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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 10 juin 1836

(Moniteur belge n°164, du 12 juin 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et quart.

M. Dechamps lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître à la chambre l’objet des pièces qui lui sont adressées.

« Les délégués des armateurs pour la pêche nationale à Ostende demandent que la chambre autorise M. le ministre de l’intérieur à répartir l’allocation de 120 mille francs pour primes d’encouragement à la pêche nationale. »


« Le sieur Bastide (Pierre-Alexandre), capitaine major de place de deuxième classe à Anvers, né en France, et domicilié en Belgique depuis 1816, demande la naturalisation. »


- Cette dernière pétition est renvoyée au département de la justice.


Messages du sénat annonçant qu’il a adopté les projets de loi concernant :

1° La séparation des villages de Deurne et de Borgerhout.

2° La délimitation des communes de Boucin (province de Namur) et Clavier (province de Liége).

3° La séparation du village de Boisschot d’avec la commune de Heyst-op-den-Berg.

4° La séparation des villages de Horst et de Sevenum.

5° La fixation de la limite territoriale de Stein et d’Elsloo.

6° La séparation du village de Molembaix de la commune de Celles.

7° Un transfert au budget du ministère de la guerre pour l’exercice 1835.

- Pris pour notification.


M. Wallaert s’excuse par lettre de ne pouvoir assister momentanément aux séances de la chambre.

- Pris pour notification.


M. Donny. - Je demande que la chambre autorise la lecture de la pétition des armateurs pour la pêche nationale à Ostende. Cette pétition est d’une nature très urgente.

Vous le savez, messieurs, aux budgets de 1834, 1835 et 1836, il a été alloué des, fonds pour l’encouragement de la pêche ; les pétitionnaires demandent qu’on fasse la distribution de ce fonds, en attendant l’adoption de la loi qui a été présentée sur la pêche nationale.

Si la chambre pense que le gouvernement puisse disposer de ces fonds, sans y être autorisé par une loi, je me dispenserai de présenter un projet de loi à cet égard.

M. Desmet. - Je viens appuyer de toutes mes forces la motion de l’honorable M. Donny qui tend à accorder aux pêcheurs d’Ostende une part dans le subside qui est alloué au budget pour protéger la pêche nationale, car vous ne pouvez ignorer, messieurs, que cette pêche est dans une détresse complète ; il faut donc que le gouvernement vienne à son secours, si vous voulez que le petit nombre de pêcheurs que nous conservons encore ne s’expatrient pas tous et n’aillent s’établir à Dunkerque ou autre port de France, où la pêche reçoit une protection nécessaire à se conserver en France.

Mais, messieurs, ce secours pécuniaire que le gouvernement accorderait à notre pêche maritime est encore un bien faible remède pour lui donner la protection dont elle a besoin et porter remède au mal qu’elle reçoit de la pêche hollandaise, qui, à notre grand détriment, nous livre presque tout le poisson frais et salé dont le pays a besoin pour sa consommation.

Je vous engage, messieurs, à vous informer de ce qui se passe au Doel, à Bast, à Flessingue et dans tout l’Escaut oriental ; vous apprendrez que journellement les Hollandais transbordent dans des bateaux d’Anvers leurs poissons, pour en fournir nos marchés ; et c’est ainsi, messieurs, que les soi-disant pêcheurs d’Anvers vont pêcher dans la mer, mais c’est ainsi aussi qu’ils tuent notre pêche nationale.

C’est assez étrange que nous favorisons avec tant de complaisance la pêche des Hollandais, en laissant entrer si facilement ses produits, tandis que de leur côté ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour gâter notre commerce et prennent les mesures les plus fortes pour empêcher l’introduction chez eux de nos denrées.

Je présume donc que le gouvernement ne tardera pas à prendre des mesures efficaces pour défendre l’entrée du poisson hollandais, frais et salé, et qu’aussi il ne tardera à proposer des modifications au tarif des douanes, et qu’au lieu de laisser entrer le poisson étranger à peu près librement, il soit assujetti, comme en France, en Prusse et dans d’autres pays, à un droit assez élevé pour avoir une protection efficace.

Je ne puis assez recommander cet objet à la sollicitude du gouvernement, et je pense qu’il ne peut mettre en doute toute l’importance de cette branche d’industrie, qui particulièrement est d’une si grande utilité pour fournir des marins au pays.

M. Smits. - J’appuie également la proposition de M. Donny, tendant à autoriser le gouvernement à disposer du crédit alloué aux budgets de 1834, 1835 et 1836 pour l’encouragement de la pêche nationale.

M. Donny. - Je ne pense pas quant à moi qu’il faille une loi pour autoriser le gouvernement à disposer des fonds dont il s’agit. Au budget de 1834, le libellé du crédit renferme, il est vrai, une restriction qui empêche le gouvernement d’en opérer la répartition, s’il n’y est autorisé par une loi. Mais cette restriction n’accompagne plus les crédits accordés pour les années 1835 et 1836, et je crois que le ministre peut en faire la distribution.

Toutefois, s’il est nécessaire, je proposerai un projet de loi mais je prierai M. le ministre de faire connaître préalablement ses intentions.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je demande que l’on donne lecture de la pétition.

M. Desmaisières. - Messieurs, l’objet de la pétition est simple ; que demande les pétitionnaires d’Ostende ? Que le ministre puisse distribuer les fonds que vous, avez votés pour l’amélioration de la pêche nationale.

Ainsi que l’a déjà dit M. Donny le crédit a été restrictivement accordé au budget de 1834 ; mais cette restriction ne se trouve plus dans les deux budgets suivants. Le gouvernement peut donc disposer des fonds qui y ont été alloués pour cet objet.

M. de Brouckere. - La discussion actuelle ne peut réellement avoir aucun but ; nous ne pouvons en aucune manière interpréter une loi qui a été portée par les trois branches du pouvoir législatif ; si une interprétation est nécessaire, elle ne peut avoir lieu que par une nouvelle loi ; je demande donc qu’on passe à l’ordre du jour.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, je crois que les pétitionnaires ne demandent pas que la chambre interprète ce qui a été voté au budget ; ils se bornent, je pense, à appeler l’attention de l’assemblée sur l’importance qu’il y aurait de prendre une décision à cet égard.

J’ai reçu ce matin une députation de la chambre de commerce d’Ostende qui m’a conseillé de présenter un projet de loi à ce sujet ; mais la chambre conçoit qu’il ne m’a pas encore été possible de prendre une résolution.

Dans ce moment je dois m’abstenir. D’ici à demain je pourrais peut-être avoir pris une détermination.

M. de Brouckere. - D’après les dernières paroles de M. le ministre de l’intérieur, ce qu’il y a de mieux à faire, c’est de lui renvoyer la pétition, et de la déposer en même temps sur le bureau.

Je demande que la chambre prenne une décision en ce sens.

M. Donny. - Je me rallie à la proposition de M. de Brouckere.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Projet de loi qui alloue un crédit supplémentaire au département de la guerre pour le service du couchage des troupes, exercice de 1836

Second vote des articles

Article unique (du projet du gouvernement)

M. Schaetzen. - Messieurs, à la fin de la séance de mercredi dernier et au moment où nous allions nous prononcer entre la proposition du gouvernement et celle de la commission, on nous a improvisé deux propositions nouvelles, l’une de M. Pirson, l’autre de M. Alexandre Rodenbach, et presque immédiatement l’on a passé aux voix.

La question de priorité ayant été posée, j’ai pensé que la proposition de M. Rodenbach devait être mise aux voix la première, parce qu’elle s’éloignait le plus de la proposition du gouvernement et qu’elle emportait celle de M. Pirson et celle de la commission.

Mais la préférence me semblait due à l’amendement de M. Pirson, la proposition de M. Rodenbach me paraissant faite sous l’impression de l’indignation universelle qu’avait excitée en cette assemblée le développement des conséquences que devaient avoir pour le trésor et pour le soldat les diverses clauses du contrat fait avec la compagnie Félix Legrand.

Il me paraissait qu’il fallait laisser au gouvernement et à la compagnie le temps de profiter de notre discussion, et de nous présenter des conditions raisonnables, des conditions qui conciliassent le bien-être du soldat et l’intérêt du trésor avec un gain licite.

L’amendement de M. Pirson me paraissait sous ce rapport préférable ; il n’approuvait pas le contrat et nous laissait la position d’une année entière pour prendre à l’égard du contrat en question, à l’époque de la formation du budget prochain, telle décision que l’équité réclamerait.

Mais je l’avoue, messieurs, j’ai conçu quelque doute sur la portée de l’amendement de M. Pirson, et ce doute m’est venu d’un petit article que j’ai vu dans le Moniteur d’hier ; il ne se trouve pas à la vérité dans la partie officielle, ni dans le compte-rendu de la séance de la chambre ; je ne l’envisage donc que comme un article de journaliste ; quoi qu’il en soit, cet article contient une espèce d’explication de la prétendue intention de M. Pirson ; je ne sais si M. Pirso, a dit ce qu’on lui fait dire dans cet article, du moins je ne l’ai pas entendu ; je sais encore moins si dans cet article on rend son intention au lieu d’en douter ; dans tous les cas ce ne sont pas les motifs énoncés dans cet article qui m’ont fait adopter l’amendement de M. Pirson, et je sens le besoin de m’en expliquer franchement.

Voici un extrait de cet article :

« M. Pirson a demandé que la chambre votât l’allocation demandée par le ministre avec cette condition expresse : « Sans rien préjuger relativement au marché contracté par le ministre le 16 juin 1835, pour la fourniture des lits de fer et de tous les effets de couchage ; » l’honorable M. Pirson voulant que l’expérience éclairât sur la bonté du marché, et surtout pour savoir si les soldats n’en seront pas victimes. »

Pour ma part je proteste formellement que je ne me contenterai pas de modifications au tarif de réparation des dégradations, je veux aussi des améliorations dans l’intérêt du trésor. Je proteste surtout que je ne veux point faire du contrat un essai ; cet essai est pour moi inutile ; j’ai la conviction que le contrat est mauvais, qu’il est illégal, qu’il est onéreux pour l’Etat et pour le soldat.

Tout ce que je veux, c’est de ne pas procéder immédiatement à une annulation dont je ne vois pas bien toutes les conséquences, annulation dont les conséquences n’ont pas été indiquées ni examinées par notre commission.

Tout ce que je veux, c’est que le contrat soit pour nous une lettre morte jusqu’au mois de novembre.

Je désire que dans l’intervalle la compagnie présente des conditions acceptables ; bien résolu que je suis, si elle ne le fait pas, de répudier le contrat au mois de novembre, lors du vote du budget de 1837, et de désavouer alors l’œuvre illégal du ministre de la guerre.

C’est afin qu’il ne reste pas à cet égard le moindre doute que je propose d’ajouter, à la suite de l’amendement de M. Pirson, ce qui suit :

« Lequel marché ne pourra, en aucun cas et en aucun temps, être opposé ni invoqué qu’après qu’il aura été homologué par le pouvoir législatif. »

Je me rallierai à toute autre rédaction qui rendra ma pensée d’une manière plus claire et plus forte.

Je n’ajouterai qu’une seule observation, c’est que l’adoption de la proposition de M. Rodenbach, l’annulation immédiate du contrat prononcée par la chambre, ne peut que produire des effets fâcheux dans l’armée ; nous savons tous qu’aujourd’hui plus que jamais, nous devons, avec des sentiments d’une sage liberté, inspirer à nos jeunes soldats des sentiments d’ordre et de discipline, des sentiments de respect pour leurs chefs.

Or, de quel œil envisageront-ils un chef dont les actes auront été flétris, annulés et cassés par une assemblée comme la nôtre ?

Ce n’est pas que je reculerai devant des conséquences aussi fâcheuses ; mais je ne les admettrai que quand je ne pourrai plus les éloigner, quand je serai réduit à les accepter et nous n’y sommes pas encore réduits. Quatre mois de réflexion peuvent nous apporter des résultats moins funestes, des résultats qui concilient nos devoirs envers le soldat, envers le trésor public, envers des gens qui ont contracté de bonne foi avec notre agent qui s’est trompé.

M. Pirson. - Messieurs, l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter à la séance d’avant-hier sur le marché des lits de fer, et qui a été adopté par un premier vote, est devenu l’objet de vives attaques. Les unes me sont personnelles, les autres portent sur le fond de la question.

Je dirai peu de choses sur les personnalités.

Je suis devenu tout à coup un ministériel renforcé, peut-être même un renégat.

Par le temps qui court, et au milieu de ce débordement d’injures et de calomnies, qui va peut-être faire subir une nouvelle épreuve à notre état politique, j’espère que le bon sens du peuple belge lui indiquera le moyen de se débarrasser de la fange et de se placer pur et net sur la scène politique.

Que tous les hommes francs et dévoués de bonne foi au pays marchent la tête haute et en avant ; bientôt les désorganisateurs se trouveront seuls et en bien petit nombre.

Depuis 47 ans j’ai pris rang dans la révolution, et si je l’ai traversée sans encombres jusqu’à ce jour, c’est à la franchise de mon caractère que je le dois.

Jamais je n’ai été le colporteur de l’opinion d’autrui ; jamais je n’ai craint de dire la mienne, et mes longues années ne m’ont point encore fait assez baisser la tête pour que je sois obligé de ramasser les inspirations du banc ministériel ou du banc de tel ou tel autre membre de cette chambre.

M. d’Huart ne m’a point fait passer de son banc une lettre quelques minutes avant que je déposasse mon amendement. Mais, avant que la discussion fût engagée, M. le ministre de la guerre se leva de son banc et m’apporta le brevet qui d’avance était la récompense de l’amendement auquel je ne pensais pas moi-même en ce moment.

Voici, messieurs, ce brevet pour l’un de mes fils ; ce n’est pas même un brevet de lieutenant, quoique j’aie deux sous-lieutenants qui s’en contenteraient :

« Bruxelles, 8 juin 1836.

« En vertu des dispositions de l’arrêté royal du 26 septembre 1832, il est accordé à M. Pirson, capitaine au 3ème régiment d’artillerie, une prolongation de congé jusqu’au 1er juillet prochain pour en jouir à Paris (France). Ce congé prendra cours à dater du jour de l’expiration de celui dont il est porteur.

« Le ministre de la guerre,

« Baron Evain. »

Mon fils n’est point à Paris pour ses plaisirs, mais bien pour une cause fort affligeante pour moi.

Par le temps qui court, vous le voyez, messieurs, toutes les insinuations calomnieuses sont en jeu. C’est un motif de suspicion d avoir trois fils parmi les défenseurs de la patrie. Le fait est qu’on veut tout brouiller, surtout dans l’armée, les uns dans l’espoir de revenir à l’ancien ordre de choses ; les autres mécontents, déçus, ne sachant trop ce qu’ils veulent.

J’en reviens à mon amendement.

Je ne m’attendais pas du tout que la discussion allât finir subitement ; on avait dit que plusieurs orateurs devaient encore parler, entre autres M. Dubus ; cependant M. le président annonce qu’il n’y a plus d’orateurs inscrits, personne ne demande la parole. M. Rodenbach propose son amendement.

A mon sens, les deux alternatives par lui posées sont trop absolues ; je ne peux voter ni pour l’une ni pour l’autre. Je ne veux pas repousser ici une inconstitutionnalité par une autre inconstitutionnalité. Je me décide à l’improviste, et je lance mon amendement. Quel en sera le résultat ?

Si le ministre Evain reste à son poste, il fera une nouvelle convention avec les entrepreneurs, il mettra nos soldats à l’abri de leurs spéculations en fait de dégradations, il donnera satisfaction aux villes munies d’effets de casernement ; dans 5 mois, il nous présentera le budget de 1837, et alors si la chambre n’a pas tous ses apaisements, elle rejettera toute allocation, voire même le budget de la guerre.

Si le ministre Evain se retire, son successeur ne voudra point endosser un manteau de mauvaise structure ; il faudra bien encore que les entrepreneurs composent avec lui. De cette manière nous arriverons à notre but sans perturbation incessante.

M. Eloy de Burdinne. - Si, par un vote approbatif des crédits demandés par le ministère de la guerre pour faire face aux dépenses du couchage des soldats, on prétend que c’est donner son assentiment au marché Legrand, je vous déclare que je serais dans une position bien difficile, parce que je considère ce marché comme étant très onéreux au trésor et aux soldats ; cependant, en votant contre les crédits demandés, c’est paralyser l’action du gouvernement ; c’est empêcher le soldat d’être couché ; et ce n’est pas là mon intention. L’amendement présenté par M. Pirson ne donne pas assez de garanties contre le marché que je n’approuve pas, et je voudrais qu’il fût dit explicitement que la chambre n’approuve pas le contrat relatif au couchage des troupes. Je regrette de ne pouvoir ratifier par mon vote un acte du gouvernement, et surtout un acte émané d’un ministre qui a rendu des services à mon pays, je le reconnais ; d’un ministre honnête homme et dont l’intégrité est à l’abri de toute suspicion.

Je pense que l’on peut faire un marché moins onéreux que celui qui a été passé : c’est du moins l’opinion que je me suis formée d’après les documents produits et les discussions qui ont eu lieu.

Voilà ce que j’ai cru devoir dire pour motiver mon vote, qui sera, dans cette circonstance, comme il le fut toujours, dicté par ma conscience.

M. Milcamps. - Messieurs, l’amendement de M. Pirson porte : « sans rien préjuger relativement au marché des lits de fer, contracté le 6 juin 1835. »

Dans ma manière de voir, la portée de cet amendement est de ne point préjuger la question de validité de ce marché, c’est-à-dire de ne pas la décider avant de l’avoir approfondie, avant d’avoir connaissance de tout ce qui doit servir à la résoudre.

On propose de modifier cet amendement dans ce sens que le marché ne pourra être invoqué ou opposé qu’après avoir été homologué par le pouvoir législatif.

Mais, messieurs, pour adopter une semblable modification, il faut méconnaître l’existence d’une convention passée entre les entrepreneurs et le ministre de la guerre ; que de cette convention une action est ouverte aux entrepreneurs pour la faire exécuter, que le gouvernement peut faire valoir des exceptions, que ces questions sont du ressort des tribunaux.

Or, que nous propose-t-on ? d’interdire aux entrepreneurs toute action pour faire exécuter le contrat, d’interdire aux tribunaux d’en connaître.

Je ne pense pas, messieurs, qu’une proposition qui doit entraîner des conséquences semblables puisse être admise ; tout ce que la chambre doit faire, c’est de ne point poser des faits qui emporteraient la ratification du marché.

Je rejetterai la modification proposée.

M. Devaux. - Pour avoir une idée claire de l’amendement, je demanderai un mot d’explication à son auteur. On parle, dans cet amendement, de l’homologation du contrat par les chambres ; je voudrais savoir ce que l’honorable M. Schaetzen entend par homologation ; entend-il par là donner une solution à la question que l’amendement de M. Pirson laisse intacte ? Ou bien entend-il par là une approbation explicite ou implicite comme celles qui ont été données jusqu’ici dans les budgets ?

M. Schaetzen. - J’ai entendu par mon amendement une approbation expresse. J’ai pris un terme de droit. L’homologation ne peut jamais avoir lieu que d’une manière expresse, explicite ; elle ne peut être tacite. Je ne veux cependant pas par là que l’homologation ait lieu par une loi à part ; elle peut être donnée dans le budget ; nous pourrions dire dans la loi de finances que les fonds que nous allouons sont pour l’exécution du marché Legrand.

Dès que nous ne mettrons pas de restrictions au budget, en allouant la somme qui sera demandée l’année prochaine, le ministre pourra employer celle qui lui sera accordée comme il l’entendra. Mais si le ministre qui reçoit des fonds voulait les employés à un autre usage que celui qui est indiqué dans le budget, il faudrait une loi expresse.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a dans l’amendement proposé par l’honorable M. Schaetzen deux inconvénients qu’il n’a sans doute pas aperçus. Je crois que d’après cet amendement la cour des comptes n’autoriserait aucun paiement pour le couchage au moyen des lits en fer. En effet, il est dit dans cette proposition que le marché ne pourra en aucun cas être invoqué jusqu’à ce qu’il puise être considéré comme homologué par le pouvoir législatif. Il est évident que l’allocation du crédit accompagnée d’une telle restriction ne permettrait pas à la cour des comptes d’autoriser les paiements pour frais de couchage sur les lits en fer ; cependant telle n’est pas l’intention de M. Schaetzen.

D’un autre côté, nous ne pouvons pas nous dissimuler que la proposition soulève la grave question de savoir si la chambre doit explicitement ratifier le marché ; en un mot, si elle peut convenablement porter sur le contrat vu et homologué par le pouvoir législatif.

Je ne veux pas m’occuper de l’espèce d’incident soulevé par M. Pirson et dans lequel mon nom a été cité quoique je fusse tout à fait étranger à ce que l’on a pu m’attribuer, je ne sais dans quel écrit ; je dirai seulement que j’ai dès le principe compris l’amendement de cet honorable membre comme il l’a développé aujourd’hui.

Toutefois, je crois que l’on rendrait plus complètement sa pensée et que nous serions tous d’accord avec lui si on ajoutait quelques mots que je vais indiquer à son amendement, au lieu du sous-amendement de M. Schaetzen, qui me paraît inadmissible par les motifs que je viens de déduire.

Voici la proposition de M. Pirson telle que vous l’avez adoptée :

« Sans rien préjuger relativement au marché contracté par le ministre de la guerre le 16 juin 1835 pour la fourniture des lits de fer et de tous les objets de couchage. »

Je propose d’y ajouter ce qui suit :

« La présente allocation de fonds ne pouvant en aucun cas être invoquée ou opposée comme une approbation expresse ou tacite du marché par le pouvoir législatif. »

Avec cette rédaction, la cour des comptes ne pourra refuser les fonds qui lui seront demandés, et tout est formellement réservé pour vous prononcer dans la session prochaine, avec parfaite connaissance de cause, sur le marché des lits militaires.

M. Demonceau. - Messieurs, je crois devoir soumettre quelques observations à la chambre qui, je pense, prouveront que les termes de l’amendement proposé par l’honorable M. Pirson ne rendent pas l’idée de son auteur, et pour l’en convaincre, il suffit de lire les développements qu’il nous a donnés, car pour lui, il n’y a pas doute sur l’illégalité du marché. Ils ne rendent pas non plus l’idée de ceux qui ont combattu si vivement et avec tant de lucidité les principes mis en avant par M. le ministre de la guerre, à savoir si l’Etat serait lié par le contrat de juin 1835 ; enfin, ils ne me paraissent pas expliquer assez clairement l’idée à peu près unanime dans cette chambre pour repousser un pareil système, qui ne tendrait à rien moins qu’à rendre inutile, lier même contre son gré, le vote de la chambre, chaque fois qu’il plairait à un ministre de faire un pareil contrat.

« Ne rien préjuger, » c’est laisser une question intacte ; c’est en d’autres termes, ajourner la discussion, même celle de la légalité du marché. Sur ce point la chambre devrait, ce me semble, s’expliquer positivement ; le ministère ne peut non plus se taire s’il veut obtenir l’allocation. Aussi, si j’ai bien compris l’amendement proposé par M. le ministre des finances qui, sans doute, parle dans cette circonstance au nom du cabinet entier, le ministère a compris sa véritable position vis-à-vis de la chambre, mais je vous l’avoue, je préfère l’amendement proposé par l’honorable M. Schaetzen ; il est plus exprès.

La rupture d’un contrat passé avec la publicité que celui dont s’agit a obtenue, c’est sans doute un fait grave ; mais n’est-ce pas un fait non moins grave que de ne pas s’expliquer d’une manière expresse sur une question légale ? Un ajournement ne doit pas être le résultat d’un travail préparatoire, si longuement élaboré et si bien résumé dans la discussion : que dira le pays !

Je reconnais que, rigoureusement parlant, la chambre n’a pas qualité pour annuler positivement le contrat ; mais l’on ne contestera pas, je pense, qu’elle peut l’approuver en votant le chiffre nécessaire à son exécution. Le vote du chiffre lui est donc exclusivement dévolu. Eh bien ! rejeter le chiffre ou en voter un insuffisant, n’est-ce pas l’annulation indirecte du contrat ? Nous voudrions ne pas rejeter le chiffre, mais émettre une opinion telle qu’en aucun cas et dans aucun temps ce marché ne pût être opposé comme pouvant lier l’Etat : ce n’est pas annuler dès ce jour le contrat, c’est seulement déclarer que la chambre ne le considère pas comme valable. Ceux qui pensent que les tribunaux seuls peuvent l’annuler, doivent avoir tout apaisement. Que la société adjudicataire soumette la solution de cette question aux tribunaux, et vous verrez qu’elle sera leur décision ; pour moi, elle ne paraît pas douteuse. Du reste, les tribunaux jugeront comme ils l’entendront, la question reste entière ; plus tard la chambre verra ce qu’elle aura à faire lors du vote du budget ; car je vous l’avoue, avec le système soutenu par M. le ministre de la guerre et même la société dans leurs mémoires respectifs, un ministre, si nos tribunaux déclaraient légal un marché de l’espèce de celui-ci, serait plus puissant que nous, pour voter la dépense,

Je pense donc que malgré les explications et l’amendement de M. le ministre des finances, nous devons donner la préférence à l’amendement proposé par l’honorable M. Schaetzen.

M. Schaetzen. - L’on a objecté à mon amendement que la cour des comptes ne pourrait recevoir les ordonnances de paiement en exécution de la disposition que je propose. La cour des comptes peut ordonnancer tous les paiements que le ministre de la guerre imputera sur l’article en discussion.

Il n’est pas nécessaire que le ministre de la guerre dise que la demande de paiement se fait en vertu de tel ou tel contrat passé avec tel entrepreneur. Il suffit que la fourniture ait eu lieu, et que les pièces justificatives prouvant qu’elle a eu lieu en effet soient annexées à la demande de paiement pour que la cour des comptes accorde son visa.

Je maintiens donc mon amendement. Il garantit tous les intérêts. Au mois de novembre prochain nous pourrons homologuer le contrat tacitement ou explicitement si nous le voulons.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense que la cour des comptes n’interpréterait pas la chose comme le fait M. Schaetzen. Du moment que la cour des comptes verrait une demande de paiement faite au profit de la compagnie Legrand, après les discussions que ce marché a soulevées dans cette enceinte et surtout en présence de la disposition formelle sur l’homologation, contre l’intention de son auteur sans doute, la cour des comptes ne manquerait pas de refuser ce paiement.

Mon amendement remplit bien mieux l’intention de la chambre. Ce n’est qu’une addition à l’amendement de M. Pirson qui n’y change rien au fond, mais le rend seulement plus explicite et assure toutes les garanties que la chambre peut désirer. Ceux qui ne veulent pas du marché dès aujourd’hui rejetteront cet amendement ; ceux, au contraire, qui croient que le marché peut être sanctionné, ceux qui attendent de plus amples renseignements pour l’homologuer ou le rejeter définitivement, adopteront cette disposition.

M. Dumortier. - M. Rodenbach n’a-t-il pas déposé un amendement ?

M. A. Rodenbach. - Mon amendement est également déposé sur le bureau. Je suis persuadé que si la chambre l’adoptait, la compagnie Legrand s’empresserait de transiger avec le gouvernement. J’en ai l’intime conviction. Si au contraire la chambre le rejette, la compagnie continuera à exploiter le malheureux soldat d’une manière vraiment scandaleuse.

On répond à cela que si les soldats ont été exploités, c’est de la faute des officiers. Je dis, moi, que M. le ministre de la guerre aurait dû donner aux chefs de corps des instructions précises à cet égard. Il aurait montré, en agissant ainsi, de la sollicitude pour les malheureux soldats.

Le tarif dont on nous a donné connaissance dans une séance précédente est réellement scandaleux. Rien ne nous donne l’assurance qu’il sera aboli, si vous n’adoptez pas mon amendement.

Je ne crains pas de le dire, dans l’état actuel des choses le soldat est volé. La chambre ne doit pas tolérer un vol aussi odieux.

M. Desmet. - Messieurs, pour ce qui concerne les dégradations qu’on fait payer à la troupe, je viens appuyer ce que vient de dire le préopinant et ce qu’en a dit dans une de nos séances précédentes l’honorable M. Desmanet de Biesme, et il est certain une c’est une charge très lourde pour le soldat.

J’ai visité deux casernes de cette ville, celle de Ste-Elisabeth et celles des Guides : dans les deux, les officiers que j’y ai vus et qui ont eu la complaisance de me montrer en détail le nouveau couchage, m’ont déclaré que pour ce qui concernait le couchage, ils en étaient très satisfaits, que la troupe en était de même très contente, que jamais elle n’en avait eu de meilleur ; mais que d’un autre côté ils se plaignaient fortement de la charge qui incombait au soldat pour les dégradations qu’ils avaient à indemniser.

Je demanderai à M. le ministre de la guerre s’il ne peut déjà pas communiquer à la chambre l’avis qu’il a demandé à une commission composée d’officiers supérieurs, pour arrêter une mesure pour prévenir les vexations qu’on pourrait faire subir à la troupe, dans l’indemnité des dégradations qui se commettraient aux lits et literies.

Qu’il y ait abus au détriment des soldats, dans l’évaluation de ces dégradations ou soi-disant dégradations, il paraît, d’après ce que j’ai appris dans les casernes, que c’est incontestable. Mais, messieurs, cet abus n’existe pas seulement dans le couchage de l’entreprise ; celles que les régences ont contractées avec les particuliers ont le même inconvénient, et ne croyez pas que l’entreprise de couchage de la place de Nieuport, qui est aussi une entreprise particulière, soit à l’abri de ces abus.

Il est donc évident que l’indemnité des dégradations ne tient pas au marché et que les inconvénients qu’il présente existaient avant l’entreprise des lits de fer et que même ils étaient plus grands qu’à présent ; nous devons espérer que le gouvernement fera sans retard cesser ces abus, qui sont si ruineux pour le soldat, et que des mesures seront prises pour qu’il ne soit responsable que de véritables dégradations, et qu’on ne mettra pas à sa charge les dégâts qui ont lieu par simple usure.

Par exemple, daignez, messieurs, me permettre l’expression, une tache d’urine, que je vois comme une dégradation que le soldat peut prévenir, n’est pas faite par suite de l’usage qu’il a fait du lit, mais par sa propre faute et sa malpropreté ; mais d’autres taches qui n’ont lieu qu’en occupant le lit et qu’il ne peut éviter, ce ne peut être une dégradation dont l’indemnité peut incomber à la charge du soldat. En un mot, il faut que ce soit absolument une dégradation faite par la propre faute du soldat, pour qu’on puisse le rendre responsable de la dégradation.

Je ne puis donc assez engager le gouvernement qu’il fasse cesser ces abus qui sont réels, qui sont de véritables vols qu’on fait au pauvre soldat ; mais, je le répète, je ne le demande pas seulement pour les couchages de l’entreprise Legrand, mais pour toutes les entreprises de couchage des casernes ; car ces abus existent partout et ont existé avec l’entreprise des lits de fer.

M. Dumortier. - J’ai été frappé, messieurs, dès le commencement de cette discussion, des difficultés que présentait la question. Je me suis dit : Le marché est évidemment onéreux pour le trésor. Il est illégal. Mais la grande difficulté, c’est de retirer le couchage actuel qui est évidemment meilleur que le mode ancien.

Or, remarquez que par une heureuse coïncidence le marché est aussi onéreux pour le soldat qu’il l’est pour le trésor. Nous nous trouvons donc par bonheur dans une position toute spéciale dont il faut nous hâter de profiter. Le soldat aussi bien que l’Etat retireront un grand avantage de l’annulation du marché.

Mais si vous remettez à une autre époque d’exécuter cette annulation et si dans l’intervalle le ministre de la guerre améliore les réparations à la charge du soldat, sans améliorer la situation du trésor public, cette position heureuse vous la perdrez. Il faut profiter de votre situation. Le marche est onéreux, il est illégal ; tout le monde en convient. Personne n’a élevé la voix pour soutenir le contraire. Dès lors il faut savoir profiter de votre situation.

Je demande donc que la chambre admette la proposition de l’honorable M. A Rodenbach, la seule qui soit admissible, la seule qui puisse amener à une bonne transaction, ou à l’annulation du marché.

Quant à la proposition de M. le ministre des finances, il est évident qu’elle n’a qu’un but, et ce but, je le dirai n’en déplaise à l’honorable auteur de la proposition, c’est de jouer l’assemblée ; car elle n’est autre chose que la répétition de l’amendement de M. Pirson. Dire que vous n’approuvez ni n’improuvez le marché et que vous ne préjugez rien, c’est dire que vous voulez que le marché soit exécuté jusqu’à ce qu’il en ait été décidé autrement, tandis qu’avec la proposition de l’honorable M. Schaetzen, cela n’est plus possible ; cette dernière proposition est donc plus rationnelle et plus logique que celle de M. le ministre des finances.

Ainsi je voterai d’abord pour la proposition de M. Rodenbach. Si cette proposition est rejetée, je voterai pour l’amendement de M. Schaetzen. Mais je repousserai celui de M. le ministre des finances qui n’est qu’une pure redondance de l’amendement de M. Pirson.

Un grand nombre de membres. - Aux voix ! aux voix !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je renoncerais volontiers à la parole. Mais je ne puis admettre les imputations de M. Dumortier.

Jouer l’assemblée ! est-ce qu’il y a l’apparence de cela dans mes paroles ? (Non ! non !)

Oui, il s’agit d’adopter la proposition de M. Piron. Est-ce bien clair ? Mais avec ses motifs, il s’agit d’exécuter le marché provisoirement jusqu’en 1837, soit parce que nous ne sommes pas suffisamment éclairés, soit parce que nous ne savons pas quelles pourraient être toutes les conséquences du rejet du marché. Voilà ce que nous devons faire dans l’intérêt du crédit du pays et de la foi due aux contrats et par d’autres considérations de haute politique. Est-ce là jouer l’assemblée ? (Non ! non ! aux voix ! aux voix !)

Permettez-moi, messieurs, de répondre un mot à M. Dumortier. Le marché, dit-il, est onéreux. Mais quelle différence y a-t-il entre le marché et ce qui existait précédemment ? 60 centièmes de centime par lit sur 19,000 lits. Voilà, messieurs, ce qu’il en coûte de plus au trésor par an. (Réclamations de la part de quelques membres.)

Un grand nombre de voix. - Aux voix ! aux voix !

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Ce n’est pas moi qui ai recommencé cette discussion ; si on ne veut pas la continuer et passer au vote, je renonce bien volontiers à la parole.

- Le sous-amendement de M. Schaetzen est mis aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :

66 membres prennent par au vote.

33 votent pour l’adoption.

33 votent contre.

M. le président. - Conformément à l’article 38, deuxième paragraphe de la constitution, le sous-amendement de M. Schaetzen n’est pas adopté.

Ont voté pour l’adoption : MM. Dams, Dechamps, de Jaegher, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Eloy de Burdinne, Fallon, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach Rouppe, Schaetzen, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen, Watlet, Lejeune.

Ont voté contre : MM. Bekaert, Goblet, Coghen, Cols, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raikem, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, Verdussen, C. Vuylsteke.

- Le sous-amendement de M. le ministre des finances est mis aux voix et adopté par assis et levé.

- L’amendement de M. Pirson, sous-amendé par M. le ministre des finances est mis aux voix par appel nominal ; voici le résultat du vote :

66 membres sont présents.

2 s’abstiennent.

38 votent pour l’adoption.

26 contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert, Goblet, Coghen, Cols, Dechamps, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Fallon, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, C. Vuylsteke, Watlet, Verdussen.

Ont voté contre : MM. Dams, de Jaegher, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Heptia, Gendebien, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lejeune, A. Rodenbach, C. Rodenbach Rouppe, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Vande Wiele, Vanderbelen, Vergauwen.

Se sont abstenus : MM. Eloy de Burdinne et Schaetzen.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, conformément au règlement, à en énoncer les motifs.

M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu comme je m’abstiendrai dans le vote de la loi, parce que je n’ai pas eu les apaisements que je désirais.

M. Schaetzen. - Je connaissais la portée de mon amendement ; mais je ne connais pas la portée de l’amendement de M. le ministre des finances. C’est par ce motif que je me suis abstenu.

Vote sur l’ensemble du projet

La chambre procède au vote par appel nominal sur l’ensemble du projet ; en voici le résultat :

66 membres sont présents.

2 s’abstiennent.

38 votent pour l’adoption.

26 contre.

La chambre adopte.

Ont voté pour l’adoption : MM. Bekaert, Goblet, Coghen, Cols, Dechamps, F. de Mérode, W. de Mérode, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Sécus, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dubois, Ernst, Fallon, Jadot, Lardinois, Lebeau, Legrelle, Liedts, Milcamps, Morel-Danheel, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Smits, Ullens, Vandenhove, Verdussen, C. Vuylsteke, Watlet et Raikem.

Ont voté contre : MM. Dams, de Jaegher, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Doignon, Dubus aîné, Dumortier, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Keppenne, Kervyn, Lejeune, A. Rodenbach, C. Rodenbach Rouppe, Simons, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Vanden Wiele, Vanderbelen, Vergauwen.

Se sont abstenus : MM. Eloy de Burdinne et Schaetzen.

M. le président. - Les membres qui se sont abstenus sont invités, aux termes du règlement, à énoncer les motifs de leur abstention.

M. Eloy de Burdinne. - Je me suis abstenu par les mêmes motifs que j’ai énoncés au vote précédent.

Proposition de loi qui accorde une pension à la veuve d’Isidore Plaisant

Discussion de l'article unique

M. le président. - L’objet de l’ordre du jour est la proposition de M. de Brouckere ayant pour but d’accorder une pension à la veuve d’Isidore Plaisant.

La proposition de M. de Brouckere est ainsi conçue :

« Léopold, etc.

« Vu l’article 114 de la constitution ;

« Voulant récompenser, dans la personne de la veuve du sieur Isidore Plaisant, les services rendus au pays par son mari dont un excès de zèle et un trop grand amour pour le travail ont hâté la mort ;

« Nous avons, de commun accord, etc.

« Article unique. Une pension annuelle et viagère de la somme de trois mille francs est accordée, à dater de la promulgation de la présente loi, à la veuve du sieur Isidore Plaisant, en son vivant procureur-général près la cour de cassation. »

La section centrale propose l’amendement suivant :

« Léopold, etc.

Voulant récompenser, dans la personne de la veuve Isidore Plaisant, les services rendus au pays par son mari dès les premiers jours de la révolution ;

« Nous avons. etc.

« Article unique. Une pension annuelle et viagère de la somme de quinze cents francs est accordée, à dater de la promulgation de la présente loi, à la veuve d’Isidore Plaisant, ancien administrateur de la sûreté publique et en dernier lieu procureur-général près la cour de cassation.

« Mandons et ordonnons, etc.

M. de Brouckere se rallie-t-il à cet amendement ?

M. de Brouckere. - Je me rallie à la rédaction, mais non au chiffre. Je déclare réduire mon chiffre de trois mille à deux mille.

M. le président. - A quelle proposition veut-on donner la priorité ?

M. Devaux. - Au chiffre le plus élevé ; c’est toujours de cette manière que l’on procède dans les questions de chiffre ; si on ne procédait pas ainsi, ceux qui ne veulent pas de chiffre du tout ne pourraient pas voter.

- Le chiffre de deux mille fr. est mis aux voix.

Après deux épreuves, la première ayant été douteuse, le chiffre de deux mille fr. est rejeté.

Celui de 1,500 fr. est ensuite adopté ainsi que l’article de la section centrale.

M. le président. - Comme il y a un amendement, il faut remettre le vote définitif à un autre jour.

Plusieurs membres. - Non ! non !

M. le ministre de la justice (M. Ernst). - J’ai l’honneur de proposer à la chambre de déclarer l’urgence ; les séances du sénat approchent de leur fin. Cette assemblée est saisie d’un autre projet qui a beaucoup d’analogie avec celui qui nous est en ce moment soumis, et elle attend ce dernier pour les renvoyer tous deux à la même commission.

- La proposition d’urgence est mise aux voix et prononcée.

L’article adopté est soumis à un second vote et confirmé.

Les motifs sont également adoptés.

Vote sur l'ensemble du projet

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

En voici le résultat :

Nombre des votants, 56.

Ont répondu oui 42.

Ont répondu non 14.

En conséquence le projet est adopté. Il sera transmis au sénat.

ont répondu oui : MM. Goblet, Coghen, Cols, Dams, de Brouckere, Dechamps, de Jaegher, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, W. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Huart, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Hye-Hoys, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lejeune, Meeus, Milcamps, Pirson, Raymaeckers, C. Rodenbach, Rogier, Rouppe, Schaetzen, Smits, Thienpont, Trentesaux, Vandenhove, Verrue-Lafrancq, Watlet et Raikem.

Ont répondu non : MM. Doignon, Dubus aîné, Fallon, Heptia, Keppenne, Legrelle, Pirmez, Polfvliet, Ullens, Vanden Wiele, Vanderbelen, Verdussen, C. Vuylsteke.

Projet de loi qui autorise le gouvernement à contracter un emprunt de trente millions de francs

Discussion générale

M. Polfvliet. - La légèreté avec laquelle j’ai entendu parler de temps en temps des émissions de la dette flottante commençait à m’inquiéter et à me faire craindre des conséquences funestes ; ce n’est pas que je m’oppose à ces émissions, je les crois bonnes en temps opportun, salutaires dans certaines circonstances, mais je redoute les inconvénients qui peuvent résulter d’une émission considérable ; l’émission de la dette flottante est chose toujours utile aux spéculateurs et aux sociétés existantes ; cette dette flottante leur sert de caisse d’épargne dans laquelle ils peuvent toujours verser leurs fonds disponibles ou inactifs, en les négociant avec faveur ou en les retirant en temps opportun ; mais l’émission de la dette flottante n’est pas toujours aussi favorable au trésor, comme quelques-uns paraissent le croire ; à cette émission vous avez besoin d’une tenue scrupuleuse et exacte de livres, d’une correspondance volumineuse et suivie, d’une rentrée à temps des fonds nouveaux et nécessaires aux remboursements respectifs, des grands ports de lettres, des transports considérables de fonds, des commissions et courtages à payer ; les employés chargés de la direction pour ces émissions doivent tous être des hommes spéciaux ; les intérêts des fonds levés par anticipation, les ports coûteux de lettres, les ports considérables des fonds, les commissions et courtages font que la dette flottante négociée à 4 1/2 p. c. ne coûte à l’état pas moins de 5 p. c. : tout ceci n’est pas ruineux, mais pénétrez-vous bien, messieurs, que dans l’émission de la dette flottante toute la perte, tous les désastres à subir sont à la charge du trésor, et que dans un emprunt consommé toute la perte, toutes les chances sont pour compte du préteur ou détenteur de ces obligations. Que feriez-vous, messieurs, des émissions considérables de la dette flottante, si un seul nuage venait à obscurcir notre horizon politique ? Des émissions devraient se faire et se succéder pour rembourser les émissions échues et à échoir, et à quel sacrifice ne serait pas exposé le trésor ! Le sacrifice serait ruineux, incalculable. Il n’en est pas de même des emprunts consommés ; les temps sont récents et sont encore présents à ma mémoire, que les emprunts faits par la Russie à 5 p. c. d’intérêt perdaient 60 p.c., c’est-à-dire que les obligations se négociaient à 12 1/2 p.c. d’intérêt, que les obligations sur la banque de Vienne à 5 p.c. d’intérêt et celles de la banque de France se négociaient à 89 p. c. de perte ; et n’avons-nous pas devant nous les obligations espagnoles ? Et je le répète, observez, messieurs, qu’ici toute la perte a été et est pour les détenteurs de ces obligations et dans la dette flottante toute la perte est à charge du trésor ; je félicite donc M. le ministre des finances d’avoir proposé l’emprunt de 30 millions, destinés au remboursement d’une partie de la dette flottante, à la construction progressive des chemins de fer décrétés et de la confection des chemins pavés.

M. le ministre proposant la loi de l’emprunt de 30 millions, j’ai vu reculé par leur geste significatif quelques honorables collègues devant cet énorme emprunt ; la même sensation pourrait avoir lieu dans le public, et la malveillance pourrait s’en emparer ; c’est pourquoi j’essaierai de prouver que cet emprunt n’imposera aucune charge à la nation, qu’elle ne paiera rien, qu’elle n’use que de son crédit, qu’elle ne concède que sa garantie, et que cet emprunt sans aucun sacrifice par elle se fait tout à son avantage.

Cet emprunt est proposé pour la confection progressive des chemins de fer et le remboursement successif de la dette flottante, émise pour la construction de ces chemins de fer, le tout d’après la loi du 1er mai 1834 ; pour éclairer nos concitoyens et prouver ce que j’ai allégué plus haut, j’ai besoin de vous soumettre mes calculs ; il sera en tout supérieur aux dépenses à faire, d’après ce que je pense, et inférieur aux recettes d’après ce que j’ai observé, par mes yeux, jusqu’à présent.

Je suppose donc que le chemin de fer de Bruxelles à Anvers coûtera avec ses accessoires 5,000,000 de francs, ce qui fait à 5 p.c. d’intérêt annuel 250,000 fr.

Je suppose encore que pour les dépenses journalières, employés, etc., chaque journée montera à 500 fr. ; 360 jours, 182,500 fr.

Ensemble, dépenses, fr. 432,500.

Les voitures, nommées berlines, de Bruxelles à Anvers, sont payées à fr. 3 50 par place, les diligences à 3 francs, les chars-à-bancs à 2 francs, les waggons à fr. 1 20. Je prends la distance totale, parce qu’à Malines les sortants sont remplacés par les arrivants : il y a 12 traverses pendant les 8 mois d’été ; il y en a 10 pendant les 4 mois d’hiver ; je suppose encore que, dans les deux saisons, le nombre moyen des voyageurs est, par traverse, de 180 personnes, et que le prix moyen des voitures est de fr. 1 60.

8 mois ou 243 jours à 180 personnes par jour et à fr. 1 60 par personne, et à 12 départs, rapportent fr. 839,808

4 mois ou 122 jours à 180 personnes par jour, à fr. 1 60 et à 10 départs, rapportent fr. 351,360.

Recette totale : fr. 1,191,168

Desquels il faudra déduire pour dépense 432,500

Reste bénéfice net, fr. 758,668.

A présent si la communication est établie avec les Flandres et avec Louvain, vous conviendrez avec moi que le bénéfice sera beaucoup plus considérable ; mais ce bénéfice pourra être joint aux bénéfices des chemins nouveaux qui ont fait naître ce bénéfice ; il suit de ce que j’ai dit, que ces chemins de fer paieront les intérêts et les remboursements des capitaux empruntés eu peu d’années ou même en 7 ans, et qu’ils feront un beau et lucratif domaine de la nation.

Cet emprunt est encore proposé pour la construction de routes pavées ou ferrées à faire jusqu’à la concurrence de six millions de francs, d’après la loi du 2 mai 1836 ; ici, j’ai besoin de répéter en quelque sorte ce qu’a déjà dit M. le ministre des finances ; du temps du gouvernement hollandais, l’excédant des barrières fut versé dans la caisse du syndicat, l’usage qu’on en fit nous est inconnu ; depuis la révolution cet excédant a servi d’encouragement, et subsides pour exécuter de nouvelles chaussées dans les différentes provinces ; cet excédant est de 900,000 francs, mais par la construction des chemins de fer, je pense que les années postérieures ne rapporteront que 800,000 francs.

Eh bien, en faisant en cinq années de temps les routes proposées, vous ferez la première année un emprunt de 200,000 fr, pour l’intérêt duquel à raison de 5 p. c. on paiera 60,000 fr. censés déduits des 800,000 fr., excédant des barrières ; reste boni fr. 740,000

La deuxième année on fera encore un emprunt de 1,200,000 fr., ensemble avec l’emprunt précédent 2,400,000 fr. dont l’intérêt à payer, 120,000 fr, déduits des 800,000 fr. excédant des barrières, Il restera encore un surplus ou bénéfice de fr. 680,000.

La troisième année, on fera encore un emprunt de 1,200,000 fr., ensemble avec l’emprunt précédent 3,600,000 fr. dont les intérêts ensemble 180,000 fr., déduits des 800,000 fr. excédant des barrières, procureront encore un bénéfice de fr. 620,000.

La quatrième année, se fera le quatrième emprunt de 1,200,000 fr., ensemble avec les trois emprunts susdits 4,800,000 fr. qui paieront 240,000 fr. d’intérêt, lesquels déduits des 800,000 fr., bénéfice des barrières, il restera encore un bénéfice de fr. 560,000.

Enfin la cinquième et dernière année, on ferait encore un emprunt de 1,200,000 qui ferait le complément de six millions, compris dans l’emprunt de 30 millions proposé, et de ces 6,000,000 empruntés, les intérêts à payer seront 300,000 fr., qui réduisent les 800,000 fr. bénéfice des barrières à la somme de 500,000

Ensemble, fr. 3,100,000

Si donc on ajoute ces 3,100,000 fr. de bénéfice aux 6,000,000 fr. empruntés, et qu’on les emplois pour les mêmes objets, vous ferez encore un beau et lucratif domaine, par lequel la nation pourra être diminuée un jour dans ses contributions. En voici la preuve : d’après mon calcul, M. le ministre, dans l’emprunt général, a proposé 6.000,000 fr. pour construire des chaussées nouvelles ; les chaussées donnent annuellement 800,000 fr. de bénéfice, qui jusqu’à présent n’ont pas figuré dans les voies et moyens ; les 600,000 fr., ont besoin de 300,000 fr. d’intérêt, censés déduits de 900,000 fr, que rapporteront les barrières jointes avec les nouvelles chaussés faites ; il restera le bénéfice de 600,000 fr, et si le bénéfice annuel sert progressivement tous les ans au paiement des intérêts et aux remboursements progressifs des capitaux empruntés, après la première année votre emprunt des 6,000,000 sera réduit à 4,400,000 fr., la deuxième à 4,770,000 fr., la troisième à 5,108,500 fr, la quatrième à 3,415,925 fr., la cinquième à 2,684,621 fr., la sixième à 1,918,852 fr., la septième à 1,114,792 fr., et à la huitième année, il ne restera plus à rembourser que 270,533 fr. ; et c’est ainsi que nous aurons favorisé la prospérité générale.

Cet emprunt a été encore proposé pour rembourser ou retirer à l’échéance les 1,490,000 francs, dette flottante émise par suite de la transaction approuvée par la loi du 26 septembre 1835, relative à la rétrocession de la Sambre canalisée ; cette rétrocession a été faite encore dans l’intérêt général ; elle était nécessaire : envisagée ainsi, cette loi a été admise à l’unanimité, si je ne me trompe, et elle ajoutera encore par ses bons effets à la prospérité générale du pays.

J’espère que, par mon calcul, tout chacun aura la conviction que cet emprunt ne sera à charge de personne, que les intérêts à payer de ce chef et les remboursements à faire à cet emprunt seront fournis par les chemins de fer, routes pavées et la canalisation de la Sambre, que l’Etat aura acquis en peu de temps, par le crédit seul de la nation, un vaste et productif domaine au profit de la nation ; j’aurais cependant voulu que le gouvernement eût proposé un emprunt plus élevé, pour en faire l’émission seulement quand les dépenses ultérieures des chemins de fer décrétés l’exigeront, ou que le gouvernement fasse rentrer les fonds appartenant à la nation dont la banque est redevable. Pour ce qui regarde l’emprunt en soi-même, il serait peut-être favorable au trésor de mettre une clause dans les stipulations pour cet emprunt, qui exciterait la spéculation des préteurs par quelques primes.

M. le président. - M. le ministre se rallie-t-il à la proposition de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’aurais bien quelques observations à présenter sur le paragraphe 2 de l’article premier proposé par la section centrale relativement au temps de rigueur fixé pour contracter l’emprunt ; mais je crois que pour abréger la discussion, je puis sans danger réel admettre ce délai d’un mois ; je ne m’opposerai pas à l’adoption de ce second paragraphe.

Dans le paragraphe 3 du même article on exige le visa de la cour des comptes sur les obligations de l’emprunt ; mais en l’absence de cette disposition ce visa n’aurait pas moins été appliqué. Dans l’emprunt de 48 millions de florins la cour des comptes a visé toutes les obligations, quoique la loi n’en parlât pas. De sorte que je ne vois pas non plus d’inconvénient à l’adoption de ce paragraphe.

M. Legrelle. - Quelque éloigné que je sois du système des emprunts, je pense que dans la position actuelle il est indispensable d’adopter le projet. Vous savez quel est le but de la loi, c’est de fournir le moyen d’annuler les bons du trésor ; c’est ensuite de faire face à des dépenses toutes dans l’intérêt du pays et à des dépenses non stériles.

Pour la construction du chemin de fer, le trésor dépensera beaucoup, mais il recevra un intérêt assez considérable des sommes qu’il aura dépensées, L’expérience est la pour le prouver.

La section centrale a donné beaucoup de latitude au ministre pour contracter l’emprunt ; j’applaudis à cette disposition qui permettra au ministre de choisir les circonstances pour faire le mieux possible. Je suis persuadé qu’il n’agira pas avec légèreté. Son zèle pour la défense des intérêts du trésor me répond qu’il saura les défendre encore pour l’emprunt, c’est-à-dire qu’il saura se mettre à l’abri d’influences qui auraient pour but de satisfaire des intérêts particuliers bien plus que l’intérêt du trésor.

En nous demandant 30 millions pour les routes et les travaux du chemin de fer, on pense obtenir tout ce qui est nécessaire pour nos besoins ; toutefois, je demanderai si le ministre comprend dans cette somme la dépense qui sera nécessaire pour la digue de Lillo. On sait combien il est important de construire cette digue. S’il faut s’en rapporter aux promesses faites par le gouvernement, on s’occupera de la digue de Lillo aussitôt qu’on sera d’accord avec la Hollande sur la manière de la construire.

M. Desmet. - Il est possible que l’honorable M. Legrelle dise vrai en avançant que le chemin de fer est un bel, un joli intérêt au gouvernement ; mais, dans de telles entreprises, dans de tels ouvrages qui font toute une révolution dans le pays, on ne doit pas considérer uniquement l’intérêt du trésor, mais on doit surtout avoir en vue les intérêts de la généralité du pays. Et quand l’honorable membre presse tant l’exécution des travaux de ce chemin, je ne puis non plus partager son opinion. Je critique au contraire cette exécution et je soutiens qu’elle est très mal faite : qui pourrait dire autrement, quand on voit employer pour les travaux aussi bien le bois blanc, le tremble, le sapin, le peuplier de Canada que le chêne ? A moins que les ingénieurs directeurs du chemin de fer aient trouvé un spécifique pour faire durer aussi longtemps les bois tendres que les bois durs, il est certain que sous peu on aura de grandes réparations au chemin.

Une autre critique que j’ai à faire contre l’administration des travaux du chemin, c’est qu’elle est abandonnée exclusivement à deux ingénieurs et se trouve pour ainsi dire sous les attributions de la direction des ponts et chaussées.

Et c’est une chose vraiment étrange ! Pour la confection d’un petit pavé ou d’un simple ponticule, il faut qu’inspecteur, ingénieur et tout le conseil des ponts donnent leur avis ; et quand il s’agit d’un travail aussi gigantesque, aussi dispendieux, on laisse tout faire, tout diriger par deux simples ingénieurs qui ont un pouvoir omnipotent et qui sont à l’abri de toute inspection et au-dessus de tout inspecteur, de tout chef. Ces deux hommes peuvent tout diriger, tout arrêter ; même les directions des sections du chemin sont laissées à leur propre et seul arbitre ; ils n’ont qu’à vouloir, pour que le chemin passe plutôt par tel endroit que par un autre ; on se soucie très peu de ce qu’une ville perd en lui enlevant tout passage et en dirigeant la nouvelle route en fer par un autre endroit, qui a d’autres passages et d’autres moyens de prospérité. On va toujours en avant dans l’exécution des travaux, et, agissant d’après son bon plaisir, on n’écoute personne. C’est ainsi que la ville d’Alost est sur le point de perdre un passage journalier de 44 voitures publiques, et, qu’en étant privée, elle perdra beaucoup, tandis que la ville de Termonde, en outre de ses riches moyens de prospérité, a encore l’avantage d’avoir le passage du chemin de fer. Il paraît vraiment que la ville d’Alost a toujours été abandonnée de tous les gouvernements depuis la révolution de 93 ; elle a perdu son tribunal, qui est allé se placer dans la petite et commerçante ville de Termonde ; et elle a aussi presque entièrement perdu sa navigation de la Dendre par le peu de soin que l’administration met dans l’entretien de cette rivière. J’ose cependant espérer que le gouvernement aura un jour quelque égard pour la ville d’Alost, et qu’il ne l’abandonnera pas entièrement : son grand patriotisme et les charges qu’elle a eues particulièrement pendant et depuis la révolution lui donnent le droit d’exiger quelques bienfaits de la part du gouvernement, et nous avons lieu d’espérer qu’en compensation des pertes qu’elle a continuellement faites, le gouvernement et les chambres auront égard au pétitionnement de 300,000 habitants, qui tend à ce que le siège du tribunal civil soit rendu à Alost.

Comme j’ai toujours été l’ennemi de tout ouvrage qui se faisait par régie, et par les agents du gouvernement, j’ai voté contre la construction du chemin, quand elle ne se faisait pas par concession. Je voterai donc contre la partie de l’emprunt qui concerne le chemin de fer, et pour pouvoir voter en faveur de la partie dont on a besoin pour les routes à faire, je demanderai la division de la somme de l’emprunt demandé.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous irions trop loin messieurs, si nous examinions la question de savoir s’il faut oui ou non rester dans les termes de la loi du 1er mai 1834, question qui d’ailleurs serait résolue affirmativement par la grande majorité de la chambre.

La section du chemin de fer qui est ouverte actuellement présente de trop grands avantages pour que l’on ait la pensée d’interrompre un travail qui fait le plus grand honneur à la Belgique. Un pareil aveu dans ma bouche ne sera pas suspect ; je conviens franchement que j’ai eu tort de m’opposer dans le temps à la construction de ce chemin par la voie de régie. J’ai la conviction aujourd’hui que cet immense travail devait être confié au gouvernement, du moins quant aux branches principales.

Quoi qu’il en soit, je regrette que les observations de l’honorable M. Desmet portent sur un point qui ne rentre pas dans les attributions de mon département, mais bien dans celles de mon honorable collègue de l’intérieur, dont les discussions de l’autre chambre y réclament la présence en ce moment.

Je répondrai cependant à M. Desmet que la direction du chemin de fer ne dépend pas, comme il le croit, des deux ingénieurs qui sont chargés de son exécution. Cette direction est arrêtée par M. le ministre de l’intérieur, après avoir entendu le conseil des ponts et chaussées.

L’enquête détaillée qui a lieu à l’occasion de la direction du chemin de fer près de Liége, prouve bien toute la sollicitude du gouvernement à cet égard.

J’entends dire que la loi du 1er mai 1834 a déterminé la direction des différentes branches du chemin de fer. Je ferai observer que cette loi n’a déterminé que les deux points extrêmes de chaque ligne principale, mais qu’il peut être très important pour telle ou telle ville intermédiaire d’être traversée par le chemin de fer.

Je répondrai maintenant à l’honorable M. Legrelle au sujet de la construction d’une digue dans le polder dont il a parlé. La construction de cette digue pourra s’effectuer sur les fonds ordinaires du budget. Il ne sera pas nécessaire de recourir pour cela à des moyens extraordinaires. Le gouvernement sent la nécessite de ne pas laisser ce polder plus longtemps dans la situation où il se trouve. Je le répète, ce travail qui coûtera environ 1,500,000 francs, sera exécuté sur les ressources ordinaires du budget.

M. Rogier. - M. le ministre des finances a-t-il l’intention de proposer une allocation de ce chef au budget de 1837 ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Le gouvernement demandera un crédit pour l’exécution de ce travail lorsque tous les renseignements qu’il a demandés sur la construction de cette digue lui seront parvenus.

M. A. Rodenbach. - Dans cet emprunt de 30 millions se trouvent compris 6 millions pour l’exécution de routes nouvelles. Je demanderai si M. le ministre de l’intérieur a l’intention d’achever les lacunes qui existent dans les routes commencées depuis longtemps. C’est ainsi qu’il y en a une d’une lieue et demie entre Ypres et Roulers. Il est bon d’ouvrir de nouvelles communications dans les provinces qui en sont privées. Mais il est important, si l’on veut que les barrières continuent à rapporter un grand revenu, d’achever les communications commencées dans les provinces plus favorisées.

J’espère que le gouvernement prendra mes observations en considération. Je prie M. le ministre des finances de vouloir bien en faire part à M. le ministre de l’intérieur, qui les lira d’ailleurs au Moniteur.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je tiendrai note du discours de M. Rodenbach, et je ne doute pas que mon collègue de l’intérieur, auquel j’en parlerai, ne fasse droit à des observations que je me plais à croire fondées.

- La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président. - La discussion est ouverte sur les articles.

Article premier

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à emprunter jusqu’à concurrence d’un capital nominal de trente millions de fr.

« L’emprunt ne pourra être contracté qu’un mois, au moins, après la promulgation de la présente loi.

« Les obligations à créer seront soumises, préalablement à leur émission, au visa de la cour des comptes. »

M. Verdussen. - Depuis la publication du rapport que j’ai eu l’honneur de présenter, l’on a adressé plusieurs notes sur les différents paragraphes dont se compose l’article 1er. Car, messieurs, vous aurez remarqué que cet article est complexe sous plus d’un rapport. Les objections principales avaient pour objet principal de montrer le danger qu’il y aurait à contracter à 3 p. c. D’autres démontraient au contraire les grands avantages qu’il y aurait pour le trésor à contracter à ce taux, même en négociant l’emprunt beaucoup au-dessous du pair.

Je crois que les uns et les autres sont tombés dans de grandes exagérations sur les conséquences de cette opération, qui ne doit être jugée que d’après le taux auquel l’emprunt sera négocié.

Il n’est pas inutile de traiter cet objet dans cette séance, car une partie de ces considérations ont circulé dans le public appuyées de chiffres, et ont pu produire de fâcheux effets sur l’esprit même de quelques membres de cette assemblée. Pour faire comprendre les exagérations qu’il y a dans les deux sens, je n’aurai qu’à présenter les résultats favorables d’un emprunt au taux de 3 p. c. d’intérêt, négociés par exemple, à 80 p. c., et à le mettre en regard avec un emprunt au taux de 4 1/2 p. c. d’intérêt, négocié au pair.

L’exagération de ceux qui croient qu’il y a un très grand désavantage à contracter beaucoup au-dessous du pair vient de cette idée qu’ils ont que l’Etat ne recevant que 75 p. c., par exemple, du capital nominal, il peut arriver plus tard que soit par le crédit croissant du pays, soit par les opérations de l’agiotage, le gouvernement ne soit obligé de rembourser à un taux très élevé. Ils craignent que l’Etat ne rembourse, par exemple avec 20 p. c. de primes ce que l’on aurait contracté à 20 pour cent au-dessous, soit que le remboursement se fasse par achat, soit qu’il se fasse au pair.

Tout dépend, comme je l’ai déjà dit, du taux auquel on négociera. Quant à ceux qui ont soutenu par des chiffres qu’il y a des millions à gagner pour le pays en prenant pour base le taux de 3 p. c. d’intérêt, leur grande erreur de calcul provient de ce qu’ils n’ont pas fait attention à ce que j’ai dit à la page 7 de mon rapport qui tient à la deuxième question, où j’ai reproduit une vérité que tout financier connaît que, plus le taux de l’intérêt d’un emprunt s’allonge, plus la période s’allonge pour l’amortir avec une dotation d’amortissement d’un pour cent, plus les intérêts composés.

Sans avoir égard à cette assertion, dont la vérité ne peut être contestée raisonnablement, ils ont soutenu dans des écrits que j’ai eus sous les yeux, qu’il fallait 35 ans pour tous les cas, aussi bien pour le remboursement de l’emprunt à 5 p. c. comme pour celui de l’emprunt à 3 p. c.

Or, s’il est vrai que pour 5 p.c. il faut seulement 35 ans, il est également vrai qu’il faut une période de 45 ans pour le remboursement total du capital emprunté à 3 p. c.

En effet, si nous obtenons 80 p. c., capital effectif, d’un emprunt proposé à l’intérêt de 3 p.c. sur le capital nominal, il nous faudrait emprunter 37,500,000 fr. pour se procurer les 30,000,000 effectifs dont le gouvernement parait avoir besoin.

L’intérêt annuel de ces 37,500,000 fr. donne 1,125,000. Il faudra y ajouter d’après l’article 2 un fonds annuel d’amortissement à 1 p. c. Ce qui fera 375,000 fr. à ajouter à l’intérêt annuel. Ensemble à fournir annuellement pendant 43 années, 1,500.000 fr. Ce qui multiplié par le nombre d’années donnera un total de 64,500,000 dr.

Mais vous concevez qu’il est à peu près impossible de voir le cours d’un papier qui ne donnerait que 3 p. c. d’intérêt, s’élever à cent pour cent sur nos bourses, surtout quand primitivement on a contracté à 80. J’ai donc été porté à prévoir que malgré l’influence de l’agiotage et de l’accroissement du crédit, l’on réussira à faire le rachat des obligations au taux moyen de 90 p. c., ce qui fait supposer que l’emprunt à 3 p. c. puisse d’abord monter sur les places cambistes au cours de 85 p. c., et s’élever même vers la fin de l’amortissement jusqu’à 95, ce qui certes sera l’ultimatum.

Pour arriver à cette supposition, j’ai comparé la Belgique avec les nations de l’Europe dont le crédit est le plus solide.

En France la rente à 3 p. c. ne s’élève pas au-delà de 82. En Angleterre où le crédit public est si raffermi, les 3 p. c. sont cotés à 90 environ.

Si nous parvenons, comme je le suppose, à opérer notre amortissement annuel par rachats à ce taux moyen de 90, nous faisons sur le capital nominal un bénéfice de 10 p. c. Ce qui fait 3,750,000 fr. à déduire de la somme totale de 64,500,000 fr. qui aurait été nécessaire au remboursement intégral au bout de 43 ans ; somme définitive à payer, 60,750,000.

Je passe à la seconde base, et je suppose que l’on négocie au pair un emprunt à 4 1/2 p. c. pour les 30,000,000 nécessaires au gouvernement ; mais ici il faut nécessairement tenir compte des frais de commission, car l’on ne peut supposer que le papier belge à 4 1/2 p. c. soit placé dans les différentes places de l’Europe au pair et sans aucun profit pour ceux qui auront pris l’emprunt pour leur compte, et je pense que l’on peut porter sans exagération cette commission à 2 p.c.

- Les 30,000,000 négociés au pair, vu l’intérêt annuel de 4 1/2 p. c., donnent par an la somme de 1,350,000 ;

- La dotation annuelle à 1 p. c. pour l’amortissement fait 300,000 ;

Ensemble à fournir pendant 38 ans, 1,650,000

Soit en total, fr. 62,700,000

- Commission de négociation, 600,000

- Intérêt sur fr. 150,000, dont on a besoin en plus par an, comparativement à la base d’un emprunt au taux de 3 p. c., par approximation, 100,000

Total, fr. 63,400,000

Différence en plus, au désavantage du système de l’emprunt à 4 1/2 p.c. d’intérêt : fr. 2,650,000

Somme égale, fr. 60,750,000

Ceci vous prouve donc, messieurs, qu’il n’y a pas lieu à craindre l’emprunt à 3 p. c., si le gouvernement peut le négocier à un bon prix, mais qu’il n’y a pas non plus à en attendre d’énormes bénéfices en tout état de cause.

J’ajoute encore un intérêt sur 150,000 fr. par an, dont il y a besoin pour un pareil amortissement que pour un amortissement à 3 p. c. ; car, dans ce dernier cas, il faudrait un million et demi ; et il faut, dans l’autre cas, 1,650,000 fr. Il faut donc tenir compte de ces 150,000 fr. Alors je trouve qu’il y a une différence de 2,670,000 fr. en faveur de l’emprunt à 3 p. c. négocié à 80.

Bien que ces développements soient extrêmement difficiles à saisir dans une discussion publique, j’ai cru qu’il était utile de les présenter à cause de l’importance donnée à cette question dans les papiers publics, et à cause des avis dont on a bien voulu m’honorer.

- L’art. 1er est mis aux voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Il sera consacré à l’amortissement de ce capital une dotation d’au moins un pour cent par an, indépendamment du montant des intérêts annuels des capitaux amortis. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Le capital effectif provenant de la négociation de l’emprunt autorisé par l’art. 1er ci-dessus, sera spécialement affecté

« 1° Au remboursement successif des bons du trésor, émis pour la construction du chemin fer, en vertu de la loi du 1er mai 1834 ;

« 2° Au remboursement à échéance des 1,490,000 fr. des bons du trésor, émit par suite de la transaction approuvée par la loi du 26 septembre 1835, relative à la rétrocession de la Sambre canalisée, et au paiement d’un million de francs tenu en réserve, en exécution de l’art. 10 de ladite transaction ;

« A la construction de routes nouvelles, jusqu’à concurrence de six millions de francs (Loi du 2 mai 1836) ;

« Et 4° jusqu’au complément dudit capital, à la continuation des travaux du chemin de fer, décrété par la dite loi du 1er mai 1834. »

M. Devaux. - Je me permettrai, à l’occasion de cet article, d’exprimer un vœu, c’est que le gouvernement veuille bien examiner encore une fois s’il ne serait pas utile de faire sur une très petite échelle l’essai de l’emploi de l’armée aux travaux publics.

Un mémoire nous a été distribué, rédigé par un de nos honorables collègues, en sa qualité d’officier du génie. Il m’a paru dans le temps, si je me le rappelle bien, que ce mémoire devait exciter le gouvernement à faire un essai de ce genre ; car je crois qu’en France cet essai avait réussi, sauf sous le rapport de l’économie ; or, le gouvernement français ne voulait pas faire, de l’application de l’armée aux travaux publics, un moyen d’économie. Il voulait avant tout introduire l’exécution de ces travaux dans les mœurs de l’armée. Il est certain que si, comme en France, on part de ce principe qu’il faut d’abord payer le soldat et ensuite payer l’exécution des travaux au même taux que d’ordinaire, on ne pourra jamais arriver à une économie.

Mais je voudrais, je le répète, que le gouvernement fît un essai sur une petite échelle ; on verrait peut-être quelle économie cela peut donner par la suite, et quelle serait la possibilité de travaux auxquels il n’y a pas moyen d’arriver maintenant.

J’aurai maintenant un changement de rédaction à proposer à l’article en discussion.

Les numéros 3° et 4° portent :

« A la construction de routes nouvelles, jusqu’à concurrence de six millions de fr. (loi du 2 mai 1836) ;

« Et 4° jusqu’au complément dudit capital, à la continuation des travaux du chemin de fer, décrété par la prédite loi du 1er mai 1834. »

On sait (le rapport de la section centrale le fait connaître) que cette somme ne suffit pas pour l’achèvement des travaux du chemin de fer ; elle suffit seulement pour les travaux à exécuter jusqu’à la fin de 1837.

Remarquez que d’un côté on fait des fonds pour construction de toutes les routes décrétées par la loi du 2 mai 1836, jusqu’à l’achèvement de ces routes.

Il en résultera un inconvénient, c’est qu’au bout de deux ans ou un an et demi, vous n’aurez pas employé les six millions affectés à la construction de routes pavées ou ferrées. Vous n’aurez guère employé à la fin de cette année, vu la saison avancée, qu’un million, et à la fin de l’année prochaine, peut-être trois. Il pourrait se faire d’un autre côté que les besoins du chemin de fer dépassassent ce qui leur reste ; vous auriez alors dans vos coffres trois millions sans emploi, tandis que pour continuer les travaux du chemin de fer, vous seriez forcés de proposer une nouvelle mesure.

Remarquez que le complément de l’emprunt attribué au chemin de fer n’est pas fixe. Si le gouvernement emprunte à 3 p. c. pour les 30 millions nominaux, vous n’aurez pas 30 millions, vous n’aurez que 23 ou 24 millions de sorte que le complément pour le chemin de fer, au lieu d’être de 11 millions comme on l’aurait voulu, ne serait que de 5 à 6 millions.

Vous voyez que les besoins du chemin de fer, pour 1837, peuvent dépasser ce qu’on veut leur affecter, tandis que les besoins des routes pavées et ferrées ne s’élèveront pas à la somme de 6 millions qu’on leur destine.

Voici comment je crois qu’on préviendrait l’inconvénient que je signale. Au lieu des n°3° et 4°, je proposerai un n°3° ainsi conçu :

« Et jusqu’au complément dudit capital à la construction de routes nouvelles pavées et ferrées conformément à la loi du 2 mai 1836, et à la continuation de l’exécution du chemin de fer décrété par la loi du 1er mai 1834, dans la proportion des besoins respectifs de ces travaux. »

Il y aura liberté plus grande pour le gouvernement qui ne sera pas forcé de laisser dormir des fonds dont on aurait besoin ailleurs.

S’il peut employer aux constructions de routes pavées les 6 millions qui y sont affectés, il le fera ; sinon, il les emploierait à l’exécution du chemin de fer.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je me rallierai à la proposition de M. Devaux qui donne plus de latitude au gouvernement pour continuer les travaux du chemin de fer jusqu’à la fin de 1837, si la somme qu’on leur affecte spécialement se trouvait insuffisante. L’amendement proposé est destiné à permettre momentanément, le cas échéant, une espèce de prêt sur le fonds disponible destiné aux routes pavées et ferrées, pour la continuation des travaux du chemin de fer, jusqu’à ce qu’on y ait pourvu par un nouveau crédit.

Je dirai cependant que les renseignements que j’ai consignés dans l’exposé des motifs m’ont été transmis par le département de l’intérieur. L’appréciation des sommes nécessaires m’a donc été donnée par ceux qui étaient à même de connaître la situation des choses, autant qu’il est possible de connaître une dépense aussi variable par sa nature.

Je ferai une remarque sur une erreur dans laquelle est tombé M. Devaux, lorsqu’il a dit que les fonds qui ne seraient pas employé aux constructions de routes pavées resteraient improductifs, dormiraient dans les coffres de l’Etat. Ceci n’est pas exact. Nous avons notre dette flottante ordinaire ; et s’il nous restait des fonds qui ne pussent pas être employés aux travaux pour lesquels ils sont destinés, nous émettrions moins de bons du trésor dont l’intérêt est à peu près égal à celui des fonds empruntés. En sorte que cela ferait compensation.

M. Watlet. - Je prierai M. le ministre de me donner une explication. Il résulterait de la rédaction des articles 3 et 4 proposée par la section centrale, qu’on doit prélever chaque année, sur l’excédant du produit des barrières, les intérêts des six millions destinés à la construction de routes nouvelles pavées et ferrées. Si une partie de cette somme des six millions était employée à la construction de la route en fer, alors une portion de l’excédant du produit des barrières serait détournée de sa destination, car d’après la loi sur la matière l’excédant du produit des barrières doit toujours servir à la construction de routes nouvelles.

Le ministre des finances, dans la discussion de la loi du 2 mai 1836, a dit que cet excédant du produit des barrières étant supérieur aux intérêts de la somme levée, la différence viendrait augmenter le capital destiné à la construction de routes nouvelles, et le porterait de neuf à dix millions.

Si l’amendement de M. Devaux était adopté, il sera peut-être nécessaire de modifier la rédaction de l’article 4.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - La rédaction de l’art. 3 est très claire. Cet article porte que l’intérêt et la dotation d’amortissement seront annuellement prélevés dans la proportion de l’affectation du capital sur les produits respectifs du chemin de fer, des routes et de la Sambre canalisée.

Il est évident que si l’on n’affecte que trois millions, en 1837, à la construction de routes ordinaires, et qu’on affecte momentanément par forme de prêt les trois autres millions, revenant à ces mêmes routes, au chemin de fer, il est évident, dis-je, que l’intérêt de ces trois derniers millions sera prélevé sur les produits du chemin de fer, aussi longtemps qu’ils seront distraits du crédit des routes ordinaires, parce que l’art. 4 porte que les produits respectifs du chemin de fer, des routes et de la Sambre canalisée, dans la proportion de l’affectation du capital, qu’on prélèvera les intérêts et la dotation d’amortissement.

M. Gendebien. - Je ne comprends pas bien l’utilité d’une comptabilité à part pour les canaux, les routes pavées et les routes en fer. Il serait plus simple de verser tous ces produits dans le trésor, qui rend compte des recettes de toute espèce pour les appliquer aux divers services suivant les besoins respectifs.

Il y aurait moins d’embarras pour l’administration, et on répondrait à l’objection de M. Watlet.

M. Verdussen. - L’observation que vient de faire M. Gendebien, a été présentée à la section centrale, et dans le rapport que j’ai déposé vous devez voir qu’à la discussion de cet article il a été dit :

« La 6ème section est d’avis qu’il faut rayer de l’article les mots : « dans la proportion de l’affectation du capital. » Parce qu’il résulte de leur conservation une complication de comptabilité fort embarrassante et parfaitement inutile ; embarrassante, par l’obligation qui en dérive de tenir un compte exact et spécial des sommes dépensées successivement aux trois parties du service public mentionnées dans l’article ; inutile, parce qu’avec ce système les fonds non encore employés de l’emprunt doivent rester à charge des revenus généraux du royaume, parmi lesquels se trouvent aussi compris les produits éventuels du chemin de fer, au-delà des intérêts, de la dotation pour l’amortissement, des frais d’entretien et d’administration.

« Mais la section centrale n’a pas cru pouvoir admettre la radiation demandée, en présence de l’art. 5 du texte de la loi du 1er mai 1834, qui dit : « Le produit de la route (en fer)... serviront à couvrir les intérêts et l’amortissement de l’emprunt, ainsi que les dépenses annuelles d’entretien et d’administration de la nouvelle voie. » Ni en présence de l’article 2 de la loi du 2 mai 1836, ainsi conçu : « La dépense (de la construction de routes pavées et ferrées) sera couverte au moyen d’un emprunt.., dont les intérêts et l’amortissement seront prélevés sur l’excédant du produit des barrières. »

Par ces motifs, la proposition a été écartée à l’unanimité des voix, et l’art. 4 a été adopté tel que le propose le gouvernement.

M. Lebeau. - J’ai une explication à demander. Si mes souvenirs sont fidèles, il a été entendu que la disposition de l’art. 4 était d’ordre intérieur et ne devait pas trouver place dans le contrat, car cela préjugerait la permanence de l’impôt des barrières, ce que la chambre ne veut pas faire.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est pour lever le doute qu’exprime l’honorable préopinant, que nous avons proposé l’article 5 portant que les biens et revenus du royaume seront au surplus affectés en garantie de l’emprunt autorisé par la présente loi.

Il est évident que nous ne pourrons pas spécialiser. Cette hypothèque sera générale comme celle donnée dans l’emprunt de 48 millions de florins.

M. Watlet. - Je déclare être satisfait des explications données par le ministre des finances ; car il en résulte que rien ne sera détourné de la destination légale de l’excédant du produit des barrières. Comme il aurait pu s’élever des doutes à cet égard, ils viennent à cesser par la déclaration du ministre et la publicité qui lui sera donnée par son insertion au Moniteur.

- L’amendement de M. Devaux est mis aux voix et adopté.

L’article 3 ainsi amendé est également adopté.

Article 4

« Art. 4. L’intérêt et la dotation d’amortissement seront annuellement prélevés dans la proportion de l’affectation du capital sur les produits respectifs du chemin de fer, des routes et de la Sambre canalisée. »

- Cet article est adopté.

Article 5

« Art. 5. Les biens et revenu du royaume seront au surplus affectés en garanties de l’emprunt, autorisé par la présente loi. »

- Cet article est adopté.

Second vote des articles et vote sur l’ensemble du projet

M. Eloy de Burdinne. - L’amendement introduit dans l’article 3 ne peut être considéré que comme un changement de rédaction ; et comme, d’un autre côté, le sénat est assemblé, je pense que ces motifs suffiront pour que la chambre procède immédiatement au vote définitif. J’en fais la proposition.

- Cette proposition est adoptée.

La chambre confirme d’abord l’amendement introduit dans le troisième article du projet de loi.

Puis on passe à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

60 membres prennent part au vote et répondent affirmativement.

2 se sont abstenus (MM. Desmet et Dumortier).

En conséquence le projet de loi est adopté et il sera transmis au sénat.

M. Dumortier. - Je me suis abstenu de voter, parce que si d’un côté j’approuve l’emprunt pour la construction des routes, je n’approuve pas la direction donnée à toutes les sections du chemin de fer.

M. Dumortier. - J’ai déjà eu l’occasion d’exposer à la chambre les motifs pour lesquels je m’opposais à l’emprunt. Je ne veux pas m’opposer aux travaux publics ; mais je ne puis autoriser un emprunt de 30 millions quand nous avons 25 millions entre les mains de notre caissier.

Ordre des travaux de la chambre

M. Doignon (pour une motion d’ordre). - Avant de nous séparer, je demanderai à la chambre qu’on veuille bien d’occuper du projet de loi relatif au traitement des vicaires ; ce projet ne peut donner lieu à de longs débats ; beaucoup de communes l’attendent avec impatience. Les sections et la section centrale ont adopté la même opinion, et je pense que le ministère l’adoptera également.

M. Gendebien. - Si l’on décrète par une loi que nous serons en nombre suffisant pour délibérer demain, je ne verrai pas d’inconvénient à ce que l’on mette le projet à l’ordre du jour.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Je verrai avec plaisir que l’on s’occupe du projet dont parle M. Doignon ; mais je demanderai à la chambre qu’elle veuille bien avancer l’heure de sa séance, parce que j’assisterai à la séance du sénat qui discutera demain la loi sur les mines.

M. de Jaegher. - A la veille des élections des membres des administrations communales, je regrette que l’on ne puisse s’occuper des naturalisations ; je voudrais que la priorité fût accordée aux rapports sur les naturalisations, et qu’on les mît à l’ordre du jour de demain.

M. Dubus. - On élève de doutes sur la question de savoir si nous serons en nombre demain ; mais il serait extraordinaire que l’on négligeât les graves intérêts dont on a parlé. Il est encore un objet sur lequel la chambre doit statuer : c’est sur le paiement des créances arriérées des exercices 1831, 1830 ; un rapport peut être présenté demain sur ces créances, et on pourrait en délibérer immédiatement après avoir voté sur le projet concernant le traitement des vicaires.

- La chambre consultée met à l’ordre du jour de demain le projet relatif aux vicaires.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il y a un autre petit projet qui ne peut donner matière à discussion ; c’est celui concernant le renouvellement des poids et mesures.

M. le président. - Il est à l’ordre du jour.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’aurais proposé de le discuter à l’instant ; mais pour rendre complète la proposition faite par M. Seron, j’ai deux amendements à présenter. Comme je n’ai pas les documents relatifs à cet objet, je demande que l’on en renvoie la discussion à demain à l’ouverture de la séance.

- La chambre consultée fixe à dix heures du matin l’ouverture de la séance de demain.

La séance est levée à quatre heures et demie.