous leurs petits bénéfices, même particuliers, sont en commun. Le brave ecclésiastique qui est à la tête, dit deux messes le dimanche, parce qu’à Dinant nous manquons de prêtres. Il reçoit environ 300 fr. pour sa binaison ; eh bien, ces 300 fr. entrent en communauté.

Ils ont tous autant de zèle que de générosité ; aussi leurs corps se fatiguent ; ils auraient le plus grand besoin d’être aidés. Je vous demande pour eux et non pour la régence un subside annuel de trois mille francs.

J’espère que vous ne repousserez point une juste demande ; vous accorderez un peu de confiance à mon témoignage : vous connaissez mes principes consciencieux en fait d’intérêts généraux ; mais je ne puis négliger ceux de localités, lorsqu’ils se présentent d’une manière aussi patente.

« Subside aux athénées et collèges. » Je propose de majorer de 3 mille le chiffre de 100 mille, et de le porter à 103 mille.

(Bien entendu que M. le ministre de l’intérieur qui est ici présent et qui en connaît la destination emploiera la majoration suivant les intentions de la chambre en faveur des professeurs du collège de Dinant.)

- L’amendement de M. Pirson est appuyé.

M. Dumortier. - Je crois que le gouvernement a assez de moyens pour donner suite à la proposition de M. Pirson, sans qu’il soit nécessaire d’augmenter le budget de ce chef.

Il s’agit de faire une répartition plus équitable du subside global de 100,000 francs, et d’y comprendre le collège de Dinant et d’autres établissements du même genre.

Permettez-moi, messieurs, de vous faire remarquer que quelques villes sont favorisées outre mesure ; ainsi la ville de Namur reçoit un subside de 20,000 fr pour son athénée. Que l’on réduise ce subside à ce qu’il était autrefois, c’est-à-dire à la somme de 18,000 fr.

La ville de Liége possède une université qui coûte annuellement à l’Etat 270,000 fr. ; elle reçoit en outre 8,000 fr. pour son académie de dessin ; 10,000 fr. pour son conservatoire de musique ; en un mot, tous les établissements de la ville de Liège sont dotés par l’Etat. Je crois qu’il serait de toute justice de laisser à cette ville le soin de payer son collège.

J’entends dire que l’athénée de Tournay reçoit un subside de 14,000 fr. ; oui, messieurs, cet athénée reçoit un subside, non pas de 14,000 fr., mais bien de 15,900 fr. ; mais je ferai observer que Tournay n’a ni université, ni conservatoire de musique ni académie des beaux-arts payés par l’Etat. L’athénée de Tournay est le seul établissement de ce genre dont le subside ait été réduit ; l’allocation pour les autres athénées a été augmentée.

M. Legrelle. - Et l’athénée d’Anvers !

M. Dumortier. - Je ne veux pas faire ici des réclamations de clocher, je ne demande pas un sou pour Tournay. Cette ville subsidie tous ses établissements ; elle a une école de musique, une académie de dessin, qui a produit les sujets les plus distingués, les deux Decraens, Gallait et beaucoup encore.

La ville se borne à faire le bien, et avec ses deniers ; elle donne l’exemple à beaucoup d’autres localités, par les sacrifices qu’elle s’impose pour l’avancement des arts et des sciences.

Je n’ai jamais fait, et je ne ferai pas encore, de demande pour la ville de Tournay ; mais j’ai cru pouvoir me permettre cette observation, car quand nous sommes si désintéressés, nous pouvons, au moins, je pense, discuter les demandes de ceux qui ne sont pas aussi désintéressés que nous.

J’en reviens à l’objet en discussion, et je dis que l’on peut rendre facilement justice à la ville de Dinant sans augmenter le subside de 100,000 fr.

J’ajouterai quelques mots pour prier M. le ministre de l’intérieur de veiller à ce qu’une plus juste répartition soit faite, dans certains athénées, du subside qui leur est accordé ; je sais, par exemple, que dans l’athénée de Bruxelles il se trouve quelques professeurs qui touchent non seulement les plus gros traitements, mais qui se partagent les minervalia, provenant des rétributions des élèves, tandis que des hommes d’un grand mérite, attachés au même établissement, ne touchent pas un sou.

Un homme dont la Belgique s’honore, M. Mesmael, le professeur d’histoire naturelle, n’a qu’un traitement de 1,400 francs, tandis que plusieurs de ses collègues se font jusqu’à 4, 5, et même 6,000 fr., au moyen de leur traitement fixe et de la part qu’ils perçoivent dans les autres émoluments.

Il faut qu’il y ait de la justice distributive ; le gouvernement doit intervenir pour que le produit des minervalia ne soit pas partagé entre quelques professeurs au détriment des autres.

Il n’est que trop vrai que dans un gouvernement représentatif toutes les faveurs tombent sur quelques hommes, taudis que d’autres, d’un plus grand mérite, mais qui ne sollicitent pas, sont abandonnés. Du haut de la tribune nationale, je demande qu’on améliore le sort d’hommes méritants, qui sont médiocrement payés.

M. Gendebien. - J’admettrai la majoration demandée, mais l’allocation spécialisée en faveur du collège de Dinant. Je regrette qu’on ne propose pas une somme plus considérable ; je l’appuierais également, mais sans affectation spéciale.

Je désire que le ministre de l’intérieur saisisse la circonstance qui se présente d’une majoration pour faire une répartition plus équitable ; mais je ne pense pas que nous devions nous en occuper Ici ; s’il était question de faire, en ce moment, une répartition du subside, je pourrais citer des villes dans le Hainaut qui ne touchent rien : Mons, Charleroy, et d’autres encore qui ont autant et plus de titres que ces villes privilégiées.

Je ne veux pas gêner le ministre au sujet de sa répartition, mais je me réserve de la critiquer l’année prochaine, si elle n’est pas bien faite. Restons tous dans cette disposition et votons le chiffre demandé.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour le moment il ne peut être question que de répartir la majoration que la chambre a votée.

Les subsides accordés jusqu’à présent aux athénées et collèges doivent leur être continués, parce que ces établissements ont été montés d’après les subsides dont ils jouissent. Si on supprimait les subsides au milieu de l’année, on bouleverserait ces établissements.

Je crois qu’il y aurait des réductions à faire aux subsides accordés aux athénées de certaines villes ; mais ces réductions ne peuvent se faire que lorsque la loi sur l’instruction moyenne sera votée et que les conseils provinciaux seront institués.

Des critiques sont faites à la quotité des subsides, de province à province et de ville à ville dans une même province. Il est impossible de toucher aux subsides tant que nous n’aurons pas les nouveaux conseils provinciaux et la loi sur l’instruction moyenne.

Tout ce que je puis faire, c’est de répartir actuellement la majoration accordée.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

M. Desmanet de Biesme. - Je dois répondre quelques mots à l’honorable M. Dumortier. On a attaqué différentes fois les subsides accordés à l’athénée de Namur par arrêté royal. Pourquoi cet arrêté royal lui donne-t-il un subside plus élevé qu’aux athénées de certaines autres villes ? parce qu’il y est établi une classe métallurgique ; que l’enseignement y est plus complet sons ce rapport que dans les autres athénées ; ce qui est vraiment nécessaire à Namur.

Je crois donc qu’il faut attendre la loi sur l’enseignement moyen pour changer la répartition des subsides.

Quant au collège de Dinant, j’appuie ce qu’a dit l’honorable M. Pirson.

M. Desmet. - Je demanderai à l’honorable M. Gendebien s’il entend que la majoration de 3,000 fr. qu’il a appuyée soit répartie comme M. le ministre de l’intérieur le jugera utile.

M. Gendebien. - Oui certainement.

M. Desmet. - Puisqu’il en est ainsi, j’invite M. le ministre à ne pas oublier la demande qui lui a été faite par la régence de Grammont pour son collège.

M. Gendebien. - J’entends que la majoration de 3,000 fr. soit votée sans que la chambre lui donne aucune destination spéciale, et que M. le ministre de l’intérieur en dispose comme il le jugera utile.

Mais je dois répondre un mot à l’honorable M. Desmanet de Biesme. On donne vingt-deux mille francs à Namur pour une école des mines, mais s’il est une localité où une école des mines est nécessaire, c’est Mons qui est le centre de toutes les exploitations.

M. Desmanet de Biesme. - Je ne m’oppose pas à ce qu’il y en soit établi une.

M. Pirmez. - Il en sera assurément de la majoration de 3,000 francs, si elle est adoptée, comme de la somme votée sur la demande de M. Watlet, qui l’a été sans affectation spéciale, et laissée à la discrétion de M. le ministre de l’intérieur. C’est ainsi que cela a été entendu. (Adhésion.)

- L’art, 5 du chapitre IV, « Subsides aux athénées et collèges, » est adopté avec le chiffre de 103,000 fr.

Les autres articles du chap. IV et ceux formant le chap. V sont définitivement adoptés.

Chapitre VI. Garde civique

Article 2 (nouveau)

M. Dumortier. - Nous voici arrivés au chap. VI. « Garde civique. » C’est maintenant, je pense, le moment de mettre aux voix la proposition d’allocation de 120,000 fr. pour sabres destinés à la garde civique, proposition qui a été ajournée au premier vote.

M. A. Rodenbach. - Lorsqu’ou a demandé l’ajournement du crédit de 120,000 fr. pour achat de sabres destinés à la garde civique, on n’a pas entendu que l’on y reviendrait au second vote. On a dit (plusieurs orateurs et moi entre autres avons énoncé cette opinion) que dans ce moment il y a de grandes dépenses à faire, et que la garde civique peut bien s’exercer sans sabres. Il nous faut une bonne garde civique. Mais ce n’est pas le moment de faire la dépense immense que l’on a proposée. On peut fort bien attendre pour cela que nos finances soient est meilleur état.

M. le président. - M. A. Rodenbach propose donc la question préalable.

M. A. Rodenbach. - Oui, M. le président.

M. Legrelle. - Je viens appuyer la question préalable proposée par l’honorable membre ; car il n’est pas possible de reproduire un article qui ne faisait pas partie du budget et qui a été rejeté au premier vote. MM. les ministres pas plus que nous ne peuvent reproduire un amendement rejeté.

M. le président. - L’article n’a pas été rejeté, mais ajourné au premier vote.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - C’est un ajournement que la chambre a prononcé. Je crois, comme l’honorable M. Dumortier, qu’il faut de nouveau le mettre aux voix.

La chambre est saisie de la proposition.

Je demande que l’ajournement soit mis aux voix.

M. Dumortier. - Il est incontestable qu’il est nécessaire d’allouer le crédit demandé par M. le ministre de l’intérieur pour l’achat des sabres destines à la garde civique. Car, messieurs, dans tous les pays où il y a une garde nationale elle porte le sabre ; il en est ainsi notamment en France.

Vous avez laissé au gouvernement à déterminer l’uniforme de la garde civique. Le Roi, en déterminant cet uniforme, a décidé que le sabre en faisait partie. C’est au gouvernement à fournir le sabre. S’il n’exécute pas cette obligation, le garde civique pourra soutenir que par suite il est lui-même affranchi de l’obligation que vous lui avez imposée de s’habiller. Je ne sais vraiment pas ce que l’on pourrait répondre à un garde civique qui, par ce motif, se refuserait à faire les frais de son uniforme. Si vous ne voulez pas de garde civique, réformez la constitution, modifiez la loi. Mais si vous voulez une garde civique, allouez le crédit demandé ; car c’est la conséquence d’un arrêté royal pris en vertu de la loi.

Dans une discussion précédente, à laquelle je n’assistais pas. un honorable député d’Anvers s’est beaucoup élevé contre la garde civique. Je ne partage pas l’opinion de cet honorable membre. Dans mon opinion, l’institution de la garde civique est infiniment précieuse dans un pays. On s’est souvent élevé contre les républicains, contre les émeutes, contre une infinité de choses ; le seul moyen de les combattre, c’est l’institution de la garde civique qui est un moyen d’opposer la volonté armée du plus grand nombre à la volonté de la minorité. C’est ainsi que la garde nationale de Paris a sauvé la France, en mettant, un terme aux émeutes. Cette institution est donc très importante pour un pays.

Je sais que dans quelques villes les administrations locales ont voulu empêcher la garde civique ; que dans certaines localités, en portant les billets de convocation, on disait qu’il ne fallait pas aller aux élections ; je sais qu’il y a des localités où les employés de la régence ont reçu la défense d’aller aux élections.

Messieurs, j’ai eu l’occasion de voir qu’il y avait beaucoup de zèle pour la garde civique chez un grand nombre de citoyens, et je suis convaincu que si la garde civique avait été stimulée par les régences, elle serait maintenant organisée dans toutes les villes.

Je désire que ces paroles prononcées à l’oreille de l’honorable représentant M. Legreile parviennent à celles de M. le bourgmestre d’Anvers. (On rit).

Revenant au crédit demandé, je crois que vous devez l’accorder ; car il est nécessaire pour l’exécution de la loi.

M. A. Rodenbach. - En demandant l’ajournement de cette dépense de 120,000 francs, je n’ai pas prétendu qu’il ne fallait pas donner de sabres à la garde civique ; j’ai dit que c’était une dépense immense, et qui pouvait être remise à une époque où notre état financier sera meilleur.

Je ferai observer à l’honorable député que si en France, comme il dit, on a des sabres, c’est que les sabres de même que les buffleteries qui coûtent fort cher sont fournis par les particuliers. Peut-être sera-t-il possible de modifier la loi en ce sens que ces dépenses seraient mises ici à la charge des particuliers, et que ce serait comme en France où l’Etat ne fournit que le fusil.

Je crois qu’il est sage d’ajourner cette dépense.

M. Legrelle. - Lorsque, dans la dernière discussion, la chambre, à une forte majorité (dénégations), a voté l’ajournement de cette question, jamais elle n’a entendu l’ajourner au deuxième vote, mais l’ajourner après le vote définitif du budget de l’intérieur. J’en appelle au souvenir de M. le ministre qui voudrait user d’une prérogative qu’il serait le premier à refuser à des membres de la représentation nationale. J’insiste donc pour l’adoption de la question préalable.

Je répondrai maintenant à des insinuations que je considère comme personnelles, professées par un membre qui semble avoir pris à tâche, depuis quelque temps, de me prêter des sentiments que je n’ai pas. Si cet honorable membre avait assisté à la séance dont il a parlé, ou s’il avait lu avec attention les paroles que j’ai prononcées, il n’aurait pas parlé dans le sens qu’il l’a fait.

Jamais je n’ai contesté la nécessité d’une garde civique, et le bien qui en résulte ; mais j’ai critiqué plusieurs dispositions de la loi, j’ai dit avec l’honorable M. Gendebien, et avec d’autres membres, qu’il y avait dans cette loi des dispositions qui ne pouvaient pas être exécutées ; ainsi, j’ai dit que l’on ne pouvait pas faire porter l’uniforme à des hommes qui ont atteint la cinquantaine. J’ai dit qu’il valait mieux qu’il y eût moins d’hommes sur les contrôles, et plus d’hommes en état de porter les armes.

Lorsque la loi aura été modifiée sous ce rapport et que le nombre des gardes civiques se trouvera réduit ainsi qu’il convient dans l’intérêt même du service, alors on saura quel nombre de sabres il faut acheter pour la garde civique. Il sera temps alors de voter le crédit demandé par le ministre de l’intérieur. Voilà pourquoi il n’y a pas lieu de revenir maintenant sur l’ajournement qui a été prononcé.

M. Gendebien. - Je repousse la solidarité que M. Legrelle veut bien me prêter avec ses opinions. Je suis loin d’être de son avis sur la possibilité de l’organisation de la garde civique. Il y a certainement des vices dans cette loi, surtout en ce qui concerne le premier ban ; mais ils n’empêchent pas d’organiser la garde civique.

Je me suis plaint de la précipitation avec laquelle on a voté toutes les lois relatives à la garde civique ; j’ai rappelé que la dernière loi avait été discutée, sans que le rapport eût été imprimé.

Mais, je le répète, je suis loin de supposer que l’on ne puisse pas organiser la garde civique. Je m’en défends, parce qu’il ne faut pas que l’on me prête ce que je n’ai pas dit.

Je crois que cette explication était nécessaire après les paroles de M. Legrelle.

M. Rogier. - Quel que soit le temps que nous mettions à la discussion des lois, je pense que nous ne ferons jamais de lois parfaites. Je présume qu’il y a des vices dans la loi de la garde civique comme dans toutes celles votées par la chambre. Mais je ne pense pas que ces vices soient tels qu’ils empêchent l’organisation de la garde civique.

Le plus grand zèle a présidé à cette organisation. A Bruxelles, la garde civique est parfaitement organisée. A Anvers, il y a les meilleures dispositions pour le service de la garde civique ; les élections se sont faites avec le plus grand ordre, et on y a fait les meilleurs choix qu’on pût faire de l’aveu de tout le monde. Si le nombre des gardes civiques habillés, dans cette ville, n’est pas plus grand, c’est au défaut d’armes qu’il faut l’attribuer. Mais quand la garde civique d’Anvers aura reçu des armes, elle pourra rivaliser avec quelque garde civique que ce soit du royaume. C’est un hommage que je me plais à lui rendre en passant.

De ce que les hommes âgés de 50 ans ne pourraient pas faire le service de la garde civique, il ne s’ensuit pas que l’on ne doit pas donner des sabres à ceux qui n’ont pas 50 ans. Je veux supposer qu’on exempte du service de la garde civique les hommes de 45 à 50 ans, il faudra toujours donner des sabres aux hommes de 20 à 45 ans ; car ceux-là seront maintenus dans la garde civique.

Le gouvernement suppose que dans les villes de Gand, Liège et Anvers, il y aura 50,000 hommes de garde civique ; on pourrait supposer, si la loi était modifiée dans le sens qu’on a indiqué, que ce nombre pourrait être réduit à 25,000. L’on pourrait, dans cette hypothèse, réduire peut-être l’allocation de moitié.

Le gouvernement pourra pourvoir aux besoins les plus urgents et donner des armes à quelques-unes des villes principales qui se sont montrées les mieux disposées pour le service de la garde civique. Je demanderai donc que l’allocation soit réduite à 50,000 francs pour cette année.

M. d'Hoffschmidt. - J’ai demandé la parole parce que M. Legrelle a soutenu de nouveau qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur l’ajournement ; il a invoqué le règlement pour soutenir cette opinion ; mais, messieurs, il est évident que rien ne s’oppose à ce que la chambre discute le crédit réclamé par M. le ministre de l’intérieur, car elle n’a pas fixé de terme à l’ajournement qu’elle a prononcé ; nous pouvons donc reprendre la discussion de l’amendement de M. le ministre après un ajournement de quelques jours comme après un plus long terme.

Je suis aussi d’avis, messieurs, que la garde civique peut rendre les plus grands services au pays, ce qui doit nous porter à faire tout ce qui dépend de nous pour la bien organiser dans les grandes villes où la garde civique est indispensable pour maintenir l’ordre. S’il s’agissait de vouloir organiser la garde civique dans les petites villes et dans les campagnes, je m’y opposerais, parce que dans ce cas cette organisation serait non seulement inutile, mais nuisible en ce sens que les exercices auxquels devraient se livrer les habitants de ces localités ne feraient que leur faire perdre du temps qu’ils peuvent employer plus utilement.

Je crois donc que le gouvernement doit se borner à faire organiser la garde civique dans les villes les plus importantes, parce que là seulement cette organisation est nécessaire, et pour celles-là, messieurs, il ne faut pas nous arrêter à des économies aussi mesquines que mal entendues dans l’intérêt du pays. Je ne veux pas dire par là que les sabres sont indispensables aux gardes civiques, mais ce que je crois nécessaire, c’est de soutenir le zèle des habitants de nos villes appelés à former la garde civique ; car si on les dégoûtait par des refus d’armes ou par des mesures telles que celle qui a limité la compagnie d’artillerie de Bruxelles à 95 gardes, l’organisation de cette garde civique ne pourrait se faire que très mal, car les pénalités que prononce la loi ne pourraient remplacer le zèle indispensable pour former une bonne garde nationale. Ces considérations m’amènent à demander à M. le ministre si des sabres sont demandés par la garde civique elle-même ; ce qui me porterait à accorder le crédit réclamé, parce que je crois qu’il serait impolitique de refuser une demande aussi naturelle. J’attends donc les explications de M. le ministre à cet égard.

M. le président. - M. Rogier propose l’amendement suivant : « Je propose de réduire à 50,000 fr. la demande de crédit destinée à l’acquisition des sabres de la garde civique. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai pas reçu de demandes de sabres des simples gardes civiques ; mais, d’après les renseignements que j’ai reçus, il est incontestable que la garde civique demande des sabres. Vous savez, messieurs, que les soldats d’élite ont le droit de porter des sabres. Aux termes de la loi, la garde civique tient le premier rang dans l’armée. Il y a donc convenance à la pourvoir de sabres.

L’amendement de M. Rogier pourvoirait aux besoins les plus urgents, si l’allocution proposée par moi était rejetée. Je désire au moins que cet amendement soit adopté.

M. Milcamps, rapporteur. - Lorsque la section centrale a proposé l’ajournement de la dépense, elle n’avait pas parlé de l’ajournement indéfini, quoique à cet égard elle ne se soit pas expliquée. Je dirai même à la chambre que ce système a dominé dans la section centrale. C’est que, comme elle n’avait pas eu le temps d’apprécier la nécessité de la dépense, puisque l’allocation avait été faite au moment de la discussion, elle a pensé que, comme il était probable que l’on discuterait bientôt le budget du département de l’intérieur, d’ici à cette époque l’on aurait le temps d’apprécier si la dépense est absolument indispensable, rien n’empêchant le ministre de faire alors une proposition spéciale qui serait renvoyée dans les sections et examinée dans les formes.

- La question préalable est mise aux voix. Elle n’est pas adoptée.

L’ajournement de l’allocation est mis aux voix. Il n’est pas adopté.

Le chiffre de 120,000 fr. proposé par M. le ministre de l’intérieur est mis ensuite aux voix. Il n’est pas adopté.

Le chiffre de 50,000 francs, proposé par M. Rogier, est mis aux voix. Il est adopté.

L’article 2 nouveau du chapitre VI sera ainsi conçu :

« Achat de sabres pour l’armement de la garde civique : fr. 50.000 fr. »

Chapitre XII. Lettres, sciences et arts ; fonds provenant des brevets ; service de santé

Article premier

« Art. 1er. Arts et sciences : fr. 304,000. »

- Adopté.

Article 2

(Moniteur belge n°81, du 21 mars 1836) « Art. 2. Monument de la place des Martyrs : fr. 35,000. »

M. Desmet. - L’on ne s’est pas bien explique au premier vote sur le changement de plan. Il paraît que le piédestal sera changé, que la statue colossale de la Belgique sera élevée sur un buffet, sur une espèce d’échafaud.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Rien n’a été changé quant à la statue ; seulement il sera établi, autour du monument, une galerie qui aura le meilleur effet. La commission, composée d’amateurs éclairés, a été unanime pour l’adoption du nouveau projet. Le plan a été fourni par un des architectes les plus distingués de la Belgique. M. Geefs a complété ce projet et s’est chargé de l’exécuter.

M. Dumortier. - J’ai vu le nouveau plan proposé par un architecte distingué, M. Roelandt ; rien de plus gracieux et de plus convenable que ce nouveau projet ; il ne peut contribuer qu’à embellir le monument.

Ce n’est pas quand il s’agit d’un monument qui doit rappeler une glorieuse révolution, que nous devons refuser le surcroît de dépenses qu’on nous demande. C’est à nous qu’il convient de voter un monument digne de la révolution. Si le souvenir de nos grandes journées ne laisse aucune trace dans nos lois, qu’il y ait au moins, un ineffaçable monument de marbre pour les rappeler à la postérité.

M. Pollénus. - Je n’ai qu’une réflexion à faire à M. le ministre de l’intérieur, c’est que l’année dernière, par suite du contrat passé entre M. Geefs et le gouvernement, la sculpture devait coûter 75,000 fr., tandis que cette année elle montera à 150,000 fr. Je désirerais savoir les motifs qui ont fait doubler le prix affecté à la partie sculptée du monument. Quand il s’agit d’une augmentation qui porte une dépense de 75,000 fr. au double, le gouvernement et la section centrale devraient bien nous en faire connaître les motifs.

M. Rogier. - Je suis à même, comme membre de la commission à laquelle a été soumise le nouveau projet du gouvernement de donner les explications demandées par l’honorable M. Pollénus.

La somme de 75,000 fr. était destinée à l’exécution de la statue et des accessoires. Depuis, ce monument est devenu en quelque sorte architectural. Il aura un caractère religieux qui le mettra à l’abri des réactions politiques, si le malheur voulait qu’il y en eût par la suite.

L’augmentation de la dépense pour la sculpture provient de l’addition de quatre génies, qui seront adossés à chaque angle du soubassement de la statue. Chacune de ces figures aura de 6 à 8 pieds de hauteur. La dépense a été évaluée à 20,000 fr. par génie.

L’exécution de la statue principale, des quatre génies, du monument et de la galerie, coûtent environ 220,000 fr. C’est l’évaluation définitive qui probablement ne sera pas dépassée.

Il ne faut pas oublier que le gouvernement est en possession de 120,000 fr. de dons, parmi lesquels est comprise la part considérable pour laquelle un ancien membre du gouvernement provisoire a contribué.

M. Pollénus. - Satisfait des explications données par l’honorable M. Rogier, je déclare que je voterai pour ce chiffre.

- Le chiffre de 35,000 fr. mis aux voix est adopté.

Chapitres XIII à XVIII

Les articles amendés du chap. XIII au chap. XVIII inclusivement sont définitivement adoptés.

Chapitre XIX

Article unique

« Article unique. Acquisition de l’amphithéâtre et des estrades élevées au local des Augustins : fr. 13,380 fr. »

M. Dumortier. - Comme il y a une contestation au sujet de la propriété de cette église, et que très probablement il sera décidé qu’en vertu des décrets impériaux, elle appartient au culte catholique, il me paraît imprudent de voter une somme destinée à l’acquisition d’objets qui ne serviront plus à rien.

En conséquence, je propose l’ajournement du crédit.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Cet article se divise en deux parties bien distinctes. Il y a la dépense arriérée que, dans tous les cas, il faudra toujours payer, le prix d’acquisition de l’amphithéâtre et des estrades.

Quelle que soit la décision prise par les jurisconsultes qui seront appelés à décider la question de propriété, il faudra toujours liquider la dépense arriérée.

Je m’engage, avant l’acquisition, à faire décider la question de propriété et de me conformer à cet égard à la décision des arbitres choisis.

S’ils jugent que le local des Augustins appartient à l’église du Finistère, la somme destinée à l’acquisition restera sans emploi.

M. Legrelle. - J’appuierai l’ajournement proposé par M. Dumortier.

J’ai un autre motif pour appuyer l’ajournement. C’est que s’il est démontré que le ministre a besoin d’estrades, rien ne s’opposerait à ce qu’il employât à l’acquisition d’estrades l’excédant des 50 mille francs alloués pour les fêtes de septembre. Vous savez que, sous l’administration de l’honorable M. Rogier, les fêtes de septembre se célébraient d’une manière brillante. A cet égard je dois lui rendre toute justice, ces fêtes se célébraient avec tout autant d’éclat qu’aujourd’hui, et l’honorable ministre avait trouvé moyen d’épargner une partie de la somme qui lui était allouée, pour former une institution qui aurait été aussi utile qu’honorable pour le pays.

Or, si, sans rien ôter à l’éclat que doivent avoir les fêtes de septembre, l’ancien ministre a pu faire une économie notable, je crois qu’on peut encore faire aujourd’hui cette économie. Nous ne refusons pas les sommes nécessaires pour célébrer dignement les fêtes nationales ; mais si 30,000 ou 35,000 suffisent, il est inutile d’en dépenser 50,000. C’est pour ce motif que je demande que la somme demandée pour acquisition d’estrades soit ajournée, sauf à autoriser le ministre à prélever sur les 50,000 fr. alloués pour les fêtes publiques la somme nécessaire pour faire cette acquisition.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne veux nullement contredire les éloges que l’honorable préopinant vient d’adresser à mon prédécesseur. Mais je conteste l’exactitude de l’économie qu’il prétend avoir été opérée. Si, en 1834, une partie de l’allocation destinée à la célébration des fêles de septembre a été employée à des constructions sur l’emplacement de l’ancien hôtel de la justice, il y a eu déficit de plusieurs chefs.

Sur la somme que je demande, quatre à cinq mille francs sont destinés à couvrir ces déficits. Les 50 mille fr. votés l’an dernier pour la célébration des fêtes nationales ont été employés comme ils devaient l’être.

Quant à moi, je ne vois pas la possibilité de donner les mêmes fêtes et d’opérer l’économie de 30,000 fr. que propose l’honorable préopinant.

M. Dumortier. - Je pense que nous sommes tous d’accord pour ajourner l’allocation demandée pour acquisition d’estrades. Puisque nous nous occupons des fêtes publiques dont l’article a été voté sans discussion au premier vote, je ferai une observation à ce sujet à M. le ministre de l’intérieur.

Je désirerais que quand on donne des fêtes populaires, on n’exigeât pas 10 francs d’entrée.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). Où a-t-on demandé 10 francs ?

M. Dumortier. - Au concert qu’on a appelé « concert monstre, » on a exigé une entrée très forte.

On a ainsi donné une fête populaire dont le peuple a été exclu. Le peuple a également été exclu de la fête donnée au jardin botanique. Je voudrais que le peuple fût admis à toutes les fêtes données pour célébrer notre révolution ; c’est le peuple qui s’est battu, c’est pour lui que les fêtes doivent être données.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Voici maintenant la critique qui succède aux éloges. Mais je pense qu’il a déjà été antérieurement répondu à l’objet de cette critique. On a voulu faire l’essai d’un grand concert. Cet essai a-t-il répondu à l’attente du public ? C’est une question que je ne résoudrai pas.

Mon opinion a toujours été que les fêtes publiques devaient être, autant que possible données en plein air, afin qu’un plus grand nombre de personnes puisse y prendre part. Ainsi, sous ce rapport, nous sommes d’accord avec l’honorable préopinant.

Mais je reviens au crédit que j’ai demandé. Comme je l’ai déjà dit, il y a un double objet : une partie est destinée à couvrir le déficit de 1834, et l’autre à faire une acquisition d’estrades. La proposition d’ajournement faite par M. Dumortier ne peut jamais s’appliquer à la dette, parce qu’il faut bien que les créanciers soient payés.

Quant à l’autre partie de la somme, je n’en ferai usage qu’autant que la question de propriété aura été résolue et qu’on tombe d’accord qu’il n’y a pas lieu d’affecter de nouveau l’église des Augustins au culte. Si la question était résolue dans le sens contraire, le gouvernement ne ferait pas emploi de la somme.

M. A. Rodenbach. - J’ai aussi une observation à faire relativement aux fêtes publiques. Je ferai remarquer que lors de l’anniversaire des fêtes de septembre, il y avait des estrades pour le Roi et pour le corps diplomatique ; qu’il y en avait aussi pour les ministres, mais qu’il n’y en avait pas pour les représentants de la nation. C’était pourtant une fête nationale, et les représentants de la nation n’ont pas trouvé moyen de se placer. On a vu sur les estrades des secrétaires de départements avec leurs femmes et des jeunes personnes, tandis qu’on refusait des places aux mandataires du peuple. Quand on donne une fête nationale, la nation doit y être représentée, et nous sommes les représentants de la nation.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’ai quelques explications à donner sur les observations de l’honorable préopinant.

Chacun connaît le peu d’emplacement qu’offrait le Parc pour la construction de tribunes suffisantes pour une réunion aussi nombreuse que l’eût désiré l’honorable membre. On a dû se borner à adresser des cartes aux chefs des corps et notamment aux présidents des chambres.

On n’en a adressé à personne d’autre. S’il avait fallu faire ce que demande le préopinant, une tribune réservée pour les membres des deux chambres, l’espace n’aurait pas été suffisant. S’il est entré dans les tribunes quelques personnes qui n’appartenaient pas aux catégories que je viens d’indiquer, c’est sans carte pendant la fête, parce que les personnes qui avaient reçu des cartes n’en avaient pas fait usage.

- La clôture de la discussion est mise aux voix et prononcée.

L’ajournement de l’allocation est rejeté.

Le chiffre du gouvernement est adopté.

Le chapitre suivant qui est le dernier a été adopté sans amendement.

Vote des articles

On passe au vote des articles de la loi.

« Art. 1er. Le budget du département l’intérieur pour l’exercice 1836 est fixé a la somme de 11,640,928 fr. 22 c., conformément au tableau ci-annexé. »

- Adopté.


« Art. 2 La présente loi sera obligatoire le lendemain de sa promulgation. »

- Adopté.

Vote sur l'ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

En voici le résultat :

60 membres ont pris part au vote.

2 se sont abstenus.

59 ont répondu oui.

1 a répondu non.

En conséquence le budget du département de l’intérieur est adopté ; il sera transmis au sénat.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à énoncer les motifs de leur abstention.

M. Gendebien. - Je me suis abstenu parce que j’ai pensé que je ne pouvais pas voter contre le budget, attendu qu’il en faut toujours un. Je n’ai pas voulu y donner mon assentiment, parce qu’il contient un article que je ne puis admettre, celui relatif à la police, attendu que je considère la police comme inutile, et que, d’ailleurs, je suis convaincu que l’agent principal de la police ne pourra jamais rien faire de bien pour le pays.

M. Legrelle. - Je n’ai pas voté contre le budget pour ne pas entraver l’administration, mais comme il contient diverses dispositions qui me paraissent contraires à une bonne justice distributive, je n’ai pas cru pouvoir y donner mon assentiment.

Projet de loi portant le budget du ministère des finances de l'exercice 1836

Discussion du tableau des crédits

Chapitre IV. Administration de l’enregistrement, des domaines et des forêts

M. le président. - Nous en sommes restés au chapitre IV, administration de l’enregistrement des domaines et des forêts.

Article premier

« Art. 1er. Traitement des employés de l’enregistrement. »

Le gouvernement demande 358,390 francs. La section centrale n’alloue que 357,490 francs.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la proposition de la section centrale.

M. Dumortier. - Une question importante déjà soulevée dans cette enceinte a été ajournée jusqu’à la discussion du budget des finances. Je crois que c’est ici le moment de rappeler votre attention sur ce sujet.

Messieurs, vous vous rappelez que l’an dernier le receveur de l’enregistrement de Bruxelles a subitement disparu, laissant un déficit considérable au préjudice du trésor public. Il paraît, d’après les renseignements qui me sont parvenus, que ce déficit n’est pas de moins de 400 mille fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est une erreur !

M. Dumortier. - Si je suis dans l’erreur, M. le ministre des finances voudra bien donner des explications qui le démontrent. Mais, d’après mes renseignements, le déficit ne s’élèverait pas à moins de 400 mille fr., et un seul des chiffres du déficit serait de 80 mille francs. On a cité le notaire qui aurait versé au trésor public cette somme qui aurait est soustraite par le receveur auquel je fais allusion. Un pareil déficit n’aurait pas eu lieu si

On avait exercé toute la surveillance convenable sur la gestion de ce receveur, car on ne conçoit pas comment le trésor a pu se trouver à découvert de sommes aussi considérables sans que les administrations et les inspecteurs s’en fussent aperçus.

M. Zoude, rapporteur. - Je demande la parole pour une motion d’ordre.

M. Dumortier. - Vous l’aurez quand j’aurai fini.

Il paraîtrait aussi que l’employé dont je parle se serait permis des faux en écriture dans ses registres, et des faux nombreux ; et que les registres minutes ne concordaient pas avec les registres remis à l’administration. Comme il est du devoir des vérificateurs de comparer les registres minutes avec ceux qui vont à l’administration, il faut qu’il y ait eu là négligence ou connivence de la part des employés supérieurs.

On a même été dans le public jusqu’à dire que des rapports avaient été faits à l’administration contre les abus qu’on remarquait dans la conduite du receveur, et que ces rapports étaient restés sans résultat. C’est là un fait de la plus haute gravité de la part de l’administration que de n’avoir pas tenu compte des renseignements qu’on lui a transmis. Il est d’autant plus grave qu’on connaît les liens de parenté qui existent entre le receveur fugitif et les membres de l’administration qui ont pu oublier à ce point leur devoir. Je ne veux pas prétendre qu’il y ait eu connivence entre les employés supérieurs et le receveur de Bruxelles ; mais il y a eu pour le moins négligence, et la négligence en pareil cas doit être punie.

Je demanderai donc au gouvernement des explications sur cet objet. Je demanderai non seulement ce qu’on a fait pour s’emparer du receveur et couvrir le déficit, mais aussi envers les agents qui avaient sur lui une surveillance qu’ils n’ont pas exercée. Car le plus coupable n’est pas celui qui commet le crime, mais celui qui, sachant qu’on le commettrait, n’en a pas informe le ministre. Il fallait arrêter le crime de prime abord, on n’aurait pas vu un déficit aussi considérable.

Nous sommes ici à éplucher les budgets des divers ministères pour tâcher de faire de modiques économies de quelques centaines de francs, et quand il s’agit de surveillance, on nous dit : Gardez-vous de toucher aux allocations qu’on vous demande, car il faut que ce service soit bien organise, il faut des hommes capables qui nous présentent des garanties contre les infidélités que pourraient commettre les détenteurs des deniers du trésor. Et voilà tout à coup un déficit qu’on évalue à 400 mille francs !

Il est nécessaire que des mesures promptes soient prises pour empêcher que de pareils abus ne se reproduisent. J’appellerai la surveillance de la cour des comptes sur ce point. La cour des comptes est investie par la constitution du droit d’examiner les comptes de tous les agents du trésor public. Jusqu’ici l’administration des finances ne s’est pas souciée de voir cet article de la constitution recevoir son exécution, elle a préféré rester investie d’un pouvoir que la constitution lui dénie, pour conserver tous ses agents dans sa dépendance immédiate. Mais nous, mandataires du peuple, qui sommes surtout chargés de veiller à ce que les deniers publics soient gérés avec fidélité, nous devons exiger que la cour des comptes ait l’examen de tous les comptes des agents du trésor.

Si cela avait eu lieu, la cour des comptes aurait mis un terme aux infidélités du receveur de Bruxelles, et on n’aurait pas vu un déficit aussi considérable commis par un seul agent.

Malheureusement ce n’est pas le seul que nous ayons eu à déplorer depuis la révolution. A aucune époque la Belgique n’a eu à déplorer autant de pertes par l’infidélité des receveurs que depuis la révolution.

Le mal est grand ; il est temps d’y apporter remède.

Je demande donc au gouvernement quelles mesures il a prises contre le comptable qui a disparu, si les tribunaux sont saisis de toutes les pièces du procès et ensuite quelles sont les mesures qui ont été prises contre les employés qui n’ont pas fait leur devoir, en ne comparant pas avec soin les minutes avec les registres envoyés à l’administration ou en ne faisant pas part au ministre des finances des rapports qu’on leur faisait sur la conduite de ce receveur.

M. le président. - La parole est à M. Zoude pour une motion d’ordre.

M. Zoude, rapporteur. - J’y renonce, ma motion est maintenant inutile.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La motion d’ordre que se proposait de faire N. le rapporteur avait pour objet de faire remarquer que les observations de l’honorable préopinant trouveraient mieux leur place à l’article relatif aux remises des comptables. Mais comme ces observations sont générales, on peut tout aussi utilement y répondre maintenant. Je vais le faire si la chambre le permet. (Oui ! oui !)

Je commencerai par dire que j’ai peine à croire que l’honorable M. Dumortier ait lu attentivement le rapport de la section centrale, car s’il l’eût fait, il y aurait trouvé la réponse à toutes les explications qu’il m’a demandées, et il se serait épargné la peine de jeter du doute sur la loyauté d’employés supérieurs qui ont des relations de parenté avec le comptable qui a disparu. Je pense ne pouvoir donner des explications plus précises et plus concluantes que celles que j’ai fournies à la section centrale et qu’elle a transcrites dans son rapport. Les voici :

« Quant au comptable disparu, sa gestion a été constamment surveillée, et l’état de sa caisse a toujours été trouvé en règle d’après les écritures de ses registres. »

Il est bien de faire attention à cette circonstance. Il ne s’était pas trouvé de déficit dans la caisse quand il a disparu ; son crime consistait en concussions commises à l’aide de moyens dont vous allez juger par les explications que je vais avoir l’honneur de vous lire.

Ce n’est pas parce qu’on aurait négligé de faire verser les sommes reçues qu’il y a un déficit, mais par suite de manœuvres qui ont échappé à la surveillance, parce que jamais semblables moyens n’avaient été mis en usage.

« Les prévarications qu’il a commises consistent en soustractions de recettes, résultant d’actes notariés présentés à l’enregistrement et non portés aux registres, bien que revêtus par lui de la quittance des droits payés.

« Pour faire connaître la manière dont ces soustractions se faisaient, on doit entrer dans les détails suivants.

« Les registres de, receveurs de l’enregistrement sont cotés et paraphés par le directeur de la province.

« L’inspecteur, lors de sa tournée semestrielle, vérifie ces registres, c’est-à-dire les écritures, les tirés hors ligne, les additions, les reports, etc. Il y inscrit les observations nécessaires, signe ces observations, paraphe le recto et le verso de chaque feuillet, constate et arrête le montant des produits.

« Plus tard (à peu près tous les deux ans) le vérificateur, procédant à la vérification approfondie, fait un nouvel examen des registres, vérifie encore les écritures, additions, etc., et outre les annotations prescrites, paraphe également le recto et le verso de chaque feuillet, ainsi que les arrêtés des produits. Il rapproche ensuite des registres les comptes rédigés par l’inspecteur et le receveur.

« Indépendamment de ces opérations, il se rend dans les études des notaires, où il lit toutes les minutes pour examiner si les perceptions des droits ont été bien établies, et si l’officier public a rempli toutes les obligations qui lui sont imposées par les lois. En même temps il prend note des droits perçus sur chaque acte et rapproche cette note des registres de recette pour s’assurer s’il a été compté des droits payés.

« Cette dernière opération se fait même à l’égard des actes sous seing privé, transcrits aux bureaux des hypothèques, et de toutes les quittances délivrées à des particuliers dont on peut obtenir la reproduction.

« Toutes ces vérifications ont eu lieu au bureau du comptable dont il s’agit, et elles ont fait découvrir sur un très grand nombre d’actes reçus par les trente notaires résidant à Bruxelles, ressortissant audit bureau, cinq non inscrits aux registres et dont les droits n’avaient pas été portés en recette, découverte qui a suffi pour fermer les mains au comptable, le suspendre de ses fonctions et le dénoncer au ministère public.

« Dès ce moment il a pris la fuite. En complétant les vérifications, on a reconnu depuis sa disparition :

« 1° qu’il avait commis encore d’autres soustractions qu’il tâchait de cacher de la manière suivante :

« Après la vérification des registres, il avait ôté quelques-unes des feuilles, pour en substituer d’autres, revêtues de signatures et paraphes faux extrêmement bien imités, où il faisait figurer les actes qu’il avait d’abord omis, afin d’en soustraire les droits, de sorte que lors du rapprochement de ces actes avec les registres, on les trouvait enregistrés, sans que l’employé supérieur pût s’apercevoir des substitutions, à moins de vérifier une troisième fois les écritures, additions, etc., des registres.

« 2° Que, par suite de ces substitutions, il avait surchargé et raturé les additions aux registres, toujours après leur vérification, et formé d’autres comptes conformes que l’on a reconnus être également revêtus de fausses signatures.

« Cette dernière circonstance a été découverte par les surcharges et ratures qui ont conduit à la comparaison des comptes reconnus faux avec ceux déposés au ministère des finances. »

Messieurs, je vais ajouter une explication encore plus intelligible, plus pratique que celle fournie la section centrale et reproduite dans son rapport. Le vérificateur et l’inspecteur passent successivement dans les bureaux du receveur de l’enregistrement ; ils examinent les écritures, les additions, l’application des lois quant aux droits ; lorsque toutes ces opérations sont faites par ces deux agents, ils se transportent chez les notaires et aux bureaux de transcription ; ils font le relevé chez les notaires et chez les conservateurs des hypothèques de tous les actes enregistrés. Lorsqu’ils ont fait ce relevé, ils retournent aux bureaux du receveur de l’enregistrement, et ils comparent leur travail aux registres qu’ils ont précédemment visés dans la première vérification.

Mais quand les vérificateurs retournaient ainsi chez le receveur, il leur présentait cette fois des registres complètement faux, et faisant mention de tous les actes présentés à l’enregistrement et munis de la mention de l’enregistrement. Ce second registre était fabriqué pour la seconde opération. Mais quant aux registres d’après lesquels le receveur était comptable envers l’administration financière, c’étaient les premiers dont j’ai parlé, lesquels ne contenaient plus l’inscription de tous les actes.

Il fallait ce stratagème pour tromper la vigilance des fonctionnaires supérieurs.

Cet état de choses a duré cinq ou six années et au premier abord on est étonné que l’on ne se soit pas plus tôt aperçu de la malversation ; mais c’est qu’il ne venait à l’idée de personne que des faux aussi adroits fussent commis, car sans cela on eût fait des contre-vérifications, jusqu’à ce qu’ils eussent été découverts.

Les employés de l’administration de l’enregistrement ont été pris au dépourvu ; l’expérience n’avait signalé encore aucune friponnerie semblable.

Je pense que ces explications suffiront pour convaincre la chambre qu’il n’y a eu aucune connivence dans les faits graves dont je viens de l’entretenir. Au surplus la suite le prouvera, car s’il y avait eu connivence, elle serait découverte prochainement, tous les registres ayant été remis à la justice : elle poursuit avec rigueur, et elle ne négligera rien pour se saisir du coupable fugitif, s’il est possible, comme de tous les autres s’il y en a dans cette affaire : nous voudrions tous, messieurs, qu’un exemple terrible fût donné aux fonctionnaires qui auraient des dispositions à commettre de semblables crimes. (Bruit.)

On se récrie aux mots « exemple terrible, » que je viens d’employer ; quant à nous nous croyons qu’un tel comptable devrait être exposé art pilori dans la capitale où il a commis son forfait.

Par la confrontation des actes notariés avec le premier registre du fonctionnaire malversateur, nous savons que le déficit pour le trésor s’élevait le 17 de ce mois à 255,184 fr.

Je ne veux pas chercher à atténuer le crime ; cependant je dois dire à la chambre qu’une partie des vols a été commise pendant que la révolution était flagrante ; c’est pendant les mois d’août et de septembre 1830 qu’une forte partie des prévarications ont été exécutées.

Toutefois, en 1834 et en 1835, des méfaits assez notables ont été renouvelés, et heureusement on a fini par s’en apercevoir,

Messieurs, une difficulté inhérente à la vérification du bureau de Bruxelles, c’était l’importance même de ce bureau ; c’était l’immensité de ces attributions. On y faisait pour douze ou treize cent mille francs de recettes par an ; or, quand on aurait eu constamment deux employés pour le vérifier, cette vérification n’aurait même pas été complète. C’est ce que j’ai senti, et j’ai fait la division du bureau en deux, de manière que la perception des droits n’est plus aujourd’hui trop compliquée.

Cette division aura, messieurs, le double avantage de prévenir tout abus ultérieur, et elle permettra, dans beaucoup de cas, d’assurer des rentrées au trésor qui ne se faisaient pas toujours exactement par le moyen d’un bureau unique ; car quelque zélé, quelque intelligent, quelque actif qu’eût été le receveur unique, il lui eût été physiquement impossible de veiller à toutes les rentrées à effectuer selon le vœu de la loi.

C’est à tort que l’honorable M. Dumortier pense que l’administration des finances voudrait enlever à la cour des comptes quelque chose de la plénitude de ses attributions.

Quant à moi, je désire vivement que les vérifications les plus complètes aient lieu dans la gestion des deniers publics. Quoique l’administration fasse tous ses efforts pour choisir des hommes intègres, il arrive malheureusement des exceptions ; mais de rares exceptions, il faut en convenir. Toutefois, il faut les prévenir autant que possible. Il est d’ailleurs dans l’intérêt des comptables eux-mêmes qu’ils soient fréquemment et rigoureusement vérifiés, de façon qu’ils ne puissent toucher aux deniers qui leur sont confiés. Il est des comptables qui prennent quelques écus dans leur caisse, espérant pouvoir les remettre le lendemain ; ils échappent aux vérifications une première fois.

Ils recommencent, ils finissent quelquefois par ne plus pouvoir remplacer les écus qu’ils ont pris, et d’honnêtes gens qu’ils étaient, ils finissent par devenir en quelque sorte forcément des fripons. Il faut donc des vérifications multipliées pour s’opposer à ces graves inconvénients.

Dès que la chambre aura terminé sa session et qu’il me sera possible de m’occuper de nouveau plus assidûment de l’administration intérieure du département des finances, j’examinerai s’il n’y a pas moyen de modifier ta comptabilité afin que des faits fâcheux semblables à ceux que nous avons à déplorer ne puissent est aucun cas se renouveler par la suite, sans qu’une prompte répression ne les arrête.

L’honorable M. Dumortier a demandé si les pièces relatives à cette affaire ont été remises à la justice ; mais vous avez vu par le rapport fait par la section centrale que toutes ces pièces avaient en effet été remises à la justice. Je dois dire qu’elle poursuit avec activité, avec rigueur, et si l’affaire n’est instruite et jugée que dans quelques mois seulement, c’est que vérification complète cher tous les notaires n’est pas encore terminée, et que ce travail exigera encore un certain temps pour être achevé d’une manière convenable.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - Mon honorable collègue vient de démontrer que malgré tous les soins des fonctionnaires de son département il n’a pas été possible de prévenir un grand crime. Il suffira de quelques mots pour prouver que l’administration de la justice a également fait son devoir.

Le comptable a été poursuivi avec la plus grande sévérité ; on a cherché à l’atteindre à l’étranger : dès que l’arrêt de mise en accusation a été rendu, on a fait toutes les diligences pour obtenir l’extradition de l’accusé.

Avant même que la procédure en fût arrivée à ce point, comme il nous était revenu que le comptable était à Paris, par l’intermédiaire de M. le ministre des affaires étrangères, j’ai demandé son arrestation provisoire ; mais il avait déjà fui de la capitale de la France et échappé à la surveillance de la police.

M. Gendebien. - Je ne veux pas insister sur les justes récriminations qu’on a fait entendre, je n’en aurais pas le courage car le fonctionnaire prévaricateur appartient à une famille si honorable, si digne d’estime, que je regretterais d’aigrir les douleurs de cette respectable famille en donnant trop de retentissement à ces méfaits. Je m’arrêterai à une réflexion générale. Je vous avoue que je suis effrayé de la facilité qu’ont les employés de commettre des malversations aussi considérables.

Je doute qu’en augmentant le nombre des contrôleurs et vérificateurs, on arrive au remède désiré ; et je crois qu’il faut autre chose. Je pense qu’en général il n’y a pas assez de sévérité dans les contrôles. Il y a trop d’indulgence, trop de laisser aller dans ces sortes d’opérations qui dégénèrent en camaraderies ; tout finit le plus souvent par des comptes de clerc-à-maître, et jamais on n’apporte la sévérité convenable. Tout se passe ordinairement en conversations obséquieuses, en échange de bons procédés de famille.

Comment se fait-il qu’une fraude aussi considérable ait pu avoir lieu sous les yeux de l’administration ? Elle devait connaître la position de ce fonctionnaire ; tout le monde à Bruxelles la connaissait, et elle seule a voulu l’ignorer ; il n’y a eu dans tout cette affaire de surprise que sur un point, c’était de savoir comment il a pu tenir si longtemps en place ! Cet homme dépensait trois fois plus qu’il ne gagnait et on ne devinait pas quelles pouvaient être ses ressources.

Les employés supérieurs dont l’unique occupation, dont la science spéciale est la vérification, comment peuvent-ils se laisser tromper aussi facilement par des ratures, des surcharges et surtout par des registres faux ou falsifiés ? J’éprouve, je le répète, des inquiétudes sur le zèle de cette administration en présence de tels faits.

En général, cette administration est composée d’hommes instruits, capables, probes, très probes ; je pourrais même dire que tous le sont ; il n’y a que de la négligence ou du laisser-aller à leur reprocher, et quelque peu de camaraderie : eh bien, tout cela peut disparaître si le ministre déploie un peu de sévérité ; il faut qu’il évite les inconvénients des rapports de famille entre les fonctionnaires, ou des rapports d’intimité trop grands ; je voudrais que les inspecteurs et contrôleurs fussent souvent changés de destination, qu’ils se succédassent souvent et inopinément, et par conséquent se contrôlassent mutuellement ; de telle sorte que si un comptable échappait un jour aux vérifications, au moins quelque temps, et à l’improviste, il rencontrât un vérificateur plus exact, ou moins indulgent ; voilà ce que je désire, dans l’intérêt du trésor et des employés eux-mêmes.

J’ajouterai une réflexion au sujet du changement que l’on a opéré dans la recette de l’enregistrement à Bruxelles. J’applaudis à la mesure prise par le ministre, qui a divisé cette recette, surtout si, comme il le dit, la division a été faite de manière que le trésor n’en sera pas lésé.

Vous savez que les rétributions des receveurs de l’enregistrement se font par tantième sur le droit perçu ; or, si ce tantième n’est pas augmenté malgré la division, il n’y a rien à dire à la mesure prise, le trésor ne peut qu’y gagner.

S’il n’y a rien à reprocher dans le partage du bureau, il peut y avoir à blâmer dans la nomination de l’un des deux receveurs.

L’administration de l’enregistrement, en raison de sa spécialité, exige des connaissances qu’on ne peut acquérir que par de longues études et par l’expérience. L’ancienneté établit dès lors des droits acquis : chacun des fonctionnaires de cette administration connaît ses droits et à peu près l’époque à laquelle il arrivera à tel emploi déterminé ; eh bien, je dirai que j’ai vu avec peine que l’on ait nominé un homme très honorable sans doute et très capable, que je connais personnellement, et aux vertes duquel je me plais à rendre justice ; niais il était étranger à l’administration.

Je ne sais jusqu’à quel point il était convenable de le placer dans une administration où il faut des connaissances toutes spéciales et où il faut une longue expérience pour les acquérir. Sa nomination me paraît une faute ; mais c’est une faute réparable ; quelque intelligent qu’on le suppose, il ne peut être que très déplacé pendant longtemps dans l’administration de l’enregistrement, dans laquelle, au bout de vingt ans d’expérience, il reste encore beaucoup de choses à apprendre.

Je voudrais qu’on eût placé cet honorable fonctionnaire ailleurs, dans des fonctions tout aussi honorables, car à la recette de Bruxelles il occupe la place d’un autre. Je n’en dirai pas davantage, et je désire que la leçon donnée par le fonctionnaire prévaricateur profite à l’administration, et qu’elle mette la plus grande sévérité dans les vérifications des opérations des comptables et dans le contrôle de ceux qui sont chargés de vérifier.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois répondre quelques mots à l’honorable préopinant.

Quant à ce qu’il a dit en général relativement à la camaraderie, il peut y avoir y avoir parfois quelque chose de réel, et je me propose de ne pas perdre de vue les réflexions qu’il a faites sur ce point. Cependant, les fonctionnaires de l’enregistrement sont des hommes instruits, intègres et qui, en général, pour ne pas dire tous, vivent d’une manière fort honorable et sont estimés des honnêtes gens.

Relativement aux faits de prévarication dont il s’agit spécialement dans cette discussion, je les ai expliques tout à l’heure : ces faits étaient d’une nature telle qu’ils dépassaient toutes les précautions que l’expérience indiquait de prendre.

Il fallait cette leçon, trop forte, il est vrai, pour que l’on apprît la possibilité de tenir des registres faux et en faire un tel usage.

En ce qui concerne les vérificateurs qui ont examiné la comptabilité du receveur de Bruxelles, je dirai que ce ne sont pas toujours les mêmes qui ont été chargés du travail de la vérification ; plus de sept ou huit vérificateurs ou inspecteurs ont examiné cette comptabilité depuis l’époque où ont commencé les malversations. Malheureusement, malgré leur zèle, et quoiqu’ils n’eussent aucun lien qui les attachât au comptable, les faits de prévarication leur ont échappé.

Il fatal maintenant que je justifie la nomination des deux receveurs de Bruxelles, dont on a parlé. Je ne parlerai plus de l’opportunité de la division du bureau des actes civils, il n’est pas contesté que cette mesure sera utile au trésor. Mais, dit-on, j’ai placé comme receveur, à une fraction de ce bureau, un homme étranger à l’administration. Je répondrai que c’est là une erreur. Les agents forestiers font partie de la même administration des domaines et de l’enregistrement, et je ne fais pas de distinction, sous le rapport des titres et des droits, entre les agents de l’enregistrement. Il y a, il est vrai, une différence entre eux, quant aux connaissances acquises, quant aux études spéciales. Mais lorsqu’un homme est jeune, zélé, assidu au travail ; quand il a des notions élémentaires suffisantes, quelques connaissances en législation, il peut acquérir en peu de temps les connaissances nécessaires à un receveur de l’enregistrement ; un tel homme peut au bout d’un an, étant aidé d’abord de bons commis, acquérir une expérience aussi étendue que celle de plus d’un receveur qui aurait été pendant 25 ans dans l’administration de l’enregistrement.

Le fonctionnaire dont il est question n’est pas neuf dans l’administration de l’enregistrement et des domaines ; il y occupait une place plus élevée que celle que je me suis vu forcé de lui donner pour ne pas le laisser sur le pavé.

Il était en dernier lieu inspecteur des forêts à Bruxelles ; cette inspection ayant été regardée par la chambre comme étant une sinécure, et m’étant trouvé à peu près de la même opinion, il fallait bien supprimer cette inspection, aussi l’ai-je fait aussitôt que je l’ai pu ; mais ce n’était pas tout : pour être juste, je devais ensuite replacer le fonctionnaire, et j’en ai saisi l’occasion en l’appelant à la recette de Bruxelles. Lui a-t-on donné par là des avantages pécuniaires ? Non ; les remises de la recette totale qui produisait douze à treize mille francs ont été partagés inégalement ; les quatre neuvièmes de ces remises ont été attribués à l’ex-inspecteur forestier ; les cinq autres neuvièmes ont fait la part de l’autre receveur.

Or, ce dernier, qui a les cinq neuvièmes, compte trente années de service : il a demandé à venir à Bruxelles comme une faveur, quoiqu’il perdît environ 600 fr. sur ses remises par ce déplacement ; mais il a cru trouver une compensation à cette perte en se rapprochant de sa famille. Au reste il est inutile que j’en parle davantage ; on n’a rien dit de ce qui le concerne, et il ne s’agissait que de l’autre fonctionnaire dont je crois voir bien justifié la nomination.

On a dit qu’il y avait eu réclamation contre ces nominations ; je ne puis y croire, et je dirai que je trouverais fort mauvais que des employés de l’enregistrement se récriassent contre cette nomination, car le fonctionnaire choisi méritait de l’être : force était de le replacer. Je suis convaincu qu’il fera honneur à l’administration. Et je ne doute même pas qu’au bout de quelques années il ne soit un des fonctionnaires les plus distingués de la branche d’administration où il est maintenant rangé.

M. Pollénus. - Les ministres ont très bien prouvé que depuis le départ de l’employé coupable, tout a été fait pour découvrir l’étendue de son crime ; mais, comme l’a fait observer M. Gendebien, je ne crois qu’on s’y soit pris à temps pour se saisir de sa personne.

M. Gendebien. - Je n’ai pas parlé de cela.

M. Pollénus. - Quant à moi, j’en suis convaincu.

Puisque des bruits circulaient dans la capitale de la Belgique sur le mauvais état des affaires de cet employé, comment était-il possible de ne pas élever des doutes sur sa gestion ?

J’ai pris la parole pour combattre la demande faite par le ministre des finances, qui s’empare de l’événement pour réclamer un plus grand nombre de vérificateurs.

Messieurs, si nous examinons le fait dont il s’agit ici, je ne pense pas qu’on puisse y puiser des considérations propres à justifier cette augmentation de personnel ; en effet, le ministre des finances nous a dit que les soustractions faites au bureau de Bruxelles dataient d’environ cinq années, que plusieurs vérifications successives avaient été faites par des vérificateurs différents sans qu’elles aient amené aucune découverte. Ainsi il y avait assez de vérificateurs, mais il manquait de vérificateurs capables.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je demande la parole.

M. Pollénus. - « Mais, dit-on, la soustraction des feuilles des registres est un événement si extraordinaire qu’on ne pouvait pas s’y attendre. » Eh ! quelles sont donc les fonctions des vérificateurs ? Ne doivent-ils pas entrer dans les moindres détails ? Quelle opinion peut-on se former de ces fonctionnaires lorsqu’on voit, non qu’il leur échappe quelquefois des erreurs de calcul, mais qu’ils ne s’aperçoivent pas de la suppression de feuilles des registres ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce n’est pas cela : il y avait des registres faux, d’autres registres.

M. Pollénus. - Eh bien, je dis que, si les vérificateurs n’ont pas découvert que des registres étaient faux, ou qu’il en avait été supprimé, ce n’est pas manqué de vérificateurs, niais c’est à cause de leur peu d’exactitude. Je n’en dirai pas davantage ; je ne veux inculper personne. Toutefois, on conviendra qu’ils vérifient très mal lorsqu’ils ne reconnaissent pas de semblables fraudes, malgré les différents moyens qu’ils ont à leur disposition pour se guider dans leur travail ; et qu’il est désirable, non que le nombre des vérificateurs soit augmenté, mais qu’ils vérifient mieux.

Je présenterai aussi à l’attention de la chambre une considération qui mérite de captiver un moment son attention ; le personnel de l’administration présente, en général, beaucoup de garanties, tant sous le rapport de la moralité que sous celui de l’instruction ; d’un autre côté bien des difficultés qui existaient autrefois dans l’application des lois de finance, ont aujourd’hui disparu. Il me semble, par conséquent, que le travail doit être maintenant plus facile, et que ce n’est pas le moment de reconnaître la nécessite d’une augmentation de personnel. Si donc il est démontré que le fait dont M. le ministre semble s’étayer, pour soutenir cette nécessité, n’en est pas une preuve, je crois que, par cela même, il est prouvé qu’il n’y a nul besoin d’un personnel plus nombreux. Ainsi, selon moi, nous aurions mauvaise grâce d’ajouter à la perte qui est résultée, pour le trésor, de la disparition de l’employé dont il s’agit, une autre perte, en allouant au budget un crédit pour une augmentation de personnel qui, à mon avis, n’est nullement justifiée.

J’applaudis à la pensée du ministre des finances d’opérer, là où le besoin du service pourra l’exiger, des divisions dans le travail des bureaux ; si M. le ministre prend des renseignements sur tous les points du royaume relativement à l’état du service dans son département, il trouvera peut-être moyen d’y introduire encore d’autres améliorations ; je ne les indiquerai pas ici, n’ayant pris la parole que pour réfuter ce qui a été dit à l’appui de la nécessité d’augmenter un personnel que je crois suffisant, bien entendu lorsqu’il s’acquitte de ses devoirs comme il convient qu’il le fasse.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Pollénus a inféré de ce que j’ai dit que les manœuvres, commises par le receveur dont il est question, ont eu lieu pendant ou six ans, qu’il y a existé assez de vérificateurs, mais pas de bons vérificateurs. Eh bien, messieurs, je vais démontrer jusqu’à l’évidence que c’est faute d’un nombre suffisant de vérificateurs que ces fraudes n’ont pas été découvertes plus tôt.

Les vérificateurs et les inspecteurs de l’enregistrement se transportent d’abord dans les bureaux des receveurs, pour y contrôler les registres et y examiner si les perceptions ont été bien opérées, si la loi a été bien exécutée, s’il n’a pas été perçu trop, ou si tout a été perçu ; et à cet égard vous savez que la rectification est de droit, mais qu’elle doit se faire endéans le terme de deux années, sous peine de prescription : ainsi pendant deux ans ces fonctionnaires n’étant pas assez nombreux se sont exclusivement occupés à Bruxelles à vérifier les registres de perception chez le receveur et chez le conservateur des hypothèques, pour ce qui concerne l’inscription des actes passés sous seing-prive ; ils ont donc consacré le terme de deux années et même au-delà, pour examiner s’il avait été bien opéré en matière d’enregistrement, au bureau de Bruxelles, de telle sorte qu’il a dû, par la force des choses, s’écouler un temps considérable, avant qu’il ait pu être opéré les investigations nécessaires chez les notaires pour arriver au contrôle de l’enregistrement des actes déposés chez eux avec les écritures tenues ou censées tenues pour les mêmes actes par le receveur qui y avait apposé la mention de l’enregistrement et de la perception des droits.

Voilà, messieurs, ce qui me prouve que si nous avions eu plus de vérificateurs, nous serions parvenus plus tôt à la connaissance des faits dont on aparté, puisque c’était la vérification (forcément retardée par l’insuffisance du personnel) chez les notaires qui devait finir par mettre sur la trace des concussions.

Messieurs, mon honorable collègue le ministre de la justice veut vous donner une explication au sujet de l’observation faite par un honorable préopinant, que le coupable aurait pu être saisi, après qu’on avait déjà découvert quelques-unes de ses prévarications ; je vais lui céder la parole.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - L’honorable député du Limbourg, en parlant du fonctionnaire prévaricateur et faussaire, a supposé qu’on n’avait pas fait la diligence nécessaire pour saisir le coupable.

Messieurs, je proteste contre cette supposition. La justice n’a eu connaissance des faits que par la disparition même du receveur, et n’a rien négligé pour constater le crime et pour se saisir de son auteur. J’ai veillé personnellement à ce que cette poursuite eût lieu avec la plus grande sévérité, mais je l’ai fait, je l’avoue, avec beaucoup de regret ; car, autant j’avais de mépris pour le fonctionnaire prévaricateur, autant j’avais d’estime et de considération pour sa famille, qui compte dans son sein les hommes les plus honorables, appartenant à la magistrature et à l’armée.

M. Pollénus. - Je demande la parole pour un fait personnel.

Je dois déclarer que M. le ministre de la justice a mal saisi mes paroles, ou je me serai mal expliqué.

Loin de moi le pensée d’accuser la justice d’avoir usé d’indulgence ; j’ai seulement constaté un fait, qui avait été allégué par plusieurs préopinants, et que le ministre des finances n’a pas contredit, savoir qu’on avait eu depuis longtemps des doutes sur la fidélité du fonctionnaire, et qu’on n’avait pas procédé très activement à la vérification de ses registres.

C’est dans ce sens que j’ai dit que si on avait fait des recherches plus promptes, on aurait peut-être été à même d’activer les poursuites dirigées contre le fonctionnaire. Mais je n’ai nullement eu l’intention d’inculper la justice ; j’appartiens a cette administration depuis de longues années, et je connais trop bien les intentions qui la dirigent.

M. Dumortier. - Je dois quelques mots de réponse à ce qu’a dit M. le ministre des finances, lorsqu’il a avancé que j’avais voulu jeter du doute sur quelques parents du fonctionnaire dont il s’agit.

Je me suis borné à poser ce dilemme : de deux choses l’une, ou bien il y a eu connivence, ou bien il y a eu mollesse dans l’accomplissement des devoirs. Et remarquez que, par le mot connivence, je n’entends pas que les parents aient partagé les bénéfices du trésor, mais qu’ayant été informés du déficit, ils ont fermé les yeux. Or, il y a une grande différence entre poser un dilemme, et se prononcer pour l’une des parties de ce dilemme.

Quant à moi, je reste de plus en plus convaincu que l’administration n’a pas fait son devoir ; en effet, le ministre nous a dit que la recette s’élevait à 1,200 mille francs, et une pareille recette exige un grand nombre d’écritures et d’employés.

Il paraît donc impossible que les registres que le receveur présente à la vérification aient été entièrement de sa main ; s’il en eût été ainsi, cela devait donner l’éveil aux vérificateurs qui devaient se faire reproduire les registres-minutes tenus par les employés. Et si le receveur se bornait à intercaler quelques pages dans les registres tenus par ses employés, alors les inspecteurs et les vérificateurs devaient reconnaître son écriture, et être ainsi sur les traces de la fraude.

Je persiste à dire que la loi n’a pas été exécutée.

M. Gendebien. - Je n’insisterai que sur un point. Il est inexact de dire que fonctionnaire auquel j’ai fait allusion fasse partie de l’administration de l’enregistrement, parce qu’il appartenait à l’inspection des eaux et forêts. Ces deux administrations n’ont jamais eu d’autres points de contact que la réunion de la recette des domaines aux bureaux de l’enregistrement dans les localités où il y avait des domaines. La recette des domaines n’a jamais été considérée que comme un accessoire temporaire et accidentel à l’administration de l’enregistrement. Il ne pouvait en être autrement, il serait même absurde de confondre deux choses aussi distinctes. En effet, du jour au lendemain on peut faire un fort bon receveur des domaines ; mais il en est tout autrement d’un bon employé de l’enregistrement : des études assidues, une longue expérience peuvent seules former un employé supérieur de l’enregistrement. On conçoit dès lors le danger de confondre l’administration de l’enregistrement avec toute autre administration ; on conçoit la nécessité de respecter et les droits acquis par l’étude de matières spéciales ; on conçoit la nécessité de ne pas décourager par des passe-droits ou des nominations d’étrangers à l’administration.

Si j’insiste sur ce point, c’est que j’ai trouvé justes les réclamations qui m’ont été adressées ; s’il n’en est pas parvenu au ministre, c’est que les employés craignent d’indisposer leur chef et d’encourir des disgrâces. Je crois au surplus que le moment était mal choisi pour décourager l’administration de l’enregistrement.

Je répète ce que j’ai déjà dit, mes observations n’ont rien d’hostile pour l’honorable ex-fonctionnaire des eaux et forêts ; au contraire, et j’aime à le répéter, il est sous tous les rapports digne de confiance, et il a mon estime. Je désire, dans son intérêt comme dans celui de l’administration qu’il soit pourvu d’autres fonctions, qui l’exposeront moins à une responsabilité fort inquiétante pour lui.

M. Zoude, rapporteur. - L’honorable M. Jadot, juge compétent sur la matière, a déclaré que connaissant le mécanisme de l’enregistrement, le délit n’aurait pas été commis s’il y avait eu le nombre suffisant de vérificateurs dans le Brabant.

Aujourd’hui le gouvernement vous demande les moyens d’établir un nombre plus considérable de vérificateurs. Du reste, il a été reconnu que les agents du gouvernement n’avaient aucun reproche à encourir dans cette affaire.

Nous engageons M. le ministre à faire opérer une surveillance plus fréquente sur les comptables. C’est aussi bien dans leur intérêt que dans celui du trésor. Il convient de mettre leur inexpérience en garde contre les séductions dont ils sont l’objet dans la capitale. Ce n’est pas à Bruxelles seulement que ce fait s’est présenté.

Dans une capitale plus considérable, il y a quelques années, la disparition d’un comptable a occasionné à l’Etat un déficit de quelques millions.

Peut-être avons-nous un reproche à nous faire en cette occasion, d’avoir refusé l’allocation demandée l’année passée par M. le ministre des finances pour l’augmentation du personnel des vérifications de l’enregistrement. Le délit qui a été découvert il y a quelques mois, aurait été réprimé plus tôt.

M. Pirmez. - La question de la prescription des inscriptions a causé beaucoup d’embarras dans le pays. La loi française faisait périmer les inscriptions au bout de dix années. Le gouvernement hollandais a changé cette mesure. Les inscriptions subsistent pendant l’espace de 30 ans ; elles ne sont arrêtées que par la prescription ordinaire. Cette situation rend impossible le dégrèvement des propriétés foncières hypothéquées.

Une infinité d’inscriptions se trouvent sur le registre du conservateur des hypothèques, qui ne donnent réellement aucun droit aux propriétaires.

Il arrive souvent que dans l’espace de trente années, le titulaire de l’inscription vient à mourir. Ses héritiers sont dispersés. De là naissent mille difficultés pour faire radier l’inscription.

Si le gouvernement veut que la radiation des Inscriptions soit possible, il faut qu’il prenne une mesure législative. Je crois qu’il faudra en revenir à la prescription décennale telle qu’elle existe d’après la loi française. Quant à moi, je déclare ne pas vouloir prendre l’initiative dans une matière aussi délicate.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La matière que vient de toucher l’honorable membre, comme il l’a dit, est extrêmement délicate. Quelque difficile qu’elle soit, cependant le gouvernement n’a pas reculé devant la tâche qui lui incombait à cause des réclamations sérieuses qui lui ont été adressées.

Mon honorable collègue M. le ministre de la justice a formulé un projet de loi sur les hypothèques. Il l’a envoyé à mon département pour le faire examiner dans ses rapports pratiques. Je me suis empressé de demander sur cette grave question tous les renseignements possibles ; je les attends en ce moment, et lorsqu’ils me seront parvenus, je les soumettrai à mon honorable collègue.

Nous pourrons alors présenter un projet de loi qui répondra au vœu exprimé par l’honorable préopinant.

M. Gendebien. - Je ne veux pas entrer dans la discussion aussi grave question. Cependant je prierai M. le ministre des finances de bien peser le pour et le contre du système actuel. Pour moi je le préfère à l’ancien. Une seule considération suffira. Tous les titres de rentes se prescrivent en 28 ans. Il faudrait, d’après l’ancien système, 3 renouvellements pour cette prescription.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les honorables préopinants ont paru croire que l’inscription hypothécaire est périmée au bout de 30 ans, en vertu de la législation existante. Il importe de rectifier cette assertion pour qu’il ne surgisse pas de doute à cet égard dans le pays ; je ferai donc remarquer que l’inscription est perpétuelle dans les cas où la prescription ordinaire est interrompue.

M. Gendebien. - Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien observer que toute action est périmée au bout de 30 ans.

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - (Erratum inséré au Moniteur belge n°82, du 22 mars 1836 :) Ne confondons pas l’hypothèque avec l’inscription : l’hypothèque est temporaire, tandis que l’inscription est perpétuelle. L’hypothèque s’éteint par la prescription ; il n’en est pas de même de l’inscription. Il est vrai que si l’hypothèque est prescrite, l’inscription tombe aussi. Cela provient de ce que l’inscription ne peut exister sans hypothèque. Mais si la prescription de l’hypothèque est interrompue par une cause quelconque, l’inscription subsiste même après les trente ans écoulés sans renouvellement, sans aucun acte conservatoire.

- La somme de 357,400 fr. 40 c. mise aux voix est adoptée.

Article 2

« Art. 2. Traitement des employés du timbre : fr. 40,700 fr. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Traitement des employés des domaines : fr. 33,800. »

La section centrale propose une réduction de 1,950 fr. par suite d’un transfert au budget de l’intérieur.

Le chiffre se trouve réduit à la somme de 31,850 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie à la réduction proposée par la section centrale, réduction qui n’est que le résultat d’un transfert de crédit au budget de l’intérieur pour les employés des archives domaniales ; mais j’ai une augmentation à proposer et que les développements suivants vont justifier.

Lorsque j’ai eu l’honneur de présenter le budget le 10 novembre dernier, je disais que dans le prix des bateaux à vapeur destinés au service de la Tête-de-Flandre, qui figure au budget pour la moitié, ne figuraient pas les frais d’exploitation, parce que le gouvernement ne savait pas s’il mettrait cette exploitation en régie ou s’il la livrerait à une entreprise particulière.

Je pense qu’il convient d’essayer d’abord le système de régie, afin d’obtenir une expérience qui permette de relaisser ensuite avec connaissance de cause le service entre la Tète-de-Flandre et Anvers, en entreprise, avec avantage pour le pays.

Voici les modifications que j’ai l’honneur de proposer à la chambre.

Au budget présenté le 10 novembre dernier, figurait une somme de 10,000 fr. demandée pour le service de la Sambre canalisée, somme adoptée par la section centrale.

Depuis que le service a été organisé, il s’est trouvé que 8,800 fr. seulement ont été nécessaires, attendu que le receveur principal sera payé sur les remises des receveurs. Il y a donc une réduction possible de 1,200 francs sur la somme demandée approximativement, alors que nous n’avions pas encore les éléments exacts de la dépense de ce nouveau service.

Le service du personnel du bateau à vapeur destiné au passage de la Tête-de-Flandre coûtera annuellement 9,851 fr.

La somme sera répartie de la manière suivante :

- Traitement du capitaine faisant les fonctions de receveur, fr. 1,693.

- Traitement du machiniste, fr. 2,160

Il a été impossible de trouver une machine à moins de 180 fr.

- Premier chauffeur, pouvant remplacer le machiniste au besoin, fr. 762

- Deuxième chauffeur, fr. 653

- 5 matelots à 545 fr., 2,225

- Ouvriers, etc, 545

- etc.

J’entends un honorable membre demander si le tarif de passage ne sera pas modifié. Je le prierai de différer cette question jusqu’à la discussion de l’annexe au budget des voies et moyens où elle trouvera mieux sa place.

- La somme de 40,501 francs est mise aux voix et adaptée.

Article 4

« Art. 4. Traitements des agents forestiers ; fr. 257,470 »

La section centrale propose 255,970 francs.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai déjà consenti à la réduction proposée par la section centrale. J’ai apporté dans le service forestier toutes les économies dont il est susceptible ; 15 mille francs réduits sur une somme aussi peu élevée que celle de la dépense du service forestier sont une diminution énorme ; aussi ne pourrai-je probablement plus la pousser plus loin.

Comme il a été fait sur l’allocation de 10,000 fr. pour le service de la Sambre une économie de 1,200, au lieu de 9,851 fr., je ne demande que 8,651 fr.

Le chiffre en discussion se trouverait porté ainsi, avec la dépense du personnel pour le bateau à vapeur, à la somme de 40,501 fr. ; lorsque nous serons arrivés au matériel, je demanderai également une allocation nouvelle, laquelle, ainsi que celle de 9,851 fr. pour le personnel, sera compensée par une somme de 36,000 fr. à porter comme annexe au budget des recettes.

- Le chiffre de 255,970 est mis aux voix et adopté.

Articles 5 et 6

« Remise des receveurs : fr. 733,000. »

- Adopté.


« Remise des greffiers : fr. 36,000. »

- Adopté.

Article 7

« Art. 7. Frais de bureau de directeurs : fr. 18,000. »

La section centrale propose sur cet article une réduction de 3,000 fr.

M. Zoude, rapporteur. - La section centrale a proposé la réduction de cette somme, parce qu’elle est une majoration sur le chiffre des précédents budgets et que cette majoration n’a pas été justifiée.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dois donner quelques explications pour justifier le chiffre que j’ai proposé.

La somme de 18,000 est réellement nécessaire pour les frais de bureau des directeurs. A la vérité, dans ces 18,000 fr., il y en a 3,000 qui peuvent être considérés comme dépense extraordinaire. Il y a eu surcroît de travail dans les différentes directions à raison de l’apurement de l’ancien contentieux de la partie domaniale, qu’il faut bien terminer.

Jusqu’en 1835 inclusivement on avait accordé 18,000 fr. pour frais de bureau des directeurs. En 1834, on a supprimé 3,000 fr. ; mais ces 3,000 fr. ont été retranchés sur l’ensemble de l’article qui comprenait, outre ces frais de bureau, un grand nombre d’autres spécialités différentes ; il a donc été possible de prendre les 3,000 fr. sur l’ensemble de l’article. En 1835, il est vrai que l’on n’a pas demandé plus de 15,000 fr. ; mais l’administration a été obligée de pourvoir à des dépenses d’employés extraordinaires jusqu’à concurrence de la même somme de 3,000 fr.

C’est cette dépense extraordinaire prise sur le chiffre des dépenses imprévues qui a été regardée comme mal appliquée par la section centrale, attendu qu’elle se rattachait effectivement à des dépenses prévues. On reconnaîtra cependant qu’il est vrai de dire que cette dépense de 3,000 fr., étant en réalité extraordinaire et temporaire, pouvait être imputée sur le crédit des dépenses imprévues.

Il est indispensable aujourd’hui d’accorder le crédit ; car si on le refusait, je ne croirais plus pouvoir en prendre le montant sur les fonds des dépenses imprévues, et je serais obligé ainsi de le faire prendre aux dépens des directeurs, en faisant une réduction au marc le franc sur leurs appointements.

- L’art. 7, « frais de bureau des directeurs, » est adopté avec le chiffre de 18,000 fr.

Article 8

« Art. 8. Matériel ; fr. 26,000. »

La section centrale propose une réduction de 3,500 fr,

M. le président. - M. le ministre des finances se rallie t-il à cette réduction ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Oui, M. le président ; je puis me rallier à cette réduction, et voici pourquoi : Le premier des développements de l’article 8 porte : « Location, feu et lumières de l’atelier général du timbre ; » or, comme vous avez voté hier une somme pour l’acquisition d’un bâtiment, je pense donc que, dans quelque temps, nous serons déchargés du loyer à payer pour l’atelier général du timbre, et que je pourrai prendre sur le prix de ce loyer le supplément que j’avais demandé pour les frais d’emballage, ports de lettres et paquets, lesquels s’élèvent aujourd’hui beaucoup au-delà de ce qui est destiné dans le budget pour les couvrir.

Je crois toutefois pouvoir dire dès maintenant qu’il ne sera pas nécessaire de demander une majoration en 1837 pour le port des paquets aux directeurs de l’enregistrement. Cette dépense se trouvera réduite par l’organisation du service de la poste rurale, lequel prendra à sa charge le paiement de la plupart des messagers payés aujourd’hui sur le crédit que nous discutons en ce moment.

Je pense donc que la somme de 22,500 fr. pour le total de l’article est suffisante pour 1836, et qu’il ne sera pas même nécessaire de demander plus pour 1837.

- L’art. 8, « matériel, » est adopte avec le chiffre de 22,500 fr.

Article 9

« Art. 9. frais de poursuite et d’instance : fr. 55,000 »

- Adopté.

Article 10

« Art. 10. Dépenses des domaines : fr. 151,922 22 c. »

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est ici que je dois demander une augmentation de 26,790 fr. pour le matériel nécessaire au service du passage de la Tête-de-Flandre.

Voici la répartition de cette somme :

- Entretien des objets d’armement, fr. 1,650

- Entretien des machines, fr. 1,300

- Entretien de la coque du navire, des aubes, calfatage général une fois l’an, fr. 1,500

- Achat de 693,500 kil, de houille à raison de 1,900 kil. par jour et de 30 fr. par 700 kil., fr. 20,805

- Achat de pelles et balais pour les embarcadères, fr. 35

Réparations extraordinaires aux embarcadères, etc., fr. 1.500

Total, fr. 26,790

Vous remarquerez que cette somme est assez considérable. Cependant, je suis convaincu qu’elle sera, ainsi que les 9,000 fr. que vous avez votés tout à l’heure pour le personnel du bateau à vapeur, couverte et au-delà par les recettes.

Ce sera dans cette prévision que j’aurai l’honneur de proposer plus tard une annexe au budget des recettes.

M. Desmet. - Je dois dire que les habitants du district de St-Nicolas se plaignent avec raison du prix élevé du passage à la Tête-de-Flandre. Du temps des Français, on ne payait que 10 centimes. Maintenant on en paie 17 ; c’est vraiment exorbitant. On me dira que les jours de marché on ne paie que 1/2. Mais vous savez que l’on se rend à Anvers d’autres jours que les jours de marché et pour autre chose que l’achat ou la vente des denrées.

Je crois qu’on devrait diminuer ce tarif, et pour le moins l’abaisser au taux où il était sous le régime français, c’est-à-dire à 10 centimes. Quand il y avait un pont volant, la concurrence existait, car de petites embarcations transportaient des passagers. Aujourd’hui, il y a monopole ; le gouvernement seul a le passage. Il est vrai que nous devrions être habitués à voir le gouvernement exercer des monopoles ; mais je ne pense pas qu’on parvienne jamais à introduire ce système de monopole dans nos mœurs et nos usages.

Je reconnais l’utilité du bateau à vapeur, mais je pense qu’il serait utile qu’il y eût, indépendamment de cela, de petites embarcations qui transportassent des passagers.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’avais fait observer que je donnerais des explications sur le tarif lorsque nous en serions à l’article des recettes que j’ai annoncé, mais je me détermine à en dire quelques mots maintenant puisque l’on vient d’en parler ; la discussion y gagnera plus tard.

Je pense avec l’honorable préopinant, ainsi que d’autres députés des Flandres et de la province d’Anvers, que le tarif actuel du passage de la Tête-de-Flandre est réellement trop élevé. Pour en donner une idée, je dirai que le passage sur le dessus du navire coûte 17 centimes ; et, d’après le rapport qui m’est parvenu du gouverneur et de la députation des états d’Anvers, il faudrait réduire te taux du passage sur le pont à 10 centimes. Je pense que même dans l’intérêt de la recette il conviendrait de m’autoriser k baisser le tarif. Aussi, quand nous arriverons à m’autoriser à baisser le tarif. Aussi, quand nous arriverons à l’annexe des recettes, je demanderai une simple modification conçue en ces termes :

« Le ministre est autorisé à diminuer le tarif du passage de la Tête-de-Flandre. »

Je pourrai de cette manière faire droit aux observations des autorités locales et provinciales.

M. Smits. - J’avais demandé tantôt la parole pour faire remarquer l’exorbitance du tarif actuel. Ce n’est pas 17 centimes qu’on paie pour être sur le pont, mais 17 cents, 34 centimes. Il est impossible que les campagnards de la Flandre orientale qui se rendent au marché d’Anvers, continuent à être assujettis à un impôt aussi considérable. Autrefois le tarif du passage d’eau était de 10 centimes.

Puisque le ministre se propose de diminuer le tarif, je lui soumettrai une observation sur le mode d’adjudication du passage d’eau, qui appartient par indivis à la ville d’Anvers et à un particulier. Laissant de côté cette question de propriété, je dirai qu’il existait un ancien cahier des charges d’après lequel l’adjudication du passage se faisait, pour un certain nombre d’années, à celui qui offrait le tarif le plus bas, tandis que maintenant un tarif est rédigé par l’administration, et on adjuge le passage à celui qui propose de rendre davantage au trésor public.

Autrefois on déclarait adjudicataire celui qui offrait les conditions les plus avantageuses au public. J’engagerai M. le ministre des finances à examiner si ce mode d’adjudication, qui serait le plus conforme aux intérêts de ceux qui doivent passer à la Tête-de-Flandre, ne pourrait pas être appliqué. Je laisse cela à sa sollicitude, et je saisis cette occasion pour le remercier des soins qu’il a apportés à l’établissement du service dont il s’agit.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Quand il s’agit de communications qui ont pour objet de rattacher une partie du pays à l’autre, il ne faut pas que l’administration des finances fasse une spéculation du monopole qui lui est attribué. C’est ainsi que, pour le passage d’eau à la Tête-de-Flandre, je pense que, sauf meilleur avis, les observations de M. Smits pourraient être admises. Le bateau à vapeur coûtant 141 mille francs, on en calculerait l’intérêt à 5 ou 6 p. c, et on dirait aux entrepreneurs : Vous nous donnerez cette somme après avoir concouru ail rabais sur le tarif du passage. L’administration serait sûre, non pas de faire du lucre, car ce n ‘est pas ce qu’elle doit chercher, mis de recevoir l’intérêt de l’argent qu’elle aurait avancé. De cette manière on faciliterait singulièrement les communications entre ces parties intéressantes de la Belgique.

J’entends qu’on me dit : Et qui pourvoira aux frais d’entretien ? Cela sera prévu dans les obligations de l’entrepreneur. Il rendra telle somme représentant l’intérêt du capital avancé, et il devra outre cela entretenir d’une manière déterminée le bâtiment et le rendre, à l’expiration du bail, dans l’état où il l’aura reçu, sauf à payer la moins-value s’il y avait détérioration.

M. Legrelle. - Je reconnais que cette affaire est toute administrative, mais je crois devoir dire que j’abonde dans l’opinion du ministre des finances sur la manière dont il entend faire adjuger le passage de la Tête-de-Flandre. Je ne veux pas que le gouvernement perde une obole, soit sur l’intérêt du capital qu’il avance, soit sur l’entretien du bâtiment ; mais je crois aussi que le gouvernement ne doit pas chercher à faire des bénéfices sur des voies de communication qui intéressent l’agriculture, le commerce, l’industrie et les rapports entre deux provinces. Si le gouvernement donne suite au projet indiqué par l’honorable M. Smits, il est certain que le tarif sera, non pas de 10 centimes sur le pont, mais de 5. Sous le gouvernement hollandais le tarif avait été établi dans un but fiscal, et non dans l’intérêt des passagers. Mais je vois avec plaisir que le ministre adopte un système contraire, un système favorable à l’industrie et au commerce.

M. Gendebien. - Quand M. le ministre s’occupera de rédiger son tarif, je l’engage à faire peser la charge sur ceux qui ont le moyen de payer. Je demande qu’on fixe au plus bas prix possible les places sur le pont, et qu’on prélève un impôt sur la vanité de ceux qui veulent avoir les premières places, et surtout qu’on exige au fort péage pour les voitures suspendues. Il y a des personnes qui ont plutôt le moyen de payer 5 fr. qu’un malheureux ouvrier de payer 5 centimes. Je prie le ministre de prendre ces observations en considération.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce sera dans cet esprit que le tarif sera rédigé. C’est aussi dans ce sens que sont conçus les avis du gouverneur et de la députation.

On porte à un taux assez élevé les places les plus agréables et recherchées par la vanité ; on propose, je crois, de les fixer à cinq fois le taux des moindres places. Peut-être sera-t-il possible d’augmenter la proportion. C’est ce que j’examinerai. (Aux voix ! aux voix !)

M. Zoude, rapporteur. - Je demande le renvoi à la section centrale. (Non ! non !)

M. le président. - M. le ministre propose une augmentation de 26.790 fr., ce qui porterait le crédit de l’art. 10 à 178,712 fr. 22 c.

- Cet article ainsi augmenté est mis aux voix et adopté.

Article 11

« Art. 11. Frais d’exploitation de la houillère de Kerkraede : fr. 140,000. »

- Adopté.

Chapitre V. Administration des postes et messageries

Article premier

« Art. 1er. Traitement des employés. »

Le gouvernement demande 293,250 fr. .

La section centrale n’accorde que 289,000 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’augmentation que je demande est destinée à payer des facteurs et des boîtiers. On doit établir quatre facteurs, un pour chacun des faubourgs de Bruxelles à raison de 800 fr. chacun, pour y transporter les lettres sans rétribution supplémentaire. Aujourd’hui on paie 10 centimes par lettre en sus du port ordinaire de la poste par suite de conventions conclues entre les messagers et les autorités locales, et c’est sur le produit de cette surtaxe que les facteurs reçoivent leur salaire.

C’est pour que tous les habitants de Bruxelles et de ses faubourgs soient mis sur la même ligne et soient considérés, par rapport à la poste, comme faisant partie de la ville, que je demande à pouvoir établir quatre facteurs qui transportent les lettres aux habitants des faubourgs sans rétribution supplémentaire.

Pour Gand, et particulièrement pour Anvers, où le rétablissement du service avec la Hollande nécessitait une seconde distribution dans la journée, il a fallu un facteur de plus ; et en outre on a réclamé deux boîtes de plus pour Gand et Anvers. Il en a été établi une de plus à Namur. Voilà pourquoi j’ai demandé une augmentation, et cette augmentation me paraît justifiée.

M. Zoude, rapporteur. - Les renseignements que l’administration des postes nous a transmis sont insuffisants, incohérents ; ils ne donnent aucune lumière. Nous avons pensé qu’une somme de 3,000 fr. était suffisante. Il est pénible de voir que l’administration des postes se soit expliquée d’une manière à inspirer presque des soupçons sur l’emploi qu’elle fait des fonds du trésor.

M. Legrelle. - Ce que je puis affirmer, c’est que l’administration des postes marche bien, et que son service n’a jamais mieux marché. Toute augmentation pour les postes ne peut être improductive, car plus on étend ce service et plus il donne de revenus. Nous avons fait différentes améliorations à cette administration, et je suis persuadé qu’elles ont profité au trésor ; le ministre pourrait nous donner une idée de l’élévation successive des recettes.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me proposais de présenter, lorsque nous en serions à l’article du transport des dépêches, quelques détails sur les améliorations successives que j’ai apportées dans le service des postes ; je le ferai dès maintenant puisque l’on m’a amené sur ce point, en me restreignant toutefois, pour abréger la discussion, aux améliorations les plus saillantes.

Messieurs, nous avons maintenant quatre fois par semaine des relations avec l’Angleterre, au lieu de deux ; nous avons le transit des lettres d’Angleterre et de France dirigées sur l’Allemagne et réciproquement, transit que nous avions perdu depuis 1830 et que nous avons récupéré par un traité avec la Prusse fait il y a quelques mois.

Les communications postales sont rétablies d’une manière satisfaisante avec la Hollande, et j’espère que bientôt nous profiterons du transit des lettres de ce pays pour la France et de celles de ce royaume pour la Hollande.

Toutes les modifications faites dans le service du transport des dépêches ont apporté une accélération de 24 heures pour les lettres belges qui vont à Berlin et dans le nord de l’Allemagne. Je pourrais citer d’autres améliorations également très importantes sur d’autres parties du service, mais je m’en abstiendrai pour être court.

M. Legrelle a dit avec raison que s’il était vrai que le service des postes nous coûtât un peu plus chaque année, il présentait aussi des recettes successivement plus grandes ; je suis charmé que l’honorable membre m’ait procuré l’occasion de vous donner quelques explications sur ce point.

Voici l’état des recettes et des dépenses depuis 1830.

Pendant l’année 1831, la dépense s’est elevé à la somme de 573,296 fr., et les recettes à celle de 1,695,907 fr.

En 1832, les dépenses ont été réduites de 41,736 fr., tandis que les recettes ont augmenté de 288,134 fr.

En 1833, les dépenses, toujours comparées à celles de 1831 que je prends pour terme de comparaison, ont diminué de 20,938 fr., et les recettes, aussi comparées à celles de 1831, ont augmenté de 277,583.

En 1834, même chiffre de dépense qu’en 1833, et 401,754 fr. de plus en recette qu’en 1831.

Enfin, en 1835, la dépense qui avait dépassé celle de 1831 d’une somme de 20,932 fr., a amené une recette de 470,765 fr. de plus qu’en 1831, laquelle se fût élevée à 589,932 francs, si l’on n’avait pas réduit de 5 1/2 p. c. au budget des voies et moyens la taxe du port des lettres ; résultat qui est bien satisfaisant, puisque, en même temps que le service des postes par l’extension de ses relations devient plus utile chaque année au commerce, à l’industrie, à la civilisation, il procure des avantages matériels au trésor.

Je crois, messieurs, que nous atteindrons encore une amélioration dans les recettes à la fin de 1836, et cette amélioration sera due en partie au service des malles à quatre roues et à deux chevaux entre Bruxelles et Paris que nous comptons voir établi prochainement ; le trajet entre ces capitales se fera en 9 heures, de manière que les spéculateurs ne puissent plus être devancés et quelquefois trompés par ceux qui avaient des moyens extraordinaires de connaître les cotes de la bourse de Paris avant les autres.

M. Zoude, rapporteur. - La section centrale a rendu justice à la grande impulsion donnée au service des postes. Quoi qu’il en soit, nous ne devons pas tolérer des dépenses qui ne sont pas nécessaires.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallie au chiffre proposé par la section centrale, me réservant de demander un crédit supplémentaire et spécial dans le cas où le chiffre serait insuffisant.

M. Watlet. - Messieurs, je veux appeler l’attention du ministre des finances et du ministre des affaires étrangères sur un état de choses extrêmement préjudiciable aux habitants de la province de Luxembourg.

Avant la révolution une partie des lettres qui nous étaient adressées de la régence de Trêves passaient par la ville de Luxembourg ; depuis la révolution nous avons perdu Luxembourg, et les lettres prennent une autre direction : on a désigné un village près de Luxembourg pour leur passage. Mais l’office des postes prussiennes n’a pas voulu entrer en relation avec ce nouveau bureau, de sorte qu’il en résulte qu’une lettre expédiée de Trêves, pour arriver à ce village qui n’en est qu’à quelques lieues, va à Cologne, à Namur, à Bastogne, à Arlon, avant d’arriver à sa destination.

La conséquence de ce détour est évidemment un grand préjudice pour le commerce et une dépense plus forte pour les ports de lettres.

Dans les commencements on a réclamé contre cet état de choses : mais on a répondu qu’il était impossible d’y remédier parce que, disait-on, la Prusse ne nous avait pas encore reconnu.

On ne peut plus maintenant faire cette objection, car un agent diplomatique prussien est à Bruxelles.

Il y a cinq ou six mois on nous disait aussi qu’il y avait à Bruxelles un agent prussien, chargé de traiter avec le ministre des finances du service des postes. Je demanderai au ministre qu’il songe à l’abus que je signale, et qu’il pense à le faire cesser.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne connaissais pas l’inconvénient que M. Watlet vient de signaler quand l’agent prussien était à Bruxelles, sans cela j’aurais pu m’entendre avec cet envoyé pour faire cesser la difficulté. Cet agent est à Paris et doit revenir par Bruxelles, pour arrêter avec moi de nouvelles stipulations relatives au service postal entre la Prusse et la Belgique ; je saisirai cette occasion pour chercher à faire cesser les lenteurs que l’on vient de signaler, si toutefois elles existent réellement, car j’ai presque lieu de douter que cet état de choses subsiste encore. En effet, si ma mémoire est fidèle, je crois me rappeler que l’office des postes prussiennes dirige ses lettres à Luxembourg et que le bureau du village d’Eich, situé à côté de Luxembourg, recevait officieusement les dépêches du bureau de cette ville par échange d’autres dépêches arrivant de Belgique.

M. Gendebien. - Je reconnais volontiers que M. le ministre des finances a introduit des améliorations dans le service des postes, et notamment en ce qu’il a établi un courrier extraordinaire pour que les dépêches parvinssent plus promptement à Anvers. J’en remercie M. le ministre de la part de M. Legrelle, ainsi qu’en mon propre nom.

J’ai l’habitude de réclamer, non pas pour les sinécuristes, mais pour les malheureux ; je signalerai donc à l’attention du gouvernement une classe d’hommes appartenant à l’administration des postes, et dont les réclamations ne peuvent souvent pas parvenir jusqu’à lui, parce qu’ils n’ont pas le moyen de faire parler d’eux.

Voici un compte que m’a fait tenir un de ces employés subalternes auxquels je fais allusion.

« Mon emploi me rapporte :

« 1° Traitement fixe, fr. 740

« 2° Frais de bureau, fr. 110

« 3°° Indemnité de logement, fr. 160

« Total : fr. 1,010.

« Ma dépense :

« 1° Location de maison, fr. 235

« 2° Contribution, fr. 35

« 3° Chauffage, fr. 60

« 4° Eclairage, fr. 60

« 5° 5 p. c. pour la caisse due retraite, fr. 22

« 6° Frais de bureau, tels que papiers, plumes, cire, etc., qui sont très coûteux en raison de la quantité de paquets : fr. 110

« Total, fr. 522

« Recettes, 1 010

« Dépenses, 522

« Reste, fr. 488.

« C’est avec 488 fr que nous devons nous nourrir, vêtir, etc.

« Un simple employé à l’administration a un traitement de 2,000 fr. Cet employé n’a pas de responsabilité, ne travaille que de 9 à 3 heures de l’après-midi, tandis que je dois le faire depuis 7 heures du matin jusqu’à 11 heures du soir, fournir un cautionnement, avoir la responsabilité de toutes les opérations relatives au travail de mon emploi, et tout cela pour 488 francs !

« En outre, mon épouse malade depuis dix mois, ce qui m’occasionne des frais plus que je ne puis y faire face.

« Mon prédécesseur avait 500 florins. »

Si l’allocation demandée doit servir à améliorer le sort des personnes de la catégorie que je signale, je prie instamment la chambre d’accorder ce crédit auquel il serait impossible de donner une destination plus utile. J’invite M. le ministre des finances à s’occuper un peu des employés inférieurs. Je sais que ses occupations ne lui permettent pas toujours de descendre jusqu’à leur position ; mais je le prie de faire au moins quelque chose pour eux, et surtout d’avoir égard à leurs réclamations quand elles peuvent parvenir jusqu’à lui.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je dirai que je me suis rallié au chiffre de la section centrale, sauf à venir vous demander un crédit supplémentaire sous ma responsabilité ; je ferai la dépense, si je la crois utile au pays.

Sans vouloir prolonger la discussion, je dois dire un mot relativement à une observation faite par l’honorable M. Gendebien.

Les anciens directeurs des postes dans les campagnes ne portent plus aujourd’hui ce titres parce que j’ai trouve qu’il était ridicule, mis en rapport avec un traitement de 5, 6 ou 700 fr. Le changement qui a été introduit à cet égard dans la dénomination la met plus en harmonie avec le chiffre du traitement ; et l’on reconnaîtra plus tard que ce changement, qui semble n’exister que dans les mots, touche beaucoup plus au fond des choses qu’on ne le trouve au premier abord. En effet, messieurs, un titre pompeux provoque les prétentions et fait souvent prétendre à un traitement plus élevé que celui dont on se contenterait avec une dénomination plus modeste.

M. Gendebien désirerait que l’on pût améliorer la position des employés des postes à la campagne. Je dirai qu’ils sont très nombreux, et qu’ils vont devenir plus nombreux encore par suite de l’organisation du service des postes rurales. Si nous leur allouions une augmentation de traitement, il en résulte— une dépense considérable. Je dirai à cette occasion qu’il y a une grande différence entre ces personnes et les fonctionnaires de l’administration centrale, ou ceux qui travaillent dans les bureaux de certaines villes populeuses.

J’ai voulu faire cette observation pour faire comprendre que les employés sont peu payés, c’est uniquement parce que leurs fonctions sont très peu importantes, et que, demeurant chez eux à la campagne, ils trouvent encore des avantages dans les petits appointements qui leur sont dévolus.

Plusieurs membres. - Aux voix !

D’autres membres. - Mais la chambre n’est plus en nombre.

Plusieurs membres. - L’appel nominal !

- La chambre procède à l’appel nominal sur l’article 1er du chapitre V, « Traitement des employés, 289 mille francs.3

46 membres seulement sont présents.

En conséquence, il n’est pas pris de décision.

Ont répondu à l’appel nominal : MM. Beerenbroeck, Berger, Bosquet, de Behr, Dechamps, Desmet, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Renesse, Desmanet de Biesme, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, B. Dubus, Eloy de Burdinne, Ernst, Gendebien, Fallon, Heptia, Keppenne, Kervyn, Legrelle, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Pollénus, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Smits, Troye, Ullens, Vandenhove, Vanden Wiele, Vanderbelen, Van Hoobrouck, H. Vilain XIIII, Vuylsteke, Watlet, Zoude.

La séance est levée à 5 heures.