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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 27 novembre 1838

(Moniteur belge du 28 novembre 1838, n°333)

(Président de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.

M B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse présente l’analyse des pièces adressées à la chambre :

« Le sieur Louis Van Ormelingen, ex-soldat à Lowaige (Liége) ayant contracté des infirmités au service, demande une pension. »


« Le sieur E. de Marneffe, ancien major, demande le paiement d’avances faites par lui à son corps de volontaires en 1830. »


« Le sieur F. Rouse, porteur de contraintes des divisions de Furnes et Loo, demande le paiement des diminutions sur le recensements des patentes et remboursement, montant à 274 fr. 45 c. »


« Des fermiers de l’arrondissement de Tournay demandent l’exemption du droit porté par l’article 42 de la loi du 28 juin 1822 pour ceux d’entre les chevaux qui sont employés à l’agriculture, mais qu’ils montent pour aller aux foires et marchés. »

- Ces pièces sont renvoyées à la commission des pétitions.

Projet de loi portant le budget des voies et moyens de l'exercice 1839

Rapport de la section centrale

M. Demonceau, rapporteur de la section centrale qui a examiné le budget des voies et moyens, monte à la tribune et s’exprime en ces termes :

Messieurs, la section centrale avait approuvé mon rapport, lorsque M. le ministre des finances est venu lui présenter un amendement tendant à autoriser la perception de 15 centimes additionnels extraordinaires sur la contribution foncière et personnelle et sur les patentes ; vous comprenez, messieurs, toute l’importance de cet amendement ; aussi la section centrale a cru qu’elle n’avait pas mandat pour l’examiner et qu’elle devait consulter la chambre sur la question de savoir si la proposition de M. le ministre des finances sera renvoyée aux sections ou à la section centrale comme commission spéciale.

Plusieurs membres – A la section centrale.

M. Eloy de Burdinne – Je crois, messieurs, que lorsqu’il s’agit d’augmenter de 4 millions les contributions, la question est assez grave pour être d’abord examinée par toutes les sections ; il est très possible que dans les sections on propose des moyens de faire face à une partie de la somme demandée, si pas à la totalité. D’ailleurs, messieurs, je vous avoue que, comme membre de la section centrale, je ne serais pas volontiers chargé de me prononcer sur la proposition dont il s’agit, sans que toutes les sections de la chambre aient été consultées.

Je demande que la proposition de M. le ministre des finances soit renvoyée aux sections.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Je ne vois aucune difficulté, messieurs, à ce que la proposition soit renvoyée aux sections ; elle pourrait y être examinée demain, et il serait probablement possible d’en déterminer l’examen en une seule séance et de la renvoyer immédiatement à la section centrale. Je demande donc que la proposition soit renvoyée aux sections avec prière de s’en occuper demain.

- Cette proposition est adoptée.

Projet de loi approuvant la convention conclue entre le gouvernement et M. John Cockerill, le 4 septembre 1834l

Rapport de la commission

M. Dequesne, rapporteur de la commission qui a été chargée de l’examen de la convention conclue entre le gouvernement et M. Cockerill dépose son rapport sur cette convention.

- La chambre en ordonne l’impression et la distribution.

Projet de loi modifiant le tarif général du timbre

Discussion des articles

Article 2

M. le président – Nous en sommes à l’article 2. La chambre a décidé hier que le droit ne serait pas uniforme, par conséquent la proposition de M. le ministre des finances et celle de M. Rogier se trouvent écartées. Il reste la proposition de la section centrale et les amendements de M. Gendebien, Rodenbach et Dubus aîné. La discussion continue sur ces diverses propositions.

M. Desmet – Messieurs, j’ai demandé la parole pour appuyer la système de la section centrale, qui est le seul dont il résulte réellement un droit proportionnel, tel que vous avez déclaré hier vouloir l’établir.

L’amendement de l’honorable M. Rodenbach qui semble établir 3 catégories, n’en établir réellement que deux dans la pratique, et même si les éditeurs de grands journaux veulent employer des caractères un peu plus petits et laisser moins de blanc, ils pourront se servir de papier de 20 décimètres carrés, et il en résultera qu’il n’y aura plus qu’une seule catégorie, c’est-à-dire un droit uniforme, que la chambre a repoussé par son vote d’hier.

L’amendement de M. Rodenbach néglige absolument le petit format, puisqu’il met sur la même ligne tous les journaux dont la dimension ne dépasse pas 20 décimètres, et que la plupart des journaux de province et ceux que l’on appelle petits journaux ne vont pas au-delà de 15 ou 16 décimètres.

Le même reproche s’adresse à l’amendement de M. Gendebien, qui confond également en une seule catégorie tous les journaux dont le format ne dépasse pas 20 décimètres.

Il n’y a réellement que le système de la section centrale qui maintienne les trois catégories, de manière à favoriser également les petits journaux, les journaux moyens et les grands journaux ; c’est là le seul système qui soit conforme au vote émis hier par la chambre.

J’adopterai donc la proposition de la section centrale, sauf le taux du droit, à l’égard duquel je m’en rapporterai à l’opinion de la majorité de la chambre.

Quant à l’amendement de l’honorable M. Doignon qui réduit le prix du timbre des minutes des avis et annonces, non seulement je l’appuierai, mais je proposerai même de supprimer entièrement une mesure qui ne rapporte presque rien au trésor, et qui est extrêmement gênante pour les éditeurs de journaux qu’elle oblige de conserver, pendant un temps indéfini, la minute de leurs annonces, pour ne pas s’exposer à être condamnés à l’amende.

M. A. Rodenbach – Je suis étonné, messieurs, que mon honorable ami, M. Desmet, dise que ma proposition sacrifie les petits journaux, tandis que hier nous avons reçu une pétition signée par plusieurs éditeurs de petits journaux, qui se déclarent fort satisfaits du système que je propose. Il me semble que l’on peut s’en rapporter, pour l’intérêt des petits journaux, à ceux qui les publient et qui doivent avoir une connaissance spéciale de ce qui les concerne.

D’un autre côté, messieurs, les grands journaux ont réclamé contre la proposition de la section centrale que mon honorable ami, M. Desmet, a cru devoir appuyer. Vous voulez, messieurs, favoriser les grands journaux, vous voulez qu’ils puissent contenir tos les documents qui intéressent le public, s’occuper de littérature, en un mot acquérir l’importance que les journaux doivent avoir dans un gouvernement représentatif ; dès lors vous ne pouvez pas repousser ma proposition qui, tout en accordant aux petits un dégrèvement équitable, permet à tous de se développer, de croître en format et en importance ; vous ne pouvez le faire, me semble-t-il, sans rétrograder, sans agir d’une manière tout à fait défavorable à la propagation de l’instruction et de la littérature, de toutes les connaissances qu’il importe de répandre dans un pays constitutionnel.

M. Desmet – Je dois répondre à l’honorable M. Rodenbach qu’il me paraît avoir mal compris la pétition dont on nous a donné lecture dans la séance d’hier et qui nous a été adressée par des éditeurs de petits journaux ; dans cette pétition, on demande le maintien des catégories proposées par la section centrale ; ce sont les grands journaux, au contraire, qui demandent avec instance l’adoption de l’amendement de M. Rodenbach, amendement qui les favorise au détriment des petits journaux.

L’honorable M. Rodenbach a tort de supposer que je sois contraire à l’amélioration des journaux ; mais cette amélioration ne dépend pas seulement du format ; il est tel journal de ma province qui ne coûte que 9 centimes la feuille et qui contient, chaque fois qu’il paraît, au moins deux articles de fond ; ce journal et tout au moins aussi bien rédigé, aussi intéressant que tel autre journal dont le prix est de 60 fr.

M. F. de Mérode – Messieurs, de ce qu’on a lu hier une pétition qui est adressée à la chambre par divers journaux de Bruxelles, il ne s’en suit pas que l’on doive faire droit à la pétition. Les éditeurs d’autres journaux n’ont pas fait parvenir une pétition, parce qu’ils ont cru que c’était une mesure inutile ; la pétition dont il s’agit n’est donc pas une autorité pour nous. Je ne conçois pas pourquoi ceux qui réclament un privilège, seraient favorisés aux dépens des autres. La pétition qu’on nous a lue n’a pas d’importance à mes yeux ; elle ne doit pas nous arrêter : c’est la cause elle-même que nous devons juger. Il me semble que si l’on veut adopter un changement quelconque, nous devons adhérer au principe du système de M. Rodenbach, plutôt qu’au système des autres membres, qui tend à empêcher le développement de la presse.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, j’avoue que j’étais disposé à faire de grands sacrifices en faveur de la presse. Mais tout le monde sait que dans ce moment nous devons être en mesure et qu’il faut de l’argent dans le trésor. Je compte sur le patriotisme de MM. les journalistes, qui n’a jamais fait défaut en aucune circonstance, et je suis sûr qu’eux-mêmes sont prêts à faire un don sur l’autel de la patrie. Il n’y a pas de doute que dans ce moment nous ne devions chercher tous les moyens d’avoir de l’argent, parce que l’argent est le nerf de la guerre et que nous sommes peut-être sur le point de devoir la soutenir. C’est pour ce motif que je désire et demande que la proposition de la section centrale soit adoptée ; par là, les journalistes obtiendront un dégrèvement de 26 p.c.

M. A. Rodenbach – Messieurs, je suis aussi économe que l’honorable préopinant des deniers du peuple. Mais la réduction à accorder aux journaux est une chose convenue depuis une année ; il s’agit de l’exécution d’une promesse faite à l’industrie du publiciste. On vous l’a dit, les publicistes, qui ne peuvent pas seulement vivre d’honneur et de gloire, paient pour leur profession jusqu’à 47 p.c. Je vous le demande, y a-t-il en Belgique une autre industrie qui soit grevée à ce point ?

Si l’on demandait un impôt de 47 p.c. sur l’impôt foncier, je suis persuadé que l’honorable préopinant (et il aurait raison) crierait à l’iniquité, à l’injustice. Je crois, messieurs, que dans un pays constitutionnel toutes les industries doivent être frappées d’un impôt ; mais il ne faut pas faire peser une charge plus forte sur une industrie que sur une autre. Il est donc injuste d’exiger de celle des publicistes un impôt plus exorbitant que celui qui frappe l’une ou l’autre de toutes les industries.

M. Gendebien – Messieurs, quoique j’aie peu de chance de voir réussir mon amendement, cependant je dirai un mot en sa faveur.

On parle de graves circonstances ; on parle des sacrifices que nous sommes sur le point de faire et auxquels on a préludé en proposant tout-à-l’heure des centimes additionnels aux impôts foncier, personnel et des patentes.

Je crois, messieurs, que les circonstances sont graves ; mais, quelques graves qu’elles puissent être, je ne pense pas que ce soit un obstacle pour rendre justice à la presse. Je crois, au contraire, que c’est en raison de ces circosntances qu’il faut se hâter de lui rendre justice.

Messieurs, on ne peut pas se le dissimuler, la presse a rendu d’immenses services à la révolution, en faisant éclore des idées qui auraient eu besoin peut-être d’un demi-siècle avant de germer ; il ne faut pas se le dissimuler, c’est la presse qui a fait la révolution ; il ne faut pas se dissimuler non plus que, depuis quelque temps surtout, la presse a rendu d’immenses services à la Belgique ; qu’elle est appelée à lui en rendre encore d’immenses, et d’autant plus grands que les circonstances deviendront plus difficiles et plus compliquées.

Croyez-moi, messieurs, c’est par la sympathie des peuples que nous réussirons à vaincre les despotes qui nous menacent aujourd’hui ; et ne pensez pas, messieurs, que vous obtiendrez cette sympathie, en faisant croire aux peuples que les révolutions ne sont que des transmutations de personnes ; que les révolution sont, en un mot, l’application de l’adage : « Ote toi de là, pour que je m’y mette. » Il faut faire voir aux peuples qui manifestent aujourd’hui hautement leur sympathie pour les révolutions, et surtout pour la nôtre ; il faut leur faire voir qu’une révolution n’est pas toujours un mensonge.

Or, le meilleur moyen, selon moi, de leur faire apprécier les résultats de la révolution, c’est d’abolir toute espèce d’impôt sur la presse. Le premier besoin de tous les peuples qui nous environnent, c’est la liberté d’émettre leur pensée. Si vous abaissez, messieurs, les droits, de manière à frapper tous les esprits, on comprendra facilement tous les avantages d’une révolution. Croyez-moi, messieurs, un décret des chambres qui abaisserait les droits de timbre sur les journaux au taux que je propose, nous vaudrait une armée.

Je suis convaincu qu’un léger sacrifice d’une soixantaine de mille francs, si toutefois, ce qui est très douteux, la réduction sur le timbre des journaux doit entraîner un sacrifice pour le pays, fera plus d’effet sur nos voisins et contre ceux qui nous menacent, que les 3,500,000 fr. qu’on nous a demandés pour le département de la guerre. Ce n’est pas que je veuille dire que cette allocation est inutile et que je la repousserai ; bien au contraire : dût-on demander le double, dès l’instant qu’il me serait prouvé que ce n’est pas pour arriver à une nouvelle mystification, j’accorderai le crédit.

Mais le sacrifice que l’on demande en faveur des journaux est-il réel ? Mais non, messieurs ; M. Lebeau, au début de la discussion, vous a fait connaître quel a été en Angleterre le résultat de la diminution de l’impôt sur le timbre. Je suis convaincu qu’en Angleterre le produit de l’impôt n’a pas subi de réduction ; je suis convaincu que si l’on mettait le droit au taux auquel il a été établi en Angleterre, l’impôt doublerait chez nous avant peu d’années.

Ainsi donc, messieurs, je crois que, précisément en raison des circonstances graves qui semblent nous menacer, il faut être généreux envers la presse ; il faut lui payer la dette que la révolution a contractée envers elle ; car je répèterai encore ce que j’ai déjà dit en cette enceinte plus de 20 fois : le gouvernement a formellement promis à la presse que tout impôt sur les journaux serait aboli.

L’honorable M. Rogier s’est trompé hier, lorsqu’il a dit que le gouvernement provisoire n’avait pas pensé à dégrever la presse. Le gouvernement provisoire ne s’est pas contenté de faire disparaître l’abus d’une fausse interprétation donnée par voie de règlement par le roi Guillaume. Il résolut l’abolition totale du timbre ; mais le trimestre des abonnements étant commencé (c’était, je pense, vers la fin d’octobre), il pensa qu’on pouvait ajourner l’arrêté jusqu’au 31 décembre. Des journalistes furent invités à se rendre au sein du gouvernement provisoire, ; je me rappelle très bien que M. Jottrand s’est rendu à cette invitation ; ils déclarèrent que l’abonnement ayant été reçu sur l’ancien pied, il n’y a avait aucun inconvénient à ajourner le décret d’abolition du droit. En conséquence il fut convenu avec MM. les journalistes qu’on ne décrèterait l’abolition totale du timbre qu’au 1er janvier 1831. Et, je dois le dire ici à l’honneur de vos honorables journalistes, ils ont déclaré qu’aussi longtemps que l’on serait en présence de l’ennemi, ils ne demanderaient aucune réduction, et consentiraient à continuer les mêmes sacrifices, quelque pesants qu’ils fussent.

Le moment, messieurs, est venu de s’exécuter : voilà huit ans que les journalistes attendent l’exécution d’une promesse formelle. Que penser d’une nation qui fait une révolution, bien plus pour les intérêts intellectuels que pour les intérêts matériels ; que penser d’un peuple qui fait une révolution dans cet esprit, lorsqu’il hésite, huit ans après, à dégrever l’impôt qui pèse sur la presse,, alors que cet impôt varie de 56 à 81 p.c., comme l’a démontré l’honorable M. Verdussen ; varie, selon les autres, de 40 à 50 p.c. du produit brut ! Si l’on percevait 40, 35 ou 30 p.c. sur le bénéfice net d’une industrie quelconque, on trouverait l’impôt exorbitant ; qu’est-ce donc, lorsque cet impôt se prélève sur le produit brut ? C’est une véritable spoliation.

Ainsi, le fisc qui ne doit atteindre que le superflu, vient aggraver l’état de gêne, l’état de perte et presque de ruine dans lequel sont presque tous nos journaux. La situation financière de nos journaux est déplorable ; on ne peut pas le révoquer en doute, un honorable membre, ministre d’état, vous a dit que les grands journaux étaient en perte ; qu’il avait été lui-même actionnaire et qu’il avait perdu beaucoup d’argent. Ainsi, sur une industrie qui ne fait aucun bénéfice, qui perd sur son capital, vous voulez prélever un impôt qui augmente ces pertes ; et dans quelles circonstances ? lorsque cette industrie se rattache au palladium de nos libertés, à la presse. Mais ce serait là un contre-sens, une absurdité récoltante, en opposition non-seulement avec le texte et l’esprit de la constitution, mais encore et surtout avec l’intérêt du moment que l’on invoque pour repousser la diminution du timbre.

Je crois donc que ce qu’il y a de mieux à faire, c’est d’adopter mon amendement, qui établit une échelle proportionnelle rigoureusement exacte, calculée en raison de la surface du papier timbré servant aux journaux.

Pour moi, messieurs, j’avoue qui si j’éprouve un regret en ce moment, c’est de ne pouvoir abolir entièrement l’impôt sur les journaux. Je suis convaincu, je le répète, que cette suppression serait de nature à nous concilier les sympathies de tous nos voisins, et peut-être à provoquer certain désir d’imitation, qu’il serait bon d’échauffer en ce moment. Car, croyez-moi, messieurs, il y a longtemps que je vous le dis, vous ne devez compter que sur la sympathie des peuples ; sur l’amitié des rois, jamais ; car vous êtes entachés du péché originel, et cette tache ne disparaîtra jamais, à moins que les dynasties qui vous environnent ne deviennent plus jeunes que la nôtre.

Si mon amendement n’était pas adopté, je me rallierai à celui de M. Dubus, qui se rapproche le plus du mien ; car il reste dans les véritables bases proportionnelles qui sont constitutives de mon amendement.

M. Eloy de Burdinne – Notre honorable collègue, M. A. Rodenbach, en me répondant, vous a dit qu’il s’il s’agissait d’une question de propriété ou d’agriculture, et qu’on vînt demande 40 p.c. du produit de la propriété, on me verrait m’opposer à cet impôt. Je ferai remarquer que M. A Rodenbach est un champion plus fort que moi, bien que plus énergique quand il s’agit de défendre une industrie que je ne nommerai pas.

Dans mon opinion, le timbre ne doit pas être considéré comme un impôt sur les journalistes, mais sur les lecteurs. A la vérité, une diminution du droit du timbre ferait peut-être qu’il y aurait plus d’abonnés, et serait un encouragement à cette industrie. J’éprouve beaucoup de sympathie pour la presse ; j’aime beaucoup les journaux, je sais quels services ils ont rendus au pays ; et j’avoue que dans un autre moment que celui où nous nous trouvons, je serais disposé à apporter une grande amélioration à l’industrie des journaux, en faisant disparaître une grande partie du timbre qui pèse sur eux. Mais dans des circonstances qu’on peut comparer à celles où nous nous trouvions au moment de la révolution, je ne crois pas qu’il soit possible de la faire. D’ailleurs, l’honorable préopinant a dit qu’à cette époque les journalistes avaient fait preuve de patriotisme en continuant à payer un droit dont ils auraient pu obtenir la réduction. Je suis persuadé que si on les consultait, nul d’entre eux ne se refuserait à payer le même droit une année encore. Je connais assez leur patriotisme pour en être convaincu.

M. Gendebien – Personne ne compte plus que moi sur le patriotisme des journalistes. Mais il faut avouer une chose, c’est que si on retardait plus longtemps l’exécution de la promesse faite à la presse, on pourrait la considérer comme une jonglerie. Décrétons d’abord la loi, sauf à ajourner des centimes additionnels, comme on vient de le faire pour l’impôt foncier, la contribution personnelle et des patentes.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Messieurs, ainsi que l’a dit le premier orateur entendu dans la discussion d’aujourd’hui, l’amendement de M. A. Rodenbach ne renferme en fait que deux catégories. M. Desmet vous a indiqué les différentes dimensions du papier, il est inutile que je les répète, il vous a fait connaître qu’aucun journal actuel ne dépassait 30 décimètres, que c’était au-dessous de cette dimension qu’il fallait chercher l’application de la loi. Or, pour 20 décimètres, le droit, selon M. Rodenbach, serait de 2 centimes ; de 20 à 30 décimètres, le droit serait de 3 centimes, en sorte que l’application de la loi n’aurait lieu que sur deux catégories ; en un mot, il n’y aurait plus, en réalité, que deux droits de timbre. L’amendement de M. Gendebien serait le même quant au résultat. En fait, il n’y aurait non plus que deux timbres. (Réclamations.)

Je vais le démontrer. Je suis étonné qu’on me conteste cela.

M Gendebien propose, par son amendement, de fixer le droit un 1 ½ centime pour la plus petite dimension jusqu’à 19 décimètres ¾ ; de 19 ¾ à 24 ¾, il propose 2 centimes ; de 25 à 29 ¾, il propose 2 ½ centimes. Or les journaux actuels pour les neuf dixièmes rentrent dans la première et la seconde catégorie.

Cependant, je m’aperçois que j’ai peut-être parlé d’une manière trop absolue en disant que, d'après l’amendement de M. Gendebien, il n’y aurait jamais en fait que deux catégories ; il pourrait arriver qu’on publie des journaux d’un timbre intermédiaire entre 25 et 30 décimètres, et, dans ce cas, il y aura application du droit à trois catégories ; toutefois, le taux du timbre ne variant que d’un demi-centime, il faut convenir que deux catégorie se confondent en quelque sorte en une seule.

Par son amendement, M. Dubus propose de maintenir la graduation actuelle des dimensions, mais en réduisant l’impôt à 2, 3 et 4, centimes, au lieu de 3, 4 et 5 centimes que propose la section centrale. L’injustice qui résulte de ce système est par trop évidente pour qu’il puisse être accueilli. En abaissant le droit à 2 centimes sans additionnels au lieu de 4, taux actuel avec les centimes additionnels, les petits journaux ne paieraient plus que la moitié de ce qu’ils supportent actuellement. Le timbre des journaux moyens, qui est aujourd’hui de 5 centimes et une fraction, M. Dubus le réduit à 3, c’est-à-dire de passé 2 cinquièmes ; et sur les grands journaux, il n’accorde qu’une réduction d’un peu plus du tiers. C’est donc procéder en sens inverse de ce qu’il a été démontré équitable de faire ; c’est augmenter l’iniquité qui existe déjà en dégrevant encore le plus ceux qui paient le moins aujourd’hui. Quant à moi, je repousse un système semblable.

Puisqu’en fait, dans la réalité, il n’y aurait, d’après les amendements de MM. Gendebien et Rodenbach, que deux droits de timbre différents sur les journaux, il serait plus simple de l’exprimer formellement dans la loi. Je vais vous soumettre une rédaction qui me paraît devoir concilier toutes les opinions, et que M. Gendebien ne fera sans doute pas difficulté d’admettre, attendu qu’elle est, quant aux journaux de la plus grande catégorie, dont il a eu en vue de faciliter la publication, conforme à sa proposition.

Voici, messieurs, cette rédaction :

« Le droit de timbre des journaux et écrits périodiques est de 3 centimes par chaque feuille de 20 décimètres carrés de superficie et au-dessous, et de 4 centimes pour chaque feuille de dimension supérieure. »

« Les feuilles et suppléments joints aux journaux et papiers-nouvelles quotidiens, taxés à 4 centimes, sont exempts de la formalité du timbre. »

De cette manière une catégorie de 20 décimètres carrés et au-dessous comprendrait tous les petits journaux et paierait 3 centimes ; l’autre catégorie, quelle que soit la dimension des feuilles, et avec des suppléments, paierait 4 centimes.

Ce mode se rapproche de ceux présentés par d’honorables membres ; il est le même en fait, quant à l’application, mais plus clair, plus simple, plus libéral ; car, avec ce système, nous pouvons excepter du timbre les feuilles de suppléments jointes aux journaux d’une dimension supérieure à 20 décimètres carrés.

Je m’étais promis, messieurs, de ne vous présenter aucun amendement, du moment que le système du gouvernement, serait repoussé, et de me raller à celui de la section centrale ; mais croyant trouver dans la proposition que je viens de formuler un moyen de conciliation qui pouvait réunir les opinions divergentes, je n’hésite pas à vous le soumettre.

J’ajouterai à ce que je viens de dire, que je n’exempte du timbre que les suppléments annexés aux feuilles de 4 centimes, parce que si on étendait cette exception aux journaux du petit format, la loi serait éludée, attendu que tous prendraient ce format et y joindraient un supplément qui échapperait u timbre.

M. A. Rodenbach – Messieurs, lorsque la discussion a commencé, M. le ministre des finances a dit que les auteurs du pays ne pouvaient pas vendre leurs manuscrits, qu’ils devaient déposer leurs essais dans les journaux. Il a dit qu’il fallait permettre aux journaux d’étendre leur format, afin de pouvoir insérer des feuilletons littéraires et autres. Dans ma proposition, à la vérité, les journaux d’une dimension au-dessous de 30 décimètres ne paient que 3 centimes, mais j’ai ajouté une catégorie de 40 décimètres et au-dessus pour que les journaux puissent augmenter leur format et s’occuper de littérature.

Il faut songer, messieurs, que dans notre pays la littérature ne procure pas à ceux qui s’en occupent, les moyens de vivre, tandis que dans les pays voisins les littérateurs font des fortunes considérables. Si c’est le contraire, c’est une carrière détestable. J’ai cru qu’en établissant une catégorie de 30 à 40 décimètres, les grands journaux pourraient insérer les articles de littérature qu’on leur offrirait.

Ainsi, lorsqu’un journal voudra être consacré à la littérature, il pourra, en payant 4 centimes, agrandir son format et ainsi accueillir les articles scientifiques ou littéraires qui lui seront envoyés.

L’honorable député qui m’a combattu a dit que c’est le lecteur qui paie l’impôt ; cela est vrai, mais il faut convenir qu’on peut en dire autant de tous les impôts ; ainsi celui qui consomme du pain paie l’impôt foncier.

J’attendrai la discussion ultérieure pour me prononcer sur le nouvel amendement de M. le ministre des finances.

M. Demonceau, rapporteur – Lorsque je me suis chargé du rapport, j’ai étudié attentivement tous les systèmes proposés à la chambre ; je puis vous assurer que j’ai trouvé celui de la section centrale le plus juste pour tous les journaux.

Je ne puis me dispenser de reconnaître la vérité de ce que vient de dire M. le ministre des finances, quand il a observé à l’honorable M. Dubus que son amendement favorisait plus les journaux de petit format que les journaux de grand format.

Veuillez jeter les yeux sur le rapport de la section centrale, vous y trouverez, paragraphes 8 et 9, la note suivante :

« Calcul comparé des propositions de la section centrale avec le projet du gouvernement.

« SECTION CENTRALE

« La réduction qu’elle propose s’élève au quart du droit actuel ; ainsi :

« Un journal qui fait usage du papier timbré à 2 ½ cents, comme le Courrier, l’Indépendant, l’Observateur, etc., paie aujourd’hui pour 100 feuilles :

« 1° Pour droit en principal : fr. 5 00

« 2° 6 pour cent pour différence monétaire : fr. 0 30

« 3° 26 pour cent additionnels : fr. 1 37

« En tout : fr. 6 67.

« Il ne paiera plus pour le même nombre d’exemplaires que fr. 5 00

« Différence en moins, soit le quart : fr. 1 67.

« Un journal qui use du papier timbré de 1 ½ cents (le Belge, l’Eclaireur, le Journal de la Belgique, etc.) paie aujourd’hui pour 100 feuilles :

« 1° En principal : fr. 3 00

« 2° 6 pour cent pour différence monétaire : fr. 0 18

« 3° 26 pour cent additionnels : fr. 0 82

« En tout : fr. 4 00

« Il ne paiera plus pour le même nombre d’exemplaires que fr. 3 00

« Différence en moins, soit le quart : fr. 1 00. »

« PROJET DU GOUVERNEMENT

« Un journal qui fait usage du papier timbré à 2 ½ cents, et qui, ainsi que nous l’avons établi ci-dessus, paie aujourd’hui en principal et additionnels pour 100 fr. fr. 6 67

« ne paierait plus que : fr. 4 00

« Différence en moins, soit 40 p.c. de réductions à peu près, fr. 2 67.

« Un journal qui s’imprime sur papier petit format timbré à 1 ½ cents, et qui paie en principal et additionnels, fr. 4 00

« Continuerait à subir la même taxe ; ainsi, sauf une légère fraction dans la différence des réductions, les journaux petits formats n’obtiendraient aucune réduction.

Si la proposition de l’honorable M. Dubus était adoptée, les grands journaux n’auraient qu’une réduction de 2 fr. 67 centimes.

Je ne puis me dispenser d’appuyer l’observation que fait M. le ministre des finances quand il dit que les amendements de MM. Gendebien et Rodenbach n’ont d’autre résultat que de créer deux timbres au lieu de trois.

Quant à l’amendement de M. le ministre des finances, s’il voulait vous engager à revenir sur ce que vous avez décidé hier, il ne pouvait pas mieux faire.

Ce n’est pas tout-à-fait l’uniformité ; mais cela se rapproche tellement de l’uniformité ; il y a si peu de différence qu’autant vaut ne pas en parler. Il y a, il est vrai, deux droits ; mais il autorise les journaux du format excédant 20 décimètres carrés à donner des suppléments ; ainsi un journal de 19 décimètres 99 centièmes ne pourrait pas donner de suppléments, et le journal de 21 décimètres pourra en donner. Il paiera, il est vrai, 4 centimes ; mais en résultat il pourra, avec ces suppléments, avoir le même avantage que les journaux de petit format. Cela se rapproche donc beaucoup de l’uniformité.

Je crois en avoir assez dit pour prouver que le système de la section centrale est le plus équitable.

Comme il pourrait se faire que plusieurs honorables collègues voulussent donner la préférence à l’amendement de M. Dubus, je demanderai à cet honorable membre s’il entend reproduire par son amendement la disposition de ‘article 58 de la loi du 9 vendémiaire an VI, d’après laquelle on paie pour la feuille de 20 décimètres carrés 4 centimes, pour la demi-feuille, 2 centimes et 1 centime pour chaque 5 décimètres carrés, excédant la dimension indiquée par la loi.

Je pense que telle a été l’intention de l’honorable M. Dubus, et je crois qu’il convient de reproduire cette disposition parce qu’il y avait eu doute sur son interprétation, parce qu’elle a été interprétée différemment par les tribunaux. On prétendait qu’un journal ayant la dimension de 12 décimètres ½ ne pouvait aller à 5 décimètres en sus de cette dimension ; mais la jurisprudence, sur ce point, était douteuse. Puisque l’honorable M. Gendebien a parlé de divers arrêtés du gouvernement provisoire, je lui rappellerai que le gouvernement provisoire a fait cesser ces doutes de la jurisprudence. Vous savez qu’alors nous avions trois cours de cassation qui pouvaient décider les questions en sens inverse ; car il faut faire attention qu’en cette matière les tribunaux de première instance jugent en dernier ressort. Leurs jugements ne peuvent être réformés que par la cour de cassation. Le gouvernement provisoire prit un arrêté interprétatif par lequel il disposait formellement que, pour subir une augmentation de droit de timbre d’un centime, il fallait qu’un journal eût 5 décimètres complets en sus des 12 décimètres ½. Si donc nous reproduisons l’article de la loi de vendémiaire, il n’y aura aucun doute possible.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Il n’y a pas de doute à cet égard-là ; moi, qui exécute la loi, je le sais fort bien.

M. Gendebien – Je ne comprends pas comment on s’obstine à ne voir dans mon amendement que deux catégories ; on serait même tenté, à ce qu’il paraît, de n’y en voir qu’une. J’ai le droit de m’étonner surtout que le rapporteur de la section centrale verse dans cette erreur, alors que mon amendement est calqué sur la proposition de la section centrale, sauf que j’ai réduit les chiffres de moitié. C’est exactement la même chose, avec cette différence que, pour satisfaire à l’opinion de M. le ministre des finances, de MM. Lebeau et Rogier, enfin des orateurs qui ont parlé en faveur des grands journaux, j’ai inséré dans mon amendement que les journaux de 30 décimètres carrés pourront prendre la dimension qu’ils voudront sans surcroît de droit.

Je vous prie d’y faire attention : voici quel est mon amendement :

1° La feuille entière de 30 décimètres paiera 3 centimes.

2° La demi-feuille (ou feuille de 15 décimètres) paiera 1 centime et demi.

Voici maintenant les quatre catégories résultant de ces deux extrêmes :

le catégorie : jusqu’à 19 décimètres 9 dixièmes : droit de 1 centime ½ ;

2° catégorie : jusqu’à 24 décimètres 9 dixièmes : droit de 2 centimes

3° catégorie : jusqu’à 29 décimètres 9 dixièmes : droit de 2 centimes ½

4° catégorie : 30 décimètres et au-dessus : droit de 4 centimes.

Je ne conçois pas comment on soutient que je n’admets que deux catégories.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – En fait.

M. Gendebien – En fait comme en droit, cela est inexact ; car il y a aujourd’hui des petits journaux qui vont jusqu’à 17 décimètres et demi décimètres moins une fraction, ceux qui ont 22 et demi moins une fraction, et alors on arrive à la catégorie des journaux qui ont 29 et une grosse fraction et qui approchent le plus possible de 30 décimètres ; puis viennent, d'après mon amendement, les journaux de 30 décimètres et au-delà. Je présente donc une catégorie de plus que la section centrale. Tenons donc pour constant que le reproche qu’on adresse à mon amendement, est sans réalité, et que j’ai quatre catégories, ainsi que je viens de le démontrer.

Le ministre des finances fait ensuite à mon amendement le reproche d’être injuste envers les grands journaux.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Je n’ai pas dit cela de votre amendement ; c’est à M. Dubus que je répondais !

M. Gendebien – Alors je n’ai pas à vous réfuter sous ce rapport. J’en suis charmé, cela abrégera la discussion.

Reste la question des suppléments ; je ne sais, messieurs, s’il faut accorder la faculté de faire des suppléments à des journaux qui peuvent s’étendre indéfiniment, à des journaux déjà favorisés, puisqu’au-delà de 30 décimètres carrés, ils ne paient plus rien, et alors surtout qu’on défendrait de faire des suppléments à toutes les catégories inférieures à 30 décimètres.

Ici d’ailleurs se présente une question constitutionnelle : Pouvez-vous, en matière d’impôt, accorder aux uns ce que vous défendez aux autres ? La faculté de s’étendre indéfiniment n’est pas un privilège, car il est permis à chacun d’atteindre la grandeur qu’il veut dans les catégories que j’ai indiquées, mais vous ne sauriez donner une faveur aux uns et la refuser aux autres, sans violer la constitution et les premières notions de la justice.

Si vous voulez sincèrement faire quelque chose pour la presse ; si vous voulez faire croire à nos voisins qu’il peut être bon de faire une révolution ; si vous voulez obtenir la sympathie de nos voisins ; si vous voulez prouver qu’en Belgique la révolution n’a pas été un mensonge, faites disparaître cette iniquité qui pèse sur la première des industries, la presse, en diminuant des droits qui allaient jusqu’à 35 et 40 p.c. du produit brut.

M. Dubus (aîné) – L’honorable rapporteur de la section centrale demande une explication sur la manière dont s’appliquerait l’amendement que j’ai déposé. Ce n’est pas un amendement que j’ai présenté, c’est un sous-amendement à la proposition de la section centrale ; de sorte que ma réponse se trouve dans la proposition même de la section centrale. Elle a proposé une rédaction qui, je crois, a été modifiée dans une des séances précédentes quant aux chiffres. Eh bien, il suffirait de changer dans le libellé qu’elle a présenté le chiffre de 3 centimes en celui de 2 centimes, pour arriver à mon sous-amendement.

M. le ministre des finances a combattu les différents amendements déposés, et il en a proposé un nouveau. J’ai remarqué qu’il m’a fait la même objection qu’à l’amendement de M. A. Rodenbach, c’est-à-dire qu’en résultat mon sous-amendement n’offrait que deux classes ; et aussitôt il a présenté son amendement qui ne renferme que deux classes.

Je crois que, pour être conséquent avec son vote d’hier, la chambre ne peut admettre la proposition du ministre des finances ; et, par le même motif, je crois qu’elle ne pourrait admettre, au moins sans modification, l’amendement présenté par M. A Rodenbach, lesquels étant appliqués aux faits existants actuellement, réduiraient aussi les trois classes à deux. Je regrette que cet honorable membre n’ait pas pensé d’appliquer à sa proposition les graduations proposées par M. Gendebien, ou de former ne classe nouvelle pour chaque augmentation de 5 décimètres avec une majoration du droit d’un demi-centime. Par ce moyen, M. Rodenbach présentait un système rationnel ou proportionnel ; mais, dans l’état actuel, ce système réduisant les 3 classes à 2, il manque de justice proportionnelle.

Tous les amendements proposent une diminution sur le droit de timbre actuellement perçu. L’amendement de la section centrale propose la suppression des centimes additionnels, et encore la diminution d’un autre droit qui était de 6 p.c. pour différence de monnaie. Ces deux réductions peuvent être évaluées à 25 p.c. des droits existants.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – La réduction serait de 27 p.c.

M. Dubus (aîné) – Ainsi, on peut évaluer à 26 ou 27 p.c. la réduction de la section centrale. La réduction qui serait le résultat de mon amendement serait de 50 p.c. sur les journaux de petit format. On la trouve trop exagérée. On trouverait à plus forte raison trop exagérée celle de M. Gendebien qui reviendrait à (erratum, Moniteur du 30 novembre 1838) 66 p.c., puisqu’il y aurait tout à la fois suppression des 25 centimes additionnels et réduction du droit à moitié ; et en outre la suppression de 6 p.c. pour différence de monnaie : ce qui fait en tout 66 p.c.

Il me semble que dans les circonstances où nous nous trouvons, nous ne pouvons pas aller jusque-là ; nous en pouvons pas encore accorder aux journaux une réduction aussi forte, alors qu’on nous propose d’augmenter de 15 centimes d’autres impôts.

Quant à l’amendement de M. Rodenbach, la réduction est différente selon le format. Il y a un format pour lequel elle serait de 50 p.c. ; mais il y a un autre où elle serait de plus de 60 p.c.

Je pense que la chambre devra voter sur les différents amendements en commençant par celui qui présente la réduction la plus forte, et qu’on arriverait à celui de la section centrale, dans le cas où tous seraient rejetés, en y comprenant celui du ministres des finances.

J’ai été amené à propose un sous-amendement à l’amendement de la section centrale, par ce qui a été dit par l’honorable rapporteur lui-même. Sur l’observation faite de différents côtés que la réduction de la section centrale serait insuffisante, il a consenti à remplacer les chiffres 3, 4, 5 par les chiffres 2, 3, 4 ; je n’ai fait que m’emparer de cette idée-là. Si elle présente, dans l’application une réduction qui ne soit pas proportionnelle , il me serait très difficile d’en improviser une autre, car je n’ai pas le loisir de me livrer actuellement à de nouveaux calculs.

M. Demonceau, rapporteur – Je regrette de n’avoir pas sous les yeux l’amendement de M. Gendebien. Je retire ce que j’ai dit, que son système n’établit que deux timbres ; je reconnais qu’il en établit réellement trois.

M. le président – Voici une nouvelle proposition que M. A Rodenbach substitue à son amendement :

« J’ai l’honneur de proposer à la chambre la répartition suivante de l’impôt du timbre des journaux :

« La feuille de 20 décimètres et au-dessous paierait 2 centimes ; celle de 25 décimètres et au-dessous 2 centimes ½ ; celle de 30 décimètres et au-dessous 3 centimes ; celle de 35 décimètres et au-dessous 3 centimes ½ ; celle de 40 décimètres et au-dessous 4 centimes ; et ainsi de suite, de manière à appliquer un demi-centime en sus pour chaque cinq décimètres de superficie. »

M. Desmet – Je dois vous faire remarquer, messieurs, que cette réduction ne change rien, au fond, à l’amendement de M. Rodenbach ; cet amendement conserve entièrement le vice que je lui ai reproché de négliger tout à fait les petits journaux, qui n’ont que 15 ou 16 décimètres de superficie. (Aux voix ! aux voix !)

M. le président – Il y a à voter sur les amendements de M. Rodenbach, de M. Gendebien, de M. Dubus ; sur la proposition de la section centrale et sur celle de M. le ministre des finances. A laquelle de ces propositions veut-on donner la priorité ?

- La chambre consultée décide qu’elle votera en premier lieu sur la proposition de M. le ministre des finances.

Sur la demande de plus de 5 membres, il est procédé par appel nominal.

Voici le résultat du vote :

74 membres répondent à l’appel.

31 votent l’adoption.

43 votent le rejet. En conséquence, la proposition de M. le ministre des finances n’est pas adoptée.

Ont voté l’adoption : MM. Bekaert, Corneli, de Behr, de Florisone, de Langhe, de Longrée, F. de Mérode, de Nef, Dequesne, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, B. Dubus, Ernst, Fallon, Lebeau, Liedts, Mercier, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pollénus, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Ullens et van Volxem.

Ont voté le rejet : MM. Andries, Berger, David, de Brouckere, Dechamps, de Foere, de Jaegher, de Meer de Moorsel, Demonceau, de Muelenaere, de Perceval, de Puydt, de Renesse, Desmaisières, Desmet, d’Hoffschmidt, Doignon, Donny, Dubus aîné, Duvivier, Eloy de Burdinne, Frison, Gendebien, Heptia, Lecreps, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Metz, Morel-Danheel, Raymaeckers, A Rodenbach, C. Rodenbach, Stas de Volder, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Verhaegen, Zoude et Raikem.

M. le président – A laquelle des propositions restantes veut-on maintenant accorder la priorité ?

Plusieurs membres – A celle de la section centrale.

M. Dubus (aîné) – Il y a des propositions qui sont des sous-amendements de la section centrale, et le règlement veut que les sous-amendements aient la priorité ; il doit, en effet, en être ainsi, car sans cela plusieurs membres seraient dans l’impossibilité de voter. Je demande l’exécution du règlement.

M. le président lit l’article du règlement qui établir que les sous-amendements doivent être mis aux voix avant l’amendement. Il y a, ajoute M. le président, une proposition de M. Dubus qui sous-amende l’amendement de la section centrale ; est-ce à ce sous-amendement que l’on veut accorder la priorité ?

M. Dubus (aîné) – Tous les amendements proposent une réduction au droit existant ; il me semble donc que c’est à l’amendement qui propose la réduction la plus forte qu’on doit accorder la priorité.

M. de Longrée – Messieurs, on met toujours aux voix le chiffre le plus élevé ; je ne vois pas pourquoi l’on ferait autrement dans cette circonstance ; il faut donc mettre d’abord aux voix le chiffre le plus élevé.

M. Dubus (aîné) – L’ordre dans lequel je propose de voter repose sur les mêmes motifs qui l’on fait admettre, lorsqu’il s’agit de voter les dépenses : on commence, pour les dépenses, par le chiffre le plus élevé, et pourquoi ? pour que celui qui voudrait voter pour une somme de 100,00 francs, par exemple, puisse, si elle est rejetée, se rallier au chiffre de 90,000 francs, et au besoin à un troisième chiffre de 80,000 francs, si le second est encore rejeté. Par la même raison, puisque la loi actuelle sur le timbre établit un impôt de tant, et que toutes les propositions sont des réductions de ce droit, il faut mettre aux voix la réduction la plus forte, pour qu’on puisse se rallier aux réductions moins fortes, si la plus forte n’est pas admise.

M. le président – Je vais mettre aux voix la question de savoir si l’on commencera par le chiffre le plus élevé ou par le chiffre le plus bas.

- La chambre décide qu’elle votera d’abord sur le chiffre le plus bas.

M. le président – Je vais en conséquence mettre aux voix la première partie de l’amendement de M. Gendebien ainsi conçue :

« Le droit de timbre ou de dimension, sur les journaux périodiques, sera de 3 centimes par chaque feuille de 30 décimètres, et de 1 ½ centimes pour chaque demi-feuille de 15 décimètres carrés et au-dessous. » (L’appel nominal ! l’appel nominal !)

73 membres prennent part au vote.

12 répondent oui.

61 répondent non.

En conséquence, la première partie de l’amendement de M. Gendebien n’est pas adoptée.

Ont répondu oui : MM. Bekaert, David, de Brouckere, de Puydt, de Renesse, Frison, Gendebien, Lecreps, Metz, Raymaeckers, Vandenbossche, Van Volxem et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Andries, Berger, Corneli, Dechamps, de Florisone, de Foere, de Jaegher, de Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, Dequesne, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Hoffschmidt, d’Huart, Doignon, Dolez, Donny, Dubus (aîné), B. Dubus, Dumortier, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Fallon, Heptia, Lebeau, Liedts, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Morel-Danheel, Nothomb, Pirmez, Pollénus, A Rodenbach, C. Rodenbach, Rogier, Scheyven, Simons, Smits, Stas de Volder, Thienpont, Trentesaux, Ullens, Vandenhove, Vanderbelen, Verdussen, Vergauwen, Zoude et Raikem.

- L’amendement de M. A. Rodenbach est ensuite mis aux voix ; il n’est pas adopté.

M. le président – Je vais mettre aux voix l’amendement de M. Dubus qui est ainsi conçu :

« J’ai l’honneur de proposer à la chambre, par sous-amendement à l’amendement de la section centrale, les chiffres de 2 ,3 et 4 centimes, au lieu de ceux de 3, 4 et 5. »

- Plus de 5 membres demandant l’appel nominal, il est procédé à cette opération, dont voici le résultat :

Nombre de votants, 72.

Pour l’adoption, 32.

Contre, 40.

En conséquence, la chambre n’a pas adopté.

Ont répondu oui : MM. Bekaert, Berger, David, de Brouckere, de Jaegher, de Langhe, de Puydt, de Renesse, Desmaisières, d’Hoffschmidt, Doignon, Dubus (aîné), Dumortier, Fallon, Frison, Gendebien, Heptia, Lecreps, Maertens, Manilius, Metz, Morel-Danheel, Raymaeckers, A Rodenbach, C. Rodenbach, Trentesaux, Vandenbossche, Vandenhove, Stas de Volder, Van Volxem, Vergauwen et Verhaegen.

Ont répondu non : MM. Andries, Corneli, de Florisone, de Foere, de Langhe, de Longrée, de Meer de Moorsel, F. de Mérode, Demonceau, de Muelenaere, de Nef, de Perceval, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, d’Huart, Dolez, Donny, B. Dubus, Duvivier, Eloy de Burdinne, Ernst, Lebeau, Liedts, Mast de Vries, Mercier, Metz, Milcamps, Nothomb, Pirmez, Pollénus, Raikem, Scheyven, Simons, Smits, Thienpont, Ullens, Verdussen, Zoude.

M. le président – Il ne reste plus qu’à mettre aux voix la proposition de la section centrale qui est ainsi conçue :

« Art. 2. Le droit de timbre fixe ou de dimension, pour journaux et écrits périodiques est de 3 centimes pour chaque feuille de douze et demi décimètres carrés de superficie, et de 1 centime en sus par chaque cinq décimètres carrés complets, excédant la dimension du timbre fixe. »

M. Gendebien – Il y a une erreur ; au lieu de 12 ½ décimètres, c’est 15.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Non, non ; ce ne serait plus la proposition de la section centrale, qui ne peut plus être changée. Il faut, selon cette proposition, maintenir ce qui existe, sauf à réduire les centimes additionnels. Aujourd’hui, on paie pour 25 décimètres carrés 5 centimes et pour 12 ½ décimètres jusqu’à 17 ½ 3 centimes, de 17 ½ à 22 ½ 4 centimes, et à raison d’un centime à ajouter par 5 décimètres carrés, à partir de 30 et au-delà, c’est le système actuel ; il ne peut être changé.

Je fais un appel aux souvenirs de M. Dubus. Il vous a dit hier qu’il fallait tenir compte des droits acquis ; qu’il comprenait qu’on pût réduire les chiffres, mais non changer le système des dimensions, parce qu’on ne pourrait le faire sans déranger des droits acquis.

Je sais que M. le rapporteur avait cru remarquer une erreur dans l’article tel qu’il est formulé dans son rapport : mais dès qu’il en a parlé ici près de moi, j’ai répliqué qu’il n’y avait pas d’erreur et que l’article de la section centrale était selon la loi actuelle.

M. Gendebien – A la première séance, M. le rapporteur a dit qu’au lieu de 12 ½ décimètres, c’était 15 qu’il fallait lire, et j’ai fait aussitôt la rectification sur mon exemplaire de son rapport. Tout le monde a été d’accord, et nous avons discuté, pendant huit jours, dans cette hypothèse.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Je le répète, j’ai contesté l’erreur supposée par M. le rapporteur ; au moment même où il a fait mention de sa crainte à cet égard, j’ai dit que 12 ½ décimètres étaient bien la dimension frappée par le minimum du droit, et qu’on allait jusqu’à près de 17 ½ avec ce droit de 3 centimes. D’ailleurs, le rapporteur ne pouvait pas venir dire autre chose que le maintien des dimensions actuelles. Or, elles ne sont pas de 15 décimètres, mais de 12 ½ et de 17 ½.

Voilà un passage du rapport qui confirme d’une manière positive ce que je viens de dire :

« En conséquence, elle (la section centrale) propose le maintien de la législation actuelle pour le timbre des journaux et suppléments (moins les additionnels) et l’abrogation de l’article 8 de la loi du 31 mai 1824 en ce qui concerne les journaux étrangers, lesquels seront ainsi admis en Belgique en supportant la même taxe que les journaux du royaume. L’article 2 du projet est ainsi modifié d’après les résolutions ci-dessus. »

Quad M. le rapporteur a cru qu’il y avait une erreur d’impression dans son rapport, il était seul en erreur.

M. Demonceau – Eh bien, défenseurs des grands journaux, je vous dirai que si vous ne reproduisez pas la loi de vendémiaire et que vous vous borniez à adopter l’article formulé dans le rapport de la section centrale, les grands journaux paieront 6 centimes. En effet, de 12 ½ à 17 ½ décimètres le droit est de 3 centimes, de 17 ½ à 22 ½ il est de 4 centimes, de 22 ½ à 27 ½ de 5 centimes. Or, comme l’Indépendant dépasse cette limite, il paiera 6 centimes, ou bien il faut que vous rédigiez l’article autrement. Reproduisez la loi de vendémiaire, et dites :

« Le droit de timbre fixe ou de dimension, pour les journaux et affiches, sera de cinq centimes pour chaque feuille de 25 décimètres carrés de superficie. Ceux qui voudront user pour lesdites impressions de papier dont la dimension serait supérieure à 25 décimètres pour la feuille, et à douze et demi pour la demi-feuille, les feront timbrer extraordinairement en payant un centime pour cinq décimètres d’excédant. »

Si vous ne partez pas de la base de la première loi, vous faites tort aux journaux de grand format en ce qu’ils ne pourront plus aller que jusqu’à 27 ½ centimètres, à moins de payer 6 centimes.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Messieurs, il est constant que la section centrale a voulu le maintien de la législation existante ; or, je vais vous lire la loi actuellement en vigueur :

« Le droit de timbre fixe ou de dimension pour les journaux et affiches sera de 5 centimes pour chaque feuille de 25 décimètres carrés de superficie, et de trois centimes pour chaque demi-feuille de même espèce. Ceux qui voudront user pour lesdites impressions de papier dont la dimension serait supérieure à 25 décimètres pour la feuille et à 12 ½ pour la demi-feuille, paieront un centime en sus par 5 décimètres d’excédant. »

Voilà les termes de la loi existante. Il faut les conserver. Quant à l’application, elle se fera comme aujourd’hui, sauf les additionnels qu’on abolit. Les journaux de 29 centimètres carrés ne paient, sans les additionnels, que 5 centimes. Il en sera de même à l’avenir ; l’application de la loi ne sera pas changée, parce qu’on aura supprimé les 26 centimes additionnels.

M. Verhaegen – Je ne comprends plus rien à ce que nous faisons. Nous substituons des subtilités à ce qui est. Depuis plusieurs jours nous discutons sur la proposition rectifiée de la section centrale. M. Gendebien, en formulant sa proposition, est parti de la base rectifiée de la section centrale ; personne n’a fait la moindre observation. Aujourd’hui ce n’est plus cela, nous ne savons plus où nous en sommes, nous ne discutons que sur des subtilités ; il n’en faut pas. De deux choses l’une, ou on a reconnu au rapporteur le droit de rectifier ce qu’il considère comme une erreur d’impression, ou on ne lui a pas reconnu ce droit. Si on le lui a reconnu, tout est dit ; si on le lui conteste, cette rectification reste la proposition individuelle du rapporteur ; il faut mettre cette proposition aux voix avant d’arriver à celle de la section centrale, sans cela nous serions tous surpris.

Je ne pense pas qu’il soit de la dignité de la chambre de procéder par subtilités, il faut aller droit au but.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Je ne sais vraiment à qui le préopinant veut adresser le reproche de subtilité. La section centrale a voulu uniquement supprimer les centimes additionnels au droit de timbre sur les journaux. Il n’y a rien de subtil à demander que l’on reste dans ces termes ; cela est clair comme le jour.

Ce qu’il y aurait de mieux à faire maintenant serait de supprimer tout simplement la partie de l’article 2 concernant les journaux indigènes ; l’article 8 porte que les droits de timbre sont exempts des centimes additionnels ; on arriverait ainsi au même résultat que celui de la section centrale.

M. Gendebien – Cela fait votre compte, mais pas le nôtre.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Vous devez bien adopter ou rejeter cette proposition puisqu’il n’y en a plus d’autre. Vous êtes réduits à n’avoir que la suppression des centimes additionnels, car voilà quelle est uniquement la proposition de la section centrale.

M. Gendebien – Je crois qu’il n’y a qu’une manière de sortir du labyrinthe où l’on nous jette à la fin de cette discussion, c’est d’envisager comme proposition personnelle de M. Demonceau le chiffre de 15 décimètres, ou si on ne l’entend pas ainsi, de renvoyer le tout à la section centrale pour qu’elle ait à s’exprimer. Car il y a un fait incontestable, c’est que lorsqu’il a été donné lecture de l’article 2, l’honorable rapporteur a dit positivement qu’il y avait une faute d’impression et qu’il fallait lire 15 décimètres au lieu de 12 ½ décimètres. J’ai fait alors immédiatement la correction sur mon exemplaire du rapport ; j’ai substitué le chiffre de 15 à celui de 12 ½.

Depuis 3 jours, et aujourd’hui encore, j’ai dit que j’adoptais le système de la section centrale, sauf que j’y substitue aux droits qu’elle propose des droits de 3 à 1 et ½ centimes ; mais toujours en adoptant le point de départ de 15 décimètres carrés. Si j’étais dans l’erreur, M. le ministre des finances devait me faire remarquer qu’il ne s’agissait pas de 15 décimètres carrés, mais de 12 décimètres et ½. Il a essayé de me réfuter sur plusieurs points, il aurait dû me rectifier sur celui-là. Si je m’étais trompé sur l’opinion de l’honorable rapporteur, il n’aurait pas manqué d’en faire l’observation. Il y a eu dissidence entre le rapporteur et moi, parce qu’il n’avait pas compris mon amendement, parce qu’il ne l’avait pas vu ; mais, dès qu’il en a eu connaissance, il a reconnu que nous étions d’accord ; que mes bases étaient les mêmes que celles de la section centrale. Preuve qu’il y a eu conviction générale ou erreur commune. Dans l’un comme dans l’autre cas, on ne peut sortir de cette position qu’en adoptant la proposition que j’ai faite, qui consiste à renvoyer à la section centrale pour qu’elle s’explique d’une manière catégorique, ou bien à envisager le chiffre de 15 décimètres comme proposition personnelle de l’honorable rapporteur.

M. Desmet – Dans mon opinion, il n’y a rien de rectifié par l’honorable rapporteur. Il a bien dit qu’il y avait erreur et qu’il fallait lire 15 décimètres au lieu de 12 ½ ; mais M. le ministre des finances a aussitôt rectifié cette assertion en déclarant qu’il n’y avait pas de faute d’impression.

M. Demonceau, rapporteur – Pour éviter toute espèce de difficulté, je déclare faire mienne la proposition de substituer le chiffre de 15 décimètres à celui de 12 ½.

M. Donny – Je pense que la discussion serait éclaircie immédiatement, si l’on calculait les résultats du système français ; car il me paraît résulter de la loi de vendémiaire que la feuille de 15 décimètres carrés paie effectivement 3 centimes. C’est, à mon avis, par erreur d’impression ou de rédaction qu’on a attribué à la dimension de 12 décimètres ½ le droit de 3 centimes. Lorsqu’on se donnera la peine de vérifier, on trouvera que mes raisonnements sont exacts. La loi française a pour base la feuille de 25 décimètres carrés, imposée à 5 centimes ; or 5 centimes sont à 25 décimètres comme 3 centimes sont à 15 décimètres. Voilà quel est le système français et le système actuel. Je crois que M. le ministre des finances ne l’a contesté que parce qu’il n’avait pas vérifié les chiffres.

M. Rogier – Je demanderai à M. le rapporteur si la section centrale a voulu autre chose que la suppression des 26 centimes additionnels. On parle de subtilités ; mais je dirai que beaucoup de mes collègues et moi avons compris que la section centrale se bornait à proposer la suppression des 26 centimes additionnels et ne changeait rien autre chose au système actuel. C’est ce motif qui nous a engagés à adopter la proposition de la section centrale, qui a l’avantage en laissant les choses comme elles sont de ne pas préjuger de la question. Je lis dans le rapport de la section centrale :

« En conséquence la section centrale propose le maintien de la législation actuelle pour le timbre des journaux, en supprimant les centimes additionnels. »

Nous avons pu croire d’après cela que la section centrale ne voulait pas autre chose que la suppression des centimes additionnels ; je demanderai à M. le rapporteur s’il en est ainsi.

M. Demonceau, rapporteur – Lorsque j’ai rédigé mon rapport, j’ai entendu maintenir la législation actuelle, je dois le dire ; mais quand on m’a donné le projet rédigé comme il l’est, j’ai vu que si on maintenait le chiffre de 12 décimètres ½, les grands journaux ne pourraient aller de 5 décimètres et 5 décimètres qu’à 27 décimètres ½. J’ai donc pensé qu’il fallait dire 15 décimètres au lieu de 12 décimètres ½, et je l’ai dit à l’ouverture de la discussion je crois que le moyen de satisfaire la chambre dans l’état des choses serait de mettre aux voix la question suivante :

« L’article 58 de la loi du 9 vendémiaire an VI est-il maintenu ? »

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Il est devenu clair pour tout le monde que la section centrale a voulu maintenir la législation existante ; je n’ai jamais prétendu autre chose.

Pour éviter le danger des interprétations, qu’on maintienne les termes de la loi actuelle, tels qu’ils sont , ou bien que l’on retranche les trois premiers paragraphes de l’article 2 de la section centrale ; l’article 8 qui porte la suppression des centimes additionnels donne la garantie que les 26 centimes additionnels seront supprimés. Du reste, je déclare ne m’opposer en aucune façon à ce qu’on reproduise l’article 58 de la loi de vendémiaire, comme le demande M. Demonceau.

M. Dubus (aîné) – Il faut que nous sachions sur quoi nous allons voter. Si l’on met aux voix l’article 58, je ne sais si l’on reproduit ainsi la rédaction de la section centrale telle qu’elle a été rectifiée ; je ne sais pas sur quoi l’on vote. On prétend qu’il est trop tard pour parler d’une nouvelle rédaction, puisque la discussion est close, et on nous renvoie au second vote ; mais nous pouvons non en occuper dès ce premier vote, puisqu’il en a été parlé dès la première séance. J’adjure les membres de la chambre de prendre garde au précédent qu’ils vont établir. Tout ce que je vois ici, c’est qu’on veut escamoter une proposition. Une proposition a été faite au nom de la section centrale, personne ne l’a contestée ; on attend que la discussion soit close pour soutenir que la section centrale n’a pas fait cette proposition, et quand le rapporteir vient dire : Si vous ne voulez pas considérer cette proposition comme émanant de la section centrale, considérez-là comme mienne, on lui répond qu’il est trop tard.

Il fallait provoquer l’explication plus tôt, et alors la réponse aurait été donnée plus tôt ; mais on veut escamoter une proposition.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – Nous ne sommes pas plus que vous, capables d’escamoter une proposition.

M. Dubus (aîné) – Je regarde comme peu important que ce soit la section centrale ou son rapporteur qui ait fait la proposition, il suffit qu’elle soit faite pour qu’on vote dessus.

Le ministre des finances, en prenant la parole dans ce débat, a fait un appel à ce que j’avais dit. Effectivement, j’ai raisonné dans la supposition du chiffre de 12 et demi décimètres ; mais le rapporteur m’a fait remarquer qu’une rectification avait été faite. Plusieurs honorables rapporteurs ont discuté en partant de la même supposition.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – La question est simplifiée depuis que M. Demonceau s’est expliqué. D’après ce qu’il vient de dire, il n’a entendu que conserver le texte de l’ancienne loi ; il l’a déclaré formellement. C’est également ce que la section centrale a proposé. Le rapport fait en son nom est approuvé de tous ses membres ; il fait foi ; et le rapporteur confirme les intentions de la section centrale ; ainsi il n’y a pas d’amendement, et la seule chose à mettre aux voix, c’est si les centimes additionnels seront supprimés.

M. de Brouckere – La seule chose à faire, c’est de renvoyer à la section centrale l’article présenté en son nom, et de voter demain.

M. Devaux – On est d’accord sur le fond ; rien n’est plus simple que de se mettre d’accord sur la forme. Que l’on mette aux voix ce principe : maintiendrons-nous la législation actuelle, sauf les additionnels ? Si la chambre adoptait ce principe, on supprimerait dans la loi l’article qui nous occupe. On peut trancher la difficulté dans une minute.

- La chambre consultée n’adopte pas le renvoi à la section centrale.

M. Lebeau – On peut encore simplifier la question en la formulant ainsi : Supprimera-t-on les centimes additionnels ?

M. Verhaegen – Nous ne savons pas sur quoi nous allons voter. La chose est assez sérieuse pour s’expliquer. L’honorable rapporteur de la section centrale a exprimé son opinion, et a déclaré qu’il s’était trompé ; d’autres prétendent qu’il s’agit de supprimer des centimes additionnels. De la manière dont les choses se sont passées, on nous a mis dans l’impossibilité de résoudre la question comme elle a été posée par le rapporteur ; on nous a mis du moins dans l’impossibilité de faire une proposition semblable à celle qu’il a faite ; et nous sommes réduits à voter une proposition sans que cela nous aurions rejetée.

M. le président – Mettra-t-on aux voix les 15 décimètres ?

M. Demonceau, rapporteur – Il me semble qu’on peut les mettre aux voix.

M. Lebeau – C’est un système qui n’a pas été examiné.

M. Rogier - Nous ne pouvons nous expliquer sur les 12 ½ ni sur les 15 ; tout ce que nous savons, c’est que nous voulons conserver la législation actuelle. La question à poser est celle-ci : la loi actuelle sera-t-elle maintenue ?

M. Devaux – Je retire ma proposition.

M. Dubus (aîné) – On doute de ce que porte la législation actuelle, et en même temps on demande que cette législation soit mise aux voix ; mais je veux que l’on mette aux voix quelque chose de clair. Les propositions doivent se résoudre en chiffres ; il y a le chiffre de 12 et demi décimètres et celui de 15 ; eh bien, qu’on les mette aux voix séparément.

M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M. de Theux) – Je ne sais comment on peut dire que l’on ne connaît pas la législation actuelle, que l’on doute de ce qu’elle porte ; cette législation est rappelée dans le rapport de la section centrale que nous avons tous sous les yeux et donc nous ne pouvons ignorer le contenu.

M. Dumortier – Je déclare formellement que je ne comprends pas la question ; je ne sais s’il y a des personnes plus éclairées. Il est un fait incontestable, c’est que la section centrale nous a présenté un texte et que l’on voudrait aujourd’hui la suppression de ce texte. Si al section centrale avait voulu en venir au rôle qu’on lui prête, elle aurait présenté la suppression de l’article ; or, comme elle a présenté un texte, elle a dû avoir une volonté en le présentant ; cette volonté était de simplifier l’échelle et de la rendre claire pour tout le monde.

Il faut avant tout poser ici des chiffres, puisque c’est une rédaction que nous allons voter. Il est plaisant que l’on vienne nous dire : Vous n’êtes pas redevables à voter sur un texte qui est en discussion depuis trois jours, et qu’on vous déclare redevables à voter sur un objet qui n’a pas été soumis à l’assemblée.

M. le ministre des finances (M. d’Huart) – De quoi s’agit-il ? C’est de voter sur la proposition de la section centrale ; elle propose la suppression des additionnels et la conservation du droit actuel.

- L’assemblée consultée accorde la priorité au vote concernant la conservation de la législation actuelle.

Cette question de la conservation de la législation actuelle, mise aux voix, est adoptée à une très grande majorité.

La séance est levée à 5 heures et demie.