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Chambres des représentants de Belgique
Séance du lundi 20 janvier 1840

(Moniteur belge n°21 du 21 janvier 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Scheyven fait l’appel nominal à une heure.

M. le président tire au sort le renouvellement des sections.

M. Scheyven lit le procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Ensuite, il présente l’analyse des pièces adressées à la chambre.

Pièces adressées à la chambre

« Le sieur Cuvelier, vinaigrier de troisième classe à Bruxelles, réclame contre une pétition des brasseurs vinaigriers, adressée à l’administration des impositions indirectes, tendant à majorer les droits, les produits des vinaigreries artificielles. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


« Le sieur Jean Moëller, professeur à l’université catholique de Louvain, né en Wesphalie, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.

Projet de loi portant le budget du ministère des travaux publics de l'exercice 1840

Discussion du tableau des crédits

Chapitre III. Canaux, rivières, polders

Article premier

M. le président – Nous sommes parvenus au chapitre 3, canaux, rivières, polders, 1,550,941 francs 12 centimes. ; nous mettrons d’abord en discussion l’article du service ordinaire des canaux, rivières : fr. 357,210.

M. de Puydt – La section centrale, dans son rapport, fait l’observation suivante :

« Si le régime de nos routes ordinaires était appliqué aux rivières et canaux, et que l’excédant des recettes fut destiné à former un fonds spécial, cette somme serait annuellement employée à la création de ces voies de communication navigables, dont le besoin se fait si vivement sentir dans plusieurs provinces du royaume.

Le même rapport dit, un peu plus loin :

« L’une des sections a soulevé la question de savoir si le moment n’était pas venu d’appliquer aux canaux le régime suivi pour les routes ordinaires, c’est-à-dire de constituer un fonds spécial de l’excédant de leurs produits, à l’aide duquel ces utiles voies de communication pourraient être construites. »

Messieurs, moi aussi je viens demander si ce moment n’est pas venu ; ou plutôt je crois qu’il est venu. Il est donc possible de réaliser aujourd’hui ce vœu :

En 1837 j’ai développé devant la chambre deux propositions de lois :

L’une ayant pour objet d’affecter spécialement à l’entretien et à l’amélioration du système de navigation intérieure le produit des canaux de l’Etat ;

L’autre tendant à autoriser le gouvernement à contracter un emprunt, hypothéqué sur l’excédant du produit, l’entretien déduit.

La chambre est aujourd’hui en position de pouvoir apprécier le résultat probable de cette mesure. J’ai fait remarquer dans la séance de samedi quelles avaient été les conséquences de l'emprunt pour les routes.

Avant cet emprunt, l’indifférence la plus complète existait partout : les provinces, les communes et les particuliers considéraient le gouvernement comme devant seul exécuter les routes.

Depuis l’emprunt, les idées se sont modifiées à l’instant, et c’est après 1837, c’est-à-dire postérieurement au vote de la loi dont il s’agit, que les provinces, les communes et les particuliers, stimulés par l’espoir d’obtenir des subsides du gouvernement, ont spontanément concouru avec lui à l’exécution de travaux de routes qui ont absorbé un capital de près de 30 millions, capital dans lequel le gouvernement n’a fournir qu’environ 13 millions, les provinces 11 millions, et les particuliers près de 6 millions.

Si l’on considère que les constructions de routes sont des entreprises extrêmement chanceuses, puisqu’elles ne produisent moyennent que 2 ¾ p.c., d’après le relevé des recettes de barrières, tandis que les canaux, quoique plus coûteux à établir, rapportent néanmoins 10 p.c., on comprendra que les capitalistes seront entraînés à mettre dans les dernières entreprises des fonds plus considérables que dans les travaux de routes, et que l’effet produit par le stimulant de l’emprunt pour les routes se manifestera dans une proportion bien plus grande, quand il y aura un fonds spécial pour les canaux.

Un coup d’œil général sur ce qu’il sera possible de faire doit nous encourager à adopter ce système.

Les canaux projetés pour réunir le Hainaut à la mer du Nord pourront alors s’exécuter par le concours combiné du gouvernement et des particuliers. Ces entreprises intéressent les Flandres et le Hainaut tout à la fois.

Les canaux de la Campine intéressent les provinces d’Anvers, de Limbourg et du Brabant : leur construction, aujourd’hui très douteuse, deviendrait alors certaine.

Le canal de Mons à la Sambre et le canal de Mons à Alost, ouvrant aux Flandres deux lignes vers le bassin de la Meuse, établiraient une navigation continue du Luxembourg à la mer : avec des subsides ces canaux se feraient.

Enfin, la canalisation du Luxemburg, qui intéresse cette province et celles de Liége et de Namur, soit qu’elle se fasse suivant le système proposé par l’ancienne société du Luxembourg, soi qu’elle se fasse d’après un mode nouveau, pourra également se réaliser si le gouvernement a des fonds à y consacrer pour aider l’industrie particulière.

Tous les travaux n’exigeraient pas un capital de plus de 40 millions : un emprunt qui mettrait le gouvernement à même d’intervenir pour un tiers ou un quart dans ces dépenses suffirait d’après le crédit dont seraient entourées de pareilles entreprises comparées à celles des routes.

Je viens donc proposer à la chambre de soumettre les projets de loi que j’ai rappelés à l’examen des sections actuelles.

M. A. Rodenbach – Je ne m’opposerai pas à ce que demande l’honorable préopinant, de charger les sections ou une commission de l’examen de son plan, mais j’inviterai M. le ministre des travaux publics à vouloir bien faire étudier les rivières du royaume dont la canalisation serait importante. Il y a dans le district de Roulers une petite rivière qui, avec une somme de 100 mille francs, deviendrait navigable, et donnerait un revenu d’au moins 10 p.c., peut-être même de 12 p.c. Une population de plus de cent mille habitants paie aujourd’hui plus d’un demi-franc le transport par chariots du charbon qu’elle va chercher à Menin. Remarquez-le bien, ce n’est pas un sacrifice que je réclame ; c’est l’emploi d’une faible somme pour l’Etat, et qui doit beaucoup rapporter. Il me semble que, dans ce cas, on doit s’empresser de faire étudier la rivière dont je parle. Je demande que M. le ministre fasse attention à ma demande.

M. Eloy de Burdinne – Messieurs, si chacun réclamait des canaux, ou la canalisation des petites rivières, il ne resterait pas de ruisseau dont on ne demandât la canalisation. Quant à moi, j’engage le ministre à se mettre en garde contre tous ces faux renseignements qu’on lui donne. Je pourrais parler aussi des petits ruisseaux de ma localité ; mais faut-il, pour transporter un peu de chauffage, faire des canaux ? N’entreprenons pas trop, et ne convertissons pas les petits ruisseaux en canaux.

M. A. Rodenbach – Je ne demande pas que l’on construise un canal ; je demande que l’on fasse une étude ; je demande une amélioration pour que des populations ne paient pas leur combustible plus cher qu’en France. Enfin, je ne demande ni une faveur ni un sacrifice, car je propose au gouvernement de se créer un revenu de 12 p.c.

M. Eloy de Burdinne – Quand on a une masse d’objets à l’étude, les employés manquent ; ils ont assez à faire par les travaux importants dont ils sont chargés. Faites des canaux dans la Campine, à la bonne heure, là où il n’y a pas de routes ; mais multiplier les canaux dans les Flandres, riches en routes, c’est une dérision. Si l’opération dont parle l’honorable membre est si bonne, il se présentera des spéculateurs pour l’entreprendre.

M. le président – M. de Puydt demande que ses propositions, qui ont été prises en considération, soient soumises aux sections ou à une commission.

M. Dubus (aîné) – Il faudrait savoir d’abord s’il existe encore des exemplaires suffisants.

M. le président – la proposition a été faite en 1836 ; il faudrait peut-être la faire réimprimer ; le bureau prendra des informations à cet égard.

M. Dumortier – S’il est convenu qu’on attendra, pour prendre une résolution, que le projet dont il s’agit soit réimprimé, je n’ai pas d’objections à faire pour le moment ; mais si l’on veut que ce projet soit mis immédiatement à l’ordre du jour des sections, alors je demanderai l’ajournement. Ce n’est pas, me semble-t-il, dans un moment où il y a une si grande gêne dans nos finances, qu’on doit chercher à entraîner le pays dans une dépense de 40 millions. Je crois que nous ne devons pas, pour satisfaire quelques ingénieurs, créer ainsi une foule de canaux là où le besoin réel n’en existe pas ; il faut commencer par mettre les recettes en harmonie avec les dépenses, et jusqu’à ce qu’on en soit venu là, je verrais avec le plus grand regret qu’on détournât l’excédant de produit des canaux des fonds généraux de l’Etat, pour en faire un fonds spécial, comme on l’a fait pour le produit des barrières. Lorsqu’on a discuté la loi relative à cet objet mon opinion était, et je suis encore du même avis, qu’on eût beaucoup mieux fait de ne pas y insérer une disposition qui oblige le gouvernement à consacrer l’excédant du produit des barrières à la construction de routes nouvelles. Ne croyez pas cependant, messieurs, que je voulusse écarter la possibilité de créer de nouvelles routes. Loin d’avoir une telle pensée, j’ai toujours été d’avis qu’il est nécessaire de créer, autant que possible des routes, mais il m’a toujours paru qu’il ne fallait pas se lier les mains pour l’avenir. Il y a des moments où le trésor public est prospère, et alors employez l’excédant du produit des barrières à la construction de routes nouvelles rien de mieux ; mais lorsque le trésor est obéré, il me semble que toutes les ressources du pays doivent être laissées à sa disposition pour servir aux besoins les plus urgents.

En ce qui concerne les canaux, messieurs, la chose est bien plus important ; un canal, quelque petit qu’il soit, coûtera de suite plusieurs millions, tandis qu’avec 100, 200 ou 300 mille francs on parvient à créer des routes d’une grande étendue ; l’excédant du produit des barrières s’élève annuellement à 5 ou 6 cent mille francs, de sorte qu’il permet de créer chaque année plusieurs routes, sans que le trésor en soit affecté d’une manière bien considérable ; mais si vous retirez du budget l’excédant du produit des canaux, évidemment il ne restera plus de quoi faire face aux dépenses. Je sais, messieurs, que le produit des rivières est très peu considérable, mais il n’en est pas de même des canaux ; l’excédant du produit des canaux s’élève à plusieurs millions par an ; le canal d’Antoing rapporte à lui seul, je crois, 600,000 francs par an, le canal de Condé rapporte aussi une somme très considérable ; il en est de même de la Sambre canalisée. Si vous enlevez de semblables revenus au trésor, je ne sais pas où vous trouverez des fonds pour couvrir les dépenses. Déjà actuellement vous avez un déficit de six millions, et vous voulez encore créer un déficit plus grand. Mais c’est à manquer aux règles de la prudence la plus vulgaire, aux premiers principes d’administration.

M. de Puydt – S’il s’agissait d’augmenter les charges du pays, j’épargnerais à l’honorable M. Dumortier le soin de me faire les reproches qu’il se permet en ce moment, parce que je ne ferais pas de proposition dans ce but.

Loin qu’il soit question d’augmenter nos dépenses, il s’agit, au contraire, de mesures propres à augmenter nos recettes. Il est question de l'application productive d’une partie des recettes des canaux.

M. Dumortier prétend qu’on diminuera les ressources de l’Etat de plusieurs millions : l’honorable M. Dumortier ne m’a pas écouté ni ne m’a pas compris.

Quand on discutait l’emprunt pour les routes la même objection a été faite ; les ressources du trésor doivent être diminuées en pure perte : au lieu de cela il y a eu augmentation dans le produit des barrières, dont une très faible somme est appliquée à servir les intérêts de l'emprunt.

Pour les canaux, il ne s’agit que d’une somme de 10 à 12 millions pour les intérêts de laquelle il faudra 5 à 6 cent mille francs.

M. Peeters – Je concevrais les observations de M. Dumortier si toutes les parties du pays étaient suffisamment pourvues de communications ; mais dans un moment où l’on va dépenser tant de millions pour construire le chemin de fer dans le Hainaut à côté des plus belles routes et des plus beaux canaux, je ne conçois pas que l’honorable membre qui se montre toujours si susceptible en faveur des principes de la constitution dans laquelle il devrait bien voir que, s’il est nommé par le district de Tournay, il n’en représente pas moins les autres parties du pays aussi bien que sa localité ; il n’en représente pas moins la Campine, par exemple, où il n’y a aucune communication ; je ne conçois pas, dis-je, que l’honorable membre vienne s’opposer à ce que l’on consacre une telle somme pour faire des canaux dans les parties du pays où il n’y en a pas. Je dis une si faible somme en proportion de ce qu’on dépense actuellement pour les chemins de fer dans sa province.

L’honorable membre a avoué lui-même, dans la discussion du canal de l’Espierre, que sa localité peut se passer de ce canal, maintenant il vient s’opposer à une proposition qui tend à faire obtenir, sans préjudice pour le trésor, des communications à des pays qui en ont le plus grand besoin. Puisque l’honorable membre porte un si vif intérêt à Tournay, je vais dire un mot qui touche cette ville. Aujourd’hui dans la Campine la chaux de Tournay se paye 2 francs 50 centimes l’hectolitre, à Bruxelles elle ne coûte qu’un franc ; si la Campine était canalisée, la chaux y arriverait à bien meilleur compte, ce qui en augmenterait la consommation et ce qui procurerait, par conséquent, un avantage à la localité même dont l’honorable M. Dumortier défend toujours si chaudement les intérêts. Ce n’est donc pas exclusivement l’intérêt de la Campine que nous défendons, c’est l’intérêt général du pays, et je suis fort étonné que l’honorable membre s’oppose à une proposition qui est dans l’intérêt général du pays ; je suis fort étonné, je le répète, que l’honorable membre, qui se montre toujours si susceptible lorsqu’il s’agit de la constitution, oublie constamment l’article 52 de cette constitution.

M. Dumortier – Je ne comprends rien au reproche que m’adresse l’honorable préopinant, je crois qu’il n’y a rien dans mes paroles qui puisse justifier ce reproche. Certes, j’ai défendu et je défendrai toujours dans cette enceinte les intérêts de la localité qui m’a envoyé ici ; c’est là mon mandat mais l’honorable membre doit savoir aussi que, dans toutes les circonstances où il a fallu défendre les intérêts d’autrui je l’ai fait avec empressement, et spécialement lorsqu’il s’est agi de la Campine ; qu’il relise mes discours et il verra que j’ai plusieurs fois demandé des routes pour ce pays. Dans cette circonstance il s’agit de décider un principe, il s’agit de décréter que l’excédant du produit des canaux sera détourné des fonds généraux du trésor pour être affecté à une destination spéciale, c’est là un principe auquel je dois m’opposer ; je ne viens pas dire : « Ne faites pas de canaux ; » loin de moi, encore une fois, une semblable pensée, mais je dis : « Ne vous liez pas à tout jamais, ne décidez pas que vous ne pourrez rien faire des fonds dont il s’agit, si ce n’est des canaux ; » je dis que, dans un moment où les recettes sont en-dessous des dépenses, une semblable proposition est tout à fait intempestive. Et remarquez, messieurs, qu’il ne s’agit pas d’une faible somme comme le dit l’honorable M. Peeters ; l’honorable M. de Puydt qui a parlé avant lui a évalué la dépense à 40 millions.

M. de Puydt – Vous ne m’avez pas compris.

M. Dumortier – J’ai très bien compris ; vous avez dit qu’il ne faudrait que la bagatelle de 40 millions pour satisfaire aux besoins de toute la Belgique ; vous avez ajouté qu’il faudrait commencer par emprunter 10 millions. Eh bien, je ne veux pas qu’ion fasse de nouveaux progrès dans la voie des emprunts ; depuis la révolution nous avons contracté une dette de 220 millions, non compris la dette que la conférence nous a imposée, la dette hollandaise. Avec ce système on ne pourrait qu’entraîner l’Etat à sa perte ; on ferait certainement de la Belgique un pays fort beau, un pays ravissant pour tous les ingénieurs étrangers, mais on en ferait en même temps un pays qui ne saurait pas payer ses dettes. Il faut savoir se modérer, messieurs ; il en est des états comme des familles : qui veut faire trop de dépenses finit par se ruiner. Faites des dépenses au fur et à mesure de vos économies ; mais ne venez pas contracter dettes sur dettes ; c’est là le plus faux de tous les systèmes.

Remarquez, messieurs, que quand il s’agit de construire des routes, les provinces, les communes et les particuliers contribuent pour une part dans la dépense ; mais qui est-ce qui contribuera dans les dépenses de l’établissement des canaux ? Les provinces ne disposent que de faibles sommes ; lorsqu’une province contribuera pour 100,000 francs, dans la construction d’un canal, ce sera tout ; car le plus petit canal coûte plusieurs millions.

J’appelle de tous mes vœux la canalisation de la Campine ; la province d’Anvers désire d’y contribuer ; déjà elle a offert une somme de 1,600,000 francs ; eh bien, que serait-il arrivé si la proposition de M. de Puydt avait été convertie en loi ? C’est que la province d’Anvers n’aurait rien offert du tout, ou serait venu assaillir le ministère des travaux publics, ou serait venu lui dire : « Vous avez des fonds spécialement destinés à l’établissement de canaux, faites-nous ce canal, » et la province d’Anvers aurait gardé devers elle les 1,600,000 francs que maintenant elle offre de consacrer à l’établissement de la communication.

Je viens, messieurs, protester de toutes mes forces contre le système vicieux qu’on voudrait nous faire consacrer au grand préjudice du trésor public.

Quant à ce que dit l’honorable M. de Puydt, que depuis l’emprunt pour les routes, le produit des barrières a augmenté, je vous dirai, messieurs, que cette augmentation ne provient pas de l’emploi qui a été fait par le gouvernement des fonds de cet emprunt ; c’est une conséquence nécessaire de l'augmentation de l’industrie en Belgique ; les routes nouvelles qui ont été établies se trouvent dans les localités les moins productives, car là où les routes sont productives, on n’attend pas l’intervention du gouvernement pour les établir, les compagnies et les particuliers ont soin d’y pourvoir.

M. de Puydt – Je ferai remarquer à l’honorable M. Dumortier que le produit des barrières augmente d’un septième depuis l’emprunt, s’est accru malgré l’existence et le développement toujours continu des chemins de fer ; évidemment cela est dû aux constructions nouvelles.

M. Dumortier dit que, pour les routes, il y a eu concours de particuliers, mais que pour les canaux dont la dépense est plus élevé, les particuliers n’y interviendront pas. Eh bien, c’est précisément tout le contraire qui doit avoir lieu, et ce n’est pas sur les dépenses qu’il faut mesurer la participation des particuliers, mais sur l’intérêt ; or, les routes qui ne produisent qu’un faible intérêt ont décalé l’emploi de près de 6 millions sur 28 millions. Il y a donc lieu d’espérer que pour des travaux qui rapportent généralement 10 p.c., cette participation aura lieu dans une proportion plus élevée.

Au reste, ceci est le fond de la question ; je n’ai fait que proposer de faire examiner les projets de loi ; on discutera tous ces points plus tard.

M. le président – La chambre a renvoyé le projet de M. de Puydt aux sections de 1836 ; et l’honorable membre propose maintenant que ce projet soit renvoyé au sections de 1840 ; M. Dumortier demande que cette proposition soit renvoyée jusqu’après la réimpression du projet.

- La proposition de M. Dumortier est acceptée.

L’article 1er du chapitre III (Entretien du canal au Sas de Gand, etc. 257,910 francs) est mis aux voix et adopté.

Articles 2 et 3

« Art. 2. Canal de Charleroy : fr. 757,375 66. »

- Adopté


« Art. 3. Services extraordinaires des canaux de Pommeroeul à Antoing et de Maestricht à Bois-le-Duc : fr. 60,000. »

- Adopté.

Article 4

« Art. 4. Service de l’Escaut : fr. 185,525. »

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, d’après les développements du budget, la somme de 185,525 francs devait recevoir l’emploi suivant :

1° Travaux ordinaires dans les provinces de la Flandre orientale et de Hainaut : fr. 16,690.

2° Personnel des deux provinces : fr. 8,333.

3° Travaux d’amélioration dans les premier et second biefs : fr. 53,500

4° Allocation supplémentaire pour le barrage d’Autrive : fr. 107,000

Total : fr. 185,525.

A l’époque où ces développements ont été rédigés, le barrage d’Autrive n’était pas encore adjugé. Par suite des modifications que j’ai faites au projet, la dépense se trouve réduite de 57,000 francs, c’est-à-dire qu’au lieu d’un supplément de 107,000 francs, il ne faut qu’un supplément de 50,000 francs ; reste donc une somme de 57,000 francs, qu’il faut ou retrancher du chiffre, ou destiner à un autre emploi ; c’est ce dernier parti que je propose à la chambre.

Dans le budget on ne s’est occupé que de ce que j’appellerai le haut Escaut, c’est-à-dire de l’Escaut depuis la frontière française jusqu’à Audenarde, on ne s’est pas occupé de ce que j’appellerai le bas Escaut, c’est-à-dire de l’Escaut depuis Audenarde jusqu’à Gand et en-dessous de Gand.

C’est avec raison que la section centrale a signalé l’espèce de lacune que présente le budget ; ses observations se réduisent à ceci : Vous faites des travaux dans le haut Escaut, pour facilier l’arrivée des eaux dans le bas Escaut, mais vous ne faites pas de travaux dans le bas Escaut, pour accélérer le départ des eaux vers Gand et au-delà. Cette remarque est juste, et je m’applaudis qu’on puisse y faire droit, au moyen de la somme disponible que laisse l’allocation pour le barrage d’Autrive.

Vous savez tous, messieurs, que de nouveaux moyens d’écoulement sont vivement réclamés dans la Flandre orientale ; il y a à cet égard unanimité d’opinion. D’après les discussions qui ont eu lieu en 1837, 1838 et 1839 au conseil provincial, et d’après les rapports des ingénieurs en chef, les travaux les plus urgents à faire seraient les suivants :

1° Recreusement du canal de décharge d’Eyne : fr. 24,000

2° Coupure à Seeverghem : fr. 21,000

3° Dévasement dans le bas Escaut en aval des écluses de la Pêcherie et du Pas à Gand : fr. 5,000.

Ces trois ouvrages exigeraient donc une somme de 50,000 francs.

Resterait une somme de 7,000 francs qui serait reportée au n°3 : travaux d’amélioration dans les deux premiers biefs ; et l’on dirait : « dans les trois premiers biefs. »

Les 7,000 francs serviraient à améliorer l’écluse de Maire près de Tournay, écluse qui se trouve dans un état vraiment déplorable. Je l’ai visitée il y a deux mois, avec plusieurs membres de la chambre, et nomme avec l’honorable M. Dumortier, et nous avons été étonnés de voir encore subsister cette écluse malgré son état d’abandon.

Je propose donc à la chambre de maintenir le chiffre de 185,525 francs, mais le chiffre recevra un autre emploi d’après les explications que j’ai données ; dès lors l’espèce de grief que la Flandre orientale pouvait alléguer, en ce qu’on n’améliorait pas l’Escaut, disparaîtra.

Dès lors les développements du budget seraient ceux-ci :

1° Travaux ordinaires dans les provinces de la Flandre orientale et du Hainaut (comme au projet) : fr. 16,690.

2° Personnel dans ces deux provinces (comme au projet) : fr. 8,335.

3° Travaux d’amélioration dans les trois premiers biefs : fr. 60,500.

4° Allocation supplémentaire pour le barrage d’Autrive : fr. 50,000.

5° Recreusement du canal de décharge d’Eyne : fr. 24,000.

6° Coupure à Seeverghem : fr. 21,000.

7° Dévasements dans le bas Escaut en aval des écluses de la Pêcherie et du Pas à Gand : fr. 5,000.

Total : fr. 185,525.

M. Van Hoobrouck de Fiennes, rapporteur – Messieurs, je ne m’opposerai pas à la proposition de M. le ministre ; je l’appuie au contraire de toutes mes forces. Messieurs, je m’étais vivement préoccupé de l’espèce de contradiction dans laquelle on tombait en faisant exécuter des travaux à l’Escaut supérieur pour accélère l’écoulement des eaux dans l’Escaut inférieur, sans faire de travaux dans l’Escaut inférieur. La nouvelle destination du crédit a pour but de parer à cet inconvénient.

Messieurs, j’avais d’abord demandé la parole parce que je croyais que la somme de 53,500 francs pour travaux d’amélioration dans les deux biefs, était exclusivement destinée à élargir l’écluse d’Antoing, d’après l’engagement qui a été pris avec la France. Je désirerais savoir si cet engagement a eu lieu en vertu d’un traité quelconque, si, en un mot, cet engagement lie la Belgique. Car s’il y a un traité, il est évident que le gouvernement, en s’engageant à élargir cette écluse, lie l’Etat, c’est un engagement dont on pourra demander l’exécution. Or, cette écluse d’Antoing est très importante. Déjà depuis 1832, le gouvernement a demandé des fonds pour élargir l’écluse d’Antoing et alors la section centrale a repoussé cette demande. Pour ma part, je ne veux pas proposer d’ajourner la dépense, je crois qu’il est convenable d’élargir l’écluse d’Antoing et d’affranchir ainsi nos voisins d’une servitude que la nature leur a imposée. Mais, ce que je demande, c’est qu’avant d’élargir cette écluse, le gouvernement fasse les travaux nécessaires au bas Escaut et qu’il commence par débarrasser les obstacles qu’il y a dans le passage des eaux à Gand ; vous comprenez aisément que si on élargit l’écluse d’Antoing, elle donnera passage à une plus grande masse d’eau ; or, comme les obstacles sont déjà nombreux aujourd’hui, c’est à écarter ces obstacles que le gouvernement doit d’abord s’attacher ; les explications que M. le ministre des travaux publics a données, m’ont satisfait.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, vous aurez remarqué qu’en 1832 l’opinion de la section centrale était que les travaux n’offraient pas d’urgence. Depuis la question a été l’objet d’une instruction très longue et minutieuse ; cette instruction est imprimée, elle fait partie du rapport et des pièces qui vous ont été communiquées le 27 décembre 1837. Il y a eu des conférences entre les ingénieurs des deux pays ; j’ai rendu compte de ces conférences et de toute la correspondance. Il a été constaté qu’il était indispensable, dans un intérêt commun, de faire des travaux aux deux biefs les plus voisins de la France ; entre autres des travaux de dévasement étaient réclamés à Tournay.

Quand on a employé l’expression : « d’après les engagements pris avec la France », on s’est servi de mots peut-être trop absolus. Ces engagements ne sont pas des engagements résultant d’une convention de gouvernement à gouvernement ; ces engagements sont les conséquences des conférences des ingénieurs. Il en est rendu compte dans la correspondance à laquelle je renvoie l’honorable préopinant.

J’ai vu avec plaisir que l’honorable rapporteur a considéré la proposition que j’ai faite, comme faisant droit aux observations qui avaient été présentées au nom de la section centrale ; de sorte qu’il se trouve que nous pourrons faire des travaux d’amélioration sur l’Escaut. Depuis la frontière jusqu’en dessous de Gand ; c’est-à-dire que nous nous occuperons à la fois du haut Escaut et du bas Escaut. Je crois que nous devons tous nous féliciter d’avoir pu arriver à ce double résultat au moyen de la somme qui reste la même au budget.

M. Doignon – J’ai vu avec satisfaction, dans les développements du budget, que le gouvernement annonce de nouveau l’intention d’ajourner la canalisation de l’Escaut, qui faisait l’objet du projet de loi présenté le 27 décembre 1837. J’aime à croire qu’appréciant de plus en plus les puissantes considérations qui lui ont été présentées contre ce projet, il finira pas reconnaître que son exécution, sans atteindre même pour l’avenir le but proposé, serait tout à la fois nuisible à la navigation elle-même, à l’agriculture et à la propriété.

Lorsque, l’année dernière, le gouvernement est venu demander un crédit pour l’établissement d’un seul barrage qui serait placé à Autrive, entre Tournay et Audenarde, nous en avons proposé l’ajournement en nous fondant sur ce que cet ouvrage faisait lui-même partie de système de canalisation dont la chambre était saisie par le projet de loi, qu’on ne pouvait ainsi anticiper sur l’exécution de ce projet non encore adopté, ou le scinder, et qu’il convenait s’attendre qu’il eût, avant tout, subi l’instruction voulue par nos règlements. La chambre n’était pas plus préparée qu’aujourd’hui à la discussion publique de ce vaste système, elle ne pouvait, sans dangers, se prononcer sur cette question et faire le premier pas dans cette grande entreprise.

Elle a néanmoins voté à la hâte et dans une séance du soir, un crédit de 95 mille francs pour un seul barrage entre Tournay et Audenarde. Mais le ministère reconnaît lui-même aujourd’hui que ce crédit est insuffisant et qu’une deuxième allocation est indispensable pour exécuter l’ouvrage d’une manière convenable, de telle sorte que bien certainement la chambre est toujours encore libre maintenant d’en suspendre ou modifier l’exécution si elle juge qu’il est effectivement prudent d’ajourner ce travail, ou que celui-ci serait même inutile, et, par la suite, préjudiciable aux intérêts mêmes qu’on prétend favoriser ; si elle juge enfin qu’il est préférable de commencer cet essai par d’autres travaux dont le résultat doit évidemment produire une amélioration avec la certitude de ne compromettre aucun intérêt, si en un mot le même but peut être atteint par d’autres moyens qui n’excitent point les plaintes dont ce système est l’objet.

Or, nous prions le gouvernement d’y apporter la plus grande attention ; ce résultat peut être atteint par d’autres ouvrages qu’il indique lui-même en partie dans le développement de son budget et dont la dépense est comprise dans le crédit de 185 mille francs qu’il pétitionne. Ces travaux consisteraient premièrement dans le dévasement et l’approfondissement de l’Escaut supérieur et l’éloignement du débouché de l'écluse d’Antoing.

On sait que la navigation du bas Escaut entre Tournay et Audenarde peut laisser à désirer quelque amélioration dans des moments assez rares de grande sécheresse ; mais c’est en remontant à la cause du mal qu’on en connaît le véritable remède, et, au total, après avoir consulté, non pas les hommes de science et à théorie, mais les hommes de pratique, ces navigateurs qui, passant toute leur vie sur le fleuve, en observent chaque jour le mouvement et les mœurs, après avoir recueilli aux meilleures sources les renseignements de fait, il nous paraît hors de doute que c’est aux envasements qui se sont accrus successivement çà et là dans le lit du fleuve et qu’on a négligé d’enlever depuis longues années, que c’est aussi aux ouvrages de la main de l'homme qu’il faut attribuer les entraves dont on se plaint, et qu’il suffiraient de remettre autant que possible ce beau fleuve dans son état naturel pour donner à la navigation toutes les facilités désirables.

Un deuxième moyen plus facile encore de régler le cour de l’Escaut de manière à avoir toujours des eaux à suffisance et en temps convenable pour une navigation la plus prompt, et la plus régulière possible, c’est de faire avec la France un bon règlement qui concilie ses intérêts et les nôtres, et dans cette question, elle dépend par sa position, bien plus de la Belgique que celle-ci ne dépend d’elle. La Belgique a dans tous les cas la voie de la mer pour se débarrasser de ses eaux ; mais la France n’a d’autre issue pour les siennes que sur le territoire belge, et si elle ne veut écouter nos conditions raisonnables et de bon voisinage il nous est libre de refouler une partie de ses eaux sur son territoire où elles lui font des torts immenses, sans nuire même à l’état actuel de notre navigation et sans porter des dommages à nos propriétés.

La chambre se rappelle sans doute de quelle manière la navigation se fait, une partie de l'année, sur l’Escaut. Depuis la frontière de France jusqu’au Audenarde, le cours du fleuve est partagé en quelques biefs ou bons d’eau qui chaque semaine font successivement descendre avec vitesse tous nos bateaux réunis en rame dans le haut Escaut.

Quoique le bief de Tournay à Audenarde soit beaucoup plus long que celui qui existe vers la France, qu’autrefois le volume d’eau contenu dans celui-ci, quoique plus petit, suffisait néanmoins pour la navigation de celui-là. Mais depuis nombre d’années, le lit de l’Escaut s’est tellement élevé et rétréci peu à peu, qu’on prétend que son volume d’eau, une fois arrivé dans le bief de Tournay à Audenarde, suffit quelquefois tout au plus pour y faire convenablement le service de la navigation. Les causes de l’élévation du lit du fleuve et de son rétrécissement dans cette partie sont de notoriété : qu’on les fasse cesser et les choses seront remises dans leur premier état. Veut-on que le premier bief fournisse assez d’eau à celui dont il s’agit, qu’on le dévase d’abord, qu’on l’approfondisse, ainsi que le gouvernement lui-même fait la proposition ; et l’on verra cesser l’inconvénient dont se plaint le commerce de navigation.

Pour y remédier, M. l’ingénieur nous dit : L’eau de ce bief ne suffisant plus pour le dernier, partagez celui-ci en deux parties égales au moyen d’un nouveau barrage, et chacune d’elles aura alors plus d’eau qu’il ne lui en faut, et comme s’il ne s’agissait ici simplement que d’une opération toute mathématique sans tenir compte des faits, partagez encore de cette manière, dit M. l’ingénieur, tout le reste du cours de l’Escaut jusqu’à Gand, et l’eau ne vous manquera jamais pour votre navigation.

Je n’hésite pas à dire que tout ce système de prétendue canalisation n’est que pure théorie et déjà le gouvernement l’a pour ainsi dire reconnu lui-même en ajournant chaque année ce grand projet pour s’arrêter à un ou deux ouvrages seulement et par forme d’essai. Ce qui seul prouverait combien il est dangereux, dans de pareilles questions, de s’en rapporter à l’opinion d’hommes de sciences ou de cabinet, c’est qu’ignorant eux-mêmes, paraît-il (quoique tout le monde le sût) que l’Escaut roulait ses eaux chargées de limon, on les a vus, comme en France même pour Rodignies et Thun, proposer primitivement pour barrages des écluses à sas, écluses qui, dans l’espèce, ne peuvent nécessairement qu’augmenter considérablement et de suite l’envasement du fleuve, et rendre ainsi elle-même la navigation de plus en plus difficile ainsi que les inondations de nos terres et prairies beaucoup plus fréquentes. Quand des hommes savants et de grand mérité commettent dans leur système d’aussi graves erreurs, que doit-on penser du reste de leur projet ?

Aujourd’hui, revenus de cette erreur, il prétendraient substituer les écluses à poutrelles aux écluses à sas, ou plutôt en d’autres termes, substituer un grand inconvénient à un autre qui eût été plus grand encore, puisqu’en effet l’écluse à poutrelles, avec ses deux dais construits en pierre de chaque côté, n’arrêtant pas moins encore le cours des eaux, aurait aussi pour effet à la longue, et quoique moins rapidement, d’envaser la rivière, ce qui se voit dans la ville même de Tournay, par suite de la seule construction de ses ponts qui n’ont cependant aucune espèce d’écluse.

Mais pour fournir en tous temps à la navigation l’eau que l’on désire dans le bief entre Tournay et Audenarde, il n’est même aucunement nécessaire de le diviser en deux parties par une écluse à poutrelles ; que le gouvernement, qui a aujourd’hui l’administration de l’Escaut, fasse curer avec soin les biefs supérieurs aux endroits où cela est devenu nécessaire et ils produiront constamment comme autrefois toute l’eau qu’on peut désirer ; nous en avons pour garant une longue expérience, puisque, ci-devant, il n’existait aucun barrage dans ce dernier bief et l’on y recevait la quantité d’eau nécessaire pour y faire parfaitement le service. Pourquoi n’en serait-il pas de même aujourd’hui si l’on donnait au haut Escaut la profondeur et la largeur qu’il avait alors. C’est donc évidemment par ce dernier ouvrage qu’il faut commencer, ouvrage également indispensable pour arrêter les inondations qui font un tort considérable aux terres et prairies.

Si le gouvernement connaissait exactement les lieux et les faits, il comprendrait facilement que c’est là une des premiers causes de tant de sujets de plainte, tant de la part de la navigation que de la propriété et des populations qui habitent les rives du fleuve. D’après ses explications jointes au budget, il semblerait qu’il n’est question de procéder au dévasement qu’entre Tournay et Antoing ; mais on ne peut se dispenser de faire aussi cette opération au-delà même de l’écluse d’Antoing ; il convient de la faire notamment vis-à-vis des rivages de chaux, de pierres, etc. Le gouvernement indique bien certains endroits où il est nécessaire de dégager le lit des masses de limon et de pierres qui l’encombrent ; mais il en existe bien d’autres omis sans doute dans les rapports qui lui ont été faits. Tous ces détails sont beaucoup mieux connus de nos bateliers que des ingénieurs et négociants.

Lorsque, dans les crues extraordinaires, l’Escaut, sortant de son lit entre Rodignies et Antoing, répand ses eaux dans les prairies immenses des villages de Laplaigne, Péronnes, Hollain, etc., il y avait alors, à partir du premier de ces villages, en parallèle à l’Escaut, un petit canal de desséchement qui venait jeter ses eaux dans le fleuve au-dessous de l’écluse d’Antoing. Mais en arrivant à cet endroit, il trouve l’Escaut tellement envasé que lui-même s’est envasé à son tour et n’est plus de service ; il résulte de là que ces eaux, au lieu de s’écouler dans l’Escaut, séjournent une bonne partie de l'année dans cette vaste plaine de prairies, et présentent réellement l’aspect d’une mer. La conséquence encore de cet état de choses, c’est que ces prairies riches autrefois, sont devenues, en grande partie, de très peu ou de nulle valeur, et qu’il en est un bon nombre dont le produit suffit à peine aujourd’hui ou ne suffit même pas pour payer les contributions ; c’est que les eaux ayant perdu ce débouché dans l’Escaut, elles poussent tous les ans les inondations jusqu’aux terres labourables et ensemencées, et notamment jusqu’aux habitations et les grandes fermes et jusqu’à la place et l’église même du village de Laplaigne.

Un autre envasement non moins remarquable qui empêche les eaux en amont de Tournay de s’écouler assez vite et en assez grande quantité dans les biefs inférieurs, c’est celui qui existe près de l'écluse de Tournay aux fossés, ou « petite rivière », qui ont été primitivement creusés tout exprès pour faire éviter aux eaux les obstacles qu’elles rencontrent dans la ville de Tournay à cause de ses ponts, et les conduire en dehors le long de ses murs directement dans le bas Escaut avec plus de promptitude et en abondance.

Un autre obstacle à la marche régulière des eaux vient non seulement du mauvais état de l’écluse en aval de Tournay, mais de ce que la manœuvre s’opère en laissant constamment au fond du lit une partie des poutrelles.

Il est donc constant, d’après tout ce qui précède, que c’est inutilement, ou au moins prématurément, qu’on établirait aujourd’hui un barrage à Autrive et que les premiers ouvrages à faire doivent être le dévasement et l’approfondissement du fleuve. On doit d’autant plus adopter ce parti qu’il est certain qu’il ne compromet aucun intérêt et que déjà il fait droit aux nombreuses et pressantes réclamations des propriétaires et villages riverains. Les calculs de l’ingénieur doivent céder ici en présence des faits. C’est fort mal raisonner que de dire que le volume d’eau d’un bief est insuffisant pour un autre parce que celui-ci serait beaucoup plus long, puisque la chose peut dépendre de mille et une circonstances qui rendent ce calcul inexact, et c’est ce qui se voit dans l’espèce.

Mais admettons même, ce qui n’est pas supposable, que l’exécution de ces ouvrages et la levée des obstacles au libre cours du fleuve n’aient point l’effet qu’on en attend, celui d’obtenir plus d’eaux et de rendre plus facile et plus prompte la navigation dans le bief inférieur, il vous resterait encore un autre moyen sans devoir recourir au barrage d’Autrive.

Les eaux du bief sont insuffisantes, dites-vous, pour le bief inférieur. Mais les eaux ne manquent pas dans le haut Escaut sur le territoire français ; la Haine, la Scarpe et d’autres confluents viennent y jeter leurs eaux. Il y a évidemment en France grande surabondance d’eaux et il ne s’agirait donc que d’en régler le cours avec elle, de manière à nous en donner assez dans tous les biefs pour les cas extraordinaires dont il s’agit.

La Belgique veut bien recevoir ses eaux et en débarrasser la vallée de la Scarpe ; mais le gouvernement français ne peut exiger que ce soit au grand détriment de notre navigation, de notre agriculture et de nos propriétés. Il paraît même que c’est principalement dans l’intérêt des propriétaires de quelques milliers d’hectares de la vallée de la Scarpe qu’il s’agirait de dessécher, que la France use maintenant de ses eaux sans égard à la situation et aux convenances de son voisin. Le commissaire belge disait dans les conférences à ce sujet : « le pays possède l’Escaut et sa navigation depuis un temps immémorial : il n’use de l’un et de l'autre que d’une manière raisonnable, sans abus ni exagération. Ce genre de propriété, autant qu’elle n’est point abusive, est partout reconnu et ne peut être surchargé d’une servitude au profit de quelques personnes bien estimables, d’ailleurs, mais spéculateurs en desséchement ; c’est à ces derniers, qui veulent ce nouvel état de choses à leur bénéfice, à se le procurer à leurs frais. »

Mais si la France ne veut voir ici que son intérêt exclusif, la Belgique serait en droit d’en faire autant de son côté et de lui occasionner des dommages incalculables, en usant simplement de son droit de défense. Dans une telle position, deux Etats voisins doivent nécessairement se faire des concessions mutuelles. L’on a commis d’abord, en France, une faute très grave, en établissant des écluses à sas à Rodignies et Thun : ces écluses doivent de suite être remplacées par des écluses à poutrelles ; elle ont produit aussi un envasement considérable qu’il convient de faire disparaître. Notre commissaire belge reproche encore à l’administration française de donner au barrage de Rodignies une marche tout à fait capricieuse, et si l’état de l’Escaut est aggravé, dit-il, on doit en attribuer la cause à Rodignies dont l’écluse a été établie, il y a peu d’années, sans même nous en donner aucune connaissance. Or, dès l’instant que la France ouvre en temps convenable ses écluses de Rodignies et de Thun, la masse d’eau qu’elle possède en amont jusqu’à Condé est bien plus suffisante pour nous donner en Belgique, à point nommé, toutes les eaux nécessaires à notre navigation dans les biefs inférieurs ; et dès lors il n’y a nulle nécessité de couper ces derniers par de nouveaux barrages, qui seraient nécessairement nuisibles à nos immenses prairies d’une valeur de plusieurs millions, à cause surtout des envasements et inondations qui en seraient la suite. Le gouvernement en convient lui-même dans l’exposé des motifs du projet de loi de canalisation, page 30, lorsqu’il reconnaît que les barrages à poutrelles auraient aussi pour effet, quoique moins vite, dit-il, de rehausser avec le temps le lit de l’Escaut ; en effet, les eaux de ce fleuve, toujours plus ou moins chargées de limon, ont une tendance naturelle à produire de l’envasement. Notre navigation elle-même en souffrirait donc aussi à l’avenir les entraves les plus sérieuses. Par conséquent, la France qui ne peut vouloir, par de telles mesures, la ruine de nos propriétés et de notre navigation, n’a aucune raison légitime pour se refuser à régler convenablement à notre frontière l’écoulement des eaux qui nous seraient indispensables dans les biefs du bas Escaut.

Le gouvernement, dans les développements du budget, nous parle d’engagements qu’il aurait déjà pris vis-à-vis de la France et il les fait résulter d’une lettre écrite par le ministre de l'intérieur au ministre des relations extérieures, à paris, en date du 28 mai 1836. Si ces engagements avaient un caractère légal, il serait même inutile de délibérer aujourd’hui, nous n’aurions plus qu’à voter le chiffre. Mais il est sans doute bien entendu qu’ils n’ont rien de définitif jusqu’à ce qu’ils aient fait l’objet d’un projet de loi spécial pour recevoir la sanction expresse des chambres. Il est certain que l’obligation, par exemple, de tenir à l’avenir le débouché d’Antoing à 20 mètres de largeur, constitue une véritable servitude en faveur de la France. Il en est de même de l’obligation de couper les grands biefs entre Tournay et Gand, ouvrages qui, en outre, grèvent le trésor, puisqu’ils exigent des dépenses considérables.

La France de son côté aurait bien pris quelques engagements réciproques et évidemment insuffisants Mais toute cette convention, souscrite d’ailleurs de la part de la Belgique sur l’avis d’un seul ingénieur, cette convention entre les deux pays serait en même temps de nature commerciale, et, comme telle, préalablement soumise à l’approbation de la législature, article 68.

Ces engagements de la part de notre ministère sont encore de la catégorie de ceux que la diplomatie étrangère a surpris à sa faiblesse. Contractés à l’insu même des chambres et de tout le pays, ils sont évidemment inopérants et ne forment et ne peuvent former aucun obstacle à ce qu’on adresse à la France les réclamations dont nous avons parlé.

Puisqu’on a l’opinion que les eaux peuvent quelquefois manquer, la première stipulation commandée par l’intérêt de notre navigation, comme de notre agriculture, devait être de nous assurer dans ce bief supérieur un volume d’eau suffisant pour alimenter ces barrages dont on craint tant, et avec raison, les effets désastreux. Or c’est précisément l’objet qu’on a négligé. Tout en reconnaissant que les concessions et ouvrages demandés par la France ont en vue de favoriser les propriétaires de la vallée de la Scarpe, on y consent, et l’on semble même s’excuser de ne pouvoir acquiescer à deux autres exigences qui étaient encore bien plus exorbitantes.

Avant d’entreprendre aucun barrage, qu’on dise au moins à la France d’exécuter chez elle les divers ouvrages dès à présent reconnus indispensables, en même temps que nous exécuterons ceux dont nous avons parlé plus haut. Le principal ouvrage à faire de part et d’autre, c’est de dévaser et approfondit le lit de l’Escaut. Il est notoire que le fleuve n’ayant plus le courant qu’il avait auparavant, s’envase tous les ans de plus en plus, et l’on voudrait lui créer de nouveaux obstacles avec ces barrages, et par suite multiplier encore les envasements !

Puisque le gouvernement français travaille dans l’intérêt évident de la vallée de la Scarpe, il ne doit pas trouver mauvais que notre gouvernement, à son tour, exige au moins qu’avant tout il administre ses eaux de manière à ne point réduire, pour ainsi dire, à une valeur nulle les immenses plaines de prairies de nos villages frontières, Laplaigne, Peronnes, Hollain, Bleharies, et de manière surtout à éviter ces grandes inondations qui, depuis l’établissement de l’écluse de Rodignies, menacent tous les ans l’existence même d’une grande partie du premier de ces villages.

Supposons même qu’après l’exécution de tous ces ouvrages préalables, la navigation n’ait point encore atteint la plus grande perfection, ce ne serait certes point un motif pour lui sacrifier tous les autres intérêts, ceux de la propriété, de l’agriculture, etc.

La France peut désirer de se procurer chez elle une navigation de tous les instants et un meilleur assèchement de ses grands marais : mais il ne faut pas que ce soit à nos dépens, et si elle croit pouvoir disposer de ses eaux selon son bon plaisir, le droit des gens nous assure chez les mêmes avantages.

M. le ministre a dit encore que l’établissement de ces nouveaux barrages n’est pas une innovation, mais l’extension d’un système déjà connu et justifié par l’expérience. D’abord, c’est faire de la théorie que de parler de système dans une matière où chaque fois tout doit dépendre des circonstances du temps et des lieux. Si deux barrages ont dû être établis à Antoing et Tournay, c’est qu’il a fallu céder à une nécessité impérieuse que tout le monde regrette, puisque tout le monde en reconnaît les inconvénients. Or, cette urgence et indispensable nécessité ne milite point au cas actuel, puisque d’autres moyens, d’autres ouvrages sont indiqués par la nature même des choses et qu’on n’a point épuisé ceux même que l’expérience et notre position vis-à-vis de la France nous présente naturellement.

Au résumé notre conclusion, c’est qu’il y a lieu, sinon de rejeter, au moins de suspendre la construction nouvelle du barrage entre Tournay et Audenarde, jusqu’à ce qu’on ait premièrement exécuté les travaux dont nous avons parlé, et pu juger de leurs effets ou jusqu’à ce qu’on ait obtenu de la France pour notre navigation les mesures que la justice et les règles de bon voisinage nous donnent droit d’attendre de cet Etat voisin. Puisque le gouvernement est lui-même décidé, ainsi qu’il le propose, à faire ces derniers ouvrages, dans tous les cas il doit lui être indifférent de commencer par leur exécution. Remarquez qu’il ne s’agit point de curer le fleuve dans tout son cours, mais seulement, comme nous venons de le dire, aux endroits où la chose est reconnue indispensable depuis longtemps.

J’invite, dans tous les cas, le gouvernement à faire dès aujourd’hui des démarches pressantes vis-à-vis de la France, afin d’aviser ensemble aux moyens de faire cesser au plus tôt ces grandes inondations qui, tous les ans, portent leurs ravages et la désolation, notamment dans les villages limitrophes de Laplaigne, Peronnes, Hollain, etc.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, il ne s’agit pas aujourd’hui du système de canalisation de l'Escaut. Il est vrai qu’il vous a été présenté, le 28 décembre 1837, un projet de loi relatif à cet objet ; mais ce projet de loi, il n’en est plus question. De qui s’agissait-il dans le projet de loi ? De réaliser un système complet de canalisation de l’Escaut, par voie de concession. Depuis l’Etat a repris l’Escaut. Il a été entendu qu’on ferait successivement les travaux à l’Escaut. L’année dernière vous avez, par une loi, par le budget, autorisé en principe l’établissement d’un seul barrage entre Audenarde et Tournay qui coupera cet immense bief de 56 mille mètres.

Que devient maintenant le système de canalisation qui paraît si redoutable à l’honorable préopinant ? Ce projet n’existe plus que comme document à consulter, c’est-à-dire que si l’expérience prouvait qu’un autre barrage peut encore être construit sans inconvénients pour les divers intérêts de la navigation et des propriétaires et qu’une proposition fût faite, on aurait recours à ce document.

Je suis vraiment étonné que l’honorable préopinant n’ait pas davantage rendu justice à l’esprit de conciliation que je crois avoir apporté dans cette question. Tournay est effrayé d’un système complet de canalisation. Qu’a-t-on fait ? On a tenu compte des appréhensions de certains intérêts, appréhensions que nous croyons exagérées, et on a consenti à ne faire qu’un barrage, sans rien préjuger sur le reste du projet. Est-ce là, messieurs, méconnaître les intérêts au nom desquels on réclame ? Est-ce là se montrer absolu ? Est-ce là céder docilement, comme on m’en fait le reproche, aux idées conçues a priori par les hommes de l'art ?

Les engagements pris pour continuer à me servir des expressions peut-être trop absolues des notes du budget ; les engagements pris envers la France par le gouvernement, l’ont été par un procès-verbal que nous trouvons page 41 du travail qui accompagnait le projet de loi du 27 décembre 1837. Ce procès-verbal est du 12 décembre 1833 ; si vous voulez en prendre connaissance de nouveau, vous verrez qu’il renferme des engagements réciproques, des concessions réciproques. Les deux pays ont agi, comme l’auraient fait deux propriétaires de terres contiguës, ils se sont entendus pour faciliter l’écoulement des eaux. Il n’y a de notre part ni concession ni condescendance.

La preuve est qu’il était entendu que les stipulations du procès-verbal seraient exécutées dans les deux années ; il est de 1833 : voilà sept ans écoulés et elles ne le sont pas encore ; il faut avouer qu’il n’y a pas là un grande condescendance envers le gouvernement français qui, de son côté, a commencé l’exécution de ses engagements. S’il n’a pas fait plus, c’est que nous n’étions pas en mesure de lui dire d’exécuter complètement les engagements pris en 1833.

Je regarde donc comme sans objet les observations de l’honorable préopinant, quant au système complet de canalisation de l’Escaut, car il ne s’agit ici que d’un seul barrage et nullement des autres parties du système ; nous verrons plus tard ce qui sera nécessaire. J’ai même lieu d’écrire que l’expérience prouvera qu’un seul barrage est suffisant entre Audenarde et Tournay.

M. Desmet – Je partage la sollicitude de l’honorable M. Doignon pour les intérêts des propriétaires, mais je ne suis pas d’accord avec lui sur les moyens. Je pense que le système présenté n’est pas de canaliser mais de redresser les nombreuses sinuosités du haut Escaut ; en second lieu, de faire des canaux de dérivation, et en troisième lieu de faire des barrages. Je dois vous faire remarquer qu’il faut examiner le projet dans son ensemble et non pas en isoler les parties, car tout est combiné pour opérer ensemble. Ce n’est pas seulement pour la navigation qu’on réclame l’exécution de ce projet, mais pour les propriétaires. L’an passé, la commission d’enquête qu’on a réunie à Audenarde était composée seulement de propriétaires de ce district ; ils ont reconnu, non seulement l’utilité, mais la grande nécessité d’exécuter pour ce qui concerne les propriétés, tout le projet présenté par l’ingénieur Vifquain.

L’honorable M. Doignon a parlé de dévaser l’Escaut, mais vous devriez employer des milliards pour cela.

M. Doignon – J’ai dit dans certains endroits.

M. Desmet – J’ai compris que vous aviez parlé d’approfondir la rivière, c’est pourquoi j’ai cru devoir faire remarquer que c’est chose sinon impossible au moins très coûteuse. Ce sont les bateaux qui tiennent la rivière à profondeur, mais ce sont surtout les sinuosités qui forment les ensablements et les allusions. Et je crois qu’avec le système projeté, on parviendrait à arrêter considérablement les ensablements ; car, par les redressements, on donnera un plus grand courant à la rivière, et par les canaux de dérivation, on fera écouler des eaux limoneuses par ces canaux ; car, qu’est-ce qu’on cherche par le système présenté ? A arriver à ce que le passage des eaux sauvages, qui a lieu annuellement, se fasse par les canaux de dérivation. Comme l’Escaut a deux lits, que le lit de la rivière est plus élevé que les canaux de dérivation ou les maîtresses rigoles, il arrive que les eaux se déchargent plus facilement par ces canaux ; mais pour que ces canaux puissent activement agir, il faut absolument avoir des barrages dans la rivière. Car ce sera par les barrages qu’on formera en aval un bassin, par lequel sera donné aux canaux beaucoup de pente et qui augmentera de beaucoup le courant, c'est ce dont il est besoin pour faire accélérer les eaux des inondations. Or, pour la conservation des propriétés, il y deux choses à considérer : l’irrigation et l’écoulement des eaux en temps utile ; parce que si vous n’avez pas d’irrigation, comme c’est l’engrais des prairies, vous n’aurez bientôt plus de récoltes. Par les canaux de dérivation, vous obtenez l’irrigation et l’écoulement, parce que, comme les canaux servent pour faire écouler les eaux des propriétés, ils servent aussi à les y faire entrer et à les irriguer ; on pourra obtenir tous ces avantages par le projet de M. Vifquain.

Le système de redressement de dérivation et de barrage n’est pas nouveau. L’année dernière, je crois avoir dit que cela avait été demandé par la ville de Tournay et le Tournaisis.

Je pourrais citer les mémoires très intéressants du colonel de génie de Beneffe et d’un certain Cuviller, directeurs des eaux, qui ont tous deux demandé ce que le gouvernement vous propose, et si vous voulez consulter les archives de l’Etat, vous y verrez encore d’autres mémoires intéressants sur les écoulements des eaux. Toujours on a dit qu’il n’y avait qu’un seul moyen de les opérer convenablement et que c’était par le redressement, le barrage et les modes de dérivation à établir sur l’Escaut.

A la suite des discussions qui ont eu lieu, on a obtenu qu’on ferait seulement le barrage d’Autrive. Si le ministre des travaux publics se borne à faire cela sans redresser le fleuve et creuser les canaux qui sont nécessaires, tant en amont qu’en aval, je crains qu’on ne se plaigne du barrage.

Le barrage d’Autrive sera toujours important pour améliorer les basses prairies de Pottes et d’Hérinnes ; mais pour cela, il faut construire une rigole maîtresse en amont d’Autrive et la continuer dans les prairies d’Escanaffles et environs.

Ce sera un grand avantage pour ce canton de prairies basses, dont on verrait en peu d’années augmenter les récoltes d’herbages, et améliorer dans leur qualité et les rendre de bon foin, tandis qu’actuellement ils sont d’une très mauvaise qualité et qu’à cause des inondations très souvent ils ne peuvent être récoltés.

Je conviens que depuis Autrive jusqu’à Audenarde, on pourrait laisser le bief sans autre barrage, mais les autres barrages projetés entre Audenarde et Gand sont d’une urgente nécessité, et j’espère bien que le gouvernement y donnera suite ; car de tous côtés et particulièrement des propriétaires, ils sont demandés ainsi que les autres ouvrages projetés.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Cela viendra dans son temps.

M. Desmet – C’est pour cela que je dis que le système de barrage doit être exécuté dans son ensemble, avec les redressements et les rigoles de dérivation, et je suis très aise d’apprendre par la bouche du ministre que ces ouvrages seront exécutés.

Comme le gouvernement a repris la rivière, il doit avoir tous les charges, et ces charges ne sont pas seulement pour ce qui concerne la rivière en elle-même, mais tout qui y est attaché comme accessoires ou qui est causé par elle.

C’est pourquoi j’insiste près de M. le ministre pour qu’il fasse prendre soin que toutes les maîtresses rigoles soient annuellement curées et dévasées, que les ponts qu’elles contiennent soient d’une largeur proportionnelle à la rigole et soient tenus dans un bon état d’entretien. J’insiste aussi pour que les chemins de halage ou les bords de la rivière soient bien tenus, qu’on n’y fasse point des ouvertures ou qu’on n’en baisse point les hauteurs, et particulièrement j’insiste pour que le règlement de 1740 soit scrupuleusement observé et surtout pour la manœuvre des écluses de décharge à Gand.

Un autre objet que je soumets à M. le ministre des travaux publics, c’est que, par suite du débordement de la rivière l’inondation a lieu, non seulement des prairies, mais d’une quantité de terres labourables. J’en appelle ici au témoignage de M. Thienpont, qui doit en savoir quelque chose. Cela provient d’une lacune qui existe à une digue du haut Escaut, qui commence au village d’Huerne et se termine à Eeke.

Cette submersion nuisible a lieu dans les communes de Singhem, Asptre, Auwghem, Huysse et Mulhem, et s’étend bien d’une lieue et demie dans l’intérieur des terres cultivés. Les dégâts sont immenses, et c'est très facile à le concevoir, car il y a par centaines d’hectares qui se trouvent submergés et qu’on devra cultiver et semer de nouveau. Je désire que M. le ministre fasse prendre des informations. Je ne doute pas qu’il verra la nécessité d’exécuter le travail que nécessite la digue dont je viens de parler pour mettre à l’abri de ces désastres les communes que je viens d’énumérer.

Le système de l'ingénieur Vifquain est approuvé par tous les propriétaires des Flandres ; si on ne le met pas à exécution, jamais l’état des prairies ne sera amélioré ; je ne puis trop le dire, il est excellent et il apaisera tout à la fois les plaintes des bateliers comme celles de propriétaires, et si on ne le met à exécution, je mets en fait que dans dix ans plus de mille hectares de prairies seront décuplées en valeur et les terrains marécageux seront devenus productifs. J’ai dit.

M. Dumortier – Messieurs, la question des travaux relatifs à l’Escaut est un des questions d’art les plus graves et les plus délicates que vous ayez à examiner ; car vous avez là en présence divers intérêts opposés et qui sont tous majeurs, c’est-à-dire, non pas de quelques centaines de mille francs, mais de plusieurs millions. Vous comprenez donc combien cette question est délicate, et d’après cela, vous devez sentir que l’on ne doit pas apporter légèrement des modifications au système qui existe actuellement et dont personne n’a à se plaindre.

M. le ministre des travaux publics demande les fonds nécessaires :

1° Pour travaux ordinaires d’entretien ;

2° Pour travaux d’amélioration dans les premier et second biefs ;

3° Une allocation supplémentaire pour le barrage d’Autrive.

Là se borne le projet de M. le ministre des travaux publics. M. Desmet va plus loin : il veut revenir au système de M. l’inspecteur Vifquain : de nombreuses coupures, la construction d’un grand nombre d’écluses sur l’Escaut et la canalisation de l’Escaut dans son entier. Pour apprécier ces diverses demandes, il importe de connaître d’abord les faits.

L’écluse supérieure de l’Escaut, en Belgique, est celle d’Antoing. C’est là qu’arrive l’Escaut à son débouché de la France. Le ministre demande un crédit pour élargir cette écluse ; au moyen de cette opération, les eaux arriveront à Tournay en plus grande quantité qu’aujourd’hui ; or, dans le même moment, où l’on vous demande d’élargir cette écluse supérieure, ce qui aura le résultat que je viens d’indiquer, on vous demande la construction d’un barrage à Autrive, ce qui arrêtera les eaux en dessous de Tournay. Ainsi on fait arriver les eaux en masse, puis on les empêche de passer. Qu’en résultera-t-il ? Evidemment des inondations, ce malheur si fréquent dans notre pays.

Au moment où je parle, l’Escaut marque à Tournay, au radier du pont Notre Dame, de dix-sept pieds et demi à 18 pieds d’élévation. Au moment où je parle, il y a aux environs de Tournay une inondation qui s’étend souvent à une lieue de distance ; c’est en présence de ces fait qu’on veut faire arriver les eaux en masse, et les empêcher ensuite de d’écouler. Messieurs, cette question, pour nous, n’est pas minime. Je sais que ces travaux auront pour résultat d’améliorer les prairies des environs d’Audenarde ; mais s’ils améliorent ces prairies, ils rendent plus mauvaises celles des environs de Tournay. Ainsi vous ruinez les uns pour enrichir les autres. Je ne sais si c’est là l’intention de l’honorable M. Desmet ; mais voilà le résultat, voilà le système dan toute sa nudité.

Quand, l’année dernière, la chambre a voté l’écluse d’Autrive, on ne l’a fait que pour la facilité de la navigation ; alors elle ne devait jouer que dans les basses eaux, et par là elle était peu nuisible aux prairies des bords de l’Escaut. Aujourd’hui, cette écluse aura un autre but : avec le canal de l’Espierre, pour pouvoir opérer la manœuvre de l'entrée et de la sortie du canal, il faudra tenir les eaux en tout temps, et alors le remous se fera sentir jusqu’à Tournay.

On a beaucoup parlé, ces jours derniers, du canal de l’Espierre ; je suis maintenant à même de démontrer à l’évidence que ce canal malencontreux, qu’on nous présentait comme devant avoir de si heureux résultats en faveur des houilles belges aura au contraire pour résultat de faire arriver les houilles françaises à Roubaix à 10 p.c ; meilleur marché que les houilles belges. Cela est fort simple : les houilles belges, arrivant à l’écluse d’Auterive, devront payer le droit du canal d’Antoing, tandis que les houilles françaises, venant en descente du fleuve, n’auront pas de droit à payer. Pour le commerce intérieur, cela ne nous portera aucun préjudice, elles devront payer le droit de douane, et il y aura large compensation. Mais quand elles seront destinées pour la France, passant en transit et en descente du fleuve, elles n’auront pas à payer le droit de canal qui est de 10 centimes. Ainsi, ce canal, que l’on a présenté comme avantageux pour le bassin de Mons, sera ruineux pour lui.

Ce canal, qui sera dans l’intérêt de la France, et nullement dans l’intérêt de la Belgique, aura nécessairement pour résultat de faire hausser le niveau des eaux. Dès lors, l’écluse d’Autrive, qui n’avait été construite que dans l’intérêt de la navigation, refoulera les eaux et causera l’inondation des prairies avoisinantes.

Je sais que le gouvernement français a fait la demande, afin de se débarrasser des eaux des bords de la Scarpe. Mais comment les bords de la Scarpe sont-ils devenus des marais ? Précisément parce que l’on a fait à la Scarpe ce que M. Desmet voudrait que l’on fît à l’Escaut, parce que l’on a canalisé la Scare.

Avant la canalisation, la Scarpe suivait la règle d’hydrostatique qui régit tous les fleuves ; elle coulait dans l’endroit le plus bas. Mais voici qu’on la canalise (car les ingénieurs ne voient d’un bon œil que les cours d’eau qui sont canalisés) ; qu’en est-il résulté ? Que le lit de la Scarpe, qui est un cours d’eau limoneux, s’est trouvé relevé, et que ses eaux ont été plus élevées que les prairies environnantes. Les prairies n’ayant plus de moyen d’écoulement pour leurs eaux, il a fallu créer des rigoles latérales, enfin de nouveau moyen d’écoulement. C’est pour cela que l’on veut élargir l’écluse d’Antoing. Ce qui amènera à Tournay une plus grande quantité d’eau.

Je remercie M. le ministre des travaux publics du dévasement qu’il a fait exécuter et des travaux qu’il a fait faire à l’écluse de Maire, laquelle nécessite les plus urgentes réparations. Quant à l’envasement, il est si considérable à Tournay, que dans le quartier où était situé le parlement, au temps de Louis XIV, et où sont les maisons qu’occupaient les conseillers, qui étaient les personnages les plus importants de la ville, les appartements du rez-de-chaussée de ces maisons en sont devenus les caves. Les anneaux auxquels on attachait alors les navires sont maintenant à huit pieds sous les eaux. Ce qui prouve combien il faut prendre garde de se laisser aller aux belles conceptions des ingénieurs, qui n’ont pas les connaissances géologiques nécessaires pour de pareilles opérations, et qui affectent le plus souverain mépris pour la propriété.

L’honorable M. Desmet ne veut pas qu’on fasse le dévasement de l’Escaut, parce que cela coûterait, dit-il, des milliards ; et cependant son système tend à exhausser les eaux du fleuve, à causer son envasement, et, par suite, à donner lieu à son dévasement.

Mais pourquoi donc vouloir canaliser ce fleuve ? On ne vous demande rien pour ce fleuve. Faites-y les améliorations nécessaires ; voilà tout ce qu’on désire. Sous le prétexte de faire nos affaires, on veut causer notre ruine. C’est pour cela que nous élevons la voix. On regardera toujours une telle défense comme sacrée dans cette enceinte.

Je serais tenté de croire que l’honorable M. Desmet qui parle du lit de l’Escaut, ne le connaît pas ; car il parle d’un second lit de l’Escaut ; or, il n’y a pas un second lit dans la vallée de l’Escaut ; il n’y en a jamais eu qu’un seul. L’honorable membre se trompe également, lorsqu’il parle de marais au bord de l’Escaut. Il y a cent ans, il y avait des marais ; mais aujourd’hui, au moyen des améliorations faites par les communes et les particuliers, ces marais ont disparu. Je pourrais citer des communes où il y avait cent hectares de marais, et il n’y en a plus maintenant un hectare. C’est vraiment induire la chambre en erreur que de parler toujours de ces marais.

Je crois donc qu’il est important de ne pas toucher à l’Escaut, ou d’y toucher le moins possible. Vous avez pour vous l’expérience qui a été faire des barrages, qui avaient été construits pour améliorer la navigation, ont causé de désastreuses inondations.

Je vous citerai pour preuve la pétition qui vous a été adressée par tous les bateliers du haut Escaut, dans le cours de l’an dernier. Voici ce qu’ils disent, relativement à l’écluse de Rodignies.

Autrefois nous passions à l’écluse de Rodignies avec un tirant d’eau de mètres 25 centimètres. Voilà à peine 20 ans qu’elle est faite, et déjà les bateaux ne peuvent avoir qu’un tirant d’eau de 1 mètre 60 à 1 mètre 70 centimètres.

Voilà, messieurs, ce que disent les bateliers, les personnes qui naviguent. Ils disent qu’il y a vingt ans on passait avec des bateaux ayant un enfoncement de plus de deux mètres, et que maintenant on ne peut passer qu’avec des bateaux ayant un enfoncement d’un peu plus d’un mètre. L’Escaut est le premier fleuve du pays ; c’est la grande artère de la Belgique ; il aboutit à Anvers, et par des canaux il aboutit à Gand et à Ostende. Il ne faut pas en détruire la navigation qui est la plus importante et la moins coûteuse que présente aucun fleuve de l'Europe. Les bateaux chargés descendent, par le seul cours de l'eau, jusqu’à Anvers ; ils remontent à vide. N’entreprenons pas des travaux intempestifs et maladroits, contraires à ce que la nature a fait. J’attaquerai tout ce qui nuira à cette navigation, et qui tendra à détruire les prairies des rives du fleuve.

M. de Puydt – Quoiqu’il ne soit question, pour le moment, d’après la déclaration du ministre, d’aucun projet arrêté pour la canalisation de l’Escaut, je ne puis cependant passer condamnation sur les étranges principes que vous venez d’entendre.

Il n’y a dans tout ce que vient de dire l’honorable M. Dumortier pas un fait qui ne soit inexact, pas un principe dont l’application ne soit faussée.

M. Dumortier – Prouvez-le.

M. de Puydt – C’est ce que je vais faire. Le préopinant pose un fait, que les ingénieurs veulent élargir l’écluse d’Antoing à l’amont de Tournay afin de donner passage à une plus grande masse d’eau, et qu’on a le projet de barrer ensuite la rivière vers Autrive à l’aval de Tournay, de manière à faire refluer les eaux dans la partie intermédiaire du vallon pour noyer le terrain : Eh bien, cela n’est pas exact. Il est très facile de critiquer un système supposé en prêtant de telles intentions à des ingénieurs.

Les travaux de canalisation d’une rivière ont pour but d’en régulariser le régime ; surtout quand il existe sur cette rivière des barrages qui n’ont été calculés d’après aucune étude de ses crues et de son produit d’eau, d’après la nature du terrain. C’est dans cette condition fâcheuse que se trouve aujourd’hui l’Escaut, et ses inondations sont dues à l’inobservance des règles que l’on veut établir.

Eh bien, cette rivière, avant 1835, était canalisée très imparfaitement ; sur un point, il y avait des écluses trop étroites ; sur d’autres, des barrages fixes ; ailleurs, des barrages mobiles ; les uns paralysaient l’effet des autres ; les inondations étaient fréquentes, indomptables.

Le barrage d’Antoing n’a pas aujourd’hui une ouverture égale à la section transversale du lit du fleuve ; on veut lui donner cette section : le barrage qu’on construira à Autrive aura également une ou plusieurs ouvertures d’une surface au moins égale à la section transversale du lit. Ces barrage, ayant des poutrelles mobiles, pourront être manœuvrées suivant les variations du produit d’eau, de manière qu’étant entièrement ouverte, la rivière se trouve rendue à la liberté primitive, comme s’il n’y avait pas de barrages. La garantie des propriétés repose, d’après cela, sur un règlement facile à observer.

Ces barrages n’étant entièrement fermés qu’à l’époque des plus basses eaux, on peut alors, dans l’intérêt de la navigation, soutenir la flottaison à une hauteur qui n’expose les prairies à aucune danger.

Des travaux ainsi conçus, ainsi faits, sont l’œuvre d’ingénieurs qui, quoi qu’on en dise, connaissent les lois de l’hydrostatique, et ne sont pas sourds aux enseignements de la géologie.

On a dit que les projets proposés n’étaient que pure théorie ; et qu’il ne s’agissait que de systèmes contre lesquels s’élève l’opinion des hommes d’expérience.

Messieurs, je ne crois pas que toute l’expérience sur ces matières soit renfermée dans les murs de Tournay et ce que l’on propose n’est pas une chose neuve ; je vais en citer un exemple très remarquable.

Il y a en Belgique une rivière très importante et soumise à un régime très variable et bien plus capricieux que l’Escaut, c’est la Sambre : les prairies qui la bordent sont aussi étendus et aussi riches que celles de l’arrondissement de Tournay.

Depuis 1825, on a changé cet état de choses : on a établi dans le lit de la Sambre une série de 22 barrages éclusés à poutrelles mobiles : toutes irrégularités du régime ont disparu, la navigation et les crues les plus subites de la rivière ont été soumises à des règles fixes et tellement bien ordonnées que les causes d’inondation ont diminué, et les prairies de la Sambre, loin d’avoir perdu par ces travaux, ont augmenté en valeur.

Voilà un résultat qui est le fruit d’une étude bien entendue des localités et l’application sage des principes dont on veut dénier la connaissance aux ingénieurs. Ce sont ces résultats que nous désirons voir obtenir sur l’Escaut.

M. Liedts – Messieurs, j’applaudis de tout cœur à la sollicitude des députés de Tournay ; leur but est le même que le nôtre, que celui du gouvernement. Toutefois, ils me permettront de m’étonner qu’ils n’aient pas produit leurs observations l’année dernière, alors qu’il s’agissait de poser en principe l’établissement d’une écluse à Autrive.

M. Dumortier – L’écluse n’a été adoptée que par quelques voix.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Quelques voix ! Elle a été adoptée à la majorité de 34 voix contre 18, et après deux jours de discussion !

M. Liedts – La chambre a posé le principe du barrage que l’on établit à Autrive ; 90 mille francs y ont déjà été consacrés ; ne serait-il pas extraordinaire de voir la chambre revenir sur sa décision après l’emploi d’une telle somme ?

La question qui nous occupe est celle-ci : Quel est le meilleur moyen de perfectionner la navigation de l'Escaut sans nuire aux propriétés riveraines, et même en leur faisant du bien ? Cette question a été l’objet d’une enquête ; tous les hommes de l’art ont été entendus ; et ce serait sur l’allégation des députés de Tournay que l’on reviendrait sur un système consacré et sur les décisions des ingénieurs ! Messieurs, tout ce que nous pouvons faire de plus raisonnable, c’est de recommander la question à la sollicitude du gouvernement.

En quoi consiste, d’ailleurs, le système des députés de Tournay ? ce serait d’abandonner le système de barrage, et de dévaser l’Escaut. J’ai entendu dire que ce dévasement coûterait des millions, si toutefois il est praticable ; et je crois que cette évaluation n’est pas exagérée, si j’en juge pas les dépenses qu’exige le dévasement d’un bassin d’Anvers, lequel n’est pas très large : il en coûtera 150 mille francs. Et vous conviendrez qu’il faudrait être un bien grand nombre de bassins semblables au bout les uns des autres pour équivaloir à quelques lieues de l’Escaut.

Mais, dit-on, il faudra bien arriver à ce dévasement un jour ; car vous allez relever le lit du fleuve en maintenant un barrage à Autrive. Il a été répondu à cette observation par M. de Puydt à l’occasion de la discussion du canal de l’Espierre. Cet honorable membre vous a fait remarquer que l’observation ne serait juste que s’il s’agissait d’un barrage permanent ; mais qu’il est sans fondement lorsqu’il s’agit d’un barrage mobile, facile à manœuvrer, et qui enlèvera plus de vase que les eaux n’en déposeront. J’ai la plus grande confiance dans les connaissances géologiques des hommes de l’art qui ont pris part à l’enquête, et beaucoup plus que dans celles des honorables membres de Tournay ; et je voterai pour le chiffre en délibération, en priant M. le ministre des travaux publics de porter son attention sur cette importante affaire.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Entre M. Desmet et M. Dumortier, il n’y a pas si grande divergence qu’on pourrait le croire. Quand M. Desmet parle de la canalisation de l'Escaut, ce qu’il demande, c’est le rétablissement d’un barrage, au moins entre Gand et Audenarde. Ce que M. Dumortier redoute, c’est qu’on établisse plus d’un barrage entre Tournay et Audenarde.

M. Dumortier, dans une session précédente, a déclaré que, s’il ne s’agissait que d’u seul barrage à Autrive, il n’y verrait pas un grand inconvénient. Il a même demandé que le barrage fût à Autrive ; ce qui a été décidé par arrêté royal, du 13 février 1839.

Ce que redoute M. Desmet, c’est qu’on n’établisse pas de barrage entre Gand et Audenarde ; à cet égard, rien n’est décidé. S’il est reconnu qu’un barrage entre Gand et Audenarde est utile à la navigation sans nuire à l’agriculture, et même en contribuant à l’assèchement des propriétés riveraines, on demandera au budget, soit de l’exercice 1841, soit de l’exercice 1842, des crédits pour exécuter ce barrage. D’après tous les renseignements que j’ai recueillis, un seul barrage entre Tournay et Audenarde suffira probablement. Ainsi on n’a pas renoncé au barrage que réclame M. Desmet, et on ne paraît pas d’intention de faire entre Tournay et Audenarde plus d’un barrage : ce que craint M. Dumortier.

Messieurs, j’ai déjà, tout à l’heure, interrompu un orateur, fait remarquer que précisément cette question de l’établissement du barrage d’Autrive avait fait, l’année dernière, l’objet d’une discussion de deux jours. Je croyais même que cette discussion avait fini par une espèce de transaction : l’établissement d’un seul barrage entre Tournay et Audenarde. Il ne faut donc pas qu’on vienne dire aujourd’hui que la décision a été en quelque sorte enlevée : la discussion a été très approfondie, et il y a eu 34 voix contre 18 pour rejeter l’ajournement et décider l’établissement du barrage. L’honorable M. Dumortier, je le répète, s’est borné à demander que le barrage fût établi à Autrive ; eh bien, il est établi à Autrive.

M. Desmet – Quand il a commencé son discours, l’honorable M. Dumortier a dit que je voulais travailler en faveur des propriétés des Flandres et faire tort aux propriétés du district de Tournay ; sous ce rapport, l’honorable membre est gravement dans l’erreur.

Mais, messieurs, je commencerai à vous faire remarquer que l’honorable membre ne nous contredit plus pour ce qui regarde le système, tel qu’il est présenté par l’inspecteur Vifquain, pour faire les améliorations que requièrent l’Escaut et les propriétés riveraines. Et ensuite je dois déclarer à l’honorable contradicteur que ce que nous demandons pour l’Escaut n’est pas seulement avantageux pour les Flandres, mis aussi pour le Tournaisis, car le projet que nos appuyons, et cela de toutes nos forces, sera aussi très avantageux pour les propriétés riveraines de l’Escaut dans son pays, il est le seul qu’on puisse employer efficacement pour faire écouler en temps et prémunir ces propriétés contre les inondations hors de saison, et dont l’honorable député de Tournay se plaint constamment.

M. Dumortier dit encore qu’il n’y a point de marais le long de l’Escaut. Mais, messieurs, je ne conçois pas comment on peut avancer de telles inexactitudes. Je demanderai à l’honorable membre comment il considère les bas fonds qui se trouvent dans les communes de Potts et d’Herinnes, communes du district de Tournay ; ce serait très heureux pour ces communes, si l’honorable député de ce district disait vrai.

L’honorable gouverneur de la Flandre occidentale pourra vous dire comment on doit considérer les basses prairies qui se trouvent en grande quantité dans la commune d’Avelghem, où, l’année dernière encore, les prairies n’ont été à sec que dans le mois de septembre, et on ne récolte annuellement qu’une espèce d’herbage qui est d’une très mauvaise qualité. C’est la même chose dans la Flandre orientale ; il y a là des communes où les eaux restent tellement tard, qu’on doit souvent faucher en septembre et en octobre. Je désire que l’honorable membre s’informe comment sont les prairies basses de la commune de Welden, de celle de Synghem et particulièrement de celle de Vurste, où se trouve encore un marais complet, et c’est vraiment inconcevable comment on peut continuellement contredire des faits dont on n’a pas une notion certaine.

L’honorable M. Dumortier est encore dans l’erreur lorsqu’il dit que dans la vallée du haut Escaut, il n’existe pas deux lits de rivières ; messieurs, dans cette vallée, il y a deux rivières, l’Escaut et les maîtresses rigoles ou canaux de dérivation qui sont plus bas que le lit de l’Escaut.

Et ce sont ces petites rivières ou rigoles maîtresses qui, quand elles ne sont bien tenues et bien dirigées, sont les meilleures oies d’écoulement pour chasser les eaux de l’inondation et garantir les prairies des dommages qu’elles en ressentent presque tous les ans.

M. Dumortier – Ce n’est pas exact.

M. Desmet – C’est très exact. M. le ministre des travaux publics peut l’affirmer ainsi que la plupart des honorables députés de ma province ; mais, messieurs, il est très facile de tout nier, mais il ne sera pas si facile à l’honorable membre de prouver ce qu’il avance.

M. Dubus (aîné) – Une chose bien certaine, messieurs, c’est que l’élargissement de l’écluse d’Antoing et le barrage d’Autrive ne font aucun tort aux propriétés qui environnent Audenarde ; mais la question est de savoir s’ils ne portent point dommage aux propriétés des environs de Tournay ; et je crois que nous avons des raisons pressantes pour appeler l’attention de la chambre sur ce point. Si donc, l’honorable M. Liedts ne porte pas un grand intérêt à la question, nous y portons, nous un très grand intérêt.

Il y a eu deux causes, messieurs, qui semblent devoir amener les mêmes résultats : des inondations à Tournay et aux environs ; si l’on élargit l’écluse d’Antoing, il est évident que les eaux se porteront en plus grandes masses sur Tournay ; si l’on établit un barrage entre Tournay et Audenarde, à coup sûr cela ne facilitera pas l’écoulement des eaux, mais cela aura un effet tout contraire ; ce sont donc là deux causes qui doivent concourir à faire s’accumuler les eaux aux environs de Tournay ; il me semble que cela doit être évident pour tout le monde.

« Mais, dit-on, il y a nécessité », il semble même que la discussion est inutile. Eh bien, messieurs, les hommes pratiques dont nous sommes en quelque sorte les organes (car nous n’aurions point parlé avec cette assurance, si nous n’avions pas consulté les personnes plus à même d’apprécier les intérêts des propriétaires que les ingénieurs qui méprisent souvent ces intérêts lorsqu’ils font leurs projets), ces hommes pratiques ont vu le danger, et si nous entrons dans le système où l’on veut nous entraîner, les demandes d’indemnités qui nous arriveront ne devrons pas rencontrer de difficulté ; car si, pour favoriser les propriétaires français ou pour satisfaire aux demandes de ceux qui s’occupent principalement de la navigation, vous changez le régime de l’Escaut de manière à apporter des dommages notables aux propriétés riveraines ; certes vous ne pourrez pas refuser de réparer le mal que vous aurez causé.

On allègue la nécessité ; mais, messieurs, cette nécessité n’a pas été démontrée, notamment quant à l’élargissement de l’écluse d’Antoing, on l’accorde aux réclamations de la France ; mais il faudrait examiner d’abord si ces réclamations sont fondées ; l’écluse d’Antoing est dans son état actuel depuis un siècle peut-être ; quel est le motif pour lequel on demandait que cet état fût changé ? c’est parce qu’on avait fait des changements en amont d’Antoing sur l’Escaut et sur la Scarpe. Mais si on a fait des changements mal à propos, qu’on rétablisse en France les choses dans leur état primitif. Remarquez-le bien, messieurs, avant l’établissement de l’écluse de Rodignies, on ne se plaignait pas de l’écluse d’Antoing. Il y a plus, messieurs, lorsque toutes les vannes sont ouvertes, l’écluse d’Antoing présente une ouverture de 18 mètres environ ; eh bien, croiriez-vous que, sous le gouvernement français, les vannes de cette écluse se trouvant en mauvais état, on l’a laissée pendant plusieurs années, en partie, fermée de manière qu’au lieu de présenter une ouverture de 18 mètres, elle n’est présentait qu’une de 12 ou 13 mètres. Aujourd’hui, on prétend que l’écluse est trop étroite ; mais c'est précisément à cause des travaux que l’on a fait en amont d’Antoing : si l’on se reporte aux temps anciens, qu’était alors la Scarpe ? La Scarpe traversait des marais. On veut aujourd’hui qu’elle traverse de bonnes prairies ; et pour faciliter l’écoulement des eau de ces prairies, on veut que nous changions, nous, le régime de l'Escaut.

Il me semble que c’est là élever ces prétentions très haut. Je crois aussi que la situation des bords de la Scarpe était meilleure avant l’établissement de l’écluse de Rodignies, mais alors, qu’on supprime cette écluse. On a établi en France une retenue sur l’Escaut vers Mortagne, et il paraît que c’est là la cause la plus prochaine des inondations en amont de cette écluse ; mais c’est ce qu’on paraît ne pas vouloir avouer, on préfère chercher la cause de ces inondations au-dessous de l’écluse dont il s’agit, c’est comme si l’on venait chercher cette cause à l’écluse de Tournay ou à l’écluse d’Audenarde.

On prétend qu’il n’y aura aucun dommage parce qu’on donnera à l’écluse d’Autrive des ouvertures nouvelles transversales. Il résultera de là que l’obstacle sera moindre que ce qu’il serait s’il y avait moins d’ouverture, mais on ne contestera pas qu’il y aura toujours un obstacle.

Remarquez, messieurs, que l’écluse d’Audenarde fait déjà sentir ses effets, jusqu’à Autrive. Ainsi l’écluse d’Autrive fera sentir ses effets à Tournay ; les eaux s’écouleront bien moins vite qu’à présent, et dès lors il y aura des inondations qu’il n’y a point à présent.

Si cela ne doit pas arriver, je m’en réjouis, mais j’insiste sur les craintes que j’ai à cet égard, parce que ces craintes sont partagées par un grand nombre de personnes de Tournay, et parce que si l’on réalise ce système, on ne pourra pas se refuser à faire droit aux demandes en dommages-intérêts que l’on ne manquera pas de faire à charge de l’Etat.

- Le chiffre de 185,525 francs est mis aux voix et adopté.

Article 5

« Art. 5. Service de la Lys : fr. 36,678 33 c. »

- Adopté

Article 6

« Art. 6. Service de la Meuse dans les provinces de Liége et de Namur : fr. 80,480 francs. »

M. Pirson – Dans la discussion générale du budget des travaux publics, j’avais prié M. le ministre de dire s’il avait reçu la réclamation des bateliers et navigateurs de la Meuse, de Liége à Dinant, qui demandent que des changements soient faits aux deux ports à Dinant.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Cette réclamation ne m’est pas parvenue, mais je m’en informerai.

M. Pirson – Cependant le conseil provincial avait chargé la députation de s’adresser à M. le ministre.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je promets à l’honorable membre de prendre des informations à cet égard.

M. Pirson – La chose est assez pressante. On a fait deux ports de déchargement dont il est impossible de se servir. M. le gouverneur de la province a été sur les lieux, ainsi que tous les députés de la province, ils ont vu ce dont il s’agit. Nous sommes maintenant occupés à percer un ancien bastion pour faire une nouvelle rue afin de faciliter l’abord des ports qui ont été faits mais aussi longtemps qu’il sera impossible de s’en servir, nous devrons suspendre nos travaux, et cependant la navigation a besoin de bords de déchargements. L’affaire est très pressante. Je dirai qu’il y a aussi un peu de retard dans les propositions des ingénieurs actuels, parce qu’il répugne toujours à des collègues de détruire l’ouvrage qui a été fait par leurs devanciers ; et l’ouvrage n’est pas ancien.

M. de Garcia – Messieurs, lors de la discussion générale, j’ai fait observer au ministre que la somme pétitionnée par lui pour réparations aux rives de la Meuse, me paraissait insuffisante ; le ministre n’ayant pas répondu à mon observation, je lui demande maintenant s’il a fait faire l’étude des réparations que réclamerait la navigation de la Meuse. Je puis affirmer que le chemin de halage et les rives de la Meuse sont dans une dégradation complète. Je prie donc M. le ministre des travaux publics de vouloir bien me dire si l’on a fait un travail estimatif des réparations nécessaires pour rendre au moins la navigation de la Meuse commode et facile.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, l’étude sur la Meuse n’est pas encore faite ; mais elle est commencée ; aujourd’hui il s’agit seulement de travaux d’entretien de la Meuse. Pour fixer le chiffre nécessaire à cet effet pour les provinces de Namur et de Liége, on a suivi une marche très simple, l’on a porté au budget de l’Etat les sommes qui figuraient autrefois dans les budgets de ces provinces ; mais ces sommes, qui s’élèvent à 24,000 francs, n’ont aucun rapport avec les travaux d’amélioration à faire à la Meuse ; ce moment n’est pas encore venu de proposer de ce chef une allocation dans le budget, parce que l’étude dont j’ai parlé n’était pas terminée.

M. de Garcia – Messieurs, les observations que j’ai eu l’honneur de faire ne tombent pas sur le point de savoir si la somme de 24,000 francs devait servir à l’amélioration du fleuve. J’ai demandé si cette somme était suffisante pour les réparations ordinaires. M. le ministre m’a répondu qu’il s’était borné à demander le chiffre qui figurait dans les budgets provinciaux de Liége et de Namur ; eh bien, je puis affirmer qu’avec ce chiffre les réparations nécessaires n’auront pas lieu. Je pense qu’un des motifs qui ont engagé le gouvernement à proposer de remettre quelques fleuves sous la direction de l’Etat, était que les provinces ne s’imposaient pas les sacrifices nécessaires à cet égard. En conséquence, je demanderai que M. le ministre veuille faire majorer le chiffre, sinon je ferai une proposition formelle à ce sujet.

Je prierai M. le ministre de faire immédiatement dresser par les ingénieurs le devis estimatif de la dépense qui est nécessaire pour rendre la navigation seulement praticable. J’entends dire que mon observation tend à un projet de canalisation de la Meuse : point du tout ; la Meuse, messieurs, roule beaucoup d’eau, mais ces eaux sont mal dirigées, et les chemins de halage sont tellement mauvais que les bateliers se sont souvent plaints à moi de ce qu’on ne faisait pas de réparation.

Je demande seulement que l’on fasse les réparations nécessaires, pour que la navigation de la Meuse soit praticable.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je dois le répéter, il ne s’agit, cette année, que du service ordinaire de la Meuse : Le chiffre de 24,000 francs est le chiffre qui a été proposé par les ingénieurs en chef des deux provinces. Il n’est pas encore question de travaux d’amélioration, ces travaux font l’objet d’une étude qui est seulement commencée.

Si l’honorable préopinant fait une proposition, je serai forcé de déclarer que, pour le moment, je ne sais pas à quoi le supplément serait employé ; il faudrait alors faire une étude, et chercher à quels travaux urgents d’amélioration il serait convenable de destiner le supplément. Je crois, messieurs, qu’il est prudent de s’en tenir au chiffre que j’ai proposé. Ne faisons pas toutes les choses en une fois ; procédons graduellement. L’année prochaine, nous n’aurons plus un chiffre aussi considérable pour l’Escaut, et alors la Meuse aura son tour.

M. de Garcia – Messieurs, je suis fort étonné que M. le ministre ne sache pas à quoi il pourrait employer un supplément de crédit. M. le ministre demande un rapport des ingénieurs, et il ne sera plus embarrassé à employer la somme.

M. Lebeau – Je ne comprends pas l’insistance de l’honorable préopinant. Il semble, d’après lui, que le ministre devrait demander un supplément d’instruction au corps des ponts et chassées dans la province de Namur ; mais il est à remarquer que le projet de budget des travaux publics pour 1840 n’a été rédigé, en ce qui concerne les rives de la Meuse, que d’après les rapports des ingénieurs ; ainsi c’est sur les renseignements que M. de Garcia invite M. le ministre à prendre, que le chiffre de la somme a été fixé.

L’honorable M. de Garcia a parlé d’améliorations à faire à la navigation de la Meuse ; mais ce n’est pas en majorant, en doublant même la somme qui figure au projet de budget, qu’on pourrait procéder à ces améliorations. C’est presque d’une canalisation qu’il s’agit pour la Meuse ; et avant d’aborder devant les chambres un sujet aussi important avec quelque succès, il faut se livrer à une investigation très longue, très difficile et qui ne peut être poursuivie en ce moment à cause de l’élévation des eaux.

Quant à ce qu’a dit l’honorable M. de Garcia, que les chemins de halage sont en mauvais état, cela arrive tous les hivers, c’est la conséquence des grandes crues ; si les chemins de halage sont toujours plus ou moins endommagés, la faute en est donc aux événements et non à l’administration provinciale.

Je sais personnellement que l’administration provinciale de Namur n’a pas seulement employé, selon le vœu du corps des ponts et chaussées, les sommes provenant des droits de navigation, pour entretenir et améliorer les chemins de halage, mais qu’elle a encore affecté des sommes considérables à la construction de quais, chaque fois que la nécessité en a été établie par le corps des ponts et chaussées. Ainsi, depuis la révolution, l’on en a construit deux ou trois à Dinant, et deux à Namur dont l’un, très considérable et très coûteux, vient d’être achevé et paraît réunir toutes les conditions que le commerce en attendait. J’étais bien aise de saisir cette occasion de dire un mot, pour mettre la chambre en garde contre ce qu’il pouvait y avoir d’exagéré, contre son intention peut-être, dans les paroles de l’honorable M. de Garcia.

M. de Garcia – Messieurs, M. le ministre des travaux publics prétendait tout à l’heure que dans mes observations, je touchais à ce qu’il appelle l’amélioration de la navigation de la Meuse ; j’ai déclaré qu’il n’en était rien ; néanmoins, l’honorable préopinant vient de m’adresser le même reproche, et je suis fort étonné qu’après les explications que j’ai données, l’on soit encore revenu à la charge. Je dois donc le répéter, je n’ai pas entendu parler de ce qui fait l’étude actuelle du fleuve, j’ai parlé seulement de l'entretien des chemins de halage et des rives de la Meuse, qui sont, je le dis encore une fois, dans le plus mauvais état. Je sais bien que la province a fait tout ce qu’elle a pu pour cet objet ; aussi mes observations ne sont-elles nullement un reproche que j’adresse à l’administration de la province.

- Personne ne demande plus la parole, l’article 6 est mis aux voix et adopté.

Article 7

« Art. 7. Service de la Meuse dans le Limbourg : fr. 40,000. »

M. Simons – Messieurs, si je n’ai pas pris la parole ni dans la discussion générale de ce budget ni sur le chapitre 2 relatif aux routes, ce n’est pas que les vives réclamations, que nous avons faites, les années précédentes, au sujet de l'application peu équitable des fonds consacrés à l’établissement de nouvelles voies de communication, aient obtenu leur apaisement en ce qui concerne la localité dont je tiens mon mandat. Non, certes tel n’est pas le motif du silence que j’ai cru devoir m’imposer ; aux griefs que nous n’avons cessé de signaler dans cette enceinte à l’attention de M. le ministre des travaux publics sont venus se joindre d’autres griefs bien plus accablants, suites désastreuses du traité de paix avec la Hollande.

Ceux-ci exigent sans doute un redressement d’autant plus prompt que l’honneur national y est engagé et l’impose au pays entier comme une dette sacrée.

Je ne me suis imposé dans cette circonstance le silence, que parce que j’ai foi dans l’engagement de la législature, que parce que j’ai foi dans la parle du cabinet.

Avec confiance nous avons pris acte des paroles qui ont été prononcées dans une discussion tristement mémorable ; nous ne cesserons d’en provoquer l’accomplissement avec insistance, si, contre toute attente, le cabinet ne tenait à honneur d’y rester fidèle.

Après cette petite digression, que je me suis permise pour que l’on ne prenne pas le change sur la véritable situation de la localité à laquelle je fais allusion, j’aborde l’objet pour lequel j’ai demandé particulièrement la parole.

Messieurs, j’ai vu avec peine dans le rapport de la section centrale que quelques sections se sont élevées contre le crédit de 40,000 francs demandé pour travaux aux rives de la Meuse dans le Limbourg.

Autant que qui que ce soit dans cette enceinte, je suis grand partisan des économies. Chaque fois que je verrai la possibilité d’en introduire dans les dépenses de l'Etat, je me ferai un devoir de les appuyer de toutes mes forces. Rien ne mine tant le pouvoir, rien ne fait tant détester les gouvernements que l’augmentation progressive des dépenses parce qu’elles ont nécessairement pour conséquence immédiate l’augmentation dans la même proportion des impositions publiques. Mais cette considération, quelque forte qu’elle soit, ne me portera jamais à reculer devant une dépense utile.

Eh bien, messieurs, je mets en fait que, de toutes les dépenses auxquelles le budget est appelé à faire face, il n’en est aucune qui soit aussi indispensable, aussi urgente que celle dont il s’agit.

Mon intention était de vous mettre sous les yeux, dans tout son jour, le tableau vraiment effrayant de l’état dans lequel se trouvent les rives de la Meuse dans le Limbourg. Mais le rapport remarquable de M. l’ingénieur Guillery, qui vient d’être publié, et que tous les honorables membres de cette chambre auront sans doute lu avec intérêt, m’en dispense. Chargé spécialement par M. le ministre d’une étude générale du régime de ce fleuve, dans le but d’introduire les améliorations dont sa situation et son administration sont susceptibles, ce fonctionnaire a présenté un travail préliminaire aussi complet et aussi détaillé que possible.

Il en résulte, à la dernière évidence, que les nombreuses dégradations que les rives de ce fleuve ont essuyées dans plusieurs endroits par les différentes causes qu’il signale, nécessitent les réparations les plus promptes. Pour peu que l’on tarde à s’opposer, d’une manière efficace, aux empiètements que fait la Meuse sur plusieurs points, l’on doit s’attendre aux événements les plus désastreux.

Le gouvernement hollandais, qui certainement est appréciateur compétente en matière d’ouvrages hydrauliques, a tellement senti la nécessité d’aviser promptement aux moyens de prévenir les catastrophes dont les communes riveraines sont menacées, qu’à peine il avait pris possession de la partie du Limbourg abandonnée qu’il a ordonné des travaux de défense importants sur la rive droite ; des ouvrages y ont été faits pour à peu près 80,000 florins des Pays-Bas depuis le mois d’août dernier. Veuillez ne pas perdre de vue que les ouvrages sur la rive opposée sont une nouvelle cause de destruction des rives qui nous appartiennent, et exigent d’autant plus impérieusement que nous n’épargnions rien pour les combattre efficacement.

D’après ces considérations, je ne soutiens pas seulement de toutes mes forces cette allocation ; mais, convaincu de l’insuffisance de ce crédit en présence de nouvelles causes de destruction qui se présentent, je crois de mon devoir d’interpeller M. le ministre s’il ne conviendrait pas de doubler le chiffre qu’il a pétitionné pour cet objet.

En fait de travaux de cette nature, une lésinerie mal placée est souvent au rebours de toute idée d’économie. Peut-être même l’état désastreux dans lequel se trouvent ces rives doit-il, en grande partie, être attribué à ce que jamais le mal n’a été attaqué avec assez d’énergie pour en arrêter le cours. Aussi n’a-t-il pas été rare de voir des ouvrages importants et très dispendieux faits aux rives de la Meuse, emportés de fond en comble à la première crue extraordinaire des eaux qui ont suivi les confection.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, il me paraît impossible de répondre à l’interpellation que m’adresse l’honorable préopinant. Je n’ai reçu aucune proposition nouvelle de l’ingénieur en chef. Il y a donc lieu de croire que le chiffre de 40,000 francs doit continuer à être considéré comme suffisant.

M. Simons – Messieurs, il n’est pas étonnant que cet ingénieur n’ait pas demandé une somme plus forte, lors de la confection du budget ; alors n’étaient pas connus les ouvrages qui ont été faits par le gouvernement hollandais. Je le répète, on a dépensé, en fait d’ouvrages de ce genre, une somme d’environ 80,000 florins. On sait qu’en travaillant sur la rive d’un fleuve, l’autre rive est nécessairement exposée à des dégradations continuelles.

Je suis d’autant plus étonné que l’on n’ait pas demandé une somme plus forte, que dans une des séances du conseil provincial du Limbourg, l’ingénieur en chef ayant été interpellé, a déclaré que les travaux indispensables à faire aux rives de la Meuse dépassent une somme de 500,000 francs.

Je n’ajouterai rien à ce que je viens de dire ; je crois qu’il est réellement dans l’intérêt du gouvernement qu’on mette la main à ces ouvrages.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Les faits cités par l’honorable membre n’étaient pas inconnus à l’administration. Le chiffre de 40,000 francs figure depuis plusieurs années au budget. Il a été demandé alors que le Limbourg nous appartenait encore en entier. La première idée qui a dû se présenter depuis la cession est celle de savoir s’il ne fallait pas réduire ce chiffre. Je crois qu’en effet la proposition a été faite dans plusieurs sections. L’ingénieur que j’ai consulté a répondu qu’il ne fallait faire aucune réduction, bien que le cours de la Meuse belge n’eût plus la même étendue et que nous n’eussions plus qu’une rive, parce que les travaux qu’on fait sur la rive hollandaise nous obligent à en faire d’analogues sur la rive belge. De sorte que, dans les faits allégués par M. Simons, j’ai puisé les arguments pour m’opposer à la réduction du chiffre de 40 mille francs.

- Le chiffre de 40,000 francs est adopté.

Article 8

« Art. 8. Polders : fr. 42,000. »

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Messieurs, je suis obligé de demander une augmentation. Les 42,000 francs demandés sont destinés :

1° 30,000 francs à la compagnie Van der Griendt la seconde année d’entretien, aux termes de la soumission du 23 septembre 1837 :

2° 5,000 francs pour le subside à payer à la direction du polder de Lillo le 1er mars 1840.

De ces deux objets, il est rendu compte, d’une manière très détaillée dans l’exposé du budget et le rapport de la section centrale. Il reste 7,000 francs pour les dépenses éventuelles. Il est reconnu maintenant que cette somme est insuffisante. Divers travaux sont devenus nécessaires.

Ces travaux consistent :

1° A construire une diguette en prolongement du bajoyer de droite de l’écluse neuve du polder de Lillo ;

2° A effectuer 3,200 mètres carrés de fascinages de revêtement, dont 2,000 mètres provenant des dépôts de l’administration ;

3° A employer un cube de fascinages coulé sous lest de 900 mètres pour barrer certaines criques de la partie inondée du polder.

Vous savez que la digue, dont la législature a autorisé la construction il y a deux ans, est à 1,500 mètres du fort de Lillo ; cette digue est devenue une digue de contournements qu’on aurait toujours dû construire, pour fermer la digue de mer. La digue de mer est toujours rompue et il y a une grande quantité de terrains inondés entre la digue qui est à 1,500 mètres du fort de l’Escaut. Dans quelques années, l’envasement qui s’opère rendra facile la reconstruction de la digue. Il s’agit de faire certains travaux dans cette partie comme sujette à l’inondation ; d’après le rapport qui a été fait et une soumission que j’ai reçue, ces travaux coûteraient environ 19,000 francs.

Je propose de porter le troisième objet de l’article à 20,000 francs. Il me resterait une somme d’un peu plus de 1,000 francs pour les dépenses éventuelles, ce qui, je l’espère, sera suffisant. Le chiffre total serait alors de 55,000 francs.

- Le chiffre proposé par M. le ministre est adopté.

Article 9

« Art. 9. Service des bacs et bateaux de transport : fr. 75,972 13 c. »

M. Cools – Messieurs, le service des bacs et bateaux de passage comprend trois services distincts : d’abord le service du bateau à vapeur d’Anvers à la Tête de Flandre, ensuite un service de remorque, et, en troisième lieu, un service de bateau à vapeur établi entre Anvers et Tamise.

Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul bateau à vapeur entre Anvers et la Tête de Flandre. Ce service se fait tous les quarts d’heure. Ce bateau est occupé sans relâche ; cependant, comme un jour de la semaine, il faut nettoyer le bateau, ce jour-là, le service se fait par barquettes. Pour établir un service journalier par bateau à vapeur le gouvernement a eu l’idée de faire construire un deuxième bateau. Comme il ne doit être employé qu’un jour au service de la Tête de Flandre, on a voulu établir un service entre Tamise et Anvers, tous les jours de la semaine, sauf les cas où le bateau principal se trouverait dérangé.

Il résulte des explications données au sénat par le ministre des finances qu’on a fait construire un bateau à vapeur à haute pression pour le faire servir à la remorque. Ainsi, ce deuxième bateau serait employé 1° à relayer celui qui fait le service de la Tête de Flandre, 2° à remorquer les bateaux arrivants dans l’Escaut, et 3° à faire des promenades à Tamise dans ses moments perdus. Si c’est comme cela qu’on entend organiser le service d’Anvers à Tamise, mieux vaudrait n’en pas établir du tout. On engage la commune de Tamise à faire les frais d’un débarcadère, mais si elle y consent, c’est pour avoir un service régulier. Si on veut qu’un service entre Anvers et tamise présente quelque avantage, il faut que les départs aient lieu à jour et à heure fixes, pour que des services de diligences puissent s’établir en coïncidence avec les départs et les arrivages.

Je demanderai à M. le ministre, non ce qu’il compte faire du second bateau qu’il a fait construire, mais si le service qu’il se propose d’établir entre Anvers et tamise, sera à jours et heure fixes et non par un bateau ayant trois usages, et ne faisant ce service qu’à ses moments perdus, mais par un bateau spécial. La commune ne consentira à faire les dépenses auxquelles on l’engage que pour avoir un service régulier.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Ce service et nouveau pour moi. C’est à partir du 1er janvier de cette année que ce service, en ce qui concerne le matériel, appartient au ministère des travaux publics. Je n’en serai pleinement en possession qu’après le vote du budget ; je ferai mon possible pour faire droit aux observations de l’honorable préopinant.

M. Cools – J’ai prié M. le ministre de nous dire si le service qu’on se propose d’établir entre Anvers et Tamise, doit être à jour et heure fixes.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Je ne suis pas encore au courant de cet objet, j’examinerai et je verra ce qu’il y aura lieu de faire.

M. Delehaye – Est-il certain qu’un service soit établi entre Tamise en Anvers. J’avoue que je conçois difficilement un service de ce genre fait par le gouvernement. Je ne dis pas qu’il ne soit pas utile, mais je désire avoir des renseignements.

M. de Foere – Je ne pense pas que le gouvernement puisse établir, sans l’intervention de la chambre, un service entre Tamise et Anvers, au moyen d’un bateau à vapeur. Il appartient à la chambre d’examiner si l’utilité de ce service répond aux dépenses qu’il doit entraîner. La motion que l’honorable député de Saint-Nicolas vient d’adresser au ministre est donc sans objet. L’honorable ministre des travaux publics ne peut lui donner une réponse positive sans l’intervention de la chambre. C’est à elle, je le répète, à voir si le besoin existe et si les dépenses seront compensées par l’utilité que la population de Tamise et des environs y trouveront.

M. Cools – Comme M. le ministre vient de dire qu’il ne connaissait pas cet objet, je vais donner quelques explications qui éclairciront la question Ce service d’Anvers à Tamise est projeté depuis un an ; on a engagé toutes les communes situées sur les bords de l’Escaut à organiser des embarcadères. La même demande a été faite à la commune de Tamise : comme elle se trouve dans une situation financière gênée, le gouvernement veut bien en faire l’avance à la condition d’être remboursée en quatre ou cinq ans. La commune a reçu les plans et les devis ; elle a consenti à cet arrangement, mais c’est pour avoir un service régulier avec Anvers. Au reste, je me contente des explications de M. le ministre.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – On dit que le gouvernement ne peut pas organiser de service de passages d’eaux sans l’intervention de la chambre. Mais la chambre a voté la construction de deux bateaux à vapeur, l’un pour le service de la Tête-de-Flandre, et un second qui est destiné à faire le service sur Tamise. L’intervention de la chambre aura lieu par l’allocation faite au budget de 1838, si j’ai bonne mémoire. Aujourd’hui, il s’agit d’organiser ce service, le matériel est prêt ; je me serais occupé de cette organisation si le budget avait été voté avant le 1er janvier. Je répéterai ce que j’ai dit tout à l’heure en réponse à l’honorable préopinant, que je ferai tout mon possible pour concilier tous les intérêts.

M. Van Hoobrouck de Fiennes – J’avais demandé la parole pour faire les mêmes observations que M. le ministre ; il ne peut plus être question de l’utilité de ce service ; elle est décidée ; le matériel est prêt ; ce service n’a pas encore été mis en activité, parce qu’il vient de passer du département des finances dans celui des travaux publics. S’il était nécessaire de justifier l’utilité, je dirais que par ce moyen une riche contrée, qui est comme séparée du royaume, s’y trouve rattachée.

J’insisterai donc pour que ce projet soit mis à exécution le plus tôt possible. Je prierai M. le ministre de faire tous ses efforts pour qu’il tarde le moins longtemps possible.

M. Delehaye – Si la chambre a décidé, je n’ai rien à dire. Mais on me permettra de douter que cette décision ait été prise. Je conçois qu’un bateau à vapeur, appartenant à l’Etat, fasse le service du passage de la Tête de Flandre. Mais je ne conçois pas que le gouvernement se fasse messager. On veut faire le service entre Tamise et Anvers. Mais veuillez remarquer qu’il y a des diligences qui font ce service. Que le gouvernement mît en location un bâtiment à vapeur pour ce service, je le concevrais. Mais qu’il nomme des individus chargés de ce service, je ne le conçois pas. Et si la chambre l’a décidé ainsi, il me sera permis de trouver sa décision étrange.

M. de Foere – Si j’ai bonne mémoire, ce sont les députés d’Anvers qui ont demandé un second bateau à vapeur, non pour établir une communication entre Tamise et Anvers, mais pour remorquer les bâtiments marchands sur l’Escaut, et pour relayer le bateau à vapeur qui fait le service entre la Tête de Flandre et Anvers. Le subside a été accordé dans ce but par la chambre. Or, ce n’est pas ce que nous avons contesté. Nous soutenons que, sans l’intervention de la chambre, le gouvernement n’a pas le pouvoir de donner à ce second bateau à vapeur une autre destination. Des observations faites au sénat postérieurement au vote de cette chambre avaient pour but d’affecter ce second bateau à vapeur au service de tamise à Anvers ; mais ce désir, exprimé dans une autre enceinte, ne constitue pas une partie d’un budget ou d’une loi, ni un vote de la législature.

M. le ministre des travaux publics (M. Nothomb) – Le gouvernement exploitera ce bateau à vapeur, comme il exploite le chemin de fer. Je sais fort bien que c’est là une exception. Mais cette exception a été clairement indiquée lorsqu’on a demandé les fonds nécessaires. Dans les développements du budget des finances, il est clairement indiqué que le gouvernement veut exploiter lui-même ce passage d’eau, pour lequel il devait fournir un matériel d’exception ; car un bateau à vapeur peut être considéré comme tel.

- L’article 9 est mis aux voix et adopté.

Article 10

« Art. 10. Frais d’études : fr. 15,000. » - Adopté.

Chapitre IV. Ports et côtes

Article unique

« Article unique. Ports et côtes : fr. 282,584. » - Adopté.

- La séance est levée à 4 heures et demie.