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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 28 avril 1837

(Moniteur belge n°119, du 29 avril 1837 et Moniteur belge n°120, du 30 avril 1837)

(Moniteur belge n°119, du 29 avril 1837)

(Président de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à une heure moins un quart.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pétitions adressées à la chambre.

« L’administration communale et les habitants d’Havré (Mons) demande que le chemin de fer de Bruxelles à Paris passe par Havré. »


« Des habitants de la commune de Santbergen (arrondissement d’Alost) demandent que le droit de patente soit augmenté et rendu uniforme pour les débitants de boissons dans le plat pays, et que les personnes qui ne paient ni contributions personnelles ni impôt local ne puissent plus obtenir de patente pour le débit de boissons. »


« L’administration communale de Wilmarsdonck demande de nouveau la construction d’une digue intérieure pour le polder de Lillo. »


« Des habitants d’Eeclo demandent la construction du canal projeté d’écoulement entre Zelzaete et Blankerbergh. »


« Plusieurs habitants et cultivateurs des communes d’Elsloo et de Stein (Limbourg) demandent un droit de trois francs, au moins, à l’entrée des chardons à foulon dits de Normandie. »


- La pétition de l’administration communale de Wilmarsdonck est renvoyée à la commission des polders. Les autres pétitions sont renvoyées à la commission des pétitions, chargée d’en faire le rapport.

Prise en considération de demandes en naturalisation

Scrutin sur la demande de naturalisation ordinaire du sieur A..L.M. Aillet, employé au ministère de l’intérieur.

Nombre des votants, 65.

Boules blanches, 48.

Boules noires, 17.

En conséquence la demande est prise en considération. Il en sera donné avis au sénat.


Scrutin sur la demande de naturalisation ordinaire du sieur J.-N. Bourgeois, employé au ministère de l’intérieur.

Nombre des votants, 66.

Boutes blanches, 41.

Boules noires, 25.

En conséquence la demande est prise en considération ; il en sera donné avis au sénat.


Scrutin sur la demande de naturalisation ordinaire du sieur J.-B. Bourcier, archiviste de la chambre des représentants.

Nombre des votants, 67.

Boules blanches, 55.

Boules noires, 14,

En conséquence la demande est prise en considération ; il en sera donné avis au sénat.


M. de Brouckere. - Dans une des séances précédentes, la chambre a eu à s’occuper de la demande en grande naturalisation de M. Guillery, professeur, à Bruxelles. Cette demande n’a pas été prise en considération.

Le pétitionnaire vient d’adresser à la chambre une nouvelle requête par laquelle il la prie de lui accorder la naturalisation ordinaire. Le rapport fait étant favorable, je propose à la chambre de décider que cette demande sera mise à l’ordre du jour de demain.

- Cette proposition est adoptée.

Projets de loi modifiant certaines limites communales

Dépôt

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter deux projets de loi relatifs à des séparations de communes, l’une dans la province d’Anvers, l’autre dans la province du Hainaut. Je recommanderai particulièrement à l’attention de la chambre cette dernière qui concerne la commune de Chimay, à cause des contestations qui existent entre la ville et la banlieue.

- Il est donné acte à M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères des projets déposés sur le bureau. Ces projets seront imprimés et distribués.

La chambre en ordonne le renvoi à une commission.

Projet de loi réduisant l'accise sur les eaux-de-vie étrangères

Motion d'ordre

M. Dumortier (pour une motion d’ordre). - Le gouvernement a déposé un projet de loi dont l’urgence me paraît incontestable ; ce projet tend à abaisser le droit sur les eaux-de-vie étrangères. Comme il est probable que vous n’adopterez pas toutes les réductions proposées en faveur de la France dans le projet dont nous nous occupons, comme compensation il serait à désirer que la discussion du projet dont je viens de parler pût suivre celle de la loi de douanes que nous discutons. Je demande que les sections soient invitées à s’occuper de ce projet, et la section centrale à nous faire un prompt rapport.

M. le président. - Les sections se sont déjà occupées du projet dont on vient de parler, et la section centrale se serait réunie si elle avait été complétée ; elle se réunira dès que toutes les sections auront nommé leurs rapporteurs.

Rapports sur des pétitions

M. le président. - La chambre désire-t-elle passer à la discussion de la loi de douanes, ou entendre le rapport des pétitions ?

Plusieurs voix. - Le rapport des pétitions ! Il est à l’ordre du jour. La chambre consultée décide qu’elle s’occupera d’abord du rapport des pétitions.

M. Frison (pour une motion d’ordre). - Messieurs dans le mois de décembre, si je ne me trompe, il vous a été fait l’analyse d’une pétition sur les élections d’Ham-sur-Heure par M. Tallois : la chambre en a ordonné un prompt rapport ; je désire savoir si la commission des pétitions s’en est occupée.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 15 février 1836, des industriels de Courtray, employant des machines à vapeur, demandent que la chambre intervienne, afin de faire cesser l’impôt exorbitant de 0-20 c. par hectolitre, perçu par la ville sur la houille, dont l’emploi est indispensable à leurs usines. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l'intérieur.

M. Pollénus. - Je crois que la commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur d’une pétition qui réclame contre un règlement d’octroi. Je pense que la chambre ne doit intervenir que quand elle peut le faire d’une manière efficace ; sans cela, elle compromet son autorité. Je ne vois pas que le ministre de l’intérieur ait le pouvoir de faire cesser un règlement communal. Le maintien ou l’abrogation de ce règlement est de la compétence de l’autorité communale ; c’est à cette autorité que les pétitionnaires auraient dû s’adresser. La chambre en ordonnant le renvoi au ministre de l’intérieur, ferait chose tout à fait inutile. Je proposerai en conséquence de passer à l’ordre du jour.

M. Verdussen. - Messieurs, cette pétition a été adressée à la chambre avant le vote de la loi communale : elle lui est antérieure de 15 jours. Il est probable que les pétitionnaires n’auraient pas présenté leur pétition s’ils avaient connu cette loi ; car, d’après l’art. 76, combiné avec l’art. 87, il est impossible que le renvoi au ministre puisse porter un fruit quelconque.

J’appuie donc l’ordre du jour.

M. Kervyn. - Depuis longtemps on a senti la nécessité de régulariser les impositions communales. Beaucoup de plaintes se sont élevées de la part des industriels contre ces impositions. Le but de la commission, en proposant le renvoi de la pétition à M. le ministre de l’intérieur, était de l’engager à voir s’il n’y aurait pas moyen de présenter un projet de loi qui fît droit aux réclamations des industriels dont les industries sont lésées par les impôts trop élevés établis par les autorités communales.

- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 16 février 1836, les juges de paix des canton de Tirlemont, Diest et Aerschot, adressent des observations sur le projet de loi relatif à la compétence en matière civile, et demandent une augmentation du traitement proposé pour les juges de paix et les greffiers. »

La commission propose le renvoi à la commission chargée de l’examen du projet de loi sur la compétence en matière civile, ainsi qu’à M. le ministre de la justice.

- Adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 5 mars 1836, les membres du tribunal de première instance de Namur demandent que ce tribunal soit porté à la première classe, et qu’on confie la présidence des cours d’assises aux présidents des tribunaux de première instance. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la justice.

M. Pollénus. - Il semble que la chambre étant saisie d’un projet de loi qui tend à modifier le classement des tribunaux, il serait plus rationnel d’ordonner le renvoi de la pétition à la commission chargée de l’examen de ce projet de loi ou son dépôt au bureau des renseignements.

M. Kervyn, rapporteur. - Je ferai observer que plusieurs pétitions du même genre ont été renvoyées à M. le ministre de la justice qui a promis un rapport sur ces pétitions. Je crois donc qu’il y a lieu de suivre la même marche pour cette pétition.

- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à M. le ministre de la justice et son dépôt au bureau des renseignements.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par trois pétitions, dont l’un en date du 23 octobre 1835 et les deux autres du mois de décembre même année, les administrations communales et plusieurs habitants de Stavelot et de Verviers, ainsi que les notaires, avocats et avoués de l’arrondissement de Verviers demandent une loi qui autorise le transfert au bureau des hypothèques de Verviers de toutes les inscriptions non encore périmées ni radiées, existant au bureau de Liège sur des immeubles situés dans les cantons d’Aubel, Herve, Limbourg, Spa, Stavelot et Verviers. »

Les conclusions de la commission sont le renvoi à M. le ministre de la justice et le dépôt au bureau des renseignements.

M. Demonceau. - Cette pétition soulève une question de la plus haute importance pour l’arrondissement de Verviers.

Depuis 1816 jusqu’en 1830 ; la conservation des hypothèques de Liége renfermait dans son ressort les cantons qui forment l’arrondissement de Verviers et ceux qui forment l’arrondissement de Liége. Un arrêté d’octobre 1830, rendu par le gouvernement provisoire, a rétabli le tribunal de Verviers et a fixé pour son ressort les six cantons dont parle la pétition.

Une loi dont je ne me rappelle pas la date, ordonne qu’il y aura une conservation d’hypothèques par arrondissement judiciaire.

Par arrêté du 31 décembre 1830, le gouvernement provisoire a ordonné l’érection d’une conservation d’hypothèques à Verviers, par un des articles de cet arrêté. Le gouvernement provisoire s’est exprimé ainsi :

« Il sera fait, sur les registres du bureau de Verviers, une mention sommaire des inscriptions non périmées et transcription existantes sur les registres du bureau de Liége, et relatives à des biens situés dans l’arrondissement de Verviers. »

Jusqu’à présent, malgré mes réclamations comme chef du tribunal de Verviers, cette disposition n’a reçu aucune exécution. Cependant ceci est du ressort de M. le ministre des finances. Ainsi les habitants de l’arrondissement de Verviers doivent se rendre au bureau de conservation des hypothèques de Liège lorsqu’ils veulent avoir ou voir des certificats d’inscription qui existent depuis le 1er janvier 1819 jusqu’au 10 janvier 1831. Il leur faut ensuite revenir au bureau de Verviers pour avoir, depuis le 10 janvier 1831, les renseignements que désirent avoir les parties avant de contracter.

Ceci donne lieu à des frais considérables et à des retards pour les parties intéressées et pour les créanciers.

Si du moins on exécutait l’arrêté du gouvernement provisoire qui ordonne la mention sommaire des inscriptions non périmées sur le registre des hypothèques de Verviers, le conservateur de Verviers pourrait donner des certificats, et les intéressés n’auraient pas besoin, pour cela, de se rendre à la conservation de Liége.

Je sais que pour que cette transcription eût lieu, il faudrait du temps et de la dépense. J’ai transmis à M. le ministre de la justice un projet de loi rédigé, dans mon opinion, de manière à satisfaire aux réclamations, mais qui pourrait cependant avoir quelques inconvénients.

Je ne demande, dans l’état de la législation, que l’exécution de l’arrêté du gouvernement provisoire, c’est-à-dire de l’inscription sur les registres de Verviers, si cela est possible, de toutes les hypothèques inscrites à Liége. Je sais que cela est difficile, mais l’arrêté du gouvernement provisoire est formel, et il n’a pas reçu d’exécution ; et ceci est du ressort du ministère des finances.

Je ne fais pas de demande formelle, mais une simple observation, pour que M. le ministre de la justice comprenne qu’il est de la plus haute importance pour l’arrondissement judiciaire où j’exerce mes fonctions, que ce provisoire qui existe depuis 7 années, cesse une bonne fois.

Je demande donc le renvoi à MM. les ministres de la justice et des finances.

- La chambre ordonne le renvoi de la pétition à MM. les ministres de la justice et des finances et son dépôt au bureau des renseignements.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 14 février 1836, des bouchers de Termonde demandent que la chambre intervienne, afin de faire cesser les effets d’un règlement arrêté par la régence, qui leur défend de vendre de la viande à domicile. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée d’Ath, le 5 décembre 1835, le sieur Philippe Cuisinier demande une pension. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition non datée, plusieurs soldats français, décorés de l’ordre militaire de Léopold, demandent le paiement de la pension attachée à cette croix. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre des affaires étrangères.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - La pétition n’a pas été adressée depuis que je suis chargé du portefeuille des affaires étrangères. Mais on vient de me dire que déjà la chambre a discuté la question et a été d’avis que la pension n’était pas due, et que c’est dans ce sens qu’il a été répondu aux pétitionnaires.

Je propose donc simplement le dépôt au bureau des renseignements.

- La chambre ordonne le dépôt de la pétition au bureau des renseignements.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Liége, le 10 mars 1836, la dame Closset, veuve Brabant, ancien officier pensionné, demande une pension. »

La commission propose le dépôt au bureau des renseignements.

- Adopté.

M. Pollénus. - Messieurs, en l’absence d’une loi, si l’on prend l’habitude de s’adresser à nous pour demander des pensions, nous serons bientôt accablés de demandes semblables. Cet abus du droit de pétition sera un moyen de le détruire. Je demande que l’on passe à l’ordre du jour.

- L’ordre du jour est mis aux voix et adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition non datée, le baron de Waha se plaint de vexations qu’il prétend avoir éprouvées de la par de M. le gouverneur du Limbourg. »

Il s’agit d’un retard que ce gouverneur aurait mis à accorder un permis de chasse demandé par le pétitionnaire.

La commission conclut au renvoi au ministre de l’intérieur.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Dans cette affaire, il y a eu, ce me semble, un malentendu, en ce sens que le gouverneur s’attendait à recevoir une nouvelle demande de la part du pétitionnaire ; et voilà ce qui explique le retard que le gouverneur a mis à répondre à la première.

Au reste, on doit considérer cette affaire comme terminée. Il faut, d’ailleurs, éviter d’attirer dans le sein de la chambre des réclamations contre les actes administratifs, parce que sans cela il y a en aurait sans fin.

M. Pollénus. - Lorsque je demandais la parole sur cette pétition, c’était pour vous faire quelques observations dont quelques-unes rentrent dans celles qui déjà vous ont été présentées par l’honorable ministre qui vient de parler avant moi.

D’après les explications données par M. le rapporteur, il semble que le pétitionnaire se plaint des retards que rencontrait l’expédition de la demande d’un permis de port d’armes de chasse. M. le rapporteur nous apprend aussi que le port d’armes demandé à été délivré, il est vrai, en conséquence des ordres émanés du département de l’intérieur ; ainsi, le renvoi de la pétition au ministre de l’intérieur, que propose la commission, est sans objet, puisque le ministre a déjà fait droit sur la réclamation, et nous devons bien nous mettre en garde d’intervenir sans nécessité et sans un mûr examen ; le droit de pétition est hautement intéressé à ce que la chambre ménage l’influence que ce droit lui fournit l’occasion d’exercer sur les actes du gouvernement.

Il n’est pas sans danger d’attirer dans nos discussions des réclamations de la nature de celle qui nous occupe ; un appui donné sans maturité aux pétitions exposerait la chambre à devenir l’arène où viendraient se débattre les passions. J’y vois le plus grand danger pour l’autorité publique qu’il faut bien se garder d’affaiblir.

La chambre ne doit pas inférer de me paroles que je donne mon approbation à tous les actes administratifs sans distinction qui se passent autour de moi, telle n’est pas mon intention, ce que je veux éviter, c’est d’attirer, dans la chambre les détails de l’administration, dont doit nous répondre la responsabilité des ministres ; cette responsabilité doit rester entière.

Je proposerai donc l’ordre du jour.

- L’ordre du jour mis aux voix est adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Bruxelles, le 27 janvier 1836, un grand nombre d’habitants de Bruxelles, demeurant dans la partie de la ville contiguë à la porte de Halle, demandent la démolition de cette porte. »

- Renvoi à M. le ministre de l’intérieur.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Stabroeck, le 8 mars 1836, les bourgmestres des communes de Lillo, Stabroeck, Beerendrecht et Santvliet, demandent de nouveau la construction d’une digue intérieure et l’adoption d’une loi sur les indemnités. »

La commission conclut au renvoi à MM. les ministres des travaux publics et des affaires étrangères, et à la commission des polders.

M. Ullens demande à M. le ministre des travaux publics sil n’a pas une communication à faire à la chambre relativement à cet objet.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - J’ai en effet une communication à faire à la chambre, relativement au polder de Lillo et de Stabroeck ; je croyais la faire aujourd’hui ; mais j’attends une pièce d’Anvers, et je ne pourrai la faire que demain.

M. Smits. - Je crois que le renvoi à la commission des polders est inutile, car cette commission n’est chargée que des travaux des polders et point de l’indemnité.

M. Verdussen. - Je crois que, conformément aux antécédents de la chambre, il faut ordonner le dépôt de la pétition sur le bureau pendant la discussion du projet relatif aux indemnités.

- Le renvoi aux ministres et le dépôt sur le bureau pendant la discussion de la loi sur les indemnités sont ordonnés.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition datée de Curange (Limbourg), le 1er février 1836, des habitants de cette commune demandent que la chambre s’occupe de la loi relative aux indemnités, et que provisoirement une somme de 3,118 fr. 29 c. soit portée au budget de l’Etat. »

La commission conclut au dépôt au bureau des renseignements.

M. Pollénus. - Il y a lieu de prendre sur cette pétition la même décision que sur la pétition des habitants de Lillo. Mais la pétition des habitants de Curange contient deux parties distinctes dont l’une ne peut être déposée sur le bureau.

Il y a au budget du ministère de l’intérieur une somme pour les victimes de l’agression hollandaise ; si les pétitionnaires ont droit à prendre part à la distribution de cette somme au fonds de secours il faut renvoyer leur réclamation, sous ce rapport, au ministre de l’intérieur.

Il me semble d’ailleurs qu’il a y quelque chose dans cette pétition qui mérite examen ; c’est la contribution qui, si je suis bien informé, a été frappée par l’autorité communale pour être répartie aux victimes de l’agression hollandaise. Je demande le renvoi au ministre pour qu’il examine cette question qui ressort de la seconde partie de la pétition.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Les indemnités rentrent dans les attributions du ministre des travaux publics.

M. Pollénus. - Cela est vrai ; j’adhère à la rectification, ou au renvoi de la seconde partie de la pétition au ministre des travaux publics.

- Conformément à la proposition de M. Pollénus, une partie de la pétition sera déposée sur le bureau, et l’autre sera renvoyée au ministre des travaux publics.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition du mois de février 1836, les héritiers et représentants des frères Clermont de Hodimont réclament le paiement des intérêts arriérés, depuis 1793, des sommes avancées par les frères Clermont aux communes de Herve, Petit-Rechain et Dison, pour construction de routes. »

La commission propose l’ordre du jour.

- Adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Par pétition en date du 7 février 1836, le sieur Borrekens, demeurant à Ixelles, demande que la chambre continue ses investigations sur la pétition du sieur de Rudder d’Anvers, relative aux intérêts des obligations créées pour l’établissement de l’entrepôt général d’Anvers. »

Comme vous le voyez, messieurs, ce n’est pas la première fois que vous êtes saisis de cette affaire, qui n’est pas sans importante et par son objet, et par les questions qu’elle soulève. Déjà dans la séance du 17 janvier 1834, l’honorable M. Milcamps, rapporteur de votre commission des pétitions, vous fit le rapport sur la pétition du sieur de Rudder d’Anvers, demandant que l’Etat se chargeât du service des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt contracté pour la construction de l’entrepôt général d’Anvers, soit comme propriétaire de l’établissement, soit par suite de la garantie stipulée par l’arrêté du 21 mai 1829. Cette pétition fut renvoyée par la chambre à MM. les ministres de l’intérieur et des finances avec demande d’explications. Le sieur Borrekens vous demande aujourd’hui, messieurs, que vous donniez suite à vos investigations, et que vous insistiez sur la demande d’explications que vous fîtes à MM. les ministres dans votre séance du 17 janvier 1834.

Comme la chambre pourrait avoir perdu de vue, à cause du temps considérable qui s’est écoulé depuis qu’elle a été traitée devant elle ; et comme en outre beaucoup de nos collègues ne faisaient pas encore partie de la chambre à cette époque, j’ai cru nécessaire de donner ici un résumé succinct de la question.

Une loi du 31 mars 1828 statua qu’il serait accordé par le Roi à telles villes principales de commerce qui en feraient la demande, et où les bâtiments nécessaires seraient fournis ou par ce villes mêmes ou par le commerce, d’entreposer dans un entrepôt général le marchandise y apportées par mer.

Par missive en date du 4 juin 1828, la régence d’Anvers exprima le désir qu’un établissement de ce genre fût accordé à cette ville. La chambre de commerce et des fabriques manifesta le même désir.

Le référendaire inspecteur-général chargé de l’administration des propriétés nationales, par missive en date du 16 juin 1828, donna avis que le Roi consentait à l’établissement d’un entrepôt général, donnait son approbation à la construction mixte, sous la direction du gouverneur, comme utile et nécessaire afin d’obtenir une prompte et bonne exécution. Une commission fut, en effet, nommée par un arrêté du gouverneur président, du bourgmestre et d’un conseiller de régence de la ville, d’un ingénieur du waterstaat, de l’inspecteur provincial des contributions, du président et de trois membres de la chambre de commerce, enfin de l’agent de la société de commerce.

Par arrêté du 21 mai 1829, le Roi approuva la proposition faite par la commission de faire un emprunt de 700,000 fl., destiné à construire l’entrepôt général. Cet arrêté portait en substance : 1° que cet emprunt aurait lieu moyennant un intérêt annuel de 5 p. c. ; 2° qu’il serait éteint au moyen d’un tirage annuel (en commençant avec l’année 1834) de 1 p. c. du capital levé, pas moins, mais plus si faire se pouvait. Cet arrêté portait ce qui suit : « étant l’emprunt submentionné sub. n°1° outre l’hypothèque déjà conditionnée et autre sûreté encore à donner, spécialement garanti par nous. »

Ayant obtenu cet arrêté, la commission fit l’annonce d’un emprunt sous la garantie de Sa Majesté.

L’article 11 du plan de l’emprunt porte ce qui suit : « L’établissement de l’entrepôt général avec sa caisse de réserve, ses bâtiments, constructions et autres accessoires, sont spécialement affectés pour sûreté de cette négociation ; mais en outre il a plu à S. M. le Roi de la garantir spécialement. »

Enfin, messieurs, le conseil de régence d’Anvers, dans sa séance du 18 juillet, décida : 1° que la ville ferait la cession gratuite des terrains situés à l’est du grand bassin ; 2° que cette cession se ferait en faveur de la commission de l’entrepôt général.

Voilà, messieurs, le résumé de toutes les pièces qui ont rapport à cette affaire. Votre commission des pétitions, tout en ne croyant pas devoir se prononcer sur les diverses questions qu’elle soulève, a cru qu’il pouvait être satisfait au vœu du pétitionnaire, qui demande que la chambre continue se investigations et exige de nouveau des explications du gouvernement sur la pétition du sieur de Rudder d’Anvers, dont le rapport a été fait dans la séance du 17 janvier 1834.

Celui-ci demandait que l’Etat se chargeât des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt, soit comme propriétaire de l’entrepôt, soit par suite de la garantie stipulée par l’arrête du 21 mai 1819.

Cette demande soulève naturellement les questions suivantes : 1° L’Etat est-il réellement propriétaire de l’entrepôt ? Le roi Guillaume a-t-il pu lier et grever l’Etat sans y être autorisé par une loi, en garantissant par son arrêté du 21 mai 1829 le service de l’emprunt de 700,000 fl., ou bien a-t-il agi en nom personnel, et dans ce cas est-ce le séquestre qui est responsable ?

Personne, messieurs, ne se prétend propriétaire de l’entrepôt. Le service des intérêts et de l’amortissement de l’emprunt est déclive et par l’Etat et par la ville d’Anvers. Cependant il faut que la propriété réside quelque part, et quoique la question de propriété soulevée par le pétitionnaire soit de la compétence des tribunaux, votre commission des pétitions, considérant l’importance de l’affaire, et le vœu exprimé par la chambre dans la séance du 17 janvier 1834, conclut à ce que la chambre persiste dans les conclusions qu’elle adopta alors, c’est-à-dire le renvoi de la pétition du sieur Borrekens à MM. les ministres des finances et de l’intérieur avec demande d’explications.

M. Verdussen. - Je remercie M. le rapporteur des détails dans lesquels il vient d’entrer, et je suis très éloigné de m’opposer au double renvoi avec demande d’explications, qui est proposé par la commission ; car, dans la position où se trouvent les pétitionnaires, ils ne peuvent espérer de la chambre rien de mieux que le renvoi dont il s’agit. Je n’entrerai pas non plus dans l’examen de la question de propriété qui est très compliquée et qui devra être traitée plus tard ; mais je crois nécessaire d’appeler l’attention de MM. les ministres sur la pétition, car il y a longtemps que le gouvernement aurait dû s’occuper de l’objet dont elle vous entretient. Comme nous l’a rappelé M. le rapporteur, il y a plus de trois ans, messieurs, qu’un rapport sur le même objet vous fut fait, avec beaucoup de soin, par l’honorable M. Milcamps ; aucune suite n’a été donnée aux conclusions de ce rapport ; cependant, au premier juillet prochain, il sera échu trois années d’intérêts sur les obligations à charge de l’entrepôt d’Anvers, qui sert d’hypothèque aux actionnaires on plutôt aux porteurs d’obligations ; car ce ne sont pas des actionnaires, mais seulement des bailleurs de fonds.

Il existe en faveur des porteurs de ces obligations un arrêté du roi Guillaume en date du 21 mai 1829, qui garantit le paiement exact des intérêts dont il s’agit.

Eh bien, messieurs, vous venez de décider, il y a quelques semaines, qu’un arrêté du roi Guillaume confère au jardin botanique un droit acquis au subside que cet arrêté accorde ; pourrait-on soutenir maintenant que, dans l’occasion dont il s’agit, le roi Guillaume a agi comme simple individu ? Mais, messieurs, il n’a porté cet arrêté qu’après avoir pris l’avis de trois de ses ministres, le ministre des finances, le ministre de la guerre et, si je ne me trompe, le ministre des affaires étrangères. D’ailleurs, messieurs, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, le même arrêté approuve la levée d’un emprunt de 700,000 fl. Certainement ce n’est pas Guillaume de Nassau qui a pu, comme particulier, approuver un semblable emprunt ; ce n’est que comme roi qu’il a pu le faire. Eh bien, messieurs, le même arrêté qui autorise cet emprunt, garantit le paiement de l’intérêt des obligations.

J’ignore, messieurs, si dans le budget qui a été voté il y a quelques semaines, pour l’exercice courant, il existe un chiffre assez élevé pour que le gouvernement puisse venir au secours des porteurs d’obligations à charge de l’entrepôt d’Anvers. S’il n’y a pas de chiffre semblable, j’engage beaucoup M. le ministre à en proposer un dans le budget de 1838, et s’il ne le fait pas, je le ferai moi-même ; car je crois que les porteurs des obligations dont il s’agit sont véritablement créanciers de l’Etat.

M. Milcamps. - Messieurs, c’est la troisième fois que les réclamations de l’espèce sont adressées à la chambre. J’ai fait le 17 janvier 1834, au nom de la commission des pétitions, un rapport sur cet objet, par lequel la commission a examiné la question à qui, ou de l’Etat, ou de la ville d’Anvers, ou du commerce, appartenait la propriété de l’entrepôt. La commission, sans se prononcer sur la question à défaut de quelques pièces et renseignements qu’elle indiquât qu’elle demandait, a cependant donné des raisons de décider cette faveur de l’un ou l’autre.

On m’assure que, depuis, les pièces et renseignements ont été fournis, et qu’on est en mesure de voir sur qui réside la propriété de l’entrepôt. On dit que la ville d’Anvers ne s’en prétend pas propriétaire, et qu’elle ne le considère pas comme un établissement communal. Le commerce s’en prétend-il propriétaire ? Mais le commerce est un être moral, abstrait, qui paraît incapable de posséder. On dit que l’Etat ne s’en prétend pas non plus propriétaire ; mais si tout ceci est vrai, l’entrepôt d’Anvers serait-il res nullius ? Mais, messieurs, rien n’est plus facile que de savoir si l’Etat, la ville d’Anvers et le commerce prétendent des droits à l’entrepôt dont il s’agit. Il n’est pas même extrêmement difficile de savoir sur qui la propriété réside, si les pièces demandées en 1834 ont été fournies. Il me semble convenable que le gouvernement s’explique à cet égard, afin que les pétitionnaires, en leur qualité de bailleurs de fonds, sachent envers qui ils doivent exercer leurs droits.

Jusqu’ici, messieurs, il ne s’est agi que de savoir si l’entrepôt d’Anvers était la propriété de l’Etat, ou de la ville, ou du commerce ; mais il y a une quatrième hypothèse qui complétera mon rapport du 17 janvier 1834 : celle que la propriété de l’entrepôt pourrait bien appartenir à l’institution de l’entrepôt elle-même, comme être moral, indépendant de l’Etat, de la ville, du commerce, mais existant sous les auspices du gouvernement qui nomme la commission chargée d’administrer. Il y a des exemples de semblables institutions. Dans mon opinion, et telle que la question se présente, je pense que nul autre que l’Etat ne peut prétendre avoir des droits à l’établissement dont il s’agit. L’Etat a des droits soit comme propriétaire, à titre des actes de fondation, ou parce que c’est res nullius ou comme patron de l’établissement. Dans tous les cas, l’intérêt des bailleurs de fonds exige que ce point soit fixé.

Ainsi, selon moi, si les bailleurs de fonds ne sont pas payés, c’est au gouvernement seul qu’ils peuvent s’adresser, et contre le gouvernement seul qu’ils pourraient exercer une action, du chef du paiement qu’ils réclament.

Je me bornerai, messieurs, à ces seules considérations que je n’ai présentées que pour compléter le rapport que j’ai fait en 1834.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Messieurs, si nous ne prenons pas la parole dans cette discussion, c’est que nous ne nous opposons pas aux conclusions de la commission.

M. Gendebien. - Messieurs, si je ne réponds pas à quelques observations qui ont été faites tout à l’heure, c’est que la question est très délicate ; il me semble qu’il serait dangereux d’improviser une discussion sur un sujet aussi grave. Nous devons attendre que le ministère nous ait donné des explications.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Kervyn, rapporteur. - « Des brasseurs et distillateurs se plaignent de l’élévation de l’octroi. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de l’intérieur.

M. Verdussen. - Messieurs, je crois que la question étant décidée, nous devons passer à l’ordre du jour sur cette pétition. Nous avons passé à l’ordre du jour sur d’autres pétitions semblables.

- L’ordre du jour est adopté.


M. Kervyn, rapporteur. - « Le major Boulanger renouvelle sa demande d’être réintégré dans son grade de major, en conservant son rang d’ancienneté. »

La commission propose le renvoi à M. le ministre de la guerre.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). Est-ce que le pétitionnaire ne s’est pas encore adressé à M. le ministre de la guerre ?

M. Kervyn, rapporteur. - Il paraît s’être adressé à diverses reprises au département de la guerre.

M. Gendebien. - Messieurs, le major Boulanger est un brave patriote, victime de la précipitation qu’on a mise à décimer les officiers des volontaires après la campagne du mois d’août 1831.

Je ne rappellerai pas les nombreux services que le pétitionnaire a rendus à la révolution, parce qu’ils sont aujourd’hui comptés pour bien peu de chose par ceux mêmes qui en profitent. Mais il est un fait dont on sera peut-être disposé à lui tenir compte : c’est qu’au mois d’août 1831, le major Boulanger a été le premier officier belge qui ait rencontré et repoussé les Hollandais. Il était commandant d’un bataillon dans le douzième régiment de ligne, organisé peu de temps avant la campagne du mois d’août. Il avait sous ses ordres, je pense, 580 hommes. La moitié du bataillon était en avant, et le major les commandait. Il fut attaqué, non pas comme l’ont prétendu certains historiens qui n’ont manqué aucune occasion de calomnier la révolution ; il fut attaqué, dis-je, non pas par 18,000 hommes, ainsi qu’un soi-disant historien a supposé que je l’avais dit, pour prouver ce qu’on appelle nos exagérations ; mais par 1,800 hollandais. Il a battu en retraite en bon ordre. La moitié du bataillon s’étant ralliée à l’autre, il n’hésita pas à attaquer, et les Hollandais furent culbutés ; un major, deux capitaines, deux ou trois lieutenants et 190 hommes, furent faits prisonniers. Voilà, messieurs, quel fut le début de la campagne du mois d’août 1831. Les députés d’Anvers n’ont sans doute pas oublié ce fait glorieux ; tous les journaux l’ont publié.

Malheureusement, le major Boulanger était un homme de la révolution, à laquelle il avait rendu de grands services : aussi, au mois de septembre 1831, fut-il compris, par les hommes du lendemain, dans le nombre des victimes ; il fut forcé de descendre au grade de capitaine. En un mot, il fut dégradé pour avoir eu plus de courage que les puissants du jour. Il n’a cessé de réclamer contre cette décision, et il en avait le droit. Enfin, après quatre ans et demi de sollicitations, il a obtenu le grade de major dans l’armée de réserve.

Aujourd’hui il demande à être réintégré dans son rang d’ancienneté.

Au commencement de la révolution, il était major commandant un bataillon de volontaires sous les ordres de Niellon. Par arrêté du régent, en date du 30 mars 1831, ce bataillon composa, avec d’autres, le douzième régiment de ligne.

Or, le pétitionnaire fut placé dans ce régiment avec le grade de major, il fut payé comme major de la ligne, il a subi des retenues comme major, il fit glorieusement la campagne du mois d’août comme major ; je défie qu’on donne une raison plausible pour justifier l’acte d’iniquité dont il se plaint.

La question est de savoir maintenant si l’on veut lui conserver son rang d’ancienneté. Si le ministre de la guerre veut examiner les choses avec impartialité, et j’aime à croire qu’il le fera, je suis convaincu qu’il rendra au major Boulanger l’ancienneté qui lui a enlevée contre toute justice.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.


M. Kervyn, rapporteur.- « Un grand nombre d’habitants demandent de nouveau que Luttre soit séparée de Pont-à-Celles, et forme, comme autrefois, une commune distincte. »

La commission propose le renvoi au ministre de l’intérieur.

M. Frison. - Messieurs, je viens appuyer le renvoi à M. le ministre de l’intérieur de la pétition dont vous venez d’entendre l’analyse.

Peu partisan, en général, du morcellement ou de la séparation de communes, il peut arriver que des demandes de l’espèce soient fondées en droit et en fait ; je pense que c’est ici le cas, et je vais vous expliquer en peu de mots comment la réunion de Luttre à Pont-à-Celles a eu lieu.

En 1794, lors de la présence des Français en Belgique, on imposa, pour le service de l’armée, à la commune de Luttre une réquisition de 52 chevaux, qui devaient être conduits à Genappe ; cette réquisition fut frappée avec menace de responsabilité personnelle pour le mayeur, les échevins et les tenant chevaux ; on ne put les fournir : le mayeur, craignant d’être arrêté, perdit la tête et prit la fuite ; le secrétaire, moins timide, resta à son poste, fut jeté dans la prison, et au sortir trouva la commune de Luttre réunie de fait à Pont-à-Celles, sans qu’aucun arrêté de cette époque, ni aucun autre depuis lors, ait autorisé cette fusion.

Avant 1794, Luttre formait une commune séparée ; je suis porteur de pièces authentiques qui le prouvent : il serait donc injuste de rendre les habitants victimes de la pusillanimité de leur administrateur.

Je n’entrerai pas dans d’autres détails, qui trouveront leur place dans la discussion du projet de séparation que M. le ministre présentera à la chambre, si les renseignements qu’il se fera produire, et les enquêtes indispensable en pareille circonstance, démontrent la justice et le fondement de la réclamation des habitants de Luttre.

- Les conclusions de la commission sont adoptées.

Projet de loj modifiant le tarif des douanes

Discussion du tableau du tarif

Bas et bonneteries

(Moniteur belge n°120, du 30 avril 1837) M. le président. - Nous avons à délibérer aujourd’hui sur la question : quel sera le taux du tarif, en ce qui concerne les bas et les bonneteries ?

M. Doignon. - La chambre ayant adopté hier le mode de perception au poids, nous avons à discuter maintenant le chiffre de la valeur qui doit lui servir de base. Ce n’est que subsidiairement que j’admettrai le chiffre de la section centrale pour la bonneterie commune.

D’après ce qui s’est dit dans cette discussion, je persiste à penser qu’il y a lieu de conserver le droit actuel au moins pour cette bonneterie, et cela me paraît de toute évidence lorsqu’on réfléchit qu’au moyen de la prime d’exportation qui est de 6 à 8 p.c., la France a déjà elle-même fait subir à notre droit d’entrée une très forte réduction.

On raisonne constamment comme si notre droit de 20 p. c. était demeuré intact vis-à-vis de la France comme à l’époque où il fut établi. Mais c’est là une grande erreur, puisque, moyennant cette prime, ce droit est de fait déjà abaissé aujourd’hui jusqu’à 15 et 16 p. c. au moins.

Je me confirme d’autant plus dans mon opinion qu’on n’a jusqu’ici allégué aucune raison pour légitimer l’abaissement du droit. M. le ministre lui-même s’est tu sur ce point, et je le prie de vouloir bien déduire ses raisons.

Il est un fait reconnu dans la discussion, c’est que la bonneterie belge est dans un état de grande souffrance. Mais si c’est un parti pris de faire des concessions à la France, il serait aussi injuste qu’impolitique de les faire porter sur une industrie qu’on reconnaît dans un état de malaise et même de détresse, et qui demande à grands cris que l’Etat vienne à son secours.

Cet état de gêne est constaté d’ailleurs par les avis des chambres de commerce des arrondissements où s’exploite la bonneterie, par les pétitions adressées à cette chambre, par l’opinion des orateurs que vous avez entendus, et principalement encore par les déconfitures et les faillites multipliées qui ont éclaté depuis quelques années parmi nos fabricants bonnetiers.

Or, dès que cet état de souffrance est un fait notoire, un fait qui ne peut être contesté, je cherche en vain les raisons pour lesquelles on voudrait une réduction. Quoi ! lorsque les droits actuels sont tels que cette industrie souffre de plus en plus, lorsqu’ils sont notoirement insuffisants pour nous protéger au moins du côté de l’Allemagne qui déjà nous écrase, vous venez nous parler sérieusement d’une réduction en faveur de la France ! Vous voulez ainsi enlever à cette industrie ce qui lui reste et la désespérer ! Mais encore un coup, pourquoi une conduite aussi singulière à l’égard de nos fabriques ?

Direz-vous que le droit d’entrée se fraude trop facilement et qu’il convient de le baisser pour ce seul motif ?

Mais si M. le ministre était mieux informé, il saurait que la triste situation de cette industrie doit être attribuée non à l’introduction frauduleuse et trop facile des marchandises françaises, mais bien à l’entrée toute légale des produits allemands ou saxons : que l’on descende chez les premiers venus de nos commerçants ou fabricants ils vous indiqueront tous la même cause. Il est vraiment pénible de voir notre ministre ignorer ici des choses connues de tout le monde.

Du côté de la France, tout le commerce reconnaît que la protection est précisément suffisante : il ne faut donc pas qu’on vienne réclamer ici cet abaissement de droit, sous prétexte que la fraude la rendrait illusoire.

Si cette protection était réellement éludée au moyen de la fraude, le commerce ne manquerait pas de s’en plaindre, puisqu’il serait le premier intéressé dans cette question, et, dans cette circonstance comme toujours, le meilleur juge est la partie intéressée.

Or, si l’abaissement du droit qu’on sollicite ne peut être motivé sur ce qu’étant prétendument trop élevé, il fournirait un appât la fraude, et qu’on neutraliserait ainsi le but protecteur du tarif ; je le répète, qu’on veille bien me dire les véritables motifs qui ont dicté la proposition de réduction du gouvernement en faveur de la France.

Sans doute, dans tous les systèmes possibles, il y a toujours çà et là quelque fraude, mais ce fait de peu d’importance ne peut rien conclure. S’il était vrai que la fraude du côté de la France fût assez sérieuse pour envahir nos magasins et faire un tort notable à nos industriels, vous auriez immanquablement entendu aussi leurs plaintes dans cette enceinte, comme vous avez entendu celles qu’ils vous ont adressées contre la bonneterie allemande. Il est donc constant que vis-à-vis de la France, et pris égard à sa prime d’exportation, le droit d’entrée est maintenant réglé à un taux convenable, et qu’il n’y a pas plus lieu de l’augmenter que de l’abaisser.

Mais je demanderai encore à M. le ministre sur quelles preuves il s’appuie pour prétendre que la protection du droit actuel est éludée par la fraude ? Sur ce point il ne nous a communiqué aucune pièce ni aucun document, c’est donc sur une allégation qui ne repose sur rien qu’on nous demande une diminution de droits sur les bonneteries françaises.

Serait-ce donc pour le plaisir de faire des concessions à la France qu’on se montre si empressé de nous sacrifier ? Il est possible que de pareilles concessions soient agréables à notre gouvernement. Mais je prie M. le ministre de tourner ses regards vers nos malheureux fabricants, qui déjà ont dû succomber contre la concurrence allemande ; et je lui demanderai s’il veut maintenant que la concurrence française achève la ruine de ceux qui n’ont pu jusqu’ici se soutenir qu’avec beaucoup de peine dans l’état actuel des choses.

Si l’intérêt du trésor touche M. le ministre, je le prierai de se laisser aussi toucher à la voix de plus de 60,000 ouvriers qui souffrent ; et enfin, si des considérations de cette nature ne font point impression sur lui, je lui demanderai encore s’il est bien prudent et politique d’exciter un juste mécontentement parmi une classe aussi nombreuse de nos ouvriers, et s’il ne craint point de mépriser nos plaintes et nos avertissements.

Quoique ce soit une erreur bien dangereuse de prendre pour règle la prime d’assurance, lorsqu’on fait une loi de durée, j’admettrai, comme on l’a, qu’elle est vers la France de 14 à 15 p. c. Mais notre droit d’entrée de 20 p. c. n’étant dans la pratique que de 18 à 17, il s’ensuit clairement qu’à ce taux il n’est point trop élevé, puisqu’en principe le droit doit toujours être supérieur à la prime d’assurance, de quelques francs au moins, attendu que le commerçant préfère payer quelque chose en plus pour éviter les chances inévitables de la fraude. Notre droit de 20 p. c., de l’aveu de notre adversaire, se trouve donc sagement balancé avec cette prime d’assurance. Il en résulte dans tous les cas une protection réelle de 15 p. c., alors même qu’on emploie la fraude sans préjudice, toutefois à la prime française pour l’exploitation.

Mais qu’arriverait-il donc aujourd’hui, si vous consentiez une réduction de ce droit au profit de la France ? Cette diminution aurait pour effet probablement de faire baisser aussi la prime d’assurance, par suite avec elle la protection qui, dans tous les cas, est acquise maintenant à notre industrie. Or, lorsque déjà elle est aussi sérieusement dans un état de gêne, peut-il jamais être opportun de diminuer cette protection ? Ne serait-ce pas vouloir sans motif lui porter un coup mortel ?

Les partisans de la réduction sur la bonneterie commune devraient nous prouver que la protection dont nous jouissons en ce moment vis-à-vis de la France serait réellement excessive. Mais eux-mêmes reconnaissent ou ne contestent point l’état de souffrance que nous avons signalé, et dès lors je les prierai de me dire comment ils pourraient concilier ce fait qui est de notoriété publique avec la réduction qu’ils désirent.

La chambre a décidé qu’elle adopterait la perception du droit au poids des produits étrangers.

Les considérations que je viens de présenter doivent donc nous déterminer, quant à la bonneterie commune au moins, à maintenir pour base le droit actuel de 20 p. c. à la valeur. Si dans l’exécution, il est impossible physiquement d’obtenir un chiffre exact, on doit admettre en pareil cas une latitude qui puisse contourner plutôt en faveur de la protection, puisqu’elle est le premier but de la loi. La même règle devrait être suivie si on adoptait 15 au lieu de 20 p. c. Dans le doute, nous devons pencher pour les intérêts belges : par conséquent, en supposant dans ce dernier cas que le résultat des droits combinés au poids serait de produire quelquefois un droit supérieur à 15 p. c., cette circonstance ne devrait point arrêter.

Quant à l’augmentation du droit pour l’Allemagne, aucun orateur ne la conteste ; elle sera donc sans doute admise sans difficulté.

Je pense enfin que notre économie politique ne nous permet point d’avoir un droit commun pour toutes les nations, ainsi que la grande nation voisine croit pouvoir l’adopter, dit-on, dans ses intérêts. L’intérêt général, tel qu’on doit le comprendre dans un grand royaume, doit se trouver dans une sphère bien plus élevée que dans un petit Etat. Celui-ci doit ordinairement se régler selon la conduite de tous et de chacun de ses voisins. Ainsi, par exemple, si une nation le traite avec rigueur, il ne pourra point, à son tour, la traiter avec indulgence quand son intérêt évident de petit Etat s’y oppose ; dans ce cas, il devra consacrer une exception. Telle nation qui le traite avec faveur ne pourra être traitée aussi défavorablement que d’autres qui ne lui offrent pas les mêmes avantages. Ainsi, telle importation de certaine provenance pourrait ne pas nuire au pays, tandis qu’elle pourrait lui causer un tort sérieux si elle venait d’une autre provenance. En cette matière, je l’ai déjà dit, les circonstances et les intérêts particuliers d’un petit Etat, environné de puissants voisins, doivent nous servir de boussole.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Messieurs, l’honorable M. Doignon, avec sa bienveillance accoutumée à l’égard des ministres, vient de recommencer la discussion générale de l’article relatif aux bas et à la bonneterie ; cependant il était sans doute inutile de reprendre cette discussion, et certes le préopinant aurait aussi bien fait de s’occuper du taux du droit que de reproduire encore ces imputations déjà tant de fois réfutées, que nous sacrifierions à plaisir les intérêts de l’industrie nationale. Je déclare ne plus vouloir répondre à toutes ces récriminations ; nous devons chercher à arriver à une fin, et ces questions qui dégénèrent toujours en définitive en questions personnelles, sont fort peu intéressantes pour la chambre et surtout pour le pays.

Si j’ai bien compris le fond des observations de l’honorable membre, le droit proposé par la section centrale ne lui convient pas encore. Il trouve la moyenne de 15 fr. trop basse, et veut que cette moyenne soit portée à 20 fr.

Vous sentez que si je me suis opposé à une augmentation de droit en ce qui concerne l’Allemagne et l’Angleterre, augmentation qui n’était que de 5 p. c. sur le droit actuel, je dois, à plus forte raison, m’opposer à un amendement qui doublerait le droit sur les provenances de ces pays.

Je prie la chambre de bien considérer que le projet n’a nullement pour but de changer la position de l’Allemagne et de l’Angleterre vis-à-vis de la Belgique, mais seulement de faire rentrer la France dans le droit commun.

Or, d’après ce que vient de dire le préopinant, c’est contre l’Allemagne que sa proposition serait dirigée, puisque ce n’est que de ce pays que la bonneterie belge a quelque chose à craindre ; et la France, quoi qu’on en ait dit, n’est pas bien dangereuse pour cette branche d’industrie.

M. Doignon vient de me donner lui-même les moyens de vous le prouver clairement. Il nous a dit en effet que le droit actuel contre les bonneteries de France était efficace, et qu’on n’avait en aucune façon prouvé qu’il fût éludé par la fraude. Il a de plus ajouté que moyennant la prime, les Français pouvaient concourir avec nous. Eh bien, j’admets qu’on ne fraude pas de bas de France et que celle-ci concoure avec nous. Voici la valeur des bonneteries que ce pays nous fournit : En 1835, il en a été importé pour 20,944 fr. ; et en 1836 pour 31,747 fr. Permettez aussi que je vous fasse connaître maintenant le chiffre des importations du même article par l’Allemagne. En 1835, ce chiffre a été de 692,000 fr. de valeur ; et en 1836, de 535,515 fr. Ce n’est donc pas du côté de la France que vous aurez à craindre la concurrence.

On a dit que la prime d’exportation met le fabricant français sur la même ligne que le fabricant belge, malgré le droit de 20 p. c. qu’il doit payer à l’entrée chez nous ; mais il est bon de vous rappeler que cette prime d’exportation n’est en général qu’un drawback, une restitution à la sortie des droits perçus à l’entrée sur le coton, sur les matières premières employées à la confection des objets exportés. Il suffit de jeter les yeux sur les instructions de la douane française pour en acquérir la preuve.

Et il semble ne pas pouvoir en être autrement, parce que si l’on remboursait à la sortie indifféremment une prime sur tous les fabricats exportés sans justifier l’origine des matières avec lesquelles ces fabricats ont été confectionnés, ce ne serait plus un drawback sur la matière étrangère employée, ce serait une prime réelle qui serait désastreuse pour le trésor. On demandera peut-être pourquoi il en est ainsi en France et non en Belgique. ; je répondrai que c’est parce que les droits d’entrée sur la matière première sont en général très élevés en France, et qu’il serait impossible pour les fabricants d’exporter avec avantage, si on ne les remboursait pas à la sortie. En Belgique, au contraire, les droits d’entrée sur ces matières sont si minimes, que la restitution serait insignifiante.

Puisqu’il s’agit en ce moment d’établir le droit au poids, mode auquel je m’opposerai encore lorsque nous en viendrons au second vote ; puisqu’il s’agit, dis-je, d’appliquer le droit à ce mode provisoirement adopté par la chambre, je vous ferai connaître quelques expériences que j’ai fait faire depuis la séance d’hier, expériences auxquelles je n’avais pas cru devoir recourir avant, parce que je m’étais persuadé que la simple inspection des tableaux de la section centrale vous eût démontré que le système qu’elle proposait était inadmissible. J’ai donc fait acheter quelques paires de bas de diverses qualités, j’ai combiné le prix avec le poids, et il résulte de cette opération que telle paire serait, d’après les droits que l’on vous propose d’admettre, imposée à 29 p. c., que telle autre serait imposée à 22 p. c., une autre à 19 p. c., une autre à 13 1/2, une autre à 12, d’autres enfin à 23 et 27 p. c.

Voilà l’application du système qu’on vous présente ; je vous le demande, pourriez-vous raisonnablement adopter à l’égard de l’Allemagne un tarif qui élèverait à 27 ou 30 p. c. un droit qui aujourd’hui n’est que de 10 p. c. ? J’espère encore qu’après avoir examiné la question mûrement la chambre reviendra sur sa décision d’hier.

Je le déclare à l’avance, messieurs, je ferai tous mes efforts quand le moment sera venu pour démontrer qu’il convient d’abandonner le mode auquel vous avez donné la préférence. Je me permettrai toutefois dès maintenant une observation sur les catégories différentes de droits, que la section centrale vous soumet pour rendre plus apparents encore les vices de son projet.

Quand le poids d’une douzaine de paires de bas est inférieur à cinq kilogrammes, elle porte le droit à 8 fr. le kil., mais elle ne fait aucune distinction pour les bas de femme et d’enfant . De sorte qu’on fera payer sur des bas qui n’auront qu’une très faible valeur un droit de huit fr par kil. ; car les bas de femme et surtout ceux d’enfant ne pèseront ordinairement pas, la douzaine, 5 hectogrammes quoiqu’ils soient d’une qualité très inférieure ; de cette manière nous prohiberions donc en réalité les bas de femme et d’enfant.

Hier la chambre était extrêmement pressée de voter, et je n’ai pu présenter toutes les réponses que je voulais opposer aux députés de Tournay. Si vous imposez à la valeur, disaient-ils, savez-vous comment on éludera le droit, on fera comme pour les porcelaines, on envoie les tasses par un bureau et les dessous de tasse par un autre bureau ; de même on enverra les gants de la main droite d’un côté et les gants de la main gauche par un autre côté ; de cette manière les douaniers ne pourront pas préempter.

Il était facile de faire tomber cet argument, car pour la porcelaine le droit se paie au poids. Il n’était pas plus concluant à l’égard des gants, parce que ce mode d’expédition est prohibé par la loi générale des douanes de 1822. L’art 128 de cette loi l’interdit formellement. Cet article est ainsi conçu : (M. le ministre en donne lecture.)

On dirait que cette loi a été faite pour répondre à l’honorable M. Dumortier ; et voilà donc les moyens de fraude qu’on vous présentait hier réduit à leur juste valeur.

Dans la confiance que le mode de tarification provisoirement adopté ne sera pas maintenu, je ne présenterai pas d’amendement aux taux des droits proposés. Toutefois je dirai qu’en prenant les résultats des calculs de la section centrale comme s’appliquant d’une manière uniforme et équitable, il faudrait leur faire subir une réduction d’un tiers, c’est-à-dire ramener le droit de 15 à 10 p. c. afin de demeurer à la hauteur du chiffre du gouvernement. Mais je m’abstiendrai, je le répète, de proposer ces réductions, afin d’éviter une discussion longue et inutile sur chacun des articles du tarif ; je préfère ne présenter ces amendements que dans le cas où la chambre se serait définitivement prononcée au second vote en faveur du mode de perception au poids.

En finissant, je demanderai à la section centrale si le système provisoirement adopté exclut l’amendement de M. le ministre de l’intérieur sur les bas et mitaines d’Ecosse et autres contrées désignées ; vous savez que cet amendement tend à laisser le droit sur ces provenances comme il existe aujourd’hui, c’est-à-dire à trois pour cent de la valeur.

M. Dumortier. - Je pensais que le ministère aurait été convaincu par l’immense majorité qui s’est levée hier en faveur dit principe de perception au poids, que la chambre avait pris cette résolution en connaissance de cause.

Mais puisque M. le ministre des finances est venu rentrer dans cette discussion et a présenté de nouveaux arguments en faveur de sa théorie favorite, qui est sinon la plus sage, au moins la plus commode, qui, sinon exige le plus de travail et d’étude, offre assurément le plus de facilités…

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Il ne faut pas grand travail pour peser des paires de bas.

M. Dumortier. - Pour évaluer les droits au poids, il faut beaucoup de calculs. Quand on n’aime pas à faire des calculs, on trouve plus commode de fixer les droits à la valeur.

Puisque, disais-je, le ministre est rentré dans la question, j’y rentrerai à mon tour.

Le ministre des finances a dit que la tarification au poids est inadmissible. Mais c’est pour éviter la fraude qui se faisait, lors de la tarification à la valeur, qu’on a transformé les droits à la valeur en droits au poids.

Vous dites que le mode d’introduction des porcelaines dont on a parlé n’est pas exact, puisque les porcelaines paient des droits au poids. Oui, maintenant l’on paie les droits au poids. Mais, avant 1822, on payait les droits à la valeur ; et je pourrais citer des maisons de commerce qui ont gagné d’énormes capitaux en introduisant des porcelaines avec une fausse déclaration des leur valeur.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - J’ai lu l’article de la loi qui prévoit le cas dont on a parlé.

M. Dumortier. - La loi a prévu le cas précisément à cause des abus qui avaient eu lieu. S’il n’y avait pas eu d’abus, la loi n’aurait pas prévu le cas.

J’ai entendu citer une maison de commerce qui a gagné de grands capitaux, en introduisant par un bureau de douanes tous les couvercles de théières, de sucriers, etc., et tous les vases par le bureau de douanes d’une autre frontière. C’est un fait connu. Je pourrais citer la personne ; car elle n’existe plus.

Je regrette que M. le ministre des finances, qui, par sa position, devrait connaître de tels faits, les présente comme inexacts, alors qu’ils sont de toute vérité.

Remarquez comment les choses se passent pour les draps, pour les porcelaines et pour les cotons : vous mettez les droits au poids et vous écartez les droits à la valeur. Ainsi à ces objets s’applique l’argumentation de M. le ministre des finances, tirée de ce qu’avec la tarification au poids, en raison des différents degrés de perfection des produits, le mauvais paie pour le bon.

D’ailleurs, n’est-il pas reconnu que rien ne prête plus à la fraude que la tarification à la valeur ? Aussi que j’ai eu l’honneur de le dire, il n’y a pas de négociant qui fasse une déclaration exacte de la valeur. En effet, la loi ayant stipulé que l’employé qui fait usage du droit de préemption devra bonifier le négociant en sus de sa déclaration, il en résulte que tout négociant fait sa déclaration de 10 p. c. en dessous de la valeur réelle. D’un autre côté, il arrive souvent que des négociants gagnent des vérificateurs et fraudent au moyen de déclarations faites au taux le plus bas. Il y en a maint exemple. Un gouvernement qui veut empêcher la démoralisation des employés de la douane doit éloigner le plus possible les occasions de démoralisation ; il n’y a pour cela qu’un moyen : la tarification au poids. En effet, comme il faut, pour mettre les marchandises sur la balance, l’intervention de plusieurs personnes, il est impossible que la subornation aille jusqu’aux employés. Il est étonnant qu’un ministre des finances, qui a dans le ressort de son administration des cas si graves de subornation, préconise un système qui mène droit à la subornation.

Qu’arrive-t-il, messieurs, quand les employés, par suite de l’usage qu’ils ont fait du droit de préemption, ont en leur possession une masse de marchandises ? Les employés vont de maison en maison offrir ces marchandises. Pendant ce temps-là le bureau est abandonné et la fraude se fait le mieux du monde. Si les employés ont été trompés, s’ils sont en perte sur les marchandises qu’ils ont préemptés, il en résulte que pendant plusieurs mois toutes les déclarations, quel que soit le taux auquel elles sont faites, sont bonnes, parce que l’employé qui a été pincé (on rit) laisse tout passer. Ce sont des faits incontestables et que l’on ne peut révoquer en doute. Aussi tous les gouvernements sages qui ont examiné à fond les questions d’intérêt public, ont remplacé les droits à la valeur par des droits au poids.

En France, les objets qui paraissent le moins susceptibles d’être imposés au poids, comme la quincaillerie, par exemple, le sont néanmoins. Cependant, si l’on argumentait comme M. le ministre des finances, on dirait : Dans ces objets, il y en a qui paient 50 p. c., d’autres 4 p. c. ; car, dans la quincaillerie, il y a des objets de valeurs très différentes, les uns étant dorés, les autres étant de cuivre pur.

On n’a pas reculé devant cette objection, on a voulu un droit commun pour éviter la corruption des employés et pour assurer à l’industrie une protection qui ne fût pas éludée, tandis qu’avec la tarification à la valeur elle l’est toujours par les fausses déclarations.

La prime existant en France, dit M. le ministre des finances, est un véritable drawback. La France établit un impôt sur l’introduction des laines, et lorsqu’elle laisse sortir les tissus, elle ne fait que rembourser l’impôt qu’elle a reçu. Il est vraiment pénible de voir M. le ministre des finances, qui, encore ici par sa position, devrait connaître les faits, s’appuyer, pour faire adopter un projet qui serait la ruine de l’industrie nationale, sur des faits complètement inexacts. Il dit que la prime de France n’est qu’un drawback ; or, chacun sait que la bonneterie en laine de la Picardie ne peut se faire qu’avec de la laine de Picardie. C’est la France qui produit la matière première. La laine de Saxe serait trop fine et d’une valeur trop grande. Si on employait cette laine, la bonneterie ne serait pas solide, et serait infiniment trop chère. Il résulte de là qu’il ne s’agit point d’un drawback, mais que c’est bien une véritable prime qui est accordée à la sortie. Cette prime, comme je l’ai dit, est de 5 p. c., puisqu’elle est d’un franc par kilog.

La laine, d’ailleurs, est à aussi bas prix en France qu’en Belgique ; la laine commune même est à meilleur marché. La France n’emploie donc pour sa bonneterie que de la laine du pays.

Après avoir démontré combien peu sont fondées les assertions de M. le ministre des finances, il me reste à démontrer que les propositions de la section centrale ne sont pas trop élevées.

Je sais qu’en se jetant dans les extrêmes, en prenant des qualités à l’extrémité de l’échelle, on pourra arriver au résultat qu’a obtenu M. le ministre des finances ; mais ce que je sais bien, c’est que le travail de section centrale a été vérifié à Tournay par une personne étrangère à la bonneterie, et par un membre de la section centrale, également étranger à cette industrie, et que ces deux vérifications ont démontré l’exactitude du travail de la section centrale.

Que vous propose la section centrale ? Pour la bonneterie en coton, des droits de 2, 4, 8 et 10 fr. Ce droit est le plus élevé ; il ne s’applique qu’aux gants et mitaines. Pour la bonneterie en laine, des droits de 2 50, 4, 5 et 6 fr., le tout par kilog.

Mais rappelez-vous ce que j’ai eu l’honneur de dire : c’est que par la loi de 1836 la France donne 1 fr. de prime à la sortie sur ces objets. Le droit sera ainsi réduit d’un franc, et il se trouvera n’être de 10 p. c. pour les espèces fines, souvent de 8 ou de 6 p. c., et de 15 pour les espèces communes.

Je ne pense pas que l’on puisse repousser une proposition aussi sage. D’ailleurs, la chambre a déjà prononcé, elle a admis le principe de la perception du droit au poids et elle a admirablement bien fait. J’espère que dans toutes les circonstances elle admettra le même principe, qu’elle sera conséquente avec elle-même, et avec ce qui se fait en Angleterre, en France et en Prusse. Nous n’avons pas la prétention d’être plus malins que les grandes nations qui nous environnent ; nous devons sortir de l’ornière où le gouvernement hollandais nous avait placés ; il avait commencé lui-même d’en sortir en 1822 ; nous devons achever l’ouvrage.

Nous nous sommes opposés dans le temps à des droits élevés sur la bonneterie, à des droits qui s’élevaient de 50 à 350 fr. le kilog. ; nous nous y sommes opposés parce qu’ils encourageaient à la fraude. Croyez-vous que maintenant nous puissions proposer des droits trop élevés ? Nous serions singulièrement en contradiction avec nous-mêmes.

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Je prierai la chambre de remarquer que je ne suis pas déclaré en principe l’ennemi de la perception des droits de douane au poids, et que je n’ai fait que m’opposer à une innovation nuisible et en quelque sorte hostile à des pays avec lesquels nous sommes en relations...

M. Dumortier. - Ainsi, c’est dans l’intérêt des pays voisins que vous combattez les propositions de la section centrale ?

M. le ministre des finances (M. d'Huart). - Nous jugerons plus tard qui défend le mieux les véritables intérêts de la Belgique. Quant à moi, oui, je tiens compte des relations de la Belgique avec d’autres pays, et je n’omettrai jamais d’en tenir compte.

D’après le système que l’on propose, vous allez changer les habitudes du commerce, le genre des relations que l’étranger a avec nous ; vous allez, à propos d’un changement qui a pour but de mettre la France dans le droit commun, prendre une mesure contre l’Allemagne : cela est évident par les discours des honorables membres qui soutiennent les chiffres de la section centrale, et par le rapport de la section centrale elle-même. Cela est patent.

Quoi qu’il en soit, je dirai que si nous avions table rase, il serait possible que j’adoptasse le système au poids dans beaucoup de circonstances ; mais je n’en voudrais pas encore de la manière qu’on le propose par l’article en discussion. Veuillez remarquer que les orateurs, en s’appuyant de l’exemple de la France et de l’Allemagne, qui perçoivent au poids, ont oublié qu’il s’agit là de droits sur la bonneterie prohibitifs ; je les prie de nous dire s’ils veulent nous amener à de semblables droits et s’ils le veulent, qu’ils adoptent en entier le mode suivi en France et en Prusse, qui consiste en un seul et unique droit sur le coton et sur la laine, sans division en catégories.

L’honorable M. Dumortier n’a pas vérifié, dit-il, les calculs, les essais qui ont été faits ce matin sur les bas dont j’ai tout à l’heure indiqué le prix et le poids, comparativement aux droits de douanes proposés ; il pourra vérifier ces résultats ultérieurement s’il le veut. Pour moi, je ne vérifierai pas les calculs de la section centrale, puisque l’orateur nous assure qu’on les a reconnu exacts à Tournay ; j’admets ces calculs tels qu’ils sont, et c’est avec les tableaux où ils sont résumés, que je combats la base du projet qu’on nous offre. Je prends la catégorie du droit de 4 fr. pour les bonneteries de coton, et je vois que vous imposez également les bas valant 11 fr. la douzaine et les bas valant 30 fr. la douzaine, et je dis que, cela est inadmissible.

Messieurs, je vous prierai maintenant de remarquer la contradiction dans laquelle nos adversaires tombent toujours relativement à la douane. Lorsqu’il leur convient d’examiner l’action de cette administration sous un certain rapport, cette action est efficace et suffisamment répressive, tandis que pour la convenance d’un autre raisonnement l’administration des douanes est corrompue, ses agents sont complices des fraudeurs : je laisse à ceux qui nous opposent de pareilles raisons le soin de les concilier.

Tout ce que je puis dire à cet égard, c’est que, selon mes renseignements, la prime de fraude doit être de 13 p. c. sur la bonneterie, et que pour cette marchandise comme pour les autres objets la douane fait ce qu’elle peut ; si malgré cela il y a de la fraude sur nos frontières, nous le devons à notre position géographique ; ayant huit provinces de frontières sur neuf, et ces frontières n’étant point protégées par des accidents de terrain, des chaînes de montagnes, des rivières, il y a des difficultés immenses pour exercer efficacement la surveillance ; et il faut en conclure qu’on jamais le but qu’on se propose en admettant des droits élevés pour protéger nos industries.

Je crois donc sincèrement que, par toutes les propositions de la section centrale, il y aura gêne pour le commerce avec l’étranger, et que cette gène n’apportera aucun avantage à l’industrie indigène, parce que la fraude viendra niveler à 13 ou 14 p.c. tout ce que vous ferez au-delà dans notre tarif.

Je ne rentrerai pas dans la discussion générale en ce qui concerne le mode de tarification. Je me suis borné déjà à dire que je m’opposerais au mode au poids, quand la question serait de nouveau examinée. Je n’ai voulu discuter en ce moment que le chiffre du droit, et j’ai démontré que les chiffres de la section centrale sont trop élevés, qu’ils devraient être diminués d’un tiers, pour que la moyenne sur laquelle ils reposent soit en harmonie avec le taux actuel de notre tarif.

M. Desmaisières. - Après l’aveu formel du ministre que, dans les moyens à l’aide desquels il a cherché à combattre les arguments présentés par plusieurs honorables membres de cette chambre contre le projet du gouvernement, il y a plus d’esprit de tactique que d’esprit de conviction ; après avoir eu la franchise d’avouer que, ne trouvant pas en faveur de la loi des arguments aussi bons que ceux qui étaient présentés contre, il y aurait eu de la duperie de sa part de ne pas faire usage d’une lettre qui pourrait avoir pour effet d’atténuer le degré de confiance habituelle que la chambre mettait ordinairement dans l’honorable auteur de cette lettre ; après que, par là, le ministre a rendu le plus bel hommage à la force des arguments présentés par ses adversaires, je pourrais me borner à constater ces aveux, et à faire voir que, dans la discussion actuelle, c’est encore le même système que l’on semble vouloir mettre en usage.

Aux bonnes raisons que nous avons présentées pour faire adopter le système de perception au poids, qu’oppose-t-on ? On cherche à vous prouver, maintenant, par des détails, par des calculs, que ce mode est inexact, et que, malgré votre vote d’hier, vote émis à une forte majorité et après une longue discussion, il faut revenir sur votre décision. On renouvelle les moyens employés, dans le temps, contre le tarif des toiles que nous avions proposé. Alors aussi un honorable député d’Anvers vint opposer des calculs à la section centrale, calculs qu’il avait été chercher dans les bureaux du ministère des finances, et à l’aide desquels il prétendait prouver que le vote de la chambre se trouvait entièrement éludé par le tarif adopté. Le vote de la chambre, disait-il, a été de ne porter le droit qu’à 7 ou 8 p. c., et je trouve, par le calcul qu’on vient de me remettre à l’instant, qu’il y a des toiles qui seront frappés de 40 p. c. ; mais, par malheur pour cet honorable membre, l’employé du ministère des finances qui lui avait lu la communication avait opéré sur une espèce de toile d’emballage dont nous ne nous occupions pas. Je n’ai eu besoin que de faire cette simple observation à la chambre pour faire tomber tout à fait l’argument que l’honorable député d’Anvers tirait de ces calculs, et je crois qu’il « jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus. »

M. Smits. - Quel est ce député d’Anvers ?

M. Desmaisières. - Je n’ai pas l’habitude de nommer les personnes, il était là tout à l’heure, je regrette qu’il n’y soit plus en ce moment.

Mais, a dit hier M. le ministre des finances, l’expérience nous fait voir qu’au lieu de 7 ou 8 p. c. dont on a voulu imposer les toiles par le tarif de 1834, le droit sur cet objet s’élève quelquefois jusqu’à 25 p.c. ; je crois, messieurs, que ce chiffre est exagéré ; il entre peut-être encore dans la tactique dont j’ai parlé tout à l’heure : quoi qu’il en soit, nous n’avons jamais soutenu que le droit n’irait pas au-delà de 7 ou 8 p. c. ; au contraire, d’après l’expérience et les calculs faits d’abord par la chambre de commerce de Courtray, répétés et vérifiés par les membres de la section centrale et par M. le ministre des finances, assisté par le directeur des douanes et par le chef de division des poids et mesures, nous avons prouvé à la chambre que sur les espèces de toiles qui se fabriquent le plus dans le pays, le droit s’élèverait de beaucoup au-delà de 7 ou 8 p. c, ; mais nous disions que sur les toiles d’Allemagne, que nous avions principalement pour but de frapper, le droit ne s’élèverait qu’à ce taux de 7 ou 8 p. c. Et je vous dirai à cet égard que quoique la France ne veuille pas de droits différentiels, il résulte cependant de son tarif une différence réelle entre les toiles d’Allemagne et les nôtres qui sont importées en France ; les toiles d’Allemagne sont d’une contexture telle qu’elles paient un droit beaucoup plus faible que les toiles belges. Je sais qu’on peut aussi fabriquer en Allemagne quelques toiles qui ressemblent aux nôtres et qui, par conséquent, paient le même droit ; mais la généralité des toiles sont de la catégorie dont je viens de parler.

Quant à la bonneterie, messieurs, ce n’est pas d’aujourd’hui que cette question se trouve agitée dans cette assemblée ; la chambre se rappellera qu’en 1835 la section centrale, qui a examine la proposition relative aux cotons, et dont j’avais l’honneur de faire partie, s’occupa aussi de la bonneterie ; notre honorable président, qui préside en même temps la chambre, annonça publiquement dans cette enceinte quel jour la section centrale, en présence des industriels, des négociants, des membres de la chambre qui voudraient bien assister à notre séance, pour nous fournir l’aide de leurs lumières et de leur expérience, procéderait à l’examen de la proposition relative aux cotons, qui nous avait été présentée par vingt-quatre députés des Flandres, et dans laquelle les bonneteries se trouvaient comprises ; il vint des industriels de Tournay et de Bruxelles qui nous remirent un tableau qui se trouve imprimé à la suite du rapport que nous avons présenté à la chambre sur la question qui nous avait été renvoyée ; ce tableau existe depuis 1835, il a été porté à la connaissance de tout le monde, et jusqu’ici il n’a donne lieu, que je sache, à la moindre objection. A la vérité, quand nous vîmes ce tableau, nous fûmes étonnés qu’il s’y trouvait une catégorie de bas qui étaient évalués à 1,800 fr. le kilog., et nous communiquâmes notre étonnement à cet égard aux industriels qui nous avaient fourni le tableau ; un d’eux nous mit alors sous les yeux des bas de cette espèce, et nous vîmes qu’en effet ils avaient la valeur qui leur était attribuée dans ce tableau. Cela répond à l’objection de l’honorable M. Rodenbach, qui prétendait que pour la bonneterie fine l’industrie belge aurait encore beaucoup de progrès à faire.

M. A. Rodenbach. - Je n’ai pas dit cela.

M. Desmaisières. - Ce qui prouve encore que nous ne sommes pas arrières sous ce rapport, c’est que des bas nous ont été commandés par la reine de Portugal, Dona Maria. Vous le voyez, messieurs, nous sommes tellement en arrière que des reines de pays étrangers viennent s’approvisionner chez nous.

Qu’a fait, messieurs, la section centrale chargée de l’examen de la question cotonnière ? Elle a établi des calculs, et elle a proposé le droit d’après un terme moyen résultant de ces calculs, qui n’ont été contestés par personne et pour l’établissement desquels on avait fait, si ma mémoire m’est fidèle, quelques expériences en présence nous seulement d’industriels qui fabriquent des bonneteries, mais encore en présence de marchands qui vendent des bonneteries étrangères ; ni les uns ni les autres n’y ont trouvé à redire.

Maintenant, messieurs, nous avons les calculs qui se trouvent annexés au rapport de la section centrale et qui sont confirmés par ceux dont je viens de parler ; ils sont publiés depuis 13 jours à trois semaines, et il n’est parvenu à la chambre aucune objection de la part du commerce contre ces calculs ; il faut donc croire qu’ils sont exacts.

Mais on vient de nous dire que le droit va s’élever pour certaines espèces à un chiffre plus haut que celui que la chambre aura voulu établir ; c’est là certainement ce qui résulte de tout système qui repose sur des catégories ; mais faut-il, parce qu’un semblable système présente un léger inconvénient, abandonner tout le bien qui peut en résulter ? L’honorable M. Verdussen voudrait ici appliquer toute l’exactitude mathématique que l’on est habitué de rencontrer chez lui ; mais en pareille matière, messieurs, l’exactitude mathématique ne peut pas exister ; car si l’on voulait que le droit ne fût jamais d’un centime plus élevé que 15 p. c., par exemple, qu’il ne fût jamais moins élevé, qu’il fût toujours absolument le même, il n’y aurait aucun système possible ; le système de la perception à la valeur lui-même ne présenterait pas ces résultats. Avec la perception à la valeur, le droit dépend du caprice, tandis qu’avec la perception au poids il résulte d’une appréciation purement mécanique. Le plus exact est donc d’établir un taux moyen, sauf à établir un plus grand nombre de classes, si l’on trouve qu’il y a une trop grande différence entre les objets soumis au même droit. Cependant, si vous établissez un plus grand nombre de classes, vous aurez de la part de ceux auxquels vous voulez rendre justice, vous aurez de la part de l’étranger les mêmes objections que celles que nous faisons au nouveau tarif français en ce qui concerne les toiles, dont nous disons que parce qu’on a établi trop de catégories, on nous fait maintenant, au lieu de nous favoriser, payer plus de droits que nous n’en payions auparavant. Or, il me semble qu’on veut éviter cet inconvénient puisque M. le ministre des finances vient encore de nous dire qu’il s’agit ici de faire rentrer la France dans le droit commun, et de rien autre chose ; si cependant il en est ainsi, je m’étonne que nous ayons reçu ce matin un amendement de M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères où il propose d’en revenir au droit de 3 p. c. pour les bas et mitaines d’Islande, d’Ecosse, de Kloppenbourg et de Danemark. Faudra-t-il aussi alors, pour faire rentrer la France dans le droit commun, abaisser jusqu’à 3 p. c. le droit sur les bas et mitaines de France ? Telle ne doit pas être, messieurs, notre manière d’agir ; nous ne devons pas, pour rendre justice à la France, abaisser les droits sur les bonneteries de ce pays au niveau des droits que nous percevons sur les bonneteries d’Allemagne.

Nous devons faire comme la France, imiter l’exemple des chambres françaises. Les chambres françaises ont examiné ce qui était dans leur intérêt, et elles ont pris des mesures générales, mais des mesures générales dans leur intérêt. Eh bien, nous seront justes de la même manière que les chambres françaises, en établissant le droit dans notre intérêt et dans notre intérêt propre, mais en l’appliquant d’une manière générale.

M. Verdussen. - Je voudrais que l’on rentrât dans la véritable discussion qui doit nous occuper en ce moment. Le principe a été adopté hier. Tout ce qu’on vient de dire pourra trouver sa pace lors du second vote.

M. Smits. - Messieurs, l’honorable député de Gand qui avant M. Verdussen a porté la parole, a beaucoup parlé de tactique, et je crois vraiment que la levée de boucliers contre le tarif à la valeur n’est autre chose qu’une tactique pour arriver à des droits très élevés, tels que ceux que M. le ministre des finances vous a signalés tout à l’heure.

Cette tarification à la valeur est cependant ancienne, elle a toujours existé dans notre tarif des douanes...

Une voix. - La question est décidée.

M. Smits. - Je le sais, mais je voulais seulement justifier cette espèce de tarification, afin de prémunir l’assemblée contre tout retour à des modifications ultérieures.

Maintenant que la tarification au poids a été adoptée, il ne s’agit plus que de savoir si le droit sera de 10 p. c. comme le propose le gouvernement, ou de 15 p. c. comme le propose la section centrale.

Or, messieurs, il résulte de l’enquête qui a été faite en France, et de la déclaration de la chambre de commerce de Tournay elle-même, que les Saxons peuvent produire la bonneterie à 5 p. c. meilleur compte que les Français. Si cela est vrai, comme je le crois, il est évident qu’en plaçant la France dans le droit commun, on ne peut apporter aucune lésion à l’industrie nationale ; car si 10 p. c. ont toujours suffi pour la protéger contre les produits de la Saxe, 10 p. c. doivent, à plus forte raison, suffire pour la garantir contre la concurrence des produits français.

Je pense, d’après ce raisonnement bien simple, que la chambre doit se borner à adopter le chiffre du gouvernement, sauf à voir ultérieurement comment ce chiffre sera établi.

M. Dumortier. - Et les primes !

M. Smits. - Les primes ! Vous êtes dans l’erreur à cet égard ; il n’en existe véritablement pas en France ; la loi établit des drawbacks ou remboursements des droits que les matières premières qui servent à fabriquer les tissus, ont eu à supporter à leur entrée dans ce pays, et je pourrais démontrer par des exemples nombreux, puisés dans l’enquête française, que le remboursement est loin d’être intégral ; mais je me bornerai à lire la disposition, principe de la loi, si je puis l’appeler ainsi, pour démontrer à l’assemblée que la prime, c’est-à-dire la protection n’existe point. Cette disposition, la voici : (M. Smits donne lecture de la loi.) Vous le voyez, messieurs, les primes ne constituent pas un encouragement pour l’industrie française, mais une simple compensation des charges que les matières qu’elle emploie ont eu à supporter. Elles ne peuvent donc influer sur votre vote qui, je l’espère, sera conforme à la proposition du gouvernement et non à celle de la section centrale.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, lorsque j’entends le discours des honorables membres qui soutiennent la proposition du gouvernement et combattent celle de la section centrale, je me demande quelle loi nous faisons. Est-ce une loi française ? Est-ce une loi anglaise ? Est-ce une loi allemande ? Ou bien est-ce une loi belge ? D’après les raisons que l’on donne, cette loi est tout cela, excepté belge...

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Je demande la parole.

M. Dubus (aîné). - Cette loi, vous dit-on, a pour but unique de remettre la France dans le droit commun. A ce sujet, la chambre n’a pas oublié la théorie qui a été présentée d’une manière si absolue dans une séance précédente par l’honorable membre qui as parlé immédiatement avant moi. C’était, à l’entendre, une anomalie en fait de douanes que des dispositions différentes pour des frontières différentes ; il y avait là quelque chose qui ressemblait à l’absurdité ; aussi on ne pouvait attribuer cela qu’à des lois de haine, de colère qui devaient nous amener des représailles.

Il faut donc ramener la France dans le droit commun. C’est en faveur de la France que la proposition est faite, afin que les fabricants français puissent avec plus de facilité concourir avec les autres sur notre marché.

Mais un amendement en opposition directe avec ce principe (celui d’établir un seul droit pour toutes les frontières) est jeté dans la discussion par le ministre lui-même. On demande que le droit en faveur des Anglais soit réduit à 3 p. c. Cela apparemment est favorable à l’Angleterre.

Lorsque la section centrale vous propose un droit au poids, voici venir le ministre des finances qui vous dit que cela portera dommage à l’industrie allemande ; et de l’industrie belge, pas un mot ; on ne s’en préoccupe pas. Il me paraît pourtant que cela doit nous préoccuper avant tout, et que, députes du peuple belge, nous avons à faire une loi belge, et non une loi française allemande ou anglaise. (Adhésion.)

Examinons donc la question sous le rapport de l’intérêt belge, et non sous celui de l’intérêt anglais, de l’intérêt français ou de l’intérêt allemand. Examinons la situation de notre industrie, comparativement à celle de la France, de l’Angleterre et de l’Allemagne.

Quand je la considère en présence de l’industrie française, je trouve que le droit qui a existé depuis 1823 jusqu’aujourd’hui a été un droit qui a protégé notre industrie. Eh bien, c’est précisément ce droit qu’on propose de réduire. Ainsi, ce qui a été favorable à l’industrie belge, c’est ce qu’on veut retirer, c’est cette protection utile dont on veut la dépouiller, et cela pour favoriser l’industrie française.

Je dis, messieurs, que le droit établi depuis 1823 a été protecteur. Ce fait ressort même des tableaux officiels qui nous ont été communiqués. En effet, l’on y voit que l’importation française qui n’était pas considérable a été cependant plus élevée en 1832 qu’en 1833, et qu’également elle l’a été plus en 1833 qu’en 1834. Voilà ce dont les Français se plaignent. Eh bien, vite une proposition vous est faite dans l’intérêt de l’industrie française.

Si je me tourne maintenant du côté de l’Allemagne, je vois que la position est tout à fait inverse ; en effet, l’importation allemande a été plus considérable en 1833 qu’en 1832, et plus forte en 1834 qu’en 1833 ; le chiffre de 1835 est encore plus élevé, si nous nous en rapportons à celui qui nous a été donné par M. le ministre des finances.

Voici le tableau de ces importations :

1832 174,470 fr.

1833 292,020 fr.

1834 459,254 fr.

1835 692,000 fr. (d’après M. le ministre des finances.)

Ainsi, tandis que le chiffre va en décroissant vers la frontière française, où le droit est de 20 p. c., il suit une progression ascendante effrayante vers les frontières allemandes.

Quant à l’amendement déposé dans l’intérêt de l’industrie anglaise, on dit qu’il n’apportera pas dommage à notre industrie, parce que cette industrie ne s’exerce pas sur des produits similaires. Mais, MM. les ministres, si vous adoptez pour principe de considérer dans cette circonstance-ci si l’industrie s’exerce sur des produits similaires oui ou non, faites le même examen relativement aux deux autres frontières, et si vous reconnaissez que l’industrie belge et l’industrie allemande s’exercent sur des produits similaires, protégez efficacement notre industrie contre l’industrie allemande et l’industrie française ; mais vous ne voulez jamais considérer la question que dans l’intérêt des étrangers, et non dans l’intérêt de la Belgique.

Au reste, messieurs, je ne pense pas que le tarif proposé par la section centrale, qui conduirait à nous protéger contre la France, porterait même dommage à l’industrie allemande et cela, parce que si nous avons à craindre la concurrence française pour la bonneterie de qualité moyenne, c’est pour la bonneterie fine que nous avons à redouter la concurrence de l’Allemagne.

J’ai démontré dans une séance précédente que le projet de la section centrale était favorable à la bonneterie fine. Il est probable que cet article entrera en payant un droit moindre avec le tarif proposé qu’avec celui actuellement en vigueur.

Ce tarif, la section centrale l’a établi au poids. Je n’entrerai pas dans la question de savoir si ce mode de tarification est préférable à celui qui existe maintenant, c’est-à-dire à la perception à la valeur. Cette question, la chambre l’a décidée hier ; nous n’avons plus qu’à régler les conséquences de cette décision ; nous n’avons plu qu’à nous occuper du taux auquel nous devons porter le droit.

Je rappellerai à la chambre dans quelle position se trouve l’industrie du pays. Elle est réduite presque exclusivement à notre propre marché. Les importations en France sont absolument nulles, puisque notre bonneterie y est prohibée ; les importations en Allemagne n’ont jamais été considérables, et encore ont-elles été en diminuant d’année en année. En 1832, elles ont été de 104,182 ; en 1833, elles ont été de 64,102 fr., et en 1834, de 43,952 fr. J’ignore quel en était le chiffre en 1835. Vous le voyez, le marché de l’Allemagne, nous le perdons, car une exportation de 43,000 fr. ne peut pas être considérée comme un débouché ; vers la France, comme je viens de vous le dire, l’exportation est nulle. Nous n’avons donc plus que notre marché. En effet, la France nous oppose la prohibition ; et quant à l’Allemagne, le droit qu’elle a établi, et qui serait un droit très modéré sur la bonneterie fine (mais nous ne pouvons pas aller lutter en Allemagne avec les Allemands pour la bonneterie fine) est un droit trop considérable sur la bonneterie moyenne pour que nous puissions faire des importations avantageuses dans ce pays.

La confédération allemande vous oppose un droit de 4 fr. par kilogramme de bonneterie de cotons.

M. le ministre vous dit que vous ne pouvez pas adopter un taux semblable, parce que le tarif allemand est prohibitif. Mais si le tarif français est prohibitif et que le tarif allemand soit également prohibitif, cela doit-il nous déterminer à favoriser l’industrie française et l’industrie allemande ? Mais, messieurs, le tarif allemand n’est pas prohibitif. Les chiffres de la section centrale sont là pour démontrer le contraire. Le tarif allemand porte le droit à 4 fr. le kilogramme. La section centrale a établi que ce droit appliqué à la bonneterie moyenne équivalait à un taux moyen de 15 p. c.

Assurément, dans la position dans laquelle nous sommes vis-à-vis de la France, et c’est la France qui pourrait nous fournir des importations de bonneterie moyenne, un taux moyen de 15 p. c. opposé à la prohibition française donnerait une preuve de la plus grande modération. Je ne sais comment on peut avec quelque apparence de raison critiquer une pareille conduite et traiter notre loi de loi de colère et d’hostilité. Si quelque chose ressemble à de la colère et à de l’hostilité, c’est la prohibition française.

Mais, dit le ministre, j’ai fait des essais et j’ai trouvé, par les essais que j’ai faits sur plusieurs paires de bas, que le système de la section centrale était vicieux. Mais je comprends, par les explications dans lesquelles M. le ministre est entré, que les essais qu’il a faits ont été isolés. En effet, il vous dit : Sur telle paire de bas le droit sera de 10 p. c. ; sur telle autre, il sera de 25. Voyez quelle inégalité de droits !

La réponse à cette objection est très facile. Il n’est pas de négociant qui achète tous bas d’une même qualité, d’une même espèce. Toute personne qui s’occupe de ce commerce vous dira que jamais on n’a vu une expédition semblable. Cette sorte de marchandise veut toujours être assortie de toutes qualités. Voilà pourquoi on a pris une moyenne pour établir le taux du droit.

Cette critique d’ailleurs est celle qui peut être faite de tous les articles du tarif établis au poids, si vous faites des calculs isolés ; mais on vous répondra que dans le commerce on ne fait ordinairement pas d’expédition d’objets tous d’une même qualité. Ce n’est pas tout de faire venir de la marchandise, il faut la placer, et si elle n’est pas assortie, elle ne sera pas facilement placée.

Cette critique ne doit donc pas vous arrêter ; et encore une fois, c’est reproduire une critique contre un mode qui était en question hier, mais qui ne l’est plus aujourd’hui. Vous avez rejeté cette critique, en adoptant le mode de tarification au poids.

Dès lors, vous devez prendre un taux moyen. En l’établissant à 15 p. c. sur la bonneterie moyenne et à 20 p. c. sur la bonneterie fine et superfine, vous fixez réellement un droit très modéré. Il y a une sorte de ces marchandises sur laquelle le droit serait devenu excessif : ce sont ces objets de gros tricot, tels que caleçons, jupons, gilets, qui pèsent beaucoup pour leur valeur. La section centrale, l’ayant reconnu, vous propose pour cette espèce de marchandise un droit de 2 fr. seulement au kilog., c’est-à-dire la moitié du droit qu’on paierait en Prusse.

Ainsi quant à cette sorte de marchandise, la France prohibe, la Prusse établit un droit dont le taux moyen est de 30 p. c. et la section centrale propose d’admettre ces marchandises, soit de France, soit de Prusse, moyennant un droit de 15 p. c. Encore une fois, n’est-ce pas là une preuve d’une grande modération ?

Si la section centrale a corrigé le tarif prussien sur ce point, elle l’a perfectionné aussi sur un autre, en proposant un droit plus élevé lorsque la marchandise est plus fine, parce qu’alors un moindre poids à une plus grande valeur. Mais elle l’a établi de manière qu’il fût terme moyen de 10 p. c. de la valeur, en bornant son calcul aux qualités qui n’excèdent pas le prix de 50 fr. : au-delà et au fur et à mesure que la marchandise a plus de valeur, le droit va en décroissant. Le motif qui l’a déterminé à agir ainsi, on l’a déjà dit, est que la marchandise qui sous un plus petit volume représente une plus grande valeur est plus facile à frauder. Dès lors, il convient de la ménager beaucoup dans la tarification. C’est ce qu’on fait. Tandis qu’au contraire la bonneterie qui a un volume et un poids plus considérable pour sa valeur, étant plus difficile à frauder, vous devez établir un droit qui protège efficacement l’industrie du pays.

Ici je rappellerai que des orateurs, dans la séance d’hier, sur des informations spéciales qu’ils ont prises, ont établi que la prime de la bonneterie importée de France en fraude était de 15 p. c. Cela fait voir que le droit de 20 p. c. qui protège notre industrie est efficace, et que si on veut le retirer, il faut y substituer un autre droit également efficace, que nous ne pouvons pas mettre au-dessous de 15 p.c. Sur ce point, le ministre semble avoir voulu nous mettre en contradiction avec nous-mêmes. Il dit que dans certaines circonstances nous trouvons que la douane fait bien son service et que dans d’autres elle le fait mal, que ses employés sont corrompus. Quant à moi, je n’ai jamais présenté ces deux assertions et le fait que j’ai rappelé hier et que je rappelle encore aujourd’hui, a été signalé par un autre orateur.

Je n’ai fait que tirer profit de ce que disait un honorable membre qui attaquait le projet de la section centrale, et qui était obligé de reconnaître qu’avec un droit de 20 p. c. à la valeur la prime allait à 15 p. c.

Vous voyez donc que le tarif proposé par la section centrale est loin d’être un tarif prohibitif ; sur la qualité moyenne à l’égard de laquelle la fraude est plus difficile pour l’importer de France, on paie une prime de 15 p. c. Or, le droit que nous proposons revient, taux moyen, à 15 p. c., tandis que la France nous oppose la prohibition. Pour les qualités fines et superfines, nous ne portons le droit qu’au taux moyen de 10 p. c., et il décroît dans une forte proportion à mesure que la marchandise acquiert plus de valeur.

Cela étant, messieurs, je ne comprends pas comment la chambre pourrait prendre le parti de réduire d’un tiers les propositions de la section centrale, c’est-à-dire de réduire le taux moyen du droit sur la bonneterie commune à 10 p. c. et sur les qualités fines à 7 p. c. ; cela réduirait le droit à un taux insignifiant.

Prendre un pareil parti, ce serait prendre celui de sacrifier entièrement une industrie belge au profit d’industries étrangères ; et cela dans quelle circonstance ? alors que les étrangers protègent efficacement leurs industries contre la nôtre. Et cependant ou a parlé de réciprocité, on a parlé de représailles.

L’honorable préopinant qui a parlé immédiatement avant moi a dit que c’était pour arriver à des droits considérables que la section centrale a imaginé la tarification au poids ; mais elle a emprunté ce mode à nos voisins : tous l’admettent comme le plus sûr.

J’entends que l’on met ce point en contestation ; il est cependant certain que le tarif prussien admet la tarification au poids et que le tarif français l’admet également pour les sortes de bonneteries qui peuvent s’introduire en France. Mais, pour celles venant de notre pays, il ne s’agit pas de tarification au poids, puisque la France les prohibe.

Du reste, il n’est pas exact de dire que ce soit pour arriver à des droits considérables que ce tarif a été imaginé, puisque les droits sont modérés. Ils le sont en eux-mêmes et en raison des droits dont nos marchandises sont frappées à l’étranger.

L’honorable préopinant a rappelé que la Saxe, selon l’avis de la chambre de commerce de Tournay, peut produire la bonneterie à 5 p. c. meilleur marché que la France et, partant de ce fait, il conclut qu’il faut réduire de 20 à 10 p. c. les droits du côté de la France et donner par conséquent à la France sur notre marche tous les avantages dont jouit la Saxe. Où va la tendance d’un pareil soutènement ? L’importation de l’Allemagne en Belgique en bonneterie est quadruplée depuis quatre ans. Le désir du préopinant est probablement qu’en aussi peu de temps l’importation de France dans notre pays soit triplée ou quadruplée, et cela au préjudice de l’industrie du pays. Toujours la même préoccupation des intérêts de l’étranger, jamais de préoccupation des intérêts belges.

Quant à la prime d’exportation, on a dit qu’elle n’était qu’une espèce de drawback ; on a cité l’article de loi d’après lequel la restitution ne se ferait qu’au moyen de la justification du paiement de droit à l’entrée de la laine étrangère ; mais on n’a pas répondu à l’objection que la bonneterie en laine n’emploie pas de ces laines-là. Je demanderai à la chambre, en raison de l’heure avancée, de continuer demain ces débats.

- La séance est levée à 5 heures.