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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 17 novembre 1836

(Moniteur belge n°324, du 18 novembre 1836)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Verdussen fait l’appel nominal à une heure.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Verdussen présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

« Le sieur A. Maleck de Werten, fils, ex-employé à la chambre des comptes et receveur des contributions, demande à être nommé, par la chambre, à la place vacante à la cour des comptes. »


« Mme veuve Mersch demande que sa pension de la caisse de retraite lui soit payée en intégralité. »


« La députation permanente du conseil provincial de la Flandre orientale appuie la pétition des propriétaires des prairies de la Flandre orientale, demandant une loi qui prohibe les foins venant de l’étranger ou qui les frappe de droits protecteurs de notre agriculture. »


- Ces pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions.

Projet de loi relatif au traitement des vicaires

Discussion des articles

Article 2

M. le président. - La discussion continue sur l’art. 2 et les amendements y relatifs, qui sont ainsi conçus ;

« Art. 2. Ces traitements sont fixés à 500 fr. sans préjudice aux suppléments que les communes et les fabriques des églises auront la faculté d’accorder. »

Amendement de M. Gendebien : « Art. 2. Ces traitements sont fixés à 500 fr. ; et subsidiairement, en cas de rejet de cette proposition : sans préjudice aux suppléments que les fabriques des églises auront la faculté d’accorder. »

Amendement de M. Trentesaux : « Art. 2. Ces traitements sont fixés au maximum de 600 fr. et au minimum de 400 fr., sans préjudice aux suppléments que les fabriques des églises auront la faculté d’accorder. »

Amendement de M. Pollénus : « Art. 2. Ces traitements sont fixés à 700 francs dans les communes chefs-lieux de canton, et à 500 francs dans les autres communes. »

La parole est à M. Pollénus pour développer son amendement.

M. Pollénus. - Il m’a paru résulter de la discussion qui a eu lieu hier qu’il était nécessaire d’établir une différence entre les traitements des vicaires, parce que les dépenses varient suivant les localités.

Quoiqu’en général le casuel de ces sortes de fonctions ecclésiastiques soit en rapport avec les dépenses qu’exige la localité, cependant je crois qu’il y aurait quelques inconvénients à fixer un traitement uniforme pour tous les ministres des cultes de cette catégorie. Je crois que, sous ce rapport, on pourrait suivre le système existant aujourd’hui à l’égard des curés et des succursales.

Vous vous rappelez que parmi les orateurs que vous avez entendus hier, il en est qui ont soutenu que la loi en discussion devait être mise en harmonie avec les droits existants relativement au culte. Ce n’est donc pas de la part de ces orateurs que je m’attends à voir combattre ma proposition qui entre dans le système qu’ils défendaient hier. Ce que je désire obtenir dans la loi en discussion, c’est un système sincère, simple, uniforme, qui réponde au texte et à l’esprit de l’art. 117 de la constitution. Cet article veut que les traitements des ministres des cultes soient à la charge de l’Etat. L’uniformité des traitements étant, à l’égard de quelques ministres des cultes, une insuffisance de traitement, il faut compléter ces traitements afin qu’il soit vrai de dire que les traitements de tous les ministres des cultes soient à la charge du trésor public.

D’ailleurs, je crois qu’il a été suffisamment établi hier que la situation des fabriques d’église ne leur permettrait guère d’accorder des suppléments de traiteraient à des ministres des cultes. Leur première obligation est de veiller à l’entretien des temples et à l’administration des aumônes. Si quelque chose prouve à l’évidence, suivant moi, la détresse des fabriques d’église, c’est l’état déplorable où vous voyez la plupart des temples en Belgique. L’église de Sainte-Gudule de Bruxelles tomberait en ruines si l’Etat n’était venu au secours de sa fabrique. L’église de Saint-Jacques de Liége, qui est également un monument de l’art, est menacée de la même manière si l’Etat ne vient à son secours.

Je désire donc un système sincère relativement au traitement des ministres des cultes. Je désire que les fabriques puissent disposer librement de leurs revenus et les appliquer à ce que je regarde comme leur première obligation. Or, ce ne sera possible que si vous donnez à chacun un traitement convenable.

A la séance d’hier, M. le ministre de l'intérieur a paru révoquer en doute ce que je disais sur l’état de détresse des fabriques. C’est cependant à une source que je crois sûre, que j’ai puisé mes renseignements. Je crois pouvoir assurer que dans le diocèse de Malines il y a tout au plus quatre fabriques en état d’accorder des suppléments de traitement aux ministres des cultes.

Mais, dit M. le ministre de l'intérieur, il est cependant vrai de dire qu’un grand nombre de communes sont en état de pouvoir donner aux vicaires un supplément de traitement de 100 ou de 200 fr. Il est vrai qu’un assez grand nombre de communes paient réellement des subsides. Mais je crois qu’on pourrait dire aussi qu’il est de notoriété publique qu’elles ne paient ces subsides que parce que les envisageant comme de première nécessité, elles préfèrent cette dépense à toute autre. Il est de notoriété publique que plusieurs fabriques ont même entamé leurs capitaux pour pourvoir à ces dépenses. Cette nécessité prouve en même temps l’insuffisance des traitements et l’insuffisance des revenus des fabriques pour les compléter.

On reconnaît qu’un traitement uniforme ne peut pas toujours convenir. Je propose donc d’établir une différence et de l’établir de la même manière qu’elle existe entre les cures et les succursales.

Je propose le chiffre de 700 fr. pour les communes chefs-lieux de canton, et celui de 500 fr. pour les autres communes.

De cette manière je crois rencontrer l’opinion de ceux qui soutiennent qu’il fait une différence.

M. Vandenbossche. - Messieurs, la chambre paraît généralement d’accord que les traitements des ministres des cultes, d’après l’art. 117 de la constitution, sont exclusivement à la charge de l’Etat.

Elle paraît généralement aussi d’accord que les traitements des ministres des cultes, d’après l’art. 117 de la constitution, sont exclusivement à la charge de l’Etat.

Elle paraît généralement aussi d’accord que les vicaires qu’exige l’administration des paroisses sont compris parmi les ministres des cultes, dont les traitements incombent à l’Etat.

On paraît aussi généralement convenir que cette charge de l’Etat est une conséquence de la confiscation des biens ecclésiastiques, imposée en exécution du décret du 2 novembre 1789, qui porte que l’assemblée constituante de France a mis à la disposition de la nation tous les biens ecclésiastiques, « à la charge de pourvoir d’une manière convenable aux frais du culte, à l’entretien de ses ministres et au soulagement des pauvres. »

De ces premiers prémisses il résulte que la législature ne peut mettre ces traitements, soit pour le tout, soit pour une partie, à la charge des fabriques ou des communes. Il en résulte encore que la législature doit déterminer ces traitements, quel qu’en soit le résultat pour le trésor public, à un taux convenable et qu’elle croit suffisant, sans devoir recourir à des subventions extraordinaires de la part de qui que ce soit.

Or le taux de 500 francs paraît insuffisant, car tous supposent que les vicaires recevront un supplément, soit des fabriques, soit des communes.

Si telle est l’opinion de la chambre, force nous est de l’augmenter, et je proposerai de fixer les traitements des vicaires à 600 francs ; et pour les cas extraordinaires où cette somme ne suffirait, suivant quelques membres, mais dont la législature ne doit pas s’occuper, je proposerai d’ajouter : « sans préjudice aux suppléments que les fabriques des églises auront la faculté d’accorder. »

Je retranche, conformément à l’amendement de l’honorable M. Gendebien, de l’art. 2 de la section centrale, les mots : « les communes ... » Je pense avec l’honorable membre que la constitution s’y oppose, en ce qu’elle met la totalité de ces traitements à la charge de l’Etat : telle est si bien l’opinion de la majorité des membres, qu’on convient à ce que je pense, qu’on ne pourrait pas imposer à la commune d’accorder un supplément ; mais on ne croit pas léser la constitution en leur en laissant la faculté. Cependant si la constitution s’oppose à ce que la législature imposé un supplément à la commune, elle s’oppose également à ce que la régence impose un supplément à ses administrés. Reconnaître que nous ne pouvons pas imposer la commune, et autoriser les régences à imposer à leurs administrés des suppléments aux vicaires, est à mes yeux une véritable et évidente contradiction.

Quant au deuxième motif de l’honorable membre, tiré du principe que toutes les opinions sont libres, je ne puis partager son opinion ; l’honorable M. Dubus y a suffisamment répliqué pour que je n’entreprenne plus de la combattre ; je pense donc que si une régence, dans l’intérêt, pour la convenance ou l’agrément des habitants, proposait et se trouvait autorisée à établir une chapelle, et à y attacher un chapelain si elle sollicitait et obtenait un prêtre pour dire la messe dans l’église de la commune, elle serait en droit de porter dans son budget les sommes nécessaires pour leur entretien, par la raison que leur traitement ou leur entretien ne serait pas une charge exclusive de l’Etat. Quant à l’amendement de l’honorable M. Trentesaux, je ne pourrais l’admettre en ce qu’il comporte un maximum et un minimum, par la raison que nous ne pouvons pas pour chaque vicaire déterminer la classe où il devrait se trouver placé, et que le maximum serait souvent l’effet de la faveur, le minimum l’effet de la partialité, et point l’effet du mérite ou de la justice.

Quant au surcroît que mon amendement apporterait aux charges de l’Etat, je ne peux que répéter que dans la même proportion décroîtront les charges des communes, et que par ainsi ce ne sera jamais une charge nouvelle pour le peuple.

M. Gendebien. - Messieurs, vous voudrez bien vous rappeler que j’ai demandé hier que l’on supprimât dans l’art. 2 les mots « les communes, » parce que j’ai pensé qu’aux termes de l’article 117 de la constitution, les traitements de tous les ministres des cultes devaient être à la charge de l’Etat. J’ai pensé, d’autre part, qu’en présence de la constitution qui proclame la liberté de tous les cultes, on ne peut autoriser une commune à imposer la généralité des habitants, pour un culte déterminé, sans violer la liberté de conscience et la constitution, sous ce double rapport.

Je n’ajouterai rien aux développements que j’ai donnés hier à ma proposition. Je me bornerai à répondre aux principales objections qui m’ont été faites.

On s’est surtout attaché à combattre ce que j’ai dit sur l’inconstitutionnalité de la proposition de la section centrale ; cette inconstitutionnalité, je crois l’avoir démontrée et je le croirai, tant qu’on ne m’opposera pas d’autres raisons que celles qu’on a fait valoir hier contre mes arguments.

Que dit M. le ministre de l’intérieur pour combattre mes objections ? Il vous dit : « Du principe de la liberté des cultes découle la nécessité de voter des sommes pour les traitements de leurs ministres. »

Voilà comment l’honorable ministre de l’intérieur entend la constitution, la liberté des cultes ; voilà comment il répond à tout ce que j’ai dit pour démontrer l’obligation pour le gouvernement de porter à la charge du trésor public les traitements des ministres des cultes. C’est là une logique peut-être bonne pour M. le ministre de l'intérieur, et très commode peut-être pour le ministre des finances, mais que je ne peux admettre. J’entends autrement la liberté des cultes et la constitution.

La manière de raisonner du ministre me rappelle une anecdote que je vous demande pardon de rappeler. Le brave Rostan, un des grenadiers qui passèrent les premiers le pont d’Arcole, fut interrogé par l’empereur sur ce qu’il avait senti en passant ce pont ; le grenadier répondit : J’ai senti coude à gauche. Cette réponse peut prouver le fanatisme militaire de ce brave grenadier, mais ne prouve rien autre chose.

Je crois que M. de Theux ne nous a pas fait une réponse plus forte de raisonnement, sa logique est à peu près celle de Rostan.

M. le ministre des finances, dans son argumentation qu’il a paru croire victorieuse a dit : L’enseignement est libre ; cependant celui qui dans une commune n’a pas d’enfants doit payer pour le traitement de l’instituteur compris dans les charges communales ; s’il doit payer comme celui qui a des enfants, pourquoi le non-catholique ne pourrait-il pas être obligé de payer les charges votées par la commune pour le culte catholique qui n’est pas le sien ? Je ne vois guère d’analogie d’un article de la constitution à l’autre, ni d’une espèce à l’autre, et le ministre des finances n’a pu tirer de la similitude prétendue qu’il y aurait entre les deux cas, la conclusion qu’un non-catholique peut être imposé par la commune pour supplément de traitement au vicaire catholique.

Pour faire comprendre au ministre des finances son erreur, je lui ferai remarquer que si la constitution, après avoir parlé dans son article 117 de la liberté des cultes et de la nécessité de porter au budget de l’Etat toutes les sommes nécessaires pour pourvoir aux besoins des ministres des cultes, disait qu’il y aurait un instituteur dans chaque commune et que le traitement de cet instituteur serait payé par le trésor, que tous les ans les sommes nécessaires pour y pourvoir seraient portées au budget, alors il y aurait similitude ; alors chaque habitant de la commune ayant ou n’ayant pas d’enfants, pourrait se refuser à payer ; il dirait, avec raison : C’est une charge de l’Etat ; il ne peut dépendre d’aucune administration de faire peser cette charge sur la commune ; c’est une charge générale, et ni les magistrats de la commune, ni la législature n’en peut changer la nature. Je le répète, il faudrait pour les instituteurs une disposition constitutionnelle semblable à celle pour les ministres des cultes, pour qu’on pût raisonner à l’égard des uns comme à l’égard des autres.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Elle existe, cette disposition.

M. Gendebien. - L’honorable M. Dumortier a dit : « Il est écrit dans la constitution que les charges communales doivent être réglées par les conseils communaux : ne serait-ce pas enlever cette liberté à la commune que de lui ôter la faculté d’accorder des suppléments de traitements aux vicaires ? »

Mais s’il est écrit dans la constitution que les charges communales sont votées par le conseil communal, ce qui est très vrai et que personne ne conteste, s’en suit-il que mon amendement restreint les immunités communales ? Non, certainement ; il s’ensuit seulement que nous ne pouvons pas nous permettre de porter la dépense dont il s’agit à la charge de la commune ni lui permettre de l’imposer à tous les habitants de la commune, parce qu’elle est qualifiée expressément par la constitution de dépense générale, et que, tout en la qualifiant ainsi, la constitution exige que la législature porte tous les ans au budget les sommes nécessaires pour y faire face. Ainsi, loin de contester aux conseils communaux le droit de régler les dépenses communales, je vous conteste le droit de leur imposer des charges qui ne sont pas communales. Qui de nous maintenant mérite le reproche de porter atteinte aux libertés communales ?

J’arrive aux objections de M. Dubus aîné. On ne blesse pas, a-t-il dit, la constitution en mettant les suppléments de traitement des vicaires à la charge des communes, pas plus qu’on ne blesse les droits de la généralité en mettant les traitements des ministres des cultes à la charge de la nation entière, conformément à l’article 117.

Mais c’est là une véritable pétition de principes, repoussée par le texte même de l’art. 117 de la constitution.

Je vous ferai remarquer la généralité des termes de l’art. 117 : « Les traitements et pensions des ministres des cultes sont à la charge de l’Etat. » Nous n’avons pas à juger de l’opportunité ni des convenances, ni même de la justice de cette disposition. Le congrès a prononcé ; vous ne pouvez toucher à sa décision ; il a décidé que la généralité des citoyens, sans distinction de culte, de croyance et sans s’occuper de ceux qui n’ont pas de croyance, devait contribuer aux traitements des ministres des cultes ; cette disposition n’a rien que de très rationnel, et personne n’a le droit de s’en plaindre, puisque si tous sont imposés pour tous les cultes, chacun aussi a la certitude que le ministre de son culte sera salarié, et chacun n’est censé contribuer que pour celui-là. Mais de ce que l’art. 117 de la constitution a déclaré que cette dépense était une charge générale de l’Etat, pouvez-vous légitimement en tirer la conséquence que vous pouvez mettre cette même dépense à la charge de la commune ? C’est la conséquence contraire qui est seule légitime.

Si quelqu’un fait ce paralogisme, ce n’est pas moi, par mon amendement ; ce sont ceux qui ont raisonné pour le combattre.

Il n’y a pas plus de raison, a dit encore M. Dubus, à refuser aux communes la faculté d’accorder un supplément de traitement à un ministre du culte qu’il n’y en aurait à leur refuser la faculté de payer des instituteurs, de payer les dépenses nécessaires et souvent très considérables pour des salles de spectacle et pour leur entretien.

L’honorable membre se trompe ; il y a des raisons différentes, palpables, pour tout homme qui voudra réfléchir. Les instituteurs, les salles de spectacle sont des dépenses communales par leur nature, et la constitution ne les a pas déclarées dépenses de l’Etat. Pour que le raisonnement fût exact, il faudrait que la constitution eût dit : Il y aura dans chaque commune une salle de spectacle aux frais de l’Etat ; il y aura dans chaque commune un instituteur aux frais de l’Etat chaque année, il sera porté au budget une somme nécessaire pour y pourvoir : car dans ce cas la dépense serait générale d’après la constitution.

Mais comme la constitution n’a rien dit de semblable, c’est une dépense communale, et alors il est naturel que le conseil communal vote les fonds : c’est une affaire de libre-arbitre pour le conseil ; mais les fonds une fois votés, il faut que tous les habitants paient et se conforment au vœu de la majorité.

En un mot comme en cent, reconnaît-on, oui on non, le principe consacré par l’art. 117 de la constitution, lequel met à la charge de l’Etat tous les traitements des ministres des cultes ? Vous avez reconnu ce principe, vous l’avez proclamé à l’article premier que vous avez voté hier.

Il s’ensuit nécessairement que les sommes nécessaires pour y faire face doivent être portées au budget ; cette conséquence toute logique, le congrès l’a exprimée au deuxième paragraphe de cet article 117. Eh bien, n’est-ce pas déroger à ce principe que de mettre une partie de ces traitements à la charge des communes ? N’est-ce pas déroger à ce principe que de reconnaître que les traitements ne sont pas suffisants, et d’appeler les communes à donner un supplément ? N’est-ce pas violer la constitution, alors que vous ne portez pas les sommes nécessaires au budget, comme le prescrit l’art. 117, paragraphe 2 ?

Maintenant, messieurs, revenons de bonne foi et avec sincérité aux premiers éléments de la discussion. En 1834, en 1835, hier et avant-hier, qu’a-t-on dit pour faire prévaloir contre le projet du gouvernement le texte de l’article 117 ? Dans la discussion de cette loi, indépendamment d’autres raisons, on a fait valoir de graves inconvénients, des motifs de convenance pour décharger les communes des traitements des vicaires et quels étaient ces motifs ? Tous les orateurs, et M. Lebeau entre autres, ont démontré qu’on ne pouvait, sans arriver à de fâcheux résultats, imposer les communes pour rétribuer les vicaires. Cette partie de son discours comprend les deux tiers d’une colonne du il. Voici une de ses observations :

« Il y a quelque chose d’odieux, aux yeux des habitants d’une commune pauvre, à devoir s’imposer spécialement pour le traitement du ministre du culte. Il est impossible que les rapports qui doivent exister entre la population du village et le pasteur n’en soient pas altérés, de manière à porter atteinte à la considération et à l’influence de celui-ci. »

Croyez-vous que lorsque vous demanderez à une commune pauvre ce supplément que vous reconnaissez nécessaire, elle ne résistera pas ? N’aliénerez-vous pas les esprits des habitants de cette commune contre le pasteur, ainsi que vous l’a dit M. Lebeau lorsqu’il s’est agi de combattre le projet ministériel ?

Remarquez que c’est dans les communes pauvres que ce supplément sera le plus souvent nécessaire, car le traitement se compose et d’émoluments fixes, et du casuel, et des offrandes des particuliers riches ; mais dans une commune pauvre il y a peu de casuel, peu ou point d’offrandes, personne n’étant capable d’en faire ; et ce sont précisément ces communes que vous allez imposer.

Je dis imposer, car dès l’instant que vous reconnaissez l’insuffisance du traitement, force sera aux communes de s’imposer pour conserver leurs ministres ; en effet, quand le ministre du culte d’une commune pauvre comparera son sort à celui d’un autre ministre du culte exerçant son ministère dans une commune riche et jouissant d’un traitement beaucoup plus considérable, et en outre d’un nombreux casuel en raison de la différence de sa position, il réclamera, il s’aigrira, il menacera de se retirer, si on ne lui accorde pas un supplément à son chétif traitement de 500 fr. avec lequel il lui est impossible de vivre, et la commune sera forcée de porter à son budget une somme pour venir à son secours : alors, messieurs, arrivera l’odieux des procédés et toutes les conséquences dont a parlé M. Lebeau, et c’est précisément dans les communes pauvres qu’un semblable conflit se présentera le plus souvent.

« Je sais, continue M. Lebeau, que le ministre de l’intérieur croit avoir répondu à cette objection en changeant le mode de procurer au vicaire ou chapelain les fonds nécessaires à son traitement. Mais ce n’est là qu’un vain palliatif. Qu’importe aux habitants d’une commune que les fonds passent par la main du trésorier de fabrique ou du receveur communal, pour arriver dans celles du vicaire ? Quant au vicaire ou chapelain, cela peut diminuer quelque peu le désagrément de sa position ; mais cela empêche-t-il l’habitant de savoir que s’il paie une cotisation personnelle, cela vient de la dépense portée au budget de la commune pour faire face au traitement de son curé ? Les communes ne s’y méprennent pas. »

On vous a dit, messieurs, que l’inconvénient qu’il y aurait à mettre les traitements des vicaires à la charge des communes n’existe pas lorsqu’il est simplement question d’un supplément de traitement ; mais M. Fallon a déjà répondu à cette observation : voici ce que dit cet honorable membre :

« Vous avez contesté l’existence de cette injustice en vous appuyant sur cette considération que c’est à la charge des fabriques que les traitements des vicaires ont été portés, et que ce n’est que tout à fait subsidiairement que les communes étaient appelées à y pourvoir.

« Mais cet argument n’est qu’une subtilité incapable de faire illusion.

« Une charge n’en est pas moins une charge parce qu’elle ne serait que subsidiaire. »

Il est en effet évident, messieurs, que la charge que les communes imposeront à leurs habitants, pour accorder un supplément de traitement à leurs vicaires, ne sera pas moins une charge pour n’être que subsidiaire. Je dirai plus, la charge n’en sera que plus odieuse, elle sera plus odieuse que celle à laquelle on appliquait cette qualification : car, messieurs les communes qui regardaient auparavant comme nécessaire le traitement qu’elles accordaient aux vicaires, puisque la loi les y contraignait et n’accordait rien, elles regarderont maintenant comme superflu le supplément.

La constitution en main, elles diront : Puisque ce qui vous est nécessaire doit vous être alloué par l’Etat, ce que vous nous demandez, à nous pauvres malheureux (car c’est surtout des communes pauvres qu’il s’agit), c’est du superflu. Or, messieurs, n’est-il pas odieux de placer les ministres du culte dans la position de se faire accuser de faire imposer des malheureux pour se procurer du superflu ou ce qu’on regarde comme tel ?

Je crois inutile, messieurs, de recourir à des précautions oratoires, car vous savez que je ne parle jamais dans l’intention de flatter aucun parti ; je n’ai nul intérêt à flatter personne ; je n’ai pas de place à garder ni à convoiter ; je suis simple député sans jouir d’aucun traitement ; il n’y a donc aucune vue personne qui puisse m’engager à parler dans un sens plutôt que dans un autre, et ce que je dis, c’est ma conscience qui me le fait dire. Eh bien, messieurs, je soutiens que tout député consciencieux, en lisant l’art. 117 de la constitution et l’article premier que vous avez voté, pourra accuser la législature d’avoir cherché à escobarder la disposition constitutionnelle, après l’avoir reconnue en principe et appliquée ; on dira qu’elle a reculé devant les conséquences de son propre ouvrage, si, après avoir reconnu la constitutionnalité de mettre à la charge de l’Etat les traitements des vicaires, elle vient, immédiatement après, décréter la nécessité d’un supplément à ce même traitement à charge des communes.

Si l’on disait, messieurs, que ce n’est pas une nécessité, alors je vous demanderai pourquoi vous voulez maintenir les mots dont je demande le retranchement ? La législature ne fait jamais rien d’inutile. Ainsi de deux choses l’une : ou bien la disposition est inutile, et alors il faut la supprimer ; ou elle est nécessaire, et alors vous reconnaissez que vous n’avez pas accompli franchement, loyalement et complètement le vœu de la constitution. Si vous jugez que la disposition est nécessaire, alors vous reconnaissez que vous n’avez pas le courage d’adopter les conséquences d’un principe que vous avez travaillé, et que j’ai moi-même concouru, depuis 3 ans, à faire prévaloir contre les projets du gouvernement, à savoir que la totalité des traitements des ministres du culte sont à la charge du trésor de l’Etat.

Vraiment, messieurs, je suis profondément ému, je suis scandalisé de voir le peu de raisonnement, le peu le logique que certains membres de la chambre apportent dans cette discussion, le peu de bonne volonté qu’ils mettent à achever leur propre ouvrage ; je ne conçois pas comment on peut être si peu conséquent avec soi-même. J’ai aussi, je le répète, fait ressortir en 1834 et 1835 les inconvénients qu’il y a à mettre les ministres du culte en contact avec les communes pour régler leur traitement, et à les forcer, pour ainsi dire, à tendre la main pour recevoir les sommes nécessaires à leur subsistance ; mais, au moins conséquent avec moi-même, j’adopte toutes les conséquences des prémisses que j’ai établies, et je ne veux point imposer aux communes une charge que j’ai prouvé, avec vous et comme vous, devoir peser tout entière sur l’Etat ; je ne veux point, après avoir établi qu’il serait contraire au respect qui est dû aux ministres du culte de leur faire pour ainsi dire mendier leur traitement, les mettre dans le cas de mendier un supplément, reconnu nécessaire, et qui rencontrerait plus d’opposition, plus de scandale que le traitement lui-même puisque, comme je l’ai déjà dit, le traitement fourni par les communes était regardé comme une nécessité, avant que vous ayez voté l’art. 1er du projet que nous discutons, tandis que depuis que vous avez reconnu, d’après l’art. 117 de la constitution, que ce traitement est dû en totalité par l’Etat, il sera bien difficile de faire considérer, par les habitants des campagnes, le supplément comme autre chose qu’un superflu.

Je le répète, messieurs, il est possible que je me trompe, mais je voudrais au moins qu’on se donnât la peine de me répondre autrement qu’on l’a fait jusqu’ici, car les raisonnements qu’on m’a opposés ne sont pas du tout logiques, encore moins constitutionnels.

Quant à mon amendement, il est bien entendu que je demande seulement la suppression des mots : « les communes. » Quand j’ai proposé de ne pas faire mention des fabriques, c’était parce que je le regardais comme inutile ; depuis on a dit que si vous supprimiez les mots qui reconnaissent aux fabriques la faculté d’accorder à leurs vicaires des suppléments de traitement, cela entraînerait des députations provinciales à repousser des budgets de communes ; je ne sais pas si cette observation est fondée, mais, quoi qu’il en soit, je ne vois pas d’inconvénient à laisser subsister la disposition qui est relative aux fabriques, et je me borne à demander la suppression des mots : « les communes. »

M. Liedts. - Messieurs, de tous les amendements qui vous ont été présentés, celui de M. Trentesaux me semble le moins admissible : cet amendement consiste à fixer un minium et un maximum ; mais quelle sera l’autorité qui sera chargée d’appliquer soit le maximum, soit le minimum, soit un taux intermédiaire ? Si l’honorable auteur de la proposition était présent à la séance, il pourrait peut-être nous le dire, mais moi, je ne vois que le gouvernement à qui ce soin puisse être confié ; car ce ne sera pas certainement l’autorité ecclésiastique, qui n’a pas à se mêler de la confection du budget ; ce ne sera pas non plus la chambre, qui ne s’occupe que des généralités, qui peut bien dire : « Le vicaire de telle classe recevra tel traitement, » mais non pas : « M. un tel 500, M. un tel 600 ; » ce sera donc en définitive le ministère qui devra fixer le traitement des vicaires, dans les limites que vous lui aurez tracées. Or, messieurs, je ne veux pas que les ministres du culte soient, en quelque sorte, obligés d’aller marchander leur traitement dans les bureaux du ministère ; je veux qu’ils en trouvent la fixation dans la loi.

D’un autre côté, messieurs, je sens qu’il y a justice à établir une gradation, à proportionner le traitement d’une part aux charges qu’entraîne l’exercice de la fonction, et d’autre part aux besoins de la vie, dans la localité où cette fonction doit être remplie. D’après ces considérations, on pourrait établir une distinction entre les villes très populeuses et les communes qui ne renferment qu’un nombre limité d’habitants ; et je vous proposerai, en conséquence, de fixer le traitement des vicaires à 700 fr. dans les communes de 25,000 âmes et au-dessus, et à 500 fr. pour toutes les autres communes.

Qu’on ne m’objecte pas messieurs, le surcroît de dépense qui résulterait pour l’Etat de l’adoption de mon amendement. Il y a dans tout sept communes dont la population dépasse 25,000 âmes.

Qu’on ne dise pas non plus, comme l’a déjà dit l’honorable M. Vandenbossche, que dans les grandes villes l’augmentation de casuel compense l’augmentation de charges et de besoins ; cette allégation, qui est vraie en ce qui concerne les curés, ne l’est pas quand il s’agit des vicaires, pour lesquels le casuel est souvent moindre dans les grandes communes que dans les petites ; et pour ne vous citer qu’un exemple à cet égard, je vous dirai qu’un service de 600 florins rapporte aux vicaires 3 florins 14 sous. Vous voyez donc, messieurs, que ceux-ci n’ont pas dans les grandes villes un casuel aussi grand qu’on se l’imagine ordinairement, et cependant leur dépense y est beaucoup plus forte, notamment en ce qu’ils sont obligés d’avoir une habitation séparée et de faire ménage à part, tandis que dans les petites communes ils demeurent chez le curé.

Il faut donc, messieurs, pour être juste, établir une gradation et accorder un traitement plus grand dans les grandes villes que dans les autres.

Quant à la question qui a été traitée par l’honorable M. Gendebien, je ne formerais aucun doute que la constitution ne fût violée, si nous imposions aux communes l’obligation de porter quelque chose à leur budget pour les traitements des ministres du culte, car la constitution veut que ces traitements soient supportés par l’Etat.

Mais comme les communes restent libres de porter ou de ne pas porter de supplément dans leurs budgets, je ne pense pas qu’il y ait inconstitutionnalité à adopter la disposition.

- L’amendement de M. Liedts est appuyé.

M. Dumortier. - Mon intention n’était plus de parler sur l’article en discussion ; mais lorsque j’ai entendu un honorable orateur révoquer en doute la conscience de nos opinions dans cette circonstance, lorsqu’il a présenté nos argumentations comme empreintes d’escobarderie, j’ai cru de mon devoir de reprendre la parole, pour protester hautement de nos intentions consciencieuses dans cette discussion ; j’aime à croire aux intentions consciencieuses de l’honorable membre ; mais alors que nous défendons une opinion constitutionnelle, et que notre adversaire ne nous répond que par des sophismes, certes il doit nous être permis de lui renvoyer le reproche qu’il nous adresse.

Comme l’a dit l’honorable membre qui a parlé immédiatement avant moi, la question qui nous occupe est simple. De quoi s’agit-il ? D’une charge purement facultative ; or, la constitution est positive à cet égard : « Aucune charge, aucune imposition communale, dit-elle, ne peut être établie que du consentement du conseil communal. »

Si nous voulons, en cette circonstance, établir à la charge de la commune le traitement d’un denier, sans que la commune y consentît, certes nous violerions évidemment la constitution ; mais il n’en est pas ainsi ; nous laissons à la commune la faculté pleine et entière d’accorder ou de ne pas accorder un supplément de traitement aux vicaires ; et toutes les fois qu’elle le veut, incontestablement elle le peut. Eh quoi ! tous les habitants d’une commune pourrait se cotiser pour accorder un supplément de traitement à un vicaire dont le traitement ne lui suffirait pas pour exister dans la commune, et les représentants de la localité, les magistrats communaux ne pourraient pas faire ce que tous les habitants peuvent faire entre eux ! mais c’est là une absurdité ; il est évident que si les habitants peuvent donner un supplément de traitement à un vicaire, les magistrats de la commune jouissent de la même faculté.

En vain dit-on que la constitution a fixé les traitements des ministres du culte et que dès lors nous ne pouvons rien ajouter à ces traitements. Messieurs, l’honorable M. d’Huart, et mon honorable ami M. Dubus, ont déjà, dans la séance d’hier, répondu à cette manière d’argument.

La constitution, après avoir proclamé le principe de la liberté d’enseignement, prescrit ensuite une instruction publique donnée aux frais de l’Etat. Or, que penseriez-vous d’un citoyen qui, argumentant à la manière de l’honorable député de Mons, dirait : « Je veux bien contribuer pour ma part dans les sommes que peut réclamer l’enseignement donné aux frais de l’Etat ; mais je vous dénie, à vous magistrats communaux, la faculté de m’imposer un denier pour l’instruction communale. » ? Certainement, messieurs, vous trouveriez cette manière de raisonner très peu fondée, et cependant elle est identiquement la même que celle de l’honorable M. Gendebien ; car, dans l’article de la constitution relatif à l’enseignement, il n’est pas plus parlé de subsides communaux qu’il n’en est parlé dans l’article concernant les cultes.

Messieurs, ne faisons pas dire à la constitution ce qu’elle ne dit pas ; assez souvent nous avons besoin de nous tenir à cette constitution et d’y rappeler les ministres ; nous avilissons la constitution, lorsque nous voulons lui faire dire ce qu’elle ne dit pas.

Or, la proposition de la section centrale rentre tout à fait dans le texte et dans l’esprit de la constitution.

Que si une commune a le désir d’accorder à son vicaire quelque chose de plus que le strict nécessaire qui lui est alloué par la loi, laissons à cette commune son libre-arbitre ; vous n’avez pas le droit de l’en empêcher, et si vous le faisiez, vous commettriez une véritable inconstitutionnalité, car il ne vous est pas permis de vous opposer à l’emploi qu’une commune veut faire de ses deniers.

Vous le savez, messieurs, la position des vicaires dans le plus grand nombre des localités est déjà bien pénible. Eh quoi ! devons-nous traiter ces hommes qui donnent tant de consolations au peuple d’une manière tellement dure, que nous ne leur accordions pas seulement les strict nécessaire ? Car il est incontestable, messieurs, que la somme de 500 fr. est tellement exiguë qu’elle ne satisfera nullement aux besoins dans plus d’une commune.

D’après ces considérations, je ne pense pas que la chambre puisse avoir égard à l’argumentation de l’honorable M. Gendebien.

M. Doignon, rapporteur. - Dans l’état actuel de la discussion, vous voyez, messieurs, qu’il est essentiel d’exprimer dans la loi que les fabriques et les communes auront la faculté d’accorder des suppléments de traitement aux vicaires ; car cette faculté étant ici contestée, le silence de la loi ferait naître de graves difficultés dans les communes.

D’abord, je rappellerai à l’assemblée les motifs qui ont porté la section centrale à stipuler que les fabriques d’église et les communes continueront à être libres de donner ces suppléments.

Précédemment les traitements des vicaires étaient réglés entre les fabriques des administrations communales qui, pour la fixation, prenaient égard aux besoins et à la position individuelle de chaque vicaire, à l’exiguïté ou à l’importance de leurs émoluments, enfin à une foule de circonstances locales.

Mais le gouvernement devant donner un traitement fixé, il lui devenait impossible d’entrer dans tous ces détails ; il fallait régler un traitement uniforme pour tous les vicaires. D’un autre côté, cette uniformité entraînait nécessairement des inconvénients, à cause de la grande variation qui existe dans les émoluments dus aux vicaires ; il en résultait qu’il était généralement impossible de fixer un traitement toujours convenable, et que presque toujours, très souvent au moins, le traitement du vicaire devait devenir insuffisant.

Or, le moyen d’obvier autant que possible à cet inconvénient, c’était de laisser aux communes et aux fabriques d’église toute liberté de suppléer, le cas échéant.

Voilà, messieurs, comment a raisonné la section centrale. Il est certain qu’il existe une grande différence dans les diverses communes, en ce qui concerne les rétributions dues aux vicaires ; il faut donc admettre, comme nous l’avons proposé, la libre faculté des communes à contribuer quand elles le jugeront convenable ; quand bien même vous fixeriez le traitement à 600 francs et au-delà, la variation des émoluments des vicaires est telle que souvent même le traitement ne suffirait pas encore ; vous voyez donc, messieurs, que dans tous les cas il faudrait agir comme l’a fait la section centrale ; elle s’est reposée jusqu’à un certain point sur la bonne volonté des fabriques et des administrations communales, et, à cet égard, il y a une expérience acquise.

Aujourd’hui que l’Etat prend à sa charge un traitement de 500 fr., il faudrait que les administrateurs fussent bien mal intentionnés, pour ne pas consentir à de légers suppléments. Mais je suis sans inquiétude à cet égard ; car, quant aux conseils de fabrique, il faut se rappeler comment le personnel en est composé ; ce sont les évêques diocésains qui ont primitivement nommé la majorité de ces conseils ; et généralement les choix n’ont porté que sur des hommes dévoués aux intérêts de l’église, qui consentiront toujours à ce qui est raisonnable en faveur des vicaires.

Quant aux communes, elles se trouvent aujourd’hui tellement soulagées par la loi, qu’elles n’auront ordinairement à contribuer que pour des sommes très légères. Généralement les vicaires sont demandés par la majorité des habitants ; or, comme les conseils communaux sont le produit de cette majorité, il n’arrivera presque jamais que l’administration locale veuille se mettre en opposition avec le vœu du peuple, et refuser des suppléments convenables.

Ainsi, en définitive, la mesure que nous avons prise est très sage : d’un côte, le traitement est fixé à un taux très modéré ; de l’autre, la législature s’en rapporte avec confiance au bon vouloir qu’ont manifesté jusqu’aujourd’hui les fabriques et les communes pour améliorer la position des vicaires.

Je dirai un mot relativement à l’inconstitutionnalité de cette faculté laissée aux communes et aux fabriques d’accorder un supplément de traitement aux vicaires. L’honorable préopinant a déjà réfuté victorieusement cette objection faite par M. Gendebien.

D’après l’art. 117 la charge des traitements des vicaires est obligatoire, mais uniquement pour l’Etat ; l’Etat seul est obligé de les payer. Quant aux communes, elles sont libres de donner ou de ne pas donner des suppléments. Dans les cas bien rares où les communes refuseront ces suppléments, il faudra bien que les ministres du culte prennent patience. Toujours est-il que la commune ne sera jamais contrainte à payer ce supplément.

On dit qu’il serait inconstitutionnel que la commune imposât les habitants contre leur volonté. On n’oublie qu’une seule chose, c’est que d’après la présomption de la loi, la volonté de la commune, pour ce qui concerne les intérêts communaux, est représentée par le conseil communal. Dès lors que le conseil communal juge qu’il est de l’intérêt de la commune de donner un supplément de traitement au vicaire, il est libre de lui accorder. C’est comme si les habitants de la commune eux-mêmes accordaient ce supplément, puisqu’ils sont représentés par le conseil ; ce n’est là qu’une question d’intérêt communal : aux termes de l’art. 108 de la constitution, c’est au conseil communal qu’il appartient de la décider.

Le conseil aura à examiner s’il est de l’intérêt moral de la commune d’avoir ou de ne pas avoir un vicaire ; et certes il est compétent pour décider cette question.

Le cas s’est déjà présenté dans certaines villes. Je connais une ville où des Anglais aiment à établir leur séjour, et où la régence, s’étant aperçue que beaucoup de familles s’éloignaient parce qu’elles ne trouvaient pas de ministre anglican, a offert à un ministre de ce culte un supplément de traitement.

Je crois qu’il en est de même à Bruxelles, et que la ville fournit à l’entretien du culte anglican. Ce sont là des dépenses que la commune a le droit de faire, non dans l’intérêt d’une secte, d’une religion, mais dans l’intérêt de la commune.

Dans le système de M. Gendebien, un collège de régence ne pourrait pas donner de traitement à l’aumônier d’un collège, parce que ce traitement lui serait donné comme ministre du culte, et qu’aux termes de la constitution tout traitement de ministre du culte doit être supporté par l’Etat. Mais l’honorable membre perd de vue qu’il s’agit d’un intérêt communal, et le conseil est omnipotent quand il juge une dépense nécessaire, quoiqu’elle se rattache à un objet d’intérêt général. Comme la volonté de la commune est de droit renfermée dans celle du conseil, dès que celui-ci a décrété une imposition communale, elle devient obligatoire pour tous les habitants.

On a objecté que c’était là une dépense d’intérêt général. Je ferai observer qu’il y a une infinité de dépenses de cette nature qui sont cependant votées par les conseils communaux. Telles sont les dépenses concernant les grandes routes et les dépenses de logement et de casernement de troupes que les régences offrent de prendre à leur charge, afin d’avoir des garnisons. Vous voyez que cet argument n’est d’aucune valeur.

Je dois encore vous dire un mot sur les conséquences du système de M. Gendebien. S’il était admis il en résulterait que les suppléments accordés aujourd’hui à un grand nombre de desservants dans le royaume pourraient être supprimés à l’instant même de tous les budgets communaux. Vous seriez alors dans la nécessité de faire une loi pour ces suppléments. Je vous demande où ce système-là nous conduirait.

Je pense que nous devons nous arrêter aux propositions de la section centrale. L’art. 2 qu’elle vous propose a été combiné de manière à satisfaire à toutes les nécessités. On a pris égard à toutes les circonstances ; les amendements proposés, au contraire, présentent des inconvénients graves, tandis que la proposition de la section centrale les prévoit tous.

M. Vandenbossche a proposé, il est vrai, d’élever le traitement des vicaires à 600 fr., mais je pense qu’il faudrait encore laisser aux fabriques la faculté d’accorder des suppléments. Vous concevez que nombre de vicaires avec un traitement de 600 fr. ne pourraient avoir une tenue convenable dans une commune, se procurer un logement décent et tenir ménage. Il faut donc laisser les communes juges des circonstances, et s’en tenir, comme le propose la section centrale au traitement de 500 fr.

M. Gendebien. - Quand j’ai combattu l’amenderaient de M. Lebeau, je ne me suis pas inquiété si je plairais ou déplairais à telle ou telle partie de la chambre. J’ai rempli mon devoir ; quand j’ai présenté mon amendement à l’art. 2, je ne m’en suis pas occupé davantage, j’ai encore une fois rempli mon devoir. De même, quand j’ai parlé d’escobarderie, je n’ai entendu accuser aucune partie de la chambre ; mes expressions étaient trop claires pour qu’on pût équivoquer. Voici ce que j’ai dit :

« Prenez bien garde qu’on n’accuse la chambre de vouloir escobarder l’art. 117 de la constitution. »

C’était là un avertissement général, qui par conséquent ne pouvait atteindre personne individuellement ni aucune partie de la chambre. S’il y a des susceptibilités plus grandes, ce n’est pas ma faute ; c’est peut-être l’application trop personnelle, trop consciencieuse, qu’on s’est faite d’une généralité que j’ai exprimée.

Il est un point fondamental auquel il faut revenir et sur lequel j’ajouterai deux mots.

On vient de reproduire encore, au lieu de répondre à mes arguments, l’éternelle objection qu’on me fait et à laquelle j’ai déjà plusieurs fois répondu : Si la charge du supplément de traitement donné aux vicaires n’était pas facultative, si on l’imposait aux communes, il y aurait inconstitutionnalité ; mais cette charge est, dit-on, entièrement facultative. Je vous le demande, est-ce là répondre ? Ne vous ai-je pas dit, et c’est là tout mon argument, reconnaître dans la loi la faculté aux communes d’imposer indistinctement tous les habitants pour un supplément de traitement en faveur d’un culte quelconque ? N’est-ce pas contrevenir à la disposition de la constitution qui décrète la liberté d’opinion et la liberté de conscience, qui défend de contraindre un dissident à concourir à un culte qui n’est pas le lieu ? Voilà l’argument auquel il fallait répondre.

J’ai ajouté : n’est-ce pas contrevenir à cette autre disposition de la constitution qui met bien expressément et en toutes lettres tous les traitements et pensions des ministres des cultes à la charge de l’Etat ; car il porte que les sommes nécessaires pour y faire face sont portées annuellement au budget de l’Etat ?

N’est-ce pas, je le répète, contrevenir à cet article qui déclare les traitements des ministres des cultes charge de l’Etat, et à cet autre article qui proclame la liberté de conscience, la liberté de suivre tel ou tel culte, et défend d’imposer un citoyen pour un culte qui n’est pas le sien, que de permettre à la commune d’imposer la totalité des habitants indistinctement pour donner un supplément de traitement à un vicaire ? Pouvez-vous me répondre que cette charge est facultative ? Elle est facultative, soit ; mais facultative pour qui ? Pour le conseil communal qui peut imposer ou ne pas imposer la commune. Mais quand le conseil a reconnu la nécessité d’imposer la commune pour cet objet, peut-il être facultatif de la part de l’habitant de contribuer ou de ne pas contribuer ? Non ; il est forcé de payer. Si la charge était facultative en ce sens que chacun des habitants, selon ses croyances, fût libre de contribuer ou de ne pas contribuer à l’imposition votée, je dirais : La réponse est pertinente. Mais ce n’est pas ainsi que vous l’entendez, vous voulez donner à la commune la faculté d’imposer la généralité des habitants sans distinction de croyance. Or, c’est là ce que vous ne pouvez pas faire, et vous le ferez en vain. Le rapporteur vous a dit, il a avoué que ce qu’on avait dit dans la discussion rendait la disposition nécessaire. Eh bien que vous introduisiez ou que vous n’introduisiez pas cette disposition dans la loi, ce sera la même chose.

Les habitants des communes, éclairés par la discussion et appréciant l’art. 117, invoqueront la constitution qui est plus forte que votre loi, que votre volonté, et je suis persuadé qu’il n’est pas un tribunal qui, rapprochant les deux articles de la constitution que j’ai invoqués, ne donne gain de cause aux habitants qui refuseraient de payer une imposition soi-disant communale, ayant pour objet de donner un supplément de traitement à un vicaire.

L’honorable M. Dumortier vous a dit : N’est-ce pas une chose extraordinaire, une chose extravagante, que tous les habitants d’une commune puissent s’imposer pour un objet, et que les magistrats de la commune, leurs représentants, ne puissent pas les imposer pour ce même objet ? En vérité, je ne comprends pas cette logique.

Personne n’oserait contester que les habitants peuvent se cotiser pour donner un supplément de traitement à leur vicaire ; mais de ce qu’ils peuvent individuellement se cotiser, parce que tous ils partagent la même opinion, s’ensuit-il que les représentants de tous ces individus réunis par la même croyance religieuse, puissent imposer la généralité, alors qu’il y a des individualités qui s’y refusent et que vous ne pouvez pas contraindre aux termes de la constitution ?

Les magistrats communaux représentent tous les habitants de la commune, mais dans les intérêts purement communaux, dans la délibération des charges communales, mais nullement pour changer en charges communales ou individuelles des charges déclarées par la constitution des charges du trésor public.

Vous voyez que le raisonnement de M. Dumortier pêche par sa base et par les conséquences qu’il tire de ses prémisses.

Je ne reviendrai pas sur tout ce que j’ai dit et sur l’instruction publique et sur les théâtres. Encore une fois, on ne m’a pas répondu. Je ne dirai rien nous plus des dépenses que votent les communes pour avoir une garnison. Tout cela ne répond nullement à mes observations. Vous n’établissez pas dans vos objections les deux éléments que j’ai posés comme base de ma proposition ; c’est-à-dire l’impôt communal ayant pour objet d’atteindre et de contraindre une croyance religieuse, et l’impôt communal appliqué à des dépenses déclarées expressément par la constitution à la charge de l’Etat.

Réunissez ces deux éléments et vous n’arriverez jamais qu’à prouver que vous avez raison dans le cas spécial que vous citerez, comme j’ai raison dans celui que je cite. Mais vous n’arriverez jamais à détruire mes observations, ni même à réunir les deux éléments constituant la base de ma proposition.

On vous dit, en s’apitoyant sur le sort des vicaires, que des traitements de 500 francs et même de 600 francs ne suffisent pas. Mais qui vous conteste la suffisance ou l’insuffisance de ces sommes ? N’ai-je pas dit hier : si 600 francs ne suffisent pas, donnez-en 700. Si cette somme ne suffit pas, donnez mille francs s’il le faut ; mais reconnaissez que les traitements doivent être complètement à la charge de l’Etat ; n’admettez pas de faux-fuyants, et tout en disant que les traitements sont à la charge de l’Etat, n’en imposez pas une partie aux communes.

Si vous admettez la possibilité des suppléments de traitement à la charge des communes ; vous en reconnaissez même la nécessité ; vous allez précisément imposer cette dépense aux communes qui seront le moins en état de la supporter, car c’est nécessairement dans les communes pauvres que ce supplément sera indispensable.

Il faut quand on parle constitution, quand on se prétend constitutionnel, et constitutionnel par excellence, après qu’on a proclamé un principe, en admettre les conséquences quelles qu’elles soient.

Je ne m’occuperai pas de savoir quelle sera la somme qui figurera au budget de l’Etat par suite de mon amendement, car que l’on impose la généralité ou la commune, je sais bien qu’en définitive ce sont toujours des citoyens belges qui paient. Mais je crois que, dans le système que je défends, il y aura économie, parce que les dilapidations sont moins à craindre dans le budget de l’Etat que dans celui d’une commune.

On n’a pas à craindre non plus les obsessions auprès de ceux qui allouent les fonds du traitement. Il y aura uniformité pour tous dans les dépenses et dans les recettes. Vous ne verrez plus un malheureux prêtre, dans une misérable commune du Luxembourg, qui est obligé souvent de faire deux lieues pour remplir les devoirs de son ministère, réduit à la portion congrue de 500 fr.

Il ne sera plus obligé, pour obtenir le nécessaire, à demander un supplément, précisément parce qu’il est dans une pauvre commune, à qui ? à des habitants pauvres ; tandis que personne ne souffrirait, et cet ecclésiastique recevrait un traitement convenable, s’il était supporté par la généralité du pays. Comparez, je vous prie, cette position à celle d’un bon pasteur de la Flandre, dans une commune toute circonscrite et qui n’a que 10 minutes de chemin dans la plus longue course qu’il ait à faire pour remplir les devoirs de son ministère, entouré d’hommes riches, attentifs à le fêter, à le choyer à tout instant et prêts à mettre la main à leur bourse toutes les fois qu’un besoin se fait sentir. Comparez ce ministre du culte à un malheureux vicaire du Luxembourg recevant le même traitement que lui, entouré de malheureux qu’il est obligé souvent de secourir, au lieu d’en recevoir des émoluments convenables. Cela est-il juste, je vous le demande ? Pour moi, je serais inconstitutionnel à l’instant même, si la constitution pouvait consacrer de pareilles conséquences, de pareilles iniquités. Mais, grâce au congrès, la constitution y a pourvu ; elle a déclaré que tous les traitements des ministres du culte devaient être à la charge de l’Etat, et de plus que tous les ans, les sommes nécessaires pour y pourvoir seraient portées au budget de l’Etat. Maintenant soupçonnez, accusez mes intentions comme vous le voudrez. Mes paroles sont claires. Je ne vous permettrai pas d’en faire une fausse interprétation.

On vous a dit que la conséquence de mon système était qu’un grand nombre de desservants seraient mis à la charge de l’Etat. Eh bien, quel grand malheur, et pourquoi pas si la constitution le veut ainsi ?

A mesure qu’on connaîtra mieux la constitution, on en demandera l’application. Quand viendra une pétition des desservants ou des communes, je n’hésiterai pas à l’accueillir, comme j’ai accueilli celle des vicaires. M. Dubus le sait bien, puisqu’il faisait partie de la section centrale, j’ai dit sans hésiter qu’il n’y avait pas moyen en conscience de douter sur l’application ni sur le sens de l’art. 117 de la constitution, J’ai présenté les mêmes motifs de convenance qui ont été développés depuis. J’ai dit alors, comme je dis encore, que les communes ne devaient pas être mises dans la nécessité d’accorder aucun supplément. Alors on n’a pas contesté mes observations.

Ce n’est que depuis l’adoption de l’art. 1er du projet qu’on l’a fait. Mais dans quel intérêt voulez-vous donc mettre ces suppléments de traitement à la charge des communes ? Sans vouloir faire d’application à aucune partie de cette chambre, je le demande aux catholiques les plus purs, les plus sincères. Est-ce dans l’intérêt de la religion ? Mais n’est-il pas dans l’intérêt de la religion qu’un ministre du culte ne soit pas exposé à mendier des habitants de la commune un supplément de traitement ?

L’odieux dont on vous a parlé n’est-il pas plus poignant, lorsqu’il s’agit de demander un supplément de traitement que quand il s’agit d’un traitement intégral, car on pourra toujours objecter que le traitement accordé est suffisant, et alors c’est du superflu que l’on demande, ou il n’est pas suffisant, et alors on a méconnu la constitution qui veut que les traitements soient tout entiers à la charge du trésor.

Est-ce dans l’intérêt des contribuables que vous voulez diminuer le budget ? Mais vous ne faites que dissimuler une partie de la dépense, la charge en définitive sera toujours la même, et j’ai démontré qu’elle serait plus forte et surtout plus inégale et par conséquent plus insupportable. J’aurais encore bien des choses à dire, mais je craindrais d’abuser de vos moments.

Je voterai consciencieusement pour mon amendement, comme j’ai voté consciencieusement le rejet de l’amendement de M. Lebeau.

M. Dubus. - Je me suis levé hier pour défendre l’art. 2 du projet de la section centrale. J’ai alors reconnu que la disposition qui autoriserait les communes et les fabriques à voter des suppléments de traitement ne serait pas contraire à la constitution, quoique j’aie prétendu antérieurement qu’il serait contraire à la constitution d’obliger les communes à payer les traitements des ministres des cultes.

Un membre qui a parlé deux fois dans la séance d’aujourd’hui a rencontré mon observation la première fois et s’est scandalisé (c’est l’expression dont il s’est servi) que l’on mît aussi peu de raisonnement, ou (a-t-il ajouté) aussi peu de bonne volonté dans l’application de la constitution.

Quant à moi, je ne me scandaliserai pas de son observation. Mais je ferai remarquer qu’il aurait dû se scandaliser plus tôt, parce que, à supposer que je ne sois pas conséquent dans ma manière d’appliquer la constitution, tout au moins je suis conséquent avec moi-même. Ce que j’ai soutenu hier, déjà je l’ai soutenu dès le premier jour où cette question a été agitée dans cette enceinte. Déjà je l’avais soutenue en février 1835, et alors personne ne s’était scandalisé. Au mois de février 1835, tout en soutenant que, d’après l’article 117 de la constitution, on ne peut imposer à une commune l’obligation de payer les traitements des ministres des cultes, je répondais à l’objection que faisaient certains membres, et notamment M. le ministre de l’intérieur, objection qui consistait à dire : « Ainsi depuis trois ans on viole la constitution, puisque depuis trois ans les communes supportent seules la dépense. » Je répondais : « Non, la constitution n’a pas été violée ; car les communes se sont imposées volontairement. Mais elle aurait été violée si on avait contraint une commune qui s’y serait refusée à payer ces traitements. » Ce que je disais alors, je le dis encore aujourd’hui. Je pense que ce qui résulte de l’article de la constitution, c’est que vous ne pouvez imposer ces dépenses à une commune non plus qu’à un particulier. Vous devez mettre une commune sur la même ligne qu’un particulier. La commune a, dans les limites de la constitution, des lois et règlements, le même pouvoir d’exercer sa volonté qu’un particulier. Ainsi, dès que vous voulez trouver dans l’art. 117 de la constitution une défense aux communes de s’imposer, il vous faut trouver la même défense faite à un particulier.

Si vous ne trouvez pas la dépense pour l’un, vous ne la trouvez pas pour l’autre. Voilà déjà une réponse à l’emploi que l’on fait de l’article 117 de la constitution.

Ainsi, messieurs, les habitants d’une commune trouvent qu’un second ministre du culte leur serait nécessaire ; le gouvernement ne partage pas cette opinion et n’accorde pas de traitement ; les habitants se cotisent, forment par ce moyen un traitement suffisant, et obtiennent le second ministre du culte ; violent-ils la constitution parce qu’ils ont supporté volontairement cette dépense ?

Mais au lieu de voter la dépense tout entière dans le cas que je suppose, le ministre leur est accordé, et la loi a donné un traitement qui dans certains cas est insuffisant : mais qui peut le plus peut le moins ; s’ils peuvent voter un ministre dans un cas, ils peuvent le voter dans l’autre, et donner un supplément d’émoluments.

Mais, dit-on, il y a un autre article de la constitution qui est intéressé ; c’est celui qui porte que l’on ne peut être contraint à concourir aux cérémonies d’un culte ; car vous m’obligez, moi, dissident, de concourir à un culte qui n’est pas le mien.

Messieurs, j’ai déjà fait remarquer à l’honorable membre que son argument prouverait trop, et que par cela seul il ne prouverait rien ; je lui ai fait observer hier que s’il était vrai que cet autre article de la constitution était intéressé, il l’était dans tous les cas, par cela même qu’on porte les traitements au budget de l’Etat ; car enfin il serait vrai de dire que moi, contribuable, en payant ma part des dépenses de l’Etat, ou ma part du budget général, je concours pour un culte qui n’est pas le mien ; et cependant la constitution a voulu qu’il en fût ainsi ; la constitution n’a pas voulu une inconstitutionnalité ; vous avez donc tort de dire qu’il y a ici une inconstitutionnalité.

Quel est le sens et la portée de cette seconde disposition constitutionnelle ? C’est que vous ne puissiez pas me contraindre à faire quelque chose qui est contraire à ma conscience ; que vous ne puissiez -pas me contraindre à concourir à deux cérémonies auxquelles ma conscience me défend de concourir.

Mais cette question-là est tout à fait étrangère à celle qui m’oblige à concourir aux dépenses de la commune, alors même que ces dépenses ne sont pas pour des objets conformes à mes opinions religieuses ; peu importe de quelle manière la dépense se fasse, dès qu’elle a été votée par la commune, il n’y a aucune atteinte portée à la liberté religieuse ; car il n’y en a pas plus à me faire participer au contingent de la commune qu’à le faire participer au contingent général.

Messieurs, il peut être contraire à mon opinion religieuse de souscrire pour une salle de spectacle : s’il s’agissait d’une souscription volontaire, peut-être n’y prendrai-je pas part. Cependant si la commune vote la dépense, il faut que j’en paie ma part : dira-t-on que l’on porte atteinte à ma liberté religieuse ?

Pour repousser cette similitude, l’honorable membre s’est rejeté sur un autre article de la constitution ; mais vous avez mauvaise grâce de vous rejeter sur un autre article quand on réfute celui que vous invoquez.

Le même orateur s’est beaucoup apitoyé sur le sort des vicaires ; leurs pensions seraient établies dans les communes pauvres avec un traitement unique de 500 fr., et cela n’est pas un traitement suffisant ; mais, messieurs, je m’étonne qu’avec une pareille opinion, cet honorable membre ait proposé de n’accorder précisément qu’un traitement de 500 fr. J’ai son amendement sous les yeux : une semblable proposition ne devait pas, me semble-t-il, être faite par celui qui semble prendre en si grande considération la position des vicaires, et le projet de la section centrale qui demande 500 fr. pour le minimum. Comment concilier l’opinion de l’honorable membre avec sa conclusion, tendant à retrancher la faculté d’augmenter ce minimum de 500 fr. ? Je trouve cela peu logique, et très peu logique.

Selon lui encore, il y a beaucoup plus de raisons pour dénier cette faculté de voter des suppléments que lorsque tout le traitement était à la charge de la commune, parce que, a-t-il dit, si vous trouvez qu’il est inconstitutionnel de faire voter par les communes le nécessaire du traitement, pourquoi voulez-vous leur faire voter le superflu ?

Nous n’avons jamais prétendu engager les communes à voter le superflu...

M. Gendebien. - Ne dénaturez pas mes opinions ; répondez sans y rien altérer.

M. le président. - Silence ; n’interrompez pas l’orateur !

M. Dubus. - Je n’altère pas les opinions de l’honorable membre ; je consulte les notes que j’ai prises ; je crois ne pas me tromper en disant à la chambre qu’il a produit cet argument.

Nous n’avons jamais présenté ces suppléments comme du superflu ; nous avons pensé qu’ils seraient votés par les communes qui reconnaîtraient qu’un traitement de 500 fr. qui pourrait suffire ailleurs serait chez elle insuffisant.

Il y a une grande différence entre ce cas et l’autre ; car ce vote ne sera pas obligatoire. Du moment qu’il est volontaire de la part de la commune, les articles de la constitution que l’on a invoqués sont tout à fait désintéressés.

Au surplus, messieurs, je rappellerai ce qui a été dit par mon honorable ami ; cette question est importante, et a une plus grande portée que celle du traitement des vicaires ; et si vous la jugiez dans le sens du préopinant, il faudrait refuser dans un grand nombre de localités le traitement des desservants ; car dans beaucoup de communes ils sont insuffisants, sans qu’il soit possible aux communes de réparer ce tort involontaire.

M. Gendebien. - Messieurs, je ne répondrai qu’en deux mots à tout ce qu’a dit l’honorable préopinant.

Encore une fois, il s’est jeté dans un cercle vicieux, et au lieu de répondre à mes objections, il a reproduit celles qu’il avait déjà exposées.

Il vous a dit : Vous ne pouvez pas forcer une commune ni un particulier à s’imposer pour les dépenses du culte, mais vous pouvez lui laisser la faculté de s’imposer ; mais, messieurs, si vous ne pouvez pas imposer une commune ou un particulier, pouvez-vous déléguer aux communes le droit d’imposer les particuliers ? Vous voyez bien que l’on a répondu à la question par la question. C’est là que je trouve l’inconstitutionnalité ; vous ne pouvez autoriser les communes à imposer les particuliers.

Maintenant je répondrai au reproche de manquer de logique.

On a dit que tout en m’apitoyant sur le sort des vicaires, par le fait de mon amendement, je veux restreindre leur traitement à 500 fr. ; et on a prétendu que j’étais, de ce chef, en contradiction avec moi-même.

Mais avec un peu de bonne volonté, avec un peu de franchise, dussé-je blesser la susceptibilité du préopinant, il doit convenir qu’hier et aujourd’hui j’ai dit et répété que si 500 fr. ne suffisaient pas, il fallait porter le chiffre à 700, à 800, à mille fr.

La preuve que je ne veux pas restreindre leurs traitements à 500 fr., c’est que j’ai appuyé tous les amendements qui tendent à l’augmentation : tels sont les amendements de M. Trentesaux, de M. Vandenbossche ; c’est le principe que j’ai discuté et non les sommes à allouer.

Ainsi, messieurs, cette accusation doit être reléguée avec toutes les autres.

On m’accuse encore d’avoir dit que le traitement de 500 fr. étant suffisant, les suppléments qu’on pourrait accorder seraient superflus ; mais, de bonne foi, messieurs, peut-on interpréter mes paroles dans ce sens ? J’ai dit, en rappelant les motifs de convenance qu’on avait fait valoir pour mettre le traitement à la charge de l’Etat, que ces motifs militaient à plus forte raison contre le système d’imposer aux communes un supplément ; puisque, disais-je, ce supplément pourrait être considéré comme superflu, non pas parce que le traitement est suffisant, mais parce que la constitution vous faisait un devoir d’en voter un suffisant et que vous avez reconnu cette obligation en votant l’article 1er. C’est là, messieurs, un tout autre raisonnement que celui qu’on m’a prêté.

Je ne ferai plus qu’une seule observation : du moment que vous reconnaissez que vous n’avez pas le droit d’imposer aux communes l’obligation de voter un supplément de traitement en faveur des vicaires, vous devez convenir aussi que vous n’avez pas le pouvoir de déléguer ce droit aux conseils communaux.

M. le président. - L’amendement de M. Gendebien consiste à supprimer les mots : « les communes. »

M. Gendebien. - Pour vous prouver, messieurs, que je ne veux pas restreindre le traitement des vicaires, je déclare que je me rallie à l’amendement de M. Vandenbossche, qui est le même que le mien, sauf qu’il porte le traitement à 600 francs.

M. le président. - Il y a, messieurs, diverses propositions ; voulez-vous que je mette d’abord aux voix celles qui se rapportent au chiffre ?

M. Dubus. - Il me semble que le chiffre ne pourra être mis aux voix qu’après que vous aurez décidé la question de savoir si un supplément pourra être accordé : il est évident que la résolution que vous prendrez à cet égard doit influer sur le chiffre que vous aurez à fixer.

M. Gendebien. - D’accord !

- La question de savoir si les mots : « les fabriques » seront maintenues, est d’abord mise aux voix et résolue affirmativement.

M. le président. - Je vais maintenant mettre aux voix la question de savoir si les communes auront la faculté d’accorder un supplément.

M. Gendebien. - Il me semble que la question doit être établie telle qu’elle résulte des débats, et qu’il convient par conséquent de la poser en ces termes :

« Les communes pourront-elles s’imposer pour fournir un supplément de traitement aux vicaires ? »

M. Dubus. - Je demande que la question soit posée telle qu’elle se trouve dans l’article lui-même, et qu’on vote sur les mots : « sans préjudice au supplément que les fabriques et les communes pourront accorder ; » ceux qui croiront que les communes ne peuvent pas s’imposer pour cet objet voteront contre cette disposition.

M. Milcamps. - Remarquez bien, messieurs, que si vous accordez aux communes la faculté d’imposer leurs habitants pour fournir un supplément de traitement en faveur des vicaires, vous obligez pas là même tous les habitants indistinctement à se soumettre aux résolutions que le conseil communal aura pu prendre à cet égard, et à payer leur quote-part du subsides qu’il aurait voté. Or, messieurs, cela me semble en contradiction avec l’article premier, par lequel vous avez décidé que les traitements des vicaires seront à la charge de l’Etat.

M. le président. - Voici comme M. Gendebien propose de poser la question :

« Les communes pourront-elles s’imposer pour fournir aux vicaires un supplément de traitement ? »

M. Lebeau. - La question serait mal posée ainsi, car les communes ne devront pas toujours s’imposer pour fournir un supplément aux vicaires ; chaque fois que leurs ressources ordinaires seront suffisantes pour faire face à ce supplément, elles pourront l’accorder sans s’imposer de ce chef. Si donc M. Gendebien veut réellement interdire aux communes la faculté d’accorder un supplément, il doit poser la question d’une autre manière.

M. Gendebien. - Il me semble que ce que vient de dire l’honorable préopinant n’est qu’un jeu de mots ; car qu’est-ce qu’une imposition si ce n’est un article qu’on porte au budget ?

Quant à la demande de M. Dubus, la seule différence que je vois entre ce qu’il propose et ce que j’ai proposé moi-même, c’est que la question, telle que je l’ai posée, est mieux exprimée que comme la pose l’honorable membre.

M. Dubus. - La seule question que nous ayons à décider est celle de savoir si l’on maintiendra ces mots : « sans préjudice aux suppléments que les fabriques et les communes pourront accorder. » Il ne s’agit donc que de mettre ces mots aux voix.

M. Gendebien. - Je ne conçois pas comment l’honorable préopinant veut élever des difficultés contre la position de la question, telle que je l’ai établie, puisqu’il a lui-même reconnu qu’avant de voter sur l’article, il fallait décider si les communes pourront accorder un supplément. Quoi qu’il en soit, je retire ma proposition ; mais il est évident que, de quelque manière que vous votiez, vous allez résoudre la question de savoir si les communes auront le droit de s’imposer pour une dépense que la constitution a mise à la charge de l’Etat. Posez la question comme vous voulez, c’est toujours sur ce principe que vous allez vous prononcer.

- La question de savoir si les communes auront la faculté d’accorder un supplément de traitement aux vicaires est mise aux voix et résolue affirmativement.

M. le président. - Il y a divers amendements relatifs au taux du traitement ; quel est celui auquel la chambre veut donner la priorité ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il me semble que le projet de la section centrale a l’assentiment général ; je propose donc à l’assemblée de voter d’abord sur le chiffre de 500 francs.

- Le chiffre de 500 francs est mis aux voix et adopté.

L’ensemble de l’article est ensuite mis aux voix et adopté.

Article 3

« Art. 3. Néanmoins, toute fabrique qui jouit en biens immeubles ou en rentes, toutes dépenses et charges acquittées, d’un revenu ordinaire, suffisant pour supporter ce traitement de 500 fr, continuera à en demeurer chargée. Dans ce cas, le traitement à charge du trésor sera réduit à 200 fr. »

- Cet article, mis aux voix, n’est pas adopté.

M. le président. - A quand la chambre entend-elle fixer le vote définitif de la loi ?

M. Doignon, rapporteur. - Je ferai observer que la chambre n’a pas voté le préambule de la loi. (C’est vrai !)

- Ce préambule, ainsi conçu :

« Vu l’article 117 de la constitution, » est mis aux voix et adopté.

La chambre décide ensuite qu’elle se réunira samedi prochain, à 2 heures, en séance publique, pour procéder au vote définitif sur la loi relative au traitement des vicaires.

Ordre des travaux de la chambre

M. Dumortier. - Messieurs, je vois figurer sur nos bulletins le mot : « naturalisations. » Il est impossible de s’occuper de cet objet, sans s’expliquer sur ce qu’on fera. Il faut que nous sachions comment nous marcherons.

Je ferai d’abord observer que nous avons à nous occuper pour le moment de plusieurs lois plus importantes que les naturalisations ; en second lieu, je demande, que lorsque nous aborderons cet objet, on veuille bien nous dire de quelles naturalisations nous nous occuperons.

Mon intention est de proposer l’ajournement des demandes qui ont rapport à la grande naturalisation ; les demandes de cette catégorie exigent une procédure différente de celle que l’on suit pour les demandes en naturalisation ordinaire ; or, cette procédure n’a pas été réglée jusqu’ici. Je demande donc qu’on ne s’occupe pour le moment que des naturalisations ordinaires.

M. Fallon, président de la commission des naturalisations. - Je dois faire observer à l’honorable préopinant que la chambre a déjà statué à cet égard ; elle a décidé auxquelles des demandes en naturalisation la priorité serait accordée.

- La séance est levée à quatre heures et demie.