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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 2 mars 1837

(Moniteur belge n°62, du 3 mars 1837 et Moniteur belge n°63, du 4 mars 1837)

(Moniteur belge n°62, du 3 mars 1837)

(Présidence de M. Fallon, vice-président.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.

M. Scheyven. lit le procès verbal de la séance précédente.

- La rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse annonce que les voituriers de Waterloo renouvellement leur demande d’abrogation de l’arrête du 28 décembre 1836.

- Le mémoire est renvoyé à la commission des pétitions.


M. Fallon, président. - M. Zoude vient de me donner avis que la perte imminente de sa femme l’a obligé à retourner sur-le-champ dans ses foyers et me prie de témoigner à la chambre les regrets qu’il éprouve de devoir abandonner les travaux dont il se trouvait chargé.

Je profite de cette occasion pour rendre compte à la chambre de la position dans laquelle se trouve la section centrale chargée de l’examen du projet de loi tendant à introduire des modifications au tarif des douanes.

Cette section se trouve réduite a trois membres.

M. Zoude, rapporteur de la première section, et en même temps rapporteur de la section centrale, ne pourra plus assisté à ses travaux par les motifs que je viens d’énoncer.

M. David, rapporteur de la cinquième section, est retenu chez lui pour cause de maladie dans sa famille.

M. Pollénus, rapporteur de la sixième section, se trouve également retenu chez lui.

Le travail de la section centrait, sur le projet de loi dont il s’agit est d’une haute importance, et il est urgent qu il ne reste pas plus longtemps en souffrance.

Je suis chargé, par la section centrale, d’inviter les 1ère, 5ème et 6ème sections de se réunir demain pour nommer des rapporteurs chargés de remplacer les absents. Ces sections seront convoquées à cet effet pour demain matin.

Projet de loi portant le budget du ministère de la guerre de l'exercice 1837

Discussion du tableau des crédits

Chapitre premier. Administration centrale

Articles 1 et 2

« Art. 1er. Traitement du ministre et indemnité de logement : fr. 25,000. »

- Adopté.


« Art. 2. Traitement des employés et gens de service : fr. 165,000. »

- Adopté.

Article 3

« Art. 3. Frais de route et de séjour : fr. 3,000. »

M. de Puydt. - L’année dernière plusieurs sections avaient exprimé le désir que le ministre de la guerre fît des inspections lui-même dans les provinces pour coordonner les stations des différents corps de l’armée, et pour d’autres objets encore ; on considérait ces inspections comme de nature à donner des résultats avantageux ; la section centrale a partagé cette opinion ; mais aucune proposition n’ayant été faite, elle n’a pas cru devoir en formuler une elle-même. Je demanderai au ministre s’il croit que le chiffre de 3,000 fr. serait suffisant pour couvrir les frais des voyages qu’il ferait ?

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je crois que l’observation de l’honorable préopinant est fondée, et qu’il importe que le ministre fasse des tournées dans les provinces ; mais je ne saurais apprécier le montant des dépenses que ces tournées occasionneraient. Pendant les quatre mois que j’ai déjà passés au ministère, j’ai été trop occupé à étudier les détails de l’administration qui m’étaient étrangers, pour penser à faire des voyages. Quoi qu’il en soit, je pense que les inspections sont indispensables, afin que le ministre puisse se rendre compte de la situation du service dans toutes les localités ; et j’estime qu’il faudrait environ 300 fr. par voyage.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Les frais de route et de séjour qui sont portés à l’art. 3, ne sont pas destinés, je pense, au ministre ; ils ne sont destinés qu’aux employés de l’administration centrale quand il les envoie dans les provinces. Je suppose au moins que les frais de voyage du ministre de la guerre doivent être pris sur les dépenses imprévues, ainsi que cela se fait pour les voyages des autres ministres, car on ne saurait prévoir aujourd’hui combien un ministre fera de tournées.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Jusqu’ici l’article 3 n’a pas été entendu de cette manière dans l’administration de la guerre ; et les frais de voyage des agents du ministre, et les frais de voyage du ministre lui-même, ont été prélevés sur cet article ; mais le chiffre de 3,000 fr. suffisant pour les gens de bureau, ne l’est pas s’il faut qu’il couvre aussi les frais de voyage du ministre. Ce chiffre a été fixé dans un temps où le ministre ne se proposait pas de faire personnellement des inspections.

M. Lebeau. - La question est peu importante en elle-même ; mais pour une bonne comptabilité il faut comprendre quelque part les frais de voyage du ministre, et il est convenable de les comprendre dans l’article 3. Je puis dire que j’ai été dans le cas de visiter les prisons, et que je n’ai pas pris les frais de voyage sur les dépenses imprévues. Il ne faut pas priver le ministre de la guerre de la faculté de voyager ; il faut donc porter des frais de voyage éventuels, comme on en porte pour les voyages éventuels des agents de l’administration centrale.

M. Desmaisières. - Ainsi que M. le ministre de la guerre l’a dit tout à l’heure, cette allocation de frais de séjour et de route a été demandée, dans le temps, par son prédécesseur, spécialement pour les employés de son administration centrale. La chambre se rappellera même qu’à cette époque j’engageai le ministre de la guerre d’alors à demander une allocation plus forte pour cet objet, parce que j’étais d’avis que le ministre devait cesser de s’abstenir de faire des tournées, et que le chiffre de 3,000 fr. ne pouvait suffire pour les tournées que les besoins du service exigeaient : toutefois, messieurs, je crois qu’il ne serait peut-être pas nécessaire d’augmenter l’article 3, et qu’on pourrait même le supprimer ; car il y a dans le budget un article pour les frais de route et de séjour relatifs à toute l’armée ; et cet article est applicable aussi bien aux employés de l’administration centrale qu’aux employés des autres administrations militaires ; ainsi je ne vois pas d’inconvénient à la suppression de l’art. 3, sauf, comme je le dis, à prendre ailleurs les frais de route et de séjour.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ne verrais pas d’inconvénient au revirement que propose M. le rapporteur, si c’était un véritable revirement, c est-à-dire si le nouvel article était augmenté des sommes nécessaires pour les voyages du ministre et pour ceux de ses employés de l’administration centrale. Mais je crois que l’on pourrait toujours laisser l’art. 3 tel qu’il est, avec son chiffre, pour les agents de bureau, et admettre en principe que les frais de voyage du ministre seront pris sur les dépenses imprévues.

M. de Brouckere. - Messieurs, les voyages et les inspections à faire par le ministre sont une chose prévue, ainsi il ne faut pas prélever ces frais sur les dépenses imprévues.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je ne tiens pas à mon observation.

M. de Brouckere. - L’observation que je fais s’applique également aux frais de voyage des autres ministres : les voyages étant prévus, il ne faut pas prendre les frais qu’ils coûtent sur les dépenses imprévues.

On a dit que l’article 3, frais de séjour et de route, n’était relatif qu’aux employés de l’administration centrale, et point au ministre ; je crois qu’on doit l’entendre autrement, et cela résulte de la rédaction du budget. Cet article est placé dans le chapitre premier qui comprend le ministre et les employés du ministère ; il est donc logique et tout naturel de dire que ces frais de séjour et de route doivent être applicables et aux agents de l’administration centrale et au ministre lui-même.

Au reste, il ne s’agit ici que d’une question d’ordre ; et c’est à chacun des ministres à savoir quel chiffre ils doivent demander.

Je demande donc que M. le ministre de la guerre, qui est le meilleur appréciateur des frais qu’il peut faire, précise la somme qui lui est nécessaire. Que le chiffre soit compris dans le chapitre premier, qu’il soit compris dans un autre chapitre, cela est indifférent ; mais ce que nous devons empêcher, c’est qu’il soit compris dans les dépenses imprévues.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’ai déjà dit que ma propre expérience ne me permettait pas de préciser un chiffre pour les frais de voyage que je pourrais faire. Je me bornerai à demander que la somme demandée au budget soit doublée.

M. Jullien. - Alors il faudrait diminuer de 3,000 francs les frais imprévus.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Pas du tout. Le précédent ministre de la guerre a fait peu de voyages, et les dépenses imprévues n’ont rien eu à lui fournir à cet égard. Moi-même, ayant été absorbé par l’étude de mon budget et des diverses parties de mon administration, je n’ai pu voyager, et je ne puis évaluer les dépenses que les tournées occasionnent ; mais dans l’intervalle d’une session à une autre, le ministre de la guerre sera aussi souvent hors de son ministère que dans son ministère. J’estime que chaque tournée peut coûter 300 fr.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - C’est à cause des difficultés qu’il y a à apprécier le nombre et la longueur des tournées que M. le ministre de la guerre devra faire, que je pensais qu’il conviendrait de prendre sur les dépenses imprévues les sommes nécessaires pour couvrir les frais de ces tournées. En effet, M. le ministre de la guerre ne peut pas prévoir quels voyages il fera ; les besoins du service et le temps que l’administration lui laissera de libre, en indiqueront le nombre. Si la chambre jugeait qu’il vaut mieux prendre les frais de voyage et de tournée du ministre de la guerre sur l’art. 3 que sur les dépenses imprévues, je proposerais de porter le chiffre de l’art. 3 à 10,000 fr. ; s’il y a de trop, l’excédant restera en caisse.

M. Jullien. - Si ceux qui ont établi le budget ont prévu que les frais de voyage et de tournée de M. le ministre de la guerre seraient pris sur les dépenses imprévues, il est incontestable qu’ils auront calculé en conséquence le chiffre de ces dépenses. Si donc vous faites maintenant un chapitre particulier pour les frais de voyage et de tournée du ministre de la guerre, vous devez nécessairement diminuer d’autant le chapitre des dépenses imprévues, à moins qu’on ne déclare que jusqu’à présent le ministre de la guerre n’a point fait de tournées, et que par conséquent, il n’a rien été prélevé de ce chef sur les dépenses imprévues.

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Je dois déclarer, messieurs, que depuis qu’il a été établi un budget régulier, les frais de voyage du ministre de la guerre ont constamment été imputés sur la somme de 3,000 fr. qui figurent à l’art. 3, et que cette somme a constamment été épuisée, excepté l’année dernière, lorsque le ministre de la guerre a fait peu de tournées. Jamais il n’a été pris quelque chose pour cet objet sur les dépenses imprévues.

M. Jullien. - mais si 3,000 francs ont suffi jusqu’à présent pourquoi en demander 10,000 ?

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - Si l’on reconnaît qu’il est nécessaire que M. le ministre de la guerre fasse plus de tournées qu’il n’en a été fait jusqu’à présent, il faut nécessairement lui accorder un crédit plus élevé pour cet objet. Il n’y a d’ailleurs aucun inconvénient à augmenter le crédit, car si M. le ministre fait peu de tournées, le crédit sera peu entamé, s’il ne voyage pas du tout, le crédit restera intact.

M. Jullien. - Je ne sais pas ce qui fait croire que le ministre de la guerre voyagera plus que précédemment. D’ailleurs il y a entre 3,000 fr. et 10,000 fr. une différence considérable ; M. le ministre lui-même vient de déclarer tout à l’heure qu’il considérait une somme de 6,000 fr. comme suffisante ; je n’irai pas, moi, voter 10,000 fr. lorsque M. le ministre reconnaît que 6,000 fr. suffisent.

M. Gendebien. - Si M. le ministre de la guerre reconnaît, comme le remarque l’honorable M. Jullien, que 6,000 fr. suffisent, je ne conçois pas comment nous pourrions en allouer 10,000. Il est possible que M. le ministre ait légèrement avancé que la somme de 6,000 fr. serait suffisante ; dans ce cas je le prie de s’expliquer.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’ai déjà déclaré deux fois que n’ayant encore aucune prévision à l’égard du temps que je pourrais consacrer à faire des tournées, il m’est impossible d’évaluer la dépense que j’aurai à faire pour cet objet. J’ai dit seulement, en établissant une moyenne, qu’un voyage par mois n’est pas de trop, et que 300 fr. par voyage n’est pas une dépense excessive.

M. Gendebien. - Je n’entends en aucune façon contester l’utilité d’un crédit pour frais de voyage et de tournée du ministre de la guerre ; je ne crains pas qu’on abuse d’un semblable crédit, puisque, si je suis bien informé, les frais de voyage du ministre de la guerre sont payés suivant un tarif ; les voyages n’offrent d’ailleurs guère d’appât surtout quand on trouve en revenant un surcroît de besogne à faire ; mais je crois qu’il serait convenable que M. le ministre nous fît connaître si le chiffre de 10,000 francs est nécessaire ou si, comme il le disait tout à l’heure, celui de 6,000 francs est suffisant. Du reste, je n’entends nullement restreindre les voyages que voudrait faire M. le ministre de la guerre, car je suis convaincu que l’œil du maître peut produite beaucoup plus de bien que la correspondance la plus suivie.

- Le chiffre de 10,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 4

« Art 4. Matériel du ministère : fr. 60,000. »

M. Jullien. - Messieurs, je trouve dans le rapport de la section centrale des observations sur cet article qui méritent de fixer l’attention de la chambre ; dans les 60,000 fr. pour matériel du ministère sont compris 14,050 fr. pour frais de loyer des bureaux du ministère de la guerre ; si vous ajoutez à cette somme les 4,000 fr. d’indemnité de logement que vous accordez au ministre, vous aurez une somme de 18,050 fr dépensée en frais de loyer. Je crois, messieurs, qu’avec un peu d’ordre et d’économie, on aurait pu éviter une dépense si considérable. En effet, la chambre se rappellera peut-être que lorsqu’on lui a demandé le crédit nécessaire pour acheter l’hôtel Torrington, on lui a dit que cet hôtel était destiné au ministère de la guerre ; eh bien, lorsque l’hôtel Torrington fut reconstruit à grands frais, lorsqu’il fut bien meublé, c’est le ministre de l’intérieur qui quitta son ancien hôtel de la rue de la Montagne, où il était fort bien, et qui vint s’installer à l’hôtel Torrington ; quant au ministère de la guerre, il demeura dans les locaux qu’il occupait précédemment, et qui sont loués à grands frais ; de là une dépense annuelle de 18,050 fr. que nous aurions évitée si le ministre de l’intérieur était resté dans son ancien hôtel, et si le ministre de la guerre était entré à l’hôtel Torrington.

On sait que le ministre des finances, de son côté, a dépensé des sommes considérables pour acquérir un second hôtel et en avoir ainsi deux, dans lesquels il loge moins d’employé qu’il n’en logeait précédemment dans un hôtel unique ; c’est encore là une combinaison dans laquelle les principes d’économie ont été entièrement oubliés.

On a créé un petit ministère de convenance, le département des travaux publics ; l’hôtel du ministère des affaires étrangères était disponible, et le ministre des travaux publics s’en est emparé.

Je le demande, en arrangeant les choses avec l’ordre d’un vrai père de famille, avec l’ordre de quelqu’un qui est obligé de soigner les intérêts des contribuables, n’aurait-il pas été possible de faire servir au ministère de la guerre et à ses employés un des deux hôtels dont je viens de parler, et d’opérer ainsi une économie de 18,050 fr. par an ?

Quand je vois tant de familles du royaume obligées de s’imposer pendant toute l’année de dures privations pour pouvoir acquitter leurs contributions, je suis étonné (pour ne pas dire plus) de voir l’insouciance et la prodigalité que je signale. J’appelle toute l’attention de MM. les ministres sur les remarques que je viens de faire ; je suis persuadé qu’ils en sentiront eux-mêmes la justesse.

Il est une autre observation que je trouve encore dans le rapport de la section centrale ; c’est que 5,500 fr., compris dans le chiffre que nous discutons, sont destinés à l’achat de meubles pour l’hôtel du ministère de la guerre : veuillez-vous rappeler messieurs, que tous les ans on vous demande 4,000, 5,000, 6,000 fr. pour cet objet ; on a senti enfin la nécessité de connaître combien il avait été dépensé depuis 1830 pour l’ameublement de cet hôtel, et, d’après l’état qui a été fourni, on voit que nous avons déjà voté pour achat de meubles pour le ministère de la guerre la somme de 37,841 fr. 83 c. ; cette somme me semble suffisante pour que l’hôtel de ce ministère soit convenablement meublé. Mais il existe à cet égard une véritable incurie dont je ne puis me rendre compte ; on a demandé si l’administration du domaine avait un inventaire du mobilier des différents ministères ; afin qu’on pût reconnaître, au moins, si les meubles subsistaient, qu’on pût savoir quels changements a subis un mobilier pour l’augmentation duquel nous voulons tous les ans des sommes assez fortes ; il a été répondu qu’une telle précaution n’avait pas été prise ; cependant il n’est pas un seul propriétaire au monde qui, quand il veut conserver ses propriétés, ne commence par se rendre compte de ce qu’il a ; eh bien, le gouvernement belge ne fait pas cela.

Le ministre des finances, qui a le domaine sous sa dépendance, devrait avoir un inventaire exact du mobilier de tous les édifices qui appartiennent à l’Etat.

Dans un pays où la comptabilité est peut-être un peu mieux réglée que dans le nôtre, lorsqu’un ministre entre dans un ministère, il en reconnaît le mobilier dont on lui fait signer l’inventaire, et lorsqu’il sort de son ministère, il est obligé de remettre à son successeur le mobilier tel qu’il l’a reçu, ou d’expliquer les causes de la détérioration qui y peut être advenue. C’est là une mesure d’ordre et de comptabilité.

On nous dit que dans les ministères, ce sont les huissiers et les messagers qui sont chargés de la conservation des meubles. Voilà une belle garantie que celle des huissiers et des messagers, qu’on peut renvoyer à chaque instant, et qui, par conséquent, ne doivent plus répondre de rien du moment qu’ils sont renvoyés.

Si l’on ne me donne pas l’assurance qu’il sera fait, dans une forme régulière, un inventaire du mobilier de tous les ministères, que cet inventaire reposera dans les archives de l’administration des domaines, qui est le véritable propriétaire de ce mobilier, bien certainement je n’allouerai pas le crédit que demande pour l’achat de nouveaux meubles.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, je puis assurer à l’honorable préopinant que la construction de l’hôtel actuel du ministère de l’intérieur a été appropriée dès le principe à la destination qu’il a maintenant.

Cette destination lui avait déjà été donnée, lorsque j’ai fait continuer et achever les travaux. Mais, indépendamment de cela, je dirai que cette mesure était indispensable, par la raison que l’ancien hôtel du ministère de l’intérieur était notoirement insuffisant pour un département aussi considérable ; ce motif d’insuffisance avait même obligé le gouvernement à louer une succursale dans la rue d’Assaut.

J’ajouterai que, d’année en année, les attributions du ministère de l’intérieur se sont agrandies avec l’organisation du pays et les progrès des intérêts matériels.

Un honorable préopinant a dit aussi qu’on avait disposé de l’hôtel des affaires étrangères pour le nouveau département qu’on avait crée, mais c’est là une erreur. Il n’y a pas plus de ministères aujourd’hui qu’il n’y en avait l’année dernière : il n’y a eu qu’un simple déplacement ; les employés des affaires étrangères sont venus à l’intérieur ; et ceux des travaux publics sont allés à l’hôtel des affaires étrangères.

Le même orateur a parlé de la responsabilité du matériel dans chaque ministère. Je répondrai que dans chaque département il est fait un inventaire très détaillé de tout le mobilier, et ce mobilier n’est pas, comme on l’a dit, sous la responsabilité des huissiers et des messagers, mais bien sous la surveillance immédiate du secrétaire général.

M. Gendebien. - M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères vient de dire que l’hôtel de Torrington avait été, dès le principe, destiné à recevoir les bureaux du ministère de l’intérieur.

Pour moi, je crois le contraire ; j’ai fait partie de la section centrale qui s’est occupée à plusieurs reprises du projet d’acquisition de l’hôtel Torrington, Nous étions tous convaincus alors que cet hôtel était destiné au ministère de le guerre ; l’assurance nous en avait été donnée, et nous ne pouvions douter qu’elle ne se réalisât, puisque le ministère de la guerre était le seul à cette époque qui fût chargé de frais de location considérables.

M. Dugniolle qui, je pense, était déjà à cette époque secrétaire-général du département de l’intérieur, faisait partie de la même section centrale. Comme il montrait un grand empressement pour conclure l’acquisition, je lui demandai si l’hôtel Torrington ne serait peut-être pas destiné aux bureaux du ministère de l’intérieur. M. Dugniolle me donna l’assurance positive qu’il n’était nullement question de donner cette destination à l’hôtel. Je m’informai ensuite, auprès de M. Evain, alors ministre de la guerre si réellement l’hôtel Torrington était destiné à recevoir ses bureaux. M. Evain me répondit qu’il pensait que oui.

Je sais encore que des discussions assez longues ont eu lieu ultérieurement entre les deux ministres, pour savoir lequel des deux occuperait le nouvel hôtel, et je sais aussi que le général Evain n’a pas été peu désappointé.

Il n’est donc pas exact de dire que dès le principe la destination de l’hôtel Torrington a été affectée aux bureaux du ministère de l’intérieur.

Je dirai maintenant qu’il m’importe assez peu lequel des deux ministres de l’intérieur ou de la guerre se trouve maintenant dans l’hôtel. J’ajouterai seulement qu’on a commis une faute en ne laissant pas provisoirement les bureaux du ministère de l’intérieur dans le bâtiment où ils étaient et en ne plaçant pas ceux du ministère de la guerre dans l’hôtel Torrington.

M. de Brouckere. - Je n’ai rien à ajouter à ce que vient de dire M. Gendebien. Je voulais seulement faire observer que bien décidément, quand on a demandé les fonds nécessaires pour l’acquisition de l’hôtel Torrington, on a dit que l’hôtel était destiné aux bureaux de la guerre ; on a même ajouté qu’on prendrait une partie de l’hôtel des affaires étrangères pour y loger les bureaux de la guerre qui ne trouveraient pas place dans l’hôtel Torrington.

Au lieu de cela, c’est le ministère de l’intérieur qui est venu s’établir dans cet hôtel, et l’ancien hôtel de la rue de la Montagne a reçu quelques bureaux du département des finances, et a été, je pense, affecté encore à d’autres destinations.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La destination actuelle de l’ancien hôtel du ministère de l’intérieur est sans doute très utile, tout le bâtiment est occupé. Il s’y trouve des bureaux de l’administration des finances ; en outre, l’Académie, ainsi que les jurys d’examen, y tiennent leurs séances, et l’on y procède encore aux examens des ponts et chaussées et des mines.

L’on est revenu, messieurs, sur la destination primitive de l’hôtel Torrington. Je ne me rappelle pas ce qui s’est passé à l’époque de la discussion de la demande de crédit pour l’achat de cet hôtel, parce qu’alors je n’étais pas au ministère. Mais il est certain, que lorsque j’ai fait achever les travaux, ils étaient dirigés par le ministère de l’intérieur.

Sous le rapport de l’utilité, il me paraît évident que c’était le ministre qui est obligé d’assister constamment aux débats des chambres, qui devait obtenir la préférence pour l’occupation d’un hôtel à proximité du palais législatif.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je répondrai à l’honorable M. Jullien que la responsabilité qui, d’après la note remise à la section centrale incombe aux huissiers et messagers, en ce qui concerne le mobilier du département de la guerre est simplement une responsabilité matérielle pour les pertes et les dégradations qui pourraient être regardées comme le fait de ces employés.

Au ministère de la guerre, comme dans tous les autres départements, je pense, c’est le secrétaire-général qui est le véritable conservateur du mobilier ; ce fonctionnaire porte une attention journalière sur tous les objets qui le composent.

M. Jullien. - Messieurs, j’ai déclaré que je subordonnerais mon vote à la question de savoir si l’on prendrait enfin, relativement au mobilier des différents ministères, la mesure d’ordre qui a été réclamée, et qui consiste à mettre l’administration des domaines en possession de l’inventaire de ce mobilier.

Je le répète, messieurs, c’est dans cette mesure que je trouve la seule et véritable garantie pour la conservation des meubles des différents ministères.

On a dit que le secrétaire-général est chargée de la surveillance du mobilier, je le veux bien ; mais est-ce là une garantie suffisante ? Le secrétaire-général est un fonctionnaire révocable, il n’existe entre lui et l’administration des domaines aucun rapport direct. Je ne vois pas dès lors quelle garantie ce fonctionnaire pourrait nous offrir, en cas de disparition d’un meuble.

Si M. le ministre des finances veut me donner l’assurance que la mesure d’ordre et de comptabilité qui a été indiquée par la section centrale sera prise, je voterai avec plaisir le chiffre qu’on demande pour le matériel du ministère de la guerre. Mais si cette satisfaction m’est refusée, je proteste contre une semblable négligence, car c’est là une véritable négligence qui peut compromettre la propriété du mobilier de tous les établissements de l’Etat.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, il est tenu dans chaque ministère un inventaire de tous les meubles qui s’y trouvent, et le secrétaire-général est chargé du soin de veiller à leur conservation. A cet effet il en forme un inventaire officiel qu’il conserve par devers lui, et de cette manière il peur s’assurer en tout temps que les meubles se trouvent dans les lieux auxquels ils sont destinés.

L’honorable M. Jullien pense qu’il y aurait plus de garanties en faisant faire cet inventaire par l’administration des domaines, et en faisant conserver un double de l’inventaire dans les archives domaniales.

Quant à moi, je ne vois pas d’inconvénients à ce que la mesure dont il s’agit soit adoptée. Je pourrai, à cet égard, m’entendre avec mes collègues qui, je le suppose, n’auront pas plus de motifs que moi pour s’opposer à la demande de l’honorable M. Jullien.

- Le chiffre de 60,000 francs est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Matériel du dépôt de la guerre : fr. 4,000. »

- Adopté.

Chapitre II. Soldes et masses de l’armée, frais divers des corps

Première section. Solde des états-majors
Articles 1 et 2

M. le président. - « Art. 1er. Etat-major général : fr. 747,708 fr. 57 c. (y compris la majoration de 29,623 fr 87 c. proposée par le gouvernement). »

La section centrale a demandé la division de l’article primitif, proposé par le gouvernement comme suit :

« Art. 1er. Traitements, etc. : fr. 682,033 fr. 70 c.

« Art. 2. Indemnités de représentation, etc. : fr. 26,400 fr. »

Cet amendement est ainsi conçu :

« Sect. 1 du chap. Il, art 1er. Supplément de solde aux officiers-généraux commandants de troupes et aux chefs de corps.

« Pour 5 généraux de division, à raison de 3 mille francs : fr. 15,000.

« Pour 12 généraux de brigade, à raison de 1,800 francs : fr. 21,600. »

« Pour 27 colonels et chefs de corps, à raison de 1,000 francs : fr. 27,000.

« Total : fr. 63,700. »

Voici l’amendement proposé par M. de Mérode :

« Chap. Il. Art. 1er. Le ministre de la guerre est autorisé à régler les appointements des généraux sur le même pied que ceux des généraux français du même grade, dans les circonstances et positions analogues.

« Il sera à cet effet porté au budget de la guerre un crédit supplémentaire de 51,525 fr. pour trois généraux de division et douze généraux de brigade en activité. »

M. de Puydt. - L’article de l’état-major général est ordinairement un de ceux qui excitent le plus de discussions dans cette chambre et soulèvent le plus de questions de personnes. Cela tient à l’opinion généralement répandue dans le pays et qui est défavorable aux états-majors en général. Il est difficile de s’expliquer les motifs d’une opinion semblable. Cependant je crois, en y réfléchissant, avoir rencontré ces motifs.

Il ne faut qu’un sens très ordinaire, le sens commun suffit, pour sentir l’utilité d’un bataillon d’infanterie. Tout le monde comprend qu’un bataillon bien nombreux, bien commandé, peut en bataille faire un feu très meurtrier, et, ployé en colonne, faire une trouée partout où il se présentera. Tout le monde comprend l’effet d’une charge d’un escadron de cavalerie bien conduit et mieux encore d’une batterie d’artillerie, car cela fait plus de bruit.

Ce sont là des effets matériels en quelque sorte sensibles au toucher. Aussi le public estime-t-il comme elles doivent l’être, les troupes d’infanterie, de cavalerie et d’artillerie.

Quant à l’état-major, il n’en est pas de même ; il faut quelque chose de plus que le sens commun pour en reconnaître l’utilité, il faut savoir ce que c’est que l’organisation intime des corps qui composent une armée ; il faut avoir étudié les ressorts qui les font mouvoir. C’est une appréciation qui ne peut pas être faite par tout le monde, De là vient qu’en général ceux qui ne comprennent pas bien l’utilité des états-majors les blâment ; cela résulte aussi de cette tendance générale des esprits à envier ce qui paraît être une position élevée.

Dans la première séance consacrée à la discussion du budget de la guerre, j’ai entendu présenter des observations sur l’inutilité des états-majors, et on les a encore rappelées hier. J’avoue que je n’ai pas compris ces observations. Si on avait cité des faits, si on avait indiqué des états-majors qu’on croyait inutiles, si on était entré dans quelques détails, nous aurions pu apprécier la portée de cette allégation ; mais elle n’a été présentée que d’une manière vague. Je crois devoir par ce motif, pour fixer les idées de la chambre, entrer moi-même dans quelques détails.

Il y a plusieurs espèces d’états-majors : les états-majors permanents et les états-majors accidentels. Parmi les états-majors permanents se trouve le corps de l’état-major général, qui se compose des officiers-généraux officiers supérieurs et autres du corps d’état-major. Ce corps, je pense, on n’en contestera pas l’utilité. Le trouve-t-on composé d’un personnel plus nombreux que les besoins du service ne l’exigent ? C’était là ce qu’il fallait démontrer. Eh bien, le personnel de ce corps, loin d’être trop nombreux, n’a jamais été porté au complet qui avait été fixé par l’arrêté royal en date du 1er juillet 1835, et depuis, il a été reconnu qu’en le portant à ce complet, il serait encore insuffisant. Ce n’est donc pas sur cette espèce d’état-major que peut porter la critique que vous avez entendue. Serait-ce dans les états-majors de régiments, de bataillons et d’escadrons ? Qu’on ouvre le budget et l’annuaire militaire de la Belgique, on se convaincra que pas un seul de ces états-majors n’est complet.

Il y a des régiments qui sont commandés par des lieutenants- colonels et même par des majors. Ce n’est donc pas non plus sur les états-majors que peut tomber le reproche puisqu’ils sont incomplets et que nous sentons le besoin de les compléter.

Voudrait-on parler des états-majors non permanents ? Ces états-majors sont ceux qu’on forme lors de l’organisation d’une armée en campagne. D’abord, en première ligne, est l’état-major général de l’armée ; il se compose du commandant en chef, du major-général, des officiers chargés du commandement des divers services spéciaux, et des officiers tant d’état-major que d’armes spéciales détachés. Eh bien, cet état-major n’est pas complet non plus. Il ne faut pas dire qu’il a toujours été en grandissant, car c’est le contraire qui a eu lieu.

Il est aujourd’hui moins nombreux qu’il n’était en 1832 ; plusieurs des officiers qui étaient détachés à cet état-major ont été appelés à d’autres services, soit au ministère de la guerre, soit à l’école militaire. Ici encore le reproché d’inutilité adressé à l’état-major de l’armée est sans fondement.

Les états-majors de division et de brigade sont également à l’abri de ce reproche ; car les états-majors de division notamment sont moins complets qu’ils ne l’étaient en 1832, et doivent être complétés.

Je demande sur quoi porte la critique dont les états-majors ont été l’objet, et sur quels états-majors porte le reproche d’avoir augmenté toujours en raison inverse du nombre des troupes, tandis que, d’après l’examen que je viens de faire, il me paraît constaté qu’ils ont toujours diminué.

Quant aux amendements que j’ai proposés, j’ai peu à dire pour les justifier. M. Rogier, dans une séance précédente, a fait connaître l’effet des frais de représentation. Je considère les observations qu’il a présentées comme venant à l’appui de mon amendement pour ce qui concerne les officiers-généraux. Je ferai remarquer que cet amendement, qui n’est qu’une modification d’un article du budget, porte sur cinq officiers généraux, tandis que le budget ne demande d’allocation que pour trois. Nous avons trois divisions d’infanterie et de plus une division de cavalerie, et nous pourrions être dans le cas de créer une quatrième division d’infanterie. C’est pour ce général de cavalerie et pour le commandant de la quatrième division d’infanterie que je propose mon amendement. Mais pour ce dernier ce n’est qu’un crédit éventuel que je propose pour le cas où ce général de division serait nommé.

Le point sur lequel j’insisterai le plus, ce sont les frais de représentation pour les chefs de corps, pour les colonels. En France où l’on comprend si bien tout ce qui est propre à développer l’esprit militaire et où cet esprit existe, on accorde aux colonels 1,800 fr. de frais de représentation. C’est l’emploi de cette allocation qui a contribué à faire naître dans les régiments français cet esprit de famille qui manque dans les nôtres. Je crois que ce serait un très grand bien que de mettre les colonels à même d’étudier le caractère de leurs officiers, de les réunir souvent, de leur apprendre à se connaître et à compter les uns sur les autres. C’est là le but de la partie de mon amendement qui se rapporte aux chefs de corps.

Je bornerai là mes développements, me réservant de prendre de nouveau la parole si on combattait ma proposition.

M. F. de Mérode. - J’ai déjà précédemment développé les motifs de l’amendement que je vous soumets. Je suis convaincu, et cette conviction n’a pas été spontanée et légèrement acquise, qu’il est indispensable d’améliorer la position de nos officiers généraux. J’avoue, messieurs, qu’assez longtemps j’ai partagé l’opinion des personnes qui, ayant vu l’avancement rapide de plusieurs de nos chefs militaires, ont pensé qu’ils étaient assez heureux d’être parvenus au grade de général, pour se trouver satisfaits des avantages dont ils étaient pourvus par des promotions successives et promptes. Je conçois donc très bien les objections que mon amendement doit soulever dans les esprits de beaucoup d’entre nous. Ces objections, messieurs, exerçaient sur moi une impression assez vive, lorsqu’un jour elles furent l’objet d’un entretien suivi avec un général belge né en Belgique, dont l’instruction et l’intelligence avaient été appréciées de feu M. le général Deprez. Ce général belge se plaignait des réductions péniblement parcimonieuses que l’on représentait chaque année sur la solde de l’état-major, (car l’état-major, comme l’a dit un préopinant, est un nom qui offusque certaines idées étroites peu disposées à reconnaître les services des supériorités utiles), je me permis de lui dire que la révolution l’avait assez bien placé pour que rien ne troublât son présent comparé au passé. « Comment ! me répondit-il, lorsque j’étais capitaine, j’étais traité conformément à mon grade ; les événements m’ont porté aux grades supérieurs, je n’ai point demandé à être général ; mais puisque je le suis, je dois être traité en général. Pourquoi rendre ma condition humiliante en me disputant chaque année les subventions attribuées au poste que j’occupe ? Est-ce ainsi qu’on veut relever l’état militaire ? Est-ce ainsi que l’on prétend exciter le zèle et l’émulation de l’armée ? » Je fus frappé de ces paroles. J’examinai de plus prés les charges qui pèsent sur les épaulettes ornées d’étoiles ; je comptai les frais de logement, de tenue de chevaux, de domestiques et autres dépenses accessoires indispensables au service et à l’honneur du grade, et je revins à des idées justes sur la position de l’homme privé de fortune personnelle, forcé de mettre ses dépenses en rapport avec son rang. Et de plus, messieurs, je m’informai de ce qui était en usage dans les armées des pays voisins du nôtre, et j’appris avec surprise que les devoirs et les besoins des chefs supérieurs y étaient autrement appréciés. En effet, messieurs, dans le pays qui est le plus en rapport avec le nôtre, un lieutenant-général en activité reçoit pas an, sur pied de paix, 15,000 fr., plus pour frais de représentation et de bureau 6,000 fr., de logement, 1,800 fr. : total 22,800 fr. Les fourrages lui sont payés en argent 2,190 fr., et en temps de paix personne, je crois, ne vient compter dans son écurie le nombre de ses chevaux.

Sur pied de guerre, au lieu de 15,000 fr. d’appointements fixes, il reçoit 18,750 fr. ; ses indemnités sont réglées par des décisions spéciales. On y ajoute 8 rations de vivres et 18 rations de fourrage. Le maréchal-de-camp reçoit par an, sur pied de paix, 10,000 fr., frais de représentation et de bureau 3,000 fr., de logement 1,200 fr. ; en tout 14,200 fr., plus 1,460 fr. de fourrage en argent. Le maréchal-de-camp qui commande un département en dispose comme il veut, tandis que nos généraux de brigade doivent toujours tenir cinq ou six chevaux prêts à marcher.

Sur pied de guerre, le même maréchal-de-camp reçoit 12,500 fr. ; ses indemnités sont réglées par des décisions spéciales. Il reçoit 6 rations de vires et 13 rations de fourrage. Notez qu’on lui paie encore des indemnités d’entrée en campagne. En Belgique, ce genre d’indemnités n’existe pas.

Ainsi, messieurs, si nous traitions nos généraux de division comme les lieutenants-généraux français sur simple pied de paix, ils recevraient, fourrages non compris, 22,800 fr. ; et, certes, la position d’un lieutenant-général commandant une division militaire territoriale est préférable à celle d’un général de division belge commandant une division de cavalerie ou d’infanterie, car il doit être monté et prêt à tout événement. Notre état est mixte entre la paix et la guerre, la discussion qui s’est ouverte cette semaine le prouve surabondamment. Le maréchal-de-camp français obtient sur pied de paix, fourrages non compris comme je l’ai dit plus haut, 14,200 fr., et s’il commande un département, il dispose de 1,460 fr. de fourrages à peu près librement. Vous voyez encore que sa position est infiniment meilleure que celle d’un général de brigade belge, qui doit avoir six chevaux et ses domestiques en état de marcher au premier ordre.

Cependant, lorsqu’on discute en France le budget de la guerre, personne, que je sache, ne se plaint de l’énormité des traitements et indemnités des généraux en activité de service ; si quelques députés prétendent que l’armée est trop nombreuse, ils ne s’attaquent point aux émoluments de ses chefs. En effet, les généraux sans héritage particulier ne passent point pour des hommes gorgés d’or et d’argent ; ils peuvent si leur famille n’est pas trop nombreuse, vivre d’une manière honorable ; mais nulle part ils ne sont en concurrence de luxe avec les receveurs généraux, les riches propriétaires ou les industriels de haut parage.

Je ne crains donc pas d’affirmer itérativement, fort de tous les renseignements que j’ai pris, que nos généraux sans fortune personnelle sont dans la gêne, qu’ils ne peuvent suffire convenablement aux dépenses qui leur incombent, et j’ajoute qu’une telle situation est essentiellement contraire aux développements d’une impulsion énergique donnée à nos troupes : en vain me parlerait-on des premiers temps de la république française ; la fièvre est un état passager chez les nations comme chez les individus. Si nous étions des Spartiates, contents d’une monnaie de fer et du brouet noir pour potage, nos généraux pourraient vivre magnifiquement avec leurs appointements. Mais nous voulons au contraire, dans l’ordre industriel et commercial présentement en grande activité, beaucoup de richesses, beaucoup de bien-être ; il ne s’agit donc pas chez nous du régime et des gras sous de Lycurgue.

Un de nos hommes les plus actifs en entreprises grandioses et qui fait mouvoir de puissantes machines, n’en confie la direction qu’à des contremaîtres qu’il paie largement. La machine intelligente qui doit paralyser les efforts de nos ennemis, cette machine compliquée dont les seuls mouvements compromettraient toute notre existence, n’est-elle pas d’une importance bien autre que les pistons, les cylindres et les leviers d’un fabricant ? Comment donc concevoir qu’il soit si généreux envers ceux qui le servent en premier ordre, et que toute une nation puisse utilement réduire au taux le plus bas possible les services qui, pour elle, doivent passer avant tous les services ?

Car les rouages de l’ordre civil, notre constitution même, les chambres législatives où nous délibérons, cesseraient d’exister quand l’armée, mal conduite, serait vaincue.

Nous avons appelé de France un petit nombre de généraux dévoués au drapeau- belge. Comme s’ils étaient nés parmi nous, l’honneur les y attache. Pourquoi les priver des avantages qu’ils recueilleraient en servant directement leur pays sur son territoire ? Pourquoi priver nos généraux indigènes de ce que l’expérience a fait accorder chez les peuples voisins aux chefs de qui dépend le sort des batailles ?

Nous avons vécu sous l’empire d’un grand homme de guerre ; est-ce avec des dotations ou des rognures au budget qu’il excitait l’ardeur des capitaines de son armée et qu’il la communiquait à cette armée toute entière ?

Messieurs, je ne veux point, comme on vous l’a dit, puise indéfiniment dans la bourse des contribuables. C’est en suite de la connaissance que je crois avoir de leurs vrais intérêts, que je réclame de bonnes mesures de la chambre et du gouvernement. Je sais que ma tâche est ingrate : parler en faveur de personnages qui sont quelque peu élevés, c’est donner lieu aux déclamations envieuses, c’est se faire accuser de sympathies aristocratiques, antipopulaires. N’importe, j’ai accompli un devoir ; l’augmentation que je demande est essentielle, bien qu’insignifiante dans la masse totale du budget de la guerre. Si nos généraux étaient presque tous, comme ordinairement sous l’ancien régime, héritiers de riches familles patriciennes, je n’insisterai pas sur l’adoption de mon amendement ; je ne l’aurais même pas proposé ; le dévouement presque gratuit était alors possible. Beaucoup de gentilshommes se dérangeaient au service ; ils tâchaient ensuite de remonter leurs affaires. Les hauts grades sont aujourd’hui accessibles à toutes les classes ; ne le rendons pas un fardeau écrasant pour ceux qui les obtiennent : le malaise est un mauvais stimulant.

(Moniteur belge n°63, du 4 mars 1837) M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je pense qu’il est nécessaire que l’honorable M. de. Puydt explique ce qu’il entend par son amendement : le supplément de solde qu’il propose d’allouer sera-t-il payé indépendamment des frais de représentation ?

M. de Puydt. - L’expression dont je me suis servi est peut-être impropre. Mon intention est d’allouer des frais de représentation pour cinq généraux de division au lieu de trois, aux colonels et chefs de corps qui, d’après la récapitulation que j’ai faite, sont au nombre de 27.

M. Jullien. - Messieurs, je ne sais pas si l’auteur du premier amendement, l’honorable M. de Puydt, entend placer la chambre dans ce vulgaire dont il a parlé, qui ne comprend pas tout le mérite d’un état-major qui n’est sensible qu’aux charges de la cavalerie et aux feux de peloton ou de bataillon de l’infanterie et aux décharges d’artillerie. Si c’est là sa pensée, peut-être se trompe-t-il, peut-être se trouve-t-il dans cette chambre des hommes qui savent comprendre ce que c’est qu’un état-major aussi bien que ceux qui en font partie. Il a beaucoup réfléchi, nous a-t-il dit, pour se rendre raison de ces préventions qui existaient dans l’esprit du vulgaire relativement aux états-majors. Et moi aussi, messieurs, j’ai réfléchi sur ces préventions, si tant est que des préventions existent, et je crois avoir trouvé la cause possible de ces préventions. Aussi bien dans l’armée que dans le civil, ces préventions viennent de ce que ces messieurs sont beaucoup plus brillants et ne sont pas toujours beaucoup plus utiles que les autres officiers de l’armée. Cette raison, si je ne me trompe, est aussi juste que celle alléguée par l’auteur de l’amendement.

Quoi qu’il en soit, on ne me justifie en aucune manière l’augmentation qu’on propose, car ces frais de représentation sont une véritable augmentation de traitement. Si la chambre est disposée à accorder des frais de table aux officiers généraux, je m’associerai à cette pensée pourvu qu’on accorde également des frais de table aux colonels. Quand je me suis opposé à ce qu’on accordât des frais de représentation aux généraux, j’ai toujours dit que si on leur en allouait, il fallait en allouer également aux colonels.

En effet, on a parlé de l’esprit de famille que les frais de table étaient destinés à établir entre les officiers supérieurs et les officiers inférieurs. Je pense que, pour favoriser cet esprit de famille, les relations amicales qui doivent exister entre les officiers supérieurs et les officiers inférieurs, c’est plutôt aux colonels qu’il faut allouer des frais de table, car les colonels, qui sont comme les pères de leur régiment, peuvent plus utilement établir ces relations amicales entre eux et les officiers sous leur ordres. Si donc on décide que des frais de représentation seront alloués aux officiers généraux, je demanderai qu’on en alloue également aux colonels. Vous verrez au reste s’il ne serait pas plus convenable du renvoyer la proposition à la section centrale.

Je viens à l’amendement que propose l’honorable comte de Mérode. Il propose aussi une augmentation assez considérable du traitement des officiers généraux.

Il demande, par son amendement, que ces appointements soient élevés aux taux fixes par les règlements français pour des positions analogues. Je déclare que, pour mon compte, je m’opposerai toujours à ce qu’on ait l’air de prendre pour régulateurs les lois et les règlements d’un autre pays. Si vous adoptez l’amendement qu’on vous propose, après avoir pris les lois françaises, il n’y aura pas de raison pour qu’on n’aille pas prendre les règlements prussiens et le régime autrichien.

Je ne veux pas que ma volonté soit subordonnée à des lois que je ne connais pas. Ainsi, sous le rapport de la forme, n’en déplaise à l’honorable membre, cet amendement est assez mal présenté.

On s’est plaint de la pénurie de nos généraux, et on a parlé des Spartiates ; je suis convaincu que ni les officiers généraux, ni les officiers subalternes, ni même nos soldats ne sont réduits an brouet noir des Spartiates. Je crois qu’ils sont dans une position très satisfaisante. Je ne sais pas jusqu’à quel point vous reconnaîtrez la nécessité d’augmenter leurs appointements d’une manière aussi sensible qu’on le propose, si tant est que l’intention de la chambre soit de prendre la proposition en considération. Dans ce cas, je pense qu’il conviendrait de renvoyer aussi l’amendement à la section centrale.

Je finirai par une observation qui mérite de fixer l’attention de la chambre. On nous parle toujours de ces gros émoluments des officiers-généraux français ; cela vient des souvenirs de l’empire. Vous savez sur quelle échelle était monté le grand empire, quelle était alors la splendeur militaire. Lors du démembrement, le royaume des Pays-Bas a voulu marcher sur les traces du grand empire, avoir de grands états-majors et affecter un luxe qui ne pouvait appartenir qu’à l’empire qui venait de se dissoudre, et nous, fraction du royaume des Pays-Bas, nous voulons aussi singer le grand empire ; nous voilà dans les mêmes voies, et je crois qu’on vent encore aller au-delà.

Je demande que toutes les augmentations proposées soient renvoyées à la section centrale.

M. de Puydt. - L’honorable préopinant m’a mal compris s’il a cru que je plaçais la majorité de la chambre parmi le vulgaire qui ne serait pas à même d’apprécier les services et l’utilité des états-majors. C’est au contraire parce que je suis convaincu que la grande majorité de la chambre pense comme moi que j’ai présenté mon amendement. Je ne l’aurais pas proposé si j avais cru qu’il ne serait appuyé que par une minorité.

M. F. de Mérode. - Messieurs je ne tiens pas à la forme de mon amendement. Si la forme n’est pas bonne, on la changera, on lui en donnera une autre. C’est au fond que je tiens.

L’honorable M. Jullien prétend que nos officiers-généraux sont suffisamment payés. Il ne tient pas compte des charges. En disant qu’ils ne sont pas suffisamment payés je cherche a en donner des preuves. M. Jullien se borne à déclarer qu il les trouve bien, c’est très facile : en ajoutant une plaisanterie sur le brouet des Spartiates, tout est dit. Mon opinion a été motivée.

Quand il s’agit de la Belgique, l’honorable M. Jullien la fait toujours très petite. Je sais que la Belgique n’est pas la France, et encore moins l’empire. Aussi, il ne s’agit pas de faire un budget de la guerre comme celui de l’empire ni comme celui de la France actuelle, mais un budget qui nous mette à même de résister aux attaques d’une armée hollandaise qui voudrait marcher sur la Belgique, ce que nous ne pourrions pas faire si nous laissions les choses dans l’état où elles sont.

Je ne vois pas que les charges des généraux de brigade belges soient moindres que celui des généraux de brigade des pays voisins, une brigade belge est aussi estimable qu’une brigade française ou prussienne. Nous payons nos soldats plus qu’on ne paie les soldats français, tous les officiers sont payés sur le même pied que les officiers français ; quelques-uns sont mieux payés, sauf nos colonels et nos généraux qui le sont moins.

Je ne pense pas qu’en France ce soit par fantaisie qu’on ait porté les traitements des colonels et des généraux au taux où ils sont. On y a plus d’expérience que chez nous, et d ailleurs ces traitements ont été diminués en 1831. Dès lors, je ne vois pas que ma proposition ne mérite pas toute l’attention de la chambre, et j’espère qu’elle voudra bien la lui accorder.

M. Dumortier. - Je pense, messieurs, que vous aurez la sagesse de repousser purement et simplement l’amendement de M. le conte Félix de Mérode, ministre d’Etat, que je crois avoir été rédigé à Tiélon.

M. F. de Mérode. - Ne m’adressez pas de personnalités.

M. Dumortier. - Vous me répondrez si vous voulez, mais ne m’interrompez pas.

M. F. de Mérode. - Ne dites pas de personnalités. Je suis aussi bon Belge que vous.

M. Dumortier. - J’ai donné des gages de patriotisme, vous n’avez pas le droit de me présenter comme n’étant pas Belge. C’est assez singulier qu’un ministre d’Etat vienne dire ici qu’un homme de la révolution ne représente pas la Belgique.

J’espère, dis-je, que vous aurez la sagesse d’écarter purement et simplement la proposition de M. le comte Félix de Mérode, ministre d’Etat ; un pareil amendement, si vous l’adoptiez, serait une anomalie scandaleuse. Oui, ce serait scandaleux que de mettre dans notre loi que les traitements de nos officiers seront réglés conformément aux règlements d’un pays voisin. Si une semblable disposition était admise pour une branche d’administration, pourquoi ne voudrait-on pas l’admettre pour une autre ? pourquoi ne voudrait-on pas nous proposer de dire aussi que les traitements des ministres belges seront réglés comme en France, ainsi que les membres de la cour de cassation ? et votre budget ne serait plus que le vote du budget français. C’est une honte pour le pays de voir présenter et appuyer un pareil amendement.

Vous ne me verrez jamais refuser les fonda nécessaires pour mettre le pays à l’abri d’une invasion étrangère. Vous ne me verrez jamais refuser une allocation utile. J’ai faut mes preuves. Dans toutes les circonstances où le pays a paru en danger, j’ai déclaré que j’étais prêt à accorder au gouvernement tous les fonds dont il aurait besoin. J’ai même été plus loin ; dans certaines circonstances j’ai proposé d’augmenter notre effectif pour qu’il fût en mesure de repousser toute invasion. J’ai donc le droit, moi qui n’ai jamais voté pour la réduction du nombre de nos soldats, j’ai donc le droit, dis-je, de m’opposer à une augmentation que je ne crois pas légitime.

M. de Mérode nous propose de porter le traitement des officiers-généraux au taux auquel il est en France.

L’honorable M. de Puydt propose de son côté une augmentation de 63 mille francs.

Que dit M. le comte de Mérode pour justifier celle qu’il propose ? Il vous dit qu’il faut voter un budget qui nous mette à même de repousser une agression hollandaise. N’est-ce pas faire injure à nos officiers-généraux que de dire que leur traitement actuel doit être augmenté pour trouver en eux le patriotisme et dévouement nécessaire pour repousser une agression hollandaise ? Je suis persuadé qu’il n’est pas de général en Belgique qui ne repousse comme flétrissante une pareille supposition. C’est cependant ce qui découle de la proposition faite par M. de Mérode et de la manière dont il l’a développée.

J’ai plus de confiance que lui dans notre armée et nos généraux. J’ai déjà dit qu’aussi longtemps qu’un drapeau brabançon flotterait sur un clocher de la Belgique, je ne désespérerais pas de l’avenir de la patrie. Mais je n’attache pas cet avenir à une augmentation des traitements de nos officiers généraux. Ces traitements sont suffisants. M. le ministre de la guerre vous l’a dit : ils sont les mêmes que sous le gouvernement des Pays-Bas, et alors ils étaient jugés suffisants, quoiqu’en Hollande il coûte plus cher vivre qu’en Belgique. Il n’y a donc aucun motif pour augmenter ces traitements.

Un général de brigade touche 11,600 fr. de traitement.

Il a des rations de fourrage pour huit chevaux, ce qui monte à environ 3,600 fr. Il a 600 fr. de frais de bureau ; en tout il a annuellement 15,800 fr. Avec cela on n’est pas à plaindre ; et le premier président de la cour de cassation n’a pas tant.

Quant aux généraux de division leur traitement est de 16,9000 fr. ; ils ont douze chevaux, ce qui fait environ 5,400 fr. de fourrages ; on propose d’ajouter 2,000 fr. de frais de table, ce qui porterait le traitement à 24,300 fr.

Vous voulez augmenter des traitements déjà fort élevés ; mais prenez-y garde, il vous faudra tout à l’heure voter des augmentations pour accroître la force de l’armée ; il faut la mettre dans le cas de s’opposer à l’invasion étrangère ; et ce serait une prodigalité bien mal entendue que de porter maintenant ces traitements à un taux plus élevé que sous l’ancien royaume des Pays-Bas.

Je suis étonné que M. de Puydt ait présenté les amendements que nous discutons ; il aurait pu les présenter dans le sein de la section centrale dont il était membre, alors il aurait eu les éclaircissements nécessaires.

Si nous avons des majorations à voter pour le chiffre du budget, c’est pour renforcer notre armée, accroître le nombre de nos soldats. Ce serait encore pour augmenter les traitements des officiers qui ont subi des diminutions depuis notre séparation d’avec la Hollande, c’est-à-dire pour augmenter le traitement des capitaines, des lieutenants, des sous-lieutenants. Mais augmenter les gros traitements quand il s’agit de frapper de nouveaux impôts, quand il s’agit de nouvelles dépenses pour conserver notre indépendance, ce serait une absurdité.

Je ne crois pas que le gouvernement appuie ces propositions de majoration ; car s’il voulait les appuyer, il aurait eu, je crois, la franchise de les présenter lui-même, et ne les aurait fait faire par personne.

On propose d’augmenter le nombre des généraux, y a-t-il nécessité ?

Il y a deux ou trois généraux de division de plus qu’il n’y en a d’employés dans le pays ; il y en a un en outre en disponibilité, ainsi voilà trois généraux de division de plus que les besoins de l’armée ne l’exigent. Si le ministre croit que ces généraux sont incapables, qu’ils ne peuvent remplir leur mission, eh bien, qu’on les mette à la retraite, et qu on les remplace par de bons officiers.

Il est juste que les bons officiers soient employés, mais il serait injuste de multiplier les emplois et les dépenses.

Je ne voterai de majoration que pour augmenter le nombre des soldats, je ne voterai de majoration que pour ce qui augmentera les moyens de défendre le territoire ; mais quant aux gros traitements je ne voterai aucune majoration.

M. F. de Mérode. - Au lieu de se contenter de répondre aux raisons que j’ai soumises sincèrement et de bonne foi à la chambre, car après tout je ne suis pas général et suis simplement contribuable, on est venu dire en quelle localité je possédais des propriétés ; on a dit que j’étais de Trélon : qu’importe que je sois de Trélon ou de Tournay ? Moi, je ne suis pas de Tournay ; mais quand mes compatriotes sont dans une position malheureuse, je prends des informations sur leur malheur afin d’aviser aux moyens de les secourir. Je voyage. J’ai été, par exemple, au polder de Lillo, et dans le Luxembourg, parce que c’est une province pauvre. Je l’ai parcourue avec soin ; je ferai tout ce que je pourrai pour que cette province puisse participer à la prospérité des autres parties du royaume. Encore une fois, que signifie cette désignation ridicule que je suis de Trélon ? Quoique de Trélon, je suis meilleur Belge que l’orateur auquel je réponds, car je m’occupe de la Belgique entière, et non de ma localité.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je veux rectifier quelques allégations de l’honorable M. Dumortier par des faits qui probablement n’étaient pas à sa connaissance. Cet orateur a dit que les traitements des généraux sont restés les mêmes que sous l’ancien gouvernement ; c’est un erreur. Sous l’ancien gouvernement, les généraux de division avaient un traitement supplémentaire de 300 fl. par mois, ou de 7,600 fr. par an à peu près l’équivalent de l’augmentation proposée. Les généraux de brigade avaient 150 fl. par mois, ou 3,800 fr. par an, et ce chiffre est encore en corrélation avec l’augmentation proposée par M. de Mérode.

Ainsi, actuellement, les généraux de brigade et de division employés à l’armée active n’ont plus les mêmes traitements que sous le gouvernement des Pays-Bas.

Il y a un autre fait que j’ai déjà rectifié dans une autre circonstance. Les lieutenants et les sous-lieutenants sont les seuls officiers dont les traitements soient restés les mêmes que par le passé. Les diminutions n’ont commencé que sur les traitements des capitaines, et se sont étendues sur les traitements de tous les officiers supérieurs.

M. de Puydt. - Comme il s’agit de chiffres et que le plus ou le moins peut déterminer les votes, je tiens à expliquer les choses clairement. J’avoue que c’est un peu ma faute si l’on se trompe sur la portée du chiffre de mon amendement. J’ai voulu dire : « Indemnité aux officiers-généraux et chefs de corps. » Mon but était de remplacer un des numéros de l’article premier du chap. Il du budget où il est porté un crédit de 30,600 fr. sous le titre d’indemnités aux généraux, par mon article montant à 63,600 fr, ainsi il n’en résulte qu une augmentation de 33,000 fr.

L’honorable M. Dumortier se trompe aussi en faisant l’énumération des différentes sommes qui composent les traitements des généraux : il y comprend des allocations pour les fourrages ; mais les fourrages ne sont pas un traitement ou un avantage ; ils sont une charge pour les officiers-généraux comme pour les officiers d’autres grades qui en reçoivent. Les officiers auxquels on donne des fourrages sont obligés d’avoir des chevaux, et ce n’est pas là un bénéfice. Pour acheter des chevaux, il faut avoir de l’argent, et au bout de cinq à six ans les chevaux sont usés, et il faut un nouveau capital pour les remplacer. Parmi les officiers qui sont sous mes ordres, il y en a trois, lieutenants et sous-lieutenants, qui ont perdu successivement, l’un quatre chevaux, un autre deux, un troisième un, c’est-à-dire environ 7,000 fr. à eux trois, en portant chaque cheval à 1,000 fr. C’et là une perte considérable pour des lieutenants et des sous-lieutenants.

En Belgique il n’existe dans les règlements aucune indemnité pour des semblables pertes, tandis qu’en France, il y a une indemnité pour les chevaux morts et pertes d’effets.

On a demandé pourquoi je n’avais pas proposé mes amendements à la section centrale ; je dirai d’abord que c’est parce que je n’y ai pas pensé ; ensuite, quand j’ai voté à la section centrale, c’est en me réservant la faculté de présenter des amendements. C’est le droit de tous les membres de cette assemblée.

Quant à l’insinuation qui a été faite, que le gouvernement, s’abstenant de présenter lui-même des amendements, inspirait à d’autres l’idée de le faire, je n’y répondrai pas parce que c’est un fait personnel, qui ne me paraît pas assez clairement énoncé, et qu’il me répugne de m’occuper ici de faits personnels.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - M. de Puydt vient de reconnaître que son amendement n’était pas convenablement rédigé. Je pense qu’il contient encore un autre vice que celui de rédaction, en confondant les généraux avec les colonels. Les traitements des colonels ne se trouvent pas dans l’article où M. de Puydt voudrait comprendre toutes les indemnités ; ces traitements sont respectivement portés dans les régiments et non dans l’article des états-majors généraux. Lorsqu’on en viendra à l’examen de l’indemnité à donner aux colonels, il faudra la placer plus loin dans une section du budget que l’on abordera ultérieurement.

Je trouve qu’il est important, messieurs, de vous indiquer les différents chiffres de l’article en discussion tels qu’ils ont été présentés, pour ne pas leur attribuer une application différente de celle qu’ils doivent avoir ; c’est, me semble-t-il, le moyen de bien faire apprécier l’objet en délibération.

Le chiffre primitivement demandé pour la solde de l’état-major général était de 718,084 fr., c’est-à-dire 73,620 fr. de plus qu’en 1830, augmentation qui a été suffisamment expliquée ; sur ce chiffre de 718,084 fr. il a été demandé depuis une augmentation de 29,623 fr. 87 c., justifiée par la nécessité d’augmenter de trois le nombre des généraux. La demande actuelle du gouvernement est donc de 747,708 fr. Sur cette somme, M. le ministre de la guerre se propose de donner à trois généraux de division une indemnité individuelle de 3,000 fr., et à 12 généraux de brigade une indemnité de 1,800 fr., ce qui fait en tout 30,600 fr. M. de Puydt propose de donner l’indemnité de 3.000 fr. à 5 généraux de division, c’est-à-dire d’augmenter de 6,000 fr. le chiffre de l’indemnité des généraux de division ; ici l’honorable M. de Puydt donnera sans doute une explication pour faire connaître à la chambre à quels généraux de division il entend que ces 6,000 fr. soient appliqués.

L’honorable M. de Mérode propose de porter à 51,000 fr. l’indemnité des généraux ; il faudrait savoir s’il comprend dans son amendement les 30,600 fr. que demande M. le ministre de la guerre, ou si sa proposition est indépendante de cette somme de 30,600 fr.

M. F. de Mérode. - Mon amendement est indépendant de ces 30,600 fr.

M. le président. - On a demandé le renvoi des différents amendements à la section centrale.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Si l’on veut renvoyer ces différentes propositions à la section centrale, le gouvernement n’y verra aucun inconvénient ; on pourrait alors passer aux articles suivants, et de cette manière la discussion ne serait pas retardée.

M. Dumortier. - L’honorable ministre de la guerre, messieurs, a avancé un fait inexact, lorsqu’il a dit que les traitements sont plus élevés en Hollande qu’en Belgique, car il a avoué lui-même qu’ils sont les mêmes dans les deux pays. Il ne fait pas confondre les frais de représentation avec les traitements ; vous pourrez examiner la question de savoir s’il faut accorder une indemnité de représentation mais il ne s’agit pas de cela en ce moment ; il s’agit actuellement d’une augmentation de solde, ce qui est tout autre chose. Il ne faut donc pas, parce que les généraux hollandais reçoivent une indemnité de représentation, prétendre que leur traitement est plus élevé que celui des généraux belges.

Quant à ce qu’à dit l’honorable comte de Mérode, qu’il est meilleur Belge que moi, je ne répondrai pas à cette assertion ; c’est au pays à juger qui de nous deux défend le mieux les intérêts de la Belgique : que le pays nous juge ; au jour du danger il pourra nous juger encore.

M. Dubus (aîné). - Je ne m’oppose pas, messieurs, au renvoi à la section centrale de l’amendement de M. de Puydt, mais je ne pense pas que la chambre puisse renvoyer à la section centrale une proposition conçue comme celle de l’honorable ministre d’Etat, comme de Mérode. J’invite beaucoup cet honorable membre à retirer quant à présent son amendement, ou à le modifier en lui donnant une forme telle que la chambre puisse en ordonner le renvoi. Qu’il propose une augmentation au chiffre demandé par le gouvernement, et la section centrale pourra examiner une pareille proposition ; mais il n’en est pas de même d’un amendement qui autorise le ministre de la guerre à exécuter dans notre pays des lois ou règlements français. Je crois, messieurs, que si la chambre votait une semblable proposition, elle se déconsidérerait dans l’opinion publique ; elle ne peut faire autre chose que de repousser cette proposition par la question préalable. Si donc l’amendement de M. de Mérode n’est pas modifié, je demanderai la question préalable et l’appel nominal sur la question préalable.

M. F. de Mérode. - J’ai déjà dit, messieurs, que je ne tiens pas du tout à la forme de mon amendement. Mon honorable contradicteur s’est beaucoup formalisé des termes que j’ai employés ; je me suis servi, messieurs, d’un point de comparaison extrêmement simple ; tout le monde sait que nos rapports avec la France ont été jusqu’à présent très intimes, et l’on doit convenir que nous ne nous en sommes pas mal trouvés ; mais, puisque la forme de mon amendement choque si vivement M. Dubus, je le mettrai en harmonie avec les susceptibilités de l’honorable membre.

M. le président fait remarquer que l’amendement pourrait être rédigé dans le sens qu’il se bornerait à augmenter de 51,000 francs le crédit dont il s’agit.

M. Rogier. - C’est dans ce sens que j’ai toujours compris l’amendement de l’honorable M. de Mérode ; je ne pense pas que l’intention de l’honorable membre ait été de faire passer dans la loi la proposition telle qu’elle est rédigée.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, l’honorable comte de Mérode appelle susceptibilité le sentiment qui a dicté les observations que j’ai faites tout à l’heure ; cette susceptibilité est toute naturelle ; l’honorable membre n’aurait pas dû perdre de vue que les ennemis de notre indépendance, quand ils calomnient la Belgique, la représentent comme une préfecture française ; il n’aurait pas dû non plus perdre de vue l’appui que donnerait à une semblable calomnie le simple renvoi à la section centrale d’un article rédigé comme la proposition qu’il nous a soumise.

M. de Puydt. - Je ne m’oppose pas au renvoi à la section centrale de la partie de mon amendement qui est relative à l’indemnité à accorder aux deux généraux de division qui pourraient être nommés plus tard ; mais la chambre pourrait statuer immédiatement sur ce qui concerne les généraux qui sont actuellement en service.

M. Gendebien. - Sans rien préjuger sur aucune des propositions, je demande qu’on les renvoie toutes deux à la section centrale ; car s’il s’agissait d’allouer des frais de table aux généraux, sans les allouer également aux colonels, je n’adopterais pas la proposition. Je considère l’indemnité, dans le but qu’on se propose, comme plus nécessaire aux colonels qu’aux généraux, et sans entendre rien préjuger sur l’ensemble, je déclare que je ne voterai pas l’un sans l’autre.

Il me semble d’ailleurs, messieurs, que d’après les équivoques qui ont été élevées de part et d’autre, il est indispensable que la section centrale régularise la chose de manière que nous sachions positivement ce que nous voulons faire.

Quant à l’amendement de l’honorable M. de Mérode, l’observation de M. le président ne me satisfait pas ; il ne suffit pas de voter une somme de 51,000 fr. ; il faut qu’on dise article par article quelle est sa destination : je demande donc que M. de Mérode veuille bien formuler convenablement sa proposition, et à cet égard je partage entièrement les honorables susceptibilités de M. Dubus ; je ne saurais pas donner mon assentiment au renvoi de cette proposition à la section centrale à moins qu’elle ne soit autrement rédigée.

M. Pirmez. - Messieurs, il me paraît qu’avant de renvoyer les propositions à la section centrale, il faudrait que le ministre de la guerre s’expliquât sur la nécessité d’adopter ces différentes propositions, car probablement les raisons que M. le ministre donnerait seraient d’un grand poids pour la section centrale.

Je crois qu’en général les propositions d’augmentation de traitement devraient venir de la part du chef de l’administration. Dans la question spéciale qui nous occupe, et dans laquelle sont en cause les chefs de l’armée, qui par leur position peuvent exercer une si grande influence sur le sort de la Belgique, il serait surtout nécessaire que les auteurs des amendements les soumissent au ministre, avant de les présenter à la chambre, on éviterait par là la possibilité d’une discussion fort désagréable entre la chambre et les chefs de corps.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs,- j’ai déjà dit que je n’avais pas l’intention de prendre la parole, aussi longtemps que la discussion ne serait pas à peu près close.

Quant au principe d’indemnité aux généraux il est incontestable que je le partage, puisque j’ai proposé au budget une allocation à cet effet. Je dois déclarer en même temps que l’indemnité, telle que je la propose, me paraît le minimum le plus restreint, et que si je n’avais craint la même opposition que mon prédécesseur a rencontrée les deux années précédentes, j’aurais repris les errements qu’il avait suivis jusque-là.

La première fois que mon prédécesseur a demandé un crédit pour indemnité à accorder aux généraux, il s’est arrêté au taux qui avait été fixé sous l’ancien gouvernement, savoir : à 300 fl. pour les généraux de division, et à 150 fl. pour les généraux de brigade.

Sans la crainte de trouver de l’opposition, je ne serais pas au moins descendu au-dessous du taux que mon prédécesseur avait ensuite proposé, savoir : 500 francs par mois pour les généraux de division et 250 pour les généraux de brigade. Si j’ai proposé un inférieur, c’est, je le répète, l’appréhension seule de ne pas obtenir du succès, en proposant un chiffre plus élevé.

La chambre comprendra d’après cela que je ne puis qu’approuver les amendements qui ont été présentés, et qui rentrent, à peu de choses de près, dans mes intentions primitives.

Je ne sais si j’ai rempli les intentions de l’honorable M. Pirmez en donnant ces explications. J’ajouterai seulement que j’avais l’intention de développer devant la chambre les motifs qui m’ont engagé à demander une allocation pour les indemnités dont il s’agit, et cela d’autant plus que la section centrale avait proposé une réduction qui m’a paru trop forte. Si je ne suis pas entré dans ces développements, c’est que les motifs qui militent en faveur de l’allocation m’ont semblé avoir été parfaitement exposés par les honorables MM. de Mérode et Rogier, dont le premier, si je ne me trompe, a envisagé surtout l’intérêt particulier des généraux, et dont le second a considéré l’intérêt public.

En effet, l’honorable M. Rogier pense qu’une indemnité doit être accordée aux généraux, afin de les mettre dans la possibilité, sans nuire trop à leurs intérêts, de voir aussi souvent que possible tous les officiers qui doivent servir sous leurs ordres, et par conséquent de prendre sur eux toute l’influence nécessaire pour propager dans l’armée le bon esprit dont elle doit être animée.

M. F. de Mérode. - Comme les généraux de division sont dans une position pécuniaire plus favorable que les généraux de brigade, je déclare ne tenir particulièrement à mon amendement qu’en ce qui concerne ces derniers. Quant aux généraux de division, la chambre apportera dans l’amendement telle modification qu’elle jugera convenable.

M. Verdussen. - Messieurs, je regrette que l’honorable M. Pirmez ait provoqué des explications de M. le ministre de la guerre, explications dont nous pouvions pressentir le sens, car quel chef d’administration refuserait une allocation plus forte qui doit le mettre à même de répartir une plus grande masse de bienfaits entre ses subordonnés ?

Je le regrette d’autant plus que si les amendements avaient été renvoyés à la section centrale, avant les explications de M. le ministre de la guerre, la section centrale aurait été pénétrée d’une vérité que nous devons reconnaître tous : c’est que la loyauté de M. le ministre de la guerre n’a pas dû l’empêcher de demander à la législature les sommes nécessaires pour le service.

Or, sil a cru que la somme nécessaire pour les indemnités à allouer aux généraux ne devait pas dépasser 3,000 francs, il me semble que la section centrale aurait pu repousser victorieusement toutes les demandes d’augmentation qui n’étaient pas faites par le chef de l’administration.

L’interpellation de l’honorable M. Pirmez a rendu actuellement indispensables les explications de M. le ministre de la guerre, qui a déclaré approuver les amendements et a même lâché l’aveu que s’il n’a pas demandé le chiffre nécessaire, c’était dans la seule crainte de le voir repoussé par la chambre. D’après cela, M. le ministre aurait donc pu proposer une somme insuffisante. Quant à moi, je ne puis admettre de semblables suppositions, et j’espère que la section centrale en fera justice.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je ferai observer à l’honorable préopinant qu’il ne serait résulté aucune entrave à la marche du service, de ce que la somme proposée pour indemnités aux généraux eût été plus ou moins forte. Le seul mal qui pouvait résulter d’une allocation trop faible, c’est que les généraux n’auraient pas pu avoir sur les officiers placés sur leurs ordres toute l’influence salutaire pour les régiments et le maintien de l’esprit militaire que je désire qu ils exercent. Ce mal, je le regarde comme très réel, mais il n’implique pas de responsabilité.

M. Pirmez. - Je suis étonné que l’honorable M. Verdussen ait trouvé des inconvénients à la demande d’explications que j’ai faites à M. le ministre de la guerre. Mais, messieurs, cette demande me paraît toute rationnelle dans le cas actuel. Des membres de cette chambre demandent des augmentations de traitement pour un service ; il est naturel qu’on s’adresse au chef de l’administration pour savoir si ces augmentations sont nécessaires, et à quel titre elles le sont. D’ailleurs, que M. Verdussen se rassure, la demande que j’ai faite et les explications de M. le ministre ne préjugent rien.

- Le renvoi des deux amendements à la section centrale est mis au voix et adopté.

Article 2

« Art. 2. Etat-major de place : fr. 270,889 20 c. »

M. Gendebien. - L’année dernière, la section centrale chargée de l’examen du budget de la guerre avait consenti à une indemnité de représentation en faveur de l’honorable général commandant la résidence, c’est-à-dire la ville de Bruxelles, mais à cette condition que l’on supprimerait un autre commandant de la place de Bruxelles qui se trouve avoir les mêmes fonctions à remplir. Loin de moi la pensée de causer la moindre peine, où le moindre préjudice à l’honorable colonel qui commande à Bruxelles ; mais je dois en conscience, et en acquit de mes devoirs, renouveler l’observation qui a été faite à la section centrale l’an dernier. M. le ministre de la guerre Evain, qui assistait aux délibérations de la section centrale, avait formellement promis de faire cesser ce double emploi, dont il a reconnu la suppression possible.

Il est d’autres places qui, sans avoir à la vérité les mêmes agréments que Bruxelles, sont plus importantes en raison de leur position. Par exemple, Anvers et Gand et même Liége ont, sous le rapport militaire, une bien autre importance que Bruxelles.

Ainsi, en proposant d’éloigner de la place de Bruxelles l’honorable colonel qui la commande, je ne lui porte pas préjudice, je parle au contraire en sa faveur ; car je crois fournir l’occasion de lui donner une position plus honorable. En effet, si une position militaire n’est bonne et honorable qu’en raison de son importance et des dangers et des difficultés qu’elle présente, toutes les places rapprochées de l’ennemi doivent être recherchées de préférence par les commandants de cette catégorie.

Je voudrais dont que, par motifs d’économie qui ne peuvent être contestés, on fît cette suppression qui avait été promise par le prédécesseur du ministre actuel de la guerre.

Je crois que le commandement de la place d’Anvers est vacant. Ne pourrait-on pas y nommer l’honorable colonel qui commande à Bruxelles ?

M. Rogier. - Non. Le colonel Brialmont a été nommé au commandement de la place d’Anvers.

M. Gendebien. - C’est différent. Je félicite le gouvernement d’avoir confié le commandement d’Anvers au brave commandant de Venloo ; il est digne de cette marque de confiance. Je désire qu’il se présente une occasion de placer autrement le colonel commandant la place de Bruxelles, car le général Buzen suffit aux besoins du commandement de la place et du commandement de la résidence, qui sont pour moi une même chose.

A moins que M. le ministre de la guerre ne justifie ce double emploi, je le considère comme une superfétation à supprimer, et j’espère qu’il fera cette économie.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Dans le système de l’honorable M. Gendebien il y aurait double emploi entre les fonctions de gouverneur militaire de la résidence et celles de commandant de place. Je crois que si le gouverneur de la résidence devait faire fonctions de commandant de place, comme il aurait une nouvelle branche de service dans ses attributions, il faudrait un major de place de plus ; et par conséquent il y aurait augmentation de dépense. Mais je dois faire remarquer à la chambre qu’il y a dans chaque chef-lieu de province deux autorités militaires : le commandant militaire de la province et le commandant de place. Il y a 2 ans, lorsqu’on fit l’observation qu’il y avait double emploi à Bruxelles, il fut convenu que les fonctions de commandant militaire de la province seraient réunies à celles de gouverneur de la résidence ; c’est ce qui a eu lieu. Le général Buzen n’est pas seulement commandant militaire de la résidence ; il est aussi commandant militaire de la province du Brabant. S’il était commandant de la place de Bruxelles, il faudrait qu’il y eût un autre général qui commandât la province ; on ne peut en effet cumuler les fonctions de commandant de province et de commandant de place ; car celui-ci se trouve placé sous les ordres du premier. Il ne s’agit donc plus que d’une simple convenance de service. Faut-il retirer au général Buzen le commandement de la province pour lui donner le commandement de la place ? Ou faut-il lui laisser les fonctions de commandant militaire de la province, les fonctions du commandant de place étant remplies par une autre personne ? Dans tous les cas il n’y a pas de surcroît de dépense. Il n’y a pas en fonctions 3 personnes au lieu de 2.

M. Gendebien. - Lorsqu’on s’est occupé en section centrale de cette question, la section avait été plus loin. Elle avait proposé pour Anvers et Gand de réunir les fonctions de commandant de la province à celles de commandant du chef-lieu. Mais sur les observations du ministre de la guerre, renouvelées par le ministre actuel, la section centrale a compris qu’il était difficile de faire cumuler les fonctions de commandant de la province et de commandant du chef-lieu par un seul officier, mais par la seule raison qui s’agit des places à la portée de l’ennemi ; car il pourrait arriver que ces places fussent, dans un moment de crise, sans commandant, st le commandant devait se porter hors de la place, Mais le ministre de la guerre a reconnu que pour Bruxelles il n’en était pas aussi ; et que là ce cumul pouvait se faire sans inconvénient.

Je ne sais pas pourquoi un major de place ne pourrait pas prendre les ordres du général Buzen aussi bien qu’un commandant de place. Je ne comprends pas ce que fait ici la différence de grade et de traitement. L’un et l’autre sont subordonnés au général commandant la province. Il ne peut y avoir de différence qu’au budget ; or, si je suis décidé à l’augmenter pour le nécessaire, j’ai droit de demander qu’il sois dégagé de tout superflu.

Maintenant quelles sont les raisons pour ne pas réunir les fonctions de commandant du Brabant et de commandant de la place de Bruxelles ? je l’ignore ; je ne crois pas que Bruxelles soit jamais dans une position telle que l’absence très rare du commandant en chef de la place puisse porter préjudice au service. Je crois donc que les raisons données par le ministre de la guerre sont bonnes pour les places de Gand, Anvers et même de Liége. Mais je ne pense pas qu’il y ait lieu de les admettre pour Bruxelles.

Je persiste à croire qu’il y a ici une économie à faire, et je la recommande à l’attention du ministre.

Quant à moi, j’ai fait mon devoir en soutenant la décision prise par la section centrale dont j’avais l’honneur de faire partie. Que chacun fasse le sien !

- L’article 2 est mis aux voix et adopté.

Articles 3 à 5

« Art. 3. Intendance : fr. 144,046 40 c. »

- Adopté.


« Art. 4. Etat-major particulier de l’artillerie : fr. 233,289 73 c. »

- Adopté.


« Art. 5. Etat-major particulier du génie : fr. 263,280 73 c.

- Adopté.

Section 2. Solde des troupes
Article premier

« Art. 1er. Infanterie : fr. 11,522,653 89 c. »

La section centrale propose une réduction de 400,000 fr.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, la section centrale vient, pour la première fois vous proposer de ne plus accorder les fonds pour la solde des cadres d’après les arrêtés de formation et d’organisation, mais seulement d’après l’effectif réel, c’est-à-dire de prendre une résolution qui, pour toute l’armée, équivaudrait à une déclaration qui serait à peu près conçue en ces termes :

« Quoique, par le travail même auquel la section centrale s’est livrée, il soit établi que les cadres sont tout à fait incomplets ; quoique les cadres, même complets, seraient en eux-mêmes faibles pour recevoir une armée de 110,000 hommes, quoiqu’il nous soit également bien démontré que le gouvernement, qui avait jusqu’ici toute latitude pour les remplir, a usé dans les promotions de la plus grande prudence et de la plus grande modération, nous déclarons que, sauf les cas de décès, 5 seulement des emplois vacants sera rempli en 1837. »

Si vous voulez, messieurs, adopter cet amendement, je n’en partagerai pas la responsabilité avec vous ; car je déclare que je le repousse de tout mon pouvoir, et j’ajouterai que je ne serais probablement pas ici à défendre le budget de la guerre, comme ministre, si j’avais pu m’attendre à voir une telle innovation consacrer mon entrée au ministère, et former ainsi un contraste avec l’indulgence bienveillante dont la chambre et plusieurs membres ont bien voulu, et je leur en exprime ici ma reconnaissance, me donner des témoignages.

L’amendement de la section centrale sera envisagé comme la cessation subite de tout avancement : les sous-officiers croiront voir l’arrivée au grade d’officier fermée pour eux, et redoublement d’empressement à quitter le service.

L’émulation ira en décroissant dans tous les degrés de la hiérarchie, et avec elle l’esprit militaire.

L’esprit militaire, l’âme de l’armée, c’est ce que des nations telles que la nôtre, où il rencontre le plus d’obstacles à son développement, doivent le plus s’attacher à cultiver, à exalter même ; et c’est ce que l’on tue, c’est ce que l’on étouffe par l’application d’un système d’économies plus apparentes que réelles.

Je dois le dire, l’une des causes de l’état incomplet des cadres me paraît exister dans l’influence que l’esprit d’économie de la chambre exerce, et les plaintes qui ont été faites souvent sur les promotions. Le ministre redoute d’en faire, et c’est ainsi que, d’année en année, les cadres s’appauvrissent.

Ceci messieurs, est une opinion que j’énonce plutôt qu’un fait que j’affirme, d’après les impressions que m’ont laissées des discussions auxquelles je n’ai assisté que de loin, et leur retentissement au dehors.

Quoi qu’il en soit, c’est dans les cadres surtout que doit régner l’esprit militaire, ce feu sacré qui se communique aux masses et peut suppléer en elles à l’intelligence et à l’instruction. Ce sont les cadres qui, par là, s’ils sont bons, vous permettront de réduire au taux le plus bas votre effectif en hommes, et qui sont par conséquent le moyen le plus sûr de la plus grande économie. Même l’esprit d’économie bien entendue doit donc vous porter à faire des sacrifices pour vos cadres, bien loin d’y laisser pénétrer ou grossir le dégoût en laissant trop affaiblir l’espoir de mieux être par l’avenir.

On vous a dit, messieurs, que c’est dans les cadres des sous-officiers surtout que consiste la force réelle des corps de troupes. Certes, une telle assertion ne sera pas admise par les hommes qui ont l’expérience de la guerre. Ceux-là savent que dans les circonstances importantes, la plus forte influence, la plus efficace, est celle des officiers de tous les grades.

Ce n’est pas qu’à mon tour je veuille contester l’importance des bons cadres de sous-officiers ; c’est pour l’instruction des hommes, pour les former aux habitudes militaires, que les bons sous-officiers sont indispensables ; ils le sont surtout dans une organisation militaire telle que la nôtre, et dans les circonstances où nous nous trouvons. Ils sont encore notre véritable pépinière d’officiers.

Aussi mon plus grand mobile, en m’élevant avec toute la force dont je suis capable contre l’amendement qu’on vous propose, est-il l’intérêt du cadre des sous-officiers. Je désire qu’un avenir brillant, si possible, reste ouvert devant ce cadre afin que lui-même, il puisse être rempli et convenablement rempli.

Qu’on commence donc, nous dit-on, par compléter les cadres des sous-officiers et caporaux. Mais pense-t-on que qui que ce fût au monde pût avoir intérêt à en agir autrement ? Vous qui nous donnez la leçon, donnez-nous aussi les moyens de la suivre.

Les écoles régimentaires existent, et quoiqu’elles puissent être susceptibles de perfectionnements, elles le sont cependant aussi de rendre des services.

Mais par qui voulez-vous que ces écoles soient suivies ? par les simples soldats ? Nous avons à peine ceux qui sont nécessaires pour garder les propriétés de l’Etat et faire le service le plus rigoureusement nécessaire. Où prendront-ils le temps de suivre avec fruit les leçons ? Par les sous-officiers ? mais vous ne reprochez de n’en pas compléter les cadres, c’est-à-dire de ne pas en avoir assez. N’y a-t-il pas ici un véritable cercle vicieux ?

Supposez toutefois que vos sous-officiers puisent dans les écoles régimentaires l’instruction qui leur serait nécessaire, mais qui leur serait utile aussi dans beaucoup d’autres situations de la vie ; savez-vous, messieurs, ce qui arrivera ? Comme la perspective de l’avancement leur paraîtra fermée, ils s’occuperont à l’avance de ces situations diverses dans lesquelles l’instruction est utile, et lorsque le terme de leur service obligé sera venu, ils quitteront les drapeaux pour chercher ailleurs une rémunération plus utile de leurs travaux. .

M. le rapporteur ajoute : « Qu’on complète successivement, et d’année en année les cadres d’officiers en faisant un choix dans les sous-officiers les plus capables. » Mais je me permettrai de lui demander si l’on a fait autre chose jusqu’à ce jour ? Plus de la moitié des officiers de l’armée a été, depuis 1830, tirée des cadres des sous-officiers ; mais c’est par la prudence, la réserve dans les choix, qui peut-être a été portée trop loin (je suis obligé de le croire puisqu’elle sert de prétexte à l’amendement), qu’on a procuré à la section centrale le mérite de cet amendement.

Pour moi, messieurs, quoique je sente vivement tout ce qu’il a d’impolitique et de fâcheux, je suis disposé à le laisse se reproduire au prochain budget, en supposant que mes efforts viennent à le faire rejeter maintenant, car je n’ai pas l’intention de faire des promotions sans discernement. Mais je veux que l’espoir le plus étendu d’obtenir de l’avancement puisse animer à bien faire tous ceux qui en sont capables, dans tous les degrés de l’échelle militaire. Je veux que le découragement ne descende à aucun degré ; mais je saurai contenir les ambitions non motivées avec autant de fermeté que j’en mets à combattre un amendement qui ne me semble propre qu’à amortir les ambitions fondées, celles qui pourront être heureuses pour le pays lui-même.

M. Desmaisières, rapporteur. - L’honorable ministre de la guerre a commencé par dire que c’était pour la première fois qu’on proposait une diminution au chapitre de la solde des troupes d’infanterie, en raison de la diminution des cadres. Mais j’ai déjà dit hier qu’au budget de 1835, sur la proposition de l’honorable rapporteur de la section centrale d’alors, dont je faisais aussi partie, la section centrale proposa à la chambre une diminution du chiffre. Le ministre de la guerre s’opposa à cette, réduction, mais faiblement, je dois le dire. Le rapporteur défendit la proposition qu’il avait déjà défendue en section centrale, et la chambre admit la proposition de celle-ci. Ce n’est donc pas la première fois que l’on réduit de ce chef le chiffre du budget. Mais, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire hier, la section centrale du budget de 1835 proposa 150,000 fr. en sus du chiffre nécessaire pour la solde de l’effectif des officiers de l’armée. Ces 150,000 fr. n’ont pas même été employés ; car les cadres des officiers d’infanterie sont encore moins complets qu’ils ne l’étaient alors.

M. le ministre de la guerre a répété ce qu’avait déjà dit avant lui un honorable général, qui fait aussi partie de cette assemblée, lorsqu’il a dit que si l’on ne donnait pas aux sous-officiers la perspective de l’avancement, tous viendraient à quitter. Mais que sera devenue cette perspective lorsque vous aurez rempli tous les cadres ? Et je demanderai à M. le ministre de la guerre s’il se croit en état de compléter, avant la fin de l’année, tous les cadres des officiers d’infanterie.

Oui, il faut placer en perspective, vis-à-vis des sous-officiers, qu’ils pourront gagner l’épaulette. Mais il faut aussi leur faire entendre que ce sera surtout par leur mérite qu’ils la gagneront.

J’ai dit dans le rapport de la section centrale que c’était surtout dans les cadres des sous-officiers que consiste la force des corps. Je n’ai pas dit tout simplement que la force des corps consiste dans les cadres des sous-officiers, j’ai dit qu’elle consiste surtout dans ces cadres ; et je crois qu’à cet égard je ne serai démenti par personne ; car, si les officiers, ont de l’influence sur les soldats, les sous-officiers en ont bien davantage. Les officiers ne sont pas toujours avec le soldat. Les sous-officiers et caporaux y sont toujours, ils ont des relations continuelles et de chaque minute avec le soldat.

Pourquoi ne suivrait-on pas à l’égard des cadres d’infanterie les mêmes principes que l’on a mis en action à l’égard des cadres du génie et de l’artillerie ? Ici le ministre lui-même ne nous propose pas au budget le complément des cadres. Le chiffre qu’il propose n’atteint jamais la fixation des cadres.

J’ai voulu, par suite des nouvelles propositions faites par le ministre de la guerre pour la nomination des officiers à placer dans les régiments de réserve, me mettre d’accord avec lui sur la fixation réelle du chiffre de l’incomplet. Il est résulté que nous sommes d’accord en ce que la totalité de la solde jugée nécessaire pour les cadres des officiers d’infanterie (en y comprenant le traitement de 6 capitaines, 6 lieutenants et 12 sous-lieutenants, omis par erreur dans les tableaux annexés au budget et dans les demandes supplémentaires, et aussi les nouveaux officiers de la réserve pour lesquels il est demandé un crédit dans les amendements présentés par le ministre de la guerre) est de 4,044,256 fr. 92 c., et la somme nécessaire pour l’effectif, 3,565,893 fr. 42 c.

C’est-à-dire qu’on demande en plus que ne comporte l’effectif actuel (en y ajoutant les 24 officiers omis au budget dont je viens de parler et les nouveaux officiers de la réserve) une somme de 480,000 fr.

Maintenant, certainement, il n’est personne ici qui ne désire que le cadre de l’infanterie ne soit complété le plus tôt possible. Mais je crois, et M. le ministre de la guerre aura la franchise d’en convenir, qu’il ne serait pas possible, dans la première année, de compléter entièrement tous les cadres ; or, pour que l’on admît les chiffres proposés, il faudrait que toutes les nominations eussent lieu d’ici avant la fin de l’année ; que dis-je ? il faudrait qu’elles eussent lieu avant le 1er avril prochain ; encore faudrait-il déduire 120,000 francs pour le trimestre qui serait écoulé.

Quant à moi personnellement, je ne vois aucune difficulté à allouer la somme nécessaire pour compléter tout à fait les cadres des officiers d’infanterie, parce que, plus que personne, je suis bien convaincu que ce serait fort utile. Mais encore une fois, je vois l’impossibilité de le faire.

Ensuite, j’ai une observation à faire, c’est que le chiffre pour la solde de l’infanterie se trouve libellé au budget en masse pour les officiers, les sous-officiers, les caporaux et les soldats, et, que dans le libellé on ne distingue ni les grades, ni les divers traitements qui y sont attachés, ni le nombre de chacun d’eux.

Nous avons vu que toujours, excepté en 1835, nous avons alloué au budget la solde pour des cadres entièrement complets ; ces cadres n’ont jamais été complétés et cependant on a dépensé les sommes allouées. Il est donc naturel que nous soyons en défiance et que nous cherchions à n’accorder que ce qui est strictement nécessaire.

Je ne suis point l’auteur de l’amendement de la section centrale, mais j’y ai donné mon assentiment parce que j’ai été frappé des inconvénients que l’on a signalés ; et encore une fois, si l’on veut libeller au budget la solde des officiers séparément de celle des sous-officiers, caporaux et soldats, si l’on veut faire une distinction des grades, des traitements et de leur nombre, je suis prêt, quant à moi, personnellement, à voter la somme nécessaire aux cadres complets, sauf la déduction du premier trimestre de l’année ; car je ne crois pas qu’il soit possible de se refuser à une pareille réduction, et je sais d’ailleurs que M. le ministre ne s’y refusera pas.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - L’honorable rapporteur a dit que déjà il avait été opéré une réduction sur l’article « solde de l’infanterie, » et cela sur l’exercice de 1835. J’avoue que je n’ai pas vérifié la chose. Lorsque l’on a parlé de cette réduction dans la section centrale, j’ai dit que je croyais que c’était la première fois qu’elle était proposée, et je ne me suis récrié sur ce qu’on me traitait plus mal qu’on n’avait traité les précédents ministres de la guerre. Comme on ne fit alors aucune objection, j’avoue que je n’ai pas cherché plus loin.

Je crois que le danger que j’ai signalé de voir nos sous-officiers quitter le service à défaut d’avancement est réel. La plupart des orateurs qui ont pris part à la discussion l’ont reconnu. Je puis dire qu’il résulte de tous les rapports que j’ai reçus depuis que je suis au ministère de la guerre. Je crois donc qu’il ne faut ôter aucun espoir d’avancement. Il faut songer que le soldat ne raisonnera pas comme la chambre et comme la section centrale. Il ne verra pas qu’il y aura néanmoins de l’avancement à donner. Il lui suffira, de voir qu’il y a moins d’avancement possible pour qu’il cherche ailleurs.

C’est pour cela que je crois devoir repousser la réduction proposée. Il n’y aurait aucun inconvénient à admettre le chiffre proposé par le gouvernement ; tout ce qui pourrait en résulter, c’est qu’il resterait une somme disponible, somme qui en tout cas ne saurait être considérable ; car je me suis convaincu qu’il était possible de nommer un nombre de sous-lieutenants plus grand que je ne l’avais indiqué. C’est ce grade qui doit être rempli par les sous-officiers.

Je n’ai pas demandé une nouvelle augmentation d’officiers pour la ligne.

Pour la réserve j’ai demandé une augmentation au budget primitif. Mais, par l’investigation que nous avons faite de concert avec l’honorable rapporteur, ayant reconnu que nos chiffres ne s’accordaient pas, nous avons cherché d’où provenait cette différence, et nous avons reconnu qu’un certain nombre d’officiers d’infanterie avait été omis. Cette erreur n’aurait pas été rectifiée, n’aurait pas même été aperçue sans les investigations approfondies auxquelles nous nous sommes livrés.

Quant à la réduction de 120,000 fr. l’honorable rapporteur peut attester que je l’avais offerte ; en effet, j’ai un amendement préparé en ce sens. Puisque trois mois seront écoulés quand le budget sera adopté, il faut bien déduire le montant de la dépense pendant un trimestre.

L’assertion de l’honorable rapporteur que l’influence des sous-officiers est plus grande que celle des officiers, ne peut, je crois, être admise. Sur le pied de guerre ou de rassemblement la différence est immense.

Jusqu’à présent les budgets ont toujours compris tout ce qui regarde la solde de l’infanterie, officiers, sous-officiers, caporaux et soldats ; et si les nominations n’ont pas été toutes faites, c’est que les différents budgets n’ont pas porté ce qui était relatif à l’organisation complète, et qu’ils ne portaient seulement que quelque chose au-dessus de l’effectif. Quoi qu’il en soit, je dois insister dans le cas où l’honorable rapporteur refuserait encore de se prononcer sur la conservation du chiffre des régiments de réserve.

M. Desmaisières, rapporteur. - La section centrale s’est partagée relativement aux officiers des régiments de réserve ; mais quant au chiffre des régiments, elle l’a accordé.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je suis obligé de maintenir ma proposition primitive. Tous les orateurs ont fait sentir l’importance de la réserve ; ils ont manifesté la crainte qu’on ne puisse l’organiser complètement ; or, cette crainte ne repose que sur la difficulté de composer les cadres. Il faut donc augmenter ceux que nous avons, pour que les vides ne soient pas aussi grands quand on y prendra de quoi opérer un commencement d’organisation dans la réserve. Il faudrait, par exemple, qu’on pût détacher un officier de ligne pour deux compagnies de la réserve. Mais je voudrais que les états-majors fussent formés de manière qu’on ne prît dans la ligne des chefs de bataillon pour commander les dix régiments de la réserve.

M. le président. - Quelle réduction propose-t-on pour le commencement de l’exercice ?

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Une réduction de 120,000 francs.

M. le président. - Cela réduit le chiffre à 11,402,653 fr. 89 c.

M. de Puydt. - Quand on examina le budget de la guerre pour 1835, le rapporteur de la section centrale fut invité à s’entendre avec le ministre de la guerre sur diverses questions. C’est en quelque sorte du consentement du ministre qu’une réduction de 250,000 fr. fut opérée sur la solde de l’infanterie à raison de l’incomplet des cadres ; et il y avait encore, malgré cette réduction, un excédant suffisant pour faire un grand nombre de promotions dans le courant de l’année. Je n’examine pas si le ministre a fait ou non les promotions ; mais je dois faire remarquer que lorsqu’on est arrivé au budget de 1836, il n’a plus été proposé de réduction, et qu’on a voté pour le complet des cadres. Je ne pense pas que le ministre de la guerre qui avait, par là, la faculté d’opérer ce complément en ait abusé, puisqu’on s’est plaint de ce qu’il n’avait pas fait assez de nominations, et de ce que les cadres étaient plus insuffisants que jamais. Si on avait abusé du chiffre, on pourrait maintenant concevoir des craintes ; non seulement on n’en a pas trop abusé, mais l’on sent, pour l’avenir, la nécessité de faire des nominations ; ainsi la rédaction est intempestive.

Je ferai remarquer d’ailleurs que, dans la section centrale, cette année, quand nous avons examiné le chapitre de la solde de l’artillerie, nous avons reconnu que les cadres d’officiers de cette arme étaient également incomplets, et l’on avait en conséquence proposé une réduction de 75 :000 fr.

Mais le ministre de la guerre a été consulté sur cet objet, il s’est opposé à la réduction : non pas qu’il crût pouvoir nommer immédiatement à tous les emplois vacants d’officiers d’artillerie, mais parce qu’il ne voulait pas se placer dans une position moins favorable que celle de son prédécesseur ; il a voulu qu’on lui donnât la faculté de récompenser le mérite et de donner de l’avancement s’il était nécessaire ; il a voulu qu’on lui accordât la même confiance qu’on avait accordée au général Evain. La section centrale s’est rendue à ces raisons ; cependant elle sentait fort bien que quand même le ministre de la guerre aurait voulu remplir les cadres de l’artillerie, il ne l’aurait pas pu parce qu’il est plus difficile de faire des officiers d’artillerie que de faire des officiers d’infanterie, et si elle n’a pas, malgré cette conviction, réduit un crédit qu’il serait presque impossible d’employer en entier pendant le courant de l’année, pourquoi insisterait-elle sur une réduction pour l’infanterie, quand non seulement la même impossibilité n’existe pas, mais quand au contraire l’urgence de faire promptement des promotions est reconnue par tout le monde ? D’ailleurs ne serait-ce pas nuire à l’organisation de l’armée que de persister dans une semblable réduction Elle n’est motivée ni par la nécessité, ni par l’exemple des abus du passé, Elle est en opposition avec le vœu exprimé de toutes parts dans la chambre ; le vote du crédit entier est commandé par les convenances, pour ne pas déconsidérer le ministre aux yeux de l’armée dès le début de sa carrière ministérielle ; il est dans l’intérêt du maintien de l’esprit militaire ; car, dût-on ne pas en faire usage, il suffit que ce crédit existe pour servir d’encouragement, pour faire comprendre aux officiers et aux sous-officiers que la voie de l’avancement ne leur est pas fermée.

M. Dumortier. - Je conçois difficilement ce qui a été dit cette séance, que les sommes allouées l’année dernière ont été absorbées, tandis que les cadres n’ont pas été complétés.

Je suis loin de m’opposer à de justes et légitimes promotions ; je désire qu’il s’en fasse. Vous savez que beaucoup d’officiers ont donné leur démission, parce qu’ils ne prévoyaient pas d’avancement ; que beaucoup de sous-officiers ont aussi donné leur démission ; il faut faire cesser ce mal. Si les cadres ne sont pas complets, c’est la faute du ministre ; car il avait toute facilité à cet égard.

On a parlé des officiers des régiments de réserve ; je présenterai à cet égard des observations.

On devait former les réserves avec les officiers de l’ancienne garde civique mobilisée, et le, gouvernement avait pris l’engagement d’opérer ainsi ; or, cette promesse, il ne l’a pas tenue. Cependant plusieurs officiers de la garde civique mobilisée qui avaient rendu de grands services au pays, n’ont pas obtenu d’emploi. Le ministre de la guerre a dit que ces officiers étaient rendus à leurs familles et que le pays pouvait compter sur leur patriotisme ; mais ne serait-il pas trop tard de faire on appel à leur patriotisme quand le danger serait imminent, quand surtout on aurait refusé de leur rentre justice pendant la paix ? Ne pourrait-on pas faire un choix parmi ces officiers par le moyen d’examens ?

J’adresserai maintenant au ministre une autre observation.

Lorsque l’on vota la loi sur l’armée de réserve, on dit aux officiers de cette armée : Vos brevets n’auront de durée que pendant la guerre ; ainsi ils n’ont droit à rien dès que commence la paix ; ils ne peuvent avoir de pensions ; mais tant que nous restons en guerre, ils conservent leurs droits comme les autres officiers.

Cependant j’ai vu plusieurs officiers nommés dans l’armée de réserve, obtenir, pour passer dans l’armée active, un grade inférieur c’est là un arrêt de mort pour un officier ; il ne peut consentir à échanger ses épaulettes de capitaine contre les épaulettes de lieutenant, sans se déshonorer : c’est ainsi que l’on considère les choses dans l’armée. Je ne crois pas que le ministre ait le droit de faire descendre d’un grade des officiers auxquels on a n’a rien à reprocher. Si on les juge capable de remplir un grade inférieur, ils sont par conséquent dignes d’en remplir un supérieur. Il ne faut pas blesser les officiers au coeur.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Messieurs, les faits que vient de signaler l’honorable préopinant sont exacts ; mais il y a cette remarque à faire, c’est que les officiers dont il s’agit n’étaient en possession de leurs grades que jusqu’à la fin de l’état de choses actuel, tandis qu’en entrant dans l’armée de ligne, ils ont acquis le droit de les conserver toujours et d’obtenir une pension lorsqu’ils ne seront plus capables de servir.

J’ai trouvé un antécédent établi lorsque je suis entré au ministère de la guerre ; un grand nombre d’officiers qui n’étaient en possession de leur grade que jusqu’à la fin de la guerre avaient été admis dans l’armée de ligne, et étaient ainsi devenus officiers à vie, sauf les cas de perte des grades ; mais on les a, en général, fait descendre d’un grade, parce qu’on regardait comme une compensation de ce désavantage qu’on leur donnait une position définitive en échange d’une position précaire.

Un honorable préopinant se plaint de ce qu’on n’aurait pas placé de la garde civique dans les régiments de la réserve ; c’est une erreur ; tous les officiers de la garde civique n’ont pas été placés, mais un assez grand nombre l’ont été, et sans aller chercher tous les grades, je ferai remarquer que deux colonels de régiments sont d’anciens officiers de la garde civique : celui qui commande à Anvers et celui qui commande à Liége. Quant aux nominations nouvelles, j’ai l’intention d’en faire, si la chambre accorde l’augmentation que j’ai demandée ; et comme je l’ai déclaré à la section centrale, des officiers de la ligne y seront compris, mais les plus aptes d’entre les officiers de la garde civique le seront également.

M. Goblet. - J’ai demandé la parole, messieurs, pour savoir de M. le ministre de la guerre si la solde de l’infanterie, telle qu’elle est demandée, lui permettra de tenir sous les armes, en avril, mai et juin, un nombre d’hommes exercés assez grand pour pourvoir efficacement aux éventualités possibles.

Je fais cette question, parce que, pendant les mois que je viens de citer, l’armée contiendra 9,000 à 10,000 recrues, dont on ne pourra tirer aucun service actif, et que par conséquent ils ne doivent pas, durant ce laps de temps, être compris dans l’effectif des combattants.

Il me paraît que l’armée, durant ces trois mois, ne serait pas en état de résister à toute attaque inopinée. Si l’on considérait les recrues comme entrant en ligne.

Cette considération et beaucoup d’autres encore me feront voter contre la réduction proposée par la section centrale. D’ailleurs, je trouve beaucoup trop modérée la proposition qu’a faite M. le ministre de ne placer dans les cadres de la réserve qu’un nombre d’officiels tel qu’il n’y en ait qu’un seul pour deux compagnies de 155 hommes et si on accorde toute la somme qui est demandée, on pourra peut-être alors pourvoir plus convenablement à ce service.

M. Desmaisières, rapporteur. - Voici, messieurs, ce qui s’est passé dans la discussion publique du budget de la guerre de 1835. Je vous citerai un passage du discours que prononça alors le ministre de la guerre ; il disait :

« Il m’est donc impossible de consentir à cette réduction, en vous donnant toutefois l’assurance que les fonds qui ne seront pas employés ne pourront avoir aucune autre destination que celle qui lui est assignée. »

Cependant, messieurs, ces fonds doivent avoir eu une autre destination, puisqu’ils ont été dépensés et que des officiers n’ont pas été nommés. M. le ministre de la guerre pourra peut-être nous donner à cet égard une explication ; quant à moi, je vous avoue que j’ai vu quelquefois dans les journaux (mais on voit tant de choses dans les journaux, qu’on ne peut pas légèrement y ajouter foi), que j’ai vu dis-je, dans les journaux qu’il avait été accordé à certains officiers des gratifications et suppléments de solde qui avaient été refusés à d’autres ; est-ce peut-être en partie à ces gratifications qu’ont été employées les sommes qui devaient être employées à nommer des officiers ?

Nous ne prétendons pas, comme parait le croire un honorable préopinant, qu’on ait abusé de la faculté de nommer des officiers ; nous prétendons, au contraire, qu’on n’a pas usé de cette faculté quoiqu’on eût demandé un crédit ; et que cependant la somme allouée a été dépensée, voilà ce que nous prétendons.

Je le répète, messieurs, je ne suis point l’auteur de la proposition de la section centrale, mais je l’ai adoptée parce que j’étais réellement frappé de ce que chaque année nous accordons les sommes nécessaires pour compléter les cadres et que ces cadres ne sont jamais complétés, quoique les fonds y destinés aient toujours été dépensés, et parce qu’il était nécessaire de mettre un terme à cet abus.

Maintenant, je le répèterai encore, je suis prêt, quant à moi personnellement, à accorder la somme demandée, moins toutefois 120,000 fr. pour le premier trimestre, et je crois que M. le ministre de la guerre devra convenir lui-même qu’il ne sera pas même possible de dépenser la somme destinée aux 9 derniers mois, puisqu’il ne pourra évidemment compléter immédiatement tous les cadres, de manière à avoir besoin des trois quarts du crédit. Je crois donc que de ce chef M. le ministre devrait en conscience consentir à une autre réduction encore.

Ce qui fait que M. le ministre tient tant à ce que le chiffre qu’il demande soit adopté, c’est qu’il tient avant tout au principe ; il veut qu’en votant le chiffre on vote le nombre d’officiers qu’il juge nécessaire pour la bonne organisation de l’armée. Mais, messieurs, personne ne conteste le principe, nous sommes certainement tous d’accord à l’égard du principe ; nous reconnaissons tous que les cadres doivent être portés au complet ; s’il en est ainsi, pourquoi M. le ministre ne céderait-il pas ensuite sur la question du chiffre lorsqu’il est de toute impossibilité de dépenser la somme qu’il a demandée,et surtout lorsque les voies et moyens se trouvent être de beaucoup inférieurs aux dépenses que nous avons à faire, lorsqu’il faudra créer des voies et moyens nouveaux et surcharger les contribuables, après leur avoir promis dans le discours d’ouverture de la session qu’ils ne seraient pas surchargés ?

M. de Bassompierre, commissaire du Roi. - L’honorable rapporteur de la section centrale a répété à plusieurs reprises que les allocations accordées pour la totalité des cadres de l’infanterie ont été constamment dépensées ; c’est là une grave erreur : qu’on ouvre le rapport de la section centrale aux pages 74 et 75, où la situation des dépenses de 1835 se trouve insérée, on y verra que la loi du 10 juin 1836 a transféré, de l’article dont il s’agit, une somme de 190,000 fr. et annulé une autre somme de 50,000 fr., faisant partie du même article., de sorte qu’une somme de 240,000 fr. est restée disponible.

M. Dumortier. - Il résulte de ce que vient de dire M. le commissaire du Roi que la chambre a toujours voté plus de fonds qu’il n’en a été employé, et que par conséquent on ne peut adresser aucun reproche la législature, comme on l’a fait.

L’honorable général qui a parlé tout à l’heure a dit qu’il suffirait de voter la proposition de la section centrale pour entraîner une réduction dans le nombre des combattants ; je crois qu’il n’a pas bien saisi le sens de la proposition de la section centrale, puisque cette proposition n’a aucun rapport avec l’objet dont il parle. Je pense aussi moi qu’il est juste que le gouvernement accorde aux officiers tout ce qu’il est nécessaire de leur accorder dans l’intérêt de la défense du pays ; mais l’honorable général demande si le crédit pétitionné peut suffire à toute espèce d’éventualité militaire. Il est manifeste que non ; il est évident que s’il devenait nécessaire de mettre sous les armes tout le contingent des 110,000 hommes, il faudrait considérablement augmenter le chiffre du budget ; faut-il pour cela porter dès à présent les crédits du budget de la guerre au chiffre qui serait nécessaire pour solder une armée de 110,000 hommes ?

Quant à l’observation que j’ai faite à l’égard des officiers de l’armée de réserve, M. le ministre dit qu’un grand nombre d’officiers de la garde civique ont été placés. Je pense qu’il est mal informé, un très petit nombre de ces officiers ont été placés ; il en est cependant beaucoup qui sont très capables : je connais de ces officiers qui ont rendu des services éminents à la révolution, qui ont rempli leurs fonctions avec la plus grande distinction et qui n’ont pas pu parvenir à être placés.

Je dirai encore deux mots de la question de savoir si le gouvernement peut ainsi de son propre mouvement faire passer des officiers de l’armée de réserve dans l’armée active en leur faisant perdre un grade. Aux termes de la loi le gouvernement n’a pas le droit de faire passer des officiers de l’armée de réserve dans les cadres de l’armée active ; il a encore beaucoup moins le droit de faire passer des officiers de l’armée active dans les cadres de la réserve.

Maintenant je demanderai à M. le ministre de la guerre s’il n’est pas vrai que l’officier de l’armée de réserve, qui est nommé avec un grade de moins dans l’armée effective et qui n’accepte pas cette nomination, s’il n’est pas vrai, dis-je, qu’on le démissionne.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - Je répondrai à M. Dumortier que c’est du consentement des officiers de la réserve que leur changeraient de position a eu lieu. Et il va sans dire que s’ils n’avaient pas voulu entrer dans l’armée effective, aux conditions dont il s’agit, ils auraient conservé leur position d’officiers pour la durée de la guerre.

M. Dumortier. - On a renvoyé cependant quelques-uns de ces officiers.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - J’ai seulement connaissance d’un fait concernant un officier qui n’a pas voulu subir l’examen nécessaire, et qui a prétendu être mis en non-activité. Cette demande n’a pu lui être accordée, puisque les officiers nommés pour la durée de la guerre ne peuvent être mis qu’en position d’activité.

Quant à ce qu’a dit l’honorable préopinant, qu’on avait tort de placer dans la réserve les officiers de l’armée de ligne, je ferai seulement observer que ces officiers ne sont que détachés à la réserve, et que c’est là une simple distribution administrative. On a employé les officiers là où l’on a cru qu’ils rendraient le plus de services.

M. Devaux. - Messieurs, l’article en discussion est un des plus importants du budget de la guerre ; car c’est celui qui détermine l’effectif de l’armée. Je n’ai demandé la parole que pour faire une observation qui m’est inspirée par ce sens vulgaire que M. de Puydt caractérisait assez justement au commencement de la séance.

Il est résulté pour moi, et de l’exposé des motifs de M. le ministre de la guerre, et des discours prononcés dans cette enceinte par des hommes spéciaux, que l’effectif de notre armée a été trop faible et qu’il est nécessaire de l’augmenter. Or, je trouve que la conclusion à laquelle on est arrivé est un peu en disproportion avec les prémisses, car quelle augmentation propose-t-on ? Au budget primitif pour 1837, le ministre de la guerre avait demandé une augmentation de 1,600 hommes qui, ajoutée aux 2,400 hommes qui font l’objet de ses nouvelles propositions, ne fait qu’un total de 4,000 hommes.

Je trouve, je le répète, cette augmentation bien faible. Je sais bien que nous pourrions nous mettre ici derrière la responsabilité de M. le ministre de la guerre ; mais, messieurs, si, ce qu’à Dieu ne plaise, malheur arrivait au pays, ce serait une assez triste consolation pour le pays de savoir qu’un ministre en est responsable. Si la responsabilité la plus directe est ici celle du ministre de la guerre, il y a après tout une responsabilité morale, moins directe et moins personnelle, qui retombe sur nous.

J’ai surtout été frappé au commencement de la discussion d’une observation que l’honorable général Goblet vient de renouveler, c’est que pendant une partie de l’année, où l’on peut être forcé d’entrer en campagne, l’effectif de l’armée se trouve affaibli de 10,000 hommes. C’est l’époque où, entrant dans les corps, 10,000 recrues qui, jusqu’à ce que leur instruction soit achevée, sont plutôt une charge qu’une aide pour l’armée, elle se trouve ainsi diminuée d’un quart pendant au moins trois mois de l’année, car à cette époque le chiffre total de l’effectif n’est pas augmenté, 10,000 hommes exercés sont remplacés par dix mille qui ne le sont pas.

Il faudrait tout au moins que le gouvernement fût à même de remplir cette lacune, et que pendant les 3 mois que dure l’instruction des recrues, il pût tenir sous les armes le même nombre de soldats exercés que pendant le reste de l’année, et compter les recrues pour rien.

M. Goblet a demandé à cet égard des explications à M. le ministre de la guerre. J’insiste pour que ces explications nous soient données.

Je ne cède pas, messieurs, à des alarmes exagérées. Je sais très bien qu’il ne faut point faire de grandes dépenses légèrement ; car ce que nous faisons aujourd’hui, ce n’est que pour le défaire demain ; il s’agit ici de dépenses destinées à être permanentes tant que les mêmes circonstances dureront. Nous devons donc nous borner au nécessaire, mais aussi il faut faire tout le nécessaire. Or, ce qui est nécessaire ? c’est que nos forces ne soient pas inférieures à celles de la Hollande ; je dirai plus : la position militaire de la Hollande a de tels avantages sur la nôtre que nous devons nous efforcer d’établir une compensation par une certaine supériorité de notre armée, en attendant que nous nous soyons fait une frontière militaire.

A ce propos je dirai que je trouve encore bien insuffisants les moyens qu’on nous demande pour fortifier nos frontières. Quels ouvrages peut-on faire avec un million, autres que des ouvrages provisoires dont après un ou deux ans il ne reste plus de traces ?

Messieurs, je dois déclarer ici à l’avance qu’en appuyant une augmentation de dépense qui a pour but de préserver plus efficacement le pays d’une attaque de la Hollande, je ne me croirais ni dupe ni mystifié si nous ne sommes pas attaqués. Après avoir assuré ma propriété contre l’incendie, je ne me crois ni mystifié ni dupe parce que ma maison ne brûle pas.

Je sais bien que si nous voulions entrer dans une voie plus économique, il ne serait pas impossible que dans deux ans, si les circonstances et le hasard nous favorisent, nous eussions épargné des millions.

Ainsi que le disait M. le ministre des finances, dans une préoccupation un peu trop grande de sa position financière, préoccupation naturelle et que je ne blâme pas, avons-nous perdu à ne pas avoir eu une armée plus considérable ? Nous y avons gagné des millions. Oui, sans doute ; mais cette manière de gagner des millions est fort dangereuse : dans ce système, si l’on avait réduit l’armée à 10,000 hommes, nous aurions gagné plus de millions encore, mais nous aurions été en même temps très imprudents ; nous ne devons pas, je pense, nous reposer sur des hasards aussi incertains, il faut nous mettre en mesure de résister à toutes les éventualités.

M. Goblet. - Je n’avais demandé la parole que pour expliquer à l’honorable M. Dumortier qu’il m’avait mal compris. Mais l’honorable M. Devaux s’est si bien acquitté de cette tâche, que je n’ai rien à ajouter.

M. le ministre de la guerre (M. Willmar). - L’observation faite par l’honorable préopinant porte sur ce que les miliciens, pendant les premiers mois de leur admission ne peuvent pas compter dans l’effectif de l’armée. Je pensais bien qu’un amendement serait présenté sur cet objet, et je me proposais de l’appuyer, car je trouve l’observation très juste. Mais puisqu’on ne le présente pas, je le présenterai moi-même. On peut d’ailleurs réduire les mois véritablement d’instruction à deux. Car, au bout de deux mois, les hommes pourraient être utilement employés en cas de besoin. Je vais donc formuler un amendement pour cet objet.

Par suite de ce premier changement, de ce que les miliciens recrues seront après les deux mois ajoutes à l’effectif, il y aura déficit dans les moyens de coucher. Il faudra, pendant ces mêmes deux mois, les cantonner avec logement et nourriture. Il résultera de là sur le chapitre de la solde une réduction de 21 centimes par homme et par jour pour la nourriture.

Ces amendements que je vais déposer pourront être imprimés et discutés à l’ouverture de la séance de demain.

Rapport sur la situation du chemin de fer

Dépôt

M. Desmet dépose sur le bureau un rapport concernant le chemin de fer.

- L’impression et la distribution en sont ordonnées.

La séance est levée à 4 heures et demie.