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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 23 avril 1836

(Moniteur belge n°115, du 24 avril 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen fait l’appel nominal à une heure.

M. de Renesse lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen fait l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Les frères Elbert et Jacques Taxe, marchands à Bergen (Limbourg), établis en Belgique avant 1814, demandent la naturalisation. »


« La régence et plusieurs habitants propriétaires de Tirlemont demandent la construction de la route projetée de Puy à Tirlemont. »


« Le conseil de régence de la ville de Châtelet adresse des observations sur le projet de loi relatif aux mines. »


« Même pétition du sieur Emile Dupont, maître de forges à Fayt. »


« Le sieur J-P. Tallois, élu en 1830 officier d’habillement de la garde urbaine pour l’une des sections de Bruxelles, adresse des observations sur le projet de loi relatif aux comptes de 1830, en ce qui concerne la régularisation des dépenses pour la garde civique. »


- La première pétition est renvoyée au ministre de la justice, la deuxième au ministre de l’intérieur ; les troisième et quatrième resteront déposées sur le bureau, pendant la discussion de la loi sur les mines ; la dernière est renvoyée à la commission des pétitions chargée d’en faire le rapport.


Message du sénat qui annonce qu’il a adopté la loi d’organisation provinciale.

- Pris pour notification.


M. Lebeau. - J’ai été chargé de déposer sur le bureau une pétition du sieur E. Dupont, relative à l’une des principales dispositions de la loi que nous discutons actuellement. Conformément aux précédents de la chambre, et dans la prévision que l’article relatif aux mines de fer ne sera pas discuté dans la séance d’aujourd’hui, je demanderai que la pétition soit imprimée au Moniteur.

Messieurs, cette pétition, pour autant que je me connais dans cette matière, est très remarquable ; elle peut jeter du jour, à mon avis, sur une des questions les plus importantes de la loi dont nous nous occupons maintenant.

M. Pirmez. - Je fais la même demande pour la pétition de la régence de la ville de Châtelet.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Messieurs, les rapports de la commission chargée d’examiner les deux projets de loi que j’ai eu l’honneur de vous soumettre, le premier, sur la position des officiers, et le second sur le mode d’application des dispositions résultant de l’article 124 de la constitution ; ces rapports, dis-je, ont été imprimés et distribués à MM. les membres de la chambre.

Comme l’objet de ces lois est très important, puisqu’il doit tendre à maintenir la discipline et la subordination de notre armée, et régulariser d’autres affaires en suspens, je prierai la chambre de mettre à l’ordre du jour la discussion de ces projets immédiatement après le vote de la loi sur les mines actuellement en discussion.

Je demanderai également qu’un troisième projet, relatif à un transfert de crédit à opérer sur le budget de 1835, et dont le rapport est déjà fait depuis un mois, soit mis à l’ordre du jour avec les deux lois militaires, afin que je puisse terminer les comptes de l’exercice 1835.

M. de Puydt. - Je ne veux pas m’opposer à la proposition de M. le ministre de la guerre ; mais je dois rappeler que j’ai déposé antérieurement un rapport relatif à l’avancement des officiers.

Cette dernière loi n’a pas seulement rapport à celles dont la discussion est demandée ; il me semble même rationnel qui s’en occupe avant les deux autres projets.

Je pense donc qu’il faudrait comprendre la loi d’avancement dans l’ordre du jour qui sera fixé pour les deux autres lois militaires.

M. Dumortier. - Je ne reconnais pas l’urgence dont a parlé M. le ministre de la guerre, de voter immédiatement les lois dont il demande le mise à l’ordre du jour après le vote de la loi qui nous occupe en ce moment.

Au reste, ces lois, messieurs, n’entraîneront pas de longues discussions ; nous pourrons les adopter purement et simplement ; il ne s’agira pour cela que de remplacer le titre qui s’y trouve par celui-ci : Lois destinées à faire de l’armée un corps de janissaires. (Bruit.)

Si la chambre reconnaissait l’urgence de discuter ces lois, je lui rappellerai que j’ai eu l’honneur de lui soumettre un projet de loi, ayant pour objet de rendre aux cours et aux tribunaux ordinaires l’examen des délits commis par des militaires envers des particuliers.

Ce projet a été pris en considération à l’unanimité, il a été examiné en sections, et la section centrale s’en est déjà occupée.

Dans l’hypothèse de la discussion immédiate des deux lois militaires, je demanderai que mon projet soit discuté en même temps que ces deux lois.

Mais, messieurs, il est une discussion bien plus pressante, c’est la discussion relative à la question de la banque ; c’est là une question réellement importante, dont l’adoption immédiate est de la dernière urgence.

Voilà déjà plusieurs années que la banque retient des capitaux considérables appartenant à l’Etat ; nous sommes dans un état de déficit de plus de 20 millions ; il est donc indispensable que nous prenions une prompte résolution relativement aux capitaux détenus par la banque, pour pouvoir combler notre déficit ; comme je l’ai déjà dit précédemment, ce sera pour nous une belle époque que celle où nous pourrons combler ce déficit au moyen des fonds que la banque doit à l’Etat.

Je pense donc que l’examen de la question de la banque doit précéder celui des projets militaires.

Je fais la proposition formelle que conformément à ce qui a été résolu par la chambre, la question de la banque reste à l’ordre du jour et que l’examen des lois militaires ne vienne qu’après.

M. de Brouckere. - Messieurs, j’appuie la motion du ministre de la guerre, tendant à ce que les lois relatives à l’organisation militaire soient mises à l’ordre du jour le plus tôt possible.

Messieurs, je partage l’avis de M. le ministre de la guerre ; je regarde aussi ces lois comme urgentes. Mon intention n’est pas de soutenir dès à présent toutes les dispositions, soit du projet du gouvernement, soit de celui qui nous a été présenté par M. Desmaisières.

Que cette loi soit une loi de janissaires, ou qu’elle soit bonne, voilà des points que nous discuterons ultérieurement ; la question aujourd’hui est de savoir s’il est nécessaire que l’on porte enfin des lois relatives à l’organisation militaire.

Chaque année, messieurs, nous votons la moitié de nos revenus pour solder l’armée ; eh bien, ces fonds ne peuvent être employés utilement que lorsqu’on aura introduit dans l’armée une bonne organisation et une discipline sévère.

S’il fallait ajouter de nouvelles considérations à celles que je viens de vous présenter, il suffirait de rappeler à votre souvenir ce qui s’est passé dans les derniers temps, et la répétition journalière de ces mêmes faits. Je ne veux pas entrer dans le détail de ces faits ; chacun de vous, messieurs, les a présents à sa mémoire ; chacun peut apprécier par là la nécessité d’introduire immédiatement dans l’armée une organisation régulière et une bonne discipline.

D’après ces motifs, j’appuie la motion de M. le ministre de la guerre ; je demande donc que les projets relatifs à l’organisation militaire soient mis à l’ordre du jour après le vote de la loi sur les mines.

Quant à l’ordre dans lequel ces lois seront discutées, je pense que nous devons remettre l’examen de ce point jusqu’au jour où la discussion s’en ouvrira. Le ministre de la guerre fera alors ses propositions, et chacun de nous sera libre de faire les observations qu’il jugera convenables.

Que l’on mette donc uniquement à l’ordre du jour la loi sur l’organisation militaire.

M. A. Rodenbach. - Je ne m’oppose pas à la motion faite par M. le ministre de la guerre, mais je crois que l’ordre qu’il a proposé n’est pas le plus rationnel ; il me semble qu’il conviendrait de commencer par la loi sur l’avancement dans l’armée, conformément à la proposition faite par M. de Puydt. Mais tout en appuyant la motion faite par le ministre, je dirai que la discussion relative à la banque est extrêmement importante, car elle peut rapporter des millions à l’Etat. Nous avons un déficit ; il faut tâcher de le combler. Il y a encore une loi importante à porter, c’est la loi sur le sel. Cette substance est l’objet d’une fraude considérable ; on pourrait la faire cesser, ce qui rapporterait des millions au trésor ; et nous en avons besoin, vu qu’il y a déficit ; le ministre l’a déclaré lui-même dans cette enceinte.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Une observation faite par l’un des préopinants tend à ce que la loi concernant l’avancement soit mise la première aux voix ; je me rallierai très volontiers à cette observation. Moi-même, d’ailleurs, j’avais présenté cette loi avant les deux autres, et elle peut être considérée comme une des bases essentielles de l’organisation de l’armée. Je ne vois aucun inconvénient à suivre dans la discussion 1’ordre qui a été réclamé.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Ce sont les paroles mêmes dont on s’est servi pour obtenir que la discussion des lois concernant l’armée soit reculée, qui doivent déterminer à accueillir la proposition du ministre de la guerre. L’importance des lois militaires est appréciée par toute la chambre comme par tout le pays. La section centrale, organe des sections de la chambre, a proclamé leur urgence ; et on ne peut mettre en comparaison, quant à l’importance, le rapport relatif à la banque ; rien ne périclite pour la banque. Nous ne demandons cependant pas mieux que de discuter ce projet ; mais il faut le faire précéder de projets d’un ordre plus élevé, et admettre la proposition faite par M. le ministre de la guerre.

Un honorable membre a parlé d’un projet de loi sur le sel ; ce projet n’est pas sans importance ; mais encore une fois nous en avons de plus importants dont il faut nous occuper auparavant. Il n’y a pas péril en la demeure relativement aux sels. Nous avons plus de travaux préparés que la chambre ne pourra en achever ; commençons donc par les plus importants.

M. Dumortier. - Il est étonnant d’entendre un ministre dire que la loi concernant la banque n’est pas importante...

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je n’ai rien dit de semblable !

M. Dumortier. - Quoi ! nous avons 25 millions de déficit ; nous avons d’un autre côté un débiteur qui nous retient 25 millions, et il n’est pas important de hâter la rentrée de ce qui est dû au trésor ! Messieurs les ministres, nous ne le voyons que trop, vous négligez les intérêts du trésor public ; vous lâchez le pied sur tout ce qui touche à ces intérêts : mais quelle serait la suite de cette négligence ? Ce sera d’accabler le peuple de nouveaux impôts, afin de combler votre déficit. Songez donc que l’intérêt des bons du trésor a dû être augmenté d’un demi p. c., parce que les preneurs manquaient ; cependant, vous avez voté dernièrement deux emprunts, l’un pour les routes, l’autre pour le canal de Zelzaete ; il vous faudra des bons du trésor pour commencer les travaux, et par cette émission, vous serez peut-être encore forcés d’augmenter l’intérêt.

Pouvez-vous, en présence de pareils faits, ajourner encore la discussion des questions qui concernent la banque ?

On nous parle de discipliner l’armée, d’organisation de l’armée ! Cependant on s’est bien gardé de nous présenter réellement une loi sur l’organisation de l’armée. Ce qu’on nous demande effectivement, c’est une loi contre les officiers de l’armée, c’est une loi d’intimidation ; mais vous n’aurez jamais de loi d’organisation. Ce que l’on vous dit être si important, c’est une loi d’après laquelle les officiers pourront perdre leurs grades, pourront être destitués brutalement. (Bruit.)

Apportons avant tout une limite au déficit qui est dans le trésor public ; la discussion du rapport sur la banque est plus importante que la loi sur la position des officiers de l’armée. N’avez-vous par décidé il y a quatre ou cinq mois que la discussion sur la banque viendrait immédiatement après la délibération sur le canal de Zelzaete ? Depuis lors divers projets sont intervenus qui ont reculé cette discussion, mais comme ces projets urgents vont être bientôt terminés, il faut maintenant suivre la décision de la chambre, il serait ridicule que vous prissiez des décisions pour ne pas vous y conformer ; cela porterait à croire que la chambre est disposée à faire le contraire de ce qu’elle a réglé elle-même.

M. Jullien. - Voilà la chambre encore une fois lancée dans une de ces interminables questions d’ordre du jour qui n’aboutissent toujours qu’à faire changer de détermination de la chambre quand le jour indiqué est arrivé. Si la chambre se souvient de ce qui s’est pratiqué, elle sait qu’après avoir discuté sur la question de priorité, il y a toujours quelque chose à changer à la résolution prise : n’est-il pas à croire qu’il en sera ainsi de la proposition faite par le ministre de la guerre ?

Toutefois j’appuie cette proposition ; je crois que nous n’avons rien de plus urgent que de nous occuper des projets présentés par ce ministre. Ce sont des projets pour transformer l’armée en janissaires, a dit un honorable orateur ; on veut pouvoir enlever à volonté les grades aux officiers ; eh bien, c’est une raison de plus pour nous en occuper. Si on veut faire une armée de janissaires pour étouffer toute liberté dans le pays, c’est un motif pour que la chambre examine ces projets et pour qu’on voie si ce qu’a dit le préopinant a quelque chose de réel, ou si ce n’est que le résultat de son imagination. (On rit.)

La banque, s’est écrié l’orateur, doit passer avant tout ; il nous faut une loi pour lui faire payer tous les millions dont nous avons besoin : l’orateur oublie qu’il y a des tribunaux dans Bruxelles ; et la banque vous a dit vingt fois qu’elle était prête à répondre à toutes les exigences des ministres des finances passés, présents et futurs.

Je sais qu’il y a des demandes en instance devant les tribunaux pour savoir si les millions doivent être payés ou non : quelque décision que vous preniez, vous n’empêcherez jamais la banque, si elle s’y croit fondée d’après les contrats, à recourir aux tribunaux : voilà ce qui doit calmer la précipitation que l’on voudrait mettre dans cette affaire. Ce qu’il y a de plus nécessaire maintenant, c’est de discipliner l’armée : avant tout il faut que l’armée soit soumise à l’ordre ; tout le monde est convaincu que la discipline n’y règne pas comme elle devrait y régner.

M. de Brouckere. - M. Dumortier oppose une fin de non-recevoir au ministère de la guerre. S’il disait que la loi sur la banque et la loi sur le sel sont plus importantes que celles qu’a présentées le ministre de la guerre, nous examinerions cette question ; mais M. Dumortier va plus loin. Il dit : Ne discutez pas la loi sur l’avancement avant d’avoir porté une loi sur l’organisation de l’armée, c’est-à-dire une loi qui fixe le nombre des généraux, des colonels, etc.

Je ne suis pas d’accord avec M. Dumortier, et en nous occupant des lois demandées par le ministre de la guerre, nous faisons ce que demande la constitution, et nous avons même trop tardé à le faire.

La constitution ne nous demande pas de déterminer le nombre des généraux, des colonels, etc. Il serait impossible d’ailleurs d’établir cette détermination, car le nombre des officiers doit varier selon les circonstances.

En temps de guerre, il faut davantage d’officiers qu’en temps de paix. La constitution n’a pas voulu une absurdité ; elle a voulu seulement que l’on réglât l’avancement et la discipline dans l’armée ; et je ne vois rien de plus important que les lois présentées par le ministre de la guerre.

M. Dumortier. - J’ai quelques mots à répondre à l’honorable préopinant.

Je m’inquiète assez peu que l’on discute ou non les lois présentées par M. le ministre de la guerre. Lorsque viendra la discussion, je déclare que je les attaquerai, je ferai voir alors qu’elles ne doivent pas être admises telles qu’elles ont été présentées. Mais je crois devoir faire observer qu’il y a une discussion plus urgente, celle relative à la banque. J’ai demandé la priorité pour cette discussion ; voilà ce à quoi je me suis borné.

Je persiste toujours à croire que cette discussion est la plus urgente.

Quant à ce qu’a dit l’honorable préopinant, que nous n’avions pas à régler l’organisation de l’armée, je ferai remarquer qu’il est en opposition avec la constitution qui porte que nous devons fixer l’organisation de l’armée. La constitution ne dit pas que nous devons fixer le nombre des lieutenants, des sous-lieutenants, mais le nombre des divisions, des brigades, des régiments, le nombre des généraux dans chaque division, dans chaque brigade.

En effet, rappelez-vous ce qui s’est passé dans une discussion qui a eu lieu il n’y a pas longtemps. L’an dernier, M. le ministre de la guerre avait pris l’engagement formel de ne pas créer d’autres généraux de division, On a, malgré cette assurance formelle donnée dans le sein de la législature, prodigué des grades semblables ; ou a prodigué un grade de général de division.

Lors de la discussion du budget, toute la chambre s’est levée pour s’opposer à de pareils abus. Malgré cela le gouvernement a créé des régiments nouveaux. Ce sont les états-majors qu’on augmente, sans augmenter les cadres.

Je crois que la loi doit intervenir. La constitution nous en fait un devoir. Ce devoir nous devons l’observer. Je crois donc que c’est pour nous un devoir de régler quelle doit être l’organisation de l’armée.

J’ai dû proférer ces mots pour répondre à l’honorable préopinant qui prétend que la constitution ne nous prescrit pas de régler l’organisation de l’armée.

M. de Brouckere. - Je me bornerai à faire remarquer à la chambre que je n’ai pas proféré les paroles que m’a prêtées l’honorable préopinant.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - J’ai toujours entendu, par le texte de la constitution que l’on vient d’invoquer, que l’organisation de l’armée rappelée par l’art. 139 ne devait consister que dans les diverses lois indiquées dans le même article comme constituant l’organisation de l’armée.

Quant à la fixation proprement dite des corps composant l’armée, comme elle dépend évidemment de notre situation politique et de sa position sur le pied de paix ou sur le pied de guerre, ou sur le pied de rassemblement, jusqu’à ce que nous soyons fixés sur notre situation politique, il serait difficile de déterminer par une loi le nombre et la composition des régiments ; car si vous vous borniez à régler le nombre des régiments, cette fixation n’aurait aucune portée et ne pourrait avoir aucun résultat.

Quant au cadre des officiers généraux que l’on voudrait fixer par une loi, il se trouve réglé annuellement par celle du budget ; il en est de même pour les états-majors des corps spéciaux.

J’ai dit, il est vrai, dans la discussion de l’an dernier, que le nombre des officiers généraux de division ne serait pas augmenté : j’ai tenu ma promesse ; car deux officiers généraux de ce grade ayant été mis à la retraite, on n’en a nommé qu’un en leur remplacement : leur nombre n’a donc pas été augmenté.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - L’honorable M. Dumortier prétend que les ministres désertent les intérêts de l’Etat parce qu’ils demandent que la discussion des lois militaires précède la discussion que nous regardons aussi comme importante, celle relative à l’encaisse déposé à la société générale. Je concevrais une semblable allégation, s’il y avait péril dans la demeure, si l’Etat y perdait quelque chose, ou plutôt si les intérêts du trésor pouvaient gagner à ce que cette dernière discussion eût lieu 15 jours plus tôt ou quinze jours plus tard.

Mais il n’en est pas ainsi : l’encaisse déposé à la société générale n’est pas improductif ; il nous rapporte 5 p. c. d’intérêt, tandis que les bons du trésor que nous avons été obligés d’émettre et, dont il nous a fallu augmenter l’intérêt, ainsi que l’a dit M. Dumortier, ne coûtent que 4 1/2 p. c. avec l’augmentation d’intérêt récemment apportée. Il n’y a donc aucun péril dans la demeure, et vous voyez combien peu est fondé le reproche que l’on nous adresse de négliger les intérêts du trésor, parce que nous demandons que la discussion relative à l’encaisse de la société générale soit quelque peu retardée, pour faire place à des lois dont l’urgence est reconnue par tout le monde.

La chambre peut donc adopter sans inconvénients la proposition de M. le ministre de la guerre ; il n’y aura pas là de préjudice pour nos intérêts financiers à proposer la discussion relative à la banque.

M. Gendebien. - Puisque M. le ministre de la guerre a consenti à ce que l’on discutât le projet de loi sur l’avancement avant les autres projets que je m’abstiens de qualifier maintenant, mais que je qualifierai comme il conviendra de le faire, quand viendra la discussion, je consens à ce que l’on discute toutes ces lois après celle des mines, parce que je considère comme la principale cause du mécontentement et de ce qu’on appelle l’indiscipline de l’armée, le défaut de règles sur l’avancement, le mépris des droits les plus respectables.

Tout est faveur pour les uns, tout est défaveur pour les autres ; on veut établir l’arbitraire contre les officiers de l’armée : saisissons cette occasion pour exiger qu’on établisse une bonne fois leurs droits. Ces droits ils les puisent dans la constitution qu’ils ont conquise avant que le congrès la décrétât. On veut déshériter l’armée de ses droits de citoyens. J’espère qu’elle saura les défendre et que nous saurons les lui conserver, comme elle a su les conquérir.

Je n’en dirai pas davantage ; mais je ne puis, avant de finir, m’empêcher de protester hautement et publiquement, à la face de l’armée et de la nation, contre certaines menées qui tendent à désorganiser l’armée. Je n’en citerai qu’un exemple, parce qu’il est flagrant. Ce sont les souscriptions faites par ordre supérieur dans toute l’armée.

On veut compromettre l’armée, on veut engager l’armée tout entière dans un faux pas. Voilà des actes vraiment contraires à la discipline ! dangereux surtout pour la liberté !

J’espère que quand nous discuterons ces lois, qui n’ont pour but, dans l’intention de ceux qui les proposent, que de substituer l’arbitraire au droit constitutionnel, nous aurons l’occasion de prémunir l’armée contre de pareilles tentatives, et nous saurons maintenir ses droits tout en lui traçant ses devoirs.

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - L’honorable préopinant prétend qu’il y a de la faveur dans l’avancement de quelques officiers. Je dois déclarer que dès mon entrée au ministère, en l’absence de lois et de règlements, j’ai posé des bases sur l’avancement, et que je me suis entièrement conformé à ces bases dont j’ai, dans une session précédente, donné connaissance à cette assemblée, et qui ont paru obtenir son assentiment. Il n’y a pas eu d’exception : tout avancement a lieu sur la proposition des inspecteurs généraux d’armes, d’après le mérite de chaque candidat. On n’a fait d’exception en faveur de personne, quelle que fût l’origine de son entrée au service.

Sous ce rapport, je crois avoir droit à la continuation de la confiance de la chambre.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il a échappé à mon honorable collègue le ministre de la guerre de répondre à la dernière observation de M. Gendebien. Cet honorable membre prétend qu’en vertu d’un ordre supérieur, des listes de souscription auraient été répandues parmi les régiments en faveur de militaires récemment condamnés.

Je dois déclarer qu’aucun ordre semblable n’a été donné par le gouvernement, et je proteste de tous mes efforts contre ces imputations qui tendraient à faire supposer que des démarches de notre part auraient été faites pour inviter les officiers à souscrire. Nous déclarons hautement, et à la face de la nation, que nous ne connaissons aucun ordre supérieur donné pour souscrire dans le sens qu’a indiqué M. Gendebien. Je ne m’explique pas sur ces souscriptions en elles-mêmes ; mais je proteste de nouveau, au nom du gouvernement contre l’imputation qu’il aurait donné des ordres quelconques pour souscrire en faveur de tels ou tels condamnés.

M. Gendebien. - J’atteste l’exactitude du fait que j’ai cité, et si on le dénie, je demande une enquête pour le constater. Je dis que c’est par ordre supérieur que toutes les divisions ont reçu des listes de souscription, lesquelles, si ce qu’on m’a dit est exact, étaient lithographiées, ce qui prouve bien leur origine commune. J’ajouterai quelque chose de plus. Je sais que ceux qui étaient chargés d’exécuter ces ordres, s’y sont refusés ou l’ont fait avec la plus grande répugnance, après avoir fait des observations et après s’y être d’abord refusés.

J’ajouterai encore un autre fait, c’est que l’on veut établir en Belgique, dans les rangs de notre belle et patriotique armée, le vil espionnage, qui tend à désorganiser toute société, et à plus forte raison l’armée, où la confiance et l’estime mutuelle sont les véritables liens de cet ensemble, de ce bon accord sans lesquels il n’y a pas de discipline possible. Il y a encore des officiers généraux qui ont eu le courage de s’y refuser. Honneur à eux ! Malédiction et honte à ceux qui croient intimider la nation et pervertir notre brave armée par des moyens aussi honteux !

M. le ministre de la guerre (M. Evain). - Je dois déclarer que ce n’est que, par les journaux que j’ai vu une lettre d’un colonel de l’armée qui parlait de souscription en faveur de quelques militaires condamnés. J’ai demandé des informations à mon retour, et il m’a été assuré formellement qu’aucun ordre n’avait été donné par le département de la guerre qui y est totalement étranger.

Je déclare que je suis moi-même entièrement étranger à de tels ordres, et que je n’en ai en aucune connaissance ni officielle, ni officieuse.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je déclare itérativement, de la manière la plus formelle et la plus positive, quelle que soit la responsabilité de cette déclaration, que le gouvernement est totalement étranger au fait qu’on lui impute. Le gouvernement n’a donné aucun ordre, aucune invitation au sujet des souscriptions dont il est question ; il ne s’est en aucune manière mêlé de cette affaire, si tant est qu’il y ait des souscriptions.

Le gouvernement n’a point cherché non plus à établir un vil espionnage. Cela est au-dessous de nous. Nous sommes incapables, par caractère, de faire espionner qui que ce puisse être et surtout l’armée, l’armée dont la masse est excellente, dont l’immense majorité des officiers est bonne et honorable.

En établissant, comme nous devons le désirer, les droits, mais aussi principalement les devoirs de chacun de nos militaires, je suis persuadé qu’en peu de temps la discipline la plus sévère sera parfaitement établie, et bientôt nous aurons une armée que nous pourrons en toute confiance présenter avec honneur à nos amis et à nos ennemis.

M. Gendebien. - N’équivoquons pas : si j’avais accuse le ministère d’avoir ordonné l’émission de ces listes de souscription, l’honorable ministre des finances aurait raison. Mais c’est si peu le ministère qui a ordonné ces souscriptions que je crois pouvoir affirmer qu’il est loin d’avoir approuvé cet acte incroyable, mais qu’il connaît tout aussi bien que moi, tout aussi bien que les neuf dixièmes de la Belgique ; je n’ai pas même dit que ce fût du ministère de la guerre que l’ordre est parti. C’est un de ses subordonnés qui a donné cet ordre. Je pourrais le nommer, mais il ne me convient pas de le faire. M. le ministre doit le connaître.

M. Milcamps. - Il vous dit qu’il n’en sait rien.

M. Gendebien. - M. Milcamps, je ne vous adresse pas la parole.

Je dis que le ministre de la guerre devrait le savoir ; un acte comme celui que je signale ne peut pas être ignoré d’un ministre responsable. Si, au lieu de s’occuper bien malencontreusement de différends entre sous-lieutenants, entre capitaines ou entre lieutenants-colonels, il s’occupait de ce que font les officiers immédiatement sous ses ordres, il éviterait plus d’un scandale qui, depuis quelque temps, ont fait gémir la nation et l’armée.

On a dit que cette souscription avait été faite pour de malheureux condamnés. Non, elle a été faite avant la condamnation. Et quant aux malheureux condamnés, je déplore leur sort aujourd’hui comme je le déplorais le lendemain du fait pour lequel ils ont été condamnés. Ce sont de malheureuses victimes d’un système et de passions qu’ils ne comprennent et ne partagent pas. Allez à Mons vous informer de la sensation produite par les débats de cette affaire, vous saurez pour qui est l’opinion publique, vous saurez si ce sont les condamnés que l’opinion condamne ou d’autres qui resteront impunis.

Ainsi pas d’équivoque ; je me suis exprimé en termes clairs. Ce n’est ni le ministère ni même le ministre de la guerre, je le veux bien, qui a fait faire, qui a ordonné la souscription. Je ne sais s’il connaît celui qui a donné l’ordre : il dit que non, j’admets sa réponse ; mais s’il veut faire son devoir, il s’en informera, il le saura, car le fait est positif, et il en est responsable.

M. le président. - Si personne ne demande plus la parole, je vais mettre aux voix les diverses propositions.

M. le ministre de la guerre a demandé qu’on mît à l’ordre du jour, après le projet en discussion, une loi de transfert, le projet relatif à la position des officiers et celui concernant la perte des grades.

M. de Puydt a demandé qu’on s’occupât, avant les deux derniers projets, de la loi sur l’avancement des officiers, ce à quoi le ministre a consenti.

M. Dumortier a demandé qu’on mît aussi à l’ordre du jour sa proposition relative aux délits commis par des militaires, mais qu’on accordât la priorité sur tous ces projets à la question de la banque.

M. Dumortier. - La chambre paraissant disposée à donner la priorité aux projets de loi présentés par M. le ministre de la guerre, je demanderai qu’on mette immédiatement après le rapport sur la banque.

M. le président. - Je ferai observer que le rapport sur la proposition de M. Dumortier concernant les délits commis par des militaires, n’est pas fait.

- La chambre, consultée, met à l’ordre du jour, après la loi concernant les mines, le transfert proposé par le ministre de la guerre, le projet de loi relatif à l’avancement des officiers, le projet fixant leur position et celui déterminant les cas où ils pourront perdre leur grade.

M. le président. - Nous passons à l’objet de l’ordre du jour.

Projet de loi portant création d'un conseil des mines

Discussion générale

M. Pirmez (pour une motion d'ordre). - J’ai présenté un amendement à l’article 8 du projet de loi. Il me paraît que si nous commencions par vider cette question, nous simplifierions la discussion, et nous mettrions tout le monde à même de se prononcer sur les articles précédents.

Par exemple, moi, j’accorderai au conseil des mines les attributions qu’on veut lui donner, si les mines de fer ne sont pas concessibles, tandis que je combattrai ses attributions si on déclare les mines de fer concessibles.

(Moniteur belge n°115, du 24 avril 1836) M. le président. - Voici l’amendement que vient de déposer M. Pirmez :

« Il ne pourra être accordé de concession pour les mines ou minerais de fer.

« La loi sera révisée sous ce rapport dans 10 ans. »

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je ne pense par qu’il y ait lieu d’intervertir dans la discussion l’ordre établi dans le projet, je n’y vois aucun avantage. Dans tous les cas le conseil des mines doit être composé de manière à offrir toutes garanties, soit qu’il s’agisse de concessions de mines de houille ou de mines de fer. Les mines de houille sont aussi importantes que les mines de fer. Je pourrais même citer telle concession de houille qui est plus considérable qu’aucune concession de mine de fer.

Avec les réserves qu’on fait en faveur des propriétaires du sol quand il s’agit de minerai de fer, je ne vois pas l’objection qu’on peut faire à ce qu’il soit accordé des concessions.

Aujourd’hui il vient de vous être adressé une pétition concernant les mines de fer, dont la chambre a ordonné l’impression ; il convient de laisser à chacun le temps de l’examiner, avant d’aborder l’art. 8. D’autant plus qu’on ne s’est probablement préparé qu’à la discussion de ce qui concerne la composition du conseil. D’ici à lundi ou mardi, que la question des mines de fer se présentera, on aura le temps de se préparer.

Je ne vois aucun inconvénient à suivre cette marche, et j’en vois beaucoup à suivre celle proposée par l’honorable membre.

(Moniteur belge n°114, du 23 avril 1836) M. Pirmez. - Sans doute, les mines de houille sont aussi importantes que les mines de fer ; mais, pour les mines de houille la création d’un conseil des mines est indispensable, quelques abus, quelques injustices qui en résultent, parce qu’il faut absolument que les mines de houille soient concédées. Tout le monde est d’accord sur ce point. Il y aura toujours du favoritisme, mais on ne peut s’y soustraire, parce qu’il y a nécessité de concéder les mines de houille.

Il n’en est pas de même des mines de fer, beaucoup de personnes pensent que les mines de fer ne doivent pas être concédées, parce que le mal qui peut résulter de la faculté de concéder les mines de fer est plus grand que le bien qu’on en peut tirer. Pour les mines de houille au contraire, le bien qui résultera de la faculté de concéder l’emportera de beaucoup sur l’abus qu’on pourra faire de cette faculté.

Je consentirais donc à donner au conseil des mines les attributions dont on veut le charger si les mines de houille sont seules concessibles. Mais je les combattrai si on déclare les mines de fer également concessibles. C’est pour cela que je propose de résoudre d’abord la question de savoir si les mines de fer seront ou non concessibles.

(Moniteur belge n°115, du 24 avril 1836) - M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je persiste dans l’opinion que j’ai émise qu’il faut suivre pour la discussion l’ordre établi dans le projet. Les raisons qu’a l’honorable membre pour s’opposer à ce que les mines de fer restent concessibles, s’il peut les faire valoir, détermineront la chambre à rejeter l’article 8 quand il sera soumis à sa délibération ; c’est là tout ce qu’il peut prétendre. Mais il ne doit pas empêcher l’établissement du conseil des mines, qui dans tous les cas sera appelé à connaître des demandes en concession de houille.

(Moniteur belge n°114, du 23 avril 1836) M. Pirmez. - Je viens de déclarer qu’il fallait un conseil de mines pour les concessions de houille. Mais je veux savoir sur quoi ce conseil aura à prononcer, si ce sera sur des concessions de mines de fer ou de mines de houille. S’il ne s’agit que des mines de houille, je lui accorderai les attributions qu’on veut lui donner ; mais je ne les lui accorderai pas pour des concessions de mines de fer.

M. de Brouckere. - L’amendement de M. Pirmez se rapporte à l’article 8, ce n’est donc que quand nous en serons à tel article qu’il conviendra de nous en occuper ; demander qu’on le discute maintenant, c’est vouloir intervertir l’ordre des débats ; discutez d’abord ce qui est relatif à la composition du conseil des mines, et alors vous pourrez en régler les attributions. Je ne vois pas quels rapports il peut y avoir entre l’amendement de M. Pirmez, et l’article 1er du projet qui nous occupe, car enfin, soit que le conseil des mines doive borner son action à ce qui concerne les mines de houille, soit qu’il doive également statuer sur les concessions des mines de fer, toujours faudra-t-il qu’il soit composé de manière à offrir toutes garanties et à la nation et aux intéressés.

Réglons donc la composition du conseil des mines, et quand nous serons arrivés à l’article 8, ce sera le moment de discuter l’amendement dont il s’agit, c’est là qu’il trouvera sa place.

M. Gendebien. - Il semble, au premier abord, que les observations de l’honorable M. Pirmez ne soient pas fondées ; cependant, lorsqu’on va au fond des choses, on ne peut disconvenir que ces observations sont très judicieuses, et je suis tout à fait de l’avis de l’honorable membre. Bien que les mines de houille soient plus importantes que les mines de fer, celles-ci donnent cependant lieu à plus de difficultés. En effet, pour les concessions de mines de houille, il ne s’agit que de vérifier si, dans le périmètre dont la concession est demandée, il n’a pas déjà été accordé de concession et s’il n’existe pas d’opposition à d’autres demandes en concurrence avec celle sur laquelle il y a à statuer ; mais pour les mines de fer ou de minerai de fer, c’est bien autre chose ; il s’agit là d’une véritable expropriation ; car ces mines sont mêlées au sol qu’il faut enlever au propriétaire chaque fois qu’on veut concéder à un autre l’exploitation de la mine.

Il y aura pour la concession des mines de fer une infinité de questions de fait à juger, questions que l’on décidera probablement par des considérations d’économie politique, comme le disait, dans une précédente séance, M. le ministre de l’intérieur.

La concession des mines de fer soulèvera donc, presque toujours, des questions de propriété, et la composition du conseil qui aura à prononcer sur ces questions, n’est pas du tout indifférente.

C’est pour cette raison que j’appuyais hier sur la nécessité de recourir dans cette matière à la juridiction de l’ordre judiciaire, et sur l’inconvenance de créer un corps administratif pour décider les questions que soulèvera la concession des mines de fer en particulier ; il est incontestable qu’il n’y a que les tribunaux qui puissent prononcer sur les contestations qui s’élèveront à cet égard, puisque, je le répète, il s’agira toujours là d’une véritable expropriation, et que les tribunaux seuls sont compétents pour décider des questions de propriété.

Vous voyez donc, messieurs, que la nature du conseil, ou plutôt du corps dont vous avez à fixer le personnel, dépend tout à fait des attributions que vous lui donnerez. Il est évident que, si vous placez dans ces attributions la décision des questions qui touchent d’aussi près la propriété que les concessions de mines de fer, la composition du conseil des mines ne peut être la même que si ce conseil n’avait à statuer que sur ce qui concerne la concession des mines de houille, où il ne s’agit le plus souvent que de questions administratives. Cependant, en matière de concessions de mines de houilles, il peut aussi arriver que le conseil des mines, ayant à statuer sur une opposition fondée sur la propriété, décidât qu’elle n’est pas fondée sur le droit de propriété, et jugeât ainsi la question de propriété a priori. Cependant, tout ce qui touche les droits civils des citoyens, est essentiellement du ressort des tribunaux. Si donc vous ne croyez pas devoir admettre les motifs que j’ai fait valoir pour vous engager à renvoyer à l’ordre judiciaire le jugement des contestations relatives aux concessions de mines de fer, et si vous voulez déférer la décision de ces sortes d’affaires au conseil des mines, vous devez au moins corriger, autant que vous le pourrez, le vice d’une pareille mesure en composant ce conseil de manière à ce qu’il offre le plus de garanties possibles.

Ainsi ce qu’a dit M. Pirmez relativement à la convenance de fixer les attributions du conseil des mines avant d’en régler le personnel, est tout à fait rationnel.

M. Pirmez. - J’ai encore une observation à faire : je demanderai sur quel pied on entendra que l’indemnité dont parle l’article 4 devra être accordée au propriétaire d’un terrain où se trouve une mine de fer ; l’art. 4 règle l’indemnité à laquelle aura droit le propriétaire d’une mine, mais il ne fait aucune distinction entre les mines de houille et les mines de fer ; cependant l’indemnité qui serait suffisante quand il s’agirait d’une mine de houille pourrait ne pas l’être pour une mine de fer. Il me semble qu’il est nécessaire d’éclaircir ce point.

M. Fallon. - Je répondrai à M. Pirmez que l’article 4 comprend aussi bien les mines de fer que les mines de houille, et qu’il est complètement dans l’erreur lorsqu’il croit que cet article ne s’applique pas aux unes comme aux autres.

D’après le système de la loi que nous discutons, la mine de fer ne pourra être exploitée par d’autres que par le propriétaire du sol que dans le cas où cette exploitation nécessitera des travaux d’art que le propriétaire ne serait pas en mesure d’exécuter : mais lorsqu’il faut que le concessionnaire ait recours pour l’exploitation de sa mine à des moyens extraordinaires, lorsqu’il est obligé de faire des frais considérables avant de pouvoir en retirer quelque chose, il est assez naturel qu’il ne paie au propriétaire du sol que la même indemnité qu’il paierait s’il s’agissait d’une mine de charbon, qui est aussi productive. Je ne vois donc pas pour quelle raison l’art. 4 ne s’appliquerait pas à toutes espèces de mines.

M. Gendebien. - Je pense moi que l’article 4 ne s’applique pas au minerai de fer, et voici pourquoi : on a suivi dans le projet qui nous est soumis le même ordre qui dans la loi de 1810 ; or il y a dans cette loi un chapitre qui traite spécialement du minerai de fer ; et dans l’exposé des motifs que accompagne le projet que M. le ministre de l’intérieur nous a présenté, il n’est parlé de l’indemnité établie par l’art. 4 que comme remplaçant celle qui est fixée par les articles 6 et 42 de la loi de 1810, qui ne font pas partie du chapitre dont je viens de parler, et qui ne concernent pas le minerai de fer, mais uniquement les mines de houille.

Ce sont les articles 66 et 70 de cette loi qui s’appliquent au minerai de fer, les dispositions de ces articles ne peuvent être remplacées par l’art. 4 du projet qui nous occupe, lequel article n’est destiné qu’à remplacer les articles 6 et 42 de la loi de 1810.

Voici ce que dit l’art. 66 que je viens de citer :

« Lorsque les maîtres de forges auront fait extraire le minerai, il sera dû au propriétaire du fonds, et avant l’enlèvement du minerai, une indemnité qui sera aussi réglée, par experts, lesquels auront égard à la situation des lieux, aux dommages causés, à la valeur du minerai, distraction faite des frais d’exploitation. »

Vous voyez donc, messieurs. Qu’il y a une règle toute différente pour indemniser le propriétaire de la surface lorsqu’il s’agit de minerai et lorsqu’il s’agit d’une mine de houille. Remarquez, messieurs, que l’art. 66 de la loi de 1810 s’applique également aux mines de fer, soit par filons, soit par couches ou alluvion.

Il me semble donc évident que l’indemnité dont parle l’article 4 du projet en discussion ne peut s’entendre dans un autre sens que celle qui est établie par les articles 6 et 42 de la loi de 1810, et qui est uniquement relative aux mines de houille.

(Addendum inséré au Moniteur belge n°115, du 24 avril 1836 :) - La proposition de M. Pirmez tendant à ce que la discussion commence par l’article 8 et son amendement y relatif, est mise aux voix et adoptée.

Discussion générale

M. le président. - Avant de passer à la discussion de l’art. 8, je demanderai si personne ne demande la parole dans la discussion générale car elle n’a pas été close.

M. Dechamps. - Je la demande.

J’ai une explication à demander sur un point que l’on n’a pas touché dans la discussion générale ; je veux parler des recherches préalables.

Vous savez que le gouvernement avait adopté ce principe de n’accéder à des demandes en concessions qu’après des recherches préalables. Par là il entendait des travaux pour constater non seulement l’existence du minerai, mais encore la disposition des filons. Aucun article de la loi de 1810 n’autorisait ces recherches préalables ; elles n’avaient lieu qu’en vertu d’une instruction ministérielle du 3 août 1810. Cette instruction ministérielle n’étant qu’une explication arbitraire de la loi de 1810, je désirerais savoir si le gouvernement est dans l’intention de suivre ces errements. Dans le cas de l’affirmative, je désirerais savoir sur quel article il s’appuierait. Dans ce cas je proposerais un amendement.

M. Gendebien. - Que le ministre se dispense de faire des recherches, il n’existe pas dans la loi d’article relatif à cet objet. Il y a bien dans la loi des articles tendant à encourager et à favoriser les recherches ; tout, dans cette législation, tend à exciter aux recherches ; mais il n’y a aucune disposition qui autorise le gouvernement à faire des recherches et des découvertes préalables une condition pour des concessions.

Je crois qu’il est important que le ministre se fasse faire un rapport sur cette question. Je suis persuadé qu’il sera, comme nous, convaincu que les exigences de l’ancien gouvernement n’étaient fondées sur aucune des dispositions de la loi et qu’elles n’avaient pour but que d’écarter les hommes qui ne lui convenaient pas.

Je pourrais citer plusieurs exemples de citoyens à qui on a refusé des concessions sous prétexte qu’ils n’avaient pas fait des travaux, de recherches préalables ; et cependant pour le même terrain on a accordé la concession à d’autres, sans exiger aucune recherche, aucune découverte préalable.

Mon père a été victime de cet abus de pouvoir. Il a demandé, avec plusieurs citoyens réunis en société, une concession de mines, dont il démontrait l’existence par des renseignements positifs, résultat de quinze ans de méditation et d’études des lieux ; mais on a exigé des travaux préalables ; les associés ont reculé devant ces travaux dans la crainte de ne rien obtenir après les avoir exécutés, car le gouvernement pouvait accorder la concession à d’autres plus heureux ou plus obséquieux prés du pouvoir.

Indépendamment de cette raison il y en a mille encore, pour s’abstenir de cette justice administrative.

Si le ministre croyait devoir suivre les errements de l’ancien gouvernement, je l’inviterais à examiner la question et à prendre des informations avant de prendre un parti : il verrait qu’exiger des travaux et des découvertes préalables est réellement contraire à la loi, est diamétralement contraire à son esprit.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Pour m’expliquer, j’attendrai que M. Dechamps présente un amendement. Nous n’avons pas à nous occuper de la question des recherches d’après le projet, puisque pour cet objet on s’en est référé à la loi de 1810. Si le préopinant prétend qu’il y a eu des abus dans l’application des articles, et que des amendements soient nécessaires, je l’inviterai à les formuler, et nous les discuterons.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article 8

M. le président. - Conformément à la décision prise par la chambre, nous allons commencer par l’article 8. Celui qui est présenté par la commission est ainsi conçu :

« Il ne pourra être accordé de concession pour les mines ou minerai de fer que dans les cas suivants :

« 1° Si l’exploitation à ciel ouvert cesse d’être possible ;

« 2° Si l’exploitation à ciel ouvert, quoique possible encore, doit durer peu d’années et rendre ensuite impossible l’exploitation par travaux d’art.

« Est considérée comme exploitation à ciel ouvert celle dont les travaux s’exécutent par tranchée ou par puits et galeries.

« Il en est de même de l’exploitation pratiquée à l’aide d’une arène lorsque les travaux ne s’étendent pas au-dessous de cette arène et que celle-ci est établie de concert avec les propriétaires des fonds sous lesquels elle passe. »

Par amendement M. Pirmez demande qu’il ne puisse être accordé de concession de mine ou de minerai de fer, et que sous ce rapport la loi soit révisée dans dix ans.

M. Pirmez. - J’ai développé mon amendement dans la séance d’hier ; je ne pourrais aujourd’hui que répéter ce que j’ai dit. Je ferai seulement remarquer qu’il y a une pétition d’un maître de forges sur cette matière, et il me semble qu’on pourrait en donner lecture à l’assemblée. (Appuyé.)

Projet de loi rectifiant le texte de la loi communale

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux) prend en ce moment la parole et monte à la tribune pour présenter un projet de loi tendant à rectifier quelques erreurs commises dans le texte de la loi communale.

- Le projet est renvoyé devant une commission.

Projet de loi portant création d'un conseil des mines

Motion d’ordre

M. de Renesse, l’un des secrétaires de la chambre, donne lecture des pétitions adressées à l’assemblée sur les mines de fer.

- La chambre ordonne de nouveau l’impression de ces pièces au Moniteur.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que la discussion soit renvoyée à lundi, parce que d’ici là les documents que l’on vient de lire auront été imprimés, et on aura pu les examiner.

- La séance est levée à quatre heures.