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Chambres des représentants de Belgique
Séance du vendredi 11 mai 1838

(Moniteur belge n°132, du 12 mai 1838)

(Présidence de M. Raikem.)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. B. Dubus fait l’appel nominal à une heure et demie.

M. Kervyn lit le procès-verbal de la séance d’hier ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. B. Dubus fait connaître l’analyse des pétitions suivantes adressées à la chambre.

« Le sieur Malherbe de Goffontaine adresse des observations à l’appui de sa pétition du 9 de ce mois. »

- Renvoi à la section centrale du budget de la guerre qui a été chargée d’examiner les crédits arriérés de ce département.


« Un grand nombre d’habitants notables de la ville d’Arlon demandent que l’intégrité du territoire soit maintenue. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur A. Buesson, ex-sergent d’infanterie, né à Hanovre, demande la grande naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet qui augmente le personnel de certains tribunaux de première instance

Rapport de la commission

M. de Behr dépose le rapport sur le projet d’augmentation du personnel de plusieurs tribunaux.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce rapport.

M. de Brouckere. - Je demande que la chambre fixe le jour où elle s’occupera de ce rapport, sauf, si elle le juge à propos, à ne s’occuper, quand ce jour arrivera, que de la partie la plus urgente de ce rapport.

- La chambre consultée fixe la discussion de ce rapport à lundi prochain, 14 du courant.

Projet de loi autorisant un emprunt affecté à l'extinction de 10 millions de bons du trésor et à la continuation des travaux du chemin de fer

Discussion des articles et motion d'ordre demandant le renvoi d'un amendement à la section centrale, pour en faire une proposition séparée

Article premier

M. le président. - La discussion continue sur l’article premier, sur l’amendement de M. de Puydt et sur les propositions de MM. Dubus (aîné) et Pollénus.

La parole est continuée à M. Pollénus pour développer sa proposition.

M. Pollénus. - J’ai puisé l’idée de la proposition que j’ai eu l’honneur de faire à la séance d’hier dans la réflexion par laquelle l’honorable M. Desmaisières a terminé son discours. Cet honorable collègue, après avoir présenté quelques réflexions sur le projet d’établissement de la station aux Bogards, a fini par dire qu’il lui semblait que cela devait faire l’objet d’une loi spéciale.

L’importance de l’établissement de cette station, l’influence qu’elle peut exercer sur la facilité des communications, l’énormité de la dépense qu’elle doit entraîner, toutes ces considérations vous ont été développées ; et les trois séances que la chambre a consacrées à la discussion de cette question vous en démontrent toute l’importance.

D’après les plans qui ont été confectionnés et dont j’ai obtenu communication, je vois que le système de l’établissement de la station des Bogards nécessiterait l’établissement d’un embranchement à la ligne principale. Les lois de 1834 et 1837 établissent les grandes lignes de communication ; la station projetée dérange le système de ces lignes. Le gouvernement se propose donc de créer de sa propre autorité un embranchement en dehors des lignes déterminées par les lois.

Par la proposition que j’ai eu l’honneur de faire, j’ai voulu mettre la chambre dans le cas d’émettre son opinion, à la suite de l’examen auquel elle s’est livrée depuis trois jours ; j’ai voulu que la chambre déclarât si elle a l’intention d’abandonner au gouvernement la faculté d’établir telle ligne, tel embranchement qu’il voudra, en dehors de ceux établis par les lois.

Je sais très bien que la proposition telle que je l’ai rédigée à la hâte, pour atteindre le but que je me propose, doit s’appliquer au plan que j’ai sous les yeux ; car on pourrait placer la station aux Bogards, continuer la ligne jusqu’à la station de l’Allée-Verte et échapper ainsi à l’application de ma proposition telle que je l’ai rédigée. Mais mon but est que si l’on veut établir une station aux Bogards (qu’il est impossible d’établir sans faire un embranchement en dehors de la grande ligne de communication), la chambre décide si elle entend, oui ou non, que cet objet soit examiné particulièrement et fasse l’objet d’une loi spéciale. Je ne tiens pas à ma rédaction. Mon but est, comme je viens de le dire, qu’une loi spéciale règle tous les embranchements en dehors de la ligne déterminée par la loi. Cette station des Bogards donnera lieu à un embranchement assez considérable. J’ai voulu qu’il ne pût être exécuté sans une loi spéciale. Je dis que cet embranchement est considérable ; en effet, il sera de 800 mètres en dehors de la ville et de 400 mètres en ville ; ensemble 1,200 mètres. Je crois que les déclarations de M. le ministre des travaux publics ne doivent pas diminuer dans notre esprit l’importance que nous attachons à la station des Bogards. Pour moi, il m’est impossible d’admettre, quand je vois le tracé de l’ingénieur Vifquain, qu’un embranchement traversant de part en part le faubourg de Flandre n’entraînera pas d’énormes dépenses.

Je ne puis croire que le gouvernement exécute jamais le projet de réunir la station des Bogards à celle de l’Allée-Verte.

Je pense donc que si vous admettez que la station y soit établie, une solution réelle de continuité existera, et on vous dira plus tard qu’on y a été amené par la force des choses.

Je ne vois pas quel motif aurait le gouvernement de s’opposer une proposition tendant à empêcher l’établissement de cette station sans que la chambre s’en soit occupée d’une manière spéciale ; car cela ne se rattache pas directement à la loi.

Cette même objection a été faite contre la proposition de l’honorable M. de Puydt : on a dit qu’il fallait conserver au projet sa simplicité. M. le ministre des travaux publics lui-même a demandé dans ce but le renvoi de cette proposition à la section centrale, pour qu’elle fût l’objet d’un examen approfondi. Je demande si à l’occasion d’une loi d’emprunt, lorsque nous apprenons que le gouvernement se propose de dévier du système de chemins de fer établi par la loi de 1834, ce nouveau système ne doit pas être considéré comme déviant de la simplicité du projet de loi.

Pour moi je dis qu’il est de la dignité de la chambre, après s’être occupée pendant trois jours de la question de la station des Bogards d’émettre une opinion sur cette question. Tel est le seul but de ma proposition.

M. Lebeau. - Le but, sans doute, de l’honorable M. Dubus, en demandant le renvoi aux sections, n’est pas d’ajourner la proposition de l’honorable M. de Puydt à la session prochaine. Je ne crois pas que ce soit là son but ; car s’il en était ainsi, il ne voudrait pas assurément y arriver par une voie détournée ; il le déclarerait franchement. Or je n’hésite pas à dire que si ce n’est pas le but de la proposition du préopinant, c’en sera le résultat évident. Il suffit de voir à quelle époque nous sommes arrivés et quelles sont les dispositions de la chambre pour être convaincu que le renvoi aux sections, c’est le renvoi à la session prochaine.

M. Duvivier et M. Pirson. - Cela est clair.

M. Lebeau. - Je ne crois pas que la chambre doive consentir à un tel renvoi que repousse énergiquement l’intérêt de nos communications.

Je veux bien abonder, jusqu’à certain point, dans le sens de l’honorable auteur de la motion. Je veux bien convenir avec lui qu’il est sage de soumettre à un examen préalable la proposition de M. de Puydt. Sous ce point de vue j’appuie volontiers le renvoi à la section centrale.

J’admets encore qu’il est convenable de faire de la proposition de M. de Puydt une proposition spéciale. Il y a, ce me semble, entre autres raisons, un motif de convenance pour en agir ainsi : il faut prévoir le cas où le sénat ne voudrait pas adopter la proposition de M. de Puydt ; il ne faut pas le mettre dans la nécessité, en comprenant cette proposition dans la loi d’emprunt, de se faire violence à lui-même en adoptant une loi complexe, ou de placer le gouvernement dans une position très fausse en rejetant la loi tout entière. Sous ce rapport encore j’abonde dans les idées de l’honorable préopinant : j’appuie le renvoi à la section centrale ; je pense qu’il convient qu’elle fasse de la proposition de M. de Puydt une proposition spéciale sur laquelle la chambre statuerait avant la fin de la session.

Je dis qu’il y a urgence ; en effet, je l’ai déjà fait remarquer, nous ne sommes pas éloignés de l’époque de la réunion des conseils provinciaux. Si vous voulez considérer maintenant l’émulation et le zèle qui ont si honorablement caractérisé les premières réunions des assemblées provinciales, vous reconnaîtrez qu’il faut mettre le gouvernement à même de seconder et de féconder ces bonnes dispositions. Par le renvoi à la session prochaine, vous agiriez en sens contraire ; c’est-à-dire qu’au lieu de porter l’encouragement dans ces assemblées, vous y porteriez le découragement.

Il ne faut pas le méconnaître, les premières réunions des représentants des provinces ont été signalées par leur zèle pour seconder l’intention du gouvernement et des chambres, pour améliorer les communications publiques. Je crois qu’il faut profiter de ces bonnes dispositions, et, je ne puis assez le répéter, les encourager et non pas les décourager,

Si, d’autre part, nous examinons quelle est la marche progressive du produit des barrières, que les 300,000 fr. environ d’excédant sur ce produit, comparé à 1835, couvriraient à eux seuls l’intérêt à 5 p. c. de l’emprunt de six millions, l’intérêt et l’amortissement si l’emprunt était contracté à 4 p. c., nous serons convaincus que nous n’obérerons pas le trésor public, mais que nous ferons chose utile aux finances de l’Etat, en créant de nouvelles ressources pour le trésor ; car l’excédant des barrières dernièrement adjugées, comparé à 1831, peut être attribué en partie à ce que le gouvernement a été mis à même de combler plusieurs lacunes déjà signalées dans les communications, et à ce que plusieurs routes provinciales ont été achevées, grâce à l’élan que j’ai déjà signalé et aux encouragements donnés par le gouvernement. Ces routes ont abouti à des routes de l’Etat et les ont vivifiées.

Je crois ne pas devoir aller plus loin, puisqu’il s’agit d’une motion d’ordre.

J’insiste pour le renvoi de la proposition de l’honorable M. de Puydt. Ce sera d’autant plus avantageux que M. le ministre des travaux publics pourra communiquer plus aisément aux sections qu’à la section centrale tous les documents manuscrits nécessaires. Ceux qui voudront avoir des renseignements pourront se rendre dans le sein de la section centrale et s’y rendront ; car je ne crois pas que la section centrale ait adopté l’huis-clos pour règle dans les délibérations.

Je demande donc le renvoi à la section centrale avec invitation de faire un prompt rapport. Je demande en outre que la proposition de M. de Puydt devienne une proposition spéciale dont la chambre pourra être saisie par la section centrale.

M. de Puydt. - Après ce que vous venez d’entendre, j’aurai peu de chose à dire en faveur du renvoi de ma proposition à la section centrale. Je me rallie à ce qu’a proposé à cet égard M. le ministre des travaux publics. Je considérais le renvoi aux sections comme un ajournement indéfini que je dois nécessairement refuser.

S’il s’agissait d’une proposition nouvelle, d’une proposition intempestive sur laquelle la chambre eût des renseignements à demander, je concevrais le renvoi aux sections, la nécessité d’une instruction préalable et par suite l’ajournement à la session prochaine. Mais remarquez que ma proposition n’est autre chose qu’une augmentation des 6 millions votés par la loi du 2 mai 1836. Or, cette proposition a été votée deux ans après qu’elle avait été faite et après qu’on s’était éclairé de toutes les lumières possibles. Si on croit d’ailleurs de nouveaux renseignements nécessaires, la section centrale pourra se les procurer ; ainsi sera rempli le but des honorables membres qui ont demandé le renvoi aux sections.

L’honorable M. d’Hoffschmidt a dit hier qu’il s’était concerté avec moi pour présenter cette proposition ; mais il a ajouté des développements qui, par la manière dont ils ont été interprétés, paraissent avoir induit la chambre en erreur. Je me suis en effet concerté avec cet honorable membre, mais je désavoue tout ce qui, dans ses explications, a paru obscur par l’interprétation qu’on en a faite. Je n’ai pas fait ma proposition dans l’intérêt d’une seule province. Une proposition que j’ai faite, consignée dans une loi déjà votée, n’a pas été faite dans l’intérêt d’une seule province.

Je dois exprimer tout le regret que j’éprouve de voir que l’honorable M. Dolez se soit tellement trompé sur les intentions. Je ne suis pas homme à prendre des moyens détournés. Quand je veux atteindre un but, j’y marche droit. Si j’avais voulu un fonds spécial pour la province du Luxembourg, je l’aurais dit dans mon amendement. Je prie donc la chambre de se rappeler que les trois millions dont je demande l’augmentation seraient votés dans l’intérêt de toutes les provinces et non d’une seule.

M. d’Hoffschmidt. - Je dois réclamer aussi contre l’interprétation donnée par l’honorable M. Dolez à mes paroles. J’ai dit qu’il fallait dédommager, au moyen de l’augmentation proposée, les provinces qui n’ont pas de chemin de fer, et comme la province du Luxembourg est dans ce cas, je l’ai citée ; mais je ne crois pas qu’on puisse induire de là que j’ai considéré ces 3 millions comme un fonds spécial pour la province du Luxembourg. Telle n’a pas été mon intention, et je ne crois pas l’avoir exprimée.

L’honorable préopinant a dit : Je désavoue ; mais il ne peut désavouer qu’il se soit entendu avec moi pour faire sa proposition. Je lui demande de s’expliquer sur ce point, sans cela on pourrait croire que j’en ai imposé à la chambre et au public.

M. de Puydt. - Si j’ai dit : Je désavoue, je retire cette expression. J’ai voulu dire que je repousse l’interprétation donnée aux explications de M. d’Hoffschmidt.

M. Lejeune. - J’appuie la proposition de l’honorable M. Dubus aîné comme un moyen de ne pas être forcé de voter contre l’amendement de l’honorable M. de Puydt, qui au fond a toute ma sympathie. Je pense qu’il n’y aurait rien de plus imprudent et de plus inconséquent que de voter maintenant 3 millions, et d’examiner demain ou après-demain quel emploi a été fait des fonds déjà votés.

Hier, M. le ministre des travaux publics a dit : La chambre verra ce qui a été fait et ce qui reste à faire. Eh bien, quand nous aurons le rapport sous les yeux, nous pourrons apprécier ce qui a été fait et voir si nous avons besoin de fonds pour ce qui reste à faire.

Un honorable député du Luxembourg a eu grand tort de dire que si on n’obtenait pas maintenant 3 millions comme surcroît de crédit pour constructions de routes, on ne les obtiendrait plus jamais. Je ne suis nullement de l’avis de cet honorable membre. J’ai eu l’occasion de dire dans la discussion du budget des travaux publics que le Luxembourg est la province qui doit être le mieux partagée dans la répartition des fonds pour construction de routes.

Pour ma part, je puis assurer l’honorable membre que mon vote ne lui manquera pas pour tout ce qu’il convient de donner au Luxembourg en raison du petit nombre de ses routes et en compensation de ce qu’il n’obtient pas un chemin de fer. Si le Luxembourg doit obtenir quelque chose de plus que les autres provinces, il y a cependant une limite qui ne doit pas être dépassée : après que le rapport de M. le ministre des travaux publics nous aura éclairés sur ce point, nous voterons la somme nécessaire, c’est-à-dire 3, 6 ou même 9 millions s’il le faut, et si nous trouvons cette somme nécessaire pour compléter le système des communications dans l’intérêt général du pays.

Je crois pouvoir dire encore, à cette occasion, que le mouvement imprimé pour l’amélioration des communications ne peut s’arrêter aux chemins de fer, ni aux grandes routes, mais qu’il doit se communiquer jusqu’aux chemins vicinaux. On ne peut toujours accorder des chemins de fer, des routes pavées ; mais il y a d’autres moyens de communication, Si la discussion de la loi sur les chemins vicinaux est différée, nous espérons que ce délai permettra de lui faire éprouver beaucoup de changements. Il ne s’agit plus de s’en tenir aux anciens règlements ; il ne faut plus que des chemins vicinaux soient impraticables pendant plusieurs mois de l’année.

Je voterai l’adoption de la proposition de M. Dubus, afin que la proposition de M. de Puydt soit mûrement examinée, et qu’on ne s’arrête pas à un emprunt de trois millions s’il est nécessaire d’en faire un plus considérable.

M. Pirson. - Je ne pourrai pas dire mieux que le préopinant, mais j’appuierai la proposition de M. Lebeau. Comme vous l’a fort bien fait observer M. Lebeau, l’impulsion est donnée dans les provinces ; l’arrêterez-vous ? Le ministre des travaux publics a déclaré que le fonds de six millions était absorbé ; il faut donc quelque chose pour continuer. Si vous renvoyez aux sections, je pose en fait que le temps manque pour accorder quelque chose au ministre ; si, au contraire, vous renvoyez à la section centrale, nous pourrons espérer que vous lui accorderez, non pas six ou neuf millions, comme a dit M. Lejeune, mais trois millions ; alors il y aura continuité de travaux et vous aurez le temps d’attendre pour vous livrer à un examen plus étendu. Vous ne voulez pas de discontinuité pour les chemins de fer ; il n’en faut pas non plus pour les routes pavées.

M. F. de Mérode. - Je suis bien aise de dire qu’il faut faire quelque chose pour les localités qui n’ont pas de chemin de fer. Il est deus contrées où il y a chemin de fer, canaux, routes pavées ; il en est d’autres qui n’ont rien ; puisqu’on vote des sommes immenses pour les chemins de fer, on doit faire quelque chose pour les localités déshéritées de tous moyens de communication.

M. Dubus (aîné). - Que le préopinant ait sa conviction formée d’avance et veuille que l’on vote sans autre examen, je le conçois ; mais moî.je suis dans une autre position et je veux un examen. Il est de fait que cet examen serait insuffisant si l’emprunt des trois millions était renvoyé à la section centrale. Elle a été chargée de l’examen de l’emprunt des 37 millions, et de la conversion de la dette ; les commissaires qui la formaient n’avaient pas reçu d’autre mandat des sections.

Mais, nous dit-on, arrêterez-vous l’impulsion qui s’est manifestée dans les conseils provinciaux ? Voulez-vous la discontinuité des travaux ? Je ne veux ni l’un ni l’autre ; je ferai seulement observer que les honorables membres ont pensé à cela un peu tard : pourquoi faire la proposition à la veille ou à l’avant-veille de notre séparation ? De ce que la proposition est tardive, est-ce une raison pour voter sans examen ? La somme de six millions n’est pas dépensée, je crois ; depuis trois ans on est arrivé à la répartition…

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Elle est engagée, cela suffit.

M. Dubus (aîné). - Les travaux ne seront pas arrêtés, parce que vous prendrez quelques jours pour procéder à un examen convenable. Beaucoup d’honorables membres font des objections graves à cause de la répartition des six millions ; je ne me rends pas l’organe de ces plaintes, mais il faut qu’elles soient appréciées, et elles doivent l’être dans les sections.

M. Lebeau. - Je ne crois pas qu’il soit dans l’intention des membres de cette chambre de voter sans examen : tout le monde veut l’examen ; mais on le veut dans les termes de ce qui est possible. S’il était possible dans les sections, je me rallierais à la proposition de M. Dubus. Mais, de bonne foi, le renvoi aux sections n’est-ce pas le renvoi à la session prochaine ? Cela est certain. Est-ce là ce qu’on veut ? Qu’on le dise ; que l’on demande la question préalable.

On dit : La section centrale n’a pas été nommée pour l’examen de la question : cela est très naturel ; on n’y a pas pensé dans les sections ; on y ignorait que le fonds des six millions fût à peu près épuisé ; il a fallu les communications établies entre le ministre des travaux publics et les membres de cette chambre pour voir que ce fonds était presque épuisé, et cela à la veille de la réunion des conseils provinciaux.

Y a-t-il nécessité de consulter les sections ? Que feront-elles ?

Elles se réuniront pour nommer chacune leurs rapporteurs, qui entendront le ministre sur le chiffre encore disponible, sur la répartition qu’il a opérée, sur l’aperçu de l’emploi des nouveaux fonds. Eh bien, une commission, quelle qu’elle soit, recueillera parfaitement ces renseignements et n’aura autre chose à faire qu’à vous les présenter sous la forme la plus claire dans son rapport, que vous aurez le temps de méditer.

Tout cela peut être effectué par toute section, par toute commission prise au hasard.

Messieurs, ne ralentissez pas, je vous en conjure, le zèle du gouvernement, le zèle des conseils provinciaux pour améliorer nos communications. Il ne s’agit pas de cadeaux à faire aux provinces. Quand le gouvernement leur accorde des subsides, il a bien soin d’exiger qu’elles contribuent aux dépenses pour la plus grande part, et de stipuler que les routes feront retour à l’Etat après un certain nombre d’années. L’Etat aura longue vie (nous devons le supposer ainsi), et il recueillera un jour le produit des travaux exécutés maintenant à l’aide de quelques encouragements.

La conséquence de la motion de M. Dubus serait d’arrêter l’élan du gouvernement et des provinces, de les décourager. Nommez une commission maintenant ; elle examinera ce qui a été accordé à chaque province, les sacrifices qu’elles ont faits ; les sections ne feront pas cela ; elles se borneront, je l’ai déjà dit, à nommer des rapporteurs ; tout ce que vous y gagnerez certainement sera le renvoi à la session prochaine.

M. Desmet. - Messieurs, j’appuierai aussi le renvoi aux sections. Je désire vivement que lorsqu’on fait de si grandes dépenses pour les chemins de fer, on encourage aussi la construction des routes ordinaires ; cependant, il paraît que l’emprunt que nous avons voté il y a quelques années n’a pas été employé conformément au but que nous nous étions proposé, il paraît même qu’il a été employé dans un but contraire : lorsque nous avons voté l’emprunt de 6,000,000, nous avons voulu qu’il fût employé à la construction de routes exigées par l’intérêt général, à l’achèvement des routes commencées, à l’encouragement de la confection des routes utiles au pays, que des sociétés demandaient à pouvoir exécuter, moyennant un subside à accorder par le gouvernement. Si je suis bien informé, on a agi dans un tout autre sens ; on a construit, au moyen des six millions, des chemins pavés qui sont de véritables impasses, qui ne sont que dans l’utilité de trois ou quatre communes rurales, et qui n’aboutissent à aucune route, tandis qu’on a fortement négligé les chemins qui étaient d’un intérêt général.

Par suite de ces faits, messieurs, je suis obligé d’appuyer le renvoi aux sections afin que la proposition soit mûrement examinée, afin surtout qu’il soit pris des mesures pour que les fonds qui nous sont demandés soient employés d’une manière conforme aux intentions de la chambre.

M. de Jaegher. - Je voterai aussi, messieurs, le renvoi aux sections. La chambre avait demandé qu’il lui fût rendu compte de l’emploi des six millions ; je pense que nous ne pouvons voter de nouveaux fonds avant que ce compte n’ait été rendu, avant que nous ne connaissions l’emploi qui a été fait du premier emprunt. Si la chambra agissait de cette manière, ce serait véritablement décider que la demande quelle a faite, d’obtenir un compte-rendu de l’emploi des fonds qu’elle a votés, ce serait décider, dis-je, que cette demande a été complétement inutile, et qu’elle est nulle et non avenue.

Il est des provinces, messieurs, qui ont fait des sacrifices assez considérables pour perfectionner leurs moyens de communication ; d’autres en sont restées à de premières tentatives ; eh bien, avant que la chambre ne s’engage plus avant dans le système des emprunts pour la confection de routes, il est nécessaire qu’elle sache quelle a été la part contributive de chacune des provinces dans le capital général qui a été employé. D’après ces considérations, messieurs, quel que soit mon désir de favoriser l’ouverture de nouvelles communications, je dois néanmoins voter le renvoi aux sections, parce que je ne suis pas suffisamment éclairé sur la question.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, dans bien des circonstances, on a renvoyé à l’examen de commissions des questions tout au moins aussi importantes que celle qui nous occupe en ce moment ; vous pouvez donc aussi très bien renvoyer celle-ci à la section centrale, considérée comme commission spéciale, et vous pouvez d’autant mieux le faire, que d’ici au moment où la section centrale présentera son rapport, chaque membre de la chambre aura tous les renseignements qu’on réclame en ce moment. C’est le 4 de ce mois que M. le ministre des travaux publics a déposé sur le bureau de la chambre le compte-rendu de l’emploi des 6 millions, et il est probable que quelques membres ont déjà vu les tableaux de ce compte-rendu ; il y a même lieu de le croire d’après différentes observations qui ont été présentées dans la séance d’hier et dans celle d’aujourd’hui ; quoi qu’il en soit, ce compte-rendu est imprimé et sera distribué demain ou dimanche, de sorte que quand la commission fournira son rapport, chaque membre aura sous les yeux tous les éléments nécessaires non seulement pour contrôler les opérations du ministre des travaux publics, mais encore pour vérifier le travail de la commission, et par conséquent pour se prononcer en connaissance de cause sur la question de savoir s’il faut admettre oui ou non une majoration de l’emprunt des six millions.

J’ajouterai, messieurs, qu’il y a une certaine urgence pour que la chambre se prononce. Si vous voulez ajouter cette année une somme aux 6,000,000 que vous avez votés précédemment, il convient que vous le décidiez dès maintenant, car il serait onéreux et imprudent de devoir recourir successivement et à peu d’intervalle à des emprunts, une telle manière de procéder n’est pas usitée impunément pour le crédit public, et il est dès lors important, si vous voulez décider qu’il y a lieu à augmenter d’une somme quelconque le fonds spécial des routes paves et ferrées, que vous donniez au gouvernement le moyen d’emprunter cette somme en même temps que les 37 millions du chemin de fer. Tous les membres de cette chambre qui ont des connaissances spéciales en matière de finance, conviendront, j’en suis certain, qu’il est préférable pour le crédit public de faire en une seule fois l’emprunt nécessaire aux deux destinations que de l’opérer par fractions séparées.

Je crois donc, messieurs, que dans l’intérêt du crédit public il faut admettre ou rejeter immédiatement l’augmentation réclamée pour le développement ultérieur des routes ordinaires.

L’honorable M. Lebeau a signalé les inconvénients qu’il y aurait à ne pas mettre le gouvernement en position de continuer, comme il l’a fait jusqu’à présent, des subsides aux provinces qui sont disposées à voter des fonds pour la construction de routes. En ce moment, les six millions sont engagés en entier, à quelques milliers de francs près ; eh bien, lorsque les conseils provinciaux vont se réunir prochainement, s’ils savent que le gouvernement n’a plus à sa disposition de moyens immédiats de seconder les projets qu’ils pourraient lui soumettre, ils s’abstiendront de telles propositions, ils ne demanderont pas à construire de nouvelles routes en offrant, par exemple, d’y contribuer pour les 2/3 ou telle autre quotité, si le gouvernement ne peut, de son côté, garantir qu’il y contribuera pour le complément de la dépense ; l’élan qui est donné maintenant sera dès lors tout à coup arrêté. Il importe donc, sous plusieurs rapports, de renvoyer la proposition à la section centrale, afin qu’elle puisse être discutée avant la fin de la session.

De toutes parts. - La clôture ! la clôture !

- La clôture, en ce qui concerne l’amendement de M. de Puydt, est mise aux voix et prononcée.

La proposition de M. Dubus, tendant à renvoyer l’amendement aux sections comme projet de loi séparé, est mise aux voix ; deux épreuves sont douteuses.

On procède à l’appel nominal ; en voici le résultat :

83 membres prennent part au vote.

41 adoptent.

42 rejettent.

En conséquence la proposition n’est pas adoptée.

Ont voté l’adoption : MM. Angillis, Bekaert, Coghen, Coppieters, de Brouckere, de Florisone, de Jaegher, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, de Muelenaere, de Perceval, Dequesne, de Roo, Desmaisières, Desmet, Doignon, Dolez, Dubois, Dubus (aîné), B. Dubus, Hye-Hoys, Kervyn, Lardinois, Lecreps, Lejeune, Maertens, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Pirmez, Polfvliet, A. Rodenbach, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Verdussen, Vilain XIIII et Raikem.

Ont voté le rejet : MM. Andries, Beerenbroeck, Brabant, Corneli, David, de Behr, Dechamps, de Langhe, de Longrée, F. de Mérode, Demonceau, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmanet de Biesme, de Terbecq, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Duvivier, Eloy de Burdinne, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Jadot, Keppenne, Lebeau, Meeus, Metz, Nothomb, Peeters, Pirson, Pollénus, Raymaeckers. Scheyven, Simons, Vandenbossche, Vandenhove, Verhaegen et Zoude.

- La proposition de M. Lebeau et de M. le ministre des travaux publics, qui tend à renvoyer l’amendement comme projet de loi spécial, à la section centrale, considérée comme commission, est mise aux voix et adoptée.

La chambre reprend la discussion de l’article premier.

M. Pirmez. - Messieurs, plusieurs honorables membres de cette chambre, en parlant dans cette discussion, ont jugé à propos de rappeler leurs antécédents ; je crois devoir dire aussi quelques mots sur la manière dont j’ai agi antérieurement.

Vous savez que j’ai toujours eu pour système qu’il fallait que le gouvernement fût libre dans l’administration, et que la chambre ne pouvait pas s’y immiscer. Si aujourd’hui je parais suivre une route différente, c’est que je suis intimement convaincu que le gouvernement va s’engager dans une voie qui sera très préjudiciable au pays.

Vous avez donné au gouvernement dans l’administration du chemin de fer un pouvoir absolu. Il peut décider les questions les plus importantes ; il peut déterminer les lieux par où passera le chemin de fer ; il peut fixer le prix des péages. Vous lui avez donné réellement carte blanche.

Je crois qu’en général il doit en être ainsi. Si nous avions prétendu nous immiscer, je ne dis pas seulement, dans les détails de l’administration du chemin de fer, mais encore dans toutes les questions principales telles, par exemple, que celles des lieux où le chemin de fer aurait passé et où il se serait arrêté, nous serions tombés dans un dédale dont il nous aurait été bien difficile de sortir, en présence des réclamations que chacun serait venu faire en faveur de son clocher. Il était dès lors nécessaire de laisser au gouvernement un pouvoir étendu.

Mais, messieurs, lorsque nous voyons que le gouvernement est près d’entrer dans une voie qui, selon moi, doit être préjudiciable au pays, il est de notre devoir de tâcher de l’arrêter dans cette voie ; nous en avons le droit, et nous devons, je crois, en user.

Je dis, messieurs, que le gouvernement va s’engager dans un système préjudiciable au pays, et je tire cette opinion des idées que le gouvernement a émises sur les stations du chemin de fer.

Les idées que le gouvernement a émises à cet égard sont tout à la fois opposées au principe du chemin de fer qui est la célérité.

Vous devez, messieurs, vous opposer à l’exécution de ces idées, non pas en vous immisçant dans l’administration, en disant, par exemple, qu’il y aura une station, soit à l’Allée-Verte, soit aux Bogards ; mais en posant une règle générale qui empêche le gouvernement de faire quoi que ce soit, qui puisse être contraire au principe du chemin de fer.

Vous vous rappelez, messieurs, tout ce que le gouvernement a dit sur la nécessité qu’il y a à avantager Bruxelles, c’est-à-dire à faire passer les étrangers par Bruxelles. L’on a considéré cela comme un avantage pour le pays. Si ce principe est vrai pour Bruxelles (et pour moi il est aussi faux pour Bruxelles que pour les autres villes), mais enfin, si ce principe est vrai pour Bruxelles, il doit être vrai aussi pour les autres localités.

Ainsi, messieurs, je crois que vous pouvez établir une règle générale, en vertu de laquelle le gouvernement n’aura pas le droit de mettre un point d’arrêt forcé nulle part au chemin de fer. Je ne voudrais donc pas qu’on votât l’emprunt sans un article additionnel qui serait ainsi conçu :

« Cet emprunt n’est consenti qu’à la condition qu’il ne pourra, sans une autorisation de la législature, exister sur le chemin de fer aucune solution de continuité, ni être établi des stations plus rapprochées les unes des autres que d’une distance de 5 kilomètres. »

Je n’insisterai pas beaucoup sur cette distance ; si l’on pense qu’il y ait lieu de la changer, je ne m’y opposerai pas. Mon but principal est d’empêcher le gouvernement d’établir un arrêt forcé.

J’ai parlé de stations dans mon amendement, parce que, réellement, d’après les idées des ministres, une station est une solution de continuité. Ils vous ont dit qu’il n’y aurait pas de solution de continuité ; je sais que matériellement il n’y en aura pas ; mais il y en aura dans le fait.

Que vous ont dit MM. les ministres ? Nous arrangerons, ont-ils dit, les choses non pas de manière à empêcher les voyageurs de traverser directement la Belgique, mais de manière à ce qu’il y ait plus d’avantage pour eux à passer par Bruxelles qu’à suivre le chemin de fer.

Je vous le demande, messieurs, si ce n’est pas là établir en réalité une solution de continuité ? N’est-ce pas dès lors détruire le principe du chemin de fer qui est la célérité ?

Je vous prie, messieurs, de vouloir remarquer que, par mon amendement, je ne dis pas qu’il n’y aura pas plusieurs stations ; je veux seulement que vous vous réserviez le droit de vous prononcer sur la question de savoir s’il y aura une solution de continuité sur le chemin de fer. Je le répète, les idées que MM. les ministres ont mises en avant, nous font un devoir de nous réserver ce droit. Quand nous avons l’exemple de la manière dont on a agi en ce qui concerne le canal de Charleroy, nos craintes ne sont-elles pas légitimes ? Est-ce qu’il y a quelque chose de plus scandaleux que les écluses du canal de Charleroy ?

Remarquez bien qu’en posant dans la loi un semblable principe, vous ne ferez nullement acte d’administration ; je le dis encore une fois, vous vous réservez simplement le droit de vous prononcer sur la question de savoir s’il y aura une solution de continuité sur le chemin de fer. Voilà le but de mon amendement.

Je n’en dirai pas davantage pour le moment ; je me réserve de répondre aux objections qu’on fera contre mon amendement.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Messieurs, l’honorable M. Pirmez propose en réalité par son amendement de décider qu’il n’y aura pas de station aux Bogards, et il eût été plus convenable qu’il eût proposé cela en termes formels ; chacun eût mieux compris la portée de l’amendement.

M. Pirmez fait un signe de dénégation.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Je vais démontrer que c’est la défense d’établir la station des Bogards que vous voulez faire consacrer ; en effet, si vous aviez entendu vous borner au résumé des développements de l’opinion que vous aviez d’abord soutenue, vous auriez simplement demandé qu’il n’y eût pas de solution de continuité.

Mais vous ne vous arrêtez plus là, vous proposez d’interdire l’établissement de stations à moins de 5 kilomètres l’une de l’autre ; or la station des Bogards ne serait guère qu’à un quart de lieue de l’Allée-Verte, le but de l’amendement que vous présentez est donc la prohibition d’une station à l’intérieur de Bruxelles.

Evidemment, messieurs, si l’auteur de l’amendement avait seulement voulu qu’il fût écrit dans la loi qu’il n’y aurait pas solution de continuité dans la ligne du chemin de fer, il n’aurait pas proposer autre chose, il aurait demandé qu’on consacrât simplement dans la loi les déclarations réitérées du ministre des travaux publics, lequel est, lui-même, tellement contraire à la solution de continuité, qu’il a démontré qu’elle serait raisonnablement impossible, notamment pour le transport les marchandises. Ce n’est donc pas seulement une garantie plus grande que celle des déclarations formelles du ministre à cet égard que voulait l’honorable membre ; il exige quelque chose d’autre encore, car sans cela il se serait borné à la première partie de son amendement.

M. Pirmez vous a dit que ce qui serait vrai pour la ville de Bruxelles devrait être également vrai pour toutes les autres villes du royaume, c’est-à-dire que ce qui serait admis pour Bruxelles devrait l’être également partout : eh bien, d’autres villes ont demandé des stations intérieures ; elles ont offert, afin de l’obtenir, des sommes pour concourir à leur établissement, comme le fait actuellement Bruxelles ; déjà on a admis ces stations intérieures dans les villes de Gand et de Bruges, et quand on se propose d’admettre la même chose pour la capitale, M. Pirmez s’y oppose ; contrairement à ce qu’il proclame comme juste, il ne veut donc pas ce qui est vrai pour les autres villes soit vrai pour la ville de Bruxelles.

Voici, messieurs, la différence qui existe entre le système que nous soutenons et celui que préconise l’honorable préopinant. Nous voulons offrir aux voyageurs le moyen commode d’entrer dans la ville de Bruxelles, autant qu’ils le désireront, par une combinaison raisonnable de la construction du chemin de fer et de l’organisation du service d’exploitation ; nos adversaires, au contraire, veulent stipuler dans la loi une prohibition contre l’entrée facile des voyageurs à Bruxelles.

Tel est, messieurs, le résumé des deux systèmes ; le second, je vous le demande, est-il soutenable ? Est-il conforme à la justice distributive de refuser à la capitale ce qu’on accorde à Gand, à Bruges et bientôt à Anvers et à Liége ? Il suffit de poser la question dans des termes aussi simples et en même temps aussi vrais, pour faire repousser la disposition véritablement extraordinaire qu’on vous présente.

M. Dolez. - A la fin de la séance d’hier, je me félicitais de la discussion à laquelle avait donné lieu la loi qui nous occupe, car j’avais pensé que des opinions contradictoires émises sur l’avenir de notre chemin de fer devait résulter une pensée rassurante pour tout le monde. Et moi qui n’étais pas et qui ne suis pas encore partisan de la construction par l’Etat, j’avais trouvé dans les assurances données par M. le ministre des travaux publics des motifs de tranquillité ; mais il paraît que là où j’ai trouvé des apaisements, d’autres n’ont trouvé que des motifs d’inquiétude. Ces motifs qui ont frappé de prime abord M. A. Rodenbach, l’ont amené à des pensées méticuleuses sur l’énormité des dépenses encore à faire, et il a cherché à introduire dans les travaux à faire une économie dont il s’est exagéré l’importance en tâchant d’écarter le projet fort sage, à mon avis, d’établir une station intérieure dans la ville de Bruxelles. Cette discussion, je la regrette. Elle me paraît déplorable sous deux aspects : d’abord parce que la chambre sort de sa mission. La chambre qui a des travaux très importants à remplir s’occupe ici d’une question purement administrative. La preuve, c’est que jusqu’ici nous avons vu l’administration seule décider de semblables questions sans que la chambre y intervînt. Pourquoi intervient-on dans cette circonstance ? C’est, ce qui me fait dire que cette discussion est déplorable sous un second aspect, qu’elle excite cette division déjà trop enraciné entre certaines provinces. Quand il s’agissait de s’occuper du chemin de fer dirigé vers le nord, nous, députés du midi, nous n’avons pas cherché à entraver la marche de l’administration, nous ne lui avons pas dit : Faites en sorte qu’il soit le moins profitable possible à telle localité ; nous avons laissé marcher l’administration en toute liberté d’action. Aujourd’hui que le premier pas est à peine fait du chemin de fer vers la France, l’administration ne peut plus être libre, le contrôle de la chambre doit intervenir é chaque pas. En vérité, j’ai peine à concevoir de semblables différences ! Serait-ce parce que les députés des localités les plus intéressées à la section du chemin de fer vers la France, les députés du Hainaut, seraient moins hostiles aux provinces du Nord que les députés de ces provinces ne le sont envers nous ? Ce serait une déplorable physionomie que présenterait la chambre. Je crains trop que ce ne soit là le véritable mobile qui a amené la discussion d’aujourd’hui. La question qui nous occupe est, pour moi, cependant bien simple : y a-t-il intérêt à centraliser toute l’administration du chemin de fer ? Y a-t-il intérêt de centraliser son exploitation ? A ces questions, il me paraît que l’expérience a déjà répondu. Chaque jour les particuliers et les journaux se plaignent des embarras qui résultent de la centralisation de Malines ; et malgré ces plaintes de tous les jours, on veut établir une semblable centralisation à la station de l’Allée Verte.

Il n’y a pas de milieu, ou vous établissez à l’Allée-Verte une station unique, ou vous diviserez la station de Bruxelles. Si vous établissez une station unique à l’Allée-Verte, les inconvénients dont on se plaint depuis plusieurs années deviendront plus intenses encore. Si, au contraire, vous divisez la station, n’est-il pas naturel d’en établir une vers le nord et une vers le midi, puisque la centralisation de nos rayons de chemin de fer sera en fait Bruxelles et non Malines. Bruxelles est le centre du gouvernement, c’est le siège de tous les grands corps de l’Etat, le centre des plaisirs et des affaires ; ce sera donc toujours à Bruxelles qu’aboutiront les voyageurs.

Eh bien, est-il raisonnable, est-il juste de forcer les voyageurs qui viendront du midi pour s’arrêter à Bruxelles, en grande majorité, de laisser la ville sur le côté pour aller aboutir à l’autre extrémité, et revenir ensuite vers le centre par des moyens longs et coûteux ? Le nord a sa station ; laissez à la section du midi une station appropriée à ses besoins.

L’honorable M. Pollénus, dans les développements qu’il a donnés à sa proposition, a dit que deux circonstances l’effrayaient. La première est celle qui a frappé M. Pirmez, c’est la crainte de voir une solution de continuité au maintien du chemin de fer. Il me paraît qu’il avait été répondu d’une manière tellement catégorique à cette crainte, par le ministère, qu’elle ne devait plus se reproduire aujourd’hui.

Hier le ministre a dit de la manière la plus formelle qu’il n’y aurait pas de solution de continuité, que les marchandises aussi bien que les voyageurs pourraient aller directement à l’Allée-Verte ; qu’à partir de Halle, on établirait un fractionnement dans les convois pour répondre au vœu de tous les voyageurs. Cette crainte n’existe donc pas réellement.

M. Pollénus craignait en second lieu les dépenses que devait entraîner la station des Bogards. Il disait qu’il ne fallait pas s’arrêter aux dépenses de la station proprement dite, mais y ajouter celles du prolongement par lequel l’un des chemins serait rattaché à l’autre.

Je ne puis dire s’il y aura quelques dépenses de plus, d’une façon que de l’autre. Mais je puis dire qu’on obtiendra de plus grands produits en établissant une station aux Bogards, parce que les habitants d’Anderlecht et des lieux circonvoisins, si, pour aller à Halle, ils devaient aller prendre les waggons à l’Allée-Verte, préféreraient se servir des voitures ordinaires que d’aller prendre le chemin de fer à 3/4 de lieue pour passer ensuite vis-à-vis de chez eux. Si vous n’aviez que la station de l’Allée-Verte, vous perdriez tous les voyageurs qui voudraient faire la route d’Anderlecht et environs à Halle, et quelques endroits plus loin.

M. Pirmez vous a dit qu’il craignait que le gouvernement ne fût préoccupé d’une pensée analogue à celle qui, selon lui, a présidé à la construction du canal de Charleroy. Cette pensée serait de faire rompre charge dans Bruxelles ; c’est une erreur. Si on a dû prendre les précautions qui existent, c’est qu’il aurait fallu faire un chemin souterrain et qu’il était impossible de le faire dans les dimensions qu’aurait désirées M. Pirmez. Depuis plusieurs siècles la pensée de ce canal avait été conçue, et toujours on avait reculé devant la montagne qu’il fallait percer. Enfin on l’a exécuté et on a fait un souterrain ; mais ce souterrain, on n’a pas pu le faire d’une dimension plus grande. Il y avait une autre raison pour ne pas donner à ce canal de plus grande proportion, c’est l’insuffisance des eaux pour alimenter le canal s’il eût été construit comme l’eût désiré M. Pirmez.

On avait le capital nécessaire pour le construire comme il l’a été ; s’il eût été d’une plus grande dimension, la dépense eût été plus forte et le péage plus élevé ; et peut-être l’exécution eût-elle été impossible.

Vous voyez combien ces craintes sont mal fondées.

La ville de Bruxelles a-t-elle gagné quelque chose à cette prétendue nécessité de rompre charge : je dis prétendue, car je montrerai que cette nécessité n’existe pas. Bruxelles ne gagne rien à cela, car le canal passe en dehors ; il en résulte que le commerce, au lieu de se faire à l’intérieur de la ville, se fait en dehors. Le commerce de charbon et de matériaux ne se fait plus dans Bruxelles depuis la construction du canal.

Quant au transbordement, il ne se fait pas quand on ne veut pas le faire. M. Pirmez doit savoir que quand les bateaux de Charleroy veulent aller à Anvers, ils le peuvent en s’accouplant, en réunissant deux bateaux, ce qu’ils font souvent.

On a d’autre part singulièrement travesti, m’a-t-il paru, les paroles qui avaient été prononcées par l’honorable ministre des finances. On lui a prêté la pensée de vouloir astreindre les voyageurs à s’arrêter à Bruxelles. Je n’étais pas à la séance quand il prononça les paroles qu’on a interprétées de la sorte, mais j’ai lu le Moniteur, et j’y ai vainement cherché la pensée qu’on lui a prêtée.

Messieurs, en quelque endroit qu’on place la station, neuf voyageurs sur dix voudront s’arrêter et s’arrêteront dans la capitale.

Que l’on ne s’effraie pas de la dépense et de la solution de continuité, et que pour le projet d’établir une station aux Bogards on laisse à l’administration la liberté d’action qu’elle a conservée jusqu’ici pour tout ce qui se rattache à l’administration du chemin de fer. Nous n’avons pas vu qu’elle ait mal marché dans ces derniers temps surtout. Quand on semble applaudir à ce qu’elle a fait, la chambre voudrait aujourd’hui donner une marque de défiance profonde ! J’aurais peine à le comprendre.

M. le ministre des finances vous a dit que l’amendement de M. Pirmez n’exprime pas nettement ce que veut son auteur. D’après la discussion qui s’agite depuis trois jours, n’est-il pas évident que l’amendement de M. Pirmez n’a qu’un seul but, c’est qu’il n’y ait pas de station aux Bogards. Les termes ne disent pas cela rigoureusement, mais la pensée est là.

Je crois que la chambre fera bien de rejeter la proposition de M. Pollénus et celle de M. Pirmez.

M. Pirmez. - M. le ministre des finances a singulièrement donné le change à la question. Votre intention, m’a-t-il dit, est qu’il n’y ait pas de station aux Bogards. Cela m’est indifférent ; ce que nous voulons, c’est qu’il n’y ait pas de solution de continuité, qu’il n’y ait pas d’arrêt. Nous laissons au ministre le soin d’établir des stations où bon lui semble. Je vous demande quel intérêt on peut nous supposer à ce que la station soit ou ne soit pas aux Bogards. Mais l’intérêt de la Belgique entière demande qu’il n’y ait pas de solution de continuité dans le chemin de fer, qu’on ne soit pas forcé de traverser la ville de Bruxelles en omnibus pour aller d’une section à l’autre.

On dit que je veux que la ville de Bruxelles n’ait pas les mêmes avantages. C’est une erreur. Vous avez dit que les voyageurs auraient intérêt à traverser plutôt par Bruxelles que par le chemin de fer. Eh bien, nous ne voulons pas que vous disposiez les choses de façon qu’il en soit ainsi.

On a attribué notre opposition à une division entre certaines provinces, A cela je répondrai que l’intérêt des Flamands comme celui des Wallons est qu’on puisse circuler sur le chemin de fer sans entrave, sans trouver un avantage à traverser certaines villes plutôt en voiture que sur le chemin de fer.

Ou a parlé du canal de Charleroy, et on a dit que l’opinion que j’avais émise sur la pensée qui avait présidé à sa construction était une erreur. Je répondrai qu’il y avait de l’eau suffisamment pour alimenter le canal de Charleroy construit dans de plus grandes proportions. Je répète qu’il n’a été fait ainsi que pour obliger à rompre charge à Bruxelles.

Maintenant que j’ai fait tous mes efforts pour avoir une garantie qu’il n’y aura pas de solution de continuité dans notre système de chemin de fer, la chambre fera ce qu’elle voudra.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Messieurs, depuis trois jours la chambre fait non seulement de l’administration, mais elle fait de l’administration en ce qu’il y a de plus difficile, de l’administration en matière de travaux publics. Je m’étonnais hier de ce que la question de la station des Bogards jouissait d’un privilège tout particulier. D’autres questions au moins aussi graves ont été résolues ; il y avait minorité et majorité, et la minorité n’en a pas appelé à cette chambre. D’autres questions plus graves attendent une solution ; les partisans de l’une ou de l’autre opinion n’en ont pas appelé à cette chambre.

J’ai dit que la chambre faisait de l’administration, et de l’administration en ce qu’il y a de plus difficile. Je le prouverai.

Je vais d’abord m’occuper de l’amendement de M. Pollénus.

Cet amendement n’a pas de sens selon moi ; ou bien, s’il a un sens, il devient un obstacle.

Il n’a pas de sens si on le prend avec sa signification naturelle. Il est bien entendu que le gouvernement ne fera rien qui ne rentre sous le système des lois de 1834 et de 1837. Certainement le gouvernement entend exécuter ces deux lois comme elles le comportent. Mais que faut- il comprendre par système des lois de 1834 et 1837 ? Sur ce point on peut être partagé d’opinion. Il faudrait que la chambre dît si ces deux lois renferment un système susceptible d’exécution, quoi qu’il advienne. Et alors bien des doutes peuvent se soulever. On vous demandera si la station de Louvain, qui se trouve à côté de cette ville, est dans le système de la loi de 1834 qui veut que le chemin de fer passe par Louvain ; on vous demande si les courbes que l’on fait à Malines sont dans le système de la loi de 1834, puisqu’elles décentralisent la station de Malines et que la loi de 1834 porte que cette station est centrale.

Je passe à l’amendement de M. Pirmez. Cet amendement renferme deux parties, comme vous l’a fait observer mon collègue le ministre des finances. M. Pirmez veut d’abord qu’il soit déclaré qu’il n’y aura pas solution de continuité dans le chemin de fer ; mais le gouvernement a déclaré qu’il en serait ainsi ; c’est le principe qui, jusqu’ici, a été suivi ; en faut-il davantage ?

Que doit-on entendre par solution de continuité ? Dans la station de Malines, il y a jusqu’à un certain point solution de continuité parce qu’on ne peut aller directement de Gand à Bruxelles, mais au moyen de courbes, il pourra ne plus y avoir solution de continuité à Malines.

L’amendement est donc inutile, puisque c’est ainsi que le gouvernement entend l’établissement du chemin de fer.

Voyons la seconde partie de cet amendement.

Il faut qu’il n’y ait pas de station plus rapprochées que 5 kilomètres. Je déclare qu’il y a des stations plus rapproches que 5 kilomètres : la station du pont d’Augesem est à une distance moindre de la station de Termonde.

M. Pirmez. - Cela ne fait rien !

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Cela prouve que la seconde partie de votre amendement n’est pas exécutable ; que vous avez voulu faire de l’administration en matière de travaux publics sans vous rendre compte de la portée de la proposition.

A Liége il y aura trois stations de voyageurs qui ne seront pas à 5 kilomètres l’une de l’autre. Il y en aura une à la tête des plans inclinés, une seconde au milieu des plans inclinés (à Saint-Laurent), et une troisième au pied des plans inclinés.

Si l’on adopte l’amendement, je demanderai comment l’on exécutera les plans inclinés à Liége. Il faudrait supprimer deux des trois stations.

A Liverpool il y a trois stations : il y en a une à l’entrée des tunnels ; une seconde dans l’intérieur de la ville, pour les voyageurs ; et une troisième pour les marchandises.

Je viens à une autre objection. Dans les villes principales il y aura nécessairement deux stations, une pour les voyageurs, et une pour les marchandises. A Anvers ; si la station des voyageurs reste au faubourg de Borgerhout, il y aura une deuxième station pour les marchandises près de l’entrepôt. Si la station des voyageurs est dans l’intérieur de la ville, elle ne sera pas confondue avec celle des marchandises quoique établie à une distance de moins de 5 kilomètres. Que deviendraient les stations à Anvers si l’amendement de M. Pirmez était adopté ?

J’ai dit, messieurs, (et la chambre me dispensera sans doute de reproduire la discussion d’hier et d’avant-hier), que dans l’intérêt du service, il devrait y avoir deux stations à Bruxelles. Admettons que l’une soit à l’Allée-Verte et l’autre aux Bogards. Eh bien, il est possible que l’on en établisse par la suite une troisième en dehors de la ville, pour les populations des villages environnants. On ne peut forcer ces populations d’aller soit aux Bogards, soit à l’Allée-Verte ; et pour elles une troisième station extérieure, d’un accès plus facile, peut devenir désirable. Par une confusion d’idées assez extraordinaire, plusieurs orateurs ont semblé croire que les départs auraient lieu à la même heure dans les stations de l’Allée-Verte et des Bogards ; mais il ne peut être ainsi. Si une troisième station était exigée pour les populations des villages, on lui appliquerait deux haltes peut-être. Ce serait une station auxiliaire, mais elle n’en serait pas moins une troisième station.

L’amendement de M. Pollénus, tel qu’il est rédigé, ne lierait en rien le gouvernement. Dès qu’il n’est pas dit dans quel sens les lois de 1834 et de 1837 doivent être entendues, il suffira que le gouvernement déclare que les stations sont dans le sens des lois de 1834 et de 1837 pour que sa responsabilité soit à couvert. C’est donc un amendement sans objet.

Je vais plus loin. Je soutiens que le second amendement est inutile ; car si le gouvernement faisait disparaître la station de l’Allée-Verte et la transportait ailleurs, rien ne s’y opposerait. Ainsi les honorables auteurs de l’amendement doivent trancher la question : ils doivent dire qu’il n’y aura qu’une seule station à l’Allée-Verte et qu’on ne la transportera pas ailleurs.

Dans cette discussion, je vois une grande déviation aux principes suivis jusqu’ici par la législature ; et, pour ma part, je ne puis accepter cette déviation.

D’autres questions sont également sans solution. Et puisqu’on a parlé de système, je rappellerai à la chambre celui qu’elle a adopté il y a quatre ans.

Lorsqu’elle a décrété les chemins de fer, elle a laissé au gouvernement une entière liberté d’action ; elle lui a abandonné le soin de décider toutes les questions difficiles que pouvait présenter l’exécution des lois. Voilà le système auquel la chambre a cru devoir s’en tenir jusqu’à ce jour. Pourquoi l’abandonnerait-elle ? La station des Bogards est-elle donc si importante pour que l’on change de principes ? Le gouvernement a été saisi de la question relative à cette station comme des autres ; voulez-vous la lui enlever ? Voulez-vous prononcer sur tous les incidents que présente l’exécution du chemin de fer ? Alors vous aurez bien des questions à résoudre : vous aurez par exemple à vous prononcer sur la direction du chemin de fer de Namur, sur celle du chemin de fer du Hainaut. Ou il faut que la chambre s’arrête, ou il faut que le gouvernement reste saisi de la solution de toutes les questions d’exécution. Si vous voulez dessaisir le gouvernement d’une des questions qui lui sont laissées, il faut le dessaisir de toutes. Mais si vous voulez continuer à avoir confiance dans l’administration, il faut lui laisser la solution de ces questions comme vous avez fait depuis quatre ans.

Une question est en instruction ; elle est traitée devant le public, par des commissions nombreuses, et successivement par plusieurs commissions, et tout à coup on viendrait en dessaisir le gouvernement ; on viendrait prendre fait et cause, indirectement, pour une minorité ou pour une majorité, puisque le gouvernement ne s’est pas prononcé. Il fallait, il y a deux ou trois ans, prévenir le gouvernement de ce changement ; il fallait lui dire : Lorsque vous toucherez au dénouement, il est possible que nous nous saisissions des questions et que nous revendiquions le droit de les résoudre.

Je n’en dirai pas davantage sur ce point ; la chambre me comprendra.

En résumé, messieurs il y a une seule question qui puisse intéresser la chambre, une seule question sur laquelle le gouvernement s’est franchement expliqué : Y aura-t-il solution de continuité ? J’ai répondu non, et je dois dire que je ne puis faire davantage ; la chambre peut se borner à prendre acte de cette déclaration, qui doit suffire.

Beaucoup de membres. - La clôture ! la clôture !

M. Dubus (aîné). - Je ferai remarquer, messieurs, qu’on ne peut pas clore la discussion dans un moment où trois ou quatre personnes ont parlé dans le même sens, et lorsque M. le ministre a eu la parole le dernier ; il faut au moins laisser répondre. D’ailleurs c’est seulement dans cette séance que les amendements ont été déposés ; ces amendements sont en quelque sorte improvisés, et vous voulez qu’on prononce sans discussion ! J’ai déclaré moi-même dans la séance d’hier que je trouvais la discussion oiseuse parce qu’il n’y avait pas de proposition faite ; aujourd’hui qu’il y en a, je désire pouvoir motiver le vote que j’émettrai sur ces propositions. Je désire de plus pouvoir protester contre les idées qui ont été mises en avant, et qui tendent à établir à Bruxelles deux bureaux à une demi-lieue l’une de l’autre, pour obliger les voyageurs à s’arrêter en ville.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - Il ne s’agit pas de cela.

M. Dubus (aîné). - M. le ministre des finances a avoué lui-même qu’on voulait obliger les voyageurs à s’arrêter à Bruxelles.

M. le ministre des finances (M. d’Huart). - Cela n’est pas exact.

M. Dubus (aîné). - Cela résulte de vos paroles, et je demande à protester contre de semblables idées.

M. Pollénus. - Je ferai remarquer à la chambre que par la manière dont M. le ministre des travaux publics vient de combattre ma proposition, il s’est plu à supposer l’absurde pour se donner ensuite le plaisir de la combattre ; M. le ministre a supposé qu’il y avait dans la proposition que j’ai eu l’honneur de soumettre à la chambre des expressions qui ne s’y trouvent pas ; je demande que la discussion continue afin que je puisse rectifier les assertions erronées de M. le ministre.

M. Pirmez. - Je demande que la discussion ne soit pas close, parce que M. le ministre des travaux publics m’a fait dire ce que je n’avais pas dit et que je désire pouvoir lui répondre.

M. A. Rodenbach. - Messieurs, un honorable député de Mons a dit que la question que j’ai soulevée n’a point été utile ; il m’importe de prouver qu’elle a eu quelque utilité. On demande que la discussion soit close sans vouloir entendre ceux qui l’ont soulevée ; j’ai cependant besoin de m’expliquer ; mes opinions se sont modifiées depuis que M. le ministre a donné les explications ; il m’importe de motiver mon vote.

- La clôture est mise aux voix ; deux épreuves sont douteuses ; en conséquence la discussion continue.

(Moniteur belge n°133, du 13 mai 1838) M. Verdussen. - Messieurs, plus d’un motif m’a engagé à demander la parole ; non seulement je ne saurais me prononcer sur la loi en discussion si je n’obtiens du ministère des explications plus catégoriques, plus franches que celles qu’il a données, mais je désire aussi répondre à quelques observations qui ont été faites par MM. les ministres et par ceux qui ont parlé dans leur sens.

Lorsque j’ai pris une première fois la parole, il y a trois jours, j’ai dit que je voterais contre la loi si la station des Bogards doit être une impasse ; c’est principalement sur cette partie de la question, messieurs, que je veux appeler votre attention, et expliquer comment j’entends la déclaration que j’ai faite.

Je ne me dissimule pas les difficultés dans lesquelles on a jeté la chambre, quand on lui a proposé de dire dans la loi qu’il ne pourrait pas y avoir solution de continuité dans le chemin de fer ; une semblable disposition, prise à la lettre, est évidemment inutile ; c’est une chose qui est déjà décrétée, une chose qui sera, parce que la loi veut qu’elle soit, et certes il n’appartient pas au ministère de ne pas faire ce que la loi a dit devoir être. En effet, la loi du 1er mai 1834 a décidé que le point central du chemin de fer serait Malines, que de là il se dirigerait vers les quatre points cardinaux ; qu’il irait d’Ostende à la frontière d’Allemagne, et de la frontière de France à celle de Hollande ; la loi ne permet donc pas de faire arrêter le chemin de fer à la porte d’une ville pour le faire recommencer à la porte opposée, de manière que les voyageurs soient obligés de traverser cette ville à pied ou dans une voiture ordinaire. La loi ne permet donc pas matériellement une solution de continuité de route ; mais, messieurs, il y a deux espèces de solutions de continuité : la solution continuité matérielle et celle qui dépend de la volonté de celui qui dirige l’exploitation du chemin de fer ; la première est interdite par la loi, mais la seconde ne l’est pas et ne le serait pas davantage par l’amendement de l’honorable M. Pirmez ; car tout en rattachant les différentes stations l’une à l’autre, le ministère qui s’obstinerait à contrarier les intentions de la législature pourra toujours prendre des mesures telles, que la route qui se trouvera entre deux stations ne soit pas fréquentée par les voyageurs et qu’elle soit par conséquent inutile. C’est là, messieurs, ce que je crains, et c’est ainsi que j’ai entendu que la station des Bogards pourra devenir une impasse. Je ne partage pas la sécurité de M. Dolez qui a dit qu’il était très satisfait des explications catégoriques données à cet égard par M. le ministre des travaux publics ; car moi qui ai pris des notes quand M. le ministre parlait, je suis loin d’être rassuré sur l’exploitation du chemin, lorsqu’il a dit : « Il y aura possibilité de continuer le voyage de Mons à Malines ; on pourra, près de Halle, faire des convois spéciaux. »

Il ne s’agit pas de savoir ce qu’on pourra faire, mais nous voulons savoir ce que l’on fera ; nous voulons des promesses certaines, formelles, que celui qui montera en voiture, soit à Mons, soit partout ailleurs au-dessus de Bruxelles, ne sera obligé de descendre de voiture qu’à Malines, au point central, et vice versa. Cette promesse, messieurs, n’a point été faite d’une manière franche, catégorique, et c’est pour cela que je ne suis pas satisfait des explications de M. le ministre. Je n’aime pas les détours ou les réticences ; je désire qu’on aille droit au but qu’il s’agit d’atteindre.

M. le ministre des finances nous a dit tantôt : « Lorsqu’on élève de grands cris contre la station des Bogards, c’est uniquement parce qu’on ne veut pas de station à l’intérieur de la ville de Bruxelles. Quoi ! Vous voulez donc priver la capitale d’un avantage que vous donnez à la ville de Gand, à la ville de Bruges, à la ville d’Anvers ? Messieurs, s’il était question de faire pénétrer le chemin de fer dans Anvers pour y faire halte et faire ressortir ensuite, d’un autre côté, les voyageurs qu’on aurait l’intention de diriger, je suppose sur Turnhout ou sur Breda, je dirais que c’est là un très mauvais système, un système tout à fait contraire au principe des chemins de fer ; et ce que je dirais d’Anvers, je le dis de Bruxelles et de toute autre ville où il s’agirait de faire chose semblable. Mais, messieurs, il n’y a aucune similitude entre la station intérieure qu’on veut établir à Bruxelles et celles que jusqu’ici on a établies (pour autant du moins que j’en aie connaissance) dans d’autres villes ; là, il n’y a en aucune manière solution de continuité ; là, il n’y a pas une station où l’on descend en arrivant de telle direction ; et une autre station plus ou moins éloignée de la première, où l’on doit remonter dans les waggons pour se diriger dans telle autre direction : là on ne force ni directement ni indirectement les voyageurs à traverser à pied, ou dans une voiture ordinaire, une distance d’une demi-lieue ; et si pareille chose existait dans une ville quelconque de la Belgique, je le répète, je ne balancerais pas à dire que c’est très mauvais et en opposition directe avec l’esprit de la loi de 1834.

On vous a beaucoup entretenus, messieurs, de l’encombrement qu’il y aurait s’il n’y avait qu’une station unique à Bruxelles ; d’abord, je ferai remarquer que dans mon premier discours j’ai déclaré qu’il m’était assez indifférent qu’il y eût deux stations ou une station unique ; qu’il y eût une station intérieure ou seulement une station extérieure, pourvu qu’il y eût toujours continuation de la route, pourvu que les stations se trouvassent dans la ligne même du chemin de fer ; quoi qu’il en soit, je me permettrai quelques observations par rapport à cet encombrement dont on nous a tant parlé.

Il est impossible que l’inconvénient signalé, s’il doit exister à Bruxelles, n’existe pas dans toutes les autres villes où le chemin de fer passera, et j’ai été fortement étonné d’entendre M. Dolez dire qu’il y aurait à Bruxelles plus d’embarras et d’encombrement, parce qu’il y a là deux directions, une vers le midi et l’autre vers le nord. Mais n’en sera-t-il pas de même dans toutes les localités où la route en fer passera, Malines excepté ? A Gand, par exemple, n’y aura-t-il pas une direction vers Bruges et une autre direction vers Termonde ? Cette circonstance n’est donc pas exceptionnelle pour Bruxelles, où on pourra avoir à la vérité plus d’affluence ; mais c’est précisément parce qu’il n’y aura là que deux directions, et non pas quatre comme à Malines, que l’encombrement n’existera pas.

En effet, l’heure d’arrivée d’un convoi ne sera jamais celle de l’arrivée d’un autre convoi venant d’une direction opposée, et il en sera de même des départs qui ne pourront jamais avoir lieu simultanément ; le monde que chaque convoi amènera pour rester à Bruxelles, aura le temps de s’écouler avant qu’un second convoi n’arrive, et les places que les descendants auront occupées seront immédiatement remplies par ceux qui monteront à Bruxelles, comme cela se pratique à toutes les stations intermédiaires. Je vais plus loin, et je dis que l’encombrement qu’on redoute sera bien plus sensible avec les deux stations, telles qu’on les projette, et voici pourquoi lorsqu’il s’agira, par exemple, de partir de l’Allée-Verte pour Malines, non seulement, suivant le projet du ministère, vous verrez se diriger vers cette station toutes les personnes qui prendront place de Bruxelles pour Malines ; mais vous rejetterez encore sur le même bureau tous les voyageurs que vous aurez fait descendre de voiture à la station des Bogards, et qui, avec une seule station, seraient restés tranquillement dans leurs wagons. Ainsi, il y aura là un véritable encombrement précisément à cause des mesures que vous avez prises pour l’éviter.

J’entends M. le ministre des finances qui me dit qu’il y aura aussi aux Bogards un départ pour Anvers en même temps qu’il y en aura un à l’Allée-Verte pour la même ville. Il faudra dès lors, pour avoir le plaisir de ces deux départs, doubler le personnel et le matériel ? Mais il me paraît, messieurs, que ce serait là grossir très inutilement et d’une manière exorbitante les frais de l’administration du chemin de fer, et que c’est un motif de plus pour écarter les deux stations.

Rappelons-nous encore, messieurs, que dans le commencement de la discussion, MM. les ministres nous ont dit positivement qu’en projetant la station intérieure de la capitale leur intention était de convier les voyageurs à descendre à Bruxelles ; et dans un autre moment on nous a dit qu’il était inutile de faire cette invitation, puisque, comme M. Dolez nous l’a avoué tantôt, tous ceux qui auraient le désir de descendre à Bruxelles y resteront, soit que la station fût placée aux Bogards, soit qu’elle fût placée à l’Allée-Verte. Je partage ce dernier avis, et j’en conclus que la station des Bogards n’est pas nécessaire, sous ce point de vue.

Pour finir, je reviens, messieurs, à ce que je disais en commençant ; si M. le ministre veut me donner l’assurance que dans tout état de cause les voyageurs qui viendront du midi, ou qui y iront, pourront, d’après leur choix, suivre leur route sans être obligés de mettre pied à terre à Bruxelles, je me contenterai de cette assurance, me réservant, si l’on y contrevenait, de prendre, à l’occasion du prochain budget du chemin de fer, telle mesure que je croirai propre à lui rappeler ses promesses et à les lui faire exécuter.

(Moniteur belge n°133, du 13 mai 1838) M. A. Rodenbach. - Messieurs, un honorable député de Mons a dit que la question que j’avais soulevée avait été inutile, Je lui dirai que je ne partage pas cette opinion. Je n’ai pas regret d’avoir soulevé cette question, quoiqu’elle ait donné lieu à une discussion de trois jours.

Avant que j’eusse soulevé ma question, nous étions dans le doute, nous étions effrayés des sommes qu’on aurait dû avancer ; nous croyions qu’il y aurait à Bruxelles un arrêt forcé ; que les voyageurs seraient en quelque sorte obligés de s’arrêter à Bruxelles. Nous craignions aussi que les marchandises ne pussent pas passer librement à Bruxelles.

C’étaient là certes des motifs assez puissants pour provoquer mon interpellation ; la discussion nous a fait connaître les intentions du gouvernement, auxquelles beaucoup de membres et moi-même nous nous rallierons s’il répond catégoriquement à la question de l’honorable député d’Anvers.

La discussion nous a encore fait connaître qu’il y a des agents du gouvernement qui spéculent sur les chemins de fer ; ces messieurs ne prétendent pas que le gouvernement exploite seul le chemin de fer ; ils veulent en avoir leur part. Eh bien, si la discussion avait seulement révélé ce fait, je n’aurais pas regret de l’avoir provoquée.

Je suis convaincu que M. le ministre des travaux publics fera cesser un pareil scandale, un semblable tripotage (je suis fâché de prononcer le mot.) Lorsqu’on voit des agents du gouvernement, grassement salariés, spéculer encore sur le peuple, je dis que cette conduite est indigne d’un employé de l’Etat.

M. Vandenbossche. - Messieurs, j’ai pris la parole pour dire quelques mots en faveur de la station des Bogards.

La section du chemin de fer vers la France, une fois ouverte, je pense qu’elle nous amènera peut-être autant de voyageurs que toutes les sections actuellement livrées à la circulation.

Les 19 vingtièmes au moins des voyageurs qui arriveront de France viendront ici, uniquement dans le but de s’arrêter à Bruxelles ; et comme la station des Bogards sera en effet plus au centre de la ville que la station actuelle, je crois que nous devons procurer à tous ces voyageurs la satisfaction de pouvoir s’arrêter dans un endroit convenable et qui soit le plus de leur goût.

Comment a-t-on voté la loi du 1er mai 1834 ? On a décrété un chemin de fer qui lierait la ville d’Ostende à la Prusse, ainsi que Bruxelles à Anvers ; on a, si je me trompe, voté par amendement une section spéciale pour la France et pour Mons.

Messieurs, personne alors ne pensait à la continuité de ce chemin de fer ; et en votant la loi du 1er mai 1834, je crois qu’on a en quelque sorte implicitement voté une station spéciale pour cette section.

On dit que la ville de Bruxelles en profitera, et cela aux dépens des étrangers. Je regarde, moi, la ville de Bruxelles, qui est la capitale de mon pays, comme étant dans une situation toute particulière ; c’est, à mes yeux, la ville par excellence, la ville à nous tous. Si je pouvais contribuer à sa prospérité et la rendre plus brillante, je le ferais de tout mon cœur.

Mais on craint que la nécessité de rompre charge pour les marchandises n’ôte toute l’utilité du chemin de fer. Je crois, messieurs, que cette considération ne devrait pas nous arrêter, lorsqu’elle ne s’applique qu’à la capitale du pays. Cependant, comme M. le ministre promet de faire un chemin de jonction avec l’autre section, je veux bien y souscrire, mais il me semble que la station au midi de Bruxelles doit être nécessairement construite avant que l’on achève cette section de continuité. Je pense que la section de Bruxelles à Tubize est déjà mise en adjudication ; elle sera faite avant que la station du chemin de fer puisse être achevée. Ainsi, l’on ne pourrait employer ce chemin, à moins qu’on n’ait fait la station des Bogards, ou toute autre station au midi de Bruxelles.

Voilà, messieurs, les motifs qui me feront voter la loi, et qui m’engagent à adhérer aux intentions du gouvernement, quant à la question secondaire dont il s’agit.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - J’ai dit et répété qu’il n’y aurait pas de solution de continuité. L’honorable M. Verhaegen désire que j’entre dans des détails sur le service futur, sur les combinaisons possibles, sur les éventualités de l’avenir. Il a demandé : Pourra-t-on aller directement de Mons à Malines ? Pourra-t-on aller des Bogards directement à Malines ? Je réponds oui. Le chemin de jonction peut être disposé et sera disposé de manière que si les circonstances l’exigent, des convois spéciaux puissent ainsi passer outre.

Maintenant je vais prouver que toutes les craintes conçues par M. Verdussen et qui paraissent partagées par quelques autres membres de cette chambre ne sont pas fondées. Je suppose qu’on établisse une station aux Bogards, en laissant substituer la station de l’Allée-Verte, et que dans les premiers moments on ne fasse pas de chemin de jonction. Mais de ce qu’on ne l’aura pas fait dans le premier moment, y aura-t-il impossibilité de le faire ensuite ? Rien ne s’oppose à ce qu’il se fasse avec plusieurs combinaisons. Ainsi les appréhensions de M. Verdussen disparaissent devant cette simple considération qu’il y aura toujours possibilité de jonction entre les différentes lignes. Si on ne faisait pas cette jonction ; si, à dessein, on laissait écouler un temps quelconque pour changer les habitudes, les plaintes du public devanceraient celles des chambres pour réclamer le chemin de jonction, et on le ferait. Dès lors, et les engagements du ministre étant formels, je demande ce que deviennent toutes ces inquiétudes. Mais j’écarte toutes ces suppositions ; ce que je voulais seulement prouver, c’est que toutes les appréhensions sont dénuées de fondement ; puisqu’il n’y aura jamais impossibilité de jonction, quoi qu’on fasse.

Revenant à la proposition de M. Verdussen, je dis qu’il n’y aura pas solution de continuité, qu’il y aura un chemin de jonction pour tous les besoins du service.

M. Dubus (aîné). - Messieurs, je dirai fort peu de paroles, car il paraît que tout a été dit. Je veux motiver ma résolution de ne pas voter sur les amendements déposés. Je ne veux pas les défendre, parce qu’ils ne paraissent pas répondre au but de leurs auteurs, qu’ils sont en quelque sorte improvisés, et n’ont pas été soumis à un examen suffisant.

Je dois déclarer encore que, quel que soit le parti qu’on soit résolu à prendre relativement à la double station, je ne ferai pas dépendre de cette résolution mon vote sur l’emprunt. Je le voterai dans tous les cas, mais je proteste contre cette idée que je regarde comme malheureuse d’établir deux bureaux à une demi-lieue de distance l’une de l’autre, de créer des entraves aux voyageurs qui veulent traverser Bruxelles. Le principe du chemin de fer est la célérité, et cette idée d’établir deux bureaux est une entrave pour arrêter les voyageurs qui veulent traverser Bruxelles.

Le centre du chemin de fer est à Malines, où une grande ligne coupe le pays de l’est à l’ouest.

Sur cette ligne il n’y a pas d’entraves ; mais sur l’autre, sur celle qui va du nord au midi, on veut qu’il y ait une entrave à Bruxelles. On dit que cette entrave ne sera pas absolue, qu’il en résultera au plus un retard d’une heure, qu’on convie seulement le voyageur à rester.

Mais je ne veux pas qu’on convie le voyageur à rester, je ne veux pas qu’il rencontre des obstacles Je ne veux pas admettre cette raison qu’on tire de l’intérêt de Bruxelles, car c’est un motif tiré d’un intérêt de localité : toute capitale qu’elle est, Bruxelles est une localité.

Cet intérêt est en opposition avec le principe de célérité qui est la base du chemin de fer ; avec et l’intérêt général, qui est l’intérêt de tous les voyageurs qui doivent se servir de ce chemin.

Il y a, dit-on, des inconvénients graves dans l’état de choses actuel. La station de l’Allée-Verte est insuffisante. Il en faut deux. Quelle conséquence doit-on tirer de là ? Si la station de l’Allée-Verte est insuffisante, agrandissez-la ; s’il en faut deux, placez-les à portée l’une de l’autre. Est-ce une raison parce qu’il faut deux stations pour les placer à une demi-lieue de distance ? C’est cet intervalle qu’on ne peut pas justifier.

Ainsi, le voyageur qui arrivera à la station des Bogards sera obligé de faire une demi-lieue avant de trouver le bureau auquel il doit s’adresser pour aller plus loin.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb). - On vous a dit le contraire !

M. Dubus (aîné). - C’est-à-dire qu’on a dit que si les circonstances l’exigent, on pourra faire des convois spéciaux allant directement à l’Allée-Verte. Mais si les circonstances l’exigent ! Le besoin de célérité ne crie-t-il pas assez haut que les circonstances l’exigent, qu’il ne peut pas y avoir de retard dans le voyage et qu’on ne doit pas être arrêté 5/4 d’heure à Bruxelles ?

Sur le chemin de fer, on voyage de station en station ; ces stations sont calculées sur le besoin de descendre les voyageurs qui arrivent à leur destination et d’en recevoir d’autres ainsi que sur le besoin de renouveler les provisions nécessaires pour que les remorqueurs puissent continuer leur service.

Mais ici on crée à plaisir une station de plus, sans aucune de ces nécessités. Ainsi, quand vous venez du nord, que vous partiez d’Anvers pour le midi, vous avez une station à Malines ; puis à l’Allée-Verte. De là, il faut que vous remontiez dans des voitures pour aller à une autre station à une demi-lieue. Les stations créent des retards, mais ce sont des retards nécessaires. En doublant les stations, on double les retards, sans nécessité ; en multipliant les stations, vous multipliez aussi les dépenses.

Je n’entre pas dans la question de savoir s’il faut ou non une station dans l’intérieur de Bruxelles, mais s’il faut une station intérieure, qu’on supprime la station extérieure ; on aura ce qu’on désire, et les voyageurs qui voudront passer auront aussi ce qu’ils veulent. Il est vrai qu’on ne les conviera pas autant à rester à Bruxelles. Mais nous n’avons pas besoins qu’on les y convie.

On a dit qu’on avait déjà acheté des terrains à la gauche du canal, dans le dessein d’établir une deuxième station. Si on le veut, on peut établir là les deux stations nécessaires pour les voyageurs. Mais si on préfère que ces stations soient aux Bogards, comme on y a des terrains à discrétion, qu’on établisse là les stations des voyageurs et qu’on fasse servir celle du Chien vert pour les marchandises.

Des observations ont été faites sur la liberté d’action qu’il faut laisser au gouvernement en pareille matière. Je dois faire remarquer à la chambre que la discussion qui a eu lieu a été provoquée par la manière dont il a été répondu aux observations de M. A. Rodenbach, d’où nous avons pu croire que si la question n’était pas jugée, elle était au moins presque jugée. Et il me semble qu’alors que cela résulterait de la discussion, nous ne pourrions mieux faire que protester conne une idée aussi malheureuse que celle de la création de ces deux stations à une grande distance l’une de l’autre.

Un membre. - C’est-à-dire à une petite distance.

M. Dubus (aîné). - Je dis « à une grande distance. » On me dira, que d’une station à l’autre il n’y aura que deux mille mètres en traversant la ville. Mais alors il y aura une solution de continuité. Les voyageurs seront obligés d’abandonner les waggons pour aller les retrouver à 2 mille mètres de là. S’ils restent dans les waggons, il leur faudra faire une demi-lieue pour tourner autour de la ville. Ainsi, ce n’est pas, selon moi, une petite distance.

Je mc bornerai à ces observations.

M. Pollénus. - M. le ministre m’a fait dire que ma proposition tend à proscrire la station des Bogards comme contraire au système des chemins de fer. Ma proposition ne dit pas un mot de système ; elle tendait à empêcher l’établissement d’une impasse en opposition non avec le système mais avec les lignes décrétées. Mais maintenant que d’après les explications nouvelles de MM. les ministres des travaux publics et des finances, il n’y aura aucune interruption dans les moyens de transport, il est satisfait au but de mon amendement. Je le déclare, les promesses de M. le ministre des travaux publics faites à la séance de ce jour me paraissent inconciliables avec la pensée primitive de la station des Bogards ; ma proposition est ainsi devenue sans objet ; le but que je m’étais proposé est atteint, je retire ma proposition.

- La clôture de la discussion est prononcée.

L’amendement de M. Pirmez est mis aux voix ; il n’est pas adopté.

On passe à la délibération sur les articles.

Articles 1 à 4

« Art. 1er. Le gouvernement est autorisé à emprunter jusqu’à concurrence d’un capital nominal de trente-sept millions de francs, à un intérêt de 4 et demi pour cent, ou à un intérêt moindre avec augmentation relative du capital nominal.

« Il sera consacré à l’amortissement de ce capital une dotation d’au moins 1 p. c., indépendamment du montant des intérêts des obligations amorties.

« Les obligations à créer seront, préalablement à leur émission, soumises au visa de la cour des comptes. »

Adopté.


Articles 2 et 3

« Art. 2. Les fonds à provenir dudit emprunt seront affectés à l’extinction de dix millions de bons du trésor, créés en vertu de la loi du 12 novembre 1837 (n°593), et à la continuation des travaux des chemins de fer. »

- Adopté.


« Art. 3. Les biens et revenus du royaume seront affectés en garantie de l’emprunt autorisé par la presente loi. »

- Adopté.

Vote sur l’ensemble du projet

Comme la loi est adoptée sans amendements, on passe à l’appel nominal sur l’ensemble des trois articles qui la composent.

78 membres sont présents.

75 votent l’adoption.

1 vote le rejet.

2 membres s’abstiennent de prendre part à la délibération.

Ont voté l’adoption : MM. Andries, Angillis, Beerenbroeck, Bekaert-Baeckelandt, Brabant, Coghen, Coppieters, Corneli, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Florisone, de Jaegher, de Longrée, de Man d’Attenrode, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Perceval. Dequesne, de Renesse, de Roo, de Sécus, Desmaisières. Desmanet de Biesme, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Doignon, Dolez, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Ernst, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Hye-Hoys, Jadot, Keppenne, Kervyn, Lardinois, Lebeau, Lecreps, Lejeune, Maertens, Mast de Vries, Meeus, Mercier, Metz, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pirson, Polfvliet, Raikem, Raymaeckers, A. Rodenbach, C. Rodenbach, Scheyven, Stas de Volder, Trentesaux, Troye, Ullens, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Van Hoobrouck, Van Volxem, Verhaegen, H. Vilain XIIII, Willmar, Zoude.

M. de Langhe a voté le rejet.

M. Verdussen s’est abstenu de voter parce que les explications données par le ministre relativement aux stations ne lui ont pas paru satisfaisantes.

M. Peeters s’est abstenu de voter parce qu’on n’a pas adopté l’amendement de M. de Puydt.

Ordre des travaux de la chambre

M. de Brouckere demande quel sera l’ordre du jour de demain.

M. le président. - Il y a à l’ordre du jour la loi des transferts de la guerre, les lois des créances arriérées dans les départements de la guerre, de la justice et des travaux publics.

- Sur la demande de M. Lebeau, on met encore à l’ordre du jour de demain la loi sur les indemnités du cadastre, et, sur la demande de M. Zoude, la loi sur la garance.

La séance est levée un peu avant cinq heures.