Accueil Séances Plénières Tables des matières Biographies Livres numérisés Note d’intention

Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 15 décembre 1837

(Moniteur belge n°350, du 16 décembre 1837)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse procède à l’appel nominal à 11 heures 1/2.

M. Lejeune lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’objet des pièces suivantes adressées à la chambre.

« Le conseil communal de Verviers demande qu’il soit alloué au budget de l’intérieur un subside en faveur de l’école industrielle et commerciale de Verviers. »

- Dépôt sur le bureau pendant le second vote du budget de l’intérieur.


« Des cordiers des communes de Frameries, Hornu, Wasmes et Elonges réclament contre les pétitions tendant à obtenir la libre entrée des charbons anglais. »

« Même pétition des charbonniers exploitant les houillères du couchant, et des collèges des bourgmestres et échevins des communes de Wiheries et Boussu. »

- Renvoyé aux ministres de l’intérieur et des travaux publics.


« Le sieur Jean Peeters, desservant à Geystingen, commune de Ophoven, ne à Zéland (Hollande), demande la naturalisation.

- Renvoi au ministre de la justice.

Projet de loi portant le budget du ministère de l'intérieur de l'exercice 1838

Second vote

Chapitre IV. Instruction publique

Article 5

M. Raikem. - Un seul article a donné lieu à quelques observations ; c’est l’article 6 du chapitre IV, relatif à l’enseignement moyen. Le gouvernement demandait 103,000 fr. ; par amendement de M. Demonceau, ce chiffre a été augmenté de 10,000 fr., et porté à 113,000 fr.

M. Verdussen. - Messieurs, je crois que la chambre devrait revenir sur le vote des 10,000 fr. qu’elle a accordé à la sollicitation des membres du district de Verviers. Le ministre de l’intérieur vous a dit qu’il ne pouvait pas promettre d’en faire l’application ni dans le courant de l’exercice 1838, ni en faveur de la localité pour laquelle on avait demandé cette augmentation.

Si vous accordez à la localité de Verviers ce qu’elle demande, il est certain qu’il y aurait injustice envers les autres localités qui n’ont pas fait de demandes, et qui n’en ont pas moins des droits égaux à celle de Verviers. Nous devons voir, en combinant les articles de la loi provinciale et ceux de la loi communale, que c’est aux communes à pourvoir aux dépenses de l’instruction primaire et moyenne, au moins jusqu’à ce qu’on ait porté la loi sur l’enseignement primaire, laquelle fixera la charge de l’Etat dans cette dépense. En attendant que cette loi soit votée, il vaudrait mieux laisser le chiffre à la hauteur à laquelle il était depuis plusieurs années, afin de donner au ministre la faculté d’accorder les mêmes secours que précédemment, et ne pas le mettre dans la position difficile de répartir un chiffre dont il pense ne pas devoir faire usage. En conséquence, je demande qu’on revienne au premier chiffre.

M. Demonceau. - Je ne pense pas que, pour la somme de dix mille francs, on puisse revenir sur la discussion. J’avoue que, lorsqu’on dit que j’ai demandé cette augmentation dans l’intérêt exclusif de Verviers, cela me fait peine ; j’ai demandé le moyen de faire droit à plusieurs plaintes fondées. Je n’examinerai pas la question relative à la loi à porter sur l’enseignement primaire ; si cette loi était portée, le chiffre tout entier disparaîtrait du budget ; je conviens qu’elle est absolument nécessaire ; mais, dans l’état des travaux de la chambre et alors qu’il est difficile de faire le strict nécessaire, comment concevoir l’espoir de voir la loi adoptée pour 1838 ? Laissons donc l’allocation pour cet exercice de 1838 L’année prochaine nous trouverons le moyen de faire disparaître l’article. C’est en faveur de l’instruction que je fais cette demande et non en faveur de l’intérêt de la ville de Verviers.

- Le chiffre de 113,000 fr. est adopté définitivement.


Tous les autres amendements, et notamment l’article nouveau, portant subsides aux communes dont les ressources sont insuffisantes pour réparation de leurs monuments, sont adoptés sans débat.

Vote des articles et vote sur l'ensemble du projet

L’article premier de la loi de finance qui fixe le budget de l’intérieur à la somme de 8,137,018 fr. 96 c. est adopté.

« Art. 2. La présente loi sera obligatoire le 1er janvier 1838. »

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Il pourrait arriver que le sénat n’eût pas adopté le budget le 1er janvier ; on pourrait mettre le jour de la proclamation ; on peut même retrancher l’article 2 et laisser la chose dans le droit commun.

- L’article 2 est supprimé.

On procède à l’appel nominal sur l’ensemble de la loi.

57 membres sont présents.

2 ont voté le rejet.

2 se sont abstenus de voter.

Tous les autres ont voté l’adoption.

En conséquence, le budget de l’intérieur est définitivement adopté, et sera envoyé au sénat.

Ont voté l’adoption : MM. Angillis, Beerenbroeck, Bekaert, Brabant, Corneli, de Brouckere, de Florisone, de Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau. de Muelenaere, de Nef, de Perceval, de Puydt, de Renesse, Desmaisières, Desmanet de Biesme, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Donny, Eloy de Burdinne, Heptia, Keppenne, Kervyn, Lejeune, Maertens, Manilius, Meeus, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Pirson, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Van Hoobrouck, Verdussen, Verhaegen, Peeters.

Ont voté le rejet : MM. Gendebien, Lecreps.

MM. B. Dubus et Duvivier se sont abstenus.

MM. les membres qui se sont abstenus sont appelés à motiver leur abstention.

M. B. Dubus. - Messieurs, je n’ai pas voulu voter pour le budget de l’intérieur, parce qu’il m’a semblé que la chambre a consacré une injustice en n’accordant pas à l’administration provinciale du Hainaut une augmentation de subside qui lui est indispensable ; je n’ai pas voulu non plus voter contre le budget ; par conséquent j’ai dû m’abstenir.

M. Duvivier. - C’est absolument pour les mêmes motifs, messieurs, que je me suis abstenu. Mais cette allocation si nécessaire au gouvernement me paraît encore devoir être prise sur les fonds pour dépenses imprévues. J’espère que M. le ministre, plus convaincu de la nécessité du subside dont il s’agit qu’il ne l’était au moment des débats, voudra bien prendre la somme demandée sur les fonds que j’ai indiqués. (Appuyé.)

Nomination de la commission ad hoc

M. le président. - La chambre a décidé qu’après le vote définitif du budget de l’intérieur, il serait prononce sur le mode de nomination de la commission qui sera chargée d’examiner quels peuvent être les droits de l’Etat sur les diverses collections d’objets d’art et de science qui se trouvent dans le pays.

M. Desmanet de Biesme. - Dans une autre séance, différents membres ont demandé que la commission dont il s’agit fût nommée par la chambre, d’autres ont demandé qu’elle fût nommée par le bureau ; je ne veux pas préjuger la question, mais dans le cas où l’on déciderait que la commission sera nommée par le bureau, je demanderai que cette nomination soit remise au jour où nous renouvellerons le jury d’examen ; de cette manière nous n’interromprions pas en ce moment la discussion des budgets.

M. Desmet. - Messieurs, quand j’ai demandé, il y a deux jours, l’ajournement de la nomination de cette commission, c’était parce que je croyais que la proposition aurait subi un second vote ; je sais bien qu’on m’a opposé une espèce de fin de non-recevoir, qu’on dit que ce n’est pas un amendement, mais une motion d’ordre. Quoi qu’il en soit, messieurs, il ne faut pas que la chambre soit surprise, et le règlement renferme à cet égard diverses dispositions dictées par la prudence ; il dit que quand une proposition spéciale est faite, elle doit être renvoyée à l’examen des sections ou d’une commission ; que si un amendement est adopté, il doit être soumis à un second vote. Dans le cas dont il s’agit aucune de ces formalités n’a été observée, la proposition a été lancée comme un éclair dans la chambre, et je ne conçois pas comment nous avons été assez maladroits de ne pas demander la question préalable. Je tiens, messieurs, à ce que la proposition soit soumise à un second vote ; car, ou bien elle est ridicule, ou bien elle est incendiaire, spoliatrice, et portera le trouble et l’inquiétude dans le pays.

Si on veut que je ne parle pas, que M. le président m’ôte la parole, je me tairai, mais si j’entre dans le fonds, c’est que j’ai besoin de le faire pour vous démontrer combien il est nécessaire de revenir sur le vote ; car je ne pense point qu’il entre dans l’esprit de quelqu’un de nous de surprendre la chambre et de lui faire prendre une mesure qui serait ou ridicule, ou incendiaire, et je veux répéter cette épithète, parce que, d’après moi, c’est la véritable.

Je dis que la mesure sera ridicule, parce que, si on veut faire reposer les droits de l’Etat sur le vol et la spoliation dont les sans-culottes de 93 se sont servis, on doit bien savoir qu’avant la révolution française l’Etat ne possédait aucune collection d’objets d’art et de science, si ce ne fut la bibliothèque de Bourgogne, et que toutes celles que possédaient les communes étaient leur pleine propriété. Or donc, pourquoi nommer une commission qui n’aurait aucun but réel ? Je dis donc vrai que la mesure serait ridicule.

Si au contraire vous voulez établir les prétentions de l’Etat sur les actes de pillage et de vandalisme qui ont été exercés par les Français en 92 et 94, n’aurais-je pas raison de dire que ce sera une mesure incendiaire qui portera le trouble et l’inquiétude dans toutes les communes du royaume qui possédaient des tableaux ou d’autres objets que les Français leur avaient enlevés, et qui ont été rendus à l’entrée des troupes alliées en 1814 ?

Je le dis encore, si je ne puis continuer, je me tairai ; mais j’ai besoin d’entrer dans le fonds.

M. de Brouckere. - Messieurs, vous avez décidé, dans une précédente séance, qu’il serait nommé une commission chargée de rechercher quels sont les droits de l’Etat sur les collections scientifiques et littéraires qui sont déposées dans différentes villes de la Belgique ; voilà, messieurs, la décision que vous avez prise et qu’on qualifie de spoliatrice, qu’on dit devoir porter le trouble dans le pays. J’espère que la chambre saura faire justice de ces accusations.

Quant au mode de nomination de la commission, je crois, messieurs, qu’elle doit être nommée comme on nomme en général toutes les commissions, c’est-à-dire par le bureau ; en effet, qui a nommé la commission chargée d’examiner l’arrangement avec M. Cockerill ? C’est le bureau qui a nommé la commission chargée d’examiner l’arrangement avec la famille Mosselman, pour l’établissement de la Vieille-Montagne. Ces questions étaient de la même nature que celles dont il s’agit aujourd’hui ; il faut donc que la commission soit nommée de la même manière.

M. F. de Mérode. - Je pense, messieurs, que la question n’est pas de la même nature que celles dont a parlé l’honorable préopinant ; c’étaient là des questions relatives à des transactions sur des affaires pécuniaires, et l’importance de ces transactions était bien moins grande que l’importance du résultat des investigations de la commission qu’il s’agit de nommer. Je crois donc qu’il convient que la chambre nomme elle-même cette commission ; mais je suis de l’avis de l’honorable M. Desmanet de Biesme, que cette nomination doit être faite un autre jour, afin de ne pas interrompre les travaux urgents dont la chambre a à s’occuper en ce moment.

M. Lejeune. - Messieurs, dans une séance précédente j’ai proposé formellement que la commission fût nommée par la chambre elle-même, et j’ai appuyé cette proposition sur des considérations tirées de la nature même de la motion de l’honorable M. Verhaegen ; en second lieu, sur la discussion qui l’a suivie, et enfin sur ce que tous les membres de la chambre se sont prononcés dans cette question au moyen du vote par appel nominal. J’ai dit que pour ces motifs il n’était pas convenable de charger le bureau de la nomination de la commission. Dans cette séance, l’honorable M. Verhaegen, s’opposant à ma proposition, a invoqué les principes, les antécédents de la chambre et la confiance que nous devons avoir dans le bureau. Quant aux principes, M. le président et M. de Mérode viennent de les exposer. Ces principes sont tels, que chaque fois qu’il y a une commission à nommer, la chambre se réserve le droit de décider de quelle manière cette nomination aura lieu. Pour ce qui concerne les antécédents, chaque fois que la chambre a cru convenable qu’elle procédât elle-même à la nomination d’une commission, elle l’a fait, et je citerai, à cet égard, la question des lits militaires.

Quant à la confiance que quelques membres ont dit avoir dans le bureau, je ne doute aucunement que la grande majorité de la chambre n’ait pleine confiance dans le bureau, mais ce n’est pas ici une question de confiance ; lorsque dans des circonstances précédentes la chambre s’est réservé la nomination de commissions, je ne crois pas qu’elle ait voulu dire par là qu’elle n’avait pas confiance dans le bureau. Il me semble donc, messieurs, que les objections qui ont été faites contre la nomination par la chambre de la commission dont il s’agit ne sont pas fondées, et je persiste à demander que la nomination ait lieu de cette manière.

L’honorable M. Desmanet de Biesme a demandé que cette commission soit nommée en même temps que le jury d’examen ; je pense aussi, messieurs, que nous ne devons pas nous occuper immédiatement de cette nomination, parce que nous perdions par là un temps précieux que nous devons consacrer tout entier à la discussion des budgets.

Je ne suis pas éloigné de me rallier à la proposition de l’honorable M. Desmanet de Biesme, mais si cet honorable membre n’en avait pas fait une, j’en aurais présenté une autre, celle de nommer la commission après la discussion des budgets. Pour ce qui concerne le renouvellement des membres du jury d’examen, la loi est là qui prescrit ce renouvellement avant le 1er janvier. Mais quant à la nomination de la commission dont il s’agit, on ne trouvera pas sans doute qu’il y eût péril dans la demeure, si nous la remettions après la discussion des budgets. Toutefois, si l’on veut procéder à cette nomination le jour même où l’on nommera les membres du jury d’examen, je ne m’y oppose aucunement.

M. Verhaegen. - Messieurs, je n’avais pas pris la parole après l’honorable M. de Brouckere, qui a exposé toutes les raisons qui militent en faveur de la nomination de la commission par le bureau ; mais puisqu’un honorable membre est venu combattre cette proposition, il me sera permis de dire quelques mots.

Messieurs, j’ai parlé des antécédents de la chambre, j’ai parlé de la confiance qu’on devait avoir dans le bureau, et j’ai parlé aussi pour qu’à l’avenir, dans des circonstances pareilles, on ne vienne pas chaque fois demander que les commissions soient nommées par le bureau. Il y aurait des inconvénients à s’écarter des antécédents de la chambre.

Si aujourd’hui l’assemblée nomme la commission, demain, après-demain, on viendra demander la même chose, et il en résultera qu’en définitive toutes les commissions seront nommées par le bureau. Est-ce donc une chose si extraordinaire que la nomination de la commission dont il s’agit en ce moment ? A-t-on donc peur que la vérité paraisse ? Mais qu’on se rassure, il ne s’agit que de prendre des renseignements. Il n’est question que de cela ; on ne préjuge rien sur le fond.

Un honorable préopinant voudrait remettre la nomination de la commission au jour où l’on s’occupera du jury d’examen ; un autre membre désire qu’on ne fasse la nomination qu’après la discussion des budgets ; il n’y a pas de raison pour qu’un troisième membre ne vienne demander la remise à un an. Moi, je vois dans tout cela une question d’ajournement, et rien de plus. Or, je rappellerai que la question d’ajournement a été mise aux voix et rejetée. Il faut que nous agissions franchement. On a adopté une proposition, on a décidé que la commission serait nommée après le vote du budget de l’intérieur. Or, ce vote vient d’avoir lieu ; il me semble que nous ne devons pas reculer maintenant ; nous devons avoir le courage d’exécuter ce que la chambre a décidé. (Aux voix ! aux voix !)

- La chambre décide que la nomination de la commission sera faite par la chambre, et qu’elle aura lieu en même temps que la nomination des membres du jury d’examen.

M. Demonceau. - Au commencement de la séance, la chambre a ordonné que la pétition de la régence de Verviers en faveur de son collège resterait déposée sur le bureau pendant la discussion du budget de l’intérieur ; maintenant que ce budget est voté, je demande que la pétition soit renvoyée au ministre de l’intérieur.

M. de Brouckere. - Il faut que la pétition suive la voie ordinaire ; la commission des pétitions pourra être invitée à faire un prompt rapport.

M. Demonceau. - J’ai voulu gagner du temps en faisant ma proposition ; la commission des pétitions ne pourra que proposer le renvoi de la pétition au département de l’intérieur. Au reste, si l’on croit que la forme doit l’emporter sur le fonds, je ne m’opposerai pas au renvoi de la pétition à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.

- La chambre décide que la pétition sera renvoyée à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.

Rapports sur des pétitions

M. Corneli, organe de la commission des pétitions, monte à la tribune et donne lecture du rapport suivant. - Le conseil municipal de Bruxelles, par pétitions des 7 avril et 19 décembre 1836, expose :

Des indemnités considérables du montant d’à peu près cinq millions sont réclamées par les citoyens qui ont souffert des excès populaires qui se sont répétés dans des moments de crise.

Le conseil demande que la nation vienne au secours de la ville en contribuant au paiement de ces indemnités.

Les faits qui donnent lieu aux indemnités ne se sont passés à Bruxelles qu’à l’occasion de la révolution, et parce que l’on tentait d’étouffer la révolution dans la capitale même.

Les premiers excès, disent les auteurs des pétitions, ont été commis par des hommes égarés et que dirigeaient sans doute des ennemis de l’émancipation du peuple belge, en août et octobre 1830, lorsque la majorité de leurs concitoyen, s’armait et combattait pour l’indépendance et les libertés nationales, faisait triompher une révolution que toute la nation avait provoquée, et dont toute la nation acceptait les conséquences. Dès lors. dit-on, il est juste que la nation accepte aussi les charges et les pertes que ces conséquences ont occasionnées.

Les mêmes principes doivent être appliqués, soutient le conseil, aux événements de mars 1831 et d’août 1834 ; en mars 1831, on conspirait ouvertement, le peuple était trahi, tout décelait l’audace et l’activité de ses ennemis, le désordre éclata contre ceux que des préventions funestes avaient désignés comme contraires au nouvel ordre de choses. Le but politique des mouvements du peuple, et des excès qui suivirent, est évident ; Bruxelles, comme capitale, fut sacrifiée.

En août 1834, une souscription antinationale, et conçue dans le but de déconsidérer et d’affaiblir le gouvernement, des violences et des sarcasmes déversés sur les autorités établies, provoquèrent une nouvelle explosion. Il est inutile de s’appesantir sur ces journées de malheur pour faire voir la tendance politique de ces actes de vengeance, par lesquels le peuple croyait sauver l’indépendance nationale. L’honneur et la dignité du peuple belge, ajoutent les pétitionnaires, imposent donc à toute la nation le devoir de concourir avec Bruxelles à réparer les pertes que la révolution a occasionnées.

Messieurs, c’est en vertu des dispositions de la loi du 10 vendémiaire an IV que les indemnités sont réclamées de la commune de Bruxelles. Avant ces dispositions, les communes n’étaient point responsables des désordres qui se commettaient sut leur territoire. Le gouvernement, n’étant plus institué dans l’intérêt de tous, devait protection et secours à tous ceux qui lui étaient soumis ; mais sa responsabilité ne s’étendait point aux conséquences des troubles ou des dévastations qu’il n’aurait point empêchés. A l’époque où cette loi a été portée, le gouvernement, devant réunir tous ses moyens et toutes ses forces contre les ennemis qui attaquaient directement son existence ou ses formes essentielles, crut sans doute nécessaire de forcer les municipalités à s’armer elles-mêmes contre les attaques des ennemis des particuliers ou de leurs propriétés, en les déclarant responsables des désordres que les attroupements tumultueux commettraient sur leur territoire.

La commission de pétitions a cru inutile de discuter si la loi créée sous l’influence de circonstances particulières ne perd point sa force obligatoire, alors que ces circonstances viennent à cesser et que tout semble devoir rentrer dans le droit commun. Les tribunaux, en appliquant la loi, ont décidé cette question.

Les tribunaux ont aussi décidé que la loi n’a point étendu la responsabilité des délits commis à force ouverte, au gouvernement, et qu’une nation, en faisant une révolution, use de son droit et ne peut nullement être tenue des dommages causés par l’exercice de son droit.

Aussi le conseil municipal n’invoque-t-il point des dispositions législatives à l’appui de sa demande. C’est au nom de l’honneur et de la dignité du peuple belge qu’il présente ses réclamations. La nation a profité des efforts de la capitale et des faits qui se sont passés dans son enceinte pour consolider la révolution. Soyez équitables, vous dit-on, messieurs ; vous admettez les bénéfices qui résultent de nos souffrances, ne répudiez point les charges qui en découlent.

Votre commission, messieurs, d’accord sur ce point avec le conseil municipal de Bruxelles, admet que la Belgique doit la plus grande reconnaissance aux habitants de la capitale pour leurs généreux efforts dans l’intérêt de la cause à laquelle toute la nation s’est associée. Mais elle ne croit pas que les mouvements populaires et les actes de dévastation qui les ont suivis aient rien de commun avec la révolution. La nation, il est vrai, a provoqué la révolution, s’est créé par suite de cette révolution de nouvelles institutions qui consolident son indépendance et ses libertés ; mais certes elle n’approuverait point les honteux excès qui l’ont accompagnée dans quelques communes et qu’elle voudrait au contraire pouvoir effacer des pages de son histoire. La nation s’est levée contre le pouvoir qu’elle voulait renverser, s’est associée à la capitale qui avait pris l’initiative ; mais elle renie ceux qui ont employé leurs armes contre les particuliers ou leurs propriétés.

La loi faisait un devoir à la municipalité de Bruxelles de veiller à la sécurité de ses habitants, et aux habitants l’obligation de se porter mutuel secours. A une époque antérieure, les habitants de cette ville avaient donné un exemple mémorable de ce que peuvent des citoyens de bonne volonté, amis de l’ordre et qui prennent les intérêts de leur cité à cœur : les troupes étaient réduites à l’inaction, la garde communale n’existait puis, et les autorités municipales n’exerçaient aucun pouvoir ; une garde bourgeoise se forma spontanément qui fit respecter l’ordre et empêcha tout pillage. Ce fait prouve que si les habitants d’une commune veulent sérieusement empêcher les désordres, ils en ont le pouvoir, et que la masse des citoyens l’emporte toujours sur des attroupements de vagabonds et de pillards. Si les citoyens ne veillent pas à leurs intérêts communs et ne se réunissent point pour porter les secours dont les lois et l’humanité même leur imposent l’obligation, il est juste qu’ils réparent le dommage causé par leur inertie.

Ce qui plus est, la police appartient dans les communes aux chefs de l’administration, et la loi leur confie à cet effet des pouvoirs et même des moyens de force, particulièrement les lois sur la garde civique. Ce n’est point pour faire un reproche à la municipalité de Bruxelles qu’on rappelle ceci ; votre commission ne connaît nullement les circonstances et l’influence sous lesquelles cette administration s’est trouvée, quelle force majeure a pu la réduire à l’impuissance, et dans quels rapports elle s’est trouvée avec le gouvernement.

Plusieurs villes ont imité l’exemple de Bruxelles et vous demandent également, messieurs, de contribuer au paiement des indemnités qu’on réclame de leurs habitants. Les pétitions de Mons, de Gand, de Verviers, et tout récemment celle d’Ypres, vous sont parvenues. Dans le conseil communal de Liége, la question d’une pétition à adresser au pouvoir législatif dans un pareil but a été également agitée ; mais si les renseignements à cet égard sont exacts, la majorité des membres de ce conseil aurait reconnu que la nation ne doit aucune garantie aux villes qui ont souffert des désastres produits par les attroupements ou émeutes populaires. Il a été encore dit à la commission que le conseil d’une province aurait chargé sa députation de protester auprès du gouvernement contre la contribution à payer pour indemniser les villes des pertes que les excès populaires auraient occasionnées ; se basant sur ce que leur province serait demeurée paisible et ne se serait nullement associée aux troubles de plusieurs autres, et sur ce qu’il serait injuste de faire contribuer la nation à la réparation de pertes que la loi met à charge des communes.

Votre commission des pétitions, messieurs, reconnaît cependant que l’on peut faire valoir beaucoup de considérations politiques en faveur des villes qui, à l’occasion de la révolution, ont eu des désordres à déplorer et des pertes à réparer, surtout en faveur de la capitale, dont les habitants ont rendu les plus grands services, et aux efforts desquels la Belgique doit son existence. Si les faits qui donnent lieu aux indemnités n’ont pas été provoqués par la révolution et pour la révolution, il est vrai aussi que sans la révolution, et sans les mouvements populaires qui l’ont suivie, il n’y aurait point eu de dévastations sur leur territoire. Mais les renseignements manquent à votre commission pour émettre une opinion sur cette partie de la question.

Dans cet état des choses elle a l’honneur de proposer le renvoi des pétitions de Bruxelles, à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics, et le dépôt au bureau des renseignements de celles de Mons, de Gand, de Verviers et d’Ypres.

M. de Langhe. - Messieurs, je demanderai à l’honorable rapporteur sur quoi est basée cette différence des conclusions pour la ville de Bruxelles d’un côté, et pour les autres localités de l’autre.

M. de Brouckere. - Le rapporteur l’explique.

M. de Langhe. - Je ne l’avais pas entendu.

M. Corneli, rapporteur. - Si la commission a conclu différemment pour Bruxelles et les autres villes, c’est que la capitale a fait la révolution en faveur de tout le pays, tandis que les autres villes qui ont suivi le mouvement n’ont combattu que pour elles seules, n’ont combattu que pour s’associer à la cause nationale pour laquelle la ville de Bruxelles a pris l’initiative.

M. de Brouckere. - Messieurs, je crois que le moment n’est pas arrivé de discuter, quels que soient les titres de la ville de Bruxelles à un secours de la part du gouvernement, pour faire face aux dépenses extraordinaires qui pèsent sur elle par suite des pillages qui ont eu lieu dans son sein depuis la révolution. Nous devons, je pense, nous borner aujourd’hui à adopter les conclusions de la commission, tendant au renvoi de la pétition aux ministres de l’intérieur et des travaux publics. Je demanderai en sus que la chambre veuille bien ordonner l’impression du rapport au Moniteur, en la faisant précéder de l’impression de la pétition de la ville de Bruxelles. Je pense que cette demande ne peut rencontrer aucune difficulté, puisqu’elle ne tend qu’à éclairer et la chambre et le pays.

Si j’en avais le droit, messieurs, j’interpellerais aujourd’hui le gouvernement, pour savoir quelles sont ses intentions. Mais je reconnais d’avance que si le ministre refusait de me répondre, je n’aurais aucun moyen de le forcer à s’expliquer. Je déclare seulement dès à présent que si la chambre adopte, comme je n’ai pas lieu d’en douter, le renvoi de la pétition à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics, ceux qui sont d’avis que le pays doit un secours à la ville de Bruxelles, regarderont le renvoi comme une sorte de mise en demeure ; et que si les ministres, dans un temps plus ou moins rapproché, négligeaient, soit de présenter un projet de loi à la chambre, soit d’expliquer les motifs pour lesquels ils ne le présentent pas, je prends l’engagement de soumettre à la chambre une proposition dans ce sens, et je la développerai en temps et lieu.

M. Demonceau. - Messieurs, je n’ai pas demandé la parole pour m’opposer à ce que la pétition de la ville de Bruxelles soit renvoyée aux ministres de l’intérieur et des travaux publics. Je pense que la question qui a été soumise à la législature par la régence de Bruxelles, doit devenir l’objet d’un examen sérieux de la part du gouvernement. Mais je vous déclare que j’ai été fort étonné d’entendre que l’on demande le dépôt au bureau des renseignements des pétitions qui ont été adressées par Verviers et d’autres villes, et surtout qu’on se fonde à cet égard sur le motif que Verviers n’a rien fait pour la révolution...

M. de Brouckere. - On n’a pas dit cela.

M. Demonceau. - La commission ne l’a pas dit positivement, je le veux bien ; muais elle l’a dit en d’autres termes, puisqu’elle déclare que la ville de Bruxelles seule a fait la révolution. Quelle est la conséquence à tirer de ces paroles ? C’est que la commission attribue tout l’honneur de la révolution à Bruxelles. Pour ma part, je proteste de toutes mes forces, au nom de la ville de Verviers, contre cette assertion. Les dévastations qui ont été commises à Verviers l’ont été à l’occasion de la révolution, et les Verviétois combattaient dans les rangs de l’indépendance à Liége et à Bruxelles.

Je dis donc que pour être juste, il faut renvoyer toutes les pétitions indistinctement aux ministres de l’intérieur et des travaux publics. Si Bruxelles veut obtenir justice, qu’elle ne se sépare pas des autres villes qui ont fait la révolution avec elle.

Voilà ce que j’avais à dire. Je propose que toutes les pétitions, sans exception, soient renvoyées à MM. les ministres des travaux publics et de l’intérieur.

M. Van Hoobrouck de Fiennes. - Messieurs, je voulais faire la même proposition que l’honorable préopinant. Je ne conçois réellement pas pourquoi on créerait une faveur spéciale pour la ville de Bruxelles. Il ne me serait pas difficile, si la discussion était ouverte sur ce point, de prouver que la ville de Gand est absolument dans la même position que Bruxelles, et que les dévastations qui ont été commises à Gand, ont également eu lieu à l’occasion de la révolution.

Je demande donc que toutes les pétitions soient renvoyées aux ministres de l’intérieur et des travaux publics ; sinon, je déclare que je m’opposerai formellement au renvoi de la pétition de la ville de Bruxelles ; car il n’y a pas plus de motifs pour établir un privilège en faveur de la capitale qu’il n’y en a pour en établir en faveur de villes qui se trouvent identiquement dans la même position.

M. Mast de Vries. - Quatre ou cinq villes ont fait des réclamations. D’ici à quelques jours se joindront à ces villes vingt autres environ ; toutes villes sacrifiées dans tes premiers moments de la révolution. Que faudra-t-il faire ? Toutes ces pétitions devront donc être renvoyées aux ministres.

M. A. Rodenbach. - Oui, cela ne préjuge rien.

M. de Brouckere. - J’ai parlé tout à l’heure en faveur de la ville de Bruxelles. Mais je ne m’oppose en aucune manière au renvoi de toutes les pétitions aux ministres. Je suis persuadé que les ministres feront comme la commission, qu’ils sauront faire une (erratum inséré au Moniteur belge n°351, du 17 décembre 1837) distinction entre la ville de Bruxelles et les autres villes. Nous discuterons quand il en sera temps ; si nous discutions actuellement, il y en aurait pour plusieurs jours. Quand le moment sera venu nous établirons la différence qu’il y a entre la capitale et les autres villes.

Je dis donc que je ne m’oppose pas au renvoi de toutes les pétitions aux ministres. J’exprimerai seulement le désir que MM. les ministres, s’ils ne présentent pas un projet de loi, fassent un rapport sur ces pétitions.

M. Rogier. - Quel que soit le parti que prennent MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics, je demande que l’examen auquel ils se livreront des questions importantes que va soulever l’examen des pétitions des villes qui réclament des indemnités pour pillages ; je demande, dis-je que cet examen ne retarde pas la présentation du rapport promis dans la séance d’hier par M. le ministre des travaux publics sur la question des indemnités, question que je continue de considérer comme entièrement isolée de celle des indemnités pour pillages.

M. le ministre de l’intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux). - Nous ne nous opposons en aucune manière au renvoi des pétitions à nos départements. Mais je pense qu’en outre ces pétitions devront être imprimées ou déposées au bureau des renseignements, pour que tous les membres de la chambre puissent en prendre connaissance.

M. Lejeune. - J’avais demandé la parole pour faire cette proposition.

Je pense que les pétitions et le rapport doivent être imprimés séparément comme les documents ordinaires de la chambre.

M. de Brouckere. - Je demanderai cependant que le rapport soit inséré au Moniteur.

M. le président. - L’insertion au Moniteur est de droit.

M. Lejeune. - Je ne m’oppose pas à l’insertion au Moniteur. Mais je demande en outre l’impression séparée.

Quant aux conclusions, je crois que nous sommes tous d’accord.

Je suis surtout d’accord avec l’honorable M. de Brouckere qu’il ne s’agit pas de décider maintenant s’il sera fait une distinction entre la pétition de la ville de Bruxelles et les pétitions des autres villes. Nous verrons le rapport du gouvernement. Mais je déclare que je voterai contre le renvoi proposé s’il s’applique à la pétition de la ville de Bruxelles seulement, et que je voterai pour qu’il s’applique à la ville de Gand et autres villes comme à la ville de Bruxelles.

- La chambre consultée renvoie toutes les pétitions dont il s’agit à MM. les ministres de l’intérieur et des travaux publics, et ordonne l’impression et la distribution du rapport et des pétitions.


M. Zoude présente le rapport sur des pétitions de plusieurs villes, communes et villages, demandant l’exécution des routes, et conclut au nom de la commission au renvoi de ces pétitions à M. le ministre des travaux publics.

(Moniteur belge n°354, du 20 décembre 1837) M. Zoude. - Messieurs, de nombreuses pétitions vous ont été adressées en faveur d’une route à construire de Stavelot à Diekirch ; vous les avez renvoyées à l’examen de votre commission des pétitions, qui vient vous présenter son rapport.

Ce sont d’abord les conseils municipaux des communes du canton de Clairvaux qui vous exposent que l’utilité, la nécessité même de cette route a été reconnue par tous les gouvernements précédents, ; que depuis elle a été votée à l’unanimité par le conseil provincial et la commission d’enquête.

Autour d’eux, disent les pétitionnaires, sont réunis tous les éléments de prospérité, la chaux, le plâtre, qui porteront la fertilité dans leurs campagnes ; mais, faute de communication, ils sont forcés d’y renoncer, ainsi qu’aux belles ardoises de Salin, et leurs maisons sont encore couvertes de chaume, au grand préjudice de l’agriculture.

Plusieurs autres communes, et la ville de Stavelot enfin, viennent prêter leur appui à la demande d’une construction qui serait de la plus haute importance pour la partie sud de la province de Liège et pour le Luxembourg, où beaucoup de richesses sont délaissées faute de communication.

Votre commission reconnaît avec les pétitionnaires tous les avantages qui résulteraient de l’établissement de cette route ; elle appuierait de tous ses vœux, si elle n’était dominée par la crainte que la dépense de cette construction, si elle était entreprise immédiatement, ne forçât à ralentir les travaux déjà commencés dans des directions plus centrales, et dont l’achèvement est vivement réclamé dans l’intérêt du plus grand nombre des habitants de la province.

Si votre commission était rassurée à cet égard, elle croirait encore devoir demander à M. le ministre des travaux publics s’il ne serait pas plus utile de faire des travaux urgents et peu dispendieux qui mettraient le pays en jouissance immédiate de la rivière d’Ourthe, navigable en tout temps de Barvaux à Liége, et une partie de l’année de Laroche à Barvaux, mais où l’on ne peut arriver dans les moments où la navigation est la plus facile, que par des chemins tellement difficiles, qu’il faut 8 à 10 chevaux pour une charge qui en exigerait à peine deux par une route pavée ; cependant, il n’y a guère que deux lieues à faire pour aboutir aux deux points de la Roche à Barvaux, et une dépense, pour le tout, qui n’excédera pas 100 mille francs.

Sans la révolution, le pays serait depuis longtemps en possession de ces routes. A la vérité on a paru vouloir s’en occuper en 1835, car alors un avis presqu’officiel avait annoncé la mise en adjudication de celle de la Roche à Champion ; mais, tout à coup, par l’effet d’une puissance occulte que rien ne peut faire deviner, et encore même expliquer ; le projet paraît ajourné de nouveau et le pays continue à être privé d’un moyen de transporter économiquement les produits abondants du Luxembourg en fers et bois, si utiles, disons si nécessaires à la Belgique.

Votre commission croit devoir insister pour que M. le ministre se fasse reproduire tous les rapports qui ont été fournis au gouvernement sur cet objet ; elle est convaincue qu’après leur examen, il fera réparer les erreurs commises involontairement, sans doute, et que ces travaux recevront leur prompte exécution.

La commission sait que les besoins du Luxembourg sont urgents et nombreux, aussi elle n’hésite pas à croire que les autres provinces consentiront à lui accorder ainsi qu’au Limbourg, une large part dans l’emprunt de 6 millions, surtout que l’une et l’autre province ont engagé, sans hésitation, leur responsabilité dans les emprunts faits pour la construction des chemins de fer, nonobstant que le Luxembourg surtout soir à peu près persuadé qu’il n’en sera jamais construit dans sa province.

Messieurs, c’est dans la confiance qu’une large part de l’emprunt de 6 millions sera accordée au Luxembourg, que votre commission vient appuyer la demande de construction de la route de Stavelot à Diekirch.

M. de Puydt. - Je ne m’oppose pas au renvoi proposé. Mais je rappellerai ce qui s’est passé après le vote de la loi relative à l’emprunt de 6 millions pour l’exécution de routes. Après le vote de cette loi, un rapport ayant été fait sur des pétitions analogues à celles sur lesquelles il vient d’être fait rapport, et la commission ayant conclu au renvoi à M. le ministre de l’intérieur alors chargé des travaux publics, l’honorable M. Gendebien fit à cette occasion une espèce de motion d’ordre que je rappellerai parce qu’elle s’applique parfaitement au cas actuel, il s’exprimait ainsi :

« Je prendrai la liberté de recommander particulièrement à M. le ministre de l’intérieur les pétitions qui sont arrivées du Luxembourg.

« Messieurs, c’est le pays où l’on a plus particulièrement besoin de routes et celui où il y en a le moins ; c’est aussi le pays où les routes seront les plus productives.

« Nous avons à acquitter envers le Luxembourg une dette que tous les gouvernements précédents se sont abstenus de lui payer. Il est temps que justice se fasse ; il est temps que le pays ne se montre moins ingrat envers une province qui a donné des gages nombreux de patriotisme, et qui néanmoins a été délaissée jusqu’à présent. »

Je fais le même vœu qu’a fait il y a 18 mois notre honorable collègue M. Gendebien. Je souhaite que mes vœux soient moins stériles que les siens.

- Les conclusions de la commission sont adoptées ; en conséquence les pétitions sont renvoyées à M. le ministère des travaux publics.

Projet de loi qui proroge le budget des voies et moyens de l'exercice 1837 jusqu'au 1er février 1838

Discussion générale

M. le président. - La suite de l’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi du budget du ministre des travaux publics.

M. de Muelenaere. - Je n’ai pour ma part aucun motif de m’opposer à ce qu’on discute maintenant le budget des travaux publics. Toutefois je ferai remarquer à la chambre et au ministère que le sénat s’assemble lundi prochain. Il lui serait agréable probablement d’avoir de suite le budget des voies et moyens. La chambre doit se rendre en corps au Te Deum. La séance ne commencera donc qu’à une heure ou même plus tard, Dès lors, je ne suis pas certain que le budget puisse être terminé dans la séance de demain.

C’est une observation que je soumets à la chambre afin qu’elle voie s’il ne serait pas convenable qu’elle s’occupât aujourd’hui du budget des voies et moyens ; car s’il y a un amendement, le vote définitif ne pourra avoir lieu que lundi.

Vous savez que depuis longtemps le sénat se plaint de ne pas avoir le budget des voies et moyens assez tôt pour pouvoir l’examiner.

Je sais qu’il ne s’agit en quelque sorte que d’un budget transitoire. Il serait possible cependant que ce budget donnât lieu à une assez longue discussion.

M. Eloy de Burdinne. - La chambre a décidé qu’elle s’occuperait aujourd’hui du budget des travaux publics, mais tous les jours nous changeons de dispositions. Nous ne comptions pas discuter aujourd’hui le budget des voies et moyens. Mais nous ne sommes pas prêts à cette discussion.

D’après les décisions de la chambre nous devions nous attendre à discuter aujourd’hui et demain le budget des travaux publics. Dès lors nous avons dû nous occuper de ces divers objets et nous préparer à les traiter.

Si toutefois nous n’adoptions pas le principe d’une décision de la chambre, je ne sais pas où nous marcherions ; nous ne terminerions de rien.

M. de Muelenaere. - L’honorable préopinant ne m’a pas compris ; je n’ai pas parlé du budget tel qu’il a été présenté au commencement de la session, mais de la loi transitoire présentée dans la séance d’hier et qui a été examinée d’urgence par la section centrale. Je n’ai fait aucune proposition, c’est une simple observation que j’ai faite au gouvernement, pour qu’il juge s’il ne conviendrait pas de s’occuper maintenant du budget des voies et moyens, afin qu’il pût être transmis au sénat au plus tard lundi.

M. le président. - Puisqu’il n’y a pas de proposition, nous allons continuer la discussion du budget des travaux publics.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1838

Discussion générale

M. d’Hoffschmidt. - J’hésitais à prendre la parole, me trouvant sous l’impression de grands malheurs trop récents encore pour pouvoir m’occuper convenablement de choses d’intérêt générale. Je ne suis aucunement préparé à la discussion d’aujourd’hui, je réclame donc toute votre indulgence.

L’article 11 de la constitution porte que « nul ne peut être prive de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établie par la loi et moyennant une juste et préalable indemnité. »

Cet article de la constitution, si clair dans son texte et dans son esprit, n’est pas suivi généralement ; du moins il ne l’a pas été dans ma province, c’est ce qui m’a engagé à prendre la parole. Aujourd’hui, il y a des routes prêtes à livrer à la circulation, sans que les propriétaires soient payés des terrains dont ils ont été dépossédés.

Je crois devoir signaler ces abus pour que le gouvernement puisse les faire cesser. Dans des localités que je connais parfaitement, des propriétaires dépossédés, non, à la vérité, par expropriation forcée, ne sont pas encore indemnisés. Ils ont cédé facilement parce qu’ils s’attendaient à être payés avant l’exécution des travaux : il n’en a rien été, messieurs ; déjà les terrassements sont faits, l’empierrement est sur le point d’être exécuté, sans qu’aucune somme ait été payée.

Cet état de choses a fait naître de graves inconvénients. Beaucoup de propriétaires, ne sachant pas s’ils seraient payés, ont cédé leurs droits moyennant 10 et jusqu’à 15 p. c. de perte. L’usure a été révoltante. Voilà de graves inconvénients dont il importe d’empêcher le retour.

D’un autre côté, il y a des entrepreneurs qui suscitent des oppositions motivées sur ce non-paiement pour avoir des sursis plus tard, en venant déclarer que par suite de ces oppositions ils ne pourront pas avoir achevé la route à l’époque fixée par le cahier des charges. Cela arrive souvent aux entrepreneurs, et les routes ne sont exécutées qu’un an après le temps fixé. Il en résulte un grand mal pour les pays que les routes traversent, et qui attendent impatiemment des communications.

Je tenais d’autant plus à faire cette observation, que je voulais engager M. le ministre à ne pas être trop facile avec les entrepreneurs qui demandent des délais ainsi motivés.

En effet, qu’est-ce qui les empêche d’employer tous les ouvriers dont ils peuvent disposer ? Ils ne font valoir ce prétexte, qu’ils se sont créé très souvent, que pour obtenir des délais afin de pouvoir traîner les travaux en longueur et de les faire à moindre prix.

Enfin, messieurs, les propriétaires évincés doivent attendre le prix de leurs propriétés, quoiqu’ils soient très pressés d’en jouir. Ensuite ils sont astreints à des formalités sans nombre et extrêmement gênantes ; cela les engagera à l’avenir à ne plus abandonner leurs propriétés qu’en vertu d’expropriation forcée. On exige d’eux un certificat constatant que leur bien est libre de toute hypothèque. De sorte qu’il y a des propriétaires qui sont obligés de faire 10 et 15 lieues pour se procurer ces certificats, et quelquefois c’est pour une parcelle de terre qui ne vaut pas 20 fr. S’ils ne se les procurent pas, ils sont obligés de renoncer à leurs droits, parce qu’ils ne reçoivent leur ordonnance de paiement qu’après la production de ces certificats ; et lorsque les biens sont grevés d’une hypothèque générale, alors ils sont obligés de remplir toutes les formalités pour lever l’inscription à leurs frais. Telle est, messieurs, la marche suivie jusqu’à présent. Ce n’est pas là ce que le législateur a voulu quand il a déclaré dans la constitution que nul ne peut être privé de sa propriété que moyennant une indemnité juste et préalable. On n’a pas voulu que le propriétaire pût être inquiété, molesté, quand on lui prendrait sa propriété.

Je dois encore appeler l’attention de M. le ministre sur un objet important qui se rattache aux expropriations ; je veux parler des agents qu’il charge de négocier les acquisitions à l’amiable. Je ne sais s’ils sont payés par vacation, mais ils traînent ces négociations en longueur ; et, là où cinq jours suffiraient, ils mettent quelquefois cinq semaines. On devrait aplanir les difficultés au lieu de les susciter ; les propriétaires seraient disposés à céder leurs terrains à l’amiable, parce qu’ils sont en général charmés d’avoir des routes qui traversent leurs propriétés. Le choix des personnes nommées par le gouvernement est encore important sous le rapport de la juste évaluation. Il y a des localités où le gouvernement doit payer, par suite de la trop grande complaisance des experts, dix fois la valeur, tandis que si l’agent avait été bien choisi, il aurait amené les propriétaires à se contenter d’un prix raisonnable. Voilà des abus que je croyais devoir signaler à M. le ministre des travaux publics, persuadé qu’il cherchera à les faire disparaître.

Puisque j’ai la parole, je parlerai d’une chose qui se rattache davantage à ma province.

Il n’est pas de pays où les travaux publics aient, en ce qui concerne les communications, reçu un aussi grand développement qu’en Belgique. De toutes parts on construit des chemins de fer qui traversent nos provinces privilégiées ; pendant que la construction des canaux et des routes en pierre est continuée partout, le gouvernement a senti que la prospérité du pays exigeait la continuation de ces travaux.

Qui le croirait pourtant ? Un travail immense, commencé sous le gouvernement précédent, destiné à faire revivre une province qui sa position excentrique est encore éloignée de la prospérité du reste du pays, le canal de Meuse et Moselle est resté inachevé depuis 1830. Il est vrai que le gouvernement vient d’intenter un procès à la société du Luxembourg qui s’était chargée de la construction de ce canal. C’est après 7 ans de négociations traînées en longueur, c’est après avoir tenu cette affaire en suspens jusqu’à présent, qu’on vient de se décider à faire un procès aux agents de la société luxembourgeoise. Les négociations eussent pu être conduites avec plus de célérité. Le rapport que M. le ministre des travaux publics nous a fait à ce sujet, n’a pas prouvé le contraire.

Mais enfin, le procès est entamé, et déjà il y a une décision favorable aux conclusions du gouvernement. J’aime à croire qu’on ne traînera plus cette affaire en longueur, et que le ministre des travaux publics demandera qu’elle soit jugée d’urgence ; sans cela nous la verrons encore en suspens des années entières, car on soulèvera à chaque instant des prétextes pour prolonger la contestation.

Messieurs, ce canal est la communication la plus utile, la plus nécessaire pour le Luxembourg ; je doute que, si un chemin de fer y était fait, il pût amener pour la province des résultats aussi heureux que ceux que le canal procurerait.

En effet, ce dont nous avons besoin, c’est d’une communication pour transporter des matières pondéreuses, des marbres, des plâtres, des ardoises, des objets enfin dont le transport n’est pas très pressé, mais fort onéreux par toute autre voie que par eau.

J’aime à croire que le gouvernement, qui connaît de quelle importance serait ce canal commencé, sentira la nécessité de terminer des travaux pour lesquels on a déjà dépensé trois ou quatre millions.

J’ai présenté une proposition avec mon ami M. Berger, tendant à faire achever ce canal, sans pour cela augmenter la dette nationale. Nous attendons la fin du procès pour développer la proposition que nous avons faite à cet égard, si le gouvernement ne prend pas l’initiative d’une proposition tendant au même but.

Messieurs, à propos des routes et du canal de Meuse et Moselle, on lance souvent ici une espèce de défi pour empêcher le ministère actuel de faire tout ce qu’il peut juger utile pour la province du Luxembourg ; l’on qualifie le cabinet actuel de « ministère de Meuse et Moselle : » c’est fort adroit ; car c’est sans doute pour faire craindre au ministre d’être accusé de partialité en faveur de cette province, qui compte trois de ses habitants dans ce cabinet, s’il faisait droit à ses réclamations. J’engage M. le ministre des travaux publics à répondre à cela, malgré que son impartialité et celle de ses collègues soit très bien connue, et il le peut facilement.

Il devrait produite à la chambre des tableaux de toutes les sommes employées à des travaux publics dans les diverses provinces depuis la révolution ; il pourrait y faire figurer les routes construites, les canaux, la population, etc. Par ce moyen vous auriez tout sous les yeux, vous verriez quelle province a été favorisée. Je prie M. le ministre de produire ces tableaux avant la fin de la session, si on parle encore de ministère de Meuse et Moselle et si chacun veut prêcher pour sa localité, pour prouver à ses commettants qu’il fait tout ce qu’il peut pour leur faire avoir leur part dans l’emprunt de 6 millions qui et ici l’occasion de doléances et de réclamations continuelles.

Dans la discussion d’hier encore, chacun a prêché pour sa paroisse ; quant à moi je m’interdirai de parler pour les localités qui m’intéressent ; je laisserai au gouvernement le soin de faire droit à leurs justes réclamations.

Il y a un projet de loi sur le roulage, qui a été présenté dans une des sessions précédentes, par M. de Theux, alors ministre de l’intérieur et des travaux publics ; quand le moment de le discuter sera venu, on pourra introduire les modifications dont a parlé M. le comte de Mérode. Cet honorable membre a trouvé mauvais que les voitures à quatre roues, à jantes étroites, ne pussent circuler avec deux chevaux ; c’est en effet un grand préjudice pour les agriculteurs, et surtout pour ceux du Luxembourg.

Quand donc on discutera la loi sur le roulage, j’appuierai la proposition de M. de Mérode.

Je ne finirai pas sans féliciter le ministre des travaux publics des mesures qu’il a prises relativement à la poste aux chevaux. Il y avait des inspecteurs honoraires qui étaient en même temps directeurs des postes ; il en résultait de grands abus, auxquels il était plus que temps de mettre un terme, et je crois que M. le ministre fera bien de continuer à apporter l’investigation la plus sévère relativement à cette administration de son département.

M. Peeters. - N’étant pas préparé hier à la discussion du budget des travaux publics, je prends de nouveau la parole pour demander quelques explications à M. le ministre sur l’emploi qu’il compte faire de l’emprunt de six millions voté pour constructions de routes.

Vous savez tous, messieurs, que lors de la discussion de cet emprunt, les chambres et le gouvernement étaient tous d’accord d’en employer la majeure partie pour des constructions de routes dans les pays qui en avaient le plus grand besoin, tels que la Campine et le Luxembourg.

L’honorable ministre de l’intérieur vous disait à cette époque et je partage entièrement cette opinion :

« Lorsqu’une nation est constituée, il faut que l’on soigne les intérêts de tous, il faut que le bien-être se répande dans toutes les parties du territoire ; c’est ainsi que l’on crée un esprit de nationalité et que l’amour de la patrie va croissant jusqu’à l’extrémité du pays ; aussi je ne doute pas que le pays tout entier ne considère comme un grand bienfait le développement des communications. En suivant ce système, sous peu d’années nous ne verrons plus de contrées délaissées comme il en existe aujourd’hui, et végéter dans un état de détresse à côté d’autres qui nagent véritablement dans l’opulence. »

L’honorable M. Dumortier disait dans la même occasion :

« Je désire que le gouvernement ou ceux qui seront chargés de répartir le montant de l’emprunt dont il s’agit, songent principalement aux provinces d’Anvers de Limbourg et de Luxembourg, parce que ce sont ces provinces qui manquent le plus de routes. Nous en manquons bien aussi, mais Anvers, le Limbourg et le Luxembourg, surtout la Campine et les Ardennes, en ont un besoin plus pressant.

« Je tiens cependant à ce que les autres provinces ne soient pas oubliées ; mais, je le répète, la plus grande part doit être faite non pas à nous, mais à ceux qui ont le plus grand besoin des nouvelles communications, Voilà messieurs, comment on agit quand on veut se conduire en frère. »

Ces expressions sont bien claires et positives en faveur de la Campine et des Ardennes.

Je demanderai à présent à M. le ministre des travaux publics ce qu’il a fait pour ces contrées délaissées, qui végètent dans un état de détresse ?

Quant à moi, je pense que le ministre les a entièrement oubliés, et qu’il s’est occupé exclusivement des contrées qui nagent dans l’opulence.

Grand partisan de l’institution des chemins de fer, je ne viendrai pas m’opposer à ce qu’on en pousse avec activité les travaux même dans les pays déjà favorisés par de beaux canaux et de belles routes, et qui n’en ont pas un si pressant besoin, comme l’a fort bien observé hier l’honorable M. le comte Félix de Mérode ; mais je désire qu’en même temps l’on s’occupe avec plus d’activité des routes pavées et autres moyens de communication dans les pays où il n’y a rien jusqu’à présent.

Si les sommes allouées ne sont pas suffisantes pour pousser avec la même activité les routes pavées et les chemins de fer, que M. le ministre le dise, et qu’il demande de nouveaux crédits.

Les membres de la chambre, en se conduisant en frères, ne s’opposeront pas à voter des crédits pour la construction des routes dans les parties du pays qui, tout en contribuant pour leur part dans toutes les constructions, ont toujours été oubliées, et pour lesquelles l’on n’a rien fait jusqu’à présent.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de vouloir s’expliquer franchement à ce sujet, et j’appuie la demande faite par l’honorable M. d’Hoffschmidt, pour un tableau général de toutes les routes du pays.

M. Lejeune. - Messieurs, dans la discussion du projet de loi concernant le crédit de 10 millions pour la continuation des travaux du chemin de fer, on a déjà parlé par anticipation des routes ; on a réclamé alors le tableau de répartition des 6 millions. Ce tableau doit montrer comment la somme de 6 millions a été distribuée et si la répartition est équitable. Je n’entends pas que cette équité de répartition consiste à accorder à chaque localité une part proportionnelle à sa part contributive dans les impôts. Je crois que pour une pareille répartition on n’atteindrait pas le but qu’on s’était proposé en votant l’emprunt de 6 millions.

Je pense que les localités qui ont le moins de routes doivent recevoir le plus de subsides ; celles qui ont déjà des routes, celles qui en ont le plus, ne peuvent pas se plaindre d’une pareille condition de répartition, car elles ont obtenu précédemment et depuis longtemps, ce que d’autres arrondissements réclament encore aujourd’hui.

Cependant, messieurs, je n’entends pas non plus que ce principe de répartition que je viens de poser, puisse être absolu, dans ce sens qu’on ne donnerait absolument rien aux arrondissements qui ont déjà des routes ; je crois qu’on doit les aider dans une proportion moindre, et compléter leur système de communication, et avoir égard surtout aux sacrifices qu’ils commencent par s’imposer.

On a dit qu’il y a des arrondissements entiers de 40,000 habitants, qui n’ont presque pas de routes : l’arrondissement d’Eccloo est absolument dans cette catégorie ; je me propose de dire un mot sur cet arrondissement. On dira probablement que chacun parle pour son clocher. Hier tous les orateurs que vous avez entendus vous ont annoncé qu’ils parleraient pour leur clocher ; je suis loin de les en blâmer ; quand il s’agit des travaux publics, on doit parler de l’arrondissement que l’on connaît le mieux, à l’effet d’éclairer la chambre et le gouvernement. Je crois qu’on ne me taxera pas de partialité en présence des principes que je viens d’émettre.

Messieurs, hier, un orateur a rappelé à M. le ministre des travaux publics la construction de la route de Thielt à Eccloo, d’un chef-lieu d’arrondissement à un autre chef-lieu d’arrondissement administratif : je ne développerai pas tous les motifs qui doivent déterminer à faire cette route ; ils sont très nombreux ; je considère l’affaire comme décidée ; je ne dirai qu’un mot sur les avantages qu’offre cette route.

Jusqu’ici la plupart des routes qu’on a faites, forment des rayons dont le centre est le chef-lieu de la province. Ce qui manque surtout, ce sont des routes transversales qui réunissent aux routes principales les localités intermédiaires.

La route de Thielt à Eccloo est une de ces routes transversales qui établirait une communication entre deux grandes routes déjà construites d’un chef-lieu de province à un autre chef-lieu de province. Cette route traverserait une grande étendue de territoire qui, jusqu’ici, a été sans communications ; elle réunirait, par le milieu, deux provinces qui sont déjà jointes par leurs chefs-lieux.

Une considération qui donne beaucoup d’importance à cette route, c’est qu’elle rejoint précisément à Aeltre la station du chemin de fer de Gand à Bruges.

De cette manière elle fera jouir une très grande partie de la population des deux provinces du chemin de fer ; cela n’est que juste, et quand il est possible d’obtenir un pareil résultat, on doit s’en féliciter.

Par une conséquence nécessaire, la route dont il s’agit aurait pour effet d’augmenter assez considérablement les produits du chemin de fer, et elle serait elle-même très productive par les motifs que je viens d’exposer.

Une route qui présente de tels avantages doit avoir, selon moi, une direction aussi droite que possible ; et je pense que c’est là un point qui n’est pas encore décidé, mais j’aime à croire que l’on prendra ses avantages en considération pour ne pas faire de trop grands circuits ; le but d’intérêt général serait manqué dans l’intérêt de quelques communes voisines, qui ne peuvent tarder d’être jointes, par des embranchements, à la route principale qui pourra être comparée à nos grandes communications.

Les produits des barrières de quelques-unes des grand-routes diminuent à cause du chemin de fer ; mais ces routes transversales ne peuvent manquer de produire beaucoup quand elles conduisent à une station du chemin de fer, ce qui fera une compensation.

Cette route, incontestablement avantageuse à la ville d’Eccloo et aux localités intermédiaires qu’elle traverse, ne sera cependant entièrement utile au district d’Eccloo, c’est-à-dire aux communes rurales, qu’autant que les routes que nous réclamons dans cet arrondissement même puissent recevoir leur exécution.

Cet arrondissement d’Eccloo, messieurs, a été oublié, négligé par tous les gouvernements. C’est une lisière de la Flandre à laquelle on a paru ne pas songer. Sa position est extrêmement avantageuse. Maintenant, cet arrondissement a à peu près dix lieues de frontières sur une très petite profondeur dans l’intérieur du pays, et subit toutes les conséquences fâcheuses d’une pareille disposition. Lors de la révolution, il supportait les logements militaires et toutes les charges qui résultent de l’état de guerre, charges qu’il supporte encore aujourd’hui en partie.

L’arrondissement d’Eccloo paie, comme tous les autres, sa bonne part dans les impôts ; mais il a cela de particulier, c’est qu’il a beaucoup de charges qui lui sont tout à fait particulières ; ce sont les charges pour l’écoulement des eaux ; et ces charges ont encore ce caractère spécial, c’est qu’elles augmentent en raison de la diminution des revenus, ou en raison des pertes qu’on y éprouve.

La position actuelle de l’arrondissement d’Eccloo est tout à fait différente de ce qu’elle était avant la révolution.

Presque toutes ses relations étaient établies avec les communes de la Flandre zélandaise ; depuis la révolution il y a eu interruption de ces relations ; et cet arrondissement a dû chercher d’autres relations vers l’intérieur du pays. La population et les administrations n’ont pas tardé à s’apercevoir de la nécessité d’établir des relations avec l’intérieur du pays par de bonnes communications ; aussi les administrations sont prêtes à s’imposer toute espèce de sacrifice ; elles se sont réunies pour faire, à leurs frais, des routes, sauf cependant à demander l’appui de la province et du gouvernement.

Messieurs, dans la discussion d’hier un honorable membre a articulé une plainte que je dois répéter ici, c’est que lorsque des communes s’imposent des sacrifices pour faire des routes, on ne leur accorde pas même l’autorisation de les construire ; dans l’arrondissement d’Eccloo des communes se proposent de faire une route à leurs frais moyennant un léger subside ; eh bien, messieurs, comme cette route doit se diriger vers la frontière, le ministre de la guerre a dû être consulté à cet égard, et il s’oppose à la construction de la route. Je n’examinerai pas jusqu’à quel point le ministre de la guerre a tort ou raison, en général, de s’opposer, dans l’intérêt de la défense du pays, à la construction de routes ; mais je ne puis m’empêcher de faire remarquer qu’ici son opposition me paraît singulière : on dit que la frontière n’est pas fortifiée, mais c’est précisément sur le seul point de la frontière où il y ait quelques fortifications, où nous avons, constamment un poste militaire et de l’artillerie, qu’on refuse l’autorisation de construire une route ; ainsi quand nous avons perdu au nord toute espèce de communication et que nous cherchons à en renouer vers le midi, on oppose à nos sacrifices une espèce de fin de non-recevoir ; à cause de nos malheurs, on nous rend plus malheureux encore.

J’espère, messieurs, que dans l’état où nous sommes, cette espèce de condamnation ne sera pas maintenue plus longtemps ; j’espère qu’on reconnaîtra qu’il n’y a pas de graves motifs pour s’opposer la construction de la route à laquelle je viens de faire allusion.

On a demandé, messieurs, un tableau de la répartition de l’emprunt de 6 millions ; il y a un autre tableau à demander ; je désirerais beaucoup que M. le ministre des travaux publics donnât à la chambre un tableau indiquant pour chaque arrondissement administratif : 1° l’étendue des routes pavées, empierrées et ferrées qui s’y trouvent ; 2° la superficie du territoire ; et 3° la population dont il se compose ; ces renseignements combinés avec le degré d’utilité générale des routes faites ou à faire seraient sans doute d’un très grand secours pour apprécier ce que le gouvernement a fait et ce qu’il lui reste à faire. Je le répète, messieurs, je ne réclame pas spécialement pour ma localité, je demande que le gouvernement pose des principes équitables qu’il applique à toutes les localités, et à ce compte j’ai l’espoir que l’arrondissement d’Eccloo ne sera pas oublié. Le tableau que je réclame serait utile pour nous mettre à même de juger non seulement de l’emploi des 6 millions, mais encore de l’emploi annuel de l’excédant du produit des barrières.

J’ai encore une observation à faire pour terminer.

Messieurs, le développement qu’a pris la construction de routes dans tout le pays ne doit pas se borner aux routes pavées et aux chemins de fer ; il faut qu’il s’étende jusqu’aux chemins vicinaux et communaux. Je crois que par suite de l’élan donné à la construction des routes, il est de la dernière urgence que le gouvernement présente à la chambre un bon projet de loi sur les chemins vicinaux et communaux ; il est indispensable que ces chemins soient améliorés en proportion des améliorations des routes pavées et de la construction des chemins de fer ; ce n’est que quand il en sera ainsi que les populations des campagnes pourront jouir des améliorations qu’elles voient opérer dans le pays.

La présentation d’un bon projet de loi sur les chemins vicinaux et communaux aurait l’avantage de ne pas contrarier les vues émises hier par l’honorable M. de Mérode. Les travaux à faire pour la construction de ces chemins n’augmenteraient pas le prix de la main-d’œuvre et des matériaux.

Je prie donc instamment le gouvernement de ne pas tarder à nous présenter un projet de loi sur cet objet important. Je pense que le projet qui a été préparé depuis longtemps devra subir de grandes modifications par suite de l’activité qui ai été imprimée à la construction des autres routes, afin de pouvoir apporter aux chemins vicinaux une amélioration proportionnelle à celle que l’on donne aux autres voies de communication.

M. Scheyven. - Messieurs, après les discours de mes honorables collègues du Limbourg, j’aurais pu me dispenser de prendre la parole dans cette discussion ; mais j’ai cru que mon silence aurait pu être considéré comme une approbation de la conduite de M. le ministre des travaux publics, dès lors je me suis fait un devoir de le rompre.

Lorsque l’année dernière. à l’occasion de la discussion du budget des travaux publics, j’exposai dans cette enceinte la triste position des habitants du Limbourg, et que j’indiquai le moyen de l’améliorer, je crus et j’espérai que le gouvernement prendrait mes plaintes fondées en considération et qu’il ferait droit à nos justes réclamations ; malheureusement j’ai été trompé dans mon espoir, et j’ai vu à mon plus grand regret que l’on continuait à traiter l’arrondissement de Ruremonde et celui de Maestricht comme par le passé. Cependant il n’était pas difficile de satisfaire à nos demandes parce que nous ne voulions pas de faveur, comme nous n’en voulons pas encore ; nous demandions des voies de communication, des routes ordinaires qui nous sont indispensables et pour le commerce et pour l’agriculture. Eh ! qui pourrait méconnaître nos droits quand d’autres provinces sont sillonnées de chemins de fer, et que nous, pendant une partie de l’année, nous ne pouvons venir d’un bout d’un arrondissement à l’autre à défaut de routes praticables, quand nous payons une part égale dans les charges de l’Etat, et que tout tourne au profit d’autres provinces. Il est temps de faire cesser cet état de choses, qui mine cette partie du pays qui a droit à la sollicitude du gouvernement à plus d’un titre. Déjà nous voyons dans cette malheureuse ville de Venloo, dont les habitants ont fait tant de sacrifices pour la cause nationale, et qui jadis fut si florissante, le commerce anéanti, et cela à défaut des voies de communication que les circonstances et la séparation de la Hollande ont rendues nécessaires. Il est de fait que si le reste du pays prospère, une grande partie de la province de Limbourg dépérit.

Aussi, dans la séance d’hier, l’honorable M. de Mérode a bien voulu a appeler l’attention de M. le ministre des travaux publics sur la nécessité qu’il y a de procurer des voies de communication à cette partie du Limbourg, et j’espère que ses paroles, qui, certes, ne pourront pas être considérées comme étant dictées par un intérêt de localité, feront de l’impression sur l’esprit de M. le ministre. Je sais que cet honorable membre a visité le Limbourg, et que c’est par conviction qu’il a soutenu notre cause. Il serait à désirer que M. le ministre s’assurât aussi par l’inspection des lieux de l’état de la province, et je suis assuré qu’il n’hésiterait pas un instant à reconnaître la justice de nos plaintes.

Je désire que M. le ministre veuille bien me rassurer, mais je déclare que pour donner un vote approbatif à son budget, je ne me contenterai plus de vagues promesses de la nature de celles qu’il a données l’année dernière à l’occasion de la discussion du budget. Voici ce qu’il disait : « Le conseil des ponts et chaussées est réuni en ce moment : il est saisi d’un grand nombre de projets, parmi lesquels, depuis mon entrée au ministère, trois me sont parvenus au dernier degré de l’instruction nécessaire. Ces projets sont ceux de la route de Furnes à Nieuport, de la route de Ruremonde vers la Prusse, et de la route de Bastogne à Diekirch. Ces trois projets rentrent dans le système qui tend à compléter les grandes communications du royaume.

« J’ai fait de ces trois projets l’étude dont j’ai besoin pour ne pas compromettre ma responsabilité, et sans m’enquérir des provinces où doivent se trouver ces routes, j’ai donné les ordres pour la rédaction du cahier des charges nécessaire à la mise en adjudication. J’ai donc devancé les vœux formés par deux des honorables préopinants. Vous voyez qu’en m’occupant de ces trois projets, j’ai été dominé par cette idée qu’il fallait avant tout compléter le système des grandes communications. »

Ces paroles devaient certainement nous faire croire que sous peu on eût mis la main à l’œuvre, et que ces routes seraient sinon achevées, au moins commencées aujourd’hui ; eh bien, il n’en est rien : la route de Ruremonde vers la Prusse qui, d’après les dires de M. le ministre, rentre dans le système qui tend à compléter les grandes communications, et dont le projet était, il y a un an, au dernier degré d’instruction nécessaire, en est encore au même point aujourd’hui ; l’arrêté d’autorisation n’est seulement pas porté.

M. le ministre me dira peut-être qu’il vient de faire porter un arrêté qui autorise la construction d’une route entre Ruremonde et la grande route de Maestricht à Venloo, que j’ai réclamée avec instance dans cette enceinte.

J’ai vu cet arrêté dans le Moniteur d’hier, et quoique la longueur de cette route ne soit que de 4,919 mètres, je reconnais qu’elle est d’une utilité incontestable ; mais si là devaient se borner les dispositions favorables de M. le ministre en faveur de l’arrondissement de Ruremonde et de Maestricht ; si nous l’avons obtenue uniquement pour mettre un terme aux malheurs qui arrivent fréquemment pendant les débordements de la Meuse, et pour nous consoler de la mort de sept pères de famille péris dans le mois de mai dernier ; si, d’après les explications que, je l’espère, M. le ministre voudra bien me donner, cette route ne doit pas être un acheminement à d’autres voies de communication, je voterai contre le budget, et en ceci je ne ferai que répondre aux vœux de mes commettants. Mais, avant de me décider, j’attendrai les explications qui détermineront mon vote.

M. Simons. - Je saisis à mon tour cette occasion pour signaler au chef du département des travaux publics les griefs qui sont le sujet des justes doléances de l’arrondissement que j’ai l’honneur de représenter.

Il est impossible que M. le ministre soit bien informé du véritable état des choses dans cette localité ; sans cela, je me plais au moins à me le persuader, il ne l’aurait pas laissée aussi longtemps dans un abandon vraiment révoltant.

Avant de démontrer combien ces doléances sont fondées, qu’il me soit permis, messieurs, de jeter un coup d’œil rapide sur la situation matérielle de l’arrondissement de Maestricht au moment qu’éclata notre révolution : cette esquisse fera d’autant mieux ressortir l’état de gêne et d’abandon dans lequel cette localité se trouve plongée.

Reportons-nous un moment à la fin de 1830, et nous trouverons l’arrondissement, dont je m’occupe, dans un état de prospérité tel qu’il ne le cédait en rien à aucune localité de l’ancien royaume des Pays-Bas. Son avenir était riche en résultats, et lui assignait une place distinguée dans le monde commercial.

Le canal, entre Maestricht et Bois-le-Duc, venait à peine de s’achever, que déjà on pouvait apprécier les avantages incalculables que cette nouvelle voie de communication devait un jour répandre sur ces contrées.

Le peu de moments d’existence de ce canal avaient mis le commerce à même d’apprécier les bienfaits immenses qu’il était appelé à répandre sur les deux arrondissements qui en furent dotés.

La ville de Maestricht était appelée à devenir l’entrepôt général du commerce hollandais, et l’intermédiaire de toutes les relations entre la Hollande, les provinces rhénanes, Verviers et le pays de Liége.

Déjà le haut commerce commençait à se déplacer. Une des principales maisons de commission et de roulage de Liége s’était établie à Maestricht, et sans les événements politiques plusieurs autres auraient nécessairement été forcées de suivre cet exemple.

Si à ces considérations que, pour ne pas abuser des moments précieux de cette assemblée, je n’ai fait qu’effleurer, l’on ajoute que sa belle route sur Aix-la-Chapelle assurait exclusivement à cette même localité le roulage et le mouvement commercial entre l’Allemagne et la Belgique, on pourra se former une faible idée de, l’ère de prospérité qui commençait seulement à s’ouvrir pour la province de Limbourg.

Ne déduisez pas de ce que je viens avoir l’honneur de vous exposer, que les Limbourgeois regrettent l’ancien ordre de choses. Non certainement, non. Ils ont donné trop de gages de leur patriotisme désintéressé ; ils ont trop prouvé par des faits combien ils détestaient le gouvernement déchu, pour qu’il soit nécessaire que je prenne à cet égard leur défense.

La révolution éclata, et tout d’un coup toutes les sources de prospérité que j’ai énumérées tarissent ; toutes ces belles espérances s’évanouissent, et l’arrondissement de Maestricht que vous venez de voir si brillant en résultats et si riche en avenir se trouve plongé dans la détresse.

La navigation de la Meuse interrompue, le canal du Nord rendu innavigable, et les grandes routes, qui toutes aboutissent au chef-lieu de la province, interceptées par la garnison de Maestricht : voilà, en peu de mots, ce que fut la conséquence immédiate de la révolution pour l’arrondissement de Maestricht.

Ajoutez à cela un rayon de douanes qui s’étend presque sur toute l’étendue de l’arrondissement, qui embrasse la partie la plus populeuse de la province, qui tue son industrie et son commerce, et vous pourrez vous faire une faible idée de la position déplorable dans laquelle cette localité se trouve plongée. Elle est véritablement sacrifiée aux exigences des autres localités, et chose singulièrement décourageante pour elle, au fur et à mesure que les questions politiques reçoivent une solution favorable à la Belgique, et que les affaires convergent vers l’ordre et la stabilité, dans la même proportion la position de l’arrondissement de Maestricht devient de plus en plus accablante.

Que tous ceux qui savent, par expérience, ce que c’est qu’une ligne de douanes sur la frontière, se la figurent cette ligne au cœur d’une province, aux portes d’une ville de 20 à 25 mille habitants, au centre de l’agglomération de la population ; ils pourront se former une idée, bien faible sans doute, de l’état de gêne, du malaise et de la détresse dans lesquels ces malheureux habitants se trouvent plongés.

Maintenant, messieurs, en compensation de tous ces sacrifices, les Limbourgeois demandent-ils des faveurs ? Non. Se plaignent-ils de leur fatale position ? Non. Ils supportent leurs maux avec résignation comme une conséquence d’un ordre de choses pour le maintien duquel aucun sacrifice ne leur coûte. Mais ce dont ils se plaignent, c’est de l’indifférence que l’on montre à leur égard ; c’est de l’abandon absolu dans lequel on les laisse languir ; c’est de l’espèce de dédain avec lequel leurs demandes les plus justes sont accueillies.

En voulez-vous quelques preuves, les voici : J’ai eu l’honneur de vous dire que toutes les grandes routes sur les deux rives aboutissent à un centre commun qui est la ville de Maestricht. L’occupation de cette forteresse par une garnison hollandaise intercepte toutes ces routes. Les habitants de l’arrondissement se trouvent séparés les uns des autres par la Meuse. Sans doute rien de plus urgent que d’aviser aux moyens de rétablir promptement ces communications interrompues ; d’autant plus que les relations entre les deux rives sont très fréquentes et que beaucoup de personnes doivent se rendre fréquemment aux chefs-lieux judiciaire ou administratif.

Eh bien, le croirait-on, depuis plus de six ans les députés ne cessent de réclamer l’établissement d’un bac de passage sur cette rivière, sans qu’ils aient pu l’obtenir. Et dans l’intervalle combien de malheurs n’y a-t-on pas eu à déplorer. Pendant les eaux fortes l’on ne pouvait passer la rivière qu’en s’exposant aux dangers les plus imminents.

A la fin ce bac vient d’être établi ; mais le chemin, qui doit y donner accès, est toujours en projet. On a maintenant ce bac ; mais, faute d’un chemin praticable sur la rive droite, il n’est guère probable que l’on puisse en faire usage pendant toute ta mauvaise saison.

C’est ainsi que l’on cicatrise les plaies de la révolution dans ces deux arrondissements ! C’est ainsi que l’on traite la localité dont je viens de vous présenter la triste situation !

Et, pendant que l’on emploie dans d’autres localités des millions pour la construction de palais et d’autres établissements de cette nature, une population de 150 mille habitants se trouve, par le seul fait de la révolution, privée d’un moyen de communication entre les deux rives d’une rivière qui coupe leur arrondissement dans toute sa longueur.

Si la note que j’ai sous les yeux est exacte, l’excédent du produit des barrières pour les exercices 1833 à 1836 a été de 3 millions et 40 mille francs. Sans doute le gouvernement en aura fait l’usage auquel ce fonds est destiné. Eh bien, bien qu’il soit reconnu que nos localités sont après le Luxembourg les moins favorisées de routes, l’arrondissement de Maestricht a été complétement oublié dans la répartition de cette somme. Cependant nous ne cessons de réclamer depuis trois ans un petit bout de route de Bilsen à Tongres, pour la construction de laquelle la province et les communes ont coté 115 mille francs.

L’étude de cette route est depuis longtemps terminée ; le plan, le devis, enfin tous les travaux préliminaires sont achevés. Il ne s’agit que de remplir encore quelques formalités insignifiantes pour mettre la main à l’œuvre.

Cependant l’arrêté formulé depuis longtemps pour procéder aux informations requises, reste enseveli dans les cartons ministériels pour n’en sortir probablement que lorsque tous les fonds seront absorbés.

Il n’est pas difficile de prévoir qu’il en sera de même de l’emprunt de six millions. Cette somme a été spécialement destinée à doter de nouvelles communications les provinces éloignées les moins favorisées. Le Limbourg en devait avoir sa large part, et cependant jusqu’à présent, malgré les sollicitations incessantes de ses représentants, nous sommes encore à en attendre les résultats.

Tous les jours le Moniteur porte à notre connaissance des arrêtés royaux qui décrètent de nouvelles constructions.

L’arrondissement de Maestricht a le triste avantage d’être la localité qui soit totalement perdue de vue.

En présence des considérations majeures que je viens d’avoir l’honneur de vous exposer, je me trouverai forcé de refuser mon vote au budget en discussion, à moins que M. le ministre ne me donne tout apaisement et l’assurance positive que droit sera fait aux réclamations fondées que je viens d’énoncer.

Je me réserve du reste de présenter quelques observations au sujet de l’embranchement du chemin de fer dans le Limbourg, lors de la discussion de l’article spécial qui figure au budget.

M. de Puydt. - Messieurs, l’année dernière, quand je suis venu applaudir à la création d’un ministère des travaux publics, j’étais mû par une puissante conviction c’est que dans un pays comme le nôtre, où l’industrie et le commerce sont aussi florissants et se lient si intimement aux travaux publics, et où ces travaux exercent à leur tour une grande influence sur les intérêts matériels, rien ne me paraissait plus rationnel que de confier la direction des travaux publics à une administration spéciale qui eût dans sa marche et dans ses allures beaucoup plus d’activité et de franchise. Depuis l’année dernière, messieurs, ma conviction n’est point changée, quoique je partage sur certains points l’opinion de quelques honorables préopinants qui ont parlé dans cette discussion : je crois qu’ils ont eu raison de se plaindre de la lenteur qui règne dans la marche de quelques parties de l’administration, mais je suis loin d’en conclure ce qu’ils en ont conclu. Je ne dirai pas que je voterai contre le budget des travaux publics ; je dirai, au contraire, que je voterai pour ce budget, et qu’au lieu de faire des reproches à M. le ministre, il faudrait plutôt l’encourager et l’aider à sortir de l’embarras dans lequel il se trouve placé.

Cet embarras, messieurs, naît de la fausse interprétation qu’on donne à la loi qui autorise l’emprunt de six millions, et je crois rendre service à la chambre, et principalement à ceux qui réclament si vivement des subsides ou des routes, en leur rappelant dans quel esprit cette loi a été conçue et dans quel esprit elle a été votée par la chambre. Si à cette époque, où la proposition d’emprunt a été faite, toutes les provinces du royaume eussent été dotées d’un nombre égal de routes, il me semble qu’il eût été fort inutile de créer un fonds spécial extraordinaire pour créer en très peu de temps une grande quantité de routes ; mais parce qu’il existait une inégalité considérable entre les routes de certaines provinces, comparées aux routes d’autres provinces, on a conçu l’idée de créer un fonds spécial, afin de rétablir l’égalité ; voilà, messieurs, le but des auteurs de la proposition. Je donnerai lecture de quelques passages des développements de la proposition qui viennent appuyer ce que j’avance :

« Il doit entrer dans les vues d’une administration éclairée de porter les dépenses partout où elles peuvent fructifier ; il doit entrer dans les vues d’une administration équitable de chercher à favoriser les parties du royaume où les secours sont les plus nécessaires. Si l’on ne consultait dans cette circonstance que l’utilité apparente, tous les efforts tendraient au développement de prospérité des points où les richesses se sont accrues, tandis que les localités qui n’ont pas encore pu prendre part aux perfectionnements, continueraient à languir. Il est cependant dans l’intérêt public de ne pas abandonner à elle-même une partie du pays, et de ne pas lui refuser le moyen de prospérer, par cela seul que ses ressources n’ont pu trouver moyen de s’accroître. Il faut bien plutôt exciter les progrès et remédier aux obstacles naturels des contrées que leur position a contenues jusqu’à présent dans un état de pauvreté plus apparente que réelle ; en agissant ainsi, le Luxembourg, par exemple, profitera de l’avantage d’appartenir à un royaume qui dispose de quelques ressources et sera mis à même de payer, bientôt avec usure, les services qu’on lui aura rendus. »

Dans les explications ultérieures sur cette proposition, lors de la discussion dans la chambre, on a fait connaître beaucoup plus amplement le but qu’on se proposait ; ce but a été parfaitement accueilli par la chambre, et c’est pour l’atteindre qu’on a voté la loi. Je crois, messieurs, qu’il ne sera pas sans intérêt de rappeler ici ce que plusieurs orateurs ont dit dans cette discussion et surtout ce qu’omit dit les ministres ; la discussion date d’avril 1836.

Le ministre, s’expliquant sur le projet en général, a dit :

« Il est incontestable que dans un état, en fait de communication, tout se lie, et qu’on aurait beau entourer une capitale de routes très courtes, si on laissait les provinces dans l’isolement, on ne parviendrait pas à faire une grande ville avec ce système. Si vous voulez que vos foyers de production et d’industrie prospèrent, il faut leur ouvrir des débouches. Ce sont les parties les plus délaissées du pays qui doivent venir s’approvisionner dans les centres de production. Les parties les plus riches du royaume et les parties les moins industrieuses profitent également par les communications : les unes se procurent ce qu’il leur est utile, les autres placent leurs produits. »

Dans 1’opinion de M. le ministre de l’intérieur il était donc de l’intérêt général du pays de porter les fonds dont l’Etat pouvait disposer, dans les provinces éloignées où il manquait des communications, afin d’y exécuter des routes qui procurassent aux parties plus prospères du pays un moyen d’écoulement de la surabondance de leurs produits, et, à ces mêmes provinces éloignées, un moyen de s’approvisionner. »

M. le ministre de l’intérieur continuait ainsi :

« L’honorable M. de Puydt, en 1834, a fait voir l’inégalité qui existe relativement aux routes entre les différentes provinces ; mais si cette inégalité existe pour les routes pavées et ferrées, elle est bien plus grande encore pour les voies navigables. Le système des chemins de fer que l’on a décrété, vient déranger encore davantage les rapports qui règnent pour les voies de communication ; il est temps de rétablir l’équilibre, et je pense que vous n’hésiterez pas à sanctionner par votre vote la proposition qui vous est soumise. »

C’était évidemment pour rétablir cet équilibre, pour détruire cette inégalité, que le ministre a appuyé la proposition qui avait été faite ; c’était également dans le même sens que d’autres orateurs l’ont appuyée.

L’honorable M. Rodenbach disait :

« Messieurs, dans la séance d’hier, M. le ministre et plusieurs honorables représentants ont soutenu l’utilité et l’urgence d’un grand nombre de routes à faire là où il en existe le moins et notamment dans les provinces de Limbourg et de Luxembourg. »

Un orateur qui m’a précédé vous a rappelé l’opinion qui a été émise par l’honorable M. Dumortier. Je ne la répéterai donc pas.

Voici ce que disait M. Verdussen, et son opinion est beaucoup plus explicite encore :

« Selon moi, messieurs, le gouvernement devait, comme il l’a fait, répartir la somme suivant les besoins de chaque province.

« Dussé-je être taxé d’extravagance, je prie le gouvernement d’être plus partial, mais en réalité plus juste et surtout plus judicieux encore, et d’appliquer l’excédant du produit des routes à l’achèvement des routes entamées. »

M. le ministre de l’intérieur, répliquant à l’honorable M. Verdussen, disait :

« J’ai demandé la parole pour déclarer que nous avons constamment suivi la marche qu’on nous a conseillé de prendre.

« Du reste, je partage l’opinion de l’honorable préopinant, que c’est plus particulièrement dans les provinces dépourvues de routes que l’emploi des fonds doit être fait. »

Il est donc prouvé, par la discussion même de la loi concernant l’emprunt des 6 millions, que c’était principalement en vue d’exécuter des routes là où il en manque le plus, que ces fonds ont été mis à la disposition du gouvernement.

Aujourd’hui, messieurs, l’on se plaint du défaut d’emploi de ces fonds, et du retard qu’apporte le gouvernement à remplir les promesses qu’il avait faites : je crois, pour ma part, que c’est un peu la faute des conseils provinciaux. Les conseils provinciaux ont fait tous dans leur dernière session des projets de route tellement exagérés, tellement extravagants, que le ministère en a été en quelque sorte dérouté. Les prétentions se sont tellement multipliées aujourd’hui qu’il est très difficile de satisfaire à la moindre de ces prétentions, avec la totalité du crédit qui est à la disposition du gouvernement. Je crois donc qu’il faut faire abstraction de toutes les prétentions, et de renfermer dans l’esprit de la loi qui a créé l’emprunt des 6 millions. Il faut revenir au but primitif qu’on a eu en vue ; il faut obéir en quelque sorte à l’impulsion qui a été donnée par la chambre, lors de la discussion de la loi d’avril 1836.

Je sais bien qu’il est difficile d’opérer la répartition des fonds de l’emprunt, sans froisser quelques intérêts. Mais comme ce fonds n’est pas un fonds unique, et que d’autres ressources existent encore puisque nous avons annuellement un excédant de produits de barrières qui va tous les jours en croissant, et qui s’élèveront sans doute d’ici à peu d’années à près d’un million par an, je crois qu’il sera facile de réparer, au moyen des ressources ordinaires, les injustices partielles qui auraient pu être commises.

Quand on considère quelles sont aujourd’hui les réclamations de quelques provinces dont les organes se sont fait entendre dans cette chambre, on peut se convaincre qu’il est très aisé de satisfaire à ces exigences. Que réclame-t-on, par exemple, dans la Flandre occidentale ? Je n’ai entendu parler jusqu’ici que de quelques lacunes ; les routes signalées par les honorables MM. Rodenbach et de Langhe sont véritablement des lacunes, et avec 200,000 ou 300,000 francs, il sera possible d’accorder des subsides suffisantes pour faire exécuter ces routes par la province.

Il en est de même dans la Flandre orientale, on n’y réclame également que des lacunes. La plus importante des routes que j’ai entendu désigner pour cette province, c’est celle de Thielt à Eecloo ; eh bien, ici encore, je suis convaincu qu’avec une somme de 200,000 ou 300,000 francs, on parviendrait à aider la province à exécuter cette route.

Dans le Hainaut il n’y a également que des routes de peu d’importance à faire ; car toutes les grandes communications dans cette province sont exécutées depuis longtemps, et celles dont le besoin se fait encore sentir ne sont que des routes de deux ou trois lieues tout au plus. La province a d’ailleurs plus de ressources pour y subvenir, et ses prétentions à des subsides sont modérées.

L’on pourrait donc, messieurs, satisfaire aux besoins de ces diverses provinces avec les fonds ordinaires, et l’on pourrait réserver la totalité de l’emprunt des 6 millions pour d’autres provinces qui éprouvent des besoins beaucoup plus grands. On pourrait, par exemple, répartir deux millions entre les provinces d’Anvers et du Limbourg, et l’on aurait encore une très forte réserve pour les provinces de Namur, de Liége et du Luxembourg.

Je me trouve ici tout naturellement amené à examiner ce qui s’est passé relativement au Luxembourg. j’essaierai de donner une sorte de réponse à l’appel qui vient d’être fait par l’honorable M. d’Hoffschmidt.

Je ne prétends pas, messieurs, vous présenter le tableau de toutes les routes exécutées ; mais je pourrai vous donner un détail assez curieux, mais seulement approximatif, sur les dépenses générales qui ont été faites dans le royaume depuis 1831, en fait de travaux publics.

Or, on a dépensé en travaux ordinaires, depuis six ans, 8,339,700 fr.

L’emprunt des routes, qui est destiné à être employé incessamment, est de 6,000,000 fr.

Les sections achevées du chemin de fer ont coûté 24,379,433 fr.

Les sections à achever exigeront, dans la proportion de la dépense des sections achevées, environ 15,000,000 fr.

Les sections décrétées par la loi du 26 mai 1837 exigeront, pour la route de Gand à Tournay vers la frontière française, environ 8,000,000 fr.

La route de Tirlemont coûtera environ 6,000,000 fr.

La route de Bruxelles à Quiévrain, environ 10,000,000 fr.

Soit, au total, 63,379,433 fr.

La Sambre canalisée, qui a été acquise par le gouvernement, a coûté 13 millions. Ces 13 millions ne sont pas encore payés, et même une partie de cette dépense ne sera probablement liquidée que lorsque nous aurons conclu un arrangement avec la Hollande. Mais ce n’en est pas moins une dépense qui tombe entièrement à charge de l’Etat ; donc 13,000,000 fr.

La convention pour le canal de Charleroy, qui sera probablement soumise à la discussion dans le cours de la session, emporte une dépense de 8,000,000 fr.

Les polders nous ont fait voter dans la dernière session une somme de 2,979,900 fr.

Je ne sais quelle sera la dépense du canal de Zelzaete, que je ne mentionne que pour mémoire ; mais toujours est-il qu’on a dépensé, ou qu’on a affecté aux travaux publics, une somme de 101,955,633 fr.

Quelle fraction de cette somme a-t-on réellement employée à l’exécution de travaux publics dans le Luxembourg ? Voilà une question que je ferai ; et je crois qu’il serait difficile de prouver qu’on a dépensé plus de la centième partie de cette somme au profit du Luxembourg.

Je bornerai là mes observations pour le moment ; mais je rappellerai encore une fois à M. le ministre des travaux publics ce que j’ai dit tout à l’heure, savoir que toute la question est dans la destination de l’emprunt des six millions, telle que l’auteur de la proposition l’avait entendue, et telle aussi que la chambre l’a admise, comme il résulte de la discussion que j’ai rappelée en substance.

Je crois donc que M. le ministre des travaux publics peut, sans être taxé de partialité, accorder aux provinces qui ont le moins de routes, la plus grande part de l’emprunt de 6 millions, sans cependant négliger les provinces plus riches, et qui avec un faible subside seront réellement plus favorisées encore que les provinces pauvres, auxquelles il accorderait la presque totalité du crédit.

M. Verhaegen. - Messieurs, j’ai entendu tout à l’heure, de la part de M. d’Hoffschmidt, une observation qu’il avait puisée dans l’article 11 de la constitution. Je viens, messieurs, ajouter une observation à celle qui vous a été soumise par cet honorable membre.

L’article 11 de la constitution, fait dans l’intérêt de la propriété, dispose que nul n’en peut être privé si ce n’est moyennant une juste et préalable indemnité. La loi de 1835, qui a apporté un certain tempérament à l’article 11, a concilié l’intérêt de la propriété avec les circonstances urgentes dans lesquelles le gouvernement pouvait se trouver. Il a été, entre autres, établi par cette loi que lorsque les circonstances étaient pressantes, l’indemnité consignée suffisait pour que le gouvernement pût prendre la propriété des particuliers dans l’ordre d’expropriation pour cause d’utilité publique.

Mais, malheureusement l’on perd de vue et l’article 11 de la constitution et la loi de 1835. Quelles qu’aient été les précautions que la législature a prises, pour que force restât à ce principe qui prend sa source dans le droit de propriété, les agents, et surtout les agents subalternes de l’administration, s’en écartent, et des infractions journalières au droit de propriété nous sont signalées.

Ce n’est pas qu’il faut donner écoute à toutes ces réclamations de propriétaires qui parfois sont très exigeants ; mais il faut éviter qu’ils n’aient droit de se plaindre à raison d’abus qui ne sont que trop fréquents. Nous avons vu récemment des propriétaires privés d’une partie de leur propriété sans qu’aucune formalité ait été remplie, sans qu’aucune indemnité n’ait été donnée ni même consignée. On s’avise aujourd’hui, sous prétexte de travaux préparatoires, de déposséder des propriétaires sans en offrir la moindre indemnité, sans avoir rempli la moindre formalité. Sons le prétexte d’ouvrir des routes nouvelles, de faire des chemins de fer, de dresser des plans, on abat des arbres, on renverse des bâtiments, on porte atteinte à la propriété sans qu’aucune formalité ait été remplie, sans qu’aucune indemnité ait été offerte, loin d’être consignée ou payée.

Les propriétaires qui ont eu à se plaindre de ces abus, font des protestations ; on ne les écoute point ; ils s’adressent aux tribunaux, ils gagnent leur procès. Le gouvernement interjette appel. La cour récemment a examiné et apprécié à sa juste valeur la conduite de ces agents subalternes dans un arrêt qui mérite d’être inséré dans les annales de jurisprudence, et qui fait voir que tout n’était qu’abus. Le propriétaire n’en est pas moins dans la même position, car on se pourvoit en cassation, et les mois et les années s’coulent, et l’attentat à la propriété reste impuni. C’est à M. le ministre que nous venons nous adresser pour que, dans l’intérêt des propriétaires, des mesures soient prises, afin qu’un pareil état de choses ne se renouvelle plus.

En dernière analyse nous sommes à nous demander si nonobstant l’article 11 de la constitution et nonobstant la loi de 1835, il est permis au gouvernement de s’emparer d’abord de la propriété sous prétexte de travaux préparatoires, de ne remplir les formalités que plusieurs mois après, et de ne payer l’indemnité qu’après plusieurs années. S’il en est ainsi, l’article 11 est une lettre morte, et la loi de 1835 qui entoure de précautions l’expropriation, est une loi éludée. En vain vient-on dire que pour lever les plans, ces mesures sont utiles ; je répondrai qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des ingénieurs, si pour lever des plans il faut niveler le terrain, abattre les constructions et tirer des lignes sur le terrain ; je demanderai à quoi servent les opérations trigonométriques. Nos ingénieurs, comme dans les pays voisins, doivent savoir lever des plans sans porter atteinte à la propriété. Je ne pense pas que l’intention de la chambre soit de donner au gouvernement le droit exorbitant de s’emparer de propriétés, sous le prétexte de travaux préparatoires, en violation de l’article 11 de la constitution et de la loi de 1835. Je provoquerai des explications catégoriques pour savoir à quoi nous en tenir et sur l’article 11 de la constitution et sur la loi de 1835.

M. Desmet. - Messieurs, c’est pour répondre à l’honorable M. d’Hoffschmidt que j’ai pris la parole ; parce que dans le temps quelqu’un de cette chambre avait titré le cabinet actuel de ministère de Meuse et Moselle, l’honorable membre conclut de cette épithète qu’on croit que le Luxembourg était favorisé par les ministres ; la chambre où une partie serait toujours opposée à accorder à cette province ce qu’elle a tellement besoin pour améliorer ses mauvaises voies de communication.

Je dois rassurer l’honorable député de Luxembourg sur l’importance qu’il veut bien attacher à cette expression. Quand cette épithète a été donnée, on a voulu faire voir que le cabinet ne représentait qu’un côté du pays ; que les principales provinces, celles de deux Flandres, du Brabant et du Hainaut, n’y avaient aucun représentant, et qu’on craignait qu’une bonne partie du royaume aurait souvent été oubliée dans la mesure du gouvernement. On a alors aussi critiqué qu’un seul portefeuille enveloppait deux département et que cette double besogne donnée à un seul ministre aurait fait tort à la bonne administration. Et à ce sujet, je ne suis pas encore changé d’avis ; je pense toujours que l’administration du département de l’intérieur et de celui des affaires étrangères doit être en souffrance.

J’avais besoin de donner cette explication à l’honorable M. d’Hoffschmidt, qui doit reconnaître que dans toutes les occasions j’ai toujours parlé et voté en faveur de sa province, je pourrai même dire systématiquement, j’aime à le déclarer ici, car je m’intéresse beaucoup à cette province, laquelle, sous tant de rapport, a besoin d’être favorisée.

L’honorable membre doit savoir que c’est là ma proposition, que les distilleries de fruit ont reçu leur liberté dans le Luxembourg, et que c’est depuis cette époque qu’elles sont en pleine activité et augmentées considérablement. Cependant M. le ministre des finances, Luxembourgeois, n’a pas eu la même attention pour nos distilleries de grain, qui, par son projet, sont encore une fois remises dans l’esclavage du fisc.

Comme j’ai la parole, je dirai quelques mots sur les travaux publics. Je dois appuyer ce que vient de dire l’honorable M. de Puydt, de ne plus méconnaître la volonté de la législature pour ce qui regarde l’emploi à faire annuellement de l’emprunt de six millions, et je demanderai ici avec l’honorable membre qu’il plaise à l’honorable ministre des travaux publics de présenter à la chambre un tableau des routes et chemins vicinaux qui n’ont plus que des lacunes à remplir pour être achevés, et je me permettrai de lui citer une des plus importantes routes, celle de la capitale à Ostende, par Ninove, Sotteghem, Deynze, Thielt, etc. traversant trois grandes et importantes provinces : le Brabant, la Flandre orientale, la Flandre occidentale, et tout ensemble l’Escaut, la Lys et la Dendre, et passant par des contrées intéressantes sous le rapport du commerce et de l’agriculture, et auxquelles il manque absolument des voies de communication. Cette route, longue de trois lieues, serait faite, elle serait parfaite et rendrait un service éminent à ces trois provinces, tandis qu’actuellement elle n’est presque d’aucune utilité.

J’aurai encore un objet à signaler à M. le ministre des travaux publics, non pas pour demander au gouvernement des fonds, car le projet dont je veux parler sera exécuté par concessions, si le gouvernement veut y donner son assentiment, mais uniquement pour supplier le ministre de daigner faire avancer le travail qu’on a commencé au ministère, pour pouvoir terminer l’enquête et de faire réunir ainsi derechef le plus tôt possible la commission d’enquête, et ainsi faire préparer l’avant-projet pour qu’au commencement du printemps prochain on pourrait mettre la main à l’œuvre. C’est du projet du canal de la Dendre que je veux parler. M. le ministre ne peut douter de l’importance de ce projet, qui est non seulement d’une grande utilité pour tout le pays situé entre Mons et Termonde, mais qui devient d’une nécessité, car sous peu le canal d’Antoing ne pourra plus suffire pour y faire passer tous les bateaux qui transportent le charbon du Hainaut vers les Flandres et les rives du Bas Escaut.

Quand tout à l’heure l’honorable M. d’Hoffschmidt a critiqué que l’administration des ponts et chaussées méconnaissait les droits des propriétaires pour ouvrir un chemin ou creuser un canal, il pouvait avoir raison ; je ne connais point les faits ; mais je saisis cette occasion pour engager le ministre des travaux publics ou son collègue de 1’intérieur de vouloir revoir la législation existante sur la grande et petite voirie, afin de mettre ces administrations à l’abri d’autres arrêtées dans leurs opérations quand elles ont des règlements ou des arrêtés à faire mettre à exécution. C’est une des causes principales que depuis quelques années les chemins vicinaux et les autres chemins des communes sont absolument négligés dans leur entretien, et que les usurpations se multiplient journellement. Ce que je dis des chemins vicinaux, on doit le dire pour l’entretien des ruisseaux, rigoles et autres canaux d’écoulement des eaux, puis dans la province au long des rivières et dans l’intérieur des campagnes.

M. Dolez. - Messieurs, après ce que vous avez entendu dans la séance d’hier et dans celle d’aujourd’hui, il faut du courage pour venir encore vous entretenir de ce qu’on est convenu d’appeler intérêt de localité. Aussi ce courage m’eût certainement manqué si je n’avais tenu à me montrer exact à l’engagement pris entre M. le ministre des travaux publics et moi. La chambre se rappellera qu’à la séance du 2 octobre dernier, à propos de la dotation des 10 millions pour la continuation des travaux du chemin de fer, une réclamation a été élevée sur la non-exécution du chemin de fer que la loi de 1833 assurait à la province de Hainaut. A cette époque, voici l’interpellation que j’adressais au ministre des travaux publics. Je lui disais :

« En résumé, ma résolution est ferme ; si M. le ministre ne prend pas l’engagement formel de déterminer une époque fixe à laquelle seront commencés les travaux du chemin de fer de Bruxelles à la frontière française par Mons, je voterai contre le projet de loi, comme ultérieurement je voterai contre le budget des travaux publics. »

Le ministre répondit, parlant de l’enquête relative à la direction à donner au chemin de fer : « Aujourd’hui cette affaire est amenée à son dernier degré d’instruction ; le gouvernement peut et doit prendre une résolution ; elle sera prise ; peut-être ne sera-ce que pour une partie mais il suffit qu’il y ait un commencement d’exécution. M. Dolez m’a ajourné jusqu’à l’époque de la discussion du budget ; j’accepte ce nouveau rendez-vous ; à cette époque une décision au moins partielle aura été prise et mise à exécution. »

Je lui déclarai que confiant dans ce nouvel engagement, je voterai pour la loi, me réservant de revenir sur la question, lors de la discussion du budget des travaux publics et de voter contre ce budget, si cet engagement n’avait reçu un commencement d’exécution.

C’est ce que je fais.

Depuis lors, le ministre des travaux publics a-t-il tenu l’engagement contracté envers nous ? Si je voulais m’attacher à la lettre de l’engagement, je pourrais répondre non ; mais je ne veux pas pousser mes réclamations d’une manière trop rigoureuse, je viens remercier M. le ministre de ce qu’il a déjà fait. Il a arrêté la direction d’une partie du chemin de fer vers la France par Mons, c’est déjà quelque chose ; je lui en sais gré.

Il y a plus, et c’est surtout cela qui présente quelque chose de satisfaisant : il a fait un choix qui est rassurant pour la province du Hainaut ; nous pouvons croire que le gouvernement a l’intention de pratiquer le plus tôt possible les travaux d’exécution de ce chemin. Cependant ministre me permettra de lui demander s’il prévoit dès à présent l’époque à laquelle l’exécution matérielle qu’il nous a promise à la séance du 23 octobre, pourra être commencée.

Je répète encore que j’ai repris foi dans les promesses de M. le ministre des travaux publics. C’est pour cela que je lui en demande de nouvelles. Il me répondra, j’espère, à cet égard d’une manière satisfaisante.

Un autre point sur lequel j’appellerai son attention, c’est la suite de la direction à donner à ce chemin de fer vers la frontière de France. Vous savez qu’un débat existait pour la totalité de la direction, et qu’une solution favorable aux réclamations de la ville de Bruxelles et d’une grande partie du Hainaut a été donnée pour la section de Tubise à Mons.

Je crois qu’il serait utile de donner une prompte solution pour le reste de la route. Il y a division à ce sujet dans la province du Hainaut ; cela entretient une certaine irritation ; il importe de la faire cesser le plus tôt possible. De plus cette incertitude tient en suspens beaucoup d’établissements. Beaucoup de personnes ajournent l’exécution d’établissements projetés, ne sachant si la route en fer sera construite à droite ou à gauche de la route actuelle. Il importe donc à la prospérité du pays que M. le ministre des travaux publics prenne promptement une décision quant au reste de la route.

Vous avez entendu divers orateurs vous parler de l’emprunt de 6 millions pour constructions de route. Je ne les suivrai pas dans ce qu’ils ont avancé ; déjà j’ai eu l’occasion de faire connaître à cet égard toute ma pensée, de dire que, sans réclamer une répartition rigoureusement égale de province à province, eu égard à l’importance de chacune, cependant il importait de ne pas perdre de vue les règles d’une saine justice distributive ; c’est tout ce que je demande.

Mais si je me montre peu exigeant en ce qui concerne l’emprunt de 6 millions, je crois pouvoir l’être davantage en ce qui concerne les travaux publics à exécuter sans subsides de l’Etat et dont la concession est demandée. Dans le Hainaut, où l’industrie est si florissante, où le travail et les capitaux abondent, il a été présenté une multitude de projets de travaux publics dans lesquels on ne demande rien à l’Etat et dont rien ne doit arrêter la mise en adjudication. Le tableau présenté à la suite du projet de loi tendant à proroger les concessions de péage en fait foi.

Pour n’être pas trop long, je n’attirerai l’attention de M. le ministre des travaux publics que sur deux de ces projets. Je veux parler du canal de Mons à la Sambre et du chemin de fer du Flénu à la Sambre ; ces deux projets ont pour but le transport au centre des usines de Charleroy des charbons du couchant de Mons propres faire le coak. Ces deux projets ont reçu l’assentiment universel remontent tous deux à plusieurs années. Déjà, à différentes reprises, vous vous êtes occupés de la question des houilles, bientôt vous aurez encore à vous en occuper. Eh bien, la construction du chemin de fer et du canal dont je viens de parler ont trait à cette question, car ces travaux, en déterminant un accroissement de la houille, en feront baisser le prix.

Je sais que pour la construction du canal une difficulté a été élevée par la France qui a réclamé des indemnités en faveur d’usines situées en France ; mais les demandeurs en concession ayant consenti à indemniser les usines situées en France comme si elles étaient situées en Belgique, il semble que les négociations entreprises à cet égard avec la France devraient avancer ; cependant elles traînent et n’ont aucun résultat, et pour quelques misérables usines qui valent de 60 à 70,000 fr., le pays est privé d’un moyen de communication importants.

Quant au chemin de fer qui doit aboutir du même point de départ au même point d’arrivée, on annonce dans le tableau que l’instruction est suspendue en raison des négociations diplomatiques entamées sur le projet de canal. Mais je ferai remarquer que l’on a demandé l’exécution des deux projets ; si donc (ce que je ne crois pas) les difficultés sont assez sérieuses pour arrêter l’exécution du canal, commencez l’exécution du chemin de fer ; ne craignez pas après cela la moindre opposition à l’exécution du canal qui est peut-être le seul projet de ce genre qui n’ait rencontré qu’approbation et éloges. C’est un canal qui doit joindre l’Escaut à la Meuse et la Meuse à la Sambre ; car il doit rejoindre le canal de Mons à Condé et se réunir à la Sambre. Ce n’est pas nouveau ; il a été conçu sous l’empire ; il avait attiré l’attention de Napoléon, et, sans les événements politiques de 1814 et années suivantes, il serait depuis longtemps réalisé.

Je demanderai à M. le ministre des travaux publics de porter son attention spéciale sur l’un et l’autre projet et de donner aux demandeurs en concessions une solution aussi prompte que juste.

M. de Muelenaere. - Depuis deux jours le ministère des travaux publics est en butte à d’amers reproches. Toutes les provinces ont fait entendre leurs vives doléances par les organes qu’ils ont dans cette enceinte. Elles ne réclament pas de faveur ; chacune demande justice ; chacune ne réclame qu’une sévère justice ; et toutes les provinces ont un égal besoin de routes.

Moi, je me proposais aussi d’adresser quelques plaintes à M. le ministre des travaux publics. Je m’en abstiendrai. Loin de lui adresser des reproches, je crois devoir lui adresser des félicitations ; car cette unanimité de plaintes m’a prouvé que M. le ministre des travaux publies va examiner mûrement les projets de routes soumis au gouvernement par chaque province, et qu’il a l’intention de faire une répartition de l’emprunt de 6 millions entre toutes les provinces. On vous a dit que dans la Flandre occidentale on n’a parlé que de quelques lacunes à remplir. En effet leurs députés de ma province ont signalé les routes qui intéressent particulièrement la localité qu’ils habitent ; mais il y a une foule d’autres routes dont il n’a pas été parlé.

Quant à moi, je n’insisterai sur aucune route particulièrement. Je recommande à l’attention de M. le ministre des travaux publics toutes les routes décrétées par le conseil provincial de la Flandre occidentale. Ces routes, je les considère comme éminemment utiles. Le conseil provincial a voté des subsides plus ou moins considérables. Si dans ces routes quelques-unes peuvent s’exécuter au moyen d’un léger subside du gouvernement, j’espère que le gouvernement s’empressera d’accorder ces subsides, tout en ne négligeant pas les autres points d’une importance plus grande qui exigeraient de plus grands sacrifices de la part de la province, et conséquemment des subsides plus considérables de la part de l’Etat.

Je ne pense pas qu’il soit entré dans l’intention de la législature d’affecter l’emprunt de 6 millions à quelques provinces du royaume, à l’exclusion des autres. Je pense qu’il a été voté pour être réparti entre toutes les provinces, en raison des besoins de chaque province et des sacrifices qu’elles sont disposées à faire. C’est dans ce sens que cet emprunt a été voté et qu’il doit être réparti.

Je ne disconviens pas qu’il est des provinces du royaume qui ont un plus grand besoin de routes que la Flandre occidentale même, où ce besoin cependant se fait vivement sentir.

Je ne m’opposerai jamais à ce que l’on alloue à ces provinces une partie plus ou moins considérable de ces six millions ; mais il y aurait injustice, suprême injustice de déshériter les Flandres de leur part dans cet emprunt des six millions.

Un honorable préopinant, messieurs, a demandé que le ministre des travaux publics soumît à la législature le tableau des sommes allouées depuis la révolution aux différentes provinces pour construction de routes. Pour ma part, je n’ai aucun motif pour m’opposer à ce que ce tableau soit présenté aux chambres. On y verra que ce ne sont pas les Flandres qui ont reçu la plus forte part dans les subsides accordés depuis la révolution ; et que si les Flandres ont un plus grand nombre de routes que les autres provinces, c’est qu’elles les ont construites à leurs propres frais.

Je ferai remarquer encore qu’il n’est peut-être pas de province dans le royaume qui se soit montrée plus disposée à seconder les intentions du gouvernement que celle de la Flandre occidentale. Indépendamment d’un subside considérable qu’elle a mis à la disposition du ministre des travaux publics, elle a voté un emprunt d’un million qui pourrait être affecté aux nouvelles routes dans cette province. Elle a engagé les communes à céder à l’Etat toutes les routes dont elles sont propriétaires, quoique ces routes aient été construites à la charge de la province elle-même.

Je me permettrai de recommander à l’attention particulière du ministre des travaux publics les différentes routes décrétées par la Flandre occidentale. Toutes les pièces relatives à ces nouvelles voies de communication ont été envoyées au ministère ; les études préparatoires sont parachevées, et nous n’attendons qu’un subside pour mettre la main à l’œuvre.

L’honorable préopinant a fait observer qu’il y aurait avantage peut-être à s’occuper d’abord des lacunes, et à les remplir ; je ne m’opposerai pas à ce projet. Ce serait peut-être le moyen de commencer ces travaux sans retard, et de soumettre les grandes voies de communication à un plus long examen.

Il est des routes, dans notre province, qui demanderont peu de dépense ; si l’on voulait s’occuper de celles-là, il y aurait économie de temps. Toutefois, je m’en rapporte à M. le ministre des travaux publics. Je ne demande qu’une chose, c’est l’examen des divers projets, c’est de prendre en mûre considération les besoins des provinces, les sacrifices qu’elles se sont imposés, c’est que l’on procède à la répartition des 6 millions, selon les principes de la justice distributive. Si le ministre procède de cette manière, il verra que les plaintes viendront à cesser, et qu’il trouvera appui dans cette chambre.

M. de Jaegher. - Je ne veux pas réclamer une part pour telle localité ou telle localité, parce que je me suis aperçu, dans cette discussion, que les demandes de ce genre sont plus faites pour induire le ministre en erreur qu’à l’éclairer.

Nous avons vu les différents représentants du Limbourg se lever les uns après les autres, afin de réclamer pour leurs localités, puis les députés du Luxembourg leur succéder. Nous avons vu l’honorable membre qui siège derrière moi avoir recours à une discussion de principes généraux, et nous dire qu’il ne voulait pas en faire une application pour sa province ; mais c’est parce qu’ils lui étaient particulièrement favorables. Quoi qu’il en soit, il est tombé dans quelques erreurs que je crois devoir signaler.

L’honorable M. de M. Puydt vous a fait pressentir où devait conduire son argument. Il a dit que les 6 millions ont été votés pour doter de communications nouvelles les provinces qui en manquaient. Il a conclu de là que dans les provinces où il n’y avait que des lacunes à combler, il suffirait de réserver le complément de ces lacunes pour l’époque où l’excédant du produit des barrières, qu’il évaluait à un million, pourrait y être affecté.

Je ferai remarquer que l’emprunt des six millions a été hypothéqué sur les excédants du produit des barrières, qui déjà servent à en payer les intérêts.

L’honorable membre a donc perdu de vue qu’il sacrifie de cette manière les provinces sous un double rapport, sous le rapport du capital et sous celui des intérêts. Il a perdu de vue que les provinces en faveur desquelles il réclame l’emploi des six millions ne contribuent en rien aux excédants du produit des barrières.

Je ne m’étendrai, pas davantage sur ce point. Je joindrai seulement ma voix à celle de M. de Muelenaere pour inviter M. le ministre des travaux publics à porter son attention, pour en faire l’objet de ses décisions, sur les routes qui lui auront été exclusivement démontrées comme étant d’une utilité plus générale ; alors, au lieu de recevoir des reproches, ce seront des félicitations sur son impartialité qui lui seront adressées dans cette chambre.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, cette discussion est déjà bien longue, et cependant elle devrait se prolonger encore, car toutes les provinces n’ont pas fait entendre leurs plaintes. Elles ont toutes à se plaindre non pas de moi, non pas du gouvernement, mais de la force des choses ; si elles n’ont pas tout ce qu’elles désirent, elles doivent s’en prendre à l’immensité des projets et à l’exiguïté des ressources. Au milieu de tant de réclamations et qui pourraient être plus nombreuses encore, mon intention n’est pas, ne peut être de prendre un engagement spécial quelconque ; si le gouvernement était amené à cette nécessité, mieux vaudrait que la chambre votât chaque route, qu’elle fît de chaque route l’objet d’une mesure législative.

C’est ce que la chambre n’a pas voulu ; elle s’est sentie dans l’impuissance de se placer dans ce système ; elle a mis annuellement à la disposition du gouvernement l’excédant du produit des barrières et de plus un emprunt hypothéqué sur cet excédant ; le gouvernement doit conserver toute liberté d’action ; il doit la conserver, mais à condition de vous dire ce qu’il a fait, à condition de vous rendre compte. Les plaintes ne cesseront pas, des félicitations ne seront pas adressées au gouvernement ; non messieurs ; il est impossible de faire droit à toutes les réclamations, on se plaindra toujours : je n’accepte donc pas les consolantes prédictions qu’ont bien voulu faire M. de Muelenaere et de Jaegher.

Avant d’aborder la discussion générale, je dois m’arrêter à deux questions plus ou moins étrangères à cette discussion, mais trop graves pour que le gouvernement n’y réponde pas.

L’une concerne la police du roulage et la taxe des barrières ; vous aurez occasion de revenir sur cet objet en vous occupant de la loi des barrières ; le premier objet est en ce moment soumis à l’examen de l’administration ; vous avez renvoyé aux départements de l’intérieur et des travaux publics les pétitions relatives au renchérissement de la houille ; les pétitionnaires ont élevé des réclamations contre la police du roulage ; ces réclamations seront donc comprises dans le rapport que vous attendez.

La deuxième question est relative au droit de propriété ou au droit d’expropriation. J’aurai soin de prendre des renseignements sur les faits signalés par l’honorable M. d’Hoffschmidt.

Toutefois, dès à présent, il me paraît qu’ils n’ont pas la portée que l’honorable orateur a cherché à leur donner. Les propriétaires ont permis au gouvernement d’occuper leurs terrains ; la route y a été faite ; les arrangements ont été discutés ensuite, et il est survenu des difficultés. Il ne faut pas accuser le gouvernement ; il n’y a pas eu violation de l’article 11 de la constitution ; les propriétaires ont consenti à céder leurs terrains, se réservant de traiter avec le gouvernement. Ils ont eu tort de vendre leurs créances, car si j’en avais de semblables sur le gouvernement, je ne consentirais pas à perdre un centime. Ces propriétaires ont été trompés s’ils ont cru devoir recourir à des usuriers et vendre ; ils ont été mal conseillés.

Quant aux faits qui nous ont été signalés par M. Verhaegen, je ne vois pas là non plus de violation de l’article 11 de la constitution : il n’y a pas eu expropriation, il y a eu des travaux préparatoires indispensables pour savoir si telle ou telle direction serait adoptée ; et remarquez bien, pour savoir si en définitive il faut exproprier, des études préparatoires sont nécessaires. S’il faut entendre l’inviolabilité de la propriété dans ce sens que même aucune étude préliminaire ne sera possible, en un mot qu’il sera défendu aux agents de l’administration des ponts et chaussées de traverser un champ pour y faire un alignement, de s’y arrêter momentanément pour braquer une lunette, on ne pourra plus entreprendre de travaux publics. Il faudra commencer par exproprier sans savoir si l’on aura besoin des terrains ; il faudra exproprier au hasard.

Ainsi, messieurs, les faits n’ont pas la gravité qu’on a voulu leur donner ; je crois connaître tous les délais de l’affaire dont a parlé l’honorable préopinant, ou du moins une affaire de ce genre m’est connue ; dans l’intérêt public, dans l’intérêt des travaux que vous ordonnez, j’ai cru le pourvoi en cassation nécessaire.

Messieurs, les réclamations qui ont été faites par les honorables MM. d’Hoffschmidt et Verhaegen ont quelque chose de fâcheux : c’est qu’elles encourageront les propriétaires dans leurs prétentions exagérées.

Je dois dire à la chambre que ces prétentions deviennent de jour en jour plus grandes, que les entraves que rencontre le gouvernement se multiplient sous ses pas ; avant l’adoption d’un tracé, avant que le principe de telle ou telle route soit posé, les propriétaires sont accommodants ; ils adressent modestement des pétitions au gouvernement, aux chambres pour obtenir la route ; mais quand le principe est posé, quand le gouvernement est lié, alors les propriétaires deviennent exigeants, leurs exigences deviennent exorbitantes. Pour atteindre, par exemple, une grande ville, c’est une véritable bataille judiciaire qu’il faut livrer ; ainsi, messieurs, 70 procès ont été au rôle le même jour pour porter le chemin de fer aux hauteurs d’Ans ; je pourrais citer des affaires réellement scandaleuses par l’exagération des demandes des propriétaires. Je le répète donc, je désire que les propriétaires qui sont déjà si exigeants ne trouvent pas un encouragement dans les réclamations qui ont été faites tout à l’heure.

J’arrive, messieurs, aux points qui se rattachent à la discussion générale ; mes dispositions personnelles, les intentions du gouvernement ne peuvent être douteuses ; le gouvernement ne demande pas mieux que de sillonner de routes les provinces, que de donner un réseau de routes au Limbourg, et au Luxembourg, semblable à celui qui existe dans les autres provinces ; il ne demande pas mieux que d’arracher à la solitude, au désert, la Campine et les Ardennes ; mais vous ne lui avez pas ouvert un crédit illimité ; le crédit que vous lui avez ouvert est très borné. Les besoins sont infinis, les moyens restreints. Je conçois toutes les réclamations ; moi-même, messieurs, si je siégeais à la chambre comme simple député, je me ferais peut-être l’organe d’une réclamation, je me constituerais le patron d’une route, j’aurais ma route de prédilection, probablement la route d’Aubange à Virton.

Je conçois donc toutes les réclamations, mais ce que je ne conçois pas, c’est qu’on fasse de ces réclamations une condition sine qua non du vote du budget lorsque tous les faits auxquels se rattachent les résolutions à prendre, les choix à faire, ne sont pas suffisamment connus et ne peuvent pas être connus de ceux qui se font les organes de ces réclamations.

Il s’agit d’une impossibilité non pas morale, mais matérielle. Chacune, messieurs, a son point de vue ; chacun de nous, messieurs (qu’il me soit permis de le dire), ne peut connaître que les projets qui le touchent plus ou moins immédiatement ; le gouvernement a un autre point de vue : il connaît, il peut et doit connaître tous les projets ; là où il se place, il a la vue de l’ensemble.

Aussi plusieurs honorables membres vous ont-ils dit avec raison, messieurs, que le gouvernement ne peut pas prendre une résolution à l’égard de telle ou de telle route considérée isolément ; il doit voir tous les projets, les comparer et découvrir ainsi par la comparaison de province à province, de projet à projet, quels sont ceux qui méritent la priorité : c’est une question de priorité extrêmement difficile, qu’il faut résoudre. Cet examen est commencé, et quand même il n’en aurait pas été question dans cette chambre, je vous en aurais communiqué les résultats probablement à la fin de cette session ; il m’importe de vous faire cette communication, parce que je ne veux point rester sous le poids de cette responsabilité, parce que je désire que les chambres et le pays sachent ce que le gouvernement a fait, ce qu’il a pu faire, ce qu’il a laissé à faire à d’autres temps, ce qu’il a réservé à d’autres moyens, ce qu’on lui a demandé, ce qu’il a, non pas refusé précisément, mais forcément ajourné.

Quelques renseignements déjà recueillis offrent par exemple les résultats suivants ; je possède les tableaux des demandes de toutes les provinces.

Les routes projetées, réclamées ou décrétées pendant la dernière session des conseils provinciaux s’élèvent à 204 ; vous voyez, messieurs, que chaque député pourrait se constituer l’avocat de deux routes ; les subsides demandés s’élèvent à plus de 15 millions. Cependant dans les tableaux fournis par quelques provinces ne sont pas comprises certaines routes déjà décrétées sur l’emprunt de 6 millions comme grandes communications de l’Etat ; pour celles-là on n’en tient aucun compte, car il faut savoir, messieurs, que dans beaucoup de provinces, quand le gouvernement décrète une route de l’Etat, une grande communication dans l’intérêt général, cette route n’est pas prise en considération ; c’est une route, que l’Etat fait parce qu’il le doit, parce que tel est son intérêt.

De sorte que sous ce rapport plusieurs tableaux doivent être complétés par l’administration ; je pense qu’on n’exigera pas que le gouvernement refuse la priorité aux routes conçues dans l’intérêt général ; il lui est permis de donner la préférence aux grandes communications. C’est là, messieurs, le point de vue du gouvernement ; ce point de vue peut ne pas être celui des provinces et des communes. C’est ainsi que le tableau de la Flandre occidentale, par exemple, est incomplet, parce qu’on n’y parle pas de deux routes, dont l’une, de Furnes à Nieuport est déjà en cours d’exécution sur l’emprunt de 6 millions, et dont l’autre, celle de Dottignies à Roubaix a été promise moyennent un subside assez considérable de la province et des communes. Voilà donc deux routes qu’il est juste de placer en tête du tableau de la Flandre occidentale.

Evidemment, messieurs, le crédit de 6 millions est insuffisant (ce qui répond au doute soulevé, à cet égard, par plusieurs orateurs et, entre autres, par l’honorable M. Peeters), et un nouveau crédit est nécessaire ; mais un nouvel emprunt deviendra peut-être difficile ; on ne pourra pas y songer de si tôt, parce que l’établissement du chemin de fer amènera peut-être une réduction dans la taxe des barrières sur toutes les routes parallèles au chemin de fer ; il est vrai que, par compensation, il y aura probablement une augmentation sur toutes les routes aboutissant au chemin de fer, mais ce n’est là qu’une probabilité. La taxe des barrières a produit, l’année dernière, environ 2,300,000 fr. dont il faut déduire 200,000 fr. pour l’intérêt de l’emprunt de 6 millions, et au moins 1,500,000 fr. pour l’entretien ordinaire et extraordinaire des routes, de sorte que la somme disponible ne sera guère que de 600,000 fr. par an, et non pas d’un million comme l’a supposé l’honorable M. de Puydt .

Ainsi, messieurs, l’emprunt de 6 millions est insuffisant, et la question de savoir si l’on pourra accorder au gouvernement un nouveau crédit du même genre, également hypothéqué sur l’excédant du produit des barrières, cette question est subordonnée à des circonstances que nous ne pouvons encore apprécier.

Maintenant, messieurs, faut-il que je m’explique, une à une, sur les routes qui ont été signalées ? Déjà l’honorable M. de Muelenaere a eu soin de faire remarquer que les routes, au nombre de trois, réclamées par des députés de la Flandre occidentale, ne sont pas les seules que réclame le conseil provincial : en effet, le tableau porte 7 routes dites de grande communication et 10 routes d’intérêt secondaire ; voilà 17 routes, plus les deux routes dont j’ai parlé tout à l’heure.

Je cite, messieurs, la Flandre occidentale, parce que c’est une des provinces du royaume où le système de communications est le plus complet ; cependant cette province fournit un tableau où figurent 17 routes. Jugez, messieurs, des tableaux fournis par les autres provinces, des tableaux fournis par le Limbourg et le Luxembourg, deux provinces qui, à elles seules, absorberaient au-delà des 6 millions.

Vous avez entendu, messieurs, les députés de provinces dont la situation diffère essentiellement : les députés des provinces de Limbourg et de Luxembourg où est presque tout est à faire ; les députés de la Flandre occidentale, où beaucoup est fait, où beaucoup a été fait avant nous. Le gouvernement, messieurs, n’est pas seulement aux prises avec les provinces, mais dans les provinces l’on ne parvient pas même à s’accorder. Dans le Limbourg, par exemple, il y a division entre les trois arrondissements ; ce que l’on fait dans un arrondissement, on n’en tient aucun compte dans les deux autres arrondissements ; ce qu’on fait à une extrémité du Luxembourg, province d’une immense étendue, est ignoré à l’autre extrémité.

Néanmoins, je me réserve de prendre des renseignements qui me manquent en ce moment, pour établir jusqu’à quel point les trois arrondissements du Limbourg auraient été traités avec partialité. Ces renseignements se trouveront d’ailleurs dans le travail général dont s’occupe l’administration.

D’après plusieurs orateurs, l’emprunt des six millions devrait être considéré comme ayant été exclusivement voté en faveur du Luxembourg, du Limbourg et d’une partie de la province d’Anvers.

Il est réellement regrettable que les motifs de la loi ne portent pas que telle est la destination de l’emprunt des six millions. On aurait rendu un grand service au gouvernement, si l’on avait énoncé cette destination, soit dans le dispositif, soit dans le préambule de la loi.

Mais aujourd’hui, messieurs, le gouvernement est forcé d’accepter la loi telle qu’elle a été rédigée, et de l’exécuter sous la responsabilité qui l’attend toujours devant cette chambre.

L’emprunt des 6 millions est hypothéqué en quelque sorte sur l’excédant du produit des barrières. Mais, vous dira-t-on, sont-ce le Limbourg et le Luxembourg qui contribuent pour la somme la plus forte dans l’excédant des barrières ?

Le gouvernement ne demande pas mieux ; qu’on exprime clairement que tel a été l’objet de la loi de l’emprunt des 6 millions, et le gouvernement saura dès lors qu’il doit exclusivement employer les 6 millions en faveur des trois provinces d’Anvers, du Limbourg et du Luxembourg.

C’était là, dit-on, la pensée de l’auteur de la proposition, de l’honorable M. de Puydt ; je regrette, pour ma part, que cette pensée n’ait pas été textuellement formulée dans le projet de loi.

En vous faisant ces observations, mon intention, messieurs, n’est pas d’en conclure qu’il faille répartir l’emprunt des 6 millions entre toutes les provinces, eu égard à la population et au montant des contributions de chacune (prétention qu’on a cependant élevée, dans certaines provinces) ; mon intention est de dire seulement que le gouvernement engagerait, selon moi, gravement sa responsabilité devant cette chambre, s’il interprétait le vote de l’emprunt des 6 millions, qu’il pourrait exclusivement affecter ces 6 millions à trois provinces. Je n’entends pas admettre une répartition au marc le franc entre les provinces, eu égard à leurs contributions respectives, mais je fais uniquement cette observation pour faire comprendre avec quelle circonspection le gouvernement doit agir en cette circonstance.

On n’a rien fait pour les routes, vous dit-on, préoccupé qu’était le gouvernement des chemins de fer. C’est là, messieurs, une erreur, je pourrais même dire que c’est une injustice envers mes prédécesseurs et envers moi.

Depuis 1830 on a beaucoup fait pour les routes : on les a tenues en bon état ; la plupart se trouvent dans une situation parfaite, dans une situation que la France n’atteindra qu’au prix d’un sacrifice de 60 millions, d’après le dernier travail statistique publié dans ce pays. On a de plus construit beaucoup de routes, je dis beaucoup, eu égard à l’exiguïté des ressources ; car vous m’avouerez qu’un excédant du produit des barrières de 6 à 800.000 francs ne constitue pas une somme fort considérable pour faire des routes.

Du reste, le travail statistique dont on s’occupe en ce moment à l’administration rectifiera les idées, détruira des préventions. La majeure partie du sol belge a été étudiée ; les besoins sont connus ; il ne reste qu’à découvrir les moyens.

Cette année, par exemple, des routes ont été en construction dans presque toutes les provinces. Toutes les provinces, si l’on en excepte trois, ont de fait participé à l’emprunt de 6 millions.

Les trois provinces restées en dehors de cette participation jusqu’à présent, je puis les nommer : ce sont les provinces d’Anvers, la Flandre orientale et le Hainaut. Toutefois, je ne dois nommer la Flandre orientale et le Hainaut qu’avec une réserve. Dans la Flandre orientale, il y a une route qui forme la lacune d’une grande communication qui est arrêtée en principe. Cette lacune sera imputée sur le crédit des 6 millions. Dans le Hainaut on s’est borné à allouer des subsides assez faibles à deux routes concédées.

On me demande de quelle route il s’agit dans la Flandre orientale ; c’est la route de Ophasselt à Nederbrakel : c’est cette lacune qui figure dans les projets de route comme devant obtenir la priorité.

Messieurs, on a supposé que l’administration, désirant pousser avec la plus grande activité les travaux du chemin de fer, aurait à dessein arrêté les travaux des routes, pour reporter sur le chemin de fer une plus forte partie de l’emprunt de 30 millions. C’est là une erreur ; on a pu engager des sommes sur l’emprunt pour faire des routes, tout en reportant la majeure partie des fonds sur le chemin de fer ; une route adjugée n’est pas encore une route payée ; une route adjugée, par exemple, en avril dernier, pour être achevée en deux ou trois ans ; elle se paie à des échéances successives, au fur et à mesure de l’achèvement des travaux. Dès lors le gouvernement n’a pas besoin de conserver par-devers lui toute la somme nécessaire pour payer la route.

Le gouvernement a pu engager des sommes dans des routes ordinaires, et néanmoins répartir sur les travaux du chemin de fer la majeure partie des produits de l’emprunt. Tous ceux qui savent comment se paient les routes comprendront ceci. Il n’y a pas eu détournement de fonds au profit du chemin de fer, il n’y a pas eu suspension des travaux des routes ; il y a eu la chose du monde la plus naturelle ; on n’a pas jugé à propos de conserver improductive dans la caisse de l’Etat, une somme dont on n’aurait besoin que dans un ou deux ans, bien que les routes aient été adjugées, et qu’on y travaille aujourd’hui. C’est même dans cette pensée qu’on a introduit dans la loi du 18 juin 1836, sur la proposition, si je ne me trompe, de l’honorable M. Devaux, cet amendement, pour autoriser expressément le gouvernement à faire ce revirement de fonds.

Je vous ai dit, messieurs, que chacun avait sa préoccupation, son point de vue. En effet ceux que les travaux du chemin de fer intéressent trouvent que ces travaux ne marchent pas assez vite, tandis que d’autres membres que vous avez entendus, trouvent que ces mêmes travaux marchent avec trop de rapidité. Et à cet égard, beaucoup de députés auraient de nouveau pu prendre la parole pour demander au gouvernement pourquoi, par exemple, la section de Liége à Verviers n’est pas mise en adjudication.

Les chemins de fer qui ont été décrétés par les lois du 1er mai 1834 et du 26 mai 1837, présentent un développement de 102 lieues et 3/4 ; 28 lieues sont déjà livrées à la circulation, 9 le seront prochainement, peut-être pour la fin de cette année. Treize lieues et 1/4 sont en cours d’exécution et 52 lieues et demie sont en étude, de manière qu’un cinquième pourra être prochainement mis en adjudication.

Ainsi la tâche de l’administration, quant aux chemins de fer, est de 102 lieues. Les études se poursuivent avec toute l’activité possible, avec toute l’activité que comporte la saison de l’année.

En acceptant, il y a un mois et demi, l’espèce de rendez-vous que m’a donné l’honorable M. Dolez pour la discussion du budget des travaux publics, je n’ai pas pu prendre d’engagement qu’il m’eût été impossible de remplir ; j’ai parlé au nom du gouvernement, j’ai déclaré que le gouvernement prendrait une solution au moins partielle, il l’a prise. Quant à l’exécution matérielle des travaux, il l’a ordonnée ; les études préparatoires se font sur les lieux, et pourvu qu’aucun propriétaire n’intervienne pour nous défendre de nous faire jour en abattant un arbre sans une expropriation préalable ; pourvu que le gouvernement ne rencontre pas les entraves matérielles qui lui sont souvent opposées, le cahier des charges pourra être prochainement présenté au ministre, qui ne manquera pas de l’approuver, et ce sera chose facile de sa part ; mais encore faudra-t-il le temps nécessaire pour faire les travaux préliminaires matériels sur le terrain ; j’espère toutefois que ces travaux seront dans peu achevés ; d’après le rapport des ingénieurs, les brouillards de la semaine dernière ont momentanément ralenti les travaux.

Ainsi, messieurs, je n’hésite pas à répondre à l’honorable M. Dolez que si le beau temps continue, et à moins d’obstacles matériels que je ne puis et ne veux prévoir, et que je chercherai à surmonter, le cahier des charges pour le terrassement de la section de Bruxelles à Tubise ne tardera pas à être présenté, que le ministre l’approuvera, et qu’ensuite on procédera à l’adjudication publique.

Il en est de même pour les études vers Namur et dans le Limbourg. Les études vers Namur se font dans différentes directions, et pourquoi ? Parce, que le gouvernement en a contracté l’obligation envers la chambre. La chambre, en votant la loi du 26 mai 1837, a entendu que le gouvernement fît les études vers Namur dans tous les sens possibles, de manière à pouvoir faire un choix avec discernement.

Le gouvernement agit donc en cette circonstance avec prudence et sagesse, et la chambre trouverait le gouvernement indigne de sa confiance, si de prime abord il avait adopté un tracé sans examen suffisant.

Dans le Limbourg, le gouvernement subit des retards par suite des réclamations qui lui sont adressées. Peu s’en fallut que dans la loi du 26 mai dernier, on n’insérât qu’on ferait un embranchement de Saint-Trond au chemin de fer de l’Etat. Par conséquent, on n’a pas formellement indiqué dans la loi la direction. Aujourd’hui, des réclamations nombreuses nous viennent de la part des localités qui ne sont pas directement intéressées à l’exécution du chemin de fer par Saint-Trond. Elles n’en veulent pas, elles préféreraient même qu’on laissât, en ce qui concerne la province du Limbourg, la loi du 26 mai dernier sans exécution et qu’on trouvât une compensation d’un autre genre en faveur de la province.

Telle est l’opinion de Tongres et des environs, et en général du district de Maestricht. Mais ce n’est pas l’opinion de Saint-Trond et des populations que cet embranchement doit mettre en rapport avec les autres provinces par la grande ligne de communication. C’est une question que le gouvernement examine avec impartialité et au point de vue où seul il peut se placer. D’ailleurs, quand les études seront terminées, les rapports seront publics ; la chambre, j’en suis sûr, rendra justice à la circonspection et à l’impartialité du gouvernement.

Après les routes et les chemins de fer, il vous reste à dire un mot des canaux, qui devraient également trouver place dans cette discussion générale. Il était juste qu’il en fût parlé, mais il devait en être parlé d’après les préoccupations de chacun. Je regrette que M. d’Hoffschmidt ait entretenu l’assemblée du canal de Meuse et Moselle, cette affaire étant du domaine judiciaire ; il me semble que les pouvoirs doivent respectivement comprendre les limites de leurs attributions.

Cette affaire est livrée aux tribunaux, et il serait à désirer que dans cette chambre on ne prononçât aucune parole qui pût avoir de l’influence sur la décision à intervenir. Sur mon banc comme ministre, je me suis toujours abstenu de me constituer l’avocat du gouvernement dans cette affaire ; aucun député ne devrait se constituer l’avocat des gérants de la société luxembourgeoise.

Cette affaire, qui est entre les mains des tribunaux, sera poussée avec toute l’activité que comporte un procès ; le gouvernement ne commande pas aux tribunaux, il ne peut que se faire inscrire au rôle et exiger que ses avocats soient prêts quand son tour arrive.

Le gouvernement ne perdra pas un instant de vue le procès. C’est le seul engagement qu’il puisse prendre ici ; ses instructions, il doit les donner ailleurs.

L’honorable M. Dolez nous a parlé d’un canal demandé en concession. Ce canal est en concurrence avec un chemin de fer également demandé en concession. La concurrence existe ; M. Dolez m’accordera ce point ; pour agir équitablement, le gouvernement doit mettre les deux projets en adjudication le même jour, surtout que le chemin de fer n’a pas l’ancienneté de date. Le canal de Mons à la Sambre a été demandé le 7 décembre 1834, et le chemin de fer le 23 juillet 1835.

Le gouvernement n’agirait pas équitablement s’il procédait à l’adjudication du chemin de fer maintenant ; il exposerait le projet de canal à ne pas trouver d’adjudicataire. Au reste, le gouvernement est en négociation pour régler de quelle manière sera payée l’indemnité pour la prise d’eau qui doit se faire en France. Il ne suffit pas de dire qu’une indemnité sera payée ; il faut aussi régler le mode, les moyens de coercition ; car c’est ici une question internationale qui n’est prévue par aucune loi, qui est en dehors des juridictions ordinaires.

Je termine ici mes explications, forcé que je suis de laisser quelques détails sans réponse directe.

J’accepte avec empressement l’invitation qui m’est faite de présenter à la chambre une sorte de compte-rendu ; ce ne sera pas le tableau seulement des imputations faites sur le crédit des six millions, document isolé qui exposerait à de graves mécomptes, qui soulèverait de vives réclamations ce sera un travail aussi complet que possible sur les ouvrages de tout genre entrepris depuis 1830 : les travaux hydrauliques et les chemins de fer y trouveront leurs places comme les routes. On saura ainsi ce que depuis 1830 chaque province a obtenu, non pas en routes seulement, mais en travaux de tout genre ; on verra ce qui a été fait et ce qui reste à faire.

Messieurs, les provinces ont décrété ou demandé plus de 200 routes ; allant chaque fois au-delà de la conception première du gouvernement, vous avez décrété plus de 100 lieues de chemin de fer ; des concessions de tout genre sont demandées de toutes parts ; au milieu de ce mouvement qui entraîne le pays, qui vous entraîne vous-mêmes, ne faut-il pas une sorte de pouvoir modérateur, et ce pouvoir peut-il être ailleurs que dans le gouvernement ? Ce pouvoir, le gouvernement ne l’exerce pas sans garantie ; il l’exerce sous la condition de la publicité ; cette condition doit vous suffire. Vous n’avez rien à craindre d’un gouvernement qui ne peut échapper à l’obligation de rendre compte de ses actions ; cette obligation, je l’accepte librement, spontanément ; je l’accepte dans l’intérêt de ma propre responsabilité.

M. de Puydt. - Je n’ai qu’un mot à dire. Je dois protester contre l’interprétation que l’on a voulu donner à mes paroles. Je n’ai pas prétendu que l’emprunt de 6 millions eût été conçu et voté pour être affecté entièrement à des travaux à faire dans quelques provinces seulement, mais pour être affecté principalement aux besoins de ces provinces ; j’ai pris soin, moi-même, dans mes premiers développements de déterminer pour chaque province, sans en oublier aucune, une part proportionnelle de subsides d’après les besoins respectifs.

En rappelant ces antécédents de la discussion, j’ai voulu mettre le ministre à l’aise et lui fournir une arme contre les reproches de partialité. Quand il accordera, comme il le doit, plus à une province qu’à l’autre, si la chambre lui demande compte de sa conduite, ce qu’elle ne peut d’ailleurs jamais faire d’une manière formelle, mais bien plutôt d’une manière vague et en dehors de tout contrôle légal, eh bien, il opposera la chambre à la chambre.

On a prétendu que je m’étais trompé en évaluant à un million l’excédant du produit des barrières, applicable aux besoins ordinaires : je n’ai pas parlé de l’excédant actuel ; mais j’ai dit que dans quelques années, après l’exécution des routes nouvelles surtout, cet excédant devait s’accroître, et ne tarderait pas à atteindre un million. On m’objecte que l’établissement du chemin de fer parallèlement à plusieurs routes, fera diminuer le produit de taxe des barrières sur ces routes. Je répondrai que cela est contraire aux faits de l’expérience ; que le perfectionnement des communications développe le mouvement commercial d’une manière générale, et je citerai, à cet égard, un exemple remarquable : c’est le chemin de fer de Liverpool à Manchester. On avait dit aussi, lors de l’enquête sur ce projet, que les canaux existants entre Liverpool et Manchester seraient ruinés ; ces craintes ne se sont pas réalisées, et depuis l’ouverture de ce chemin de fer, le produit des canaux a augmenté et leurs actions ont haussé.

M. le ministre regrette que l’honorable M. d’Hoffschmidt ait parlé du canal de Meuse et Moselle, parce que l’affaire de ce canal est devant les tribunaux ; je crois aussi qu’il faut éviter en pareil cas d’émettre des opinions qui peuvent influencer les décisions de l’autorité judiciaire ; mais ce n’est pas en ce sens que M. d’Hoffschmidt a parlé : il a dit que dans l’intérêt du pays il est à désirer que cette affaire marche rapidement. Je suis aussi de son avis et j’irai même plus loin ; je dirai que pour l’intérêt du pays en général, il eût été bien plus convenable que cette affaire se traitât amiablement et sans recourir aux tribunaux, qu’il n’y avait pas lieu à faire un procès, puisque la société ne s’étant pas refusée à un arrangement et que la proposition toute raisonnable et toute équitable qu’elle avait faite au gouvernement, est restée sans réponse et sans que le gouvernement, qui attaque aujourd’hui la société, daignât même y répondre.

M. Rogier. - Dans les développements que nous venons d’entendre, le ministre a signalé trois provinces comme n’ayant pas participé au fonds de 6 millions. Dans ces trois provinces il en est une dont je suis à même de connaître plus particulièrement les besoins.

Je voudrais savoir pourquoi elle n’a pas été comprise dans cette répartition, et si M. le ministre se propose de l’y comprendre. Pendant deux années elle a voté des centimes additionnels destines à la construction de la route de Turnhout à Diest ; elle a demandé l’intervention de l’Etat pour une part des dépenses à faire. D’autres provinces ont suivi la même marche, et il paraît qu’elles ont été favorisées d’une décision plus prompte que la province à laquelle je fais allusion. Je désire savoir si le fonds de 6 millions présente encore une somme disponible destinée aux provinces qui jusqu’ici n’ont pas été admises au partage.

Les six millions votés pour travaux publics doivent facilement trouver leur emploi, s’ils ne l’ont pas déjà fait entièrement. Je suppose que l’Etat se sera réservé la moitié de la somme pour ses routes à lui. Il sera resté 3 millions à répartir entre les provinces pour leurs routes.

Ce serait à peu près 350,000 fr. pour chaque province, si le partage était égal ; et véritablement ce n’est pas avec 350,000 fr. qu’on peut arriver à l’exécution des 17 routes qu’on décrète dans une province, ou des 15 ou 20 routes que l’on décrète dans une autre.

Je pense, ainsi qu’un des honorables préopinants, que cet emploi de 6 millions sera tout à fait insuffisant pour faire face aux besoins, qu’il faudra faire une révision à la suite de la loi qu’on a déjà décrétée. Mais si peu que les provinces aient à espérer de l’emprunt de 6 millions, je crois que là où des besoins constants se sont révélés, là doit arriver une partie de l’emprunt.

On a aussi fait allusion, les uns à la lenteur avec laquelle on conduit les travaux du chemin de fer, les autres au trop de précipitation avec laquelle sont poussés ces mêmes travaux. Je n’adresserai pas de reproches du premier chef à M. le ministre des travaux publics : je reconnais que ces travaux sont en général conduits avec promptitude ; cependant je ne puis m’empêcher de lui soumettre une observation qu’il appréciera sans doute.

Au budget des voies et moyens figure une somme de 450,000 fr. comme représentant le produit éventuel du transport des marchandises par la route en fer ; or, si l’on veut que ce chiffre soit une réalité, il faut s’occuper du transport des marchandises, et, pour qu’on puisse s’occuper de ce transport, il faut d’abord que la route en fer aboutisse là où l’on trouvera des marchandises à transporter pour l’aller et le retour. Or, jusqu’ici aucun travail n’est commencé dans ce but ; la route en fer est venue expirer dans les placis d’Anvers ; mais jusqu’ici rien n’a été fait pour arriver jusqu’à l’Escaut ou au bassin d’Anvers. Or, tant que la route ne sera pas arrivée à la destination que la loi a déterminée, on ne peut transporter des marchandises avec fruit ; on ne peut espérer percevoir la somme de 450,000 fr., sur laquelle votre budget, déjà restreint, a compté. Je crois donc que, pour assurer la perception de ce produit si nécessaire pour exécuter complétement la loi du 1er mai, vous devez, avant d’exécuter de nouvelles communications, exécuter celle jusqu’à Anvers.

M. de Muelenaere. - Je sais que M. le ministre des travaux publics ne peut pas satisfaire à toutes les exigences ; je sais qu’il ne peut pas avec six millions faire face à des demandes de subsides s’élevant à quinze millions ; mais j’ai recommandé à M. le ministre des travaux publics, et je lui recommande de nouveau, de faire une répartition que d’après les principes d’une justice distributive.

Je n’ai pas besoin d’expliquer que l’on peut être convaincu que M. le ministre des travaux publics ne partage pas l’opinion d’un honorable député du Luxembourg, qui a prétendu que l’emprunt de 6 millions doit être exclusivement appliqué à quelques provinces. Si le gouvernement agissait dans ce sens, alors sans doute il encourrait une grande responsabilité, alors, au lieu de reproches vagues et sans résultats dont a parlé cet honorable membre, il recevrait des reproches réels et d’autant plus vifs qu’ils seraient plus justes.

Un autre honorable membre a prétendu que le gouvernement avait partagé l’emprunt de 6 millions en deux parts égales, et qu’il avait réservé l’une pour ses routes à lui. Je crois que les routes de l’Etat sont aussi utiles que les routes provinciales et les routes communales dans les parties du royaume où l’on en fait. Cette opinion est aussi celle du conseil provincial de la Flandre occidentale, car ce conseil a offert un subside pour une grande communication dont la propriété, après la construction, serait évidemment attribuée à l’Etat.

Quoi qu’il en soit, il faut aviser à un résultat. Je désire donc que M. le ministre des travaux publics s’engage à faire le plus tôt possible la répartition des six millions entre les diverses provinces ; quant à moi, je ne lui adresse aucune réclamation pour aucune route particulière de ma province. Je le prie de prendre en mûre délibération le tableau des routes votées par le conseil provincial ; je considérerai comme un bienfait le subside accordé à la province pour l’une ou l’autre route ; je ne fais de mention particulière en faveur d’aucune d’elles.

M. Pirmez. - Je ne puis laisser passer sans réponse ce qu’a dit l’honorable M. de Puydt. Il a interprété la loi des 6 millions ; mais quoiqu’il en ait dit, la loi reste telle que nous l’avons votée. D’après la loi le gouvernement est absolument libre de répartir les fonds selon l’intérêt général du pays ; il n’a point du tout été décidé que ces 6 millions seraient affectés à certaines provinces ainsi que l’a dit M. de Puydt .

J’ajouterai une autre observation : on trouve déjà que 6 millions ne sont pas suffisants ; on commence à annoncer de nouveaux emprunts ; mais auparavant il faudrait, ce me semble, s’arrêter, examiner l’opération que nous avons faite avec les 6 millions empruntés, et voir si cette opération a eu les résultats que nous en attendions.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Je répondrai à l’honorable M. Rogier qu’il n’entre pas dans l’intention du gouvernement d’exclure la province d’Anvers de toute participation aux 6 millions ; j’ai cité un fait ; elle n’a rien eu jusqu’à présent ; je ne dis pas qu’elle n’aura rien. Quant à la jonction de l’Escaut, intra ou extra muros, avec le chemin de fer, j’en sens toute l’importance, toute l’urgence même ; mais encore ne puis-je du jour au lendemain résoudre une question de cette gravité pour le trésor- public, subordonnée d’ailleurs aux arrangements à prendre avec la ville d’Anvers.

Un mot encore pour réparer un oubli : la route de Ruremonde à la Prusse dont vous a parlé l’honorable M. Scheyven en rappelant mes paroles, non de l’année dernière, mais de février dernier, présente deux directions entre lesquelles il faut choisir, et est d’ailleurs subordonnée dans son exécution aux décisions à prendre en Prusse ; je ne me crois nullement en contradiction avec moi-même ; cette route, du reste, peut être rangée au nombre des routes importantes projetées dans le Limbourg.

M. Rogier. - Je prierai M. le ministre de vouloir bien dire quelle somme reste disponible sur l’emprunt de 6 millions.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Chaque fois que le gouvernement a décrété une route, il a fait insérer l’arrêté au Bulletin officiel. Les fonds nécessaires pour la construction de ces routes ont été le plus souvent pris sur l’emprunt de six millions ; la moitié de l’emprunt à peu près a été absorbée pour l’exécution de ces routes qui doivent être considérées comme de grandes communications, ce que le gouvernement établira lorsque le moment en sera venu.

M. Rogier. - Il resterait donc 3 millions. Je demande que sur ces trois millions une partie soit prise pour l’exécution d’une route décrétée, non pas cette année mais il y a quatre ans, par la chambre. C’est une communication d’intérêt général car elle se rattache au grand système de communications, je veux parler de la route de Turnhout à Diest. Les travaux jusqu’ici se sont bornés à de simples terrassements ; le conseil provincial, dans sa dernière session, a insisté pour que M. le ministre des travaux publics fît continuer cette route décrétée, je le répète, depuis quatre ans. Cette route est destinée à lier deux provinces et à parcourir un pays privé de communications ; j’espère donc que M. le ministre des travaux publics mettra une partie de la somme qui reste disponible à la disposition des ingénieurs pour que les travaux puissent continuer à la saison prochaine.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. d’Hoffschmidt. - J’aurais désiré répondre à M. le ministre des travaux publics qui a complétement dénaturé ce que j’ai dit relativement au canal de Meuse et Moselle.

Plusieurs membres. - La clôture !

M. d’Hoffschmidt. - Je me bornerai à ce que je viens de dire. C’est une réponse qui en vaut bien une autre.

- La chambre consultée, prononce la clôture de la discussion générale.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Avant de lever la séance, il faudrait décider l’ordre du jouir de demain.

- La chambre consultée décide que demain elle s’occupera du projet de loi transitoire concernant le budget des voies et moyens, puis de la discussion des articles du budget du ministère des travaux publics.

La séance est levée à 4 heures.