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d’intention
Chambre
des représentants de Belgique
Séance du mardi 4 février 1840
Sommaire
1) Pièces adressées à la chambre (notamment pétition relative aux droits
de sortie sur le lin (Delehaye, Mast
de Vries, A. Rodenbach, de
Langhe, A. Rodenbach, Delehaye))
2) Projet de loi tendant à autoriser la libre exportation des farines
provenant des froments étrangers. Discussion générale (A.
Rodenbach, Eloy de Burdinne, de
Theux, de Foere). Discussion des articles.
Etablissements bénéficiaires (Demonceau, Desmaisières, Demonceau Desmet, d’Huart, Mast de Vries, Demonceau, Coghen, A. Rodenbach, Rogier, Mercier, Eloy
de Burdinne) ; conditions générales de retrait des grains des
entrepôts (Eloy de Burdinne, Mast
de Vries, Eloy de Burdinne, d’Huart,
de Theux, Coghen, Eloy de Burdinne, de Theux, d’Huart, de Theux, Cogels, Mercier, Demonceau, de Theux, Demonceau)
3) Motions d’ordre relatives (a) au retrait d’une proposition de loi
augmentant les droits sur les lins étrangers (de Foere) ;
(b) au projet de loi sur les chemins
vicinaux (Cools, de Theux, A. Rodenbach, Dubus (aîné))
4) Projet de loi tendant à autoriser la libre exportation des farines
provenant des froments étrangers. Discussion des articles. Garanties
qualitatives (Eloy de Burdinne, Coghen),
mesures de contrôle (Desmet, de
Theux, d’Huart, de Theux, Coghen, Demonceau, de Theux, Eloy de Burdinne),
sanctions (Eloy de Burdinne), lieu de réexportation (d’Huart, de Theux, Mercier, d’Huart, Donny,
d’Huart, Demonceau, Mercier, Mast de Vries, d’Huart, Dubus (aîné), Coghen, Demonceau, Mercier)
(Moniteur belge
n°36 du 5 février 1840)
(Présidence de M.
Fallon)
M. Mast de Vries procède à l’appel nominal à
midi un quart.
M. B. Dubus donne lecture du procès-verbal de la dernière séance. La
rédaction en est adoptée.
PIECES ADRESSEES A
M. Mast de Vries donne communication des
pièces adressées à la chambre :
« Des propriétaires dans le polder de Lillo demandent le paiement
de l’indemnité qui leur revient du chef de l'inondation de leurs propriétés
alentour du fort Lillo. »
- Dépôt au bureau pendant la discussion de la loi sur
les indemnités.
_________________________
« Les habitants de la
commune de Ruddervoorde demandent qu’il soit établi une augmentation de droits
sur le lin à la sortie. »
M. Delehaye – Messieurs, la pétition de
Ruddervoorde est couverte de plus de 300 signatures. Les pétitionnaires
demandent qu’on prenne des mesures en faveur de l'industrie linière. Ils se
sont attachés à détruire l’opinion des honorables membres qui pensent que
l’industrie linière n’est pas dans une position aussi critique que nous l’avons
dit. Ils produisent des faits très pertinents, qu’il est utile que chacun de
vous consulte. En conséquence, je prie la chambre de vouloir ordonner
l’insertion, au Moniteur, de la traduction de cette pétition. Elle n’est pas
longue, elle ne tiendra que très peu de place.
M. Mast de
Vries – Il y a plusieurs pétitions qui réclament en sens
divers ; un rapport a été fait hier ; je ne pense pas qu’il soit
utile d’insérer encore ces pétitions dans le Moniteur, car nous n’en finirons
pas.
M. Delehaye – Cette pétition est une
réponse sur les observations de quelques membres qui ont prétendu que nous
exagérions l’état de l'industrie linière ; elle contient des faits qui
prouvent le contraire, c’est pour cela que je demande qu’on mette chacun de
nous à même de les connaître.
M. A. Rodenbach – Je ne vois pas pourquoi on insérerait la pétition des
habitants de Ruddervoorde, quand on n’en insère pas une foule d’autres qui sont
tout aussi bien motivées que celle-là ; si on ordonne l’insertion de cette
pétition, j’en désignerai une douzaine en faveur desquelles je demanderai le
même privilège. En faisant le rapport, le rapporteur les analysera ou en
donnera lecture si on le demande.
M. Delehaye – J’ai dit pourquoi je
demandais un privilège en faveur de la pétition dont il s’agit ; c’est qu’elle
contient des faits à l’appui de l’opinion exprimée par M. A. Rodenbach, et elle
est signée par tous les membres de l’autorité communale. On y prouve que
l’opinion contraire n’est pas fondée.
M. de Langhe – Je ne crois pas que personne ait dit que l’industrie linière
n’était pas dans un état de souffrance. Cela peut si peu s’appliquer à moi qui
ai combattu l’opinion de M. A. Rodenbach, et trouvé qu’il exagérait la position
de cette industrie, que j’ai dit que l’industrie linière était dans un état de
souffrance, mais que c’était compensé par les travaux de l’agriculture. On sait
que dans
Voilà ce que j’ai voulu dire. Il n’est jamais entré
dans ma pensée de nier que l’industrie linière fût en souffrance.
M. A. Rodenbach – Je vois avec plaisir que l’honorable préopinant soit un peu
revenu de l’opinion qu’il a exprimée dans une autre séance. Quand j’ai parlé de
la souffrance des tisserands, je ne l’ai pas exagérée. Je n’ai pas parlé de
l'agriculture qui est, il est vrai, dans un état prospère dans les
Flandres ; mais l’état de l’industrie linière met 100 mille familles dans
la misère. Il est possible que dans la commune de Ruddervoorde on puisse
trouver dans l’agriculture une compensation de la stagnation de l’industrie
linière ; mais c’est une localité qui ne compte que trois ou quatre mille
habitants, et il s’agit d’une population de 1100 mille individus privés de
travail, par suite de l’état où se trouve l’industrie linière. Qu’on consulte
le gouvernement et les commissaires de district, on verra s’il y a de ma part
exagération.
Je pense qu’aujourd’hui la loi française est
retirée ; si on revenait en France à ce projet, j’userais de mon droit
d’initiative, pour prendre de nouveau la défense de nos droits.
M. Delehaye – Puisque la pétition sera soumise à la chambre, je
n’insisterai pas pour l’insertion au Moniteur je me bornerai à demander le
renvoi à la commission avec invitation de faire un prompt rapport.
- Le renvoi avec demande d’un prompt rapport est
ordonné.
_______________________
« Les administrations communales, cultivateurs et
marchands de lins des communes de Zeele, Hamme et Moerzeeke, adressent des
observations contre les pétitions tendant à élever le droit sur les lins à la
sortie. »
- Renvoi à la commission avec demande d’un prompt
rapport.
PROJET DE LOI TENDANT A AUTORISER
Discussion
générale
M.
A. Rodenbach – Lorsque j’ai demandé la
parole, c’était pour motiver mon vote. J’appuierai le projet de loi temporaire
qui vous est soumis parce que cette loi fera affluer dans nos entrepôts les
farines étrangères en tout temps. Ce sera une espèce d’assurance pour les
besoins de la consommation. Je pense, messieurs, que le commerce en général
accueillera favorablement ce projet, et spécialement le commerce maritime, car
lorsqu’on exportera les farines, on exportera d’autres produits. Je ne crois
pas, comme l’honorable membre qui a parlé à la dernière séance, que cela puisse
nuire à l’agriculture. Je crois au contraire que plus tard, quand nos céréales
seront à meilleur marché, on les exportera de préférence. Comme on l’a souvent
répété, il nous faut des débouchés. Les moulins à farine dits « à
l’américaine » sont une industrie toute nouvelle qui mérité d’être
protégée. Le nombre d’établissements de ce genre n’est pas encore
considérable ; nous n’en avons encore que quatre, il faut les protéger
efficacement. Il est possible que plus tard nous puissions soutenir la
concurrence des spéculateurs français et anglais qui exportent de ces farines.
Une grande majorité des chambres de commerce et des commissions d’agriculture
ont accueilli le projet avec faveur. Il n’y a aucun danger à l’accepter.
Cependant, tout en admettant le principe, je pense qu’il faudra encore que M.
le ministre prenne d’autres règlements contre la fraude et la sophistication
des farines, parce que par ce moyen on pourrait nuire aux céréales du pays.
(Moniteur n°37
du 6 février 1840) M. Eloy de Burdinne – Messieurs, avant d’entrer plus loin dans la discussion
générale, je désirerais que M. le ministre de l'intérieur voulût bien me dire
ce qu’il pense de l’amendement que j’ai eu l’honneur de soumettre hier à la
chambre.
M. le président – Ce n’est pas le moment de discuter
les amendements.
M. Eloy de Burdinne – Alors, je rentrai dans la discussion générale.
C’était en vue d’économiser le temps de la chambre que je faisais cette
demande.
Dans la discussion d’hier, des orateurs ont prétendu
que les avis des chambres de commerce étaient presque tous favorables au projet
de loi qui vous est soumis. Eh bien, messieurs, je crois devoir faire
remarquer, qu’on n’a pas compris les rapports des commissions d’agriculture et
des chambres de commerce. On s’est même gravement trompé. Les analyses qui nous
ont été remises de ces rapports par le gouvernement, ont été singulièrement
erronées, ce que j’attribue soit à des distractions, soit à l’empressement
qu’on a mis à satisfaire à la demande que la chambre avait faite de ces
analyses. C’est ainsi qu’on a fait figurer la commission d’agriculture de Liége
comme donnant un avis favorable au projet qui vous est soumis.
Eh bien, je ne puis mieux faire pour vous démontrer
l’erreur dans laquelle on est tombé, que de produire l’opinion de la commission
d’agriculture de Liége.
Je demanderai à la chambre la permission de lui donner
lecture du passage qui concerne cette opinion. Voici ce que dit la commission
d’agriculture de Liége.
D’abord elle a manifesté les dangers de se prononcer
avec précipitation sur un objet aussi important ; elle a réclamé de M le
gouverneur un délai pour lui donner son opinion.
(N’ayant pas sous les yeux la pièce dont a donné lecture
M. Eloy de Burdinne, nous allons en donner l’analyse.)
La commission d’agriculture de Liége dit que ce projet
de loi sera favorable à la navigation, au commerce de farines, et que c’est
implanter en Belgique une nouvelle industrie, etc. ; elle croit qu’il y
aura fraude, et qu’il est impossible de l’empêcher ; alors, dit la
commission, ce serait la perte de notre agriculture. On a fait l’essai d’une
loi semblable, adoptée en France pour les ports de Marseille et du Havre, et on
assure que, malgré toute l’activité de la douane française, la fraude s’y
exerce en grand et occasionne des pertes à l’agriculture. »
D’après ce que vous venez d’entendre, vous
reconnaîtrez que la commission d’agriculture de Liége n’a pas donné, comme on
nous l’a dit, un avis favorable ; mais bien un avis défavorable.
Je sais fort bien qu’on me fera remarquer qu’on ne
remboursera pas le droit perçu. Mais c’est bien l’équivalent ; on ne
restituera pas le droit, parce qu’il n’aura pas été perçu. On laisse la faculté
de faire entrer les grains moyennant qu’on réexporte les farines, mais avec la
différence qu’il reste 22 p.c. dans le pays ; C’est sous le rapport de ces
22 p.c., que la mesure est nuisible à l’agriculture.
Si je passais en revue les avis des chambres de
commerce et des commissions d’agriculture, cela nous mènerait trop loin.
Mais je puis vous assurer que, moi aussi, j’ai fait une analyse de ces avis, et
que j’ai reconnu qu’ils constatent le danger d’introduire la loi en Belgique,
même avec les modifications apportées depuis par le gouvernement.
C’est ainsi qu’il n’a pas été fait droit aux diverses
obligations des chambres de commerce et des commissions d’agriculture, pas même
à l’opinion de la chambre de commerce d’Anvers, qui ne peut être soupçonnée
d’être intéressée à voir adopter la loi. Je lui rends cette justice qu’elle a
voulu des mesures, non seulement dans l’intérêt de l’agriculture, mais encore
dans l’intérêt du trésor.
Il y a bien d’autres dangers, selon moi, que celui de
voir laisser en Belgique 22 p.c.
A cet égard, je suis d’accord avec plusieurs
commissions d’agriculture et chambres de commerce, qui vous disent que, dans la
fabrication de la farine à l’américaine, on introduit dans cette farine une
quantité considérable de matière hétérogène. C’est ainsi qu’on prétend qu’il
n’y a pas de farine qui soit exportée en Amérique, sans qu’on y ajoute quelques
autres matières, comme par exemple, de la craie. Il est notoire en Belgique
qu’il y a de la craie qui s’approprie très bien à la farine. (Réclamations.)
Si vous avez des doutes, messieurs, on pourra vous en
faire voir.
Au surplus, il y a des boulangers qui ont été
poursuivis pour avoir introduit cette craie dans la farine. Je n’ai pas vérifié
l’exactitude de ce fait ; mais on me l’a assuré. Si cela se fait pour
On nous a souvent dit que cette opération est
avantageuse dans l’intérêt de l’agriculture, parce qu’elle donne une nourriture
pour le bétail. Mais il serait plus rationnelle de laisser entre pour la
nourriture du bétail du froment, de l’orge, du seigle ; car certes, ce serait
une meilleure nourriture pour le bétail que le son. Eh bien, ici l’agriculture
considère cette mesure comme devant lui être défavorable, principalement
lorsque les grains seront à bon compte. C’est un moyen de faire baisser les
produits étrangers en Belgique au détriment des siens propres.
Si, par exemple, on proposait une prime
d’encouragement à une industrie quelconque (et je prendrai la première venue),
cela pourrait avoir des conséquences dangereuses. Vous savez que l’esprit
d’association marche à pas de géant en Belgique. Si une association se formait
pour la fabrication des clous, si elle demandait la libre entrée des fers
étrangers avec faculté de réexportation pour 78 p.c. en clous, et autorisation
de livrer 55 p.c ; à la consommation intérieure, si vous accédiez à une
telle demande, que dirait l’industrie métallurgique ? N’aurait-elle pas le
droit de se plaindre ? Comme je le disais tout à l’heure, l’esprit
d’association en Belgique a fait de grands progrès. Je ne sais s’il se formera
en Belgique une société anonyme ou autre pour la fabrication des clous, et qui
vous fera la demande que j’ai supposée tout à l’heure ; ce qui n’aurait
rien d’étonnant.
On fabrique du coak en Belgique. Mais si une société
se réunissait et demandait au gouvernement l’autorisation de faire venir 100
millions de kilogrammes de houille, à la charge pour elle de réexporter 78
millions de kilogrammes, et avec autorisation de livrer 22 millions de
kilogrammes à la consommation intérieure, que diraient les exploitants de Mons ?
Ils diraient que vous laissez entrer en Belgique 22 millions de kilogrammes de
matière combustible, au détriment de leurs produits. Et certes, si vous portiez
une loi semblable, cette industrie aurait le droit de se plaindre, comme
l’agriculture se plaint aujourd’hui.
S’il s’établissait en Belgique une société qui voulût
faire confectionner des vêtements pour les exporter à l’étranger, et qui vous
dise : « Laissez-nous introduire dans le pays cent mille pièces de
coton et cent mille pièces de draps. Nous confectionnerons des vêtements pour
l’exportation, cela favorisera la fabrication, et il nous restera la
main-d’œuvre ; mais ce sera à une condition, s avoir : que nous
exporterons les vêtements faits avec les 78,000 meilleures pièces de draps et
de coton, et qu’avec les 22,000 pièces de coton et de drap de qualité
inférieure, nous confectionnerons des vêtements que nous livrerons à la
consommation intérieure du pays. » Si de telles propositions étaient
admises, que diraient les industries drapière et cotonnière ? Elles se
plaindraient amèrement, et elles auraient raison. Et comme cette question
intéresserait l’industrie, la chambre la repousserait à une grande majorité et
je serais de ce nombre.
D’un autre côté, les sociétés viendront vous
dire : Vous avez accordé aux fabricants de farine la faculté d’introduire
des matières premières sans droit avec celle d’en laisser 22 p.c. dans le pays
moyennant un droit de 10 centimes par 100 kilogrammes ; nous vous sommons
de nous accorder la même faveur, et vous ne pourrez la leur refuser sans être
taxés de partialité en faveur de meuniers à l’américaine.
On dit que les farines appropriées à l’américaine ne
sont pas de débit en Belgique.
Je demande pourquoi ? Sûrement pour le motif
qu’on les arrangera d’après des procèdes chimiques que je n’ai pas certainement
enseignés.
Serait-il vrai qu’on y introduit des os moulus, de la
craie pulvérisée et autres matières, comme le disent certaines commissions
d’agriculture et chambres de commerce.
Si ces faits sont exacts, alors, au lieu de rester en
Belgique 22 p.c. de grains étrangers, il en resterait 30 ou 40 p.c., au
détriment de notre agriculture et du trésor.
Je crois que nous ne pouvons adopter une loi qui
ferait arriver, sur le marché de
Mais, messieurs, il est une autre question qui, selon
moi, est aussi très importante, c’est celle du déficit qui résultera de la loi
pour le trésor public.
Chacun, messieurs, établi les quantités à sa mode.
Hier l’honorable M. Mast de Vries vous a dit qu’il ne resterait qu’un million
de kilogrammes de farine en Belgique « et, a-t-il ajouté, c’est pour
un déjeuner ; or, je vous promets que si vous déjeunez d’une portion
semblable vous aurez une indigestion et une indigestion solide. (Hilarité.) Eh bien, messieurs, comme les
indigestions sont dangereuses, je tiens à en préserver mon pays. (Nouvelle hilarité).
Lorsque les grains sont à bas prix en Belgique,
lorsqu’il y a trop plein, il est dangereux de laisser entrer sans droit la
moindre portion de grain étranger. Si, par exemple, dans ce moment où
l’industrie cotonnière est dans la gêne, vous laissiez entrer, ne fût-ce que 50
pièces de coton, évidemment cela ajouterait à la gêne déjà existante. Si dans
un verre plein d’eau, vous ajoutez une seule goutte, vous le ferez déborder.
Mais, messieurs, ce n’est pas, comme l’a dit
l’honorable membre, un million de kilogrammes de farine qui doit rester dans le
pays par suite de la loi qui vous est proposée ; la chambre de commerce de
Courtray, qui sait aussi bien calculer que nous, porte le montant de la farine
qui restera dans le pays, par suite de l’introduction de cette industrie en
Belgique, à 8,400,000 kilogrammes ; ce qui représente environ 105,000
hectolitres. Ainsi, messieurs, lorsque le froment sera au-dessous de 15 francs,
il y aura pour le trésor un déficit de 600,000 francs environ, et lorsque le
prix du grain sera de 15 à 20 francs, le déficit sera encore de 300,000
francs ; ce sera là, messieurs, un grand sacrifice que nous ferons au
profit d’une industrie nouvelle des farines ; on n’en viendra pas moins
prétendre que ce sacrifice tourne au profit de l’agriculture, car chaque fois
qu’il s’agit d’une mesure funeste aux intérêts agricoles, on prétend toujours
que la mesure est favorable à ces intérêts ; on semble dire alors à
l’agriculture comme on le disait un jour à un grand personnage :
« Laissez-vous faire monseigneur ; c’est pour votre bien. » il
s’agissait de l’étranger et de confisquer ses biens. (On rit.)
J’aurais bien d’autres choses à dire, messieurs, pour
réfuter quelques arguments qui ont été présentés, mais il me paraît que la
chambre désire terminer cette question. Je me bornerai donc aux observations
que j’ai eu l’honneur de vous soumettre ; mais je le répète, ma boussole,
c’est l’avis de la chambre de commerce d’Anvers ; tout ce que je demande,
c’est que la mesure proposée par cette chambre de commerce, comme facultative,
soit rendue obligatoire. Je crois que, sous ce rapport, l’on doit me savoir gré
de la modération de ma proposition ; car si j’avais suivi l’opinion
d’autres chambres de commerce et commissions d’agriculture, j’aurais proposé
purement et simplement le rejet de loi, et j’aurais pu faire valoir des arguments
très convaincants à l’appui de cette demande.
Je dois encore vous rappeler, messieurs, que l’analyse
qui nous a été donnée des avis des chambres de commerce et des commissions
d’agriculture a été évidemment refaite de manière à favoriser l’adoption du projet ;
tout ce qui a été dit contre le projet de loi n’a pas été reproduit dans cette
analyse.
(Moniteur n°36 du 5 février 1840) M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Messieurs, le principe de
la loi ne peut pas être sérieusement contesté, car elle a pour objet d’assurer
au pays une branche importante d’industrie et de commerce. Cette loi,
messieurs, est nécessaire par suite de la loi sur les céréales, qui, dans certains
cas, établit des droits à l’importation sur les blés étrangers, et dans
d’autres cas des droits à l’exportation sur les farines, qui même, dans
certaines circonstances, défend complètement l’importation des blés étrangers
et l’exportation des farines. Il est facile de concevoir que, sous un tel
régie, personne ne pourra engager des capitaux considérables dans l’industrie
de la mouture pour l’exportation des farines vers les contrées lointaines, car
celui qui voudrait le faire serait fréquemment dans le cas de laisser chômer
son moulin, de ne pas pouvoir faire face à ses engagements ou de ne pas pouvoir
profiter des circonstances favorables pour cette branche de commerce et
d’industrie.
Il n’y a qu’une seule chose à examiner, c’est de
savoir si le rendement a été convenablement fixé, de manière que la loi ne
puisse pas, dans certains cas, léser l’agriculture, c’est-à-dire de manière que
le blé étranger qui resterait dans le pays ne puisse pas faire concurrence au
blé indigène, c’est de savoir si, d’un autre côté, le rendement n’est pas trop
élevé, si la loi ne pourrait pas favoriser l’exportation des farines dans les
moments où nous aurions besoin de les conserver pour notre propre consommation.
Il s’agit en outre d’examiner si les mesures de précaution stipulées dans la
loi sont suffisantes pour empêcher la fraude.
En ce qui concerne le rendement, nous croyons,
messieurs, qu’il a été convenablement fixé. Vous aurez pu remarquer que nous
prenons la moyenne des diverses indications données, soit par les commissions
d’agriculture, soit par les chambres de commerce. Le taux moyen du rendement
indiqué par les différentes commissions d’agriculture et chambres de commerce
est 66,75/100 p.c. de farine exportable. Dans le projet de loi nous avons fixé
ce rendement à 78 p.c., c’est-à-dire à 11 25/100 p.c. de plus ; cette
différence de 11 p.c. doit être compensée au moyen d’une quantité semblable de
farine exportable tirée du blé indigène ; or, ces 11 p.c. de fleur de
farine indigène équivalent au moins à 16 p.c. de farine de qualité non
exportable qui serait le résidu de la mouture de blés étrangers. Il me semble,
dès lors, messieurs, que l’agriculture et la consommation sont complètement
désintéressées dans la question.
En ce qui concerne les précautions prises pour empêcher
la fraude, vous pouvez vous convaincre, messieurs, par une simple lecture du
projet, qu’elles sont très grandes ; d’autre part, le projet laisse au
gouvernement la faculté d’augmenter encore ces précautions, s’il le juge
convenable, en même, dans certain cas, de suspendre la loi. Le projet offre
donc réellement toutes les garanties nécessaires sous ce rapport.
Je crois, messieurs, que les dispositions nouvelles
qui ont été introduites dans le projet satisfont complètement aux vœux exprimés
par la commission d’agriculture de Liége, de l’avis de laquelle un honorable
membre a donné lecture. Vous aurez remarqué que cette commission a adopté avec
empressement le principe de la loi, seulement elle doutait que les précautions
stipulées fussent suffisantes ; eh bien on a fait droit à cette
observation, d’abord en élevant le rendement de 75 à 78 p.c. et ensuite en
restreignant le délai pour la réintégration des farines dans les entrepôts, de
6 à 2 mois. Cette dernière modification est extrêmement importante, parce que
c’est précisément de ce long terme que l’on a craint qu’on profiterait pour
spéculer sur la hausse ou sur la baisse.
L’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne paraît
avoir surtout pour objet d’empêcher l’importation de blés étrangers pour la
mouture, alors que le prix moyen du froment serait au-dessous de 20
francs ; l’honorable membre suppose que, dans ce cas, l’on pourrait se
procurer dans le pays du froment en quantité suffisante pour la mouture, et que
l’on pourrait dès lors se passer du blé étranger, mais il a perdu de vue que
lorsque le prix du froment est ici de 20 francs ou au-dessous, il peut être
encore plus bas à l’étranger, lorsqu’il en serait ainsi, l’amendement de
l’honorable membre empêcheraient nos moulins de soutenir la concurrence avec
les moulins étrangers qui obtiendraient le blé à plus pas prix. Cet amendement
paralyserait donc en partie cette branche d’industrie et de commerce.
On a parlé, messieurs, de l’analyse des avis des
chambres de commerce et des commissions d’agriculture ; j’ai lieu de
croire que cette analyse est aussi exacte que possible ; mais il est
facile de comprendre qu’une analyse donne toujours lieu à quelques
contestations ; c’est ce que j’ai prévu lorsqu’on a exprimé dans cette
chambre le désir que l’analyse se fît dans les bureaux du ministère. Cependant
je vous avec plaisir que l’on n’a cité qu’un seul avis qui n’aurait pas été
reproduit d’une manière tout à fait exacte ; mais je pense avoir expliqué
qu’on a au contraire bien saisi la pensée de la commission d’agriculture de la
province de Liége.
On a parlé d’importations directes ; mais,
messieurs, jusqu’à présent personne n’a formulé de proposition à cet égard, ni
dans le sein des chambres de commerce, ni dans le sein des commissions
d’agriculture, ni dans le sein de vos propres sections. Ceci explique
suffisamment pourquoi le gouvernement n’a pas fait de proposition à cet égard,
et d’après les renseignements que j’ai pris, j’ai lieu de croire que cette
proposition ne serait pas favorablement accueillie par l’industrie que nous
voulons protéger.
Déjà l’on a fait remarquer en d’autres circonstances
que la marine nationale n’est pas suffisante pour faire à elle seule le
commerce avec les pays de provenance ; et au cas particulier qui donnerait
lieu à un mouvement maritime aussi considérable, cette crainte vient encore à
redoubler.
D’après ces considérations, je pense que le
gouvernement a bien fait de ne pas formuler de proposition, en faveur de la
marine nationale, pour l’exportation vers les lieux de provenance.
M. de Foere – Messieurs, il est arrivé plusieurs fois dans cette chambre
qu’on a confondu le système des droits différentiels avec celui des provenances
directes et indirectes. Ces deux systèmes sont essentiellement différents. Dans
les autres pays, on les applique tantôt simultanément, tantôt séparément.
L’honorable ministre de l'intérieur vient de commettre la même erreur. Il croit
que j’ai réclamé des droits différentiels, or, je n’en ai dit mot. J’ai traité
la question des importations directes, dans leur application à notre politique
de commerce maritime.
Messieurs, l’honorable ministre de l'intérieur a dit
qu’à l’occasion de ce projet de loi, aucune chambre de commerce n’avait réclamé
d’autre protection pour la marine que celle qui consiste à lui donner une
matière d’encombrement pour favoriser les cargaisons de sortie. Je ne sais pas
si ma mémoire me trompe ; je n’ai pas à la main les rapports de ces
chambres ; mais il me paraît que quelques chambres de commerce ont établi
que cette protection était loin d’être suffisante et ont fait ressortir la
nécessité de protéger la marine marchande par des moyens plus puissants. Elles
ont pensé que cette matière d’encombrement ne suffisait pas et que la marine
marchande, ainsi que l’exportation de nos articles d’industrie, languiront
aussi longtemps que vous n’aurez pas établi un système de protection navale,
tel qu’il s’en rencontre chez toutes les nations sans aucun exception.
Je crois donc que M. le ministre de l'intérieur est
tombé, à cet égard, dans une autre erreur aussi grave.
M. le ministre a dit qu’aucune proposition tendante à
donner plus de protection à notre marine, n’avait été formulée à l’occasion du
projet de loi en discussion. Mais, messieurs, une proposition ayant pour objet
des droits différentiels, soit le système des provenances directes, ne peut
être applicable au seul article « farines ».
C’est un système général de protection qui est
réclamé, système qui doit atteindre les principes articles d’importation. Un
seul article d’exportation ne peut établir chez nous le système des provenances
directes, ni celui des droits différentiels qui d’ailleurs ne s’applique
particulièrement qu’aux importations étrangères.
Messieurs, c’est un devoir qui incombe au gouvernement
de nous proposer sur cette matière un système général. Ce devoir lui incombe
d’autant plus qu’il s’appuie continuellement sur sa majorité. Si la majorité le
suit continuellement, la minorité ne peut obtenir aucun succès. Or, si le
gouvernement continue à traîner cette majorité à sa suite, je dis que cette
majorité restera responsable du refus que fait le cabinet de protéger
l’exportation des produits nationaux par le système des provenances directes et
par celui des droits différentiels.
Je l’ai dit aux ministres, et je le répète ; avec
le système qu’ils suivent, ils mènent le pays à sa ruine, sous le rapport de
notre industrie d’exportation et sous celui de son commerce extérieur. Le pays
n’aura jamais d’exportations régulières et suivies, si vous n’adoptez pas la
législation commerciale qui est pratiquée par toutes les nations maritimes,
industrielles et commerçantes ; je dis par toutes les nations ; les
villes anséatiques ne sont pas des nations.
- Personne ne demandant plus la parole, la discussion
générale est close. On passe à la discussion des articles.
Discussion des
articles
Article premier
« Art. 1er. Par extension des
dispositions de la loi du 31 mars 1828 (Journal officiel, n°10) sur les entrepôts
généraux de libre réexportation, et de celle du 18 juin 1836 (Bulletin
officiel, n° ), sur le transit, les grains de froment étranger déposés
directement, lors de leur arrivage en entrepôt de libre réexportation pourront
être convertis en farine (dite fleur de farine à l’américaine) dans les moulins
du pays, et continueront néanmoins à jouir du bénéfice de la libre
réexportation par mer, sous les conditions stipulées dans les articles
suivants.
« Toutefois, cette faculté ne sera accordée que
pour les grains reconnus de qualité bonne et marchande par l’administration des
douanes. »
M.
Demonceau – Messieurs, je désirerais
avoir une explication sur la disposition de l’article 1er ; si
les renseignements que j’ai reçus sont exacts, il n’y aurait que certains
établissements du pays qui pourraient profiter de cette disposition. Je
voudrais savoir si les établissements de la province de Liége sont en position
de profiter de cette faveur. Si mes souvenirs sont exacts, la loi du 31 mai
1828, qui a permis le dépôt en entrepôt de libre réexportation, ne serait
applicable qu’aux ports de mer : nous ne favoriserions donc qu’une petite
fraction des établissements du pays. Cette faveur ne pourrait-elle pas être
accordée à tous les établissements de
M. le ministre des finances (M. Desmaisières) – Messieurs, la loi générale de douanes a créé trois espèces
d’entrepôt. Il y a l’entrepôt public qui est établi dans un local fourni par la
commune ou par l’Etat, et se trouve fermé à deux clefs, dont l’une se trouve
entre les mains d’un garde-magasin nommé par le commerce, et dont l’autre est
entre les mains de l’administration. Nous avons ensuite l’entrepôt particulier,
qui est à peu près le même que l’entrepôt public, sauf que le magasin est
fourni avec l’agrément de l’administration, par le négociant lui-même qui tient
une des clefs. Il y a aussi l’entrepôt fictif dont il ne peut être question
ici, et qui ne s’applique qu’à certaines denrées, telles que les sucres, les
cuirs secs et quelques autres articles.
Le loi de
Il est clair, maintenant, qu’on ne pourrait accorder
cette faculté de réexportation en franchise des droits à d’autres localités
qu’aux villes principales de commerce maritime, ainsi que l’a prescrit la loi
de 1828.
On s’en tout d’abord que si l’on voulait accorder la
franchise d’exportation aux villes qui jouissent d’entrepôts publics ou
particuliers, mais auxquelles la loi de
Je crois que cela répond suffisamment à l’observation
de M. Demonceau. Je n’en dirai donc pas davantage.
M. Demonceau – Ce que vient de dire M. le ministre des finances répond à
mes observations, c’est-à-dire confirme l’opinion que j’ai émise, que le projet
de loi accorde une faveur aux établissements qui sont voisins des ports de mer.
Mais ne serait-il pas juste de donner à tous les établissements de
Je doit rendre cette justice à la chambre de commerce
d’Anvers et lui savoir gré d’avoir dit qu’il serait d’équité d’accorder la même
faveur à tous les établissements de
Voilà comment elle s’exprime :
« Art. 11. La réserve est contraire au principe
de liberté de commerce et d’entreposage libre. Pour concilier le but qu’on
s’est proposé avec les intérêts du commerce, on pourrait ajouter :
« Cette autorisation pourra néanmoins être
accordée, si le propriétaire du froment s’engage à faire moudre son grain et à
réintégrer l’équivalent en farine, pour autant toutefois qu’il fournisse un
cautionnement de la valeur entière de la partie du froment qu’il retire de
l’entrepôt. »
« Article additionnel – Comme il est d’un grand
intérêt de faire jouir de la même faveur que pour les arrivages par mer, les
arrivages par le chemin de fer, et ce d’autant plus que dans le cas contraire,
les pays circonvoisins ne manqueraient pas de nous imiter et de moudre le grain
chez eux, pour ensuite le transiter par notre pays au détriment des
établissements de mouture, il y aurait lieu d’insérer dans la loi un article
additionnel ainsi conçu :
« Les grains arrivant par terre jouiront comme
ceux arrivant par mer de toutes les faveurs accordées par la présente
loi. »
Je proposerais bien un amendement, mais vous comprenez
la position d’un membre quand il ne se sent pas appuyé par le ministre dans une
circonstance semblable. Je reconnais que, pour donner aux établissements des
frontières de terre la même faculté qu’à ceux qui avoisinent les ports de mer,
il y aurait de grandes précautions à prendre pour empêcher la fraude.
M.
d’Huart – C’est impossible.
M.
Demonceau – Je ne sais pas si la chose
est tout-à-fait impossible. A coup sûr la chambre de commerce d’Anvers ne l’a
pas considérée comme impossible ; et j’aime à croire qu’elle ne donne pas
son opinion à la légère. Je ne dis pas que la chose ne présente pas de grands
inconvénients, mais je considérerai la loi dont il s’agit comme une loi de
faveur, faite pour les établissements voisins des ports de mer, si l’on ne
donne pas à tous les établissements du pays la faculté de convertir les grains
en farine, autant que possible à conditions égales. Du reste, la loi étant
temporaire, les établissements dans l’intérêt desquels j’ai présenté mes
observations verront s’il y a lieu de réclamer dans le sens dans lequel je
viens de parler, car je n’ai reçu aucune réclamation de leur port.
Je ne présente pas d’amendement. Je laisse la chambre
voter l’article tel qu’il est, parce que M. le ministre pense qu’on ne peut
l’étendre ainsi que je le voudrais sans ouvrir une porte à la fraude.
M. Desmet – On a exprimé l’inquiétude qu’à la faveur du projet de loi
qui nous est soumis on ne fît entrer beaucoup de grains étrangers dans le pays.
Moi je crains que, dans un moment de détresse, on ne fasse sortir une grande
quantité de grains de notre pays. J’appuie sur ce point, parce nous n’avons pas
de commerce de grains dans le pays ; mais je crois que le projet aura pour
résultat de nous procurer ce commerce. Comme ce commerce ne doit pas se faire
seulement pour établir des relations avec les pays lointains, je crois qu’il
faut appuyer la proposition de M Demonceau, d’établir une sortie sur le
continent. Vous savez que dans certains moments, on peut faire un commerce de
grains très avantageux avec
M. d’Huart – D’après ce que j’ai entendu
dire, dans la discussion générale, il demeure incontestable que le but
principal de la loi est de favoriser la navigation de long cours ; cette seule
remarque répondrait donc suffisamment à l’objection de M. Demonceau ; en
effet, l’établissement d’entrepôts libres pour permettre l’importation et
l’exportation des grains par les frontières de terre, s’écarterait tout à fait
du but qu’on s’est proposé.
M.
Demonceau – On ira à Anvers.
M.
d’Huart – Je répondrai à cela tout à
l’heure.
Je dirai qu’il doit être évident pour tout le monde
que permettre l’importation et l’exportation des grains admis dans des
entrepôts nouveaux, c’est-à-dire qui ne se trouveraient pas dans des ports de
mer, ce serait ouvrir la porte la plus large à la fraude ; ce serait
renverser tous les principes de la législation sur les entrepôts. Ceux de mes
honorables collègues qui craignent la fraude malgré les mesures de précaution
consignées dans le projet ne manqueront certes point de repousser la
modification indiquée par l’honorable préopinant, puisqu’elle serait réellement
de nature à justifier de nouvelles craintes très fondées.
On vient de m’objecter qu’on exporterait de
l’intérieur par Anvers ; mais la loi n’y est nullement obstative. Si un
meunier de l’intérieur veut importer à l’entrepôt d’Anvers, l’emporter de là,
le moudre chez lui, puis rapporter la farine à l’entrepôt d’Anvers pour la
réexporter, il en aura la faculté, d’après l’article 1er de la
loi ; cet article le permet. Tous les meuniers de
Dans aucun pays, messieurs, il n’existe, je pense,
d’entrepôts de libre réexportation sur les frontières de terre ; et la loi
du 31 mars 1828 sur ces entrepôts n’a point créé la faculté d’en ouvrir.
Une partie des observations qu’on vient de présenter
comme ayant été suggérées par la chambre de commerce d’Anvers me semble trouver
une réponse dans ce que je viens de dire ; si des frais de transport par
les chemins de fer permettent de conduire, avec avantage, les grains vers Liége
ou vers un autre point pour les réduire là en farines, destinées à la
réexportation, on profitera de ces moyens de transport, et on réexportera ces
farines par les entrepôts d’Anvers, d’Ostende, ou de Bruges, comme feront les
localités qui se trouveront les plus rapprochées de ces ports.
M. Mast de
Vries – Je n’ai qu’un mot à ajouter à ce qui vient d’être dit ;
c’est que les établissements de mouture de Gand et de Bruxelles doivent prendre
les grains qu’ils veulent moudre à l’entrepôt d’Anvers. Si les établissements
d’autres localités se trouvent plus éloignés de l’entrepôt, ils pourront
peut-être encore soutenir la concurrence avec ceux de Bruxelles et de Gand,
parce que, sous d’autres rapports, ils se trouvent dans de conditions
meilleures. Le moindre prix du charbon, par exemple, pourra compenser la
différence des frais de transport. Les établissements qui ne se trouvent pas
sur le lieu même de l’entrepôt sont dans le cas cité par M. d’Huart.
M. Demonceau – J’ai trouvé beaucoup d’apaisement dans ce qu’a dit M.
d’Huart. Toutefois, il est toujours vrai que, pour mettre la province de Liége
et celle du Hainaut à même de profiter de la loi, les établissements en
activité dans ces provinces devront s’approvisionner dans les ports de
mer ; et si vous consultez les prix courants, il en résulte que les grains
venant par les frontières de terre coûtent parfois meilleur marché. D’ailleurs,
pourquoi ne pas permettre au moins l’importation des grains par les frontières
de terre, sauf à faire exporter les farines par les frontières maritimes ?
Je sais que l’on pourra aller chercher des grains à l’entrepôt d’Anvers
et y réintégrer la quantité correspondante de farine. Mais je sais aussi
qu’il ne sera guère possible de soutenir la concurrence. Vous aurez beau dire que
nous faisons des économies sur le charbon, ces économies ne peuvent jamais,
selon moi, compenser les frais à faire pour les transports.
M. Coghen – J’ai demandé la parole pour faire observer que les
établissements de la province de Liége sont dans la même position que les
autres. S’ils sont plus éloignés des entrepôts, ils ont l’avantage d’avoir le
charbon de bois et la main-d’œuvre à meilleur marché que dans le ports de mer.
Ils pourront donc jouir de la faveur de la loi, en faisant transporter les
grains à Liége ou à Châtelineau, comme on le fera à Bruxelles et à Gand.
L’importation par terre présenterait beaucoup
d’inconvénients et de dangers. Nous avons trop d’intérêt à protéger
l’agriculture, qui est la principale richesse du pays, pour nous exposer à ces
inconvénients-là.
M. A. Rodenbach – Je dois dire à l’honorable député de Verviers qu’il y a une
foule d’autres industries qui ne peuvent profiter des avantages de leur
position géographique. Cette loi assure de grands avantages aux ports de mer et
aux usines situées dans la banlieue des ports de mer. Mais il y a une foule
d’industrie, éloignées des ports de mer, qui ne pourront profiter de ces
avantages. Mais on ne peut se refuser à favoriser le commerce maritime et de
nouveaux établissements. Nous pouvons d’ailleurs le faire sans nuire à
l’agriculture ; car si les céréales indigènes sont au-dessus des céréales
exotiques, on pourra exporter vos céréales. Ce système est établi en France, en
Angleterre, en Amérique, partout pour ainsi dire, ou au moins dans tous les
pays où il y a des machines à vapeur et où on est à la hauteur de l’industrie.
On sait que les meuniers établis à 10, 15 ou 20 lieues des ports de mer ne
pourront exporter. Mais cela ne doit pas nous empêcher de favoriser les grands
établissements. Agir autrement, ce serait faire preuve de vues étroites.
M. Rogier – La loi que l’on discute n’est pas, dans les termes où elle
est rédigée, une loi de faveur complète pour les ports de mer. Le but est de
procurer au commerce des matières encombrantes pour l’exportation. Eh bien, si
l’on voulait faire une loi de faveur complète pour les ports maritimes, il
faudrait adopter la proposition indiquée par un préopinant, par l’honorable M
Demonceau, c’est-à-dire, admettre à l’entrée libre pour l’exportation, toute
espèce de grains, de quelque lieu qu’ils arrivent dans le pays. De cette
manière, vous multiplieriez les matières encombrantes que vous voulez donner au
commerce maritime.
Au lieu de cela, la mesure que l’on propose est, et,
je le crains bien, sera insuffisante. Vous n’admettez à l’exportation libre que
les farines provenant des biens admis par mer, à l’entrepôt libre ; mais
il faudrait aussi admettre les arrivages par rivière ou par terre.
Si les moulins de Liége pouvaient être assimilés aux
moulins d’Anvers et moudre les grains venant de
Et remarquez que si vous n’accordez pas cet avantage
aux moulins de Liége, ce qui ne se fera pas dans les moulins de Liége, pourra
se faire près de la frontière, dans les moulins simples. Rien n’empêchera, en
Prusse, et près de la frontière, de moudre les grains, de les transiter comme
farine et de les exporter. Ce sera donc une faveur que vous accorderez à la
mouture prussienne, au préjudice de la mouture belge.
On dit (et c’est le grand argument contre toutes les
lois de la nature) que cela est impossible, parce que la fraude inonderait
probablement le pays de grains étrangers. Mais il n’y aura pas plus de fraude
quand la mouture aura lieu dans les moulins de Liége que lorsqu’elle aura lieu
à quelques lieues de là sur le territoire prussien. Comme vous surveilleriez la
farine prussienne transitant dans le pays, vous pourrez surveiller la farine
des moulins belges dirigée sur Anvers. Sous ce rapport, le chemin de fer donne
à la surveillance des facilités que n’offre pas toute autre voie.
Il arrivera souvent qu’en n’admettant à la faveur de
la libre sortie que les farines provenant des grains venus par mer, il n’y aura
pas assez de grains pour alimenter les moulins avoisinants les ports de mer. Si
l’on veut que la loi atteigne complètement son but, il faut faciliter et
multiplier les arrivages de grains, pour faciliter et multiplier les moyens de
sortie.
Du reste, ceci n’est qu’une loi provisoire, qu’une loi
d’essai. Si elle n’atteint pas le but, on pourra l’éteindre. Si des intéressés
sont lésés, ils pourront réclamer, le gouvernement et la chambre mieux éclairée
pourront donner à la loi une extension que je regrette pour ma part de ne pas
lui voir donner dès à présent.
M. Mercier – Je pense qu’il serait très
dangereux de donner de l'extension à la loi dans le sens indiqué par le
préopinant ; nous ne devons pas perdre de vue qu’il est en Belgique une
industrie qui domine toutes les autres et qui mérite toute notre
sollicitude : c’est l’industrie agricole dont les intérêts ne doivent pas
être compromis.
On a été obligé d’accorder aux agriculteurs, par
mesure exceptionnelle, de grandes facilités pour circuler dans le rayon de la
douane, avec les produits du sol, parce que la culture serait en quelque sorte
impossible, si toutes les mesures préventives auxquelles sont soumises les
autres marchandises leur étaient appliquées. Des fraudes considérables seraient
donc à craindre, s’il y avait aux frontières des transports continuels de
céréales.
Par ces considérations, je m’oppose à toute extension
que l’on voudrait donner au projet de loi. Je me verrais forcé de lui refuser
mon assentiment si les dispositions qu’elle contient au profit de l’industrie
et du commerce étaient étendues de manière à porter préjudice à l’agriculture.
M. Eloy de Burdinne – Plus vous multiplierez l’industrie de la farine à
l’américaine, plus vous aurez des 22 p.c. qui resteront dans le pays.
Quant au projet d’étendre cette industrie dans la province
de Liége, je doute qu’elle soit exécutable ; ces localités sont trop
éloignées des ports de mer ; les frais de transport de la matière première
seraient trop considérables. C’est d’ailleurs une illusion que de croire qu’on
pourrait convertir en farine à l’américaine les blés de
On nous a dit que la province de Liége pourrait être
dans le cas d’exercer cette industrie, parce que le combustible y est à
meilleur compte. Mais la houille y est au moins aussi cher qu’à Anvers et le
bois y coûte un tiers plus cher.
- L’article 1er est mis aux voix et adopté.
« Art. 2. L’entrepositaire qui désirera jouir de
cette faculté devra en adresser la demande au ministre des finances, avec
indication du nom ou de la raison de commerce du lieu de situation de
l'établissement dans lequel il se propose de faire moudre le grain, lequel,
dans aucun cas, ne pourra être situé dans la distance de
« Le même établissement ne pourra retirer de
l’entrepôt une quantité supérieure à celle de 3,000 hectolitres de froment, et
aucune demande nouvelle, jusqu’à concurrence dudit chiffre, ne pourra être
admise, avant que le froment retiré ait été remplacé en tout ou en partie par
une quantité équivalente de farine, conformément à l’article 4 ci-après.
« Dans aucun cas, la quantité de froment à
retirer de l’entrepôt ne pourra être supérieure aux moyens de trituration des
moulins dont il s’agit de moudre le grain retiré, et cela, et égard au délai
fixé en conformité de l’article 3 §2 ci-après. »
M. Eloy de Burdinne – Je vais encore m’appuyer
sur l’avis de la chambre de commerce d’Anvers, pour introduire une modification
à l’article 2.
Je ne puis donner mon assentiment au second paragraphe
de cet article, qu’en y introduisant la disposition suivante : « Il
ne sera accordé la faculté de retirer de l’entrepôt les froments étrangers, que
contre l’équivalent en farine. » La chambre de commerce d’Anvers en a
proposé la faculté ; mais je voudrais que cette disposition fût
obligatoire. C’est un moyen d’éviter les fraudes que l’on pourrait commettre,
en retirant des entrepôts en aussi grande quantité à la fois, que 3,000
hectolitres ou 24,000 kilogrammes ; ce qui, au prix actuel, représentent
une valeur de plus de 66,000 francs.
La disposition que je propose évitera des entraves au
commerce et des embarras à l’administration des douanes. Je vous ferai
remarquer que la chambre de commerce d’Anvers n’y a trouvé aucun
inconvénient ; et certes cette chambre de commerce s’intéresse plus au
projet de loi, au moins en apparence. Je crois qu’en adoptant cette opinion on
simplifierait singulièrement la loi et qu’on éviterait beaucoup de chances d’abus.
Voici, messieurs, ce que la chambre de commerce
d’Anvers dit à cet égard :
« L’obligation de s’adresser au ministère pour
retirer le froment de l’entrepôt peut donner lieu à des entraves préjudiciables
pour les industriels ; il serait donc préférable de borner les formalités
à une simple déclaration faite à l’administration des douanes ; mais pour
rendre l’opération encore plus facile, on ne devrait permettre de retirer de
l’entrepôt le froment étranger que contre la remise d’une quantité équivalente
de farine. A la vérité, il en résulterait souvent que la première partie de
farine déposée à l’entrepôt proviendrait de froment indigène qui serait ainsi
remplacé dans la consommation par du froment étranger, mais cela ne saurait
nuire à l’économie de la loi, ni à l’agriculture, qui ne pourrait au contraire
qu’y gagner. »
- L’amendement est appuyé.
M. Mast de
Vries, rapporteur – Messieurs, je ferai
remarquer à l’honorable membre que l’avis de la chambre de commerce d’Anvers
qu’il vient de citer portait sur le projet primitif, lequel accordait six mois
pour opérer la réintégration. Aujourd’hui ce ne sont plus 6 mois mais deux mois
seulement qu’on l’on accorde. La possibilité de faire des spéculations au moyen
des 3,000 hectolitres retirés de l’entrepôt est donc considérablement diminuée,
sinon entièrement détruire. Quoi qu’il en soit, si l’honorable membre pense que
le délai de 2 mois est trop long, je crois qu’il aurait beaucoup mieux fait de
proposer un délai plus court.
M. Eloy de Burdinne – Je ferai remarquer à l’honorable préopinant que la
circonstance que le terme pour la réintégration des farines dans l’entrepôt a
été abrogée ne change rien à la question : qu’il y ait six mois ou qu’il
n’y en ait que deux, il est certain qu’il y aura toujours moyen de faire la
fraude. Toutefois, si mon amendement n’obtenait pas l’assentiment de la
chambre, je dirais qu’il ne faut pas laisser pendant deux mois 3,000
hectolitres de blé à la disposition des industries, et je demanderais que le
terme fût raccourci. Vous savez, messieurs, que les moulins à vapeur peuvent
moudre 3,000 hectolitres en 8 ou 10 jours de temps, et dès lors il n’est pas
nécessaire de leur donner deux mois.
Je ne conçois pas, messieurs, quel inconvénient il
peut y avoir que l’on remette immédiatement à l’entrepôt une quantité de farine
équivalente à la quantité du blé qu’on en retire ; si les industriels ne
veulent pas retirer 3,000 hectolitres à la fois, ils en retireront moins, ils
n’en retireront que 100 ou 200, et quand ils auront moulu cette partie, ils
reviendront prendre une autre portion de blé en échange de la farine qu’ils
auront obtenu.
Quant à moi, aussi bien dans l’intérêt de cette
industrie, que dans l’intérêt de l'agriculture, je crois devoir maintenir la
proposition que j’ai eu l’honneur de faire à la chambre.
M. d’Huart – Si je comprends bien
l’amendement de l’honorable M. Eloy de Burdinne, il veut fixer un maximum de la
quantité de froment que l’on pourrait retirer de l’entrepôt, en y déposant
ultérieurement l’équivalent en farine. Eh bien, l’article 3 fixe ce maximum.
L’honorable membre veut-il, au contraire, donner à l’importateur la faculté
d’échanger à l’instant contre une quantité de 3,000 hectolitres de grains
étrangers la farine provenant d’une semblable quantité de blés indigènes ?
Si c’est là le but que se propose l’honorable membre, l’article 2 laisse encore
cette faculté aux industriels. Cet article porte en effet :
« Le même établissement ne pourra retirer de
l’entrepôt une quantité supérieur à celle de 3,000 hectolitres de froment, et
aucune demande nouvelle, jusqu’à concurrence dudit chiffre, ne pourra être
admise, avant que le froment retiré ait
été remplacé en tout ou en partie, par une quantité équivalente de farine,
conformément à l’article 4 ci-après. »
Je suppose donc qu’un importateur dépose, aujourd’hui
« 3,000 hectolitres de froment dans l’entrepôt libre d’Anvers, et qu’il
veuille, quelques jours après, venir l’enlever en y substituant une quantité
correspondante de farine, provenant de n’importe quel blé ; je ne vois pas
ce qui pourrait s’opposer à ce que cela se fasse..
Je pense donc que l’amendement est complètement
inutile ; car, si j’ai bien compris l’honorable membre, le projet, tel
qu’il est connu, fait entièrement droit à ses observations.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je crois, messieurs, que la
pensée de l’honorable M. de Burdinne est que, du moment où l’on retirerait de
l’entrepôt, une certaine quantité de blé, on devra immédiatement y déposer une
quantité correspondante de farine. Il résulterait donc de l’amendement de
l’honorable membre l’obligation pour le meunier de faire une avance en farine.
Cela s’écarte de l’objet du projet de loi qui est de faciliter la conversion du
blé étranger en farine, tandis qu’avec le système de l'honorable M. de
Burdinne, il faudrait commencer par convertir du blé indigène en farine pour
pouvoir échanger ensuite cette farine contre du blé étranger. Il résulterait de
là que lorsque l’exportation du blé serait défendue, il faudrait faire des
avances considérables de farine, ce qui ferait de suite crier à l’accaparement
du blé.
Remarquez bien, messieurs, que les observations de la
chambre de commerce d’Anvers qui ont été invoquées par l’honorable membre, ont
été faites lorsque le projet accordait six mois pour la réintégration de la
farine dans l’entrepôt ; aujourd’hui, il ne s’agit plus que d’accorder
deux mois, et il faut supposer que pendant ce temps on ne pourrait guère
spéculer sur la hausse ou la baisse au moyen des grains extraits de
l’entrepôt ; si toutefois l’on craignait encore cet inconvénient, il y
aurait un moyen, ce serait de permettre le recensement au moulin ; de
cette manière l’administration pourrait toujours s’assurer que le meunier qui a
été prendre du grain à l’entrepôt, ne l’a pas livré à la consommation, mais
qu’il n’a conservé dans ses greniers.
Je ne sais si cette précaution est bien nécessaire, vu
la courte durée du temps pendant lequel le blé reste à la disposition du
meunier. Je ne fais que l’indiquer pour le cas où l’on aurait des inquiétudes à
cet égard.
M. Coghen – Je voulais, messieurs, faire les mêmes observations que M.
le ministre de l'intérieur ; je n’ajouterai que peu de mots.
L’honorable M. Eloy de Burdinne voudrait qu’avant de
pouvoir retirer du grain de l’entrepôt pour le livrer à la trituration, on fût
obligé d’y déposer une quantité équivalente de farines provenant de blés
achetés dans le but ; son but est, dit-il, de dégager la loi de toutes les
formalités qu’elle prescrit. Moi, messieurs, je demande au contraire que toutes
ces formalités soient maintenues comme des garanties pour l’agriculture cette
loi est très forte, très sévère, et elle doit être telle dans l’intérêt du
pays ; je ne donnerai jamais mon assentiment à ce qu’on en retranche la
moindre stipulation de garantie pour l’Etat et surtout pour l’agriculture, que
je défends, parce qu’elle est la première richesse du pays.
Accorder au commerce des facilités pour la mouture du
grain étranger, lorsque le prix du grain ne permet pas de la moudre pour
l’exportation, c’est là une mesure qui est tout à fait dans l’intérêt du
pays : la navigation intérieure, la navigation d’importation, la
navigation d’exportation, la consommation du combustible, la main-d’œuvre, tout
y gagnera ; mais pour que la loi puisse avoir de la durée, il faut qu’elle
soit forte, sévère, qu’elle prévienne la fraude ; sans cela elle ne
tarderait pas à être rapportée, ce qui serait funeste aux intérêts généraux du
pays.
M. Eloy de Burdinne – Je partage l’opinion de l’honorable préopinant que le
gouvernement doit prendre toutes les mesures propres à empêcher la
fraude ; je suis aussi d’avis qu’il ne faut écarter de la loi aucune des
dispositions qui ont pour objet de prévenir la fraude ; mais je crois que
c’est faciliter la fraude que de stipuler trop de formalités. Eh bien,
messieurs, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire tout à l’heure, vous
pourriez beaucoup simplifier la loi en adoptant la mesure indiquée par la
chambre de commerce d’Anvers et qui obligerait les meuniers à faire l’avance de
100 ou 200 hectolitres de farine.
Si cette avance était encore trop forte, on pourrait
se borner à exiger l’avance du droit de la quantité de froment retirée de
l’entrepôt ; alors au moins l’Etat aurait une garantie, et on ne ferait
que traiter le commerce comme on traite l’agriculture ; car, avant de
récolter le grain, l’agriculture a payé l’impôt. On n’attend pas, en effet, que
la récolte soit faite pour percevoir la contribution foncière. Pourquoi donc
trouver mille inconvénients dans une proposition qui ne ferait en quelque sorte
qu’assimiler le commerce à l’agriculture ? pourquoi ne pas traiter l’une
comme on traite l’autre ?
Je le répète, messieurs, si vous autorisiez les
meuniers à retirer de l’entrepôt 3,000 hectolitres de blé sans y déposer une
quantité équivalente de farine, vous verrez qu’il en résultera des
inconvénients graves.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – La proposition de
l'honorable préopinant ne pas paraît pas admissible, dans les termes dans
lesquels il l’a formulée. Cependant il y aurait moyen de faire droit à son
observation, en ajoutant une disposition à la suite du premier paragraphe de
l’article 4, et qui consisterait à dire que « la même quantité de grain
qui aurait été retirée de l’entrepôt devra être reproduite aux agents de
l’administration dans l’établissement de mouture, soit en nature, soit en
farine, jusqu’à réintégration à l’entrepôt de libre exportation. »
Voici les motifs de cette disposition : Comme les
droits d’entrée et de sortie sur les blés varient suivant le prix de la denrée,
il pourrait arriver que dans une localité où il y aurait plusieurs moulins pour
l’exportation des farines, on voulût, après avoir retiré toutes les quantités
permises par la loi, jouer à la hausse ou à la baisse, de manière à déranger le
prix naturel des céréales. La disposition que je viens d’indiquer rendrait
cette manœuvre impossible.
M. d’Huart – Si M. le ministre de l'intérieur
croit devoir proposer l’amendement qu’il vient de mentionner, je le prierai de
le déposer sur le bureau, pour qu’il soit imprimé, et que nous ayons le temps
de l’examiner.
Messieurs, cet amendement a une portée très
grande ; il tend à donner le droit d’exercice aux employés dans les
établissements, c’est-à-dire que les employés du fisc pourraient se transporter
à tout instant dans les différents moulins, et faire le recensement des grains
et des farines qui se trouveraient dans l’établissement.
J’entends dire, à mes côtés, que la loi sera ainsi
plus forte ; la loi est déjà assez sévère, et il n’est pas nécessaire de
la renforcer d’une disposition nouvelle, qui serait peut-être considérée comme
tellement rigoureuse, que beaucoup d’industriels qui auraient eu l’intention de
se livrer au commerce que nous voulons favoriser, reculeraient devant les
exercices des agents du fisc.
Il est donc prudent que l’amendement de M. le ministre
de l'intérieur soit déposé et imprimé, afin que nous puissions l’examiner à
loisir.
J’ajouterai que je ne vois pas la nécessité de la
disposition présentée par l’honorable M. Eloy de Burdinne. Si je la comprends
bien, elle a pour but de garantir le paiement des droits ; or, les droits
ne sauraient être éludés, puisque l’administration sera toujours détentrice,
aux termes de la loi, d’un cautionnement suffisant pour couvrir toutes les
fraudes. Je demanderai à l’auteur de l’amendement comment l’apurement du compte
se terminerait en définitive ? l’exportateur se trouverait toujours en
avance de 3,000 hectolitres de farine dans l’entrepôt public ; et que
ferait-il de cette quantité lorsqu’il cesserait ou suspendrait le commerce de
farine ? peut-être l’obligerait-on ainsi par le fait à la livrer à la
consommation intérieure, alors que le prix des céréales pourrait être
extrêmement bas dans le pays, et dans ce cas la proposition de l'honorable M.
Eloy de Burdinne n’irait-elle pas en sens inverse du coût qu’il se
propose ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je ne pense pas
que l’exercice auquel donnerait lieu mon amendement, puisse jamais être
embarrassant pour les meuniers, puisque cela ne porte que sur la simple
vérification des quantités de grain. Il ne s’agirait, d’ailleurs, que des
établissements qui feraient usage du bénéfice de la loi.
M. Cogels – Messieurs, je crois que l’amendement de M. le ministre de
l'intérieur n’attendrait pas tout à fait le but qu’il se propose. Car, comme un
établissement très considérable est dans le cas d’avoir à travailler pour
plusieurs industriels à la fois, il pourrait arriver que l’établissement ne
contînt pas précisément la quantité de grain qui aurait été extraie de
l’entrepôt libre ; il pourrait en avoir quelquefois plus et quelquefois
moins ; il serait donc impossible de constater l’identité dans ce cas.
M. Mercier – Messieurs, je ne sais pas
si j’ai bien saisi la pensée de l’honorable M Eloy, mais je sais très bien quel
est le danger qui peut exister, si l’on n’adopte pas l’amendement de M. le
ministre de l'intérieur ; ce danger, le voici : c’est que les 3,000
hectolitres de grains retirés de l’entrepôt libre de réexportation pourraient être momentanément livrés à la
consommation intérieure, dans un but de spéculation, pour ménager, par exemple
une baisse considérable et jeter dans le commerce des céréales une perturbation
dont profiterait certains agioteurs au détriment des agriculteurs. Eh bien, on
évitera ce danger, en adoptant l’amendement proposé.
L’honorable M Cogels a fait l’observation qu’on
trouvera quelquefois dans l’établissement de mouture plus de grain qu’on n’en
aurait retiré de l’entrepôt. Assurément il n’y aura pas eu abus si la quantité
de grains est égale ou supérieure à celle qui sera sortie de l’entrepôt ;
mais si elle était inférieure à cette quantité, il y aurait abus, et c’est cet
abus qu’il importe de réprimer.
Comme l’administration ne fera pas convoyer le grain
sortant des entrepôts, les substitutions dont on a parlé, se feront dans
quelques cas, mais la loi a prévu cette éventualité, en stipulant que la farine
devra être de bonne qualité.
Quant aux recensements, je crois qu’ils seront fort
rares ; ils n’auront bien certainement lieu qu’en cas de suspicion de
fraude ; et l’on peut avoir la confiance qu’ils ne se feront jamais d’une
manière vexatoire pour les propriétaires des établissements de mouture.
M. Demonceau – Messieurs, je me permettrai de faire à la chambre une
observation qui peut-être abrégera la discussion. Il me semble que nous
raisonnons dans la supposition que nous faisons une loi définitive ; mais
nous ne faisons, je pense, qu’une loi temporaire, pour parer à l’inconvénient
d’une autre loi temporaire que nous avons faire précédemment, et par laquelle
nous avons permis la libre introduction des blés étranger et défendu
l’exportation des blés du pays. Quel mal y aurait-il si même sous l’empire de
la loi que nous allons faire, il passait quelques portions de farine dans le
pays ? il n’y en aurait aucun ; nous atteindrons au contraire le but
que nous avons voulu atteindre par la loi dont je viens de faire mention ;
remarquez que, d’après la dernière disposition du projet, cette loi n’aura pas
plus de durée que la loi qui prohibe l’exportation. Ainsi, vous voyez que vous
ne devez rien craindre de la fraude qu’on suppose devoir se pratiquer dans
l’intervalle, puisque l’on peut introduire toute espèce de grain pour la
consommation intérieure.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, j’ai demandé la
parole pour déclarer à la chambre, que la loi ne devrait pas être limitée au 1er
janvier prochain ; ce ne serait alors qu’une loi d’essai pour 9
mois ; or, le projet a été présentée depuis à peu près un an ; et
nous pensions qu’il conviendrait de fixer le terme de la loi, au 1er
janvier 1842, pour rester dans les prévisions primitives du projet. La loi qui
nous occupe ne se rapporte pas exclusivement à la loi qui interdit la sortie
des blés ; mais elle se rapporte aussi à la loi de 1834, qui fixe
différents droits sur l’importation et l’exportation des blés, suivant leur
valeur.
M. Demonceau – Je retire les observations que je viens de faire, si l’on
est disposé à introduire un amendement dans l’article d’après lequel j’ai
raisonné.
M. le président – M. le ministre de l'intérieur propose-t-il un
amendement ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Je ne l’ai pas encore
proposé ; je le déposerai, lorsque nous en serons à l’article 4.
Personne ne demandant plus la parole, l’article 2 est
mis aux voix et adopté.
M.
de Foere – Messieurs, les députés de
la chambre en France, usant de leur droit d’initiative, avaient présenté à la
législature française, un projet de loi tendant à majorer les droits, déjà
exorbitants, sur les tissus et fils de lins étrangers. Cette proposition n’a
pas été accueillie par la chambre des députés en France. Mes collègues et moi,
nous retirons en conséquence la proposition dont nous avons eu l’honneur de
vous donner lecture dans la séance du 29 du mois dernier. L’effet doit cesser
avec sa cause ; notre proposition n’était qu’un émanation de la
proposition française. Elle n’était, dans notre opinion, ni une mesure d’hostilité
ni même une mesure de représailles. Ces termes appliqués à l’espèce sont mal
choisis. Nous considérons ces mesures comme de simples moyens de réciprocité
qui existe implicitement dans les tarifs de douanes internationales. Si d’une
part, une nation déroge à cette réciprocité, qui est plus ou moins établie,
l’autre nation a le droit de la rétablir. Elle puise ce droit et dans son
indépendance et dans le principe de la conservation de soi-même.
Messieurs , le véritable intérêt du pays n’est pas
dans les traités de commerce et de navigation conclus ou à conclure avec les
nations qui nous avoisinent, traités que souvent on invoque dans cette chambre
comme un remède au mal qui nous ronge ; presque toute l’importance des
intérêts industriels du pays est dans le tarif de douanes de ces nations
avoisinantes. Ces tarifs doivent attirer toute votre attention.
Cependant le ministère français a promis aux députés,
auteurs de la proposition, de présenter, dans l’éventualité des négociations
entamées avec l’Angleterre, un projet de loi sur la matière. Si ce projet est
de nature à nuire à notre industrie linière, mes collègues et moi, signataires
de la proposition que nous propositions de convertir en projet de loi, de notre
côté, nous nous réservons la faculté de faire usage, dans ce cas, de notre
droit d’initiative pour vous soumettre une proposition nouvelle, appropriée aux
dispositions nuisibles que le projet de loi français pourrait renfermer.
M. le président – Il est donné acte de la proposition à laquelle on vient de
faire allusion est retirée.
M. Cools – Messieurs, parmi les objets
que la chambre a mis hier à l’ordre du jour, se trouve le projet de loi sur les
chemins vicinaux. Tout le monde est d’accord que c’est une des lois les plus
importantes dont la législature ait eu à s’occuper jusqu’ici. Quelques articles
en ont déjà été votés dans la session précédente. Mais il est à remarquer que
la chambre actuelle n’est plus la chambre de l’année dernière, il y a
aujourd’hui 14 membres nouveaux dans l’assemblée. Quant à moi, je regrette que
la chambre ait pris une décision aussi brusque sur un objet aussi important. Ce
n’est qu’hier que nous avons reçu les pièces, et la discussion du projet commencera
après-demain. Il est impossible que les nouveaux membres de la chambre puissent
se former en si peu de temps une opinion arrêtée sur le projet.
Je demande qu’on décide que la discussion sera reprise
à l’article 1er. Comme la section centrale n’est plus une émanation de la
chambre actuelle, que deux de ses membres ne font même plus partie de la cg, je
demande qu’elle continue l’examen de la loi comme commission spéciale, et que
le bureau soit invité à la compléter en y adjoignant deux nouveaux membres. De
cette manière elle aura le temps de préparer les modifications qu’elle pourra
juger à propos de proposer, la discussion ne devant commencer que dans un ou
deux jours.
Plusieurs
membres – L’ordre du jour !
l’ordre du jour !
M. le président – La section centrale a été complétée d’après une décision de
la chambre, et un nouveau rapporteur a été nommé. On donc préjugé que la section centrale
continuerait ses fonctions.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – La discussion du projet de
loi sur les chemins vicinaux a été fixée ; mais cette discussion ne
marchera pas si rapidement, que chacun ne puisse avoir le temps de se rendre
compte de la partie des diverses propositions.
M. Cools – La question à été résolue
quant à l’époque où commencera la discussion, mais non quant à la marche qu’on
y suivra pour cette discussion. Je demande qu’on décide si on reprendra la
discussion au point où on était resté, ou bien à l’article premier.
M. le président – C’est au moment de la discussion que votre motion pourra se
produire.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Cette question a été
résolue ; les travaux de la chambre se continuent, se reprennent au point
où on les avait laissés, quand il n’y a qu’un renouvellement partiel.
M. le président– Ce n’est qu’en cas de dissolution que les travaux commencés
ne sont pas suivis par la nouvelle chambre.
M. Cools – Je dois cependant faire sentir
qu’on suivra une mauvaise marche si on ne décide pas qu’on recommencera la
discussion de cette loi. Les premiers articles renferment les principes ;
si vous ne les remettez pas en discussion, une majorité contraire à ces
principes pourra se former sur les corollaires, et quand on arrivera au vote
final, on ne pourra pas obtenir de résultat.
Il est à remarquer d’ailleurs, que ces articles ont
été votés sous une grande préoccupation ; tout le monde savait que le roi
Guillaume venait d’acquiescer au traité, et l’honorable M. Lebeau fit observer
qu’on ne pouvait pas s’occuper de cette discussion au milieu de semblables
circonstances. En trois séances 13 articles ont été votés. On a été si
rapidement, qu’une question de principe a été décidée contrairement à l’opinion
exprimée par tous les orateurs qui ont pris la parole. Il faut revenir au
premier article de la loi.
M. A. Rodenbach – Tous les nouveaux députés auront le temps d’examiner ce qui
a été fait d’ici à après-demain, que doit avoir lieu la discussion de cette
loi ; car nous avons encore à voter la loi sur la refonde des monnaies.
Tous les nouveaux membres ont suivi les travaux de la chambre, savent ce qui
s’est passé. Quant à l’honorable membre, il se rappelle si bien les
particularités de cette première discussion, qu’il doit l’avoir suivie très
attentivement. Je suppose que tous les hommes politiques, que tous les hommes
qui se destinaient aux affaires publiques connaissent plus ou moins ce projet
de loi.
M. Dubus (aîné) – Je pense que lorsque la chambre abordera la discussion de la
loi sur les chemins vicinaux, il se sera écoulé un temps suffisant pour que les
pièces puissent être distribuées et pour que les nouveaux membres puissent se
mettre au courant de toutes les questions que cette loi soulève. Quant à celle
agitée par l’honorable M. Cools de savoir si on recommencera à l’article
premier, j’avoue que cette question présente une difficulté. Mais je ne pense
pas que nous puissions la décider incidemment à une loi qui n’y a aucun
rapport. La motion est intempestive. Je ne vois pas la nécessité décider cette
question maintenant. Elle le sera quand nous aurons terminé la loi qui nous
occupe. Nous y réfléchirons et nous la résoudrons quand le moment en sera venu.
Quelque part que prenne la chambre, cela ne pourra pas
tirer à conséquence, parce que tous les articles votés ayant subi des
amendements, seront remis en discussion au second vote. Toutes les questions se
trouvent, selon moi, entières.
Je désire que la question soulevée ne soit pas décidée
maintenant.
M. Cools – Je n’aurai pas interrompu
la discussion pour présenter ma motion ; c’est parce qu’une autre motion
venait d’être faite, que j’ai fait la mienne.
Je me rallie, du reste, à la proposition de M. Dubus,
en me réservant de renouveler ma proposition, lorsqu’on abordera la discussion
de la loi à laquelle elle se rapporte.
PROJET DE LOI
TENDANT A AUTORISER
Discussion des
articles
Article 3
« Art. 3. Après qu’il en aura obtenu
l’autorisation, il sera admis à retirer de l’entrepôt, soit en une, soit en
plusieurs parties successives, jusqu’à concurrence du maximum de 3,000
hectolitres, la quantité par lui déclarée au bureau des douanes, sous bonne et
valable caution, savoir : quand il existe des droits d’entrée en vertu de
la loi sur les céréales, pour le montant double du droit d’importation, au taux
du jour de l’enlèvement ; ou, lorsqu’il y a libre entrée ou prohibition à
la sortie, pour le montant double du droit le moins élevé, établi par ladite
loi, à l’entrée du froment, ou en cas de prohibition à l’entrée, pour le double
de la valeur du blé retiré ; l’intéressé sera tenu de livrer, pour chaque
partie de l’entrepôt, une ou plusieurs passavants à caution dans lesquels on
inscrira :
« 1° La quantité de grains à laquelle il se
rapporte ;
« 2° Le délai endéans lequel les farines à provenir
de ces grains devront être réintégrées dans l’entrepôt.
« Cette expédition sera du reste assujettie aux
formalités et conditions ordinaires prescrites par la loi sur les
douanes. »
- Adopté.
« Art. 4. Il sera tenu, dans l’entrepôt ; un
compte courant spécial pour chaque entrepositaire, admis à user de la faculté
prémentionnée, dans lequel on inscrira, d’une part, les quantités de grains qui
lui seront régulièrement délivrées de la manière ci-dessus prescrite, et
d’autre part, le retour à l’entrepôt des farines provenant de ces grains,
lesquelles devront y être reproduites dans la proportion de
« L’entrepositaire aura la faculté, quant au son,
de le réexporter ou de le conserver dans le pays, et, dans ce dernier cas,
moyennant un droit de 10 centimes par
« Toute l’opération, depuis le premier enlèvement
des grains jusqu’à la rentrée des farines en entrepôt, devra être achevée dans
le terme de deux mois au plus, pour chaque déclaration admise.
« La reproduction des farines et du son devra
toujours s’effectuer par parties dont la quantité corresponde à celle des
grains compris, soit dans un seul et même passavant-à-caution, soit plusieurs à
la fois. »
M. Eloy de Burdinne propose d’ajouer à la suite du
premier paragraphe la disposition suivante :
« Quand le prix de l’hectolitre de froment sera
porté à 24 francs et au-dessus, et quand l’hectolitre de froment sera coté
en-dessous de 20 francs, il sera réintroduit en entrepôt
M. le ministre de l’intérieur propose l’addition
suivante également au premier paragraphe de cet article :
« Une quantité de grains égale à celle qui aura
été retirée de l’entrepôt devra être reproduite aux agents de l’administration
dans l’établissement de mouture, soit en nature, soit en farine, ou il devra
être justifié de la réintégration à l’entrepôt de libre exportation. »
(Moniteur n°37
du 6 février 1840) M. Eloy de Burdinne – Messieurs, nous avons à nous prononcer sur un projet de loi
qui modifie les dispositions de la loi du 31 mars 1828 (Journal officiel, n°10)
sur les entrepôts généraux de libre réexportation, et de celle du 18 juin 1836,
sur le transit.
La modification réclame est d’autoriser à convertir en
farine les froments étranger déposés en entrepôt, et de les exporter sans droit
par mer, sous des conditions stipulées dans ladite loi ; entre autres
parmi exportant
Si le commerce exportait le même poids en farine que
celui du froment introduit sans droit ou extrait des entrepôts, et que l’ion
pût s’assurer que nulle substitution, nulle fraude n’aurait lieu, je serais le
premier à appuyer le projet du gouvernement qui nous est soumis, par le motif
que ce serait favoriser une branche d’industrie existante en Belgique, mais non
la créer comme quelques personnes le croient.
Depuis plusieurs années, cette industrie existe ;
pour prouver ce que j’avance, il me suffira de vous rappeler qu’on a arrêté à
Anvers, il y a environ un an, des farines destinées pour l’Amérique (si mes
renseignements sont exacts), et cela à l’époque où le prix du froment, étant
parvenu à 24 francs, il était prohibé à la sortie, ainsi que la farine provenant
de la même espèce de grain, au terme de la loi du 31 juillet 1834, et ces
farines provenaient du froment indigène ou bien du froment exotique qui avait
payé un droit d’entrée de 37 francs par mille kilogrammes.
Je prie la chambre de bien remarquer qu’au terme de
l’article 4 du projet de loi, on fixe à 78 p.c. la quantité de farine à
exporter, de manière que 22 p.c. seront livrés à la consommation intérieure
moyennant un droit de 10 centimes par
Je dois faire remarquer que j’ai fait cette
observation au gouvernement, et que M. le directeur du commerce m’a dit que
c’était une erreur.
La section centrale a été d’avis de confirmer
l’erreur, malgré les observations que je lui fis, en ma qualité de membre
délégué par la cinquième section. En de sa part, il résulte des dispositions de
l’article 4 que, moyennant 10 centimes, on pourra introduire en Belgique
Un autre inconvénient est signalé par les chambres de
commerces et les commissions d’agriculture ; elles craignent, ces
chambres, que l’on introduise de la farine, des fèves de chevaux, des pois, de
la fécule de pomme de terre, des os pulvérisés et autres matières, et dans la
supposition où on introduise de ces matières à raison de vingt pour cent
ajoutés aux vingt-deux pour cent autorisés par l’article 4 du projet, il
résultera que quarante pour cent environ du froment étranger seront introduits
en Belgique en franchise de droit, au détriment du trésor et de l'industrie
agricole.
Si le projet de loi qui vous est présenté n’offrait
pour résultat désastreux que de nuire à l’agriculture, je désespérerais de
faire triompher la cause que je défends, mais j’en aperçois d’autres, je vais
vous les soumettre.
Dans le moment actuel, je doute que l’on introduise en
Belgique des grains étrangers, pour les convertir en farine et les exporter à
l’étranger.
C’est en Belgique, messieurs, que le grain est à
meilleur marché et si on le paie moins cher dans des contrées lointaines, les
frais de transport en feront monter le prix au taux où on le vend ici, et je
doute qu’on puisse se livrer, pour le moment, à cette espèce de commerce sans
quelque fraude. Je suis peu ou point versé dans cette industrie et je suis à
même de signaler tous les moyens qui pourraient être employés. J’en signalerai
cependant quelques-uns.
Ne pourrait-il pas se faire que des grains de qualité
médiocre, introduits en Belgique, soient jugés bons par la douane ; car
les employés des douanes peuvent être trompés sur la qualité ; les
marchands eux-mêmes le sont quelquefois.
La farine provenant de ces grains, étant de médiocre
qualité, sera remplacée par de la farine provenant de bon grain produit de
notre sol et exportée comme provenant de grains exotiques.
Cette farine moins nourrissante, celle principalement
provenant de grains germés ne donnant que la moitié de matière nutritive en
résultera que le consommateur devra consommer le double de cette espèce de
grains que l’espèce provenant de notre dernière récolte. Un autre danger :
il pourrait être introduit des grains avariés, en partie même consommés ;
et sans soupçonner le moins du monde les employés des douanes, il arrivera
qu’on en introduise soit mêlé avec du bon grain, soit musqué ; les
employés ne pourront visiter tellement bien les grains étrangers quand il en
arrivera de fortes quantités qu’ils soient dans le cas de s’assurer que toute
la cargaison est de bonne qualité. Eh bien, messieurs, ces grains seront livrés
à la consommation de nos habitants et notre bon grain converti en farine sera
exporté à l’étranger. Voilà, messieurs, à quoi nous nous exposons en adoptant
la proposition de loi qui nous est soumise.
Je n’ai pas la prétention de signaler tous les moyens
de fraude, mais, j’en suis bien persuadé, l’industrie en trouvera d’autres que
vous connaîtrez si la loi vient à obtenir l’assentiment des chambres.
L’esprit est fertile chez les hommes quand il s’agit
de gagner de l’argent ; nous en avons eu l’exemple bien désastreux pour le
trésor quand la loi sur la consommation du sucre a été portée : on devait s’attendre
à un produit de plus de 4 millions dans les 9 provinces ; ce chiffre a été
atteint dans le principe de la mise en vigueur de la loi, et onze ans après cet
impôt ne rapportait plus à l’Etat 300,000 francs ; à la vérité, la
loi sur les farines n’est rien moins qu’une loi fiscale, mais elle deviendra au
contraire une loi contraire à l’intérêt de l’Etat, et le privant d’un import,
et nuisible à l’agriculture.
Sans doute, messieurs, je partage l’opinion de la
majorité, toute industrie doit être favorisée, mais nulle ne doit l’être au
détriment de l'autre sans des motifs de haute importance.
L’agriculture, industrie mère et la plus importante en
Belgique peut-elle être compromise pour encourager une industrie qui
n’intéresse qu’une minime partie du pays tandis que l’agriculture intéresse le
pays tout entier.
Ne perdons pas de vue que le commerce et l’industrie,
qui fabrique pour la consommation du pays, souffrent ou prospèrent en
proportion de la prospérité plus ou moins forte de l’agriculture. Les agriculteurs
et les propriétaires étant les plus nombreux et ceux qui consomment le plus,
dès qu’ils sont gênés ils font éprouvés une perte sensible et au commerce et à
l’industrie, consommant moins de marchandises et de fabricats.
Serait-il rationnel, par exemple, de proposer la
restitution des droits sur le fer au fabricant de clous qui exporterait en
Amérique 78 p.c. de marchandises fabriquées avec du fer venant d’Angleterre, de
Suède ou de tout autre pays.
La forgerie belge se plaindrait amèrement si semblable
proposition était faite , et elle aurait raison ; vous l’écouteriez
favorablement ; je serait le premier à l’appuyer. Je me bornerai à ce seul
exemple, et j’en conclus que l’agriculture ne doit pas être plus mal traitée
que l’industrie métallurgique.
Nous avons un exemple qui dot nous tenir en garde sur
des opérations de l’espèce. L’impôt sur le sucre qui devait rapporter 4
millions à l’Etat, n’a rapporté en 1836 ou 1837 que 2 ou 300 mille francs,
tandis que le consommateur a payé 4 millions au moins l’impôt sur la
consommation du sucre ; et malgré une prime bien considérable en faveur
des raffineurs, vouant trop faire et vendant à l’étranger à trop bon marché
pour obtenir la préférence sur les raffineurs anglais et bataves, ils perdaient
en vendant à étranger ce qu’ils recevaient sur la consommation en Belgique. En
contestant l’opportunité de la loi, je crois pouvoir m’appuyer sur les avis des
chambres de commerce et des commissions d’agriculture pour repousser le projet
en discussion. La grande majorité de ces chambres et commissions signalent les
dangers et ne veulent pas de la loi. Pour s’en convaincre il ne s’agit que de
lire l’analyse de leurs mémoires.
Je vais les parcourir le plus rapidement
possible :
(L’orateur donne lecture de ces mémoires.)
D’après ce que vous venez d’entendre, messieurs,
croirez-vous que le projet de loi qui vous est soumis, soit de nature à ne pas
nuire au pays ; tel qu’il est, je le crois très dangereux et appelé à
produire des fruits très amers. Moyennant quelques modifications, on fera
disparaître certains inconvénients ; mais jamais on ne parviendra à les
faire disparaître tous.
Pour prouver ma sympathie pour l’industrie et le
commerce, j’aurai l’honneur de vous soumettre un amendement qui, avec l’aide de
vos lumières, corrigé, sous-amendé ou admis tel qu’il est, diminuera les
dangers que j’ai signalés.
On nous parle souvent des protections accordés à
l’agriculture ; il est curieux de faire cette comparaison avec ce qui est
accordé à la même industrie en France et en Angleterre.
En France, lorsque l’hectolitre de froment est coté à
20 francs, taux moyen, il paie un droit d’entrée de 4 francs 75 centimes par
hectolitre, soit 39 francs ½ centimes par
En Belgique, coté à 15 francs, il ne paie que 37
francs 50 centimes aussi les
En Angleterre le quarter, qui représente deux
hectolitres
En d’autres termes, quand le froment est venu en
Angleterre 28 francs l’hectolitre, il paie un droit d’entrée de 4 francs, somme
ronde, par chaque hectolitre qui entre en Angleterre, tandis que l’hectolitre
de froment, coté à 20 francs, entre en Belgique affranchi du droit de douane,
et que coté à 15 francs, il paie un droit de trois francs par hectolitre, un
franc en moins que lorsqu’il est coté en Angleterre à 28 francs.
En Russie on accorde une prime d’exportation sur les
farines provenant de froment indigène ; le ministre des finances russe
vient de publier une ordonnance par laquelle S.M. l’empereur accorde pendant
une espace de 7 ans, non seulement l’exportation libre d’impôt sur la farine de
froment, mais encore une prime d’exportation sur ces articles, qui sera, pour
les quatre premières années, de 30 copecks, pour la cinquième de 20, pour la
sixième de 15, et pour la septième de 10 copecks d’argent par tonneau du poids
de cinq à six puds.
D’après ce que vous venez d’entendre, vous êtes à même
de faire la comparaison de la protection accordée, en Belgique, à
l’agriculture, et vous conviendrez, avec moi, messieurs, que ce que l’on fait
en Belgique n’est réellement qu’un simulacre de protection en faveur de
l’agriculture ; encore cette protection lui est aussitôt enlevée qu’il
apparaît qu’elle est en train de prospérer. Dès que sa position s’améliore, de
suite on prend des dispositions pour arrêter cette prospérité ; en est-il
ainsi chez nos voisins moins intéressés à la prospérité de l'agriculture ?
bien certainement non, on ne modifie pas les lois de douanes, comme on le fait
en Belgique, au détriment de l’agriculture ; on sait en Angleterre et en
France apprécier l’industrie agricole, on sait la protéger.
En Belgique, on ne pense à cette industrie que pour la
pressurer lorsqu’elle est en voie de prospérité, et quand elle se trouve dans
la détresse, on se borne à lui accorder tout au plus un coup d’œil de piété et
on ne la charge pas moins d’impôt.
Par ces considérations je voterai contre la loi si on
n’y apporte pas des modifications telles qu’elle soit en rapport avec la loi du
31 juillet 1834.
Dans mon opinion, l’article 4 est l’article principal
de la loi, car, par suite de l’article 4, on pourra introduire dans le pays 22
p.c. de produits étrangers. Ces 22 p.c. viennent concourir avec les produits de
votre sol. Je vous demande s’il est rationnel de traiter les produits étrangers
mieux que les produits de votre sol ? Un cultivateur, pour produire 100
hectolitres de matière nutritive provenant de grains doit payer plus de 2
francs d’impôt à l’Etat. Eh bien, si les 22 p.c. excédant la farine à
réintégrer à l’entrepôt sont déversés dans la consommation, il en résultera que
vous traiterez plus favorablement les étrangers que vos propres concitoyens.
D’après l’opinion assez généralement répandue,
Aux termes de l’article 4 de la loi soumise à la
discussion, pour être déchargé du droit d’entrée de
Mais je ferai remarquer que pour 10 parties, qui
seront prises des grains belges, il en restera 32 provenant de l’étranger en
grosse farine, mais qui vaudront bien certainement de 20 à 25, en valeur de
farine fine. Si on ajoute des matières hétérogènes, telle que la craie, le
plâtre ou autre matière, qu’on assure introduite dans les farines pour les
approprier à l’américaine, et que la dose soit de 10 p.c., alors il y en aura
environ 40 p.c. de farine de grains étrangers qui resteront en Belgique, en
franchise de droit, au détriment du trésor, ce qui est le retrait de la loi sur
les céréales.
Vous avez vu, par la comparaison que j’ai faite du
tarif des douanes françaises avec les douanes belges, que la protection
accordée en France à l’agriculture est une véritable protection, tandis qu’en
Belgique, ce que l’on fait pour cette industrie, n’est qu’une légère faveur.
Vous aurez sans doute remarqué que, quand on accorde
un en Belgique, on accorde trois et même quatre, selon les circonstances, en
France ; en outre, que
En un mot, la loi sur les céréales est une vérité en
France.
En Belgique, la loi est un mensonge sous le rapport
des intérêts de l’agriculture ; elle n’est une vérité que sous le rapport
des intérêts du consommateur, et particulièrement du consommateur aisé, qui
consomme du pain de froment et qui boit de la bière d’orge, en même temps
qu’elle est encore plus favorable à l’industrie qui emploie l’orge et le
froment comme matière première.
M. Coghen – J’ai demandé la parole pour tâcher de calmer les craintes de
l’honorable M. Eloy de Burdinne. Cet honorable membre craint que le rendement
de 78 p.c. en farine à l’américaine ou fleur de farine, ne soit pas suffisant.
D’après les notions que je me suis fait donner, les évaluations les plus
élevées portent que la première qualité de grain donne, en farine à
l’américaine,
Voilà ce que donnent les évaluations les plus élevées.
Ainsi
Comme équivalent de ces
L’honorable membre craint qu’on altère la
qualité ; mais il avoue lui-même qu’il n’a pas l’habitude de ces sortes
d’affaires et qu’il ignore ce qui se passe à l’étranger.
C’est particulièrement aux Antilles, dans l’Amérique
du sud, à Rio, par exemple, et quelquefois dans les mers du Sud que l’on
exporte les farines. Ces pays sont d’une extrême exigence. Je puis dire que les
premiers essais, lorsque les Etats-Unis ne pouvaient pourvoir aux besoins de
l’Amérique du sud, ont été désastreux. Nous ne pouvions pas en Belgique, comme
aux Etats-Unis, comme au Havre, fournir ces qualités supérieures. Les qualités
supérieures pour notre pays n’ont pas été admises ; les farines ont été
jetées à la mer. L’expéditeur a perdu le fret et l’assurance, et au lieu de
recevoir un centime pour prix des marchandises, il a été obligé de payer ce
qu’elles ont coûté dans le pays.
J’ai cité ce fait uniquement pour prouver combien l’on
est difficile ; par conséquent, il n’y a pas à craindre qu’on altère cette
qualité par de la craie, par des fèves ou de la farine de pommes de terre.
Cette dernière spéculation serait mauvaise, puisque cette farine est plus chère
que celle de froment. Toutes ces craintes viennent à tomber à tomber par les
exigences du consommateur tropical et par la nécessité où nous sommes de
lui envoyer tout ce que nous avons de mieux.
On craint l’introduction de grains avariés ; on
craint que l’administration ne permette la déclaration de grains de qualité
inférieure. Le peu de fondement de ces craintes ressort des exigences dont je
viens de parler. L’administration fera son devoir, et tous ceux qui voudront
fabriquer de la farine à l’américaine savent bien qu’ils devront y employer des
grains de première qualité.
M. Desmet – Je dois m’opposer à l’amendement de M. le ministre de
l'intérieur. Je ne pourrai jamais consentir au retour de la loi néerlandaise
sur la mouture, surtout quand il n’y a aucune utilité. Quel est le but de la
loi ? Qu’une certaine quantité de farine soit exportée, qu’une certaine
quantité de grain entre dans le pays. L’honorable M. Coghen vient d’expliquer
que le rendement du grain, en farine de première qualité, non seulement n’est
pas de 78 p.c., mais qu’il n’est pas toujours de 60 p.c.
Quel est le but de l’amendement de M. le ministre de
l'intérieur ? C’est d’éviter que les spéculateurs de grain portent sur le
marché une trop grande quantité de grains et modifient ainsi le prix des
céréales. J’aurais compris l’amendement quand la loi était autre ; mais
aujourd’hui que le délai est de deux mois au lieu de six, que la quantité de
grains est de 3,000 hectolitres, il n’y a pas d’influence possible sur le
marché.
Je crois donc que l’amendement est inutile ; ce
serait le retour aux droits réunis de
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Je suis surpris que
l’honorable préopinant voie dans l’amendement que j’ai proposé un retour à
l’exercice oiseux qui a eu lieu sous l’empire de la loi sur la mouture ;
il n’y a aucune analogie entre les deux espèces de recensement dont il s’agit.
Sous le gouvernement des Pays-Bas, on pouvait faire la visite du moulin et de
toutes ses dépendances pour s’assurer si les grains et les farines qui s’y
trouvaient avaient payé l’accise ; le meunier pouvait s’attendre à toute
heure du jour et de nuit à telles perquisitions. D’après la disposition que
j’ai présentée il n’en sera pas de même. L’agent de l’administration des
finances se présentera ; le meunier lui fera voir les sacs de grains et de
farine ; si la quantité tirée de l’entrepôt existe, l’agent des finances
se retirera, sinon il dressera procès-verbal.
Le but de cette disposition est d’empêcher l’agiotage
au moyen de la faculté de disposer de ces 3,000 hectolitres de grains.
Je dois faire remarquer que les commissions d’enquête
d’Anvers et du Brabant ont indiqué cette mesure comme utile.
M. d’Huart – M. le ministre de
l'intérieur a raison d’indiquer une grande différence entre le droit d’exercice
qu’il propose d’attribuer à l’administration des finances, et les droits
analogues qui résultaient de la loi sur la mouture. Mais il n’en est pas moins
évident que les employés des finances auront le droit d’exercice dans les
établissements et qu’ils pourront s’y présenter à tous moments. Ils pourront,
lorsqu’ils le jugeront à propos, exiger des meuniers qu’ils leur représentent
la quantité de grains retirée des entrepôts qu’ils auront chez eux ; or,
je demanderai à M. le ministre quelle sanction il se propose de donner à ce
droit de visite ; je lui demanderait si les agents du fisc auront le droit
de s’introduire, soit la nuit, soit le jour, chez les meuniers sans
l’intervention du juge de paix ou de l’autorité communale.
De telles dispositions amèneront de graves inconvénients
et feront naître des procès, quoi qu’on en dise ; car il pourra arriver
qu’à l’instant même de la visite, partie des grains soit dirigée sur
l’entrepôt. Les agents du fisc ne
trouvant pas dans l’établissement même la quantité prise en charge à l’entrepôt,
il y aura procès-verbal et le propriétaire devra prouver que les grains étaient
en voie de transport légale. Voilà un cas ; il pourra s’en présenter
beaucoup d’autres.
Je ne vois, du reste, aucune utilité de la mesure.
L’honorable M. Desmet vient de le faire remarquer : maintenant qu’on a
déterminé un maximum de 3,000 hectolitres et un délai de 2 mois, dans lequel la
reproduction des quantités devra avoir lieu, il est impossible que les
spéculations que l’on craignait se réalisent, et qu’il arrive qu’au moyen de
3,000 hectolitres et dans un délai aussi restreint, il s’opère des baisses
subites tellement notables sur le prix des céréales, que de grands
accaparements puissent s’effectuer.
Les craintes que l’on a manifestées à cet égard me
semblent tout à fait exagérées, et je crois qu’il faut s’en tenir au projet,
qui présente, sous ce rapport, des garanties suffisantes.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Dans mon opinion, la
disposition proposée est utile pour le but qu’on veut atteindre.
L’administration se contentera des recensements faits
le jour. Quant à l’embarras pour le meunier, il sera très faible, puisqu’il
suffira d’inspecter les sacs de grains et de farine pour s’assurer qu’il n’y a
pas contravention.
En ce qui concerne les farines qui sont en voie de
transport ers l’entrepôt, il est clair qu’elles entreront en compte ; cela
ne peut donner lieu à aucune espèce de contestation.
Cette proposition a été faite pour donner des
apaisements à ceux qui craignent qu’on abuse de la loi. Persuadé qu’on est
porté, dans les objets de cette nature, à accuser ceux qui jouissent des
avantages accordés par la loi, j’ai cru utile que la loi contînt une garantie
absolue.
M. Coghen – Si j’ai bien compris M. le ministre de l'intérieur, la
mesure qu’il propose aurait pour but d’empêcher qu’on détourne les grains
destinés à l’exportation pour les livrer à la consommation ; je ne pense
pas, messieurs, que cela soit à craindre. Mais, il y a quelque chose que je
dois faire remarquer à M. le ministre. Son amendement porte que le grain devra
se retrouver « dans l’établissement » ; or, messieurs, les
établissements de ce genre que nous avons jusqu’ici sont bâtis sur des terrains
de 3 et 4 francs le pied ; malgré cela ils sont fort grands, mais ils ne
pourront pas suffire cependant pour renfermer toutes les farines qu’ils devront
produire ; il faudra nécessairement des annexes.
Je dois signaler un autre inconvénient qui résulterait
de l'amendement de M. le ministre. Jusqu’ici, messieurs, la mouture est encore
un secret et l’on n’est parvenu à connaître les moyens employés en France, et
surtout au Havre, que d’une manière extrêmement adroite. Si maintenant vous
donnez aux employés du fisc l’autorisation de pénétrer dans les moulins où l’on
fait usage de tout ce qu’il y a de plus perfectionné, bientôt le secret sera
divulgué, et les autres pays pourront nous enlever les progrès que nous avons
faits dans cette industrie nouvelle. Je crois donc que nous ferions bien de ne
pas adopter l’amendement de M. le ministre.
Je suis convaincu que les craintes qui l’on fait
proposer ne sont aucunement fondées.
M. Demonceau – Je pense, messieurs, qu’il y aurait des inconvénients à
adopter l’amendement de M. le ministre de l'intérieur. De deux choses
l’une : ou vous voulez que les
établissements qui font de la farine à l’américaine puisse travailler, ou vous
ne le voulez pas ; si vous voulez les mettre en position de pouvoir
travailler, il faut les laisser travailler librement. Il résulte des
renseignements qui nous ont été fournis à l’instant par MM. Coghen et Cogels,
que ces établissements n’entendent pas exporter uniquement de la farine
provenant du grain qu’ils importent, mais qu’ils entendent mêler le grain
étranger avec du grain indigène. N’avez-vous pas entendu, messieurs, que le
grain ne rend que 60 p.c. ; on devra exporter 78 p.c. ; il faudra
donc joindre au produit des blés étrangers de la farine provenant de blé
indigène. Ce qui en résultera, c’est que la plus mauvaise farine restera dans
le pays, car lorsqu’on a extrait du grain 60 p.c., lorsqu’on a bluté la
farine ce point-là, il ne peut plus
rester grand-chose de bon.
Quoi qu’il en soit, si l’on veut favoriser les
établissements dont il s’agit il faut leur laisser une certaine latitude, il
faut se confier à eux. D’ailleurs la loi que nous votons n’est qu’une loi
d’essai, elle n’est que temporaire ; si elle donne lieu à la fraude, le
gouvernement aura soin de ne pas en proposer le renouvellement.
Je pense donc, messieurs, qu’il ne faut pas soumettre
les établissements qui font de la farine aux inspections des agents du fisc,
car ce serait compromettre gravement leur position, non pas que je considère comme
un grand secret ce qui est relatif à la confection de la farine ; je crois
au contraire qu’elle se fait pour ainsi dire toute seule ; mais il
pourrait y avoir confusion, surtout lorsqu’un établissement travaillerait pour
différentes personnes ou pour l’exportation par divers ports de mer ;
alors, il ne serait pas toujours possible au meunier de reproduire les sacs
tels qu’ils auraient été retirés de l’entrepôt pour la réexportation.
D’ailleurs, messieurs, quelles seraient les peines que l’on infligerait en cas
d’irrégularité plus ou moins grave ? Faudrait-il recourir aux
tribunaux ? Prononcerait-on la confiscation dans certains cas ?
Infligerait-on l’amende dans d’autre cas, par exemple, lorsqu’il y aurait une
légère différence ? Je crois, messieurs, que l’amendement de M. le
ministre est dangereux et je l’engage à ne pas insister pour son adoption.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, je ne conçois
pas la crainte que l’on a manifestée que les employés des finances viennent
surprendre le secret des meuniers : cette crainte ne me paraît avoir plus
de fondement que la plupart des autres observations qui ont été faites contre
mon amendement ; mais une remarque faite par M. Coghen me semble ne pas
être sans importance : c’est celle que les bâtiments des établissements
dont il s’agit ne sont généralement pas assez vastes pour contenir toutes les
farines et que ces établissements ont besoin de succursales. D’après cette considération,
et vu la courte durée de la loi, je retirerai mon amendement. Si des plaintes
sont faites ou s’il y a des soupçons de fraude, on pourra prendre des mesures à
cet égard dans le prochain projet.
M. Eloy de Burdinne – On veut, messieurs, que la loi soit la plus libérale
possible, on ne veut aucune espèce de précaution ; les différents orateurs
qui ont combattu l’amendement de M. le ministre ont assez fait pressentir
qu’ils voudraient laisser à l’industrie dont il s’agit tous les moyens de tirer
de la loi le plus grand parti possible. Eh bien, messieurs, je pense, moi, que
cette industrie doit être surveillée avec la plus grande attention. Ce qui me
fait faire cette observation, c’est qu’un jour en raisonnant avec un homme
spécial dans cette industrie, un homme très instruit dans cette partie et qui
fait ce commerce, je lui faisais remarquer que les grains étant très chers en
Belgique, il serait nécessaire d’empêcher l’exportation des farines provenant
des blés étrangers, il me fut répondu par cet homme spécial que les farines,
dont je lui parlais n’étaient pas de débit en Belgique. J’ai fait depuis des
recherches pour savoir pour quel motif ces farines n’étaient pas de débit en
Belgique ; et savez-vous, messieurs, pourquoi ? C’est que les farines
que l’on expédie en Amérique renferment des matières hétérogènes, telles que de
la craie par exemple. Ce fait, messieurs, est reconnu par tous ceux qui se sont
donné la peine de prendre des renseignements à cet égard. Il n’est donc pas
étonnant que ces farines ne soient pas de débit en Belgique ; si elles
étaient pures, elles se vendraient en Belgique comme partout ailleurs.
- L’amendement de M. Eloy est mis aux voix ; il
n’est pas adopté.
L’article 4 est ensuite adopté.
Articles 5 et 6
« Art. 5. L’entrepositaire sera tenu au payement
immédiat du double droit d’importation au taux le plus élevé, constaté pendant
le délai de deux mois fixé pour la reproduction des farines, sur toutes les quantités
de grains qui, à l’expiration de ce délai, n’auront pas été dûment rapportées
en farines, à l’entrepôt ; mention de ce paiement sera, dans ce cas,
inscrite en décharge à son compte courant.
« S’il existait, ou s’il survenait, pendant le
cours de ce délai, une prohibition à l’importation de cette espèce de grains,
le droit dû serait exigé au taux de la double valeur des grains non reproduits
en farine.
« Si, au contraire, il survenait, ou s’il avait
liberté d’importation pendant ce délai, la somme à payer serait égale au double
du droit le moins élevé, établi par la loi des céréales à l’entrée du
froment. »
- Adopté.
« Art. 6. Une commission sera instituée par
arrêté royal à l’effet de procéder à l’expertise de l’espèce et de la qualité
des farines, présentées pour être réintégrées en entrepôt.
« Le même arrêté déterminera tout ce qui se
rattache à ladite expertise ainsi qu’aux marques ou barillage, etc., des
farines. Il règlera notamment :
« 1° La forme, les dimensions et le poids des
barils, ainsi que l’espèce des matériaux dont ils doivent être
construits ;
« 2° Les marques particulières à apposer sur les
barils, avant et après leur mise en usage, et les formalités à observer à cet
effet ;
« 3° Le degré de blutage obligatoire, le mode de
vérification de la qualité de farine, ainsi que la forme de l’expertise et de
la vérification auxquelles elle sera assujettie pour être réintroduite en
entrepôt et admise ultérieurement à la libre exportation.
« Les experts chargés de cette vérification
seront nommés par le gouvernement. Leur salaire, à charge de l’entrepositaire
ou de l’exportateur, sera pareillement déterminé par lui, et ne pourra excéder
25 centimes par baril de farine réintégrée en entrepôt/ »
- L’article 6 est mis aux voix et adopté.
« Art. 7. Toute substitution ou tout mélange de
matières hétérogènes aux farines présentées pour jouir du bénéfice de la libre
réexportation, seront punis, à charge de l’entrepositaire et de ses agents,
solidairement et sauf leur recours les uns envers les autres, d’une amende
égale à la double valeur, au taux des mercuriales, de toute la partie de la
farine dans laquelle la substitution ou la mélange aura été reconnu. »
M. Eloy de Burdinne – Messieurs, l’article 6 établit
la commission à instituer par arrêté royal, lequel arrêté déterminera tout ce
qui se rattachera à l’expertise.
Selon moi, c’est des bonnes dispositions, imposées à
la commission que dépendra l’exécution de la loi ; l’absence d’une bonne
mesure de précaution à imposer entraînera à des conséquences désastreuses.
Et, pour mon compte, je ne serai rassuré que quand je
connaîtrai les dispositions à suivre par les experts pour vérifier les farines.
Et, remarquez-le bien, messieurs, aux termes de
l’article 2 du projet de loi, on peut enlever à la fois 3,000 hectolitres de
froment, et, par suite, réintroduire la quantité de farine qui en proviendra,
ce qui représente une masse de barils qui, pour être convenablement vérifiée,
demandera un temps fort long, dont je doute qu’on lui consacrera parmi les 25
centimes pour la vérification de chacun d’eux.
En supposant que chaque baril de farine représente
deux hectolitres de froment, on pourra, à la fois, soumettre 1,500 barils à la
vérification. Si cette opération n’est pas faite avec une minutieuse
exactitude, il pourra en résulter des substitutions d’autres denrées, au
détriment du trésor et de l'agriculture, en laissant dans le pays des grains
étrangers en franchise de droit, qui, livrés à la consommation, feront dépréciés
les nôtres.
Selon moi, 25 centimes de salaire par baril sont une
rétribution trop minime.
Si on veut stimuler le zèle des experts, on doit leur
accorder une part dans les amendes et même une part dans les confiscations. Si
la chambre adopte une proposition que j’aurai l’honneur de lui soumettre à
l’article suivant :
L’article 7 veut que toute substitution ou tout
mélange de matières hétérogènes soit punie d’une amende, etc. etc.
Je demande qu’en outre la partie de la farine dans
laquelle la substitution ou le mélange ara été reconnue soi confisquées au
profit du gouvernement et de la commission instituée par l’article 6.
Je ferai remarquer qu’en faisant cette proposition, je
suis encore d’accord avec Anvers.
La commission d’agriculture de cette province demande,
comme moi, la confiscation en sus de l’amende.
Si on ne stimule pas le zèle des experts chargés de la
vérification des farines, opération difficile et qui demande infiniment de temps
par le motif que ce n’est pas seulement au-dessus ou au-dessous du baril qu’on
doit vérifier la farine, mais bien dans toutes les parties ; si on néglige
de faire complètement cette vérification, il pourrait se faire que le dessus et
le dessous du baril renfermeront de la bonne farine, tandis que le centre
renferme autre chose : telle, par exemple, que de la farine mélangée de
matières hétérogène, etc. etc.
En fait de fraude, vous le savez, on n’est pas
maladroit en Belgique.
J’ai puisé mes observations et mes propositions dans
des documents venus du commerce d’Anvers ; j’espère qu’on ne m’accusera
pas de trop d’exigence. On pourrait peut-être me faire le reproche
contraire ; au moins on ne me reprochera pas d’être opposé au commerce
d’Anvers.
M. le président – Proposez-vous un amendement ?
M. Eloy de Burdinne – Je vais le déposer.
M. le président – Voici l’amendement de M. Eloy de Burdinne :
« En cas de falsification des farines, elles
seront confisquées, et il sera alloué aux membres de la commission d’expertise
une part dans les amendes et dans les confiscations. Cette part sera d’un
quart. »
- L’amendement est mis aux voix et n’est pas adopté.
M.
Dubus (aîné) – L’observation ne se
rapporte pas à l’article 7 mais à l’article 6. Il s’agit dans ce dernier
article d’une commission qui sera instituée, à l’effet de procéder à
l’expertise de l’espèce et de la qualité des farines. Il y a trois ports
différents, et l’on ne parle dans l’article que d’une seule commission. A-t-on
l’intention de ne nommer qu’une seule commission ?
M. le ministre de l'intérieur et des affaires étrangères (M.
de Theux) – Messieurs, il est évident
que pour atteindre le but de la loi, il faudra plusieurs commissions ; il
est impossible, par exemple, que la commission d’Anvers se transporte à
Ostende, ou à Bruges. Il y aura une commission au moins pour chaque port.
L’article 7 est mis aux voix et adopté
« Art. 8. Les farines à réintégrer à l’entrepôt
ne seront ensuite admises à la réexportation que par le port de l’importation,
ou par un autre port où se trouve un entrepôt général de libre réexportation.
« Les farines de froment pourront, après leur
réintégration en entrepôt, être mises en consommation si la loi sur les
céréales en permet l’introduction, moyennant payement des droits d’entrée ou en
exemption des dits droits, lorsqu’il y aura libre importation de froment.
« Dans aucun cas, elles ne pourront être
entreposées, et par suite admises à la réexportation, que pour autant qu’elles
auront été reconnues par les experts réunies les conditions requises à cet
effet par la présente loi. »
M.
d’Huart – Messieurs, il est facile de
voir que la garantie principale contre la fraude réside dans l’institution des
commissions qui seront créées en vertu de l’article 6. On conçoit en effet
qu’au moment où les farines sont réintégrées à l’entrepôt, une commission bien
composée peut aisément constater si elles sont mélangées de matières
hétérogènes ou s’il existe un mélange de ces dernières.
Aux termes du premier paragraphe de l’article en
discussion, l’on veut permettre la réexportation du froment non seulement par
le port d’importation, mais encore de ce dernier sur un autre port où se
trouvera un entrepôt général de libre exportation.
Or, la garantie dont je viens de parler échapperait en
grande partie dans ce système ; pour faire bien comprendre mon observation,
je supposerai qu’un importateur, ayant déposé à l’entrepôt public d’Anvers 3000
hectolitres de froment, y revienne un mois après apurer sa prise en charge pour
la quantité voulue de farine ; la commission vérifie et reconnaît que la
farine représentée a les qualités nécessaires pour être admise à l’entrepôt.
Postérieurement, en cas d’adoption du paragraphe premier, cette farine peut
être dirigée de l’entrepôt d’Anvers sur l’entrepôt de Bruges et d’Ostende, et
alors, il ne reste plus que deux garanties secondaires, celle des plombs que
l’administration de la douane apposera sur les barils, et celle du convoyage
des employés ; or, vous reconnaîtrez avec moi que ces deux garanties sont
loin d’être suffisantes, surtout lorsqu’il s’agit d’un trajet à l’intérieur
fort long ; il pourra se faire des substitutions en route, substitutions
dont il serait assez facile de citer des exemples, car vous vous rappellerez
tous que plus d’une fois l’on a signalé dans cette enceinte la fraude analogue
qui se fait sur les importations de sel et d’autres marchandises.
Je dis donc que la garantie principale que vous aviez
dans l’examen que la commission doit faire au moment de la réintégration de la
farine à l’entrepôt ; que cette garantie vous échappe en grande partie,
puisque vous abandonnez au convoyage de simples employés l’exportation de la
marchandise.
Il faudrait par conséquent que le premier paragraphe
de l’article 8 fût modifié en ce sens que les farines ne seraient réexportées
que par le seul port d’importation, en non pas d’un port d’importation sur un
autre.
Je dirai encore deux mots pour justifier cette
modification. Je crois qu’en réalité elle ne nuira pas au commerce car les
exportateurs savent sans aucun doute par quel port ils veulent réexporter la
marchandise, et prennent dès lors leurs mesures d’avance pour entrer par le
port de mer par lequel ils sont dans l’intention de faire l’exportation.
Dans tous les cas, je crains bien que les avantages
fort minimes qu’on nous signalera, pour justifier l’extension du paragraphe
premier, ne compensent nullement le préjudice qui en résulterait.
M. le ministre de l'intérieur et des affaires
étrangères (M. de Theux) – Messieurs, dans le projet primitif,
l’on exigeait que la réexportation eût lieu par le port d’importation ;
mais il a été fait des observations contre cette disposition, notamment par la
chambre de commerce d’Ostende.
Il est facile de concevoir qu’en demandant la
réexportation par un autre port, on a eu en vue de maintenir la concurrence de
la navigation entre les divers ports du pays. Je ferai une autre remarque. Je
suppose qu’un moulin soit établi à Gand, qui est un point intermédiaire entre
Ostende et Anvers, que les grains aient été importés par Ostende et que le
meunier ait une occasion plus prompte pour expédier ses farines par Anvers, si
vous exigez que les farines soient exportées par les entrepôts d’où les grains
ont été tirés, vous privez le meunier d’une occasion favorable d’exportation.
Voilà les raisons qui m’ont paru déterminantes pour laisser la faculté
d’exporter indifféremment par l’un ou l’autre port.
M. Mercier – Le but de la disposition
qui nous occupe n’a pas été d’autoriser le transport des farines d’un entrepôt
à un autre ; je suis autorisé à croire qu’on a voulu uniquement accorder
la faculté de diriger de l’établissement de mouture les farines sur un autre
entrepôt que celui dont on a tiré les grains. Cependant je conviens que,d’après
les termes dans lesquels l’article est conçu, on pourrait se méprendre, et que
par conséquent les craintes de l'honorable d’Huart étaient fondées ; mais
elles seraient dissipées si on faisait l’adjonction suivante au paragraphe en
discussion :
« Lorsque les farines seront dirigées de
l’établissement de mouture vers ce dernier port. »
De cette manière, l’intention de M. d’Huart, conforme
sans doute au vœu du rédacteur de la loi, serait remplie.
Je ferai toutefois remarquer que, malgré le convoyage,
l’administration, d’après la législation existante, conserve toujours le droit
de procéder à la vérification, quand elle soupçonne la fraude. Seulement, dans
ce cas, les frais de vérification tombent à sa charge, si la fraude n’existe
pas.
Du reste, comme je suis persuadé que la faculté de
pouvoir transférer des farines d’un port de mer à un autre serait sans utilité
réelle pour le commerce, tandis qu’elle pourrait inquiéter l’agriculture en
faisant naître la possibilité de fraude, si une double vérification n’était
prescrite par la loi, mon opinion est qu’on peut, sans le moindre inconvénient,
adopter la disposition supplétive que j’ai proposée au paragraphe en
discussion.
M. d’Huart – Il est évident, comme
vient du reste de le reconnaître l’honorable préopinant, que d’après la
rédaction de l’article 8, les farines devant être « réintégrées dans
l’entrepôt », et pouvant de là être « réexportées » par le
transport d’un entrepôt à un autre, nous tomberions dans les inconvénients du
convoyage et perdrions les garanties réelles de l’institution créée par
l’article 6. mais du moment qu’on assure, par une disposition différente, cette
garantie que je n’aurai vu affaiblir qu’à regret, mon but est rempli ; en
un mot, que les farines des grains entrés par l’entrepôt d’Anvers seront
réexportées par le bureau d’Ostende, pourvu que là se fasse la vérification de
la farine, je suis disposé à l’admettre ; ainsi donc l’amendement de M.
Mercier remplira le but que je m’étais proposé en présentant mes observations.
M. Donny – Je n’ai demandé la parole que pour faire observer combien il
était facile de faire disparaître les craintes dont on était préoccupé, attendu qu’il y aurait auprès de
chaque entrepôt d’exportation une commission de vérification des farines.
M.
d’Huart – Pour rectifier
convenablement la rédaction, il faudrait faire encore une légère modification
au premier paragraphe de l’article 8. Il faut dire :
« Les farines à réintégrer en entrepôt ; etc. (c’est-à-dire dans un entrepôt quelconque
de libre exportation) : au lieu de dire : les farines à réintégrer à l’entrepôt, etc. (où l’entrée a été
constatée).
M. Demonceau – J’appuie l’amendement proposé ; mais j’y trouve un
inconvénient, et je me permets de le signaler. Si vous l’adoptez, il en
résultera qu’on ne pourra pas transporter de farine d’un entrepôt à l’autre, ce
qui pourra être fâcheux.
Une fois la farine réintégrée dans l’entrepôt, on ne
pourra plus le faire sortir que par le port où l’entrepôt se trouve. Si on
avait besoin de farine à Ostende pour compléter un chargement et qu’il n’y en
eût qu’à l’entrepôt d’Anvers, on ne pourrait pas en faire venir. Il faudrait
aviser une autre rédaction qui prévît cet inconvénient.
M. Mercier – La mesure réclamée par
l’honorable préopinant n’a été sollicitée par aucun intéressé. On a bien
demandé la faculté d’expédier la farine vers un entrepôt autre que celui d’où
le grain est tiré, mais non de le transporter d’un entrepôt à un autre. Une
fois qu’on aura fait arriver des farines dans un port de mer, on ne les fera
pas voyager d’un entrepôt à un autre ; l’usage d’une telle faculté, si
elle existait serait extrêmement rare, si tant est qu’on y eût jamais recours.
M. Mast de
Vries – Je pense aussi qu’il est utile qu’on puisse transporter des
farines d’un entrepôt à un autre. Le but de la loi est de donner les moyens de
compléter les cargaisons. Si l’entrepôt d’Ostende est sans farine, et qu’on en
ait besoin dans ce port, il faudra bien en faire venir de l’entrepôt d’Anvers,
s’il n’y en a que là ; car le navire ne peut pas aller d’Ostende à Anvers
pour compléter son chargement. C’est dans l’intérêt des deux ports et de la
navigation que cette faculté de transporter les farines d’un port à l’autre
doit être laissée.
M. d’Huart – On trouve qu’il pourrait
être avantageux de transférer des farines d’un port à l’autre. C’est une
erreur, ce fait est impossible, attendu que les frais de transport seraient
toujours trop dispendieux pour qu’on le fît. Il faut voir ce qui se passe dans
la réalité. Si les marchands de farines veulent compléter un chargement
quelconque dans tel ou tel port, les établissement où se fabriquera les farines
étant en activité, il en sera aisément dirigé sur ce port.
En fait donc, il n’y a pas nécessité d’introduire la
disposition. Qu’on veuille donc prendre égard à ce que j’ai dit de la fraude
qui se ferait dans un trajet intérieur aussi étendu que celui d’un de nos ports
à l’autre ; car il importe de donner au moins à l’agriculture des
garanties raisonnables ; il importe aussi de les donner au commerce loyal
qui est intéressé à ce qu’il n’y ait pas de fraude et auquel il est
indispensable, pour s’étendre à l’étranger, que sa bonne réputation ne soit pas
à la merci de ceux qui abuseraient de la loi.
Pour me résumer, je dirai que les inconvénients de la
faculté qu’on demande sont évidents ; quant à l’usage de cette faculté, il
ne serait probablement jamais consacré que par des motifs de fraude que nous
devons prévenir avec des lois.
M.
Dubus (aîné) – Toutes les opinions peuvent
se concilier, en ajoutant la disposition suivante : « L’expertise
voulue par l’article 6 se fera toujours au lieu d’exportation. »
De cette manière, on aurait toute garantie contre les
inconvénients qu’on craint, et on laisserait la faculté de diriger d’un
entrepôt à un autre.
M. Coghen – Cet amendement présentera de grandes difficultés. La loi
veut qu’avant de retirer de nouveau trois mille hectolitres, on réintègre les
farines représentant le froment retiré d’abord, et il faut que l’expertise ait lieu.
Je crois qu’on pourrait déclarer qu’il sera facultatif au gouvernement de faire
faire une nouvelle expertise au lieu de sortie. Cela donnerait toute garantie.
M. Demonceau – Mes observations m’ont été suggérées par l’honorable M.
d’Huart. Il avait raisonné comme si l’on devait abuser de la loi. Je devais
croire qu’on ne ferait pas un transport d’un entrepôt à un autre dans le but de
frauder. Il me semble qu’il est convaincu qu’on ne le fera que pour frauder.
S’il devait en être ainsi, il faudrait l’empêcher.
Cependant, les observations de M. le rapporteur et de M. Coghen tendent à
laisser pleine liberté aux armateurs. L’utilité de cette faculté n’est pas
grande, mais cependant elle peut être avantageuse en ce qu’elle facilitera les
moyens de remplir un chargement.
Si on adoptait le système de M. Dubus, celui de la
double vérification on sera à l’abri de toute espèce de fraude que craint M.
d’Huart ; car si, en allant d’un port à l’autre, il y a vérification au
moment de l’exportation, la fraude est impossible ; vous parez à tous les
inconvénients et vous laissez au commerce la liberté d’agir comme il
l’entendra.
M. Mercier – Si la précaution qu’on veut
avoir de faire transporter d’un entrepôt à l’autre est nécessaire pour les
farines, il faut ici appliquer cette mesure aux autres marchandises. Dans
l’état actuel, les marchandises déposées en entrepôts de libre réexportation
doivent être réexportés par le port de l'importation ; on conçoit facilement
le motif de cette restriction ; on a bien pu accorder cette faveur insigne
aux marchandises ainsi entreposées ; mais on n’a pas permis de les faire
transporter dans tout le pays, à cause des facilités de fraude auxquelles cette
circulation devait donner lieu ; je ne vois pas de motif pour faire une
exception en faveur des farines ; les raisons qu’on a données en ce qui
les concerne, s’appliquent également à toutes les autres marchandises, et je ne
pense pas qu’il entre dans les intentions de la chambre de modifier
incidemment, et sans un examen approfondi, tout le système des entrepôts de
libre réexportation.
- L’amendement de M. Mercier est mis aux voix et
adopté.
L’article 8 est adopté avec cet amendement.
Articles 9 à 11
« Art. 9. La réexportation de farines demeure
soumise à toutes les obligations, conditions et formalités prévues par la loi
du 18 juin 1836 sur le transit, ainsi qu’aux pénalités qu’elle applique aux
contraventions en matière de transit, suivant le cas dans lequel ces mêmes
contraventions seraient constatées. »
- Adopté.
« Art. 10. il est réservé au gouvernement de
refuser l’autorisation mentionnée à l’article 3 de la présente loi, dans le cas
oùil y aurait prohibition de froment à la sortie. »
- Adopté.
« Art. 11 et dernier. La présente loi n’aura
d’effet que jusqu’au premier avril 1842. »
- Adopté.
Vote sur
l’ensemble de la loi
Il est procédé au vote par appel nominal sur
l’ensemble de la loi.
En voici le résultat.
54 membres y prennent part.
49 votent pour l’adoption.
5 votent contre.
La chambre adopte.
Ont voté pour l’adoption : MM. Brabant, Coghen,
Coppieters, de Behr, de Brouckere, de Foere, de Florisone, de Langhe,
Demonceau, de Nef, de Roo, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux,
de Villegas, d’Huart, Donny, Dubois, Dubus (aîné), Dumortier, Duvivier, Fallon,
Hye-Hoys, Lange, Mast de Vries, Mercier, Morel-Danheel, Nothomb, Peeters,
Pirmez, Polfvliet, Puissant, Raikem, A. Rodenbach, Sigart, Thienpont, Ullens,
Vandenhove, Vanderbelen, Vilain XIIII, Wallaert, Willmar, Zoude, Cogels.
Ont voté contre : MM. de Renesse, de Sécus, Eloy
de Burdinne, Milcamps, Simons.
La séance est levée à quatre trois quarts.