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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 13 mai 1839

(Moniteur du 14 mai 1839, n°134)

(Présidence de M. Raikem)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune procède à l’appel nominal à 2 heures ½ ; il donne lecture du procès-verbal de la séance précédente, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. Lejeune présente l’analyse des pièces suivantes adressées à la chambre :

« Le sieur J.-J. Gravez, marchand de bois à Sivry (Hainaut), né en France et habitant la Belgique depuis 1785, demande la naturalisation. »


« Les conseils communaux de Gossoncourt et de Brouckom (canton de Looz) déclarent révoquer leur signature apposée sur leur dernière pétition, et réclament leur réunion à l’arrondissement de Tongres. »


« Les administrations communales des communes de Bleid, Fauvillers, Jamoigne, Hompré, la Cuisine, Harville et Grum (Luxembourg) demandent que le chef-lieu administratif et judiciaire soit placé à Neufchâteau. »


« Même pétition de l’administration communale de Beausaint en faveur de la ville de Laroche. »


« Les héritiers de Claude de Keyser demandent de pouvoir vendre 13 bonniers de terre en la commune d’Isque, moitié au profit de la famille et moitié au profit des pauvres. »


« L’administration communale de Saint-Trond et celle de Maesyck adressent des observations sur le projet de loi relatif à la circonscription du Limbourg. »


- La pétition qui a pour objet une demande en naturalisation est renvoyée à M. le ministre de la justice.

Celles qui concernent la nouvelle circonscription du Limbourg et du Luxembourg sont renvoyées à la section centrale chargée de l’examen du projet de loi sur cette matière.

Les autres requêtes sont renvoyées à la commission des pétitions.


M. Vilain XIIII fait connaître par lettre qu’une ophtalmie l’empêche de prendre part aux travaux de la chambre.

- Pris pour notification.

Vérification des pouvoirs

Arrondissement de Nivelles

Les pièces relatives à l’élection de M. Mercier, transmises à la chambre par M. le ministre de l'ntérieur et des affaires étrangères (M. de Theux), sont renvoyées à une commission de vérification de pouvoirs composées de MM. Manilius, Raymaeckers, Morel-Danheel, F. de Mérode, Heptia, Mast de Vries et Willmar.

Projet de loi concernant les péages et la police judiciaire sur les chemins de fer

Dépôt

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) présente un projet de loi tendant à proroger pour une année la loi relative à l’exploitation du chemin de fer, expirant le 1er juillet prochain.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution de ce projet de loi, et le renvoie à l’examen de la section centrale du budget des travaux publics.

Loi relative aux Limbourgeois et aux Luxembourgeois

Motion d'ordre

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Dans votre séance de vendredi vous avez cherché, par plusieurs amendements, à compléter le projet de la section centrale relatif à la naturalisation des habitants des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg. J’ai reçu depuis un grand nombre d’observations sur le projet tel qu’il a été voté. Moi-même j’ai étudié ce projet avec soin ; j’ai consulté plusieurs personnes dans les lumières desquelles j’ai beaucoup de confiance ; je crois pouvoir dire qu’il est encore très incomplet, que sous plusieurs rapports il est défectueux.

Les amendements que j’ai à soumettre à la chambre sont en assez grand nombre pour que je croie devoir proposer le renvoi du projet à la section centrale, afin d’abréger la discussion.

Je propose donc le renvoi du projet à la section centrale qui a été chargée de l’examiner.

- La proposition de M. le ministre des travaux publics est mise aux voies et adoptée.

Projet de loi relatif au remboursement du péage sur l'Escaut

Discussion générale

M. Lejeune – Je demanderai à M. le ministre des finances s’il se rallie au projet de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, nous sommes d’accord avec la section centrale en ce qui concerne les changements de rédaction qu’elle propose relativement aux 3 centimes additionnels à payer sur les droits de douane, de transit et de tonnage. Notre intention bien formelle n’a jamais été de conserver au-delà du terme pour lequel ils ont été accordés les deux centimes additionnels votés cette année pour l’exercice courant. Mais puisque des doutes ont paru s’élever à l’égard de nos intentions, nous nous empressons, je le répète, d’adhérer aux propositions de rédaction faite par la section centrale

En ce qui concerne l’exception pour les navires hollandais, quant au remboursement du péage sur l’Escaut, nous attendrons, avant de nous prononcer, l’issue de la discussion générale.

M. Lejeune – La discussion est ouverte sur l’ensemble du projet. La parole est à M. de Nef.

M. de Nef – Toutes les fois qu’il s’est agi de mesures tendantes à augmenter la somme de libertés civiles et religieuses dont on jouit en Belgique, je m’en suis montré le sincère et dévoué partisan ; aujourd’hui qu’il s’agit de liberté commerciale, je crois également de mon devoir d’appuyer une mesure qui a pour but de faire disparaître les entraves que le traité de paix aurait fait peser sur la navigation de l’Escaut.

En retranchant du projet en discussion l’exception faite par rapport aux navires hollandais, ce serait non seulement éviter de fâcheuses complications, mais ce serait faire un premier pas vers une conciliation entière entre deux nations, dont le voisinage rend les rapport entre elles indispensables et fréquents, et ce serait ôter au gouvernement hollandais tout prétexte au maintien des rigueurs qu’il a cru jusqu’à présent devoir exercer contre le commerce belge.

J’ai donc vu avec plaisir la section centrale proposer l’extension de la mesure jusqu’aux navires hollandais, et je serai heureux de voter en faveur de cette modification.

Je ne saurais toutefois approuver comme définitif l’établissement des centimes additionnels sur les douanes, tout en y donnant mon assentiment comme disposition provisoire ; les douanes surtout, en ce qui concerne certains articles, sont déjà, dès à présent, portées à des chiffres tellement élevés, qu’on risque, en les élevant encore, de donner lieu à des inconvénients réellement graves ; d’autre part, pour peu qu’on augmente le droit de transit, on s’expose à voir perdre le fruit de la mesure même dont nous nous occupons en ce moment. Je dois donc engager le ministère à aviser aux moyens qu’il pourra nous proposer dans une prochaine session, pour ne pas laisser les douanes seules soumises à ces nouveaux centimes additionnels, et étendre ceux-ci à d’autres impositions.

M. Donny – La première chose qui m’a frappé dans le projet qui nous est soumis, c’est d’y trouver une inconséquence palpable. Le gouvernement a commencé par poser en principe qu’il est de l’intérêt général du pays que le péage sur l’Escaut ne soit pas supporté par les navires qui fréquentent ce fleuve ; mais quand il arrive ensuite à l’application de ce principe, il vous propose tout le contraire de ce qu’il devait proposer. Si le gouvernement voulait être conséquent, il devait vous proposer de deux choses l’une : ou bien de restituer le péage aux frais du trésor, ou bien d’accorder au commerce maritime en général des faveurs nouvelles dont l’importance pût compenser, pour les navires qui fréquentent l’Escaut, la charge du péage ; mais le gouvernement ne veut pas rembourser le péages aux dépens de l’état, et au lieu d’accorder des faveurs nouvelles au commerce maritime, il veut augmenter encore les charges qui pèsent sur cette industrie. Comment est-il possible qu’on tombe dans une inconséquence semblable ! Voici le mot de l’énigme : Il est arrivé ici au gouvernement ce qui nous arrive à tous, quand nous partons d’un faux principe ; entraîné par la force des choses, l’on se trouve bientôt dans la nécessité de reculer devant les conséquences du principe qu’on a posé, et précisément dans cette occurrence le gouvernement est parti d’un faux principe ; car, si l’on fait abstraction de ce qui concerne les navires belges, auxquels moi aussi je veux que le péage soit remboursé, il ne reste dans cette affaires autre chose qu’une question d’intérêt local, et je vais vous le prouver.

La navigation par l’Escaut se divise en deux branches : la navigation de long cours et la petite navigation communément appelée cabotage.

La navigation de long cours n’a pour ainsi dire aucun intérêt dans ce débat ; car le fret qu’on stipule pour transporter un mètre cube ou stère de marchandises de l’Amérique ou des Indes orientales jusqu’au port d’Anvers est tellement élevé qu’un florin de plus ou de moins par stère n’est pas un objet sensible pour cette navigation. Aussi doit-il être certain, aux yeux de toute personne qui connaît cette branche de navigation, que les bâtiments de long cours continueront à fréquenter l’Escaut absolument de la même manière, soit qu’on rembourse le péage et qu’on ne le rembourse pas. L’intérêt général du pays n’est donc pas engagé dans la question du remboursement du péage pour la navigation de long cours.

Reste le cabotage. Assurément, si le péage sur l’Escaut n’est pas remboursé, ce sera une charge sensible pour le cabotage. Mais il ne faut toutefois pas s’exagérer la portée de cette charge ; surtout il ne faut pas s’imaginer que le cabotage en masse va déserter l’Escaut. D’abord le grand cabotage, c’est-à-dire celui qui se fait avec les ports d’Europe les plus éloignés de la Belgique, continuera presque entièrement à fréquenter l’Escaut. Quant au petit cabotage, il se divisera : une partie continuera de se rendre dans ce fleuve, une autre partie ira dans d’autres ports, à Ostende, à Bruges, à Nieuport.

Une répartition différente, je dirai même une répartition moins inégale du cabotage entre les différents ports de la Belgique, voilà le seul résultat certains que doit avoir la perception du péage, s’il n’est pas restitué. Je conviens que ce résultat sera désavantageux aux villes d’Anvers, de Bruxelles et de Louvain, et avantageux pour Ostende, Bruges et Nieuport. Mais dans cette lutte entre les divers ports de la Belgique, il ne se présente que des questions d’intérêt de localité.

Je vous le demande, les consommateurs et les producteurs de la province du Luxembourg, ceux de la province de Namur, ceux du Hainaut, ceux surtout de la Flandre occidentale, peuvent-ils avoir le moindre intérêt à ce que les marchandises étrangères qu’ils consomment ou les produits belges qu’ils doivent faire exporter par mer prennent la direction de l’Escaut plutôt que celle du littoral des Flandres ? Evidemment non : la moitié du royaume n’a donc aucun intérêt à ce que les bâtiments navigant au cabotage continuant de fréquenter le port d’Anvers plutôt qu’un autre, et par conséquent aucun intérêt à ce que le péage soit remboursé. Il n’y a donc ici, comme je viens de le dire, autre chose en jeu que des intérêts de localité.

Maintenant que je viens, par ces observations générales, de ramener la question à ses véritables proportions, je vais attaquer de front le projet qui vous est soumis.

Le premier reproche que je fais au projet, c’est de consacrer une injustice évidente. Lorsque le traité sera ratifié, que le projet sera converti en loi et mis à exécution, le négociant d’Ostende, de Bruges ou de Nieuport verra majorer les droits de tonnage sur les navires qui viennent à sa consignation, et les droits de douane sur les marchandises qu’il reçoit ou expédie par ces ports ; et lorsqu’il demandera le but de cette majoration, de cette charge nouvelle, l’on devra lui répondre que c’est là un sacrifice qui lui est imposé, non pas dans l’intérêt de la patrie, non pas au profit du trésor, mais dans l’intérêt de la navigation de l’Escaut, et au profit des commerçants qui font arriver des marchandises par ce fleuve. On devra lui dire qu’il faut qu’il paie pour empêcher le commerce d’arriver chez lui et pour que le commerce se porte plus exclusivement chez ses rivaux en industrie. A cette réponse, qu’il se fera à lui-même, si d’autres ne la lui font pas, il ne pourra s’empêcher de s’écrier que la mesure est des plus injustes et des plus révoltantes ; et pour peu que vous vous placiez par la pensée dans sa position, vous conviendrez que ses plaintes ne seront que trop fondées.

Si l’on vous proposait de frapper les exploitants des mines d’une redevance pour l’employer au remboursement du péage sur l’Escaut, vous repousseriez cette proposition. Vous diriez que l’industrie minière n’a pas plus d’intérêt que toute autre industriel belge à ce que le péage soit remboursé ; qu’il lui est d’ailleurs assez indifférent que le mouvement commercial se porte vers un point de la Belgique plutôt que vers un autre. Eh bien, veuillez remarquer que ce qui serait une injustice récoltante à l’égard des exploitants des mines serait une injustice cent fois plus révoltante encore à l’égard des négociants de la Flandre occidentale ; car si les exploitants des mines n’ont aucun intérêt à ce que le port d’Anvers soit préféré aux ports de la Flandre occidentale, ils n’ont du moins aucun intérêt non plus à ce que ces derniers ports soient préférés à ceux de l’Escaut, tandis que les négociants des ports de la Flandre occidentale, non seulement ont intérêt à ce que l’Escaut n’ait pas la préférence sur ces ports, mais ont encore de plus un intérêt légitime et naturel à ce que ces derniers prennent une part plus large dans le commerce maritime de la Belgique, alors même que cet avantage devrait être obtenu au détriment du commerce de l’Escaut.

Le second reproche que j’adresse au projet, c’est d’être souverainement impolitique. D’abord, vous conviendrez tous, rien n’est impolitique comme l’injustice. Elle révolte, non seulement celui qui en est la victime, mais encore l’homme impartial qui en est le témoin.

Mais ce n’est pas tout : aujourd’hui les populations du littoral des Flandres sont imbues de l’idée qu’en fait de commerce maritime le cabinet actuel s’efface complètement devant les exigences du commerce d’Anvers. Si le projet doit être adopté tel qu’il est proposé, ces populations croiront y voir la preuve évidente que leur opinion n’est que trop fondée ; plus que jamais elles accuseront le gouvernement de partialité ; or c’est là une accusation à laquelle un gouvernement sage ne peut jamais laisser prendre de consistance sans commettre une faute politique grave, une fait qui peut compromettre sa considération et peut-être même son existence.

J’ai encore à reprocher au projet qu’il nous place dans une position extrêmement fâcheuse quant à nos relations avec la Hollande. Le gouvernement vous propose de rembourser le droit de péage à tous les bâtiments, sauf les bâtiments hollandais. La section centrale vous propose de ne pas admettre d’exception pour les navires hollandais. Mais, selon moi, et je le dis avec une conviction intime, quel que soit celui des deux partis que vous preniez, la Belgique sera victime de son choix.

Si vous remboursez le péage, comme le veut la section centrale, vous donnerez le monopole de la navigation sur l’Escaut aux bâtiments hollandais ; car il est très probable (et c’est l’opinion générale) que le roi Guillaume remboursera aux bâtiments hollandais le péage qu’ils auront payé sur l’Escaut, et s’il en est ainsi, le remboursement par le trésor belge sera une véritable prime accordée à la marine hollandaise, prime dont ne jouiront jamais ni les autres bâtiments étrangers, ni même le pavillon belge. Si, au contraire, vous vous refusez à rembourser aux Hollandais ce péage que vous rembourserez aux autres nations, vous mettez les premiers dans une position exceptionnelle qui vous attirera des représailles de la part du roi Guillaume ; et il prendra ces représailles aux acclamations de l’Europe, parce qu’elles seront justes. En vain lui direz-vous qu’il dépend de lui de mettre sa marine sur le pied de celle des autres nations ; qu’il n’a pour cela autre chose à faire qu’à remettre d’une main aux bâtiments hollandais le péage qu’il en reçoit de l’autre. Car il vous répondra qu’il ne peut faire cette restitution qu’en sacrifiant une partie des recettes que la conférence lui a concédées et que vous n’avez pas le droit de lui imposer indirectement ce sacrifice. Votre loi, dira-t-il, est un acte d’hostilité contre ma marine si je ne restitue rien, ou un acte d’hostilité contre le trésor des Pays-Bas si je rembourse le péage. De quelque manière qu’il faille l’envisager, elle m’autorise à vous répondre à mon tour par des dispositions hostiles. Je ne sais vraiment pas ce que la Belgique pourra répondre de fondé à ce raisonnement du roi Guillaume.

Le projet néglige de la manière la plus déplorable la meilleure occasion qui puise jamais se présenter d’accorder une protection à la marine marchande belge. Depuis longtemps on ne cesse de vous dire que jamais vous n’aurez de marine nationale, si vous n’encouragez les commencements par des faveurs dont les autres pavillons ne jouiront pas. Quelle est la raison qui vous a fait hésiter jusqu’ici à donner à votre marine les faveurs qu’on réclame comme une nécessité ?... Vous craignez des représailles, vous vous attendez au reproche d’imposer à la navigation étrangère des charges que vous n’imposez pas à la vôtre. Mais aujourd’hui rien ne vous empêche de rembourser le péage à vos bâtiments sans étendre le remboursement aux autres nations. Il se présente donc aujourd’hui une occasion naturelle d’accorder une faveur à la marine belge sans avoir à redouter des représailles, sans avoir à craindre le moindre reproche des puissances étrangères. Et s’il pouvait s’en trouver une assez déraisonnable pour se plaindre de ce que le péage n’est remboursé qu’aux seuls bâtiments belges, nous lui répondrions que ce péage n’a été établi ni par la Belgique, ni à son profit ; que c’est la conférence qui a créé cette charge malgré la Belgique et au profit de la Hollande ; qu’il n’y a pas plus de raisons pour la Belgique d’affranchir le pavillon étranger de cet impôt purement hollandais, qu’il n’y a pas de raisons pour qu’une puissance étrangère en affranchisse le pavillon belge, et que chaque nation n’a qu’à s’imposer un sacrifice pour procurer à ses bâtiments la libre navigation du fleuve. Ce langage serait raisonnable et juste ; il serait compris par toutes les nations.

Si le projet doit être mis à exécution tel qu’il vous a été présenté il amènera de grand abus. Je vais vous en signaler un que le gouvernement paraît ne pas avoir prévu. Vous savez qu’il existe en Belgique des pêcheurs extrêmement habiles, qui ont le rare bonheur de compléter en moins d’une heure de temps, aux environs de Bats, une cargaison entière composée de poissons frais de la mer du Nord, d’huîtres d’Angleterre et souvent même de homards de la Norwège. Aujourd’hui ces industriels ne sortent pas de l’Escaut ; s’ils continuent à travailler de la même manière, ils n’auront par conséquent jamais de péage à supporter, ni de remboursement à réclamer de qui que ce puisse être. Mais si le projet est mis à exécution, vous verrez des soi-disant pêcheurs changer de ligne de conduite ; vous les verrez manœuvrer de manière à supporter le péage et à se le faire rembourser au double. Voici comment : les pêcheurs hollandais, qui s’entendent avec les fraudeurs belges, demanderont au roi Guillaume, comme encouragement de la pêche hollandaise, la restitution de tout péage acquitté, pour introduction, de poisson hollandais en Belgique ; en même temps, on lui fera comprendre que si cette restitution n’est pas accordée, on n’acquittera pas le péage, attendu que, dans cette hypothèse, on continuera à travailler dans l’intérieur de l’Escaut ; qu’ainsi la restitution n’est qu’un simulacre de faveur qui ne saurait causer aucun préjudice au trésor des Pays-Bas. On lui fera comprendre de plus que si la restitution est faite en Hollande, le remboursement de la part de la Belgique deviendra une véritable prime payée par le trésor belge pour l’importation du poisson hollandais en Belgique ; qu’ainsi le résultat de la mesure sera d’une part une protection nouvelle pour la pêche hollandaise et d’autre part une nouvelle entrave pour la pêche belge et de plus un accroissement considérable des charges de la Belgique. Il n’est personne de vous qui puisse douter que le roi Guillaume n’accueille très bien de telles propositions. Vous verrez alors nos soi-disant pêcheurs se rendre en pleine mer, revenir ensuite à Anvers avec leur chargement ordinaire, acquitter le droit de péage et en recevoir le remboursement de la Belgique, tandis que leurs complices hollandais en recevront la restitution de la part du roi Guillaume.

Si l’on suppose que ce commerce se fasse par des bâtiments d’une capacité de 60 tonneaux, chacun de ces bâtiments recevra, à chaque voyage, une prime de 200 francs en sus du bénéfice qu’il pourra faire par l’introduction frauduleuse du poisson hollandais passant pour poisson belge. Il est certain que des voyages aussi lucratifs et aussi peu dangereux se feront très fréquemment, et que le nombre des bâtiments qu’on y emploiera s’accroîtra de jour en jour.

Je terminerai en vous soumettant une réflexion que je crois digne de toute votre attention. L’Escaut n’est pas le seul fleuve qui soit soumis à un péage ; l’Elbe se trouve dans le même cas ; et il se passe aujourd’hui, à l’égard de l’Elbe, des faits qui me semblent de nature à avoir de l’influence sur votre vote.

L’Angleterre éprouve le besoin d’affranchir son pavillon du péage de l’Elbe ; elle en traire avec le roi de Hanovre, et offre déjà à ce monarque 12 millions pour l’affranchissement des bâtiments britanniques.

Si l’Angleterre, influencée par son commerce maritime, est forcée de traiter avec le roi de Hanovre pour le rachat du péage sur l’Elbe, n’avons-nous pas le droit d’être certains que l’Angleterre traitera avec le roi Guillaume pour affranchir son pavillon sur l’Escaut.

Lorsque l’Angleterre aurait traité avec le Hanovre et avec la Hollande, la France sera forcée de l’imiter ; elle ne pourra pas laisser sa marine dans une position inférieure à celle de l’Angleterre pour la navigation de ces deux fleuves, et les autres puissances maritimes seront, à leur tout, forcés de suivre l’exemple de ces grandes nations.

Si nous sommes sages, si nous savons résister aux clameurs de l’intérêt privé, nous verrons les bâtiments navigant sur l’Escaut successivement affranchis par les diverses nations du péage que la conférence leur a imposé sur ce fleuve. La Belgique remboursera ce que paieront ses bâtiments et chacune des autres nations, nous le répétons, s’affranchira par un traité avec la Hollande..

Messieurs, je voterai, dans tous les cas, contre l’article 2 du projet, qui augmente d’une manière injuste le droit de douane, de transit et de tonnage. Quand on en viendra à la discussion de l’article 1er, je déposerai un amendement ayant pour but de restreindre le remboursement du péage aux seuls bâtiments belges, employés par la navigation de long cours et par le cabotage. Si cet amendement pouvait obtenir l’assentiment de la chambre, je voterais pour la loi ; sinon, je la repousserai en entier.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, je ne me proposais pas de parler sur une question qui m’est peu familière ; si j’ai demandé la parole, c’est pour motiver mon vote, et vous faire part de quelques réflexions trop peu méditées sans doute, le temps nous ayant manqué pour examiner attentivement le rapport de la section centrale sur le projet de loi relatif à la perception du droit de tonnage sur l’Escaut.

Je ferai remarquer que hier soir seulement j’ai été à même de le lire. Cette question me paraît être d’une haute importance et de nature à mériter toute notre attention.

Messieurs, en adoptant le projet de loi qui est soumis à la discussion, nous grevons l’état d’une rente de un million environ ou d’un capital de 20 millions.

On va me répondre que trois centimes additionnels ajoutés au droit d’entrée sur les marchandises étrangères, feront face à la dépense ; pour mon compte, je ne le crois pas.

La somme provenant de ces centimes additionnels sera insuffisante.

D’ailleurs, si pour le moment on perçoit sur l’entrée des marchandises 3 centimes additionnels pour faire face au remboursement du droit de tonnage, avant deux ans on viendra réclamer la suppression de cette augmentation de droit sur l’entrée des marchandises étrangères, sous le prétexte que les droits sont trop élevés, et que cela gêne le commerce. En résultat ce sera un million que vous ajouterez tous les ans au budget pour faire face à cette dépense, toute à charge du trésor : telles sont mes prévisions.

Si, comme le commerce le croit, la perception de l’impôt sur l’Escaut, sans remboursement par l’état, devait anéantir le port d’Anvers, sans doute nous n’aurions pas à délibérer, nous devrions parer à ce malheur en consentant aux propositions du gouvernement, mais de manière à ce que les centimes additionnels soient tels qu’ils suffisent à la dépense que nécessitera le remboursement du droit de navigation ; et pour obtenir ce résultat, dans mon opinion ce n’est pas trois, mais cinq centimes additionnels dont il faudrait augmenter les droits d’entrée.

On me dira sans doute que ces droits à l’entrée sur les marchandises étrangères sont déjà assez élevées, et que c’est gêner le commerce que de l’assujettir à faire les avances de l’impôt. Je sais que l’on doit éviter de gêner le commerce quand on peut faire autrement ; mais la nécessité de nous procurer les ressources nécessaires aux besoins du trésor nous force à gêner les contribuables, et pour être justes, nous ne devons pas plus exempter le commerce que les autres branches de notre industrie ; au surplus, le commerçant ne sera pas plus maltraité en faisant l’avance de l’impôt que les propriétaires, qui doivent payer la contribution foncière par avance sur des produits éventuels et même souvent sur des produits qui sont anéantis par la grêle ou autres calamités, et souvent il paie un impôt pour des produits qu’il n’obtient pas. Il n’en est pas de même en commerce : si le navire qui amène de marchandises périt en mer, alors le commerçant ne paie pas de droit d’entrée sur cette marchandise.

Comme je viens de le dire, il n’en est pas ainsi en agriculture ; c’est sur un produit présumé qu’on paie, et anticipativement encore, et dont on ne tient pas compte à l’agriculteur dans le cas où il éprouve une perte totale, non seulement de sa récolte, mais en outre des frais immenses qu’il a dû faire pour cultiver sa terre.

L’impôt frappé sur l’entrée des produits exotiques doit être supporté par le consommateur ; il est des plus justes que celui qui consomme ces produits soit appelé à supporter la dépense que nécessitera le remboursement du droit de navigation sur le Bas-Escaut, aux commerçants qui nous amèneront des produits exotiques, que de faire payer ce droit à celui qui consomme moins ou même pas de ces produits. En exemple frappant d’un impôt à l’entrée des vins étrangers, pour rembourser le navigateur, le consommateur de vin paiera en proportion de sa consommation, tandis que si vous prenez dans le trésor la somme nécessaire à ce remboursement, celui qui ne consomme que de l’eau ou de la bière contribuera en faveur du consommateur de vin en le lui procurant à meilleur compte. Ce qui me paraît être injuste. Les impôts sur la consommation, selon moi, sont les plus équitables.

Autre observation : Le droit de tonnage à percevoir sur le Bas-Escaut au profit de la Hollande, doit être comparé au droit de navigation sur nos rivières et sur nos canaux. Si vous remboursez le droit de navigation sur le Bas-Escaut aux navigateurs qui arrivent à Anvers, les bateliers navigant sur le Bas-Escaut, sur la Meuse et les canaux, ne seront-ils pas fondés à vous demander l’exemption du droit de navigation. Ils pourraient faire valoir des arguments bien forts en faveur de cette prétention. Et en effet, pourquoi accorder la restitution du droit de navigation aux navires qui vous amèneront à Anvers les fers anglais, tandis que les bateliers qui vous amèneront du fer de Charleroy paieront un droit de navigation sur vos canaux ?

J’avoue que je considère cette conduite comme injuste. C’est mieux traiter les étrangers que ses propres concitoyens ; car vous ne vous trouvez pas dans une position financière telle que vous puissiez vous passer des droits de navigation sur vos rivières et vos canaux.

La quatrième section avait proposé de remboursement seulement le droit de tonnage aux navires qui exportaient des produits de notre industrie. La section centrale a cru devoir ajourner cette proposition à l’époque où on traitera des droits différentiels, c’est renvoyer cette proposition aux calendes grecques.

Il me paraît que cette proposition pouvait être discutée et même adoptée dans l’intérêt de nos industries, par le motif que les navires étrangers, pour obtenir le remboursement du droit de tonnage, exporteront des produits de nos manufactures bien plus souvent si cette condition n’est pas admise.

En résumé, je demande :

1° Que la somme nécessaire au remboursement du droit de tonnage sur l’Escaut soit perçue sur les marchandises introduites en Belgique par cette rivière, venant de la mer et destinées à la consommation intérieure ;

2° Que les navires qui quitteront Anvers sans chargement soient tenus à payer le droit de tonnage sans remboursement de la part de l’état.

Si l’on adopte ces deux propositions, je voterai pour le projet : si elles sont repoussées, probablement je votera contre. J’ai dit.

M. Dolez – Je n’ai demandé la parole que pour soumettre quelques observations qui ne se rattachent que d’une manière indirecte à la loi, mais que toutefois j’ai cru devoir consigner dans la discussion. Je voterai pour le principe de la loi, me réservant d’examiner les modifications qui pourraient être proposées ; cependant, tout en votant pour son principe, je suis quelque peu de l’avis de M. Donny, en ce sens que, sans donner à la loi toute son importance, elle me paraît renfermer plus spécialement une question d’intérêt local. Mais, dans tous les pays et dans un pays comme le nôtre surtout, il est des intérêts de localité tellement majeurs qu’ils ont droit à la même protection, à la même sympathie que les intérêts généraux eux-mêmes ; tel est celui qui, pour la ville d’Anvers, se rattache à la navigation de l’Escaut.

Je n’hésite pas à appuyer et à voter le principe de la loi. Mais je veux faire remarquer qu’en émettant ce vote, je donne l’exemple d’une abnégation complète des intérêts de ma localité ; car, sans cette abnégation, je devrais me faire l’adversaire de la loi ; en effet, vous le savez messieurs, il est dans la province à laquelle j’appartiens deux industries extrêmement importantes : celle du fer et de la houille. La chambre sait quelle est la concurrence que font les fers anglais à nos productions métallurgiques. Les fers de notre contrée n’arrivent dans tout le pays et notamment à Anvers qu’après avoir acquitté sur nos canaux intérieurs des droits de péage onéreux ; il y aurait eu pour eux une amélioration de condition pour soutenir la concurrence si les fers anglais avaient payé un péage sur l’Escaut. Néanmoins, je ne m’arrêterai pas à cette considération égoïste pour vote contre la loi.

La même considération se présente plus importante encore pour les houilles. Pour arriver à Anvers, nos houilles ont à payer sur nos canaux des péages énormes, tandis que les charbons anglais peuvent arriver aux mêmes lieux libres de tous droits de navigation ; nous trouverions donc, dans l’établissement du péage sur l’Escaut et dans d’autres parties de l’intérieur une garantie contre l’introduction libre des houilles anglaises dont on nous a parfois menacés. Pourtant je ne veux pas contribuer à établir, au détriment d’une place commerciale aussi considérable qu’Anvers des mesures qui seraient de nature à profiter, indirectement aux intérêts de ma province ; mais si l’on voulait, un jour, frapper l’industrie de cette dernière, je rappellerais la conduite que je tiens aujourd’hui et réclamerais au nom des plus graves intérêts une entière réciprocité. C’est en ce sens que je donne mon adhésion au principe de la loi.

M. Doignon – Avant d’exprimer mon opinion sur le projet en discussion, je crois devoir réitérer les protestations que j’ai faites contre l’acceptation du traité, et dont je ne rappellerai plus les motifs.

Tandis qu’on n’a point encore ratifié, on nous présente des projets de loi qui anticipent déjà sur l’exécution de ce malheureux traité. Mais est-on certain de recevoir les ratifications, et si elles sont faites avec des restrictions ou des réserves, a-t-on le dessein de s’en contenter ?

On nous demande des moyens d’exécution pour une loi, et cette loi n’est point encore promulguée par le gouvernement. Il est donc bien entendu que les projets dont il s’agit ne l’engagent en rien jusqu’ici, et qu’aujourd’hui il a toute liberté d’y réfléchir. Il a dû s’apercevoir depuis six semaines que ce traité est de plus en plus impopulaire.

Nous le répétons encore, la nécessité dont on a parlé n’existe pas, et d’ailleurs il y a des nécessités que la morale, une saine politique et l’honneur du pays n’admettent point pour excuse.

Deux questions principales se présentent dans la discussion du projet. Le remboursement du péage qui serait à faire par l’état, selon nous, dans certains cas prévus, doit-il être une charge commerciale ? Convient-il d’en affranchir la navigation de l’Escaut d’une manière absolue ?

D’abord notre devoir est de protester aussi contre les explications données en dernier lieu par la conférence relativement au droit de tonnage sur l’Escaut. Aujourd’hui, elle le qualifie après coup de droit de reconnaissance et de transit, ce qui peut faire naître des idées différentes sur la nature de ce droit. Dans les termes du traité, tel qu’il a été voté par la majorité, il est stimulé un simple droit de tonnage, et l’on n’a pu, après le vote des chambres, rien changer à l’état de la question par des explications nouvelles.

Nous croyons que, dans l’état des choses, l’entier affranchissement serait évidemment contraire aux intérêts de la Belgique, mais nous pensons avec le gouvernement que le remboursement doit être, autant que possible, une charge sur le commerce général du pays avec l’étranger, ou, en d’autres termes, sur le haut commerce. C’est un principe certain que tout péage doit se payer par ceux-là même qui en usent et profitent, ou qu’en définitive il doit tourner à leur charge s’il y a trop d’inconvénients et d’entraves à les atteindre lors du passage : il faut donc, dans ce dernier cas, en indemniser le trésor, soit par une augmentation de droit de douanes ou par d’autres moyens de même nature. Le commerce général, supportant de cette manière le droit de péage, le comprend nécessairement dans ses dépenses, et s’en fait rembourser ensuite le montant par les commerçants et fabricants avec lesquels il traite, et ceux-ci à leur tout en obtiennent le remboursement en détail des consommateurs et autres intéressés, en telle sorte que la répartition se fait ainsi d’elle-même avec toute l’équité possible.

Ce mode de perception aura pour effet que peut-être, tous les ans, le haut commerce gagnera au moins quelque cent mille francs ; et en résultat, d’après ce système, le péage ne sera qu’un prélèvement annuel sur ses bénéfices. Toutefois, nous devons le dire, s’il était démontré que l’établissement de pareille mesure fût un obstacle réel à l’accroissement du commerce général avec l’étranger, il faudrait alors se décider à porter le tonnage à la charge de tout le pays.

C’est donc parce que le gouvernement ne paraît pas avoir résolu cette dernière question par son profit que je ne pourrai l’admettre. En effet, tout en reconnaissant lui-même que la charge doit incomber, en définitive, au haut commerce, il ne propose que des moyens qui, de son aveu, sont tout à fait insuffisants pour remplir le but. Ne pouvait-il pas proposer aussi une augmentation sur les patentes de ce haut commerce ou d’autres voies telles que celui-ci puisse être atteint le plus directement possible ?

Pour soutenir qu’en principe c’était au pays tout entier à supporter la charge, on a dit que le péage était une des conditions sans lesquelles on n’aurait point la paix avec la Hollande ; ce raisonnement est spécieux. Au vrai, on ne crée ce péage que parce que c’est le haut commerce lui-même qui a le soin de la navigation sur l’Escaut ; s’il n’existait ni Escaut, ni navigation, il n’y aurait point de péage à payer, et toujours l’on aurait eu la paix. Le droit de tonnage est donc véritablement, comme d’autres stipulations du traité, telles que le morcellement lui-même, un de ces coups de force majeure qui frappent là où malheureusement ils tombent, auxquels la nation peut bien apporter quelque soulagement, mais qu’elle n’est point tenue d’indemniser.

Dans la plupart des traités de commerce, qui sont plutôt aussi des traités de paix commerciale et industrielle, ne rencontrez-vous pas souvent aussi des stipulations, telles que droits d’entrée et autres, qui sont réellement des entraves ou des défaveurs pour certaines branches ? ne faut-il pas que celles-ci les souffrent ? Elles ont alors des bénéfices moins considérables, et ce n’est nullement un motif pour que l’état soit obligé de leur accorder des indemnités aux dépens de tous les contribuables. Cependant ordinairement l’état obtient aussi en retour, ou en compensation de ces clauses onéreuses, des avantages marqués pour d’autres branches, et jamais l’on n’a argué de ce fait pour prétendre qu’il y avait obligation pour celles-ci ou pour la généralité des habitants de dédommager, aux frais du trésor, les victimes de semblables traités.

C’est une grave erreur de croire qu’en principe la communauté est tenue de subvenir aux pertes qu’éprouvent les citoyens par suite de la guerre ou des traités. A cette condition on renoncerait plutôt probablement à se mettre en société : car chaque fois la guerre et les traités qui en sont la conséquence nécessaire, entraînent pour tout le monde des préjudices énormes et incalculables. Depuis le simple ouvrier jusqu’au propriétaire, personne, en pareil cas, n’est exempt de souffrances : si donc vous admettez que l’état est obligé, où en serions-nous si chacun de nous, depuis l’humble artisan jusqu’au chef du gouvernement, était admis à libeller les dommages par lui éprouvés ? Ce que nous enseignons ici est, au surplus, le droit public admis chez toutes les nations.

On invoque l’intérêt général ; mais vous le voyez, c’est cet intérêt lui-même qui s’oppose à une pareille prétention. Pour rendre possible la société, chaque citoyen, en entrant dans la communauté, est censé souscrire d’avance à ces sortes de sacrifices, que toujours on a rangés au nombre des cas de nécessité ou de force majeure.

Pensez-vous, par exemple, qu’il vienne dans la pensée de la ville de Venloo ou de la généralité de ses habitants, de vous demander une indemnité pour le tort immense qu’ils auront à souffrir par l’effet de la séparation ? cependant, c’est aussi en retour de la cession de leur territoire que vous allez, dites-vous, avoir la paix et jouir des bons effets que vous croyez en attendre.

On voit donc que, dans un prédicament semblable, chacun ou chaque classe de citoyens doit supporter ses plaies. Le haut commerce ne doit pas être plus exempté de la règle que toute autre classe de la société. Ses bénéfices sont notoirement assez élevés pour qu’il soit en état de satisfaire à cette charge, sans le secours direct des autres contribuables.

Si, d’une part, pour assurer la liberté de notre navigation, il convient de rembourser le péage aux navires entrant dans l’Escaut, de l’autre, en principe, la somme remboursée doit donc être recouvrée d’une manière ou l’autre sur le haut commerce ; et il ne s’agit maintenant que de trouver un moyen et un mode de perception plus convenable et le moins sensible qu’il soit possible. L’état, en remboursant, ôte ce qu’il y a de vexation et d’entrave pour la libre navigation, et c’est son devoir de le faire : mais la justice et l’équité veulent que ce qui lui en coûte retombe au moins indirectement sur ceux qui en profitent.

Y aurait-il justice d’augmenter encore les contributions foncières, des portes et fenêtres et valeurs locatives, uniquement parce qu’on voudrait point que le haut commerce gagnât un centime de moins qu’avant le traité ? Les maisons de nos grands négociants en seraient-elles moins riches parce qu’on aurait trouvé le moyen de les atteindre ensemble pour un ou deux cent mille francs peut-être chaque année ? Pour elles il ne s’agit que d’une faible diminution sur leur lucre ; pour les contribuables au contraire il est question de leur éviter un surcroît de préjudice.

La Belgique tout entière aurait volontiers consenti à payer plusieurs millions pour conserver ses deux provinces du Limbourg et du Luxembourg ; mais il y avait dans ce cas engagement sacré de défendre nos frères et de faire tous les sacrifices en faveur de ceux qui avaient donné leur sang pour nous. Mais le haut commerce a-t-il des titres semblables à nous opposer ? et d’ailleurs est-il question d’indemniser les villes de Ruremonde, Diekirch, etc., pour les dommages de la séparation ? Qu’on nous dise où serait l’engagement d’enrichir le haut commerce au détriment des autres habitants ?

Mais l’état, dit-on, a bien accordé des réductions sur les péages de quelques canaux, et ces réductions ont été supportées par tout le pays. Le gouvernement a sans doute pris ces mesures dans l’intérêt aussi de la libre navigation de ces canaux. Mais d’abord on va même faire plus ici : il ne s’agit point d’une simple réduction, mais de l’entier remboursement. Quand l’état perçoit des droits trop élevés sur des canaux, ou que, pour obtenir les intérêts de son prix de rachat, il doit porter son péage trop haut, il faut bien que ce soit le pays qui réponde des conséquences de ces actes d’administration ; mais il n’en résulte aucunement qu’en principe le péage des canaux ne soit point une charge de la navigation qui en profite. Ainsi encore, par exemple, de ce qu’on trouvera juste d’opérer parfois quelques réductions sur les patentes, le foncier et le personnel, on ne pourrait en induire qu’en principe ces impôts ne doivent pas être supportés par les citoyens qui exercent les professions, possèdent ou habitent les biens et en recueillent les produits.

A l’égard de la question de savoir s’il convient d’affranchir du péage en tout ou partie la navigation de l’Escaut, le système que nous avons précédemment établir relativement à notre commerce extérieur et à notre marine marchande, ce même système, qui est celui des autorités de Bruges, d’Ostende, se reproduit ici, et c’est par lui que nous déciderons la question.

Il convient sans doute d’attirer l’étranger dans nos ports ; mais nous ne voulons pas de cette liberté de dupes qui consiste à lui laisser exploiter, à notre grand préjudice, notre marché intérieur, celui notamment des denrées coloniales dont nous avons besoin, tandis encore que, chez ce même étranger, on ne veut aucunement nous traiter sur un pied d’égalité, que par suite nos propres navires ne peuvent eux-mêmes s’approvisionner aux pays de provenance, et qu’on nous interdit ainsi en un mot le véritable commerce extérieur, celui des échange de nos produits : dans l’état actuel des choses, la marine étrangère, et surtout celle de la Hollande, vient placer chez nous toutes ses denrées ; et, pour son retour aux pays de production, ce n’est point en Belgique qu’elle prend ses cargaisons, mais dans d’autres pays ou ports intermédiaires, de façon que chaque année, tout en nous laissant nos produits qui surabondent, on nous enlève des écus pour prix de ces denrées. Chose incroyable ! cet état de choses que nous ne cessons de signaler depuis nombre d’années n’a point encore été compris par nos prétendus hommes d’état : c’est la grande plaie de notre commerce maritime ; l’occasion se présente aujourd’hui d’y apporter quelque remède, et le gouvernement n’en dit pas un mot, et la section centrale se tait également dans son rapport. Je me trompe, elle insinue qu’il faudrait trop de temps pour examiner, et qu’il faut, comme le gouvernement le dit, remettre cet examen à l’an 1843, c’est-à-dire lorsqu’il sera devenu plus difficile de revenir sur ses pas. Disons-le tout haut, des étrangers, jaloux des moyens de prospérité que possède la Belgique, ne se conduiraient pas autrement.

Quoi ! il est connu de tout le monde que les navires étrangers retournent la plupart sans lest sans prendre aucun chargement de nos produits ; il est de notoriété que nous leur prenons tous les ans 25 à 30 millions au moins en sus de nos exportations ; la Belgique voit chaque année emporter de chez elle des millions d’écus qui vont enrichir l’étranger à ses dépens ; elle se voit ainsi dans une position qui tend manifestement chaque jour à l’épuiser, à la ruiner, et vous dites qu’il n’y a point urgence de sortir d’une situation semblable ! Ce n’est point assez des huit dernières années pour l’examen de la question réduite, quoi qu’on dise, à des termes assez simples, il vous faut encore jusqu’en l’an 43. A nos yeux, se conduire de la sorte, c’est se jouer des premiers intérêts du pays, c’est vouloir, de gaîté de cœur, les sacrifier en faveur des étrangers. Il est clair pour nous que remettre à l’an 43, c’est vouloir éluder ; car d’ici à cette époque on créera facilement d’autres excuses : on nous dira alors que plus d’intérêts encore et plus de relations se rattachent à l’état des choses pour pouvoir y toucher.

Je sens tous les inconvénients du provisoire en matière commerciale. Mais, dans la supposition évidemment fausse où le temps manquerait, il serait encore préférable au système désastreux dans lequel on veut engager la chambre.

Il importe, messieurs, de ne point se tromper ; relativement à la marine marchande, il y a dans le pays deux intérêts distincts. L’un est le haut commerce de la commission avec l’étranger, qui nous apporte ses produits sans vouloir prendre les nôtres et dont le siège principal est dans la ville d’Anvers. Quant à lui, il est complètement satisfait, dès qu’il a perçu sa commission sur la marchandise placée chez nous par l’étranger. Pour lui, c’en est assez, et ses bénéfices augmentent dans la proportion de ceux que fait ce dernier. C’est évidemment cet intérêt étranger qui a constamment dominé et domine encore le gouvernement et, il faut le dire, il est malheureusement représenté par tous les députés d’Anvers et notamment le directeur des affaires commerciales au département de l’intérieur.

L’autre intérêt, celui qui est véritablement belge, consiste dans l’échange de nos propres produits avec l’étranger, dans une navigation qui nous apporte avec nos propres navires, et des pays même de provenance, les denrées et objets qui nous sont nécessaires et qui s’en retournent avec des chargements de productions belges. Voilà bien l’intérêt véritablement commercial et industriel pour la Belgique, et, j’en ai la certitude, il est également bien compris dans la ville même d’Anvers par les fabricants, les industriels, les armateurs belges, ; etc.

On ne peut en douter, l’établissement du péage sur l’Escaut n’a été principalement introduit par la Hollande que dans des vues tout hostiles à cet intérêt belge, et pour se maintenir autant que possible en possession de notre marché, auquel elle a même continué de fournir ses denrées coloniales depuis la révolution. Les autres puissances ont dû y faire d’autant moins d’opposition qu’il paraît qu’elle ont avec la Hollande des traités qui l’obligent à les laisser naviguer librement sur ses eaux sans être assujettis à aucun droit.

Ainsi, dans ses calculs, la Hollande ne frappe donc évidemment nos navires d’un droit de tonnage que pour chercher à rendre notre concurrence impossible, si elle le pouvait, ou au moins plus difficile, et afin d’empêcher la Belgique de s’alimenter elle-même avec sa propre navigation.

Or, dans une pareille situation, le simple bon sens indique lui-même le moyen à opposer à cet acte d’hostilité.

C’est premièrement de débarrasser de suite les navires belges de cette charge ou plutôt de cette entrave à leur entrée chez nous : c’est donc de leur rembourser le péage à l’instant même où ils le paieront au gouvernement du roi Guillaume. C’est de rembourser également le même péage aux vaisseaux des nations qui n’ont point de traité de libre navigation avec la Hollande et pour autant qu’ils nous apportent directement sous leur pavillon les denrées coloniales de leur pays, et qu’ils accordent chez eux, à nos navires, les mêmes faveurs que nous leur présentons.

Le remboursement aux puissances qui se trouvent dans cette dernière catégorie est dicté par notre intérêt évident. Leurs navires ne passant pas aucune voie ou port intermédiaire prendront presque toujours nos produits en échange de leurs marchandises importées, et celles-ci arrivant en ligne directe du pays de provenance nous seront vendues au plus bas prix possible. En outre, notre marine elle-même jouirait chez ces puissances, des mêmes avantages pour l’échange de nos produits et le bas prix des denrées coloniales.

Quant aux navires des états en faveur desquels la Hollande a stipulé dans des traités l’entière liberté de ses eaux, il y aurait absurdité de rembourser. Vous ne feriez aucun avantage à ces mêmes navires, puisqu’en vertu de ces traités, la Hollande elle-même est tenue d’affranchir ses eaux pour eux, et que s’ils acquittaient le péage entre ses mains, à l’instant même elle serait obligée de le leur restituer afin de rendre leur navigation complètement libre. Ce serait folie de notre part de vouloir assurer leur affranchissement, quand le gouvernement néerlandais est tenu de le faire lui-même et à ses dépens ; or il paraît que trois ou quatre puissances se trouvent dans cette classe.

Mais la prétention de la Hollande de vouloir tenir notre marché comme elle le fait jusqu’ici, au préjudice de notre commerce d’échange, au détriment de notre navigation et des avantages de nos relations directes avec les autres états, cette prétention, disons-nous, ne serait point suffisamment combattue si l’on se bornait à rembourser le droit de tonnage à nos propres navires et à ceux des nations qui nous expédient, comme nous l’avons dit, directement leurs denrées ; car ce remboursement ne ferait que nous replacer avec ces états, vis-à-vis de la Hollande, au même point où nous étions avant le traité qui stipule le péage.

Comme l’existence et la prospérité de notre commerce d’échange, de notre navigation et de notre marine nationale dépendent absolument des arrivages directs tels que nous venons d’en parler, il faudrait nécessairement les favoriser en créant en outre une différence suffisante dans les droits auxquels ils resteraient assujettis, tellement qu’ils puissent faire autant de bien au pays que lui font de mal aujourd’hui les arrivages indirects, c’est-à-dire ceux qui se font par des ports intermédiaires : ces derniers devraient donc aussi être soumis à payer des droits plus élevés que les autres.

Il est certain qu’à l’aide de ces mesures, bientôt le commerce maritime belge se relèverait : non seulement il récupérerait en bonne partie son propre marché de denrées coloniales, qu’il est aussi honteux que douloureux pour nous de voir exploiter presque entièrement par l’étranger ; mais il verrait en peu de temps ses relations d’échange s’établir et se multiplier dans toutes les parties du monde. Il n’est point douteux qu’en peu de temps, avec ses ressources et tous ses moyens de production, ses opérations commerciales ne deviennent immenses, et bientôt il verrait luire pour lui une nouvelle ère de prospérité.

Il serait vrai de dire alors que le péage sur l’Escaut établi par le traité, en haine de notre commerce et de notre industrie, aurait été de lui-même une occasion de produire le plus grand bien.

Depuis nombre d’années la nécessité d’adopter des moyens efficaces de secourir notre commerce extérieur, aujourd’hui languissant, est généralement sentie. Les puissances elles-mêmes et la Hollande spécialement nous y provoquent aujourd’hui directement par les plus dures stipulations du traité ; laisserons-nous échapper cette occasion de rendre la vie à notre marine marchande belge, ou sera-t-il dit que la chambre aura elle-même donné la main à son ennemi, à sa rivale pour achever sa destruction ?

La section centrale a si peu compris la question vitale qui domine le projet, qu’elle va jusqu’à proposer le remboursement du péage aux navires hollandais, sous prétexte de ménagement à l’égard de relations d’industrie et de commerce qui pourraient maintenant s’établir entre les deux nations ; c’est, selon nous, se jeter dans des vues bien étroites que de raisonner de la sorte. Ainsi, pour quelques intérêts particuliers avec un état qui est et sera d’ailleurs toujours votre premier rival en matière commerciale, vous lui conserverez tous les avantages qu’il a sur vous, vous lui sacrifierez les plus grands intérêts et l’avenir du pays. C’est donner dans une illusion bien étrange que de croire d’avance aux vues généreuses de ce pays-là ; si vous voulez lui faire une faveur, attendez au moins le traité que vous pourrez conclure avec lui. Il n’y aurait rien de libéral dans une telle conduite, ce serait purement une prodigalité insensée.

L’Escaut belge, dit la section centrale, doit être aussi accessible au commerce des nations que l’était l’Escaut des Pays-Bas : cette assertion manque tout à fait de justice. Alors nos intérêts étaient confondus avec la Hollande ; nous partagions avec elle les avantages de la navigation des colonies, etc. mais la révolution ne nous a-t-elle pas créé une tout autre position et par suite des intérêts bien différents ?

Les autres pays, dit-elle, ne font-ils pas des sacrifices dans le même but ? Oui ; mais ils veillent en même temps à conserver leur marché, et à étendre et favoriser avec l’étranger les échanges de leurs produits au moyen d’une bonne législation. Au total, nous ne demandons qu’une chose, c’est que vous suiviez leur exemple, c’est que vous imitiez leur sagesse.

Je voterai donc contre le projet de loi, à moins qu’il ne subisse des changements importants.

M. Rogier – Je viens de remettre sur le bureau une pétition de la chambre du commerce d’Anvers ; je demanderai que la chambre en ordonne l’insertion au Moniteur.

- La proposition de M. Rogier est adoptée.

M. le président – M. Donny vient de déposer sur le bureau un amendement qui a pour but de limiter le remboursement du péage sur l’Escaut aux seuls bâtiments belges.

M. Verdussen – Messieurs, ce n’est qu’avec une espèce de répugnance que je viens prendre part à la discussion publique du projet de loi soumis en ce moment à vos délibérations : non que je fasse un reproche au gouvernement de la présentation de cette loi, qu’il ne pouvait s’empêcher de soumettre à la législature ; moins encore que je veuille en retarder l’examen ; mais la publicité obligée de nos débats me fait redouter que la question du péage à percevoir par le gouvernement de la Hollande sur la navigation de l’Escaut n’amène des explications nuisibles au bien-être de ma patrie. Sans doute les intérêts exclusivement intérieures peuvent, en général, être débattus sans inconvénient à la face du monde ; mais lorsque ces questions intéressent éminemment une autre nation et surtout une nation rivale, ce n’est plus à la tribune de cette chambre que je désire de les examiner, c’est dans le cabinet d’un ministre que je voudrais les voir traitées, comme questions politiques. Une récente expérience ne nous a-t-elle malheureusement pas appris de quelles indiscrétions peuvent se rendre coupables les hommes qui se disent le plus dévoués à leur pays ? Egarés par une conviction trop ardente ou entraînés par le désir de soutenir avec éclat, dans leurs écrits et dans leurs discours, des brillantes théories, la passion leur fait souvent dépasser les limites de la prudence, et plus souvent encore la petitesse de la vanité d’auteur triomphe ainsi de l’élévation du patriotisme.

Pour n’en citer qu’un exemple, n’avons-nous pas entendu dans cette enceinte même vanter hautement la profonde sagesse de la combinaison commerciale et territoriale qui devait, disait-on, conduire la Belgique à sa perte ? N’a-t-on pas, pour soutenir cette assertion hasardée, été jusqu’à montrer au doigt les endroits les plus vulnérables de notre patrie, rechercher et indiquer les moyens qu’on supposait les plus propres à lui nuire, et diriger, pour ainsi dire, les coups qui semblaient devoir la tuer ? Et qu’eût-ce été si la justesse des idées, si la profondeur du système eût été égale à l’imprudence des paroles et à la légèreté d’une pareille conduite ? La réfutation, qui dans des matières semblables est toujours entourée d’inconvénients et de dangers, serait alors devenue impossible ; un ami éclairé de son pays l’aurait repoussée comme une trahison, de crainte de dévoiler à nos ennemis le côté faible de la question, et la seule mention que dans ce cas on en aurait été tenté de faire, eût déjà été un crime de lèse-patrie. Cette remarque m’amène naturellement à dire ici un mot de notre impassibilité apparente au moment de la discussion des 24 articles.

Dans les longs débats qui ont précédé le traité de paix avec la Hollande quelques-uns de mes honorables collègues ont fait une sorte de reproche aux députés d’Anvers du silence qu’ils gardaient à l’égard de la question du péage sur l’Escaut. Quoique je n’aie pas reçu la mission de parler au nom de mes compatriotes, ils ne me désavoueront probablement pas, lorsque je dirai, pour ma part, que le danger que je trouve aujourd’hui même à examiner ici cette grave question était alors à mes yeux cent fois plus grand encore, et à lui seul, il aurait suffi pour me fermer la bouche si d’autres considérations ne m’en avaient fait une loi. Une fois que je me sentais rassuré sur la vitalité de la Belgique, après l’acceptation des 24 articles, et convaincu de l’indivisibilité de ce traité, son examen en détail (je parle toujours de l’examen public) devenait pour moi non seulement inutile, mais très nuisible au pays, ne pouvant servit qu’à donner des armes à nos adversaires en leur indiquant les points essentiels sur lesquels ils ne devaient rien céder dans les traités subséquents à conclure avec eux, précisément à cause de l’importance que nous y attachons.

D’ailleurs, en supposant que la discussion des détails n’eût rien compromis, je n’ai jamais pensé que la question de l’Escaut fût locale, et c’est pour soutenir cette opinion que je prends aujourd’hui la parole ; je n’avais donc pas à signaler à la législature, plus spécialement qu’un autre député, le fardeau qui allait de ce chef peser sur la Belgique, dès que le pays ne devait pas en être écrasé, et certes ce n’est pas une augmentation de dette annuelle, évaluée par quelques-uns de 6 à 800 mille francs, qui doit nous faire désespérer de notre avenir. Au surplus, messieurs, quand j’aurais pu jamais douter du bon sens de la représentation nationale jusqu’au point de croire qu’elle aura voulu faire acquitter par Anvers seule cette partie de la dette commune que la conférence nous a imposée, j’aurais cru trahir mon mandat de député de la nation si l’intérêt de la prospérité de ma ville natale avait pu m’égarer jusqu’à lui sacrifier le bonheur de toute la Belgique, voire même notre nationalité, pour la conservation de laquelle nous avons souscrit à tant et de si douloureux sacrifices.

Je viens vous dire, messieurs, que le péage dont la navigation de l’Escaut a été frappée, n’est pas une charge locale. Cette vérité incontestable à mes yeux, et que notre histoire nationale confirme à chaque page, a été récemment appuyée de tant de témoignages et défendue par tant de voix que la démonstration en devient presque superflue. Ceux qui la contestent auraient en premier lieu à soutenir qu’il est indifférent pour la Belgique entière que ce commerce se soutienne ou périsse, et que son action ne s’étende pas au-delà des localités qui communiquent de près ou de loin avec les embouchures du fleuve. En admettant cette opinion, nous trouvons déjà qu’une partie importante de la Belgique est intéressée dans la question, puisque les villes d’Anvers, de Bruxelles, de Gand, de Louvain, de Malines, de Termonde et tant d’autres localités moins importantes, participent directement aux bienfaits que la navigation de l’Escaut répand surtout le pays ; la généralité de cette influence salutaire devient surtout sensible quand on considère que la Belgique entière, étant productive au-delà des besoins de sa consommation intérieure, a besoin de débouchés étrangers, et qu’en se les procurant par l’Escaut, son exportation est directement frappée du quart du droit qui pèse sur le fleuve, puisqu’aux termes du paragraphe 9 de l’article 9 du traité, l’impôt de 150 cents est partagé de manière à frapper les navires qui sortent de la rivière à raison du quart, soit 38 cents par tonneau de mer, les autres trois quarts, soit 112 cents, étant réservés aux arrivages de la pleine mer. Au surplus, cette différence entre les navires qui partent et ceux qui arrivent est, au fond, plus apparente que réelle ; car si l’industrie et le commerce intérieur ont besoin de moyens de transports pour écouler leurs produits, ils doivent aussi supporter une part dans les frais qu’occasionne le retour de ces voitures, si les marchandises à introduire ne peuvent pas acquitter entièrement.

La communauté d’intérêt pour toutes les parties de notre royaume sur la question de l’Escaut a été si bien sentie par la représentation nationale, qu’il y a eu à peu près unité d’opinion à cet égard entre dans membres de cette assemblée, qui, dans la discussion des 24 articles, ont traité ce point capital. Je tirerai de préférence mes preuves des discours de ceux qui, contraires à mon opinion, ont voté contre le traité de paix, afin de leur donner plus de force à vos yeux.

Dès le 23 janvier, M. Dechamps nous disait : « La question commerce qui existe au fond du traité du 15 novembre est de la plus haute importance …. Il s’agit de savoir lequel des deux pays, ou de la Belgique, ou de la Hollande, formera la grande ligne de transit qui doit lier l’océan à l’Allemagne …. Il y a là pour notre pays une question de vie ou de mort commerciale et industrielle. » Dans la séance du 6 mars, l’honorable M. Beerenbroeck appelait l’Escaut « le fleuve de la Belgique », et le lendemain M. Simons nomme le péage de l’Escaut « un droit de vasselage à charge du commerce belge, » et il ajoute : « De la liberté de la navigation sur l’Escaut dépend l’avenir du commerce belge. » Le 8 mars, un député d’Alost, l’honorable M. Desmet, après avoir signalé plusieurs charges que la conférence imposait à notre pays, disait : « Mais le traité des vingt-quatre articles n’était pas assez écrasant pour la Belgique. Après l’avoir restaurée en partie, après lui avoir fait souscrire une dette qu’elle ne doit qu’en partie, il fallait porter un nouveau coup, en frappant de mort son commerce et sa prospérité. » Le député d’Ath que j’ai cité plus haut, nous disait encore dans la séance du 9 mars : « Vous le savez, messieurs, la prospérité commerciale de la Belgique a toujours été s’élevant ou s’abaissant selon que la liberté de l’Escaut était plus ou moins entravée ; » et un peu plus loin il ajoutait que l’Escaut est « le fleuve par lequel seul notre commerce belge peut avoir assez d’air pour respirer. » Enfin M. Dumortier nous tenait le 15 mars ce langage : « je conçois, disait-il, que les plénipotentiaires hollandais aient fait tous leurs efforts pour arriver à la souveraineté exclusive de l’Escaut, car la fermeture de ce fleuve tarit la source de notre commerce. » Cette conviction profonde de l’honorable député de Tournay n’est pas nouvelle ; depuis longtemps, il a su apprécier l’importance du plus beau port du monde, pour me servir des expressions d’un autre collègue, et il la trouvait telle qu’il en faisait presque dépendre le sort de la Belgique, lorsque, longtemps avant la mémorable discussion des 24 articles, il s’est écrié avec cet enthousiasme et cette chaleur qui le caractérisent : « Que serait la Belgique sans le port d’Anvers ? »

Je viens de vous signaler, messieurs, l’opinion de nos adversaires dans les débats que le traité de paix a soulevés, et je crois pouvoir me dispenser d’analyser celle que les défenseurs de notre système ont émise, puisqu’à quelques exceptions près, elle doit naturellement être conforme à la nôtre, aussi bien pour les points accessoires que pour le point principal ; et dès lors je croirais abuser de vos moments si je m’attachais à vous persuader d’une vérité que vous ne contestez pas.

Cet accord entre les membres de la législature belge ne pouvait manquer d’exister en présence d’une opinion unanime bien autrement prépondérante et que des siècles d’existence n’ont pas détruite, celle de toutes les puissances qui ont eu à s’occuper de la souveraineté de l’Escaut. Y a-t-il depuis trois siècles un diplomate qui ait rabaissé la question de la prospérité de ce fleuve jusqu’à en faire une affaire de commune, et, pour me servir encore une fois des expressions d’un de nos adversaires, l’importance du plus beau port du monde ne serait-elle peu comprise que par nous seuls ? Je ne saurais me le persuader, et malgré l’erreur dans laquelle quelques membres de cette assemblée peuvent verser à cet égard, je ne croirai pas qu’à deux mois de distance la chambre infirmera son propre jugement ; ce qui est vrai en mars le sera encore pour elle en mai, et si l’existence du commerce national a pu alors être menacé par l’article 9 du traité, c’est encore l’intérêt du pays tout entier qui est aujourd’hui en jeu.

Tout concourt en effet, messieurs, à nous convaincre que la conférence a eu des vues plus élevées que d’envisager le seul bien-être d’une cité de la Belgique, moins encore de quelques commissionnaires anversois, lorsqu’elle a rédigé si laborieusement cet article 9. Rappelez-vous les citations que deux membres de cette assemblée ont faites des paroles des états-généraux de Hollande dans leurs démêlés avec l’empereur d’Autriche, lorsque la possession des Pays-Bas autrichiens leur était, disaient-ils, à peu près indifférente, pourvu qu’ils continuassent à enchaîner la navigation de l’Escaut, et dites-moi si la liberté de ce fleuve est ou n’est pas une question nationale.

M. Desmet – Messieurs, ce que je vous ai dit dans une autre discussion, je dois vous le redire encore à l’occasion du péage sur l’Escaut.

Les citations que l’honorable préopinant vient de faire du discours que j’ai prononcé dans la discussion du traité sont très exactes, et je dis encore aujourd’hui ce que j’ai dit alors sur la navigation de l’Escaut : que l’article 9 du traité contenait la quasi-fermeture de l’Escaut. Mais alors l’honorable député d’Anvers n’a fait aucune objection à toutes les stipulations du traité que nous avons critiquées et trouvées contraires aux intérêts de notre pays ; il s’est tu, et il a voté le traité comment faire tous ses collègues d’Anvers ! J’ai donc lieu de m’étonner que, dans ce moment, on vienne relever les arguments que nous avons présentés pour repousser un acte contre lequel nous avons voté, et que l’honorable contradicteur a accepté, même sans y faire la moindre observation. On aurait pu conjecturer que nos objections contre les stipulations traité étaient sans fondement, puisque les parties intéressés ne les appuyaient point ; mais à présent on voit que nous avons dit vrai et on prend nos discours pour remédier à un mal qu’on aurait pu prévenir en rejetant le traité.

Mais je ne puis partager la manière de voir de l’honorable M. Verdussen, lorsqu’il pense que la question est tout à fait d’intérêt général ; certainement la question n’est pas entièrement locale, certainement le pays tout entier est intéressé par la libre navigation de l’Escaut, mais il n’en est pas moins vrai que la ville d’Anvers y a un intérêt bien plus spécial, bien plus direct. Si nous n’avions qu’un seul port de mer, la chose serait différente, mais nous en avons plusieurs, et nous avons eu l’occasion de voir que la fermeture de l’Escaut ne suffit pas pour anéantir le commerce maritime de la Belgique ; tout le monde sait que pendant la guerre d’Amérique notre commerce, qui se faisait alors par Ostende, était presqu’aussi florissant que lorsque l’Escaut était libre. Je ne veux pas conclure de là que nous n’ayons pas besoin de la liberté de l’Escaut je veux seulement démontrer que nous n’y sommes pas aussi exclusivement intéressés que le pense l’honorable député d’Anvers, et que la question, tout en étant jusqu’à un certain point d’intérêt général, est cependant plus une question d’intérêt local, et que le remboursement du péage est certainement un avantage particulier pour le port d’Anvers ; personne ne peut le contester, tout le pays le reconnaît ; c’est pourquoi il serait très juste qu’Anvers entrât pour une part dans les sommes nécessaires au remboursement.

La conférence, dans l’article 9 du traité, a reconnu la liberté des fleuves et leurs embouchures, consacrée dans le traité de Vienne et qui a fait depuis lors le droit public de l’Europe ; mais au lieu d’appliquer ce principe à la Belgique, comme aux autres nations, elle nous a mis hors de la loi commune, elle en est revenue au traité de Munster si inique et si fatal à la Belgique : dans une note qu’elle a adressé en dernier lieu au gouvernement belge, la conférence paraît considérer la Hollande comme propriétaire des fleuves qui traversent son territoire et qu’elle appelle même les « eaux hollandaises » ; c’est là un système que nous ne pouvons admettre, et nous le pouvons d’autant moins qu’il s’agit de fleuves qui sont de véritables bras de mer, car le Hondt est un véritable bras de mer. L’injustice que la conférence montre à notre égard est donc encore plus criante et révoltante !

On a cité l’Angleterre, messieurs, qui aurait dépensé jusqu’à 12 millions pour pouvoir naviguer sur l’Elbe ; mais il y a une grande différence entre l’Elbe et la partie de l’Escaut pour le parcours de laquelle nous payons un tribut à la Hollande : c’est, comme je viens de le dire, qu’elle est une partie de la mer, tandis que la partie de l’Elbe qui fait l’objet de l’offre du gouvernement anglais, n’est réellement qu’une rivière !

Dans l’intérêt de la paix générale à laquelle nous avons fait tant de sacrifices, le gouvernement a bien voulu consentir à supporter le péage de l’Escaut, mais il ne peut jamais être venu à l’ide du gouvernement, il n’a jamais été dans la pensée de la chambre de reconnaître par là à la Hollande un droit de souveraineté sur l’Escaut, et je crois, messieurs, que c’est ici le moment de protester contre la décision de la conférence qui voudrait reconnaître à la Hollande un droit de souveraineté sur l’Escaut.

Je ne reviendrai pas, messieurs, sur le traité ; il est signé, c’est un fait accompli ; je prêterai les mains à toutes les mesures qui sont de nature à le rendre moins défavorable ; mais, s’il peut être utile de rembourser le péage aux navires qui sont avantageux à notre commerce et à notre industrie, qui nous apportent des matières premières et qui exportent nos produits, je ne puis concevoir que nous remboursions le péage à ceux qui, en encombrant nos marchés de productions étrangères sans rien emporter des nôtres, font le plus grand tort à notre industrie ; il faut une fois mettre un terme à toutes nos complaisances pour le commerce étranger et pour les armateurs et négociants étrangers, car à la fin vous les pousseriez si loin, que vous feriez de la Belgique un second Portugal et une seconde Espagne.

Mais j’ai vu, à ma grande satisfaction, que le gouvernement commence à reconnaître qu’il est temps de songer enfin à prendre des mesures pour favoriser notre commerce et notre navigation ; mais je crois qu’il se trompe sur le choix unique de ces mesures : il pense que c’est en cherchant uniquement à conclure des traités de commerce qu’il pourra atteindre le but ; mais les nations qui veulent protéger leur pavillon font autre chose que des traités de commerce : elles ont des actes particuliers de navigation ; l’Angleterre ! n’est-ce pas à son acte de navigation qu’elle doit toute sa prospérité commerciale et industrielle : c’est aux mesures prises par Cromwell qu’elle doit toute sa prospérité et sa domination commerciale sur tout le monde ; mais elle se garde bien de laisser partager ses faveurs par les autres nations ; jamais, dans les traités de commerce, elle n’étend la réciprocité jusqu’à ce point. La France ! n’est-ce pas aussi depuis qu’elle a privilégié son pavillon et son propre commerce qu’elle fait un tel progrès commercial et industriel ; elle se gardera bien de laisser jouir les autres nations de la réciprocité parfaite.

Oui, messieurs, je crois qu’il faut absolument s’occuper de favoriser notre pavillon, et qu’il n’y a qu’un seul moyen de le faire ; c’est d’accorder des avantages aux navires belges et aux arrivages directs, et si le gouvernement ajourne continuellement de proposer des mesures pour les obtenir, je crains très sérieusement que le pays va considérablement en souffrir.

Le gouvernement pense qu’en peu de temps il parviendra à établir des relations avantageuses avec les autres puissances ; je crois, messieurs, qu’il s’y prend très mal ! Si vous voulez que les nations étrangères vous accordent des avantages, réservez-vous les moyens de leur en donner en retour ; mais non, vous commencez par tout donner avant même de négocier ! Comment voulez-vous que les puissances étrangères négocient avec vous lorsque vous n’aurez plus rien à leur offrir en échange des concessions que vous leur demanderez ?

« Mais, dit-on, le moment n’est pas venu de nous occuper de favoriser notre pavillon. » Je crois, messieurs, que le moment est très opportun pour faire ce que font toutes les nations, et il n’en est aucune qui ne protège sa navigation d’une manière plus ou moins efficace, j’appuierai donc tous les amendements qui seront présentés dans ce sens.

Le gouvernement a très bien compris qu’il ne fallait pas rembourser le péage aux navires hollandais, non seulement parce que cette nation ne peut payer à elle-même et pour parcourir sa propriété, comme elle le prétend, et comme la conférence de Londres voudrait bien le considérer, mais aussi parce qu’il sait qu’il serait impossible de conclure avec la Hollande des traités de réciprocité. Jamais vos navires ne pourront entrer librement dans ses possessions des Indes, et il sera aussi impossible que vous ayez en Belgique, des arrivages directs, des navires hollandais venant de ces îles, il y a un tel avantage pour ces navires à entrer dans leurs propres ports que jamais ils ne pourront déplacer leurs débarquements ; c’est donc une grave erreur de vouloir s’imaginer que vous aurez dans le port d’Anvers des arrivages directs par navires hollandais, et ce sera donner au pavillon hollandais une prime pour faciliter sa concurrence contre la nôtre, et le détruire de plus en plus, c’est prêter ses armes à notre plus dangereuse rivale ; en un mot c’est vouloir nous-mêmes nous faire du tort. Et savez-vous ce qui en résulterait ?

C’est que les bateaux hollandais, au lieu de venir en Belgique par les petites eaux de l’intérieur et de payer le droit du tarif de Mayence, passera par la mer et entreront dans l’Escaut par Flessingue. Ce sera de même pour la pêche hollandaise : vous la favorisez au détriment de la nôtre en lui remboursant un droit qu’elle n’aurait pas payé, de sorte que, pour concourir avec nous, la pêche hollandaise aurait un double prime, une de la Hollande et une de la Belgique. Ceci serait vraiment curieux, et qui pourrait le croire ? je pense donc que le gouvernement a parfaitement bien fait en proposant une exception en ce qui concerne les navires hollandais, et j’espère que la chambre sanctionnera cette exception, car en agir autrement serait une véritable duperie.

Je crois, messieurs, que si l’on a cherché à libérer la grande navigation du fardeau dont le traité la menace, on a entièrement oublié la petite navigation, qui est cependant d’une importance extraordinaire pour le pays ; cette navigation est une principale branche d’industrie. Si le gouvernement ignore son importance, qu’il veuille consulter les villes de Bruxelles, de Louvain, les arrondissements de Termonde, etc., il verra combien cette navigation est importante. L’arrondissement de Termonde seul avait, avant la guerre, plus de cent bateaux qui naviguaient sur la Hollande par les eaux intérieures ; ces bateaux sont d’ue telle construction qu’ils peuvent prendre la pleine mer et ne peuvent passer que dans les petites eaux. Cette navigation est d’autant plus importante qu’elle intéresse une classe peu aisée qui y trouve toute son existence. Elle est aussi la principale pépinière de matelots.

La grande navigation sera entièrement libre, et la petite sera imposée d’un droit qu’on ne connaît pas encore, mais qui provisoirement sera celui du tarif de Mayence sur le Rhin ; ainsi donc quand nos bateaux entreront dans les eaux intérieures de la Hollande, ils seront chargés de ce droit, et quand les bateaux hollandais navigueront dans les nôtres, ils ne paieront rien ; ce sera donc un avantage immense pour la navigation hollandaise, et un tel droit différentiel en sa faveur, qu’en peu de temps toute notre navigation sera anéantie. J’espère que le gouvernement daignera y attacher toute son attention et que, quand le droit sera exigé, de suite il usera de représailles dans le pays et qu’il mettra la navigation hollandaise dans une parfaite et entière réciprocité avec la nôtre, car, je le répète, s’il le néglige, il peut être certain que les Hollandais auront le monopole de la navigation en Belgique.

Le canal de Terneuzen a aussi été l’objet d’une note ; on a douté si la Hollande ne percevrait pas un droit de tonnage autre sur ce canal, que celui dont est imposée l’entrée dans l’Escaut.

Il a été répondu que le droit ne serait perçu que sur la partie de l’Escaut qu’il faut passer pour entrer dans le canal, mais que la navigation du canal lui-même serait entièrement libre, que les navires belges comme les hollandais ne paieraient aucun droit pour le parcours du canal, soit sur la partie hollandais, soit sur la partie belge.

Je ne sais pas comment la chose a été entendue ; est-ce le droit de tonnage ou bien sont-ce les droits locaux ? Cependant il est impossible qu’on n’ait entendu autre chose que les droits de tonnage, car si on y avait compris les droits locaux, ceux de passe aux écluses et encore d’autres pour l’entretien du canal, alors ce serait le cas de dire que la pauvre Belgique a encore une fois été dupée.

En ce qui concerne l’établissement de centimes additionnels sur les droits de douanes, j’aurai voulu, pour mon compte, qu’on pût l’éviter ; je voudrais savoir, de M. le ministre des finances, si le remboursement du péage ne pourrait pas se faire au moyen des ressources ordinaires du trésor ; si cela état impossible, alors il faudrait bien recourir au moyen proposé par le gouvernement ; mais je crois que le commerce en souffrirait beaucoup et que s’il y a quelque possibilité de l’éviter il faut absolument le faire.

Je voterai le principe du remboursement, mais pour autant seulement qu’on fera une exception pour la Hollande. Sans cela je voterai contre le projet. Je déclare que j’appuierai tout amendement qui aurait pour but de favoriser notre pavillon et notre commerce propre d’échange, afin qu’on commençât une fois à donner à la Belgique pour son commerce ce que les autres nations font pour le leur avec un si bon résultat, et que quand nous faisons des sacrifices d’argent nous ne les fassions pas au moins pour détruire notre commerce et notre marine marchande.

- La séance est levée à 5 heures.