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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 10 novembre 1836

(Moniteur belge n°317, du 11 novembre 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse, l’un des secrétaires, fait l’appel nominal à une heure et demie, et la séance est ouverte.

M. Kervyn, autre secrétaire lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Il donne ensuite lecture du procès-verbal de la dernière séance de la session précédente ; la rédaction en est également adoptée.

- Le sénat, par un message, annonce s’être constitué dans la séance du 8 de ce mois.

Projet de loi relatif à la poursuite des crimes et des délits commis par des Belges à l’étranger

M. Liedts, au nom d’une commission spéciale, dépose sur le bureau le rapport sur le projet de loi concernant les crimes et délits commis par des Belges à l’étranger.

- L’impression et la distribution de ce travail sont ordonnées.

Nomination des commissions permanentes

Commission de l’industrie

M. le président. - A la fin de la séance d’hier, nous avons nommé huit membres de la commission permanente d’industrie ; nous allons procéder à la nomination du neuvième par un scrutin. Les huit membres nommés sont : MM. Desmaisières, David, Zoude, Coghen, A. Rodenbach, Pirmez, Manilius, Smits. Les députés qui après eux ont obtenu le plus de voix sont : MM. Eloy de Burdinne, Desmet, Lardinois, Desmanet de Biesme, de Puydt.

- Le scrutin est en effet ouvert.

Le résultat de ce scrutin fait connaître qu’il y a 55 votants ; mais personne n’ayant obtenu la majorité absolue des suffrages ou 24 voix, il est procédé à un scrutin de ballottage entre MM. Eloy de Burdinne et Desmet, qui avaient obtenu la majorité relative.

On dépouille ce scrutin de ballottage.

M. le président. - D’après le scrutin de ballottage qui vient d’avoir lieu, M. Desmet a obtenu 25 voix et M. Eloy 26.

M. Dumortier. - Je ferai observer l’assemblée que 25 et 26 font 51, et qu’ainsi la chambre n’est pas en nombre pour rendre valide une délibération.

M. le président. - Il serait possible qu’il y eût quelques billets blancs ; mais je n’en sais rien ; je n’en ai pas été informé.

M. Dumortier. - C’est aux scrutateurs à le faire connaître.

M. Gendebien. - S’il n’y a que 51 votes, il est certain que le scrutin est nul ; le règlement est formel sur ce point ; il faut qu’il y ait 52 billets au moins dans l’urne pour faire un scrutin valable.

Je n’attache pas grande importance à la nomination dont il s’agit, mais je ne puis laisser établir un précédent qui pourrait devenir dangereux.

- La chambre consultée décide qu’il y a lieu de procéder à un nouveau scrutin de ballottage entre MM. Desmet et Eloy de Burdinne.

D’après le dépouillement de ce scrutin, il y a 63 votants : 2 billets nuls. M. Desmet obtient 30 suffrages, M. Eloy de Burdinne 31 ; en conséquence ce dernier est proclamé neuvième membre de la commission d’industrie.

Commission des naturalisations

M. le président. - Il reste encore une commission permanente à nommer ; c’est celle des naturalisations. D’après une de vos décisions réglementaires, cette commission est nommée par la chambre à la majorité absolue des suffrages ; elle est composée de sept membres, et se renouvelle chaque session. La dernière commission des naturalisations était composée de MM. Dubus aîné, Lejeune, Desmanet de Biesme, Milcamps Fallon, Desmet, Mast de Vries.

Le scrutin est ouvert.

Sur 63 votants, les suffrages sont ainsi repartis :

M. Fallon a obtenu 63 voix.

M. Dubus aîné, 62.

M. Desmanet de Biesme, 60.

M. Lejeune, 60.

M. Desmet, 58.

M. Mast de Vries, 56.

M. Milcamps, 48.

En conséquence, ces messieurs sont proclamés membres de la commission permanente des naturalisations.

Projet de loi portant le budget de l'Etat de l'exercice 1837

M. le ministre des finances (M. d'Huart) monte à la tribune et présente le budget général des dépenses et des recettes pour 1837 ; il en expose les développements et les motifs en ces termes. - Messieurs, s’il est vrai que la situation favorable des finances d’un Etat soit en quelque sorte le témoignage de sa bonne administration intérieure, le gouvernement de la Belgique peut avec confiance soumette à vos investigations éclairées et à la publicité l’état du trésor et les budgets de l’année qui va s’ouvrir.

Cette situation prospère, due à l’esprit d’ordre et d’économie qui a toujours anime les trois branches du pouvoir, et à la sagesse des mesures qu’elles ont prises d’un commun accord, porté d’heureux fruits dans une opération récente moins importante encore par elle-même que par la manifestation de la confiance publique qu’elle a produite, tant chez nous qu’à l’étranger.

Vous comprenez, messieurs, qu’il s’agit de l’emprunt autorisé par la loi du 18 juin dernier.

La levée d’un capital de 30 millions était peu de chose pour un pays aussi riche du présent, aussi fertile d’avenir que le nôtre ; mais la sanction donnée à cet avenir par l’empressement général à s’y associer, et cela à des conditions peu lucratives, ne saurait être assez profondément méditée par ceux qui espèrent encore l’anéantissement de notre nationalité.

Un compte spécial de cette opération vous sera transmis aussitôt que les derniers versements des souscripteurs auront été effectués ; en attendant, je me plais à croire que vous reconnaîtrez dès aujourd’hui qu’il n’a pas été abusé des latitudes laissées au gouvernement, et que, par la fixation de l’intérêt à 4 p. c. de rente pour un capital effectif de 92 fr., la véritable position du crédit actuel a été saisie en même temps qu’une marche suffisante a été réservée aux progrès du crédit futur.

La réalisation de cet emprunt, dont le produit doit être affecté à des entreprises publiques, sources de nouvelles richesses, n’est pas en entier, ainsi que j’ai déjà eu l’honneur de le faire remarquer à la chambre, une dette nouvelle ; car 11,490,000 francs de bons du trésor, créés pour la construction des chemins de fer et pour solder une portion du prix de la rétrocession de la Sambre canalisée, sont ou vont être remboursés et éteints.

En outre, la dette flottante qui s’élevait à 26,490,000 francs, ainsi ramenée à son état primitif, c’est-à-dire au chiffre de quinze millions où l’avait porté la loi du 16 février 1833, pour parer à l’insuffisance des ressources de cet exercice et aux déficits antérieurs, pourra être réduite de trois autres millions de francs, provenant d’excédant des ressources sur les dépenses effectives, excédant constaté par l’état de situation du trésor que je vais déposer sur le bureau.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous soumettre, fixe donc, pour 1837, le maximum de la dette flottante à 12 millions de francs, et comme il est probable que la circulation moyenne des bons du trésor n’atteindra pas cette somme, il n’est porté au budget des dépenses, pour les intérêts éventuels à payer, qu’un crédit de 400,000 fr..

C’est ainsi, messieurs, que par l’application successive du boni des recettes à l’amortissement des bons du trésor, l’ancienne dette flottante se trouvera éteinte en peu d’années, sans avoir à recourir pour cela à des moyens onéreux ou à de nouvelles contributions. Le budget général des dépenses de l’Etat s’élève, pour 1837, à la somme totale de 86,290,653 fr. 57 c., c’est-à-dire, à 509,316 fr. 12 c. de plus que le montant des crédits votés par diverses lois pour l’exercice de 1836.

Cette augmentation est due aux causes principales que je vais avoir l’honneur de vous signaler en entrant dans quelques explications sur les différences les plus saillantes que présentent les dépenses des deux exercices.

D’abord, le budget de la dette publique est majoré de 800,000 francs par suite de la compensation faite entre le crédit destiné aux intérêts et à l’amortissement de l’emprunt de 30 millions de francs, et les diverses réductions dont la plus importante est celle d’une somme égale sur les intérêts à payer pour la dette flottante.

Je dois faire remarquer, cependant, que cette majoration n’est en réalité que de 600,000 francs, car 200,000 francs proviennent d’une réduction de pareille somme au chapitre des travaux publics du budget de l’intérieur. Ces 200,000 francs forment la part contributive du produit des barrières, pour l’intérêt et l’amortissement de la portion de l’emprunt de 30 millions, qui sera d’abord affectée à la construction de routes nouvelles.

Les subsides demandés pour la caisse de retraite des employés des finances sont les mêmes que ceux alloués pour l’année courante. Cependant ces subsides seront loin de suffire pour couvrir les besoins toujours croissants de cette caisse, mais ce sera par une demande spéciale que l’on proposera à la chambre de pourvoir à l’insuffisance de 1837, et aux déficits des exercices précédents.

Les états de situation qui sont annexés au budget présentaient d’après le nombre des pensionnés existants au 1er août dernier, un excédant de dépenses de 89,294 fr. 20 c. sur les recettes probables de l’année, parmi lesquelles je comprends les 380,000 fr. de subvention. Ce premier chiffre s’est accru depuis.

Le travail de la révision des pensions liquidées depuis la révolution jusqu’au 31 décembre 1835, a été opéré par une commission royale formée de membres des deux chambres. Ce travail, ainsi que le rapport qui l’accompagne, vous seront communiqués. Ils vous mettront à même de juger la question en parfaite connaissance de cause, et de fixer enfin le chiffre et les principes qui serviront, pour l’avenir, de règle de conduite dans la collation des pensions aux employés de mon département.

Le budget des dotations n’a subi aucune modification à citer, mais celui du ministère de la justice présente une majoration de 250,000 fr. destinés aux constructions et réparations de prisons. Cette majoration se réduit toutefois à 149,530 fr. par l’effet de diverses diminutions sur d’autres articles.

Les besoins du département des affaires étrangères et de la marine, sauf une allocation de 60,000 fr. pour quelques consulats, sont à peu près les mêmes que ceux de l’année actuelle.

Une réduction de 448,896 fr. 56 cent, est présentée par le ministère de l’intérieur. A la vérité, ainsi que je viens d’avoir l’honneur de le dire, 200,000 fr. de cette réduction ne sont qu’un transfert de l’article des routes au budget de la dette publique.

Quant au département de la guerre, il est réclamé 316,000 fr. de plus qu’au budget de 1836. Cette majoration définitive, après avoir fait la part des diverses réductions, résulte de la nécessité de conserver sous les drapeaux un plus grand nombre d’hommes que celui actuel, et de pourvoir aux dépenses d’une augmentation du matériel de l’artillerie et du génie. Les diverses modifications en plus et en moins qui se rencontrent au budget, seront développées et justifiées par M. le ministre de la guerre, lors de la discussion.

Bien que l’accroissement des recettes ait dû faire porter l’éventualité des remises allouées aux receveurs à un chiffre supérieur à celui précédemment demandé, le budget de mon département offre cependant une réduction de 166,562 fr. 22 c., due notamment à ce que le crédit destiné à l’acquisition d’un hôtel contigu à celui des finances ne se présente plus cette année.

Par suite d’une plus exacte appréciation des choses, le budget des remboursements et non-valeurs a subi également une réduction qui s’élève à 104,000 francs.

Déjà le discours du trône vous a fait connaître, messieurs, que les dépenses de 1837 seraient couvertes par le produit des impôts existants, sans qu’il soit besoin d’augmenter le nombre des centimes additionnels.

Aussi le budget des voies et moyens, basé sur les recettes effectives des six derniers mois de 1835 et du premier semestre de 1836, offre-t-il dans ses prévisions peu de différences réelles avec celui qui fut adopté pour cette dernière année.

Cependant, messieurs, un des impôts indirects établi pour être très productif au profit du trésor, cesse de plus en plus d’alimenter les ressources de l’Etat, et ne profile plus guère qu’à une de nos industries et à notre commerce maritime. Il s’agit de l’accise sur les sucres.

Depuis longtemps, et particulièrement lors de mon entrée au ministère, l’état de choses qui s’est accompli, depuis, vous a été signalé comme une conséquence inévitable et prochaine de la législation qui régit cette branche de revenus. Il a été démontré dans cette enceinte que les proportions établies dans la loi, pour la restitution des droits d’entrée sur le sucre brut, lors de sa réexportation en sucre raffiné, étaient vicieuses ; que le déchet au raffinage, supposé par la loi, était triple du déchet réel, et qu’enfin ce n’était plus un simple drawback qui était accordé comme l’avait voulu le législateur, mais une véritable prime d’exportation, prélevée sur le consommateur indigène et dont le taux s’accroissait à chaque perfectionnement introduit dans les procédés du raffinage.

Des considérations graves qui se rattachaient à la fois aux succès d’une manipulation profitable au pays par les bras et les matières qu’elle emploie, et aux intérêts de notre navigation et de notre commerce à l’étranger, avaient engagé le gouvernement à différer de vous présenter des réformes qu’il croyait juste de faire, mais dont l’opportunité n’était pas arrivée.

Ces mêmes considérations subsistent encore aujourd’hui, du moins telle est l’opinion de mon collègue au département de l’intérieur que j’ai consulté à cet égard, et qui, par sa position et les avis qu’il peut recueillir, est plus à même que moi d’apprécier les suites d’un changement de système. Je dois ajouter que la complication qui va surgir de l’érection de nombreuses sucreries de betteraves, fait une loi de prudence de n’apporter à l’état des choses, quelque fâcheux qu’il soit pour le trésor, aucune modification, avant de connaître à peu près le résultat que doit amener la production d’un sucre indigène. Nous aurions trop de regrets, messieurs, si, par des mesures intempestives nous nuisions aux développements d’une conquête industrielle, qui promet d’être aussi favorable à notre agriculture qu’à notre commerce et qui peut nous affranchir d’un tribut immense payé jusqu’ici à l’étranger.

Le produit de l’accise sur les sucres, qui avait été évalué aux différents budgets comme devant rendre chaque année au trésor 17 à 18 cent mille francs, n’est porté à celui-ci que pour 120,000 francs. Cependant, messieurs, grâce à l’augmentation qu’on est en droit d’attendre d’autres revenus et spécialement du chemin de fer, qui figure dans nos prévisions pour quinze cent mille francs au lieu de six cent cinquante mille, la balance des recettes et des dépenses ne sera pas détruite ; et même pour 1836 je conserve l’espoir que l’évaluation globale des ressources sera dépassée, nonobstant la perte majeure sur les sucres.

En résumé, messieurs, le budget des voies et moyens excède de 352,046 fr. 33 cent. le montant total des dépenses proposées. Cet excédant, et celui qui provint de la différence entre le crédit de douze millions en bons de trésor, et les déficits anciens qu’ils servent à couvrir, permettront de pourvoir amplement aux dépenses extraordinaires non prévues, à résulter éventuellement de lois qui pourraient être adoptées pendant la présente session.

Le projet de loi des recettes n’apporte, messieurs, qu’une légère modification aux lois fiscales ; j’ai la confiance que vous l’adopterez volontiers. Elle a pour but de faciliter l’introduction plus complète du système métrique des poids en supprimant les rétributions exigées pour leur poinçonnage. Ces rétributions, quelque légères qu’elles fussent, ont souvent été la cause pour laquelle on cherchait à soustraire les ustensiles du mesurage à l’application du poinçon légal, et de là les nombreuses contraventions constatées,

Mais comme il n’est pas possible de toujours réduire les impôts sans combler le vide qu’en éprouve le trésor, le gouvernement a pensé qu’il était juste de reporter sons une autre forme la même perception à charge des mêmes contribuables.

A cet effet il vous est proposé, messieurs, de rendes exigible la totalité du principal du droit de patente, au lieu des trois quarts de ce droit, mais en même temps de supprimer les 26 centimes additionnels ordinaires qui le frappent, en sorte que la somme payée précédemment par les patentables des 3/4 du droit de patente, des 26 centimes additionnels à ce taux, et des rétributions pour poinçonnage des poids et mesures, est à très peu de chose près la même que celle qui sera perçue comme principal seulement du droit de patente.

Il y aura simplification pour le contribuable et pour l’administration.

Je dois faire observer que cette mesure est particulièrement à l’avantage des petits commerçants, parce que, plus que les grands, ils font usage de poids et de mesures.

Des arrangements faits avec des pays voisins ont assuré à la Belgique le transit de leur correspondance. Une grande accélération dans le transport des dépêches de et pour la France a été obtenue, et enfin un service rapide vers l’Allemagne serait incessamment mis en activité.

Le service des postes rurales, déjà organisé dans quelques-unes de nos provinces, ne tardera pas à produire ses bons effets dans la Belgique entière.

Ces diverses améliorations ne seront pas seulement profitables au commerce et aux relations sociales, elles seront en outre productives pour le trésor. Aussi ai-je pu majorer de 200,00 fr. les prévisions du produit de la taxe des lettres.

Contrairement à ce qui s’est pratiqué l’an dernier, les intérêts de l’encaisse de l’ancien caissier général figurent cette année au budget.

Quelle que soit la résolution que les chambres prendront au sujet de l’importante question soulevée à cet égard par le rapport de la commission dite de la banque, le gouvernement n’a pas cru devoir attendre davantage pour comprendre cette somme dans les prévisions de recettes ; ainsi que l’art. 113 de la contribution en fait une obligation.

A cette occasion, messieurs, j’ai la satisfaction de vous annoncer qu’une convention récente que j’aurai l’honneur de déférer immédiatement à l’approbation du pouvoir législatif, est destinée à mettre fin au litige important qui subsistait entre le gouvernement et la société générale pour favoriser l’industrie nationale, au sujet des redevances dues par cette société en exécution de l’art. 12 de ses statuts.

Je croirais manquer à mes devoirs, messieurs, si je n’appelais de nouveau et avec instance votre haute sollicitude sur des dispositions concernant les distilleries, qui vous ont été soumises dans la loi des voies et moyens de 1836, et dont vous avez désiré faire une loi séparée. La morale publique, plus même que le trésor, est vivement intéressée à ce que ces dispositions soient adoptées.

Je vais avoir l’honneur de déposer sur le bureau le projet de loi sur le sel, réclamé depuis longtemps ; la loi sur la révision des opérations cadastrales vous sera également remise très prochainement, ainsi que j’en ai pris l’engagement.

Enfin, messieurs, la loi des comptes des exercices de 1830, 31 et 32, dont l’examen vous est facilité par les observations de la cour des comptes, viendra régulariser cette partie essentielle de l’administration générale du pays. Les comptes de 1833, déjà déférés à la cour, vous seront aussi renvoyés par elle dans cette session, et la loi pour les clore définitivement vous sera aussitôt présentée.

Jusqu’ici, messieurs, les présages de prospérité nationale exprimés chaque année à cette tribune se sont accomplis.

Tout me dit que l’espoir que je nourris de voir se développer de plus en plus notre état florissant, se réalisera encore.

Mais, avant de terminer, ne dois-je pas de nouveau faire ressortir combien en d’autres temps nos immenses ressources étaient absorbées dans un intérêt qui n’était pas le nôtre, puisqu’après avoir réduit successivement nos impôts annuels de 15 millions ; après avoir créé une armée et une administration ; après avoir fait face à d’énormes dépenses, résultat d’un état de guerre permanent, la situation de notre trésor public est aujourd’hui à envier par la plupart des Etats de l’Europe.

Aussi, messieurs, comme ministre du Roi et comme représentant de la nation belge, il m’est doux d’avoir pu répondre ici par le tableau de l’ordre et du bien-être dont jouit notre belle patrie, à ceux qui par les accents impuissants du dépit cherchent encore à flétrir notre heureuse et juste révolution.

(Note du webmaster : le Moniteur reprend ensuite le texte des projets de budget fixant les montants globaux des recettes et des dépenses. Ce texte n’est pas repris dans la présente version numérisée.)

Projet de loi approuvant la convention conclue entre le gouvernement et la société générale

Dépôt

M. le ministre des finances (M. d'Huart) donne ensuite lecture de la convention qu’il a passée avec le gouverneur de la société générale relativement aux redevances annuelles de cette société envers le gouvernement, échues depuis 1830.

Projet de loi sur le sel

Dépôt

Enfin il présente un projet de loi sur le sel.

M. le président. - La chambre donne acte à M. le ministre des finances de la présentation des projets de lois concernant les budgets des dépenses et des recettes pour l’exercice 1837, du projet de loi relatif à la convention passée entre le gouvernement et la société générale et du projet de loi relatif au sel.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, j’avais en quelque sorte pris l’engagement, avant la clôture de la dernière session, d’envoyer imprimés les budgets de 1837 à vos domiciles, afin que vous pussiez les examiner avant l’ouverture de cette session ; mais un changement dans l’administration de la guerre ayant eu lieu, nous n’avons pu satisfaire à cette promesse. Le nouveau ministre a dû examiner le budget spécial de son département, et ceci a entraîné des délais. Ce retard ne sera cependant pas considérable, car j’espère que lundi tous les budgets seront distribués ; or vous savez, messieurs, que ce travail est très long, il faut cinq à six semaines pour effectuer l’impression de ces documents.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution des projets de loi relatifs au sel et à la convention entre le ministre des finances et le directeur de la société générale.

- La chambre, consultée, décide que toutes les lois présentées par le ministre des finances seront renvoyées devant les sections.

M. Legrelle. - Je crois que l’on pourrait excepter le budget du ministère de la guerre, et le renvoyer à une commission ; il faut des connaissances spéciales pour procéder à l’examen de ce budget.

M. Gendebien. - Messieurs l’année dernière on a renvoyé en sections le budget de la guerre comme tous les autres budgets ; je ne vois pas pourquoi l’on agirait autrement cette année : le budget de la guerre est assez important pour que tous les membres de la chambre en prennent une connaissance détaillée, et chacun de nous peut très bien concourir à son examen sans qu’il soit nécessaire de posséder pour cela des connaissances spéciales.

- La chambre décide que le budget de la guerre sera, comme les autres, renvoyé en sections.

M. Liedts (pour une motion d’ordre). - Messieurs, dans le relevé de la composition des différentes commissions, qui vous a été soumis, vous aurez remarqué, comme moi, que plusieurs de ces commissions sont aujourd’hui incomplètes par suite de la démission de divers membres de la chambre qui en faisaient partie : je demande que le bureau soit invité à les compléter.

- La chambre décide que le bureau complètera ces commissions.

M. de Jaegher (pour une autre motion d’ordre). - Messieurs, au moment de la clôture de la dernière session, les sections avaient terminé l’examen de divers projets de lois qui leur avaient été renvoyés, et nommé leurs rapporteurs ; mais la section centrale n’avait pas encore pu s’assembler : j’appelle l’attention de la chambre sur l’utilité qu’il y aurait à ce que les différentes sections continuassent leurs anciens rapporteurs dans leur mandat.

Projet de loi, amendé par le sénat, portant création du conseil des mines

Mise à l'ordre du jour

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - J’appellerai aussi votre attention, messieurs, sur le projet de loi sur les mines qui a été amendé par le sénat. Il serait à désirer que ce projet fût renvoyé à une commission.

- Appuyé.

M. Dumortier. - Je demande, messieurs, que ce projet soit renvoyé aux sections ; il est trop important pour que l’examen n’en soit confié qu’à un petit nombre de personnes. A la vérité, avant la première discussion du projet de loi sur les mines, on pouvait dire que, pour l’examiner, des connaissances spéciales étaient indispensables ; mais aujourd’hui que ce projet a été discuté longuement dans cette enceinte, chacun de nous a pu suffisamment s’éclairer sur les matières auxquelles il se rapporte.

Je crois donc que nous devons tous prendre part à l’examen du projet qui nous est renvoyé par le sénat, et que ce serait manquer notre but que de le renvoyer à une commission.

M. le président. - Ayant fait observer que la chambre voudra sans doute discuter l’adresse en réponse au discours du trône avant de s’occuper de la loi sur les mines, il n’est pas donné suite aux observations de MM. le ministre de l’intérieur et Dumortier.

Renouvellement des députés nommés aux fonctions de bourgmestres ou d'échevins

Motion d'ordre

M. Dumortier. - Messieurs, l’article 36 de la constitution s’exprime en ces termes :

« Le membre de l’une ou de l’autre chambre qui est nommé par le gouvernement à un emploi salarié cesse immédiatement ses fonctions, et ne les reprend qu’en vertu d’une nouvelle élection. »

Avant la discussion de l’adresse, je crois, messieurs, devoir vous faire remarquer qu’il est nécessaire de soumettre à une réélection les membres de cette chambre qui viennent d’être nommés par le gouvernement aux fonctions de bourgmestres ou échevins.

Je regrette que cette question touche plusieurs de mes collègues, plusieurs de mes amis ; mais la vérité avant tout, la constitution avant tout ! Pour moi, il ne s’agit plus d’amis quand la constitution a parlé.

L’article de la constitution que je viens de citer ne laisse aucun doute sur la question que j’ai l’honneur de vous soumettre.

« Le membre de l’une ou de l’autre chambre qui est nommé par le gouvernement à un emploi salarié, cesse immédiatement ses fonctions, et ne les reprend qu’en vertu d’une nouvelle élection. » Or, les bourgmestres et les échevins exercent-ils, oui ou non, un emploi quelconque, et cet emploi est-il salarié ? Voilà, messieurs, toute la question, question bien simple et qu’il suffit de poser pour la résoudre.

Déjà, lors de la discussion de la loi communale, j’ai eu l’honneur de faire remarquer à l’assemblée qu’en admettant la nécessite d’un traitement pour les fonctionnaires dont il s’agit, on admettrait en même temps la nécessité de la réélection.

Si vous vouliez éviter la réélection, il fallait de deux choses l’une : ou laisser au peuple l’élection des bourgmestres et échevins, ou ne pas stipuler dans la loi l’obligation de leur donner un traitement ; mais vous avez préféré de confier leur nomination au pouvoir exécutif, et d’insérer ensuite dans la loi l’obligation de les rétribuer ; dès lors, vous tombez dans l’article 36 de la constitution, et vous ne pouvez pas éviter de soumettre à une réélection tous ceux qui se trouvent sous le coup de cet article à moins qu’on ne veuille jouer sur les mots, et prétendre, comme je l’ai entendu faire tout à l’heure, que les fonctionnaires dont il s’agit ne reçoivent pas de traitement du trésor public.

Dans ce cas je vous ferai remarquer que la constitution ne dit pas que le traitement doit être payé par le trésor public : « nommé par le gouvernement à un emploi salarié ; » ainsi, du moment qu’un salaire est attaché à l’emploi que le gouvernement a conféré, cela suffit, et la constitution ne s’inquiète pas d’où provient ce salaire. D’ailleurs, messieurs, le mot trésor public, dans son acception générale, ne désigne pas seulement le trésor de l’Etat, mais encore celui des provinces et des communes, et cela est tellement vrai que la gestion des deniers des provinces est soumise au contrôle de la cour des comptes et qu’il en est de même en France, du moins pour les départements dont le revenu s’élève à une certaine somme.

Lorsque l’honorable député M. Davignon, député de Verviers, après sa nomination aux fonctions d’administrateur de la banque de Belgique, a été soumis à une réélection, on n’a pas pu objecter que le traitement de cet honorable membre ne devait pas être payé par le trésor public, il n’était pas dans le cas prévu pas l’article 36 de la constitution ; ainsi, messieurs, l’on ne peut pas contester aujourd’hui que les fonctions de bourgmestre et d’échevins sont des emplois de la nature de ceux dont parle cet article. Quand l’honorable M. Corbisier a été nommé secrétaire de la chambre de commerce de Mons sur la présentation de cette même chambre de commerce, cet honorable collègue a aussi été soumis à une réélection, quoique le traitement de secrétaire de la chambre de commerce soit supporté par la caisse communale de même que le traitement des bourgmestres et des échevins. La chambre a donc tranché la question dont il s’agit ; il y a donc jurisprudence établie à cet égard.

Quant à l’élévation de ces traitements, c’est là une question qui n’en est pas une : dès l’instant qu’une fonction entraîne un salaire, quelque minime qu’il soit, fût-il d’un franc, cette fonction est de celles dont il est question dans l’article 36 de la constitution.

D’ailleurs, quoiqu’il y ait des bourgmestres dont le traitement est très faible, il en existe aussi qui en touchent de très élevés : je crois que la ville de Bruxelles, par exemple, accorde au moins dix mille francs ; la ville d’Anvers cinq mille : ce sont là sans doute des fonctions bien rétribuées, et l’on ne peut pas dire qu’elles ne sont pas salariées, aux termes de la constitution.

Je demande donc que la chambre statue sur ce point : quant à moi, la question ne me laisse pas de doute : et il me semble que ce qui s’est passé relativement à MM. Davignon et Corbisier lève toute incertitude à cet égard ; ainsi je pense qu’il y a lieu de décider que tous les membres de cette assemblée qui ont été promus aux fonctions de bourgmestres ou d’échevins doivent être soumis à une réélection.

M. le ministre de l'intérieur (M. de Theux). - Messieurs, si la motion de l’honorable M. Dumortier était fondée, nous devrions tous regretter qu’il ne l’ait pas faite à l’instant même où la chambre s’est réunie et avant qu’elle ne procédât aux diverses élections qu’elle a déjà faites.

Sans doute, si votre proposition était fondée, vous deviez la faire avant que la chambre procédât aux nominations qui viennent d’avoir lieu et dont quelques-unes, à votre compte, pourraient être contestées comme irrégulières.

Mais, messieurs, je ne pense pas que l’opinion de M. Dumortier ait le moindre fondement ; d’abord il existe une erreur de fait dans une assertion que cet honorable membre a avancée ; il invoque une décision de la chambre, en vertu de laquelle M. F. Corbisier, secrétaire de la chambre de commerce de Mons, avait été soumis à une réélection ; mais il n’en est pas ainsi ; M. Corbisier, nommé aux fonctions dont il s’agit, a demandé avant la réunion des chambres, à être soumis à une réélection ; cela a été une démarche volontaire, spontanée de sa part.

Pour en revenir à la question soulevée par M. Dumortier, je ne pense pas que les fonctions municipales soient de la catégorie de celles dont s’est occupé l’article 36 de la constitution, et que les fonctionnaires municipaux doivent être soumis à une réélection. Outre que ce ne sont pas des employés d’administration générale, il est à remarquer que leurs traitements sont payés sur les budgets communaux et qu’en général, si l’on en excepte quelques grandes villes, ces traitements, dans la plupart des localités, sont tellement exigus, qu’ils suffisent à peine aux titulaires pour faire face aux faux frais d’administration.

M. A. Rodenbach. - Je demanderai à l’honorable M. Dumortier s’il entend aussi que les conseillers municipaux doivent subir une réélection.

Des membres. - Les conseillers ne sont pas nommés par le gouvernement.

- L’observation de M. Rodenbach n’a pas de suite.

M. Frison. - J’appartiens à la catégorie des fonctionnaires que M. Dumortier veut soumettre à une réélection ; je ne dirai rien sur la proposition de cet honorable membre ; je désire seulement que la chambre se prononce, afin que sa jurisprudence soit fixée sur ce point.

M. Dumortier. - M. le ministre de l’intérieur vient de déclarer que M. Corbisier a demandé lui-même à subir une réélection ; je le répète, c’est par suite de sa nomination à des fonctions salariées que notre ancien collègue a été soumis à une réélection ; le cas qui nous occupe est tout à fait identique, et la question ne peut recevoir une solution différente : il y a chose jugée. Décider la question dans un autre sens, ce serait déclarer que la constitution n’est plus qu’un vain mot ; ce serait se mettre au-dessus du pouvoir constitutionnel.

M. Simons. - Je prie l’honorable M. Dumortier de me dire s’il n’établit pas de différence entre les bourgmestres qui étaient déjà en fonctions avant la nouvelle organisation communale, et ceux qui n’ont été nommés que postérieurement à cette organisation. Si la motion de l’honorable membre avait rapport aux bourgmestres de la première catégorie, on pourrait lui opposer des antécédents ; je me bornerai à citer le cas suivant.

Plusieurs de nos collègues appartenaient à l’ordre judiciaire lors de la réorganisation de cet ordre en 1832, ceux de ces membres qui furent simplement continués dans leurs fonctions ne furent pas soumis à une réélection, tandis que ceux qui avaient été nommés à un rang plus élevé, durent subir cette réélection.

Je demanderai donc à M. Dumortier si sa motion comprend ou non les bourgmestres nommés avant la nouvelle organisation communale.

M. Dumortier. - Il est facile de répondre à l’observation de l’honorable préopinant ; il n’y a pas de similitude entre le cas qu’il a cité et celui qui nous occupe.

D’abord, lorsqu’on a organisé l’ordre judiciaire, tous les membres de l’ordre avaient été précédemment nommés par le pouvoir exécutif, et c’est le pouvoir exécutif qui les a continués dans leurs fonctions. Ici, au contraire, tous les bourgmestres et échevins avaient été nommés par le peuple, et aujourd’hui c’est du gouvernement qu’ils tiennent leurs nominations. Si l’honorable préopinant s’était fait représenter les motifs qui ont milité en faveur de la disposition prise en 1832 relativement à l’ordre judiciaire, il aurait trouvé des arguments, non pas pour combattre ma proposition, mais au contraire pour l’appuyer.

En effet, pourquoi avons-nous exempté les membres de l’ordre judiciaire de la réélection ? c’est parce que les membres de l’ordre, par le fait de la nomination du gouvernement, avaient acquis l’inamovibilité définitive, et que, pour lors, ils avaient acquis aux yeux des électeurs une garantie de plus.

Ici, il n’en est pas de même ; ce sont des hommes qui avaient été choisis magistrats communaux par leurs concitoyens, et qui aujourd’hui sont nommés par le gouvernement ; ils se trouvent donc dans une position bien défavorable. Si les bourgmestres, compris dans la nouvelle organisation, avaient acquis l’inamovibilité, je comprendrais les motifs que fait valoir l’honorable préopinant ; mais loin de là, ces fonctionnaires ont perdu une garantie qu’ils avaient autrefois ; aujourd’hui ils sont les serviteurs du pouvoir, tandis qu’ils étaient jadis les serviteurs du peuple. (Bruit.) Il est incontestable que les bourgmestres tombent dans l’acception de l’art. 36 de la constitution ; et je soutiens qu’il est impossible que cet article ne reçoive pas sa pleine et entière exécution.

Au reste, je ne m’oppose pas à la division, en ce qui concerne les bourgmestres nommés dernièrement pour la première fois, et ceux qui ont été simplement continués dans leurs fonctions.

M. Legrelle. - Messieurs, je trouve rationnel que l’honorable M. Dumortier soulève la question qui nous occupe ; et qui, peut-être, peut recevoir la solution que cet honorable membre lui donne. Je resterai en dehors d’une discussion dans laquelle je suis intéressé ; mais je ne puis pas laisser inaperçue la qualification de serviteurs du pouvoir dont M. Dumortier nous qualifie. Les bourgmestres, aujourd’hui, ne sont pas moins des magistrats populaires qu’ils l’étaient avant la réorganisation communale ; ils ont commencé par recevoir leur mandat du peuple, et ils resteront les hommes du peuple. Je déclare ici, en mon nom, que si le pouvoir m’imposait une obligation contraire aux intérêts du peuple, je donnerais ma démission des fonctions que j’exerce.

M. Jadot. - Je demande que l’on ajourne à demain le vote sur la proposition de M. Dumortier.

- La proposition d’ajourner la discussion à demain est mise aux voix par appel nominal. Voici le résultat du vote :

68 membres y prennent part.

39 votent pour l’ajournement à demain.

29 votent contre.

En conséquence l’ajournement à demain est prononcé.

- La séance est levée à 3 heures 3/4.