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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 23 mars 1838

(Moniteur belge n°83, du 24 mars 1838)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus procède à l’appel nominal à une heure.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la dernière séance ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. B. Dubus fait connaître l’objet des pièces adressées à la chambre.

« Les administrations communales et les habitants des communes de Lusteren et Roosteren demandent que le gouvernement fasse restaurer la digue d’Obbicht, qui doit les présenter des inondations sur la Meuse. »

- Sur la proposition de M. Beerenbroeck., renvoi à M. le ministre des travaux publics.


« Des cultivateurs de la commune de Blandain adressent des observations contre le projet d’augmenter le droit de sortie sur le lin. »

- Renvoi à la commission d’industrie.


« Les représentations de plusieurs sociétés houillères du couchant de Mons adressent des observations contre le projet d’augmenter le droit d’entrée sur les bois étrangers. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur les bois étrangers.


« Le sieur Lemonier, auteur d’un procédé pour extraire le sel de l’eau de mer, demande que la chambre adopte une disposition qui permette de fabriquer le sel avec l’eau de mer, telle qu’elle se trouve sur les côtes de la Belgique, et comme matière unique de fabrication. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet de loi sur le sel.


« Des fabricants de tabac d’Aerschot et de Hasselt s’opposent à toute augmentation de droit sur les tabacs et adhèrent à la pétition des fabricants de tabac de Liége. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur les tabacs étrangers.


« Les membres du tribunal de première instance de Turnhout demandent la suppression de la 4ème classe des tribunaux de première instance. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Les conseils communaux des communes de Ninove, Nieuwkerke, Evondegem, Okegem, Welle, Vleeken, Meire et Erps (Flandre orientale), demandent que la chambre adopte le projet de loi de nouvelle circonscription de la Flandre orientale, proposé par M. C. Rodenbach. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« M. le major Tack rappelle à la chambre la pétition qu’il lui a adressée tendant à être réintégré dans ses anciennes fonctions d’intendant militaire de 3ème classe, et qui a été renvoyée par la chambre le 9 novembre 1836 à M. le ministre de la guerre, avec demande d’explications ; il se plaint de ce que ce renvoi a été sans résultat. »

- Sur la proposition de M. Verhaegen., renvoi à la commission des pétitions avec demande d’explications.


M. Werner de Mérode fait savoir qu’une nouvelle indisposition l’empêche d’assister aux séances de la chambre.

- Pris pour notification.

Projet de loi relatif au droit d'accises sur le sel

Discussion générale

M. le président. - La discussion continue sur l’ensemble du projet présenté par le gouvernement.

M. Beerenbroeck. - Messieurs, deux jours de discussion doivent avoir convaincu la chambre que le projet ne satisfait à aucune exigence. De tous côtés on vous signale des injustices consacrées dans le projet, et je commence à croire qu’après avoir encore perdu quelques jours en discussion, on finira par reconnaître que le meilleur parti à prendre est de retirer la loi.

Quant à moi je le désire, nous aurons au moins prouvé au pays qu’il n’est pas si facile de changer le système des impôts qu’on le pense ; mais si contre mon attente on persiste à vouloir continuer les débats, je déclare que mon vote sera négatif, à moins qu’on ne parvienne à rendre le projet tel, qu’il satisfasse aux intérêts des différentes localités, sans sacrifier ceux du trésor.

Faire cesser la fraude est le but qu’on veut atteindre par le projet ; mais on a exagéré les abus de cette fraude, comme vous l’a si bien prouvé notre collègue M. Mast de Vries ; elle est si peu constatée que je ne pense pas qu’une nouvelle loi soit devenue nécessaire au point qu’il faille ruiner le commerce et la navigation de quatre de nos grandes villes du royaume. Quant à moi je ne pourrais pas me décider à supprimer les entrepôts de Bruxelles, Gand, Bruges et à Louvain ; ils sont d’une trop grande utilité pour les sauniers de l’intérieur, et il serait par trop rigoureux de priver ces villes d’une navigation dont elles sont en possession depuis 16 ans, et qui pour quelques-unes d’entre elles est une question de vie ou de mort. Beaucoup de capitaux sont engagés dans le commerce du sel, des établissements ont été élevés, des navires construits ; des villes comme Louvain, par exemple, ont fait des dépenses énormes à leurs voies navigables, et vous voudriez tout d’un coup les priver des avantages de leurs entrepôts, qui pour quelques-unes alimentent seuls la navigation ? C’est ce que je ne puis croire.

Vous avez entendu les députés de ces différentes localités défendre avec raison leurs droits ; vous me permettrez, messieurs, que je vienne également défendre, non pas l’industrie d’une localité, mais celle de plus de la moitié d’une province qui n’a que trop souffert des événements politiques.

Mes observations auraient peut-être mieux trouvé leur place à l’article 5 du projet ; mais comme je n’ai pas l’intention de prendre une seconde fois la parole, vous me permettrez que j’anticipe sur la discussion. Je pense d’ailleurs que dans la discussion générale il est permis de s’occuper des articles du projet.

Le troisième paragraphe de l’article 3 du projet du gouvernement dit :

« Est prohibé le transport du sel brut et raffiné à travers Maestricht et son rayon stratégique. »

Messieurs, si vous adoptez ce paragraphe, vous décidez en même temps que les sauneries dans le Limbourg au-dessous de Maestricht sont détruites ; c’est une mise hors la loi des sauniers de Sittart, Maeseyck, Ruremonde, Venloo et Uleert.

Je vous avoue que j’étais bien loin de croire que le gouvernement viendrait vous proposer les mêmes mesures contre le commerce du Limbourg qu’une puissance ennemie avait cru utile d’établir sur la Meuse pour punir notre patriotisme de 1830, entraves qui ont fait un tort immense à cette province et que la Hollande n’a voulu abandonner que par l’acceptation du traité du 21 mai.

Il est vraiment étonnant que le ministère ne recule pas devant les conséquences que l’adoption de ce paragraphe aurait pour résultat.

Il ne peut pas ignorer que toutes les sauneries dans la partie inférieure de la province, qui avaient pris une très grande extension sous le gouvernement précédent, ont chômé depuis la révolution jusqu’à la conclusion du traité du 21 mai 1833, par la raison fort simple que les relations avec la Hollande, où nos sauniers achetaient le sel brut, sont interrompues, et que la défense de l’autorité militaire de Maestricht de descendre la Meuse empêchait les sauniers de tirer assez avantageusement cette marchandise par terre d’Anvers et de Louvain. Ce n’est qu’après la mise à exécution du traité de mai qui stipule le libre passage de la Meuse que cette industrie a commencé à reprendre.

Le transport d’une marchandise aussi pondéreuse et d’une valeur aussi minime que le sel ne peut se faire par voiture. Il faut aux sauniers, pour soutenir la concurrence contre le sel de Maestricht, que la Meuse reste ouverte. Les frais de transport d’Anvers à Liége, et descendant la Meuse ou le canal jusqu’à destination, coûte 2 fr. 20 les 100 kil. de sel ; si vous défendez le passage de la Meuse, vous forcez les sauniers ou de cesser leur industrie ou de faite transporter le sel d’Anvers par voiture jusqu’au-dessous de Maestricht au village de Neerharen, et dans ce cas les frais de transport, au lieu de 2 fr. 20, reviendront à 4 fr. 50 calculés au minimum.

Je vous le demande, messieurs, peut-on raisonnablement soutenir qu’une pareille augmentation n’ait pas porté le coup de mort aux tanneries établies dans cette partie de la province ? La section centrale l’a si bien compris, qu’elle vous propose à l’unanimité de permettre le passage du sel brut par la Meuse, proposition laquelle le ministre, qui par sa position doit accorder une protection égale à toutes les parties du royaume, semble s’opposer. Je me rallie à la proposition de la section centrale ; j’aurais voulu que le sel raffiné pût également nous venir par la Meuse ; nos sauniers, il est vrai, n’en ont pas besoin, mais c’est par la Meuse que beaucoup de sel raffiné s’expédie de Liége sur Venloo pour être livré au gouvernement prussien. Si le passage par Maestricht du sel raffiné est interdit, ces expéditions cesseront. Mais comme je crains de ne pas réussir, je me contenterai du libre passage du sel brut à travers Maestricht, sauf à prendre les mesures qu’on jugera convenables pour rendre la fraude impossible.

Mais, dira-t-on, si vous autorisez le passage du sel brut par la Meuse à travers Maestricht, vous rendez la fraude inévitable. Il faut être bien peu au courant de ce qui se passe dans le Limbourg pour soutenir cette opinion. Ce n’est pas le sel du pays qui passe par Maestricht depuis 5 ans, qui a alimenté la fraude ; elle se fait avec le sel qui arrive directement de la Hollande en remontant la Meuse, et qui, après avoir été raffiné à Maestricht, sort avec décharge de droits et s’infiltre en Belgique ; et d’ailleurs toute altération du transport entre Lanaye et Neerharen est inutile et même impossible. Inutile, parce que les Hollandais n’ont pas besoin de sel belge, il leur arrive à meilleur compte de la Hollande ; et impossible, en prenant quelques précautions au bureau de Lanaye à l’entrée du rayon de la forteresse, et à Neerharen à la sortie.

Par exemple, on vérifiera le chargement à Liége ou à Lanaye, le bateau sera plombé, le sel sera de nouveau soumis à la vérification à Neerharen, le passage se fera après le lever et avant le coucher du soleil, on prescrira le temps endéans lequel le bateau devra effectuer le trajet entre Lanaye et Neerharen, dont la distance n’est que d’une à une lieue et demie tout au plus.

Il me paraît impossible qu’avec de telles précautions la fraude soit praticable.

Les craintes qui ont engagé le gouvernement à proposer le troisième paragraphe sont chimériques, et dès lors le ministère serait bien blâmable d’insister sur son adoption qui ne tendrait à rien moins, je le répète, qu’à fermer toutes les sauneries au-dessous de Maestricht, d’ouvrir la porte à la fraude d’une matière bien plus sensible qu’elle se fait actuellement, et de diminuer les recettes du trésor.

Vous n’ignorez pas, messieurs, que la quantité de sel raffiné, qui s’infiltre de Maestricht dans le pays est immense ; une partie des provinces de Limbourg et de Liége sont approvisionnées par du sel hollandais ; déjà plusieurs pétitions nous ont été adressées et notamment par les sauniers de Maeseyck, qui vous ont signalé cette fraude ; ils vous ont dit que si le gouvernement ne mettait pas obstacle à ces introductions frauduleuses, leurs sauneries devraient bientôt cesser. Le ministère a fait tout ce qu’il a pu faire pour extirper ce mal, mais il n’a que faiblement réussi, et si jusqu’ici le sel de Maestricht n’a pas inondé tout le Limbourg, vous devez l’attribuer aux frais de transport trop considérables par nos routes : mais du moment que vous fermez le passage de la Meuse à travers Maestricht, vous forcez les sauniers de faire venir le sel brut par voiture, ce qui augmentera le prix du sel de 2 fr. 50 c. par 100 kilog. Dès lors vous pouvez être certains que Maestricht fournira le sel jusqu’au bout de la province et que nos sauneries seront écrasées. Ce sont ces motifs qui ont engagé la section centrale à vous proposer, à l’unanimité, que le sel brut ne soit pas prohibé par la Meuse à travers Maestricht.

J’appelle l’attention la plus sérieuse de M. le ministre sur les conséquences que l’adoption de son projet entraînerait. La mesure porterait le coup de mort à une industrie qui lutte péniblement contre l’infiltration du sel hollandais. Je ne puis croire que la chambre sanctionnera une disposition aussi injuste qu’elle est contraire aux intérêts du trésor.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Depuis 1830 un grand nombre de pétitions ont été adressées aux chambres contre la loi existante sur le sel ; ces réclamations ont eu de l’écho dans la chambre des représentants, et plusieurs fois les ministres ont été mis en demeure de présenter des modifications à la législation actuelle sur cette matière ; deux projets de loi furent même présentés : l’un au congrès, en 1831, l’autre à la chambre des représentants, en 1832.

Les sections qui ont examiné ces projets et les sections centrales auxquelles ils sont revenus, après avoir été dans les sections, ont manifesté l’opinion que les bases sur lesquelles ils étaient coordonnées n’étaient pas de nature à satisfaire aux réclamations, lesquelles sont motivées principalement :

Sur la fraude qui se commet dans le transport du sel entre le premier port d’importation et le port de déchargement et de vérification ;

Sur la gêne des formalités attachées au transport du sel à l’intérieur et sur tous les embarras qu’entraîne nécessairement avec elle l’existence du crédit permanent ;

Sur les abus résultant de l’exemption de droits que la loi accorde à certaines industries.

Enfin, sur l’usage libre de l’eau de mer, privilège qui place dans des conditions inégales les sauniers éloignés de la mer, qui ne peuvent pas faire usage de cette eau.

Les sections centrales qui ont examiné les réclamations dont je viens de donner l’analyse ; les comités institués pour la révision des impôts, les hauts fonctionnaires des finances qui ont été entendus, tous ont été d’avis que les moyens les plus convenables de réprimer la fraude et d’obvier aux autres inconvénients signalés, étaient :

L’adoption de deux lieux extrêmes et exclusifs de vérification ;

L’abolition du crédit permanent, de l’assujettissement direct du sel au droit, et par suite des formalités contraires à la libre circulation du sel ; en un mot l’établissement du crédit à terme, ou si l’on veut, le droit dû par le marchand et non comme aujourd’hui par la marchandise ;

L’abolition des exemptions de droits, sauf celles pour la salaison en mer du poisson provenant de la pêche nationale et pour la fabrication du chlorure, de l’acide hydrochlorique et du chlore ;

Enfin l’imposition de l’eau de mer marquant moins de 3 degrés au pèse-sel de Cartier.

Voilà les différentes bases que les sections centrales, les comités de révision des impôts, composés de membres des chambres, les fonctionnaires consultés, ont indiquées comme devant servir de canevas dans la rédaction du nouveau projet de loi instamment réclamé. Aujourd’hui que ce projet, ainsi organisé, vous est soumis, il est faiblement appuyé par quelques membres et vivement attaqué par d’autres. Un membre a même supposé, pour donner plus d’appui à son opposition, que le gouvernement reculait devant la responsabilité du projet, et qu’il voulait la rejeter tout entière sur les différentes personnes qui ont émis les opinions que je viens de rappeler.

Rien, messieurs, n’autorise la supposition avancée à cet égard, je prends volontiers sur moi la responsabilité de la présentation du projet de loi soumis à vos délibérations ; toutefois il était juste de rappeler à vos souvenirs que cette présentation n’était due en réalité qu’aux instances réitérées, aux interpellations répétées dans cette enceinte ; il était juste de vous remémorer qu’en vous présentant ce projet, je n’ai fait que déférer à un vœu fortement exprimé ici. Je pense que dans tous les gouvernements constitutionnels on tient compte, surtout dans des matières comme celle qui nous occupent, des opinions fortement émises et réitérées dans les chambres législatives, et il faut bien reconnaître que loin de manquer à leur devoir en agissant ainsi, les ministres ne font au contraire que ce qui est de l’essence du gouvernement constitutionnel

Mais, dit-on à présent, les réclamations qui ont amené le projet en discussion ne reposent sur rien ; la fraude qu’on a indiquée pour étayer ce projet, cette fraude n’est pas prouvée, elle n’est pas constatée ; on n’a aucun moyen de démontrer à la chambre qu’il existe une fraude assez considérable pour exiger une modification radicale de la loi sur le sel. J’avoue que, quant à l’importance de la fraude, je ne partage pas entièrement l’avis de la section centrale, qui vous a fait le rapport sur lequel nous discutons ; je ne crois pas que cette fraude soit aussi excessive qu’on le dit, et je n’admets pas les calculs sur la prétendue consommation du sel en Belgique, d’où résulterait que l’on en emploie 10 kilogrammes par personne annuellement.

Selon les données que je possède, la consommation est seulement d’environ 7 kil. par tête. Je fais cette déclaration, messieurs, bien qu’elle puisse être invoquée contre la loi, parce que je tiens à faire, comme toujours, connaître sincèrement mon opinion. On s’est appuyé, dans le rapport de la section centrale, d’exemples des différents pays pour supputer l’usage du sel en Belgique, et on prétend qu’en France la consommation s’y est élevée jusqu’à 10 et 11 kil. par tête, selon les époques citées, et cependant si je consulte le produit des droits sur le sel en France, je trouve qu’en moyenne, pour les exercices 1836, 1837 et 1838, la consommation n’est que de 6 kil. et demi par individu. Je donnerai, si on le désire, les chiffres que je puise dans les budgets de la France. Je déclare donc que, bien que la fraude soit un des motifs les plus puissants pour modifier la législation sur le sel, cette fraude est loin de se pratiquer aussi fortement que la section centrale l’a cru.

Mais qu’il se commette de la fraude entre le premier port d’arrivée du sel et le lieu de déchargement, c’est ce dont je suis certain. Elle se pratique sans que l’administration puisse parvenir à la réprimer, parce qu’il lui est presque toujours impossible de la constater, et c’est ce qui explique le petit nombre de procès-verbaux. Le corps du délit disparaît dès l’instant où les agents de l’administration veulent la saisir.

Quand un navire chargé de sel arrive, par exemple, à Ostende, le capitaine doit faire la déclaration du chargement ; cette déclaration, s’il y a intention de fraude, est faite en-dessus de la quantité réelle ; alors le bâtiment se dirige d’Ostende sur Bruges, et l’on s’arrange de manière à perdre beaucoup de temps pendant le trajet, on manœuvre enfin de telle sorte que, malgré la présence des employés sur le navire, on parvient durant les nuits obscures à extraire la quantité de sel non comprise dans la première déclaration faite à Ostende ; et lorsqu’on procède à la vérification définitive à Bruges, il se trouve que la quantité de sel que contient le navire est conforme à la déclaration recueillie au bureau d’Ostende. Ce qui se passe dans le canal d’Ostende à Bruges se pratique dans les canaux d’Anvers à Bruxelles et à Louvain.

Il y a eu à Bruges, messieurs, des exemples frappants de ce que je viens d’indiquer. En avril 1836, les agents de l’administration conçurent des soupçons très forts à l’égard de la fraude qui se commettait sur un navire de sel non encore vérifié, qui stationnait dans le bassin même de Bruges ; ces soupçons conduisirent à présumer que le sel soustrait clandestinement au moyen de petites nacelles était reçu dans une habitation à quelque distance du port ; une visite domiciliaire à laquelle le juge de paix assista, conformément à la loi, fit découvrir 11,830 kilo. de sel jeté dans un enclos qui n’était pas et n’avait jamais été un magasin à sel ; il ne put être opposé aux employés aucun document procurant le moindre indice de l’existence légale de cette forte quantité de sel chez le propriétaire de l’enclos ; mais comme la loi n’exige pas de justification pour les quantités de sel qui sont dans les habitations, mais seulement pour le sel en circulation, il est arrivé que, malgré l’évidence de cette fraude, le tribunal n’a pu condamner le dépositaire du sel ; et qu’ainsi aux yeux de tout le monde une contrebande considérable et scandaleuse s’est impunément consommée.

Personne ne pourrait nier ce fait ; je tiens les pièces du procès en main.

Eh bien, messieurs, ce qui a eu lieu dans cette circonstance, a eu lieu sans aucun doute dans beaucoup d’autres. L’on a soustrait par des trappes, par des ouvertures pratiquées ingénieusement dans les navires, à l’insu des employés, de fortes quantités de sel, au grand détriment du trésor et du négociant honnête.

On demandera peut-être comment un importateur qui, j’en conviens, n’est pas certain de pouvoir toujours consommer sa fraude, osera ne pas faire une déclaration exacte au premier bureau puisque la loi punit les manquants reconnus ; mais il y a, quant au sel, des moyens bien simples, que les fraudeurs connaissent, et qui leur permettent, sans grand danger, l’essai du parti qu’ils peuvent tirer de fausses déclarations. Lorsqu’ils ne savent parvenir à extraire la partie de sel non déclarée, ils pratiquent des trous dans les navires, afin d’y faire entrer de l’eau du canal qui font le sel ; et lorsqu’une partie suffisante de ce sel est perdue, il arrive que la vérification de la charge amène approximativement en moins la quantité déclarée au bureau d’importation, et l’on doit bien admettre la vérification comme bonne, à cause du prétendu accident que l’on soutient être survenu au navire. De cette manière, il n’y a d’autre punition pour le fraudeur, que la perte de son sel fondu, et cette perte est peu de chose, puisque le sel, sans les droits, ne coûte guère que 4 fr. les 100 kilog. Il y a ainsi moyen de tenter la fraude et d’éviter la punition.

Messieurs, il n’a rien été dit jusqu’à présent contre les dispositions que renferme le projet et qui tendent à rendre la circulation du sel libre à l’intérieur. On s’est bien gardé de parler de ce point, parce qu’en effet il intéresse les neuf dixième du pays, et que si les neuf dixièmes du pays doivent trouver des facilités dans la loi, lorsqu’à côté un dixième seulement, et c’est même ce que je n’admets pas, devrait se trouver un peu gêné, l’on ne peut guère s’arrêter devant cette considération.

On n’a rien dit non plus contre la suppression des exemptions de droits en faveur de certaines industries : si ce point était contesté, quand on arrivera aux détails de la loi, je tâcherai d’y répondre.

L’imposition de l’eau de mer a été vivement attaquée ; un honorable membre a voulu voir dans cette innovation le motif principal de la loi ; il a cru que le fisc espérait trouver là une grande somme de revenus, quoique selon l’orateur l’eau de mer que pourraient employer les sauniers, renfermât à peine du sel pour donner 4,000 fr. d’impôt. Je dirai d’abord que si la consommation de l’eau de mer est aussi minime, il est fort peu important pour ceux qui l’emploient qu’on les astreigne à payer un droit ; j’ajouterai que ce n’est pas une considération fiscale qui a déterminé le gouvernement à imposer l’eau de mer : le seul motif qui l’a porté à présenter cette disposition est de rétablir l’équilibre dans les conditions d’existence des sauniers.

Les sauniers de l’intérieur du pays nous ont fait connaître qu’ils ne pouvaient soutenir la concurrence avec ceux voisins de la mer. Il s’agit donc d’un acte de justice distributive. Toutefois si l’on trouve qu’il vaut mieux maintenir le privilège d’user librement de l’eau de mer, je me rallierai volontiers à cette opinion en tant qu’elle touche aux intérêts du trésor. Cependant la disposition proposée qu’on a trouvée si fiscale, qu’on a qualifiée de si exorbitante, existe dans d’autres pays. En France on va plus loin, on empêche l’enlèvement du sable de mer, parce qu’il pourrait renfermer du sel, que le lavage et l’évaporation dégageraient du mélange. On y prohibe même l’emploi des herbes qui se trouvent sur les bords de la mer lorsqu’elles ne sont pas destinées à l’engrais des terres, et ce encore à condition qu’elles soient transportées directement dans les champs et y soient répandues immédiatement. Ainsi la disposition que l’on qualifiait si durement n’est pas extraordinaire, et se pratique d’une manière bien autrement rigoureuse dans un pays voisin.

Je suis, messieurs, tout à fait de l’avis de l’honorable M. Devaux, que le principe fondamental de la loi se trouve renfermé dans l’article 4 ; ce principe est tel à mes yeux que si vous le rejetez, la loi devrait être considérée comme retirée, parce qu’elle repose a peu près exclusivement sur la détermination des deux lieux exclusifs de déchargement.

Dans la condition de deux lieux exclusifs de déchargement, les derniers orateurs que vous avez entendus hier, ont vu l’anéantissement de tout commerce de sel dans les ports intérieurs, c’est-à-dire à Bruges, Gand, Louvain et Bruxelles. Je pense, messieurs, qu’ils se sont créé à une difficulté, plus apparente que réelle, pour la combattre, et je crois qu’il n’est pas difficile de le démontrer. En effet que résulte-t-il de la disposition qui exige la vérification du sel dans les deux premiers bureaux d’importation ? Tout simplement que le sel devra être pesé à Ostende et à Anvers. Je conviens que cette opération occasionnera des frais, mais nous avons pourvu à cet inconvénient par l’indemnité que nous proposons d’accorder pour le déchargement et pour le déchet qui résultera de la vérification ; j’avais proposé d’allouer de ce chef 1/2 p. c. du droit par 100 kil., la section centrale croit qu’il faudrait donner 1 p. c. ; lorsque nous en viendrons à l’article qui concerne ce point, nous verrons s’il y a lieu d’augmenter ainsi l’indemnité, et nous ne nous opposerons nullement à ce qu’elle soit réelle et complète.

On a parlé spécialement, messieurs, du grand préjudice que la disposition de l’article 4 causerait à la ville de Bruxelles ; vous venez déjà de voir que ce préjudice n’est réellement qu’imaginaire pour tous les ports actuels de déchargement ; mais voici des renseignements sur l’importation directe du sel à Bruxelles :

En 1834, 3 navires sont arrivés d’Anvers à Bruxelles, sans rompre charge.

En 1835, il en est arrivé 2.

En 1836, 2.

En 1837, 2.

Je le demande maintenant, messieurs, quel préjudice résultera-t-il pour Bruxelles d’une disposition en vertu de laquelle le sel destiné à Bruxelles devrait être pesé à Anvers, surtout lorsque le dommage présumé de cette pesée donnera droit à une indemnité équivalente et qu’en outre, une fois le sel à Bruxelles, on en usera comme on voudra, qu’on pourra le faire circuler librement, qu’on sera exempt d’une foule de formalités gênantes auxquelles on est soumis aujourd’hui ?

Les chiffres que je viens d’indiquer pour Bruxelles ne sont guère différents pour Louvain.

En effet, le nombre des navires chargés de sel qui, dans ces dernières années, sont arrivés à Louvain sans rompre charge a été :

En 1834, de 4 navires.

En 1835, de 5.

En 1836, de 4.

En 1837, de 8.

Il n’y a réellement, parmi les ports intérieurs, que Bruges, messieurs, où l’importation directe du sel, était considérable ; non seulement il y arrive beaucoup de navires, mais le tonnage de ceux qui transportent le sel dans ce port est plus fort que celui des bâtiments qui se rendent aux autres villes :

En 1833, il est entré dans le port de Bruges, 11 navires chargés de sel.

En 1835, il en est entré 23.

En 1836, 26.

En 1837, 15.

Vous voyez, messieurs, que les importations directes de sel, qui se font à Bruges, sont réellement importantes, puisqu’il n’arrive moyennement, qu’environ 140 navires de sel dans tous les ports de la Belgique. Il y aurait donc pour Bruges seule des raisons plausibles de permettre l’importation directe de sel, si toutefois il est possible d’introduire cette exception dans la loi sans en détruire l’économie ; les conditions de surveillance indispensables pour empêcher la fraude pourraient peut-être s’organiser, en ce qui concerne le canal d’Ostende à Bruges, et c’est ce que nous aurons à examiner lorsque nous en seront arrivés à l’article 4 sur lequel un amendement est déjà présenté à ce sujet.

« Mais, dira-t-on, si le projet est adopté, il n’y aura plus d’entrepôts de libre réexportation dans les ports intérieurs. » Cela est vrai, messieurs ; mais ces entrepôts ne seraient que pour le sel brut, et la quantité qu’on en réexporte de la Belgique est nulle ; or, en ce qui concerne le sel raffiné, l’exportation en sera permise comme aujourd’hui avec la décharge du droit ; sous ce rapport donc nous n’empirerons pas, comme on le soutient, la position des personnes qui font le commerce du sel.

On a prétendu, messieurs, que le projet aurait pour effet de restreindre, de tuer, d’anéantir la navigation ; en vérité, messieurs, un argument tel que celui-là n’est pas admissible, présenté surtout d’une manière générale ; en supposant (ce qui n’est pas exact, je l’ai démontré tout à l’heure), en supposant, dis-je, que l’adoption du projet dût causer un préjudice notable aux ports intérieurs, la navigation, en général, ne serait pas restreinte, car la quantité de sel à consommer en Belgique ne serait pas par là diminuée, et que le sel arrive par Ostende et Anvers, ou qu’il arrive directement aux ports intérieurs, le mouvement des navires qui nous apportent le sel nécessaire à la consommation, serait toujours le même.

Plusieurs orateurs ont manifesté l’opinion que si l’on abaissait considérablement le droit d’accise sur le sel, le trésor n’en éprouverait aucune perte. Je crois, messieurs, qu’il n’est pas besoin de grands efforts pour signaler l’inexactitude de cette assertion. Quand le sel serait libre de tout droit, la consommation n’en serait pas augmentée aussi considérablement que le supposent certains membres ; le droit actuel, d’après la manière dont il se répartit, est tellement minime relativement, que le consommateur ne s’aperçoit pas de son existence. On dira peut-être qu’il serait usé d’une plus grande quantité de sel pour l’agriculture ; mais cet argument tombe devant la considération que le sel destiné à l’agriculture est exempt du droit, et cependant on en emploie peu à cet usage.

Une voix. - C’est à cause des formalités qu’il faut remplir.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Ces formalités se réduisent à exiger le mélange du sel avec des substances qui, sans nuire à la santé des animaux, empêchent de le faire servir dans les aliments de l’homme ou à un autre usage que celui auquel on déclare qu’il est destiné. Ce n’est certes pas une semblable formalité qui empêcherait un large usage du sel pour l’agriculture, si celle-ci y était autant intéressée qu’on l’a quelquefois prétendu.

Je répète, messieurs, qu’il est impossible d’admettre que si l’on abaissait fortement le droit sur le sel, il n’en résulterait pas un grand préjudice pour le trésor, et pour réfuter l’argument d’un honorable orateur qui, en citant la France, a dit qu’en 1806 le produit de l’impôt sur le sel avait été de 40 millions de francs, quoiqu’alors le droit ne fût que 10 centimes par kil., tandis que depuis lors le droit presque doublé n’avait amené que des produits considérablement moindres ; pour réfuter, dis-je, cette allégation, je démontrerai que c’est tout le contraire qui est arrivé : d’abord en 1806 la France était beaucoup plus grande qu’aujourd’hui, puisque la Belgique et d’autres parties de territoire y étaient incorporées ; il ne serait donc pas si étonnant que le produit de l’impôt fût diminué, mais il n’en est pas ainsi ; le sel au lieu de 40 millions a produit : en 1836, 61,650,000 fr. et en 1837, 61,980,000 fr. Et en 1838, il doit produire, d’après des évaluations qui sont toujours très approximativement exactes 63,155,000 fr.

Ainsi, messieurs, quoique le territoire de la France ait été notablement restreint depuis 1806, le produit de l’impôt sur le sel, loin de diminuer, a au contraire augmenté de plus de moitié grâce à la majoration du droit. L’exemple de la France était donc on ne peut plus mal choisi pour prouver que l’abaissement considérable de l’accise sur le sel ne diminuerait pas les ressources du trésor. Messieurs, il est une chose que vous reconnaîtrez tous : c’est qu’une loi telle que celle qui nous occupe, qu’une loi qui impose fortement un objet de première nécessité, n’ayant presque aucune valeur intrinsèque par lui-même, doit nécessairement renfermer des dispositions bien rigoureuses, pour avoir une sanction ; il est évident que pour assurer la perception d’un droit qui est quadruple de la valeur de la marchandise, il faut des moyens efficaces ; et toutes les mesures principales qu’on vous eût présentées, soit la restriction de lieux exclusifs de déchargement, soit toute autre disposition de principe, renfermeront toujours en elle quelque chose de fiscal, je dirai même d’odieux aux yeux du législateur. Mais la Belgique, contrairement à tout ce qui se passe dans les autres Etats, peut-elle cesser d’imposer la consommation du sel, déjà plus ménagée chez nous que partout ailleurs ? Evidemment non, messieurs, nous avons besoin de tous nos revenus, et d’ailleurs, bien que l’impôt sur le sel soit aussi exorbitant, quant à la valeur réelle de la marchandise, il n’en est pas moins vrai qu’en dernière analyse la grande masse des consommateurs ignore qu’elle paie un droit sur le sel, et que si l’on pouvait entendre ces consommateurs, ils déclareraient n’avoir jamais songé à faire aucune réclamation contre l’élévation de l’impôt.

La réflexion, messieurs, que je viens de vous exposer sur la manière dont est accueilli dans les chambres législatives un impôt tel que celui qui nous occupe, n’a d’autre but que de vous faire entendre que je ne suis nullement surpris des attaques vives qui ont été dirigées contre le projet de loi, attaques qui, au fond, reposent bien plutôt sur la nature de la loi que sur les dispositions selon lesquelles elle vous est présentée.

J’aurais à répondre à plusieurs objections de détail, mais je crois, comme je le faisais pressentir tout à l’heure, qu’il y a lieu de décider avant tout une question de principe, de la solution de laquelle dépend le sort de la loi.

Je demande que lorsque la discussion générale sera close, la chambre veuille se prononcer sur l’article 4 du projet ; et si la majorité, dans sa sagesse, déclarait par son vote que tous les ports intérieurs doivent conserver l’espèce de possession qu’ils ont depuis quelques années, il y aurait lieu de considérer la loi comme retirée, car la discussion qui pourrait s’établir ensuite serait en pure perte, attendu que je regarde comme à peu près impossible de modifier les dispositions du projet, de manière à les coordonner avec un principe contraire à celui sur lequel elles s’appuient dans l’article 4.

M. de Brouckere (pour une motion d’ordre.) - Messieurs, d’après ce que vient de dire M. le ministre des finances, le principe vital de la loi est dans l’article 4. Le sort de la loi dépend du sort de l’article 4 ; elle est si vraie que la plupart des autres articles ne sont qu’accessoires, que déjà M. le ministre des finances a fait plusieurs concessions sur ces articles. C’est ainsi qu’il n’insiste plus pour que l’eau de mer soit frappée d’un droit.

Je crois que pour alléger la discussion et pour ne pas perdre du temps, on pourrait mettre immédiatement en discussion l’article 4. J’en fais la proposition formelle.

- Cette proposition est mise aux voix et adoptée.

Discussion des articles

Article 4

M. le président. - Cet article 4 est ainsi conçu :

« L’importation du set brut ou raffiné et de l’eau de mer n’est admise que par les ports d’Anvers et d’Ostende, à l’exclusion de tous autres lieux et seulement dans des navires venant directement de la mer et jaugeant au moins 100 tonneaux.

« Le déchargement effectif et la vérification intégrale sont obligatoires dans l’un de ces deux ports, avant que le sel ou l’eau de mer ne puissent être dirigés vers une destination quelconque.

« Toute autre marchandise importée sur un navire chargé de sel ou d’eau de mer est également soumise au déchargement effectif et à la vérification intégrale dans celui des deux ports précités par lequel elle a été introduite.

« Le déchargement effectif de l’eau de mer n’est cependant pas requis, lorsque le chargement présente la possibilité d’une vérification exacte par jaugeage métrique.

M. Devaux propose d’étendre la disposition au port de Bruges.

M. de Brouckere. - Je demande qu’on y joigne le port de Bruxelles.

M. de Man d’Attenrode. - Je propose le même amendement pour la ville de Louvain.

M. Vergauwen. - Et moi de même pour la ville de Gand.

M. de Roo. - Messieurs, j’aurai peu de chose à dire pour appuyer mon amendement, attendu que dans la séance d’hier on en a longuement développé les motifs, et que dans la séance actuelle M. le ministre paraît disposé à l’accepter ; cependant je ne puis me dispenser de prendre la parole, parce que, ayant fait partie de la section centrale, je me trouve singulièrement compromis dans son rapport. Habitant une ville qui réclame avec justice contre la suppression de son port, comme lieu de déchargement, que le projet lui enlève sans une raison fondée, je suis censé y avoir acquiescé, ainsi que mon honorable collègue M. de Foere.

Il est de fait que dans les réunions de cette section, auxquelles j’ai constamment assisté, il était convenu, par tous les membres présents, de laisser, conformément au vœu exprimé par une grande partie des sections, à la ville de Bruges son port de déchargement ; cependant on y avait mis la condition, je dois le dire pour être exact, sauf à en référer à M. le ministre des finances.

Je n’étais donc pas peu surpris d’apprendre, quelques semaines après, par le rapport de la section centrale, déposé en mon absence, que ce port était exclu au profit de ceux d’Ostende et d’Anvers, admis exclusivement. Mais ce qui me surprend encore davantage, c’est de voir les motifs pour lesquels on exclut ce port du bénéfice de la loi.

Il est inutile, messieurs, de rencontrer ici tous ces motifs. La discussion générale en a déjà fait droit, et le témoignage des personnes mêmes qu’on avait invoquées à l’appui, en a fait justice, et elles ont déclaré ouvertement que jamais leur intention n’a été d’exclure le port de Bruges comme port de déchargement ; c’est aussi ce qui jamais n’a eu lieu ; aussi tous les 5 à 6 projets de loi présentés au congrès et à la chambre, avant celui en discussion, en font foi. Ce sont là des pièces incontestables et des arguments péremptoires.

Le rapport det M. d'Elhoungne qu’on a également invoqué ne prouvait autre chose que de mettre la ville de Bruges sur le même rang que celle d’Anvers, comme port de déchargement, et c’est ainsi qu’il a formulé son projet ; il en fait également foi. Or donc, maintenant que vous donnez à Anvers un lieu de déchargement, il faut le donner également à Bruges, pour être conséquents avec le rapport qu’on invoque.

L’existence de la fraude n’a pas plus été prouvée, que l’argument tiré de l’autorité des ministres.

Le rapporteur étayait la prétendue fraude d’un mémoire adressé à la chambre, que j’ai ici sous la main, qui n’est pas même signé, et qui exagérait une importation de sel de plus de moitié, et qu’on attribuait erronément à l’autorité locale de Bruges.

L’administration a dénié ce fait et prouvé le contraire ; il en résulte, messieurs, qu’il y a différence de plus de moitié, et cela démontre combien est peu exact le calcul qu’on a fait à cet égard, et par conséquent la conclusion qu’en a tirée la section centrale.

Nous avons dit, messieurs, que la section centrale avait en premier lieu admis le port de Bruges comme port de déchargement, sauf à en référer à M. le ministre ; voici donc l’objection fondamentale qui a fait revenir la section centrale à toute autre opinion que celle qu’elle avait primitivement arrêtée. C’est que, d’après M. le ministre, c’est principalement dans le trajet d’Ostende à Bruges que se commettent les fraudes et soustractions dont fait mention l’exposé du projet.

Que cette assertion aussi positive ait eu la plus grande influence sur l’esprit de la section centrale, il ne peut y avoir de doute à cet égard, et en la supposant exacte, elle l’a véritablement déterminé à prendre une décision dans le sens exclusif. Mais cette objection mérite le plus profond examen, puisque c’est une question, comme on vous l’a déjà dit, de vie ou de mort pour le port de Bruges.

M. le ministre vient derechef confirmer que la fraude se fait dans le canal d’Ostende à Bruges par le moyen des trous que l’on fait dans le bateau, au moyen desquels on fait des soustractions ; mais tout cela se trouve-t-il constaté ? Ce sont de pures anecdotes de sa part ; aucun- procès-verbal n’en fait foi, témoin le registre des douanes de Bruges invoqué dans le rapport des sauniers, négociants et armateurs de cette ville, que chacun a sous la main.

Une autre soustraction semblable est citée par lui, pas plus démontrée que la première, qui a été soumise aux tribunaux et que ceux-ci ont abjugée.

Si ce sont des fraudes qui se commettent et dont on s’étaie, il faut en vouloir à l’administration locale des douanes et accises, de tels employés ne méritent pas la confiance du gouvernement.

Mais une pareille injure faite à l’administration de Bruges ne paraît point méritée, et reviendrait plutôt en partage à celles d’Ostende et d’Anvers, où il paraît qu’une fraude considérable a eu lieu. Aussi c’est à Anvers qu’a eu lieu un changement d’employés pour inexactitude ou suspicion de corruption ; mais à Bruges rien de pareil n’a eu lieu.

Mais les formalités prévoyantes en matière de douanes doivent pourvoir à de pareils abus.

Disons-le franchement, l’exclusion du port de Bruges, comme port de déchargement, n’est de la part du gouvernement qu’une mesure irréfléchie, fondée sur des renseignements erronés qui, communiqués à la section centrale, ont produit une décision de sa part involontaire ; et nous ne doutons pas que, mieux instruits, ils ne reviennent d’une erreur dans laquelle ils n’ont été entraînés que par de faux rapports, et n’admettent avec nous l’amendement que nous avons proposé à cet article.

M. de Brouckere. - Si je demande à interrompre la liste des orateurs, c’est que le préopinant, contrairement aux intentions de la chambre, s’est occupé de Bruges exclusivement et n’a pas traité la question de principe, la question de savoir si l’on bornera aux ports d’Ostende et d’Anvers l’importation du set, ou si cette faculté sera étendue aux ports qui en jouissent actuellement. C’est là la question en discussion d’après la décision qui a été prise. Puisque l’honorable préopinant n’a parlé que de Bruges, je me vois forcé de dire quelques mots de Bruxelles.

S’il faut croire M. le ministre des finances, la ville de Bruxelles n’a qu’un faible intérêt dans la question. Pourquoi ? Parce que, dit-il, il n’arrive chaque année dans le port de Bruxelles que deux ou trois bateaux de sel. Il faut croire que M. le ministre des finances a été induit en erreur en prenant des informations ; car je lis dans le rapport de la chambre de commerce :

« Vous n’ignorez sans doute pas, messieurs, que l’importation du sel et de l’eau de mer est pour notre ville l’une des grandes branches de son commerce, et est appelée à devenir l’âme de l’activité de sa navigation extérieure, et qu’on peut évaluer sans exagération les arrivages actuels, tant directs qu’indirects, à environ quinze mille tonneaux ou quinze millions de kilogrammes. »

Et après les grandes améliorations apportées au canal, qui a été rendu navigable pour des bâtiments d’un pus fort tonnage que ceux qui pouvaient jusqu’ici arriver à Bruxelles, il est impossible que l’importation par le canal n’aille pas en croissant.

Vous pourrez peut-être croire que la chambre de commerce, qui est ici l’organe des commerçants de Bruxelles, ne s’est pas inquiétée des consommateurs, et a eu plus à cœur les intérêts du commerce que ceux du consommateur. A ceux qui seraient tentés de me faire cette objection, je répondrai par le rapport de la régence de Bruxelles.

Le conseil communal de Bruxelles est du même avis que la chambre de commerce, ainsi les représentants du commerce et ceux des consommateurs viennent tous se récrier contre l’injustice de l’article 4. On a prétendu que cet article 4, s’il pouvait être un désavantage pour quelques personnes, serait un avantage immense pour un grand nombre de personnes, en ce qu’il permettrait pour l’avenir la libre circulation du sel brut. Vous allez voir comment s’exprime la chambre de commerce de Bruxelles, relativement à ce grand avantage. Voici ce qu’elle dit :

« M. le ministre nous dit, dans les motifs qui accompagnent le projet que la plupart des sauniers ont vivement réclamé la libre circulation à l’intérieur, tant du sel raffiné que du sel brut.

« Nous déclarons hautement que ces sauniers n’ont été guidés que par leur intérêt personnel, auquel les hommes ne sont que trop tentés de tout rapporter, et qu’ils n’ont sollicité cette mesure désastreuse pour la généralité, quant au sel brut, comme nous le prouverons bientôt, que pour s’affranchir de quelques formalités gênantes que la loi actuelle leur impose, et pour le maintien de laquelle nous exprimons les vœux les plus formels. »

Ainsi vous voyez que ce grand avantage se réduit à peu de chose dans l’opinion de juges certainement compétents.

Je bornerai là mes réflexions, parce que j’ai assez de foi dans la justice de la chambre pour compter que l’article 4 ne sera pas adopté. Du reste, s’il l’était, je déclare que j’aurai des observations à faire sur plusieurs articles qui renferment des injustices aussi criantes que l’article 4, et notamment sur l’article 28, qui défend dans le premier rayon :

« 1° Tout transport de sel brut ou raffiné en quantité supérieure à dix kilogrammes, même avec document, sauf les cas d’importation légale par l’Escaut, ou de sortie par les bureaux ouverts à l’exportation avec décharge des droits ;

« 2° L’établissement ou l’existence de dépôts et magasins de sel brut et raffiné ainsi que de sauneries. »

Je bornerai là mes observations.

M. de Man d’Attenrode. - Messieurs, M. le ministre a cherché prouver que la nouvelle loi sur le sel ne sera pas aussi désastreuse pour le commerce de la ville de Louvain, puisque le port de cette ville n’a reçu en 1834 que 3 navires, en 1835 4, en 1836 1 et en 1837 8.

Mais pourquoi les arrivages à Louvain ont-ils été si peu importants pendant ces années ? C’est que le canal était dans un état déplorable. En 1836, la ville de Louvain dépensa généreusement 1,300,000 fr. pour améliorer sa communication directe avec la mer ; le résultat s’en est déjà fait sentit en 1837, puisque 8 navires provenant directement de la mer sont arrivés à Louvain. C’est là un commencement d’arrivages fait pour justifier cette énorme dépense. Espérons que l’adoption du nouveau projet ne viendra pas mettre au néant d’aussi grandes dépenses.

Par l’article 4 du projet, le sel n’est admis que par les ports d’Anvers et d’Ostende. Les autres ports d’arrivage tels que ceux de Bruges, Bruxelles, Louvain, sont exclus de cet avantage. Le motif de ce privilège est inexplicable pour moi. Depuis la frontière jusqu’à Anvers, le sel a à parcourir 4 lieues ; l’on prescrit pour ce trajet toutes les mesures nécessaires pour empêcher la fraude. Si ces mesures sont suffisantes pour l’empêcher, pourquoi ces mêmes précautions ne le seraient-elles pas pour le trajet d’Ostende à Bruges, d’Anvers à Louvain ou Bruxelles ? C’est une contradiction que je ne m’explique pas.

Je demande en conséquence que les ports de Bruxelles, Louvain, Gand et Bruges soient rangés au nombre de ceux que mentionne l’article 4.

M. le président. - M. Dubois vient de déposer un amendement tendant à ce que l’importation du sel puisse se faite par le port de Nieuport.

M. Dubois. - Messieurs, après le discours remarquable que l’honorable M. Devaux a prononcé dans la séance d’hier, j’ai peu de chose à dire. Je me plais à le déclarer : je partage avec lui presque tous les doutes qu’il a exprimés sur la nécessité qu’il y a de faire une nouvelle loi sur le sel. Comme lui, je me suis demandé si la législation actuelle n’est pas suffisante ; si malgré quelques défauts, quelques entraves, inévitables quelquefois, qu’elle pourrait contenir, elle ne satisfait pas aux besoins du trésor, aux intérêts du commerce et de l’industrie, aux nécessités du consommateur. Comme lui, je vois dans la loi qui nous est soumise, un projet de monopole au profit de deux villes, établi sur la ruine des marchands de sel en gros, ou armateurs de navires, sur la ruine de la prospérité renaissante de quelques-unes des localités les plus importantes du royaume. Enfin, je m’étais également demandé pourquoi on n’a pas soumis à la chambre ou à la section centrale quelques documents officiels sur la nature et sur les causes qui déterminent la fraude du sel ? Pourquoi, tandis que cette fraude semble constituer la cause flagrante qui a motivé la présentation de la loi et qui en presse actuellement la discussion, pourquoi un fait aussi palpable ne se produit pas, échappe à la vérification ? Si quelques opinions individuelles pouvaient me satisfaire, je sais que les convictions ne me manquent pas. Elles sont assez nombreuses, et parmi elles j’en trouve des plus respectables. Ce fait existe dans la pensée de tous les membres de la section centrale ; tous les ministres qui depuis sept ans se sont succédé à l’administration de nos finances y croient ; mais, messieurs, un fait de sa nature se prouve par un autre fait, et ainsi, jusqu’à ce qu’il nous arrive une démonstration plus raisonnable, malgré toutes les opinions, malgré les convictions les plus sérieuses, je suis forcé d’admettre les calculs statistiques produits par M. Devaux et de croire avec plusieurs de mes honorables collègues, notamment avec l’honorable ministre des finances qui vient de le déclarer si franchement, que si la fraude existe, elle a été du moins singulièrement exagérée, et conséquemment qu’elle n’est pas aussi grave qu’il faille, pour y remédier, recourir à des moyens extrêmes, jeter la perturbation dans une industrie aussi importante, fatiguer, décourager l’honnête industriel, établir un injuste et malfaisant monopole.

Si donc j’ai pris la parole, c’est, comme l’a fait hier un honorable collègue, député de Bruxelles, pour vous entretenir quelques instants d’une localité qui semble être trop oubliée ici, et qui a le droit, comme les villes de Bruxelles, de Louvain et de Gand, de prendre sa part aux réclamations qui vous ont été faites pour la ville de Bruges, et de s’associer aux plaintes qui ont été exprimées avec tant de raison et de talent par son honorable représentant.

Hier, il a été dit : Vous ruinez nos villes de l’intérieur, vous détruisez nos canaux ; bientôt vous détruirez nos ports ! Si l’honorable orateur qui a prononcé ces paroles, y eut réfléchi, il les aurait modifiées ; il aurait dit : Dans vos aveugles exclusions, vous n’épargnez pas même un port de mer... !

Messieurs, si le projet, tel qu’il vous est présenté, doit être converti en loi, vous aurez un port de moins sur l’Océan : la ville de Nieuport est menacée de la plus profonde misère ; son port est anéanti.

Ici, messieurs, je n’ai pas à défendre les intérêts du haut commerce, je ne puis pas vous laisser entrevoir de grandes ruines ; je pourrais cependant vous demander s’il vous convient, s’il convient au pays, de neutraliser, de laisser ensabler un port qui possède une des plus belles rades de l’Océan, un port qui maintenant a peu d’importance, mais qui, à l’époque des guerres de Louis XIV, inspira les plus vives inquiétudes aux Anglais, à cause de sa situation qui est si favorable pour y créer un port et une marine militaire.

J’ai à vous entretenir d’intérêts plus modestes, mais qui ne vous en paraîtront pas moins recommandables.

La pêche est l’industrie principale, je pourrais presque dire unique, à laquelle se livrent les habitants de Nieuport. Elle procure une certaine aisance aux bourgeois et à quelques armateurs ; elle fait vivre un nombre considérable de matelots. Ils vont eux-mêmes, et avec leurs propres navires, chercher le sel du Portugal, pour la salaison, en mer, du cabillaud. La pêche, messieurs, ne subsiste que par la plus stricte économie. En attendant une loi protectrice, qu’on leur promet toujours et qui n’arrive jamais, les pêcheurs restent soumis aux chances les plus ruineuses ; ils ont à soutenir une lutte pénible contre les Hollandais, plus favorisés et plus puissants qu’eux ; mais du moins il leur restait l’avantage de concourir avec leurs voisins d’Ostende, pour fournir les marchés de l’intérieur.

Si maintenant on les prive de la liberté d’aller chercher avec leurs propres navires et d’importer directement le sel qui leur est indispensable, si on les oblige d’aller au marché d’Ostende pour s’approvisionner, n’est-il pas évident, messieurs, que l’équilibre est rompu pour les pêcheurs de Nieuport ; que les frais de transport, les frais de pesage, de mesurage et de vérification, toutes formalités qui sont à la charge du destinataire, rendront pour eux toute concurrence ruineuse et impossible ? N’est-il pas évident qu’on aura rendu impraticable l’accès aux marchés de l’intérieur, et cela au profit des pêcheurs d’Ostende et des fraudeurs d’Anvers : car, disons-le en passant, voilà où il se commet une fraude palpable, bien reconnue, manifeste pour tout le monde et que personne ne songe à réprimer... Enfin, le résultat immédiat du nouveau système qu’on cherche à introduire, peut-il être autre que de ruiner la pêche de Nieuport et de forcer à s’expatrier les hommes et les matelots qu’elle nourrit et occupe ?

Parmi les griefs divers que contient le projet de loi qui vous est soumis, et contre lesquels s’élèvent ces réclamations si nombreuses qui nous arrivent de tous les points du royaume, il en est encore un qui est tout spécial, qui frappe particulièrement la localité dont j’ai l’honneur de vous entretenir. Je veux parler de la disposition qui ne permet l’importation du sel que par navires jaugeant au moins cent tonneaux.

Cette disposition funeste à un grand nombre de bateliers belges, qui, depuis qu’ils se trouvent exclus de la navigation des eaux inférieures de la Hollande, ont disposé leurs bateaux de manière à pouvoir faire les voyages d’Angleterre et des ports français de l’Océan, afin de ne pas les voir pourrir dans l’inaction, est pour les pêcheurs de Nieuport tout aussi ruineuse que la première ; car n’ayant généralement à leur disposition que des corvettes de pêche qui ne jaugent pas au-delà de 50 tonneaux, elle constitue pour eux une impossibilité nouvelle de se procurer eux-mêmes le sel du Portugal, et frappe leur port d’une double interdiction.

La section centrale a fait droit à ce grief. Elle a abaissé le chiffre ministériel de 100 à celui de 50 tonneaux. Ici, au moins, j’ai le bonheur de me rencontrer d’accord avec elle. Mais elle n’a fait qu’une demi-justice. Car, dans la spécialité, les deux dispositions de l’article 4 se touchent et se confondent : il est bien inutile de permettre le transport du sel brut par navires jaugeant 50 tonneaux et au-dessus, lorsque par une autre disposition on leur interdit formellement l’entrée du port.

J’attends, messieurs, de votre impartialité et de votre sollicitude pour tout ce qui touche aux intérêts de nos concitoyens, que vous fassiez justice entière ; que vous ne laissiez pas incomplète la réparation qu’attendent les habitants de Nieuport ; que vous redressiez en même temps deux griefs dont chacun, en particulier, les mènerait à une ruine inévitable.

Qu’il me soit permis de vous rappeler qu’en 1832, à l’occasion de la discussion de la loi sur les distilleries, je fus obligé de demander à la chambre que les eaux-de-vie pussent être importées par le port de Nieuport. Alors, comme aujourd’hui, on avait frappé ce port d’interdit ; on l’avait mis au ban des ports libres de la Belgique ; comme aujourd’hui on disait qu’il s’y commettait des fraudes nombreuses : eh bien, messieurs, la chambre fit droit à mes réclamations, elle fit bonne justice, et, malgré l’opposition du ministre des finances, elle permit l’entrée des eaux-de-vie par le port de Nieuport. Cinq années se sont passées depuis : que M. le ministre des finances me dise s’il a droit de se plaindre de cette décision ; si le trésor souffre beaucoup d’une justice si légitimement demandée, si naturellement accordée... ?

Ce que je vous demande, messieurs, trois de vos sections l’ont demandé avant moi : la 3ème, la 5ème et la 6ème. Si le ministre s’y oppose, si la section centrale s’y refuse, examinez les rapports qui vous sont soumis, et vous verrez qu’une décision aussi grave, qu’une injustice aussi palpable, n’est motivée par aucune raison. Nulle part vous ne trouverez un motif exprimé, une phrase, un mot, qui justifie cette mesure.

Le ministère et la section centrale semblent avoir mis en dehors du droit commun la ville et le port de Nieuport. Trois sections demandent que ce port soit maintenu comme port d’importation, et la section centrale s’y refuse, sans alléguer un seul motif, purement et simplement ; comme si elle voulait nous faire croire qu’elle dédaigne de s’en occuper, qu’il faut laisser dans l’oubli cette localité intéressante, parce qu’elle est malheureuse ; comme si elle partageait l’opinion fatale de quelques agents d’un gouvernement oppresseur que nous avons chassé, qui osaient avouer tout haut que le port de Nieuport devait périr ; qu’il ne servirait désormais que pour l’écoulement des eaux douces qui y débouchent, et qu’il serait converti en une espèce de cloaque !

Je demande que l’importation du sel brut ou raffiné puisse se faire par le port de Nieuport.

M. Hye-Hoys. - Dans la séance d’avant-hier, j’ai fait entendre dans le discours que j’ai prononcé que la ville de Gand n’attachait pas une grande importance à recevoir directement le sel sans rompre charge, attendu que depuis 1830 on y a fait peu d’importations directes de sel. Mais depuis que j’ai prononcé mon discours, nous avons eu la presque certitude de l’acceptation des 24 articles par la Hollande. Et je nourris l’espoir que dans le cas d’un arrangement avec la Hollande nous pourrions avoir l’ouverture du canal de Terneuse. La ville de Gand aurait alors intérêt à pouvoir recevoir le sel sans rompre charge.

Je proposerai un amendement dans ce but.

M. Lebeau. - Si j’ai bien compris M. le ministre des finances, sa motion rend la présentation et la discussion des divers amendements prématurées. Il a soumis à la chambre, comme question préjudicielle, une question de principe, celle de savoir si on toucherait au système de la législation actuelle, quant à l’introduction du sel brut par arrivage direct dans certains ports de l’intérieur. C’est avec cette simplicité que le ministre des finances a résume son opinion. Si la chambre croyait devoir passer à la discussion et au vote de cette question de principe, nous pourrions être dispenses d’entrer dans l’examen de chacun des amendements et de l’obligation de voter sur chacun d’eux.

Je crois donc qu’il y aurait lieu de poser ainsi la question : Sera-t-il dérogé au système de la législation actuelle sur le sel, ou en d’autres termes l’importation du sel brut sera-t-elle bornée aux ports d’Anvers et d’Ostende, oui on non ? Si on répond affirmativement, c’est-à-dire que les bases du système actuel seront conservées, il deviendra inutile de développer et de discuter chacun des amendements.

Je demande que cette question soit préalablement posée. Je crois avoir rencontré l’intention de M. le ministre les finances, qui était d’épargner le temps de la chambre, d’empêcher une foule de discussions en présentant une question préjudicielle dont la solution rendrait ces discussions inutiles.

M. Verdussen. - Je partage l’opinion de l’honorable M. Lebeau à certains égards, mais non quant à la manière dont il veut faire prononcer la chambre. Si je l’ai bien compris, il veut faire décider si on adoptera oui ou non l’article 4 nouveau. On ne trancherait pas la question comme on se le propose, si elle était posée ainsi. Voici comment il faudrait la poser : « Changera-t-on la législation actuelle en ce qui concerne l’importation directe du sel ? »

M. Lebeau. - C’est ce que j’ai dit.

M. Verdussen. - Je crois que vous avez dit : Limitera-t-on l’importation directe du sel aux ports d’Anvers et d’Ostende ?

M. Lebeau. - Je n’ai présenté cette seconde formule que pour me faire comprendre, mais la question que j’ai proposé de poser était celle-ci : « Maintiendra-t-on la législation actuelle ? » Cette question décidée affirmativement, il devient inutile de présenter des amendements.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - C’est aussi de cette manière que j’ai entendu la question qui est en ce moment en délibération, je tiens à ce qu’elle reçoive une solution. Le gouvernement a le moyen de retirer la loi par un arrêté, mais il importe qu’il sache par une décision de la chambre, s’il ne doit plus s’occuper de la loi sur le sel d’après la base fondamentale du projet qu’il a présenté. Dans ces choses il faut mettre l’amour-propre de côté pour arriver plus sûrement au but qu’on se propose. Si l’on ne veut pas du système proposé, si telle est la décision de la chambre, et s’il faut ultérieurement rédiger un projet de loi sur le sel, après avoir retiré celui-ci, on saura qu’il doit être avisé à des dispositions différentes. Si le projet en discussion a été fortement attaqué, d’un autre côté, il a été défendu, et il importe, au milieu de ce débat, de connaître l’intention formelle de la majorité.

Plusieurs membres. - Aux voix ! aux voix !

D’autres membres. - Non ! non !

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - La discussion devrait encore continuer ; j’ai plusieurs observations à présenter, plusieurs raisons à faire valoir en faveur du système du projet. Je veux justifier de nouveau qu’il n’y a pas de sacrifice des ports intérieurs, comme l’ont prétendu plusieurs membres, en exigeant une vérification du sel au premier port d’importation. Ainsi, pour Bruxelles, il semblerait que les navires de mer ne pourraient plus y arriver, qu’on ne pourrait plus exporter directement par navire de mer les fabricats de la capitale. Tel ne doit pas être le résultat de la loi.

Une vérification du sel se fera à Anvers ; on le déchargera et le rechargera sur le même navire aux frais de l’administration, et l’importation se continuera jusqu’à Bruxelles par le même navire. Nous avons vu, d’ailleurs, que le sel ne venait guère à Bruxelles que sur allège, car il n’y arrive que deux navires par an, sans rompre charge.

On a parlé de possession, de droits acquis ; bien que le canal de Bruxelles doive être approfondi, il n’est pas moins vrai que quant aux droits acquis, ils se réduisent ici à l’arrivage direct de deux navires par an.

Plusieurs orateurs sont inscrits, j’attendrai qu’ils aient parlé pour développer les considérations que j’ai à vous soumettre.

M. Andries. - J’ai demandé la parole pour faire sentir que si on modifie le système de la législation actuelle ; on doit maintenir Bruges sur la même ligne qu’Ostende et Anvers. Cette ville possède un entrepôt libre, et à ce titre elle est mise sur le même rang que les villes d’Ostende et d’Anvers. Cet entrepôt libre n’a jamais été accordé aux villes Bruxelles, Louvain et Gand. Il y aurait donc une contradiction flagrante, quand Bruges peut recevoir en entrepôt toutes marchandises, même les marchandises prohibées, de lui interdire de recevoir le sel sous prétexte que la fraude s’y exerce.

M. le ministre des finances, dans le discours qu’il a prononcé aujourd’hui, a soutenu que la fraude se faisait dans le trajet entre Ostende et Bruges.

C’est dans le port d’arrivage qu’on fait principalement la fraude, nous en avons l’assurance dans une pétition envoyée à la chambre au mois de décembre 1836. Cette pétition venait des raffineurs de Bruges ; ils déclarent eux-mêmes que la fraude a existé à Ostende en 1832 et 1833. Cela prouve que les honnêtes raffineurs ne sont nullement intéressés à ce qu’il y ait une marge pour la fraude.

Au contraire le commerce honnête est intéressé à ce que la fraude soit rendue aussi difficile que possible. Si, en 1832 ou 1833, d’après ce que vient de dire M. le ministre, il y a eu quelque fait suspect de fraude à Bruges, on peut l’attribuer hardiment à la négligence de l’administration. C’est qu’on a permis à un navire de stationner plusieurs jours loin du bassin dans le canal. Alors on sent qu’une soustraction n’est pas difficile : on aurait pu et dû l’empêcher en obligeant le navire à entrer dans le bassin, où on aurait pu l’amarrer, et de cette manière la fraude aurait été impossible ; car le bassin est entouré par l’entrepôt, et l’entrepôt offre une enceinte bien et solidement fermée, de sorte que le bassin de Bruges offre plus de garantie contre la fraude que les ports mêmes d’Anvers et d’Ostende. Ce n’est donc pas à Bruges que la fraude se fait, mais c’est bien plutôt dans les villes d’Ostende et d’Anvers. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à lire la pétition de Bruges dont je viens de parler. En voulez-vous une autre preuve ? C’est que pendant plusieurs mois, à l’époque déjà citée, les industriels d’Ostende ont pu vendre à des prix si bas, même au-dessous du prix de revient de la fabrication, qu’ils ont forcé les sauneries de plusieurs villes de la province à chômer.

Comment ont-ils pu supporter de pareils sacrifices, s’ils n’avaient eu la facilité de s’indemniser d’une autre manière ? Bruges seule a pu soutenu cette singulière concurrence, et à quoi le doit-elle ? A l’avantage d’avoir un port de déchargement. Si Bruges n’avait pas eu ce bonheur, ses raffineries de sel auraient dû chômer comme à Ypres, Courtray, Menin, et le monopole se serait établi à Ostende.

Est-il bien logique, messieurs, de dire : puisqu’on fraude à Ostende, il faut anéantir le commerce maritime de Bruges ? Non, messieurs, une telle conclusion, vous ne la tirerez pas. Bruges a un entrepôt général de libre réexportation, vous lui conserver aussi son port de déchargement. C’est le commerce du sel qui donne à la ville un peu de vie commerciale. Votre vote sera donc une question de vie ou de mort pour la capitale d’une province qui à plus d’un titre à la bienveillance nationale.

M. de Muelenaere. - Messieurs, pour ma part, je regrette sincèrement que le ministre des finances ait cru devoir faire dépendre le projet de loi tout entier de l’article 4 ; car s’il est dans ce projet des dispositions que je ne voterai pas, il en est d’autres auxquelles j’aurai donné mon adhésion, et qui amélioreraient d’une manière notable la législation existante, notamment celle qui concerne les sauniers ; si on ne les adopte pas maintenant, le gouvernement et la législature seront obligés de préparer et d’adopter un projet sur ce point.

Quoi qu’il en soit, la discussion se trouve renfermée dans l’article 4, et d’après la tournure qu’elle a prise, la chambre aura à se prononcer sur la question de savoir s’il y a lieu de modifier les bases de la loi actuelle, quant aux lieux de déchargement. Dans l’état actuel de cette discussion, je n’ai plus rien à dire ; car quelle que soit la résolution de la chambre à cet égard, nous pourrons ultérieurement prendre la parole pour proposer, dans tous les cas, un amendement en faveur du port de Bruges. C’est alors que nous prouverions que ce port se trouve dans une position toute particulière ; qu’il devrait être rangé dans la même classe que le port d’Anvers ; c’est alors encore que nous prouverons que dans le port même de Bruges, la fraude est moins praticable que dans le trajet qu’il faut faire de la mer pour arriver au port d’Anvers. Nous n’aurons aucune peine à administrer cette preuve.

Quand on a parlé de fraude, quelques personnes ont cru voir qu’elle s’était exercée exclusivement, soit dans le port de Bruges, soit dans le trajet d’Ostende à Bruges ; il n’en n’est rien. Une fraude immense a eu lieu sous le gouvernement précédent, mais pas sur le sel uniquement ; elle avait lieu sur toutes les marchandises d’un prix plus ou moins élevé. Des informations administratives et judiciaires furent prises ; j’en puis parler avec connaissance, puisque j’ai été chargé de diriger cette instruction. Eh bien qu’en est-il résulté ? C’est que la fraude avait lieu notamment dans les ports d’Ostende et d’Anvers ; que dans tous les autres endroits la fraude était insignifiante en comparaison. Le gouvernement en a été tellement convaincu que des mesures extrêmes ont été prises de la part de l’administration contre les employés de tous grades dans les ports d’Anvers et d’Ostende.

Depuis la révolution d’autres fraudes ont été commises ; c’était un mal impossible à prévenir ; une révolution relâche les ressorts de l’administration, et les fraudeurs profitent de cet état de choses ; mais dans ces derniers temps, je puis dire, en faveur de l’administration, que la fraude a grandement diminué, et elle est actuellement infiniment moindre qu’on ne le pense. Je m’engage à prouver que dans le port de Bruges la surveillance est très active, et qu’au moyen d’une modification à la loi il sera impossible d’y frauder.

C’est dans les nuits obscures que se pratique la fraude ; mais on peut stipuler que les navires chargés de sel, partant de jour d’Ostende, arriveront de jour au bassin de Bruges.

Comme a dit un préopinant, ce commerce est important pour la ville de Bruges. Elle a une population pauvre, beaucoup plus considérable proportionnellement que celle des autres cités du royaume ; une partie de cette population vit exclusivement du travail que lui donne le bassin ; si vous supprimez ce petit commerce, nous pourrons fermer notre canal et combler notre bassin, car il ne se fera plus d’affaires.

Je ne veux pas abuser des moments de la chambre ; je crois qu’actuellement nous sommes complétement désintéressés dans la résolution qu’elle prendra ; car, que cette résolution soit affirmative ou négative, il ne sera pas difficile de convaincre l’assemblée qu’une exception est fondée en faveur de la ville de Bruges, et qu’il faut lui hisser les prérogatives dont elle jouit de temps immémorial. Ce ne sera qu’autant que la chambre admettra des modifications aux bases existantes que je prendrai la parole pour défendre des intérêts que je considère comme sacrés.

M. Coghen. - A mon avis, messieurs, il est impossible de justifier une disposition qui priverait quatre grandes cités d’un commerce qui, s’il ne l’est pas pour le moment, doit devenir très important, qui doit favoriser l’exportation de beaucoup de produits qu’il serait impossible d’exporter directement sans ce moyen.

En 1828, la ville de Bruxelles, qui se trouvait en présence d’un gouvernement qui craignait toute mesure qui pouvait tendre à une concurrence pour les ports hollandais, demanda cependant à ce gouvernement de pouvoir approfondir le canal jusqu’à 11 pieds de profondeur, et elle obtint cette faculté ; cette mesure était unanimement demandée par le motif qu’elle rendait possible l’établissement d’un commerce direct avec les pays d’outre-mer, parce que Bruxelles est située au centre d’une consommation considérable ; 2 millions de fr. furent dépensés pour atteindre ce but ; et aujourd’hui que nous sommes à la veille de recueillir le fruit du sacrifice que nous avons fait, un gouvernement, qui ne doit avoir en vue que le bien-être du pays, et qui devrait, par conséquent, soigner les intérêts de la capitale, ce gouvernement vient insister pour l’adoption d’une disposition qui rendrait complétement inutile la dépense énorme dont il s’agit !

M. le ministre des finances a fait remarquer que jusqu’ici il n’est arrivé directement, sans alléger, annuellement à Bruxelles que 2 ou 3 navires chargés de sel ; le fait est vrai, messieurs, mais quelle en est la cause ? C’est que l’approfondissement du canal n’est pas encore tout à fait achevé ; il ne le sera que dans le courant de cette année, et alors les navires qui ont plus de 3 mètres de tirant d’eau pourront arriver, et alors sera atteint le but pour lequel les habitants de Bruxelles se sont décidés à faire de si grand sacrifices ; alors nous pourrons avoir un commerce direct qui doit nous procurer de grands avantages.

La ville de Gand, messieurs, est vivement intéressée aussi à ce que l’importation du sel dans son port ne soit pas interdite, car nous ne devons pas avoir la désolante pensée que le beau canal de Terneusen qui lie Gand à la mer, sera jamais fermé ; je réclame pour cette ville si importante, comme pour Bruges, Louvain et Bruxelles, le maintien des avantages du commerce direct, qui serait détruit si on adoptait le système de la loi.

On nous parle toujours de fraude, messieurs, et c’est pour prévenir la fraude qu’on veut défendre l’importation directe du sel à l’intérieur du pays ; mais l’administration n’a- t-elle pas le convoyage, le plombage, le jaugeage des navires ? Ces moyens ne suffisent-ils pas pour empêcher la fraude ?

Il semble que ce soit seulement dans les villes de l’intérieur que se fait la fraude ; mais j’ai déjà eu l’honneur, messieurs, de vous dire hier, que les archives du contentieux du ministère des finances donnent la preuve du contraire ; je citerai deux petites circonstances qui se sont présentées lorsque j’avais l’honneur d’être au ministère des finances et qui démontrent que ce n’est pas à Bruges, à Gand, à Louvain ou à Bruxelles que la fraude se commet, mais que c’est dans les grands foyers d’importation, où l’on a les moyens d’opérer en grand et d’échapper plus facilement à la surveillance de l’administration. En 1832, je pense, un navire entre en relâche forcée dans le port d’Ostende, mais probablement par une distraction involontaire du capitaine, ce navire avait déjà passé deux écluses et se trouvait dans le canal de Bruges, lorsque les douaniers l’ont arrêté pour constater qu’il était chargé d’une riche cargaison qu’on cherchait à soustraire aux droits de l’Etat. Voilà, messieurs, un exemple de fraude qui se fait en grand et qui est impossible dans l’intérieur du pays. On a vu dans le temps des caisses de sucre brésil qui devaient peser 7 ou 800 kilog. passer pour des caisses de sucre havane de 200 kilog. ; c’était sans doute encore des distractions ; mais elles allaient tellement loin que quelques jours après l’arrivée d’un navire dont la cargaison avait été déclarée comme sucre havane, on annonçait publiquement la vente du sucre comme sucre du Brésil importé par ce navire.

Messieurs, si vous exigiez seulement une simple vérification, comme le dit M. le ministre des finances, ce ne serait rien, mais autre chose est le déchargement d’un navire qui vient de la mer et qui a une foule de formalités à remplir pour être en règle vis-à-vis des affréteurs et des assureurs ; ce n’est pas là une simple vérification, et je ne conçois pas comment M. le ministre des finances a pu donner ce nom aux opérations dont il s’agit ; je vous avoue, messieurs, que j’estime trop l’honorable M. d’Huart pour dire toute ma pensée à l’égard d’une semblable allégation.

En résumé, messieurs, il est impossible qu’on frappe d’interdit quatre grandes cités, il est impossible qu’on les prive du commerce direct ; si vous pouviez consacrer une pareille injustice, j’aurais les craintes les plus graves pour l’avenir du pays.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il importe, messieurs, de rétablir la discussion sur son véritable terrain ; on vient dire fort ingénieusement que le projet enlève tout le commerce aux ports intérieurs ; cela est fort commode pour ceux qui combattent notre système, mais c’est ce qu’il faudrait démontrer. On a déjà répondu aux adversaires du projet qu’il ne s’agit nullement d’empêcher les navires de mer de venir à Bruxelles ; tout ce qu’on demande, c’est de pouvoir vérifier la cargaison des deux ou trois bateaux de sel qui y arrivent annuellement ; c’est de pouvoir faire cette vérification aux frais de l’administration en indemnisant complétement les négociants des pertes qu’elle peut leur occasionner ; il ne s’agit donc pas de frapper d’interdit Bruxelles, Louvain, ni aucune autre ville ; il s’agit uniquement de se prémunir contre la fraude qui se commet dans le trajet du premier port au lieu de destination, comme l’honorable préopinant l’a avoué lui-même lorsqu’il a cité le fait qui s’est passé dans le canal d’Ostende à Bruges, fait qu’il a appelé distraction ; c’est précisément pour empêcher de semblables distractions que nous voulons faire vérifier les cargaisons au premier bureau, parce que, plus loin, la vérification vient trop tard.

Je répondrai ici à un honorable préopinant qui a trouvé tout singulier qu’il pût avoir de la fraude lorsque, par exemple, à Bruges, il est constaté que le navire contient exactement la quantité de sel déclarée à Ostende ; j’ai déjà expliqué comment cela se fait : je suppose qu’on importe 100,000 kil. de sel et qu’on ne déclare à Ostende que 90,000O kil. ; eh bien, dans le trajet d’Ostende à Bruges, on soustrait, par les moyens que j’ai signalés, la partie de sel qui n’a pas été déclaré, et arrivée à Bruges, la cargaison est trouvée conforme à la déclaration ; il n’en est pas moins vrai, cependant, que 10,000 kilog. de sel ont été fraudés, et cette contrebande est d’autant plus imminente que lorsque l’importateur est dans l’impossibilité de la consommer, il lui reste encore un moyen certain de ne pas laisser découvrir. Ce moyen, je l’ai également indiqué, c’est de la laisser entrer de l’eau dans le navire, de laisser fondre une partie du sel, afin qu’arrivé au lieu du déchargement le corps du délit ait disparu.

M. Coghen a rappelé qu’en 1832 il a pris des mesures extrêmement énergiques contre les employés de l’administration, qu’il a complétement changé cette administration : je crois, messieurs, que ces mesures n’ont pas été à beaucoup près aussi générales que l’honorable membre veut bien le dire ; de semblables déclarations de la part d’un ancien ministre des finances feraient croire que l’administration est composée, en majeure partie, d’hommes qui ne remplissent pas leur devoir, d’hommes qui peuvent se laisser gagner par le commerce ; je proteste contre des assertions de cette nature, car elles sont souverainement injustes, et je suis intimement convaincu de la probité de la généralité des employés de l’administration. Il peut y avoir dans les finances comme ailleurs, quelques hommes capables de trahir leur devoir, pour de l’argent, mais en Belgique de semblables hommes sont heureusement fort rares dans toutes les administrations ; il est connu en effet, que chez nous, dans toutes les classes de la société, il y a beaucoup de probité, beaucoup de loyauté.

M. Coghen a semblé vouloir me ménager par une réticence qu’il a mise dans ses paroles. Je n’ai pas bien compris la nature de ce ménagement dont je n’ai que faire ; je prie le préopinant de vouloir bien s’expliquer franchement en ce qui me concerne, je ne crains pas de répondre à l’accusation qui me serait adressée.

Messieurs, je disais tout à l’heure que l’on s’est efforcé de trouver dans la loi l’anéantissement du commerce du sel dans les ports intérieurs et que cela n’a pas été démontré, on a dit que l’indemnité que l’on se proposait d’accorder pour le déchargement du sel au premier bureau, n’était pas suffisante : c’est un point que nous examinerons, messieurs, si toutefois nous abordons l’article qui concerne cette disposition. Je dis que les navires de mer pourront, sous l’empire de la loi qui vous est présentée, venir directement dans les ports intérieurs, avec cette seule différence de ce qui se pratique aujourd’hui, que la vérification du sel aura été faite au premier bureau, tandis qu’elle se fait maintenant au bureau d’arrivée.

M. Coghen (pour un fait personnel). - Messieurs, j’ai dit tout à l’heure que j’avais été obligé de changer le personnel de l’administration d’Anvers, non en tout, mais en partie. Je maintiens le fait, et M. le ministre pourra s’assurer qu’il est exact.

C’est avec regret que j’ai été parfois obligé d’agir avec rigueur. J’ai emporté des souvenirs trop agréables de toute l’administration des finances, pour jamais vouloir la blâmer publiquement dans cette enceinte. J’éprouve pour cela un trop vif sentiment de reconnaissance pour tous les fonctionnaires qui ont bien voulu s’associer à mes efforts dans des temps où il était difficile d’agir et où il fallait du courage pour oser se mettre à la tête des affaires.

Messieurs, le ministre des finances a désiré que je m’expliquasse à l’égard d’une réticence que j’ai employée. Je m’explique maintenant. M. le ministre a dit qu’on pouvait décharger les cargaisons composées de sel des navires de mer sur les quais, et puis les remettre à bord des mêmes navires. Messieurs, ceux qui connaissent ce que c’est qu’un navire de mer, et ce qu’est un navire intérieur, savent bien que le transport par navires de mer ne se fait pas lorsqu’on peut employer des navires intérieurs dont le louage ne coûte presque rien. Voilà la seule observation que j’avais à faire.

M. Zoude, rapporteur. - Messieurs, l’honorable M. de Roo ne s’est pas borné à des attaques contre le rapporteur, à propos de citations prétendument fausses sur les opinions des anciens ministres des finances, MM. de Brouckere et Coghen. Je crois déjà avoir répondu à cette accusation d’une manière assez victorieuse ; je regrette que ma réponse n’ai pas été dans le Moniteur de ce matin ; mais comme le discours de l’honorable M. Devaux ne devait pas s’y trouver, j’ai demandé que le mien n’y fût pas non plus.

M. de Roo ne s’est pas arrêté là. Il a inculpé le rapporteur sur ce qui s’était passé à la section centrale. Eh bien, je tiens en mains les notes qui ont été tenues par l’honorable président. Voici ce qui avait d’abord été décidé sur la question des ports intérieurs :

On a en premier lieu délibéré sur la question de savoir si l’on admettrait Nieuport comme port de déchargement. La section centrale était au complet de ses 7 membres ; eh bien, les 7 membres à l’unanimité n’ont pas admis Nieuport

L’on a demandé ensuite si l’on admettrait le port de Louvain, et les 7 membres, encore à l’unanimité, ont rejeté Louvain.

L’on a demandé enfin si l’on admettrait le port de Bruges. Il a été décidé qu’on écrirait à M. le ministre des finances pour faire connaître les motifs qui devaient nécessiter l’exclusion de ce port. Le ministre a répondu, la section centrale s’est alors réunie, et l’on a proposé la question de savoir si le port serait exclu. (M. de Foere ne faisait pas encore alors partie de la section centrale ; je crois devoir le dire, parce que je sais que l’honorable membre a été inculpé comme ayant prétendument donné son adhésion aux conclusions d’une majorité dont il ne faisait pas partie.) Voici la décision qui a été prise par la section centrale : sur six membres, non compris le président, quatre, et ce sont les rapporteurs des 1ère, 2ème, 3ème et 4ème sections, ont rejeté le port de Bruges ; 2 membres, les rapporteurs des 5ème et 6ème sections l’ont admis.

Voilà la vérité. J’espère qu’on ne viendra plus inculper la section centrale, et surtout son rapporteur, d’avoir allégué des faits faux. (La clôture ! la clôture !)

M. le président. - Dix membres demandent la clôture ; quelqu’un demande-t-il la parole contre la clôture ?

M. Donny. - Je la demande, messieurs : quelques honorables préopinants, tous résidant à Bruges, semblent avoir pris à tâche de nous démontrer que la fraude ne se faisait ni à Bruges...

Des membres. - Ce n’est pas parler contre la clôture !

M. Donny. - J’ai le droit, je pense, d’expliquer ce qui m’engage à repousser la clôture. (Parlez.)

Je disais donc que d’honorables membres ont voulu démontrer que la fraude ne se faisait, ni à Bruges, ni dans le canal, mais bien à Ostende. C’est là une accusation contre laquelle je désire parler ; je veux la réfuter et même la rétorquer contre ceux qui l’ont mise en avant.

Voilà les motifs pour lesquels je m’oppose à la clôture, et j’insiste d’autant plus que voilà une demi-heure que j’ai demandé la parole.

M. le président. - La parole est à M. Desmet contre la clôture.

M. Desmet. - Messieurs, je désire que la discussion continue, parce que, si je suis bien informé, le gouvernement a envie de retirer la loi, si l’article 4 n’est pas accepté comme il le propose. Je désire que la discussion continue, et je ferai comprendre que ce n’est pas à raison des dispositions de cet article 4 que des plaintes s’élèvent dans le pays ; mais que ces plaintes sont dues aux abus résultant du recensement, de ceux des exemptions, et aussi à l’eau de mer dont on abuse en y mettant du sel. J’aimerais encore à démontrer à la chambre que les faits que M. le ministre a cités sur la fraude d’Ostende à Bruges sont impossibles et absolument impossibles, surtout que c’est sur ces faits que le ministre a voulu baser ses raisonnements pour établir que la fraude se faisait par les arrivages directs dans les ports de l’intérieur, et sur laquelle il établit toute l’économie de son projet.

M. le président. - La parole est à M. Eloy de Burdinne contre la clôture.

M. Eloy de Burdinne. - Messieurs, la question qui devrait nous occuper en ce moment n’a pas été traitée. On a d’abord mis en discussion la question de savoir si la législation actuelle continuerait ou non à être en vigueur. Eh bien, depuis que cette question a été mise en délibération, on n’a parlé que sur l’article 4 de la loi. Je pense donc qu’il n’y a pas lieu de clore la discussion.

M. de Brouckere. - Les deux honorables préopinants ont perdu de vue la décision prise par la chambre. La chambre a décidé que pour le moment la discussion ne roulerait que sur l’article 4 du projet, par le motif qu’il avait été reconnu que l’article 4 renfermait le principe vital de la loi, et qu’en outre le ministre avait déclaré que si l’article était rejeté, il retirerait la loi. Or, tout le monde a compris qu’il serait inutile de discuter les autres parties de la loi avant l’article 4, qui, rejeté, doit entraîner le retrait du projet. Mais ce serait une erreur de croire qui si le gouvernement était obligé de retirer aujourd’hui son projet, la chambre aurait voulu lui faire entendre qu’il ne doit pas en présenter d’autre. Le ministre est dans son droit de dire : Si vous n’adoptez pas tel article, je retire le projet de loi ; comme ce sera son droit encore de présenter en ce cas ou de ne pas présenter un autre projet de loi.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, les orateurs qui ont parlé dans cette discussion ont reconnu avec moi que l’article 4 renfermait le principe vital de la loi, et que presque toutes les dispositions viennent, pour ainsi dire, s’emboîter dans le cadre de ce principe.

Si le gouvernement vient à retirer la loi, par suite du rejet de l’article 4, ce ne sera pas une raison pour nous abstenir de rechercher s’il n’y a pas lieu d’apporter à la loi actuelle d’autres modifications que celles renfermées dans le projet actuel et que toutefois nous croyons encore être les meilleures.

M. Verdussen. - Messieurs, je crois que le vote que la chambre va émettre, n’exprimera pas la véritable opinion de la chambre, on n’a pas traité en principe la question de savoir si toutes les localités de la Belgique qui se trouvent dans les conditions requises seront désignés comme lieux de déchargement.

M. Gendebien. - Si on veut clore la discussion, je ne parlerai pas, mais je n’ai qu’une observation à faire. Il me reste un doute, et ce doute, je dois, je veux l’éclaircir. A entendre certains orateurs, il semblerait que le vote affirmatif de la question posée, sera une sanction de la législation actuellement existante.

Plusieurs voix. - Non ! non !

M. Gendebien. - Je désire qu’on s’en explique.

M. de Brouckere a dit que le ministre serait de son droit s’il retirait la loi ; mais il a ajouté qu’il userait de son droit s’il présentait ou ne présentait pas un autre projet. C’est sur ce point que nous ne sommes pas d’accord. La constitution fait un devoir au ministre de présenter un autre projet. Lisez l’article 139 de la constitution. Il impose à la législature l’obligation de réviser tout le système d’impôt. Cette obligation a été si bien sentie pour le sel particulièrement, que même au congrès on a présenté un projet de loi.

Dans toute cette discussion, j’ai entendu qu’on s’occupait des intérêts du commerce et des raffineurs, des facilités à donner aux uns des privilèges même au préjudice des autres, mais jusqu’ici , à l’exception d’un seul orateur, il n’est personne qui ai dit un mot en faveur des consommateurs. Cependant, l’intention du congrès avait été surtout d’améliorer la position de la masse des consommateurs, d’amener la réforme des impôts, de faire cesser l’injustice qui a toujours pesé sur la classe la plus malheureuse.

M. le président. - Il s’agit de la clôture.

M. Gendebien. - Je motive mon opposition à la clôture et ma demande d’explications.

Quant à moi, je le répète, je pense que le ministre n’a pas le droit de faire ou de ne pas faire, mais que l’obligation lui est imposée par la constitution, de présenter une nouvelle loi sur le sel. C’est dans ce sens que je voterai contre l’article 4, parce qu’il constitue un privilège, et que je ne veux pas un privilège ; et non dans le sens qu’on pourrait plus tard attribuer au vote ; c’est-à-dire d’approuver et de maintenir la législation actuelle.

M. le président. - Vous n’avez la parole que sur la clôture.

M. Gendebien. - J’ai demandé une explication au ministre sur le sens du vote que la clôture devait amener, j’étais dans la question, je ne sais pas pourquoi vous m’interrompez.

M. le président. - J’avais le droit de vous interrompre, parce que vous n’avez la parole que sur la clôture et vous sortiez de la question.

M. Gendebien. - J’avais demandé la parole sur la clôture ; j’ai déclaré que si le ministre ne donnait pas une réponse satisfaisante à l’explication que je lui demandais, je m’opposerais à la clôture. J’étais dans mon droit, et vous ne deviez pas m’interrompre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, je dirai que si la constitution fait un devoir au gouvernement de présenter telle ou telle mesure, la chambre, quelle que soit sa décision, ne pourrait rien changer à cette obligation. Si, par conséquent, la constitution nous prescrit de présenter un projet de loi, il faudra bien qu’il vous arrive. Mais je ferai observer que la constitution ne désigne pas spécialement la loi sur le sel.

Je sais cependant que le congrès, dans une des dispositions de l’article 129, peut avoir eu en vue l’impôt. sur le sel, parce qu’il pèse sur tous les habitants sans distinction, et ce qui indiquerait que le congrès l’avait compris ainsi, c’est qu’il a été présenté à lui-même un projet en 1831, et qu’un autre a été soumis à la chambre en 1832, projets qui, sans avoir reçu les honneurs de la discussion politique, sont revenus au gouvernement pour être modifiés ; ce que le gouvernement croyait avoir fait, d’une manière convenable, dans le projet dont vous êtes saisis.

Quoi qu’il en soit, messieurs, si vous décidez que l’article 4 est inadmissible, à moins de présenter des amendements à tous les articles, il est évident que le projet actuel ne peut pas rester en discussion. Enfin, s’il faut modifier la législation actuelle sur le sel, le gouvernement ne sera pas considéré comme dégagé de cette obligation.

M. Eloy de Burdinne. - On vient de dire qu’on avait traité longuement la question d’utilité de changer la législation actuelle, mais à cela on a répondu, et on est tombé dans des erreurs qu’il faut faire ressortir ; sans cela, la chambre serait exposée à voter abusivement.

M. Desmet. - Messieurs, j’insiste beaucoup à parler pour vous engager de ne pas clôturer, car ce que vient de dire le ministre des finances prouve à l’évidence que nous devons continuer la discussion, car c’est la première fois qu’il vous fait connaître le motif pour lequel il fait dépendre toute la loi de la disposition de l’article 4. C’est, dit-il, que si vous placez deux ports d’arrivage, Ostende et Anvers, vous ne pouvez pas conserver dans la loi la circulation libre du sel brut. Je vous ferai d’abord remarquer que la section centrale n’a pas conservé cette libre circulation du sel brut, elle a voulu que la circulation du sel brut fût documentée, elle a senti combien on pouvait facilement frauder du sel brut quand on ne prenait pas cette précaution, et à la vérité quand on connaît un peu son pays et ses frontières surtout du côté de la mer, on doit sentir que le projet du ministre prêtera fortement à la fraude du sel, et que si la circulation de ce sel est libre, depuis le Doel jusqu’à l’Ecluse les Hollandais pourront toujours et sans crainte débarquer frauduleusement leur sel brut. Il paraît donc qu’on a plus peur de la fraude qui se ferait par les Belges et que de celle dont feraient un si grand usage nos ennemis.

- La clôture est mise aux voix et prononcée.

M. le président. - Voici la question proposée par M. Lebeau : « Modifiera-t-on les bases du système actuel sur l’importation du sel quant au lieu de déchargement. »

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je propose d’ajouter pour la vérification.

M. A. Rodenbach. - Je demande qu’on supprime le mot déchargement et qu’on dise seulement quant au lieu de vérification.

M. Dumortier. - On ne peut pas voter la question ainsi posée. Mais je voudrais modifier l’impôt, en faire un droit de douane au lieu d’un droit d’accise, c’est par la solution de cette question qu’il faudrait commencer.

M. A. Rodenbach. - Beaucoup de membres qui seraient disposés à répondre oui si on supprimait le mot déchargement, répondront non si on le maintient.

M. Lebeau. - Il y a clôture, M. Le ministre des finances n’a fait d’observation que pour mieux préciser ma pensée, en ajoutant le mot vérification. Par déchargement, on entend déchargement sans rompre charge, et quant aux modifications dont la législation actuelle est susceptible, la décision que prendra la chambre sur la question telle qu’elle est posée n’y mettra nul obstacle, que l’initiative du gouvernement ou d’un membre de cette chambre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Il est bien évident que dans l’opinion de M. Lebeau le déchargement n’a lieu que pour constater la quantité du sel. Ainsi quand on dit vérification ou déchargement, c’est absolument la même chose ; il s’agit de vérifier la quantité de sel qui ne peut se constater que par le déchargement.

On pourrait peut-être concilier la demande de l’honorable M. A. Rodenbach, si on rédigeait ainsi la question : « le déchargement pour vérification. » Mais c’est vraiment inutile ; car c’est ainsi que le mot déchargement seul est entendu dans le projet de loi.

M. Devaux. - Le mot déchargement dit tout ; car dans le langage de la loi on appelle lieu de déchargement le lieu où peuvent arriver les navires et faire une déclaration en gros, sans rompre charge. D’après la législation de 1816, de 1819 et de 1822, c’est là ce qu’on appelle lieu de déchargement.

- La question suivante : « Modifiera-t-on les bases du système actuel sur l’importation du sel, quant aux lieux de déchargement ? » est mise aux voix par appel nominal.

Voici le résultat du vote :

76 membres sont présents.

1 (M. Seron) s’abstient.

75 membres prennent part au vote.

29 répondent affirmativement.

46 répondent négativement.

La chambre a résolu la question négativement.

Ont répondu affirmativement : MM. Bekaert-Baeckelandt, de Florisone, de Langhe, de Meer de Moorsel, Demonceau, Desmanet de Biesme, de Theux, d’Huart, Donny, Dumortier, Eloy de Burdinne, Ernst, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Mercier, Milcamps, Nothomb, Raikem, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Thienpont, Vandenbossche, Verdussen, Wallaert, Willmar, Zoude.

Ont répondu négativement : MM. Andries, Angillis. Beerenbroeck, Coghen, Coppieters. Corneli, David, de Brouckere, de Jaegher, de Man d’Attenrode, de Mérode (Félix), de Muelenaere, de Perceval, Dequesne, de Renesse, de Roo, Desmet, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus (Bernard), Gendebien, Lebeau, Lecreps, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Metz, Morel-Danheel, Polfvliet, Raymaeckers, Rogier, Smits, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Vergauwen, Verhaegen, Vilain XIIII.

M. Seron exprime en ces termes les motifs de son abstention. - Voter pour ou contre, c’était adopter l’impôt ; je n’en veux pas ; voilà pourquoi je me suis abstenu.

M. de Brouckere. - Je crois qu’il faudrait laisser à l’ordre du jour de demain la loi sur le sel. Le gouvernement aura maintenant à s’expliquer sur le retrait ou le non-retrait de la loi.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je me suis expliqué ; mon opinion est qu’il faut retirer la loi, je l’ai déclaré ; mais il n’appartient pas à moi seul de retirer la loi ; il faut que j’en réfère.

M. de Brouckere. - C’est pour cela que je demande que la loi ne soit pas retirée de l’ordre du jour ; si le ministère n’est pas en mesure de s’expliquer demain, la loi restera à l’ordre du jour pour la séance suivante.

Projet de loi qui autorise le prélèvement d'une remise au profit de l'Etat sur la recette des revenus provinciaux et communaux, pour frais de perception

Rapporteur de la section centrale

M. Heptia dépose le rapport sur le projet de loi relatif à la comptabilité provinciale.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.

La séance est levée à heures et demie.