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Chambres des représentants de Belgique
Séance du samedi 6 juin 1840

(Moniteur belge n°139 du 7 juin 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. Lejeune fait l’appel nominal à midi et quart.

M. B. Dubus lit le procès-verbal de la séance précédente ; la rédaction en est adoptée.

Projet de loi portant un transfert au budget de la guerre de 1839

Rapport de la section centrale

M. Brabant dépose le rapport de la commission qui a été chargée d’examiner le projet de loi tendant à autoriser des transferts au budget de la guerre de l’exercice de 1839.

- La chambre ordonne l’impression et la distribution du rapport, et en fixe la discussion après celle des projets qui se trouvent à l’ordre du jour.

Projet de loi autorisant l'établissement d'une ligne de bateaux à vapeur vers les Etats-Unis

Motion d’ordre

M. de Garcia – Messieurs, quelques chambres de commerce nous ont adressé des pétitions relativement au projet de loi tendant à autoriser le gouvernement à favoriser l’établissement d’un service de bateaux à vapeur ; au nombre de ces chambres de commerce se trouvaient celles d’Anvers, de Liége et de Verviers, ces pétitions ont été insérées au Moniteur ; une autre pétition de la même nature m’a été adressée hier par la chambre de commerce d’Ostende ; je demanderai qu’elle soit aussi insérée au Moniteur, afin que tous les membres de la chambre puissent en prendre connaissance d’ici à lundi, jour où aura lieu probablement la discussion du projet de loi dont il s’agit.

- L’insertion au Moniteur est ordonnée.

Motion d'ordre

Levée des sequestres, en exécution du traité du 19 avril 1839

M. de Theux – Messieurs, je regrette beaucoup de n’avoir pu assister au commencement de la séance d’hier ; j’aurais répondu immédiatement à quelques observations faites par l’honorable M. Meeus, relativement au changement qui aurait été apporté à un article concernant le séquestre. Chacun de vous a pu croire, messieurs, que c’était un article du traité du 15 novembre 1831, qui avait été modifié dans le traité de 19 avril, mais il n’en est rien ; le texte de l’article du traité du 19 avril est mot pour mot le même que celui de l’article correspondant du traité du 15 novembre 1831, et l’honorable M. Meeus conviendra avec moi que ce sont les 18 articles qui ont été modifiés par le traité du 15 novembre, et non pas le traité du 15 novembre par celui du 19 avril.

Il m’importe, messieurs, de donner quelques explications sur la modification qui a été introduite en 1831. Dans les bases de séparation du 27 janvier 1831, il était stipulé que le séquestre apposé sur les biens patrimoniaux de la maison d’Orange en Belgique serait levé, mais il n’y était question qu’aucun séquestre en Hollande. Cependant, dans les 18 articles, il y eut un changement de rédaction à cet égard ; il y fut dit que le séquestre apposé sur les biens particuliers dans les deux pays serait levés ; mais le cabinet de La Haye s’empressa de protester contre cette rédaction des 18 articles, en ce qui concernait le séquestre : dans sa protestation du 12 juillet 1831, il dit qu’il n’existait en Hollande aucun séquestre politique, aucun séquestre sur des biens de particuliers ; il fit observer en outre que ces mots « biens particuliers » semblaient exclure la levée du séquestre apposé sur les biens patrimoniaux de la maison d’Orange.

Vous savez, messieurs, que cette protestation demeura sans effet parce que l’invasion du mois d’août 1831 eut pour conséquence la mise à néant des 18 articles. Je ne sais pour quel motif la question du séquestre n’a plus été traités spécialement avant le traité des 24 articles, du 15 novembre ; je n’étais point alors au ministère ; toutefois j’ai lieu de m’étonner qu’aujourd’hui seulement on vient, au nom de la société générale, soulever cette observation qui eût mieux trouvé sa place dans la discussion du traité du 15 novembre 1831, mais alors pas un mot n’a été dit à cet égard. Remarquez en outre, messieurs, que lorsqu’en 1833, sous le ministère de M. Goblet, le traité du 15 novembre 1831 fut soumis en quelque sorte à une révision, à Londres, aucune demande ne fut adressée de la part de la société générale au gouvernement belge, qui s’abstint aussi de donner des instructions à son plénipotentiaire pour réclamer de ce chef dans la négociation qui était pendante ; on n’a donc pas parlé du séquestre non plus qu’en 1838, parce qu’alors aussi les bons offices du gouvernement n’avaient pas été réclamés par la société générale.

Mais, messieurs, je ferai remarquer que si l’on prend attention à la protestation du 27 juillet 1831, émanée du plénipotentiaire néerlandais, on verra que le gouvernement des Pays-Bas n’a point considéré comme un séquestre politique la saisie des biens domaniaux de la société générale situés en Hollande. Le gouvernement n’est point en possession des actes en vertu desquels la saisie a été opérée en Hollande ; j’ignore si l’administration de la société générale les possède, mais il est probable que le gouvernement hollandais n’a nullement envisagé ces actes comme constituant un séquestre politique, mais plutôt comme un moyen d’assurer le payement de la part revenant à la Hollande dans les redevances que la société générale devait au royaume des Pays-Bas, du chef des domaines situés tant en Hollande qu’en Belgique.

Envisagée sous ce point de vue, la question du partage des redevances est une question à débattre entre les deux gouvernements.

Mais les plénipotentiaires de la conférence de Londres n’ont pas cru devoir s’en occuper parce qu’ils considéraient cela comme un point d’exécution entre les deux gouvernements. Donc les deux gouvernements auront à s’entendre, et aussitôt qu’ils se seront entends, je ne doute aucunement que la société générale ne rentre dans la jouissance de ses biens.

Je ferai en outre connaître à l’assemblée qu’au mois de février dernier, lorsque l’honorable M. Meeus me parla des difficultés suscitées par le gouvernement des Pays-Bas à la société générale, je lui fis remarquer la différence qu’il y a entre les stipulations du traité du 15 novembre 1831 et celle des 18 articles et que j’ajoutai même que si la société générale trouvait à propos de l’adresser au département des affaires étrangères, je n’hésiterais pas à réclamer officiellement la levée du séquestre sauf, à attendre la réponse du gouvernement hollandais, pour voir s’il y aurait lieu à insister davantage pour la levée immédiate dans le cas où on considérerait la saisie comme un séquestre politique. La question du partage des redevances dues par la société générale au ci-devant Royaume-Uni des Pays-Bas, du chef des domaines situés tant en Hollande qu’en Belgique, a déjà été soulevée sous notre ministère. Cette affaire a sous doute été traitée aussi par le ministère actuel, et je ne puis douter qu’elle ne soit terminée à la satisfaction du gouvernement, comme de la société générale, et que celle-ci ne soit remise ne possession de ses domaines.

M. Meeus – Je m’étais effectivement trompé, messieurs, en disant que le traité du 15 novembre 1831 avait été modifié par le traité du 19 avril ; ce sont les 18 articles qui avaient parlé des séquestres apposés dans les deux pays, et c’est dans le traité du 15 novembre que cette stipulation a été modifiée. Cela ne m’étonne pas du reste, car lorsque les commissaires hollandais ont avancé à la conférence qu’il n’avait point été apposé de séquestre en Hollande, le gouvernement belge devait ignorer qu’il en fût autrement, car la société générale ignorait elle-même la saisie qui avait été faite en Hollande, mais lorsqu’en dernier lieu on a changé le traité de 1831, le gouvernement devait certainement savoir que les biens de la société générale avaient été saisis en Hollande, puisque, dans le rapport de l'honorable M. Fallon, qui avait le compte de la société générale, on a déduit le montant de leurs saisies en Hollande. Ainsi le gouvernement, la chambre, le pays tout entier savaient aussi bien que la société générale que les biens de celle-ci avaient été saisis et qu’elle n’en percevait pas les revenus et dès lors il eût été très utile de faire insérer de nouveau dans le dernier traité la stipulation des 18 articles, car remarquez-le bien, il s’agit ici d’un séquestre (ou d’une saisie comme vous voulez l’appeler) plus qu’à l’ordinaire ; il s’agit d’un séquestre ou d’une saisie politique.

Après tout que fait la Hollande ? Elle se paie sur les biens de la société générale d’une partie de la redevance, et de quelle redevance ? De la redevance due à la liste civile et qui appartient également à la Belgique et à la Hollande. C’est donc en définitive une espèce de saisie ou de séquestre politique, et c’est surtout dans l’intérêt de la Belgique qu’il importait que les expressions des 18 articles fussent reproduites dans le dernier traité ; pour la société générale la chose est bien moins importante, car la société générale ne peut pas payer deux fois, et si l’on a saisi chaque année 450 mille florins de ses revenus, elle devra bien dans tous les cas possibles payer 450 mille florins de moins. Ainsi, messieurs, quand j’ai invoqué hier la stipulation non du traité du 15 novembre (je m’étais trompé), mais des 18 articles, je n’ai fait en définitive qu’une chose qui est tout à fait dans les intérêts de la Belgique et aujourd’hui je pense que le gouvernement doit porter toute son attention sur cette question. Il importe que cette question de redevance, pour être bien traitée entre les deux pays, soit dégagée de toute entrave ; il ne faut pas que la Hollande possède, à quelque titre que ce soit en nantissement des revenus, tandis que la Belgique est en attente de la décision qui sera le résultat des négociations d’Utrecht.

J’adjure encore une fois le gouvernement de faire de cette question l’objet de son attention spéciale, et de faire cesser un état de choses qui peut compromettre gravement les intérêts de la Belgique.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, ce n’est pas pour entrer dans la discussion de fond de l’incident que j’ai demandé la parole, c’est pour rectifier une erreur dans laquelle je suis tombé à la suite de l’honorable M. Meeus. L’honorable membre avait parlé d’une modification apportée par le traité du 19 avril au traité du 15 novembre…

M. Meeus – Je m’étais trompé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – La disposition à laquelle l’honorable membre a fait allusion se trouve insérée dans les 18 articles et non dans le traité du 15 novembre 1831.

M. de Muelenaere – Messieurs, je crois inutile de prolonger cette discussion : on paraît être d’accord ; tout le monde comprend le motif pour lequel la disposition des 18 articles n’a pas été reproduite dans le traité du 15 novembre. Les commissaires hollandais ont fait une protestation contre cette disposition ; ils ont déclaré dans une note que jamais en Hollande les biens n’avaient été frappés d’aucun séquestre politique quelconque. C’est d’après cette note que l’article 17 du traité du 15 novembre a été rédigé ; cet article porte une certaine modification à la disposition des 18 articles, mais la note des commissaire hollandais était généralement connue, même avant le traité du 15 novembre ; elle a été publiée dans une foule de recueils, et n’a provoqué de récriminations et de réclamations d’aucun genre. Et pourquoi ? Parce qu’en effet à cette époque la société générale n’avait conçu aucune inquiétude ; les inquiétudes sont venues plus tard, après le traité du 15 novembre. Par conséquent, s’il y avait des réclamations à faire, on aurait du les faire avant le dernier traité.

M. de Theux – Messieurs, j’avais déjà dit ce que vient de vous exposer l’honorable préopinant ; aussi je n’ai nullement voulu inculper son administration, à raison des changements qui ont été apportés aux 18 articles.

Mais, dit l’honorable M. Meeus, en 1831, la société générale ignorait que ses biens fussent saisis en Hollande. Mais en supposant que la société ignorât ce fait en 1831, il est certain qu’en 1833 elle ne pouvait ignorer que la Hollande avait opéré la saisie de ses biens depuis 1831. Or, à l’époque de l'ouverture des négociations de 1833, il y a lieu de s’étonner que la société générale ne se soit pas adressée au gouvernement belge, pour demander une rectification au traité du 15 novembre, et pour inculper de fausseté la déclaration faite par le plénipotentiaire néerlandais en date du 27 juillet 1831 ; rien n’a été fait par la société générale ; on ne s’étonnera donc pas que le gouvernement belge, en présence d’un silence persévérant de sept années, silence qui vient d’être rompu pour la première fois, n’ait pas cru devoir prendre l’initiative, lors des négociations de 1838, pour modifier ce point du traité du 15 novembre.

Il est inutile maintenant de prolonger cette discussion : la question du partage des redevances de la société générale entre les deux pays est agitée entre les deux gouvernements ; dès lors il faut attendre la solution de la question qui, d’après les termes des actes diplomatiques, ne peut être douteuse.

M. Meeus – Messieurs, je dois deux mots de réponse à l’honorable M. de Theux. Il dit que la société générale n’a fait aucune démarche ; elle ne devait pas en faire. Vers la fin de 1831, elle a écrit à tous ses agents en Hollande : aucun ne lui a répondu ; en 1832, elle a envoyé un agent dans ce pays, et partout elle a trouvé porte close. Qu’a-t-elle fait ? Dans le rapport que j’ai présenté à la société générale, comme gouverneur, et qui a été publié, il est déjà parlé de cette saisie ; dans toutes les attaques qui ont eu lieu après, il a été dit qu’une somme de 400 à 450 mille florins était retenue par la Hollande ; il en est parlé dans le rapport de l’honorable M. Fallon. Le gouvernement connaissait donc la question tout aussi bien que la société générale. Elle n’avait donc pas de demande à faire. Encore une fois cette question était et n’a cessé d’être plus intéressante pour le pays que pour la société générale elle-même.

Proposition de loi portant des mesures en faveur de l'industrie cotonnière

Lecture et développements

M. le président – La parole est à M. de Mérode pour donner lecture de sa proposition.

M. F. de Mérode (à la tribune) à donne lecture de la proposition.

(Nous la publierons dans un prochain numéro.)

M. le président – Quand M. de Mérode désire-t-il présenter les développements de sa proposition ?

M. F. de Mérode – Je demande à les présenter immédiatement.

Des membres – Non ! non ! après la loi des péages.

M. F. de Mérode – Messieurs, si l’on veut que la loi puisse être prise en considération dans un court délai, il faut que la chambre me permette de la développer aujourd’hui, sinon on pourrait se séparer sans que cette prise en considération ait eu lieu.

La chambre décide qu’elle entendra les développements de la proposition séance tenante.

M. F. de Mérode donne lecture de ces développements. (Nous les publierons dans un prochain numéro.)

Prise en considération

M. F. de Mérode – Messieurs, depuis un certain temps, lorsque je parle ici avec quelque chaleur, parce que je ne suis ni un marbre, ni une souche, en faveur des convenances de la justice de l'ordre gouvernemental ou financier, je suis taxé d’exaltation, même de violence, au besoin ; j’espère qu’on ne m’opposera point, à propos du projet de loi dont je viens de lire les articles, le même argument. Je ne suis pas fabricant, je suis plutôt plus il ajoute : domiciliairement visitable, si l’on me permet ce mot ; je me flatte donc que l’on voudra bien croire au calme parfait, avec lequel je soumets à la chambre la prise en considération de ce projet d e loi.

Si la chambre veut bien m’entendre pendant quelques minutes à la fin de la séance, je donnerai de très courte explications sur l’objet qui m’a mis en contradiction avec l’honorable M. Van Volxem.

M. le président – La discussion est ouverte sur la prise en considération.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, mon intention n’est pas de prendre la parole sur la prise en considération, j’ai seulement réclamé la parole pour présenter une observation sur la lecture qui a été faite par l’honorable préopinant d’une dépêche que j’ai adressée de Francfort à M. le ministre des affaires étrangères.

Messieurs, qu’il me soit permis d’abord de témoigner quelque surprise de voir dans les mains de l’honorable membre une dépêche dont la lecture, me paraît-il, ne pouvait être régulièrement faite dans une assemblée délibérante que par celui à qui elle a été adressée. Je crois qu’il est contraire à tous les usages de voir un autre personnage que le ministre des affaires étrangères à qui une pareille dépêche est adressée, en donner lecture à la tribune ; car le ministre seul est juge de la convenance d’une semblable communication.

Je dois donc supposer, sauf les explications que je provoque, qu’il y a eu une espèce d’abus de confiance, dans les moyens à l’aide desquels on est parvenu à donner de la publicité à ce document ; non que je redoute le moins du monde cette publicité, mais la communication aurait dû être faite par les voies régulières usitées dans tous les pays où domine le gouvernement parlementaire.

Du reste, mon observation est toute de forme ; je le répète, je ne crains pas la publicité qui a été donnée à ma correspondance avec M. le ministre des affaires étrangères, lorsque j’avais l’honneur de représenter mon pays près de la conférence germanique.

Interrogé par le gouvernement sur différents points d’économie commerciale dans les Etats de l’union, j’ai, autant que mes renseignements me le permettaient, répondu à toutes les questions qui m’avaient été posées ; mais j’ai répondu sans exprimer d’opinion ; il ne résulte nullement de ma dépêche que l’honorable préopinant ait le droit de préjuger l’opinion que j’émettrai sur sa proposition. Je n’ai pas cru pouvoir substituer, dans cette lettre, une opinion à des faits ; j’ai recueilli les fait qu’on m’a demandés, mais je n’ai pas exprimé mon opinion, on ne me la demandait pas ; elle est donc tout à fait réservée sur cette question.

M. de Theux – Messieurs, c’est moi qui ai prescrit aux divers agents de réclamer des renseignements sur la législation étrangère concernant l’estampille et la recherche à l’intérieur. Quand j’ai reçu ces renseignements, je les ai communiqués à M. le ministre des finances, qui s’occupe particulièrement des moyens de répression de la fraude, je les ai communiqués sans exprimer d’opinion sur le fond de la question, et je saisis cette occasion pour déclarer que, tout en votant pour la prise en considération, je n’entends pas préjuger un vote sur le fond de la question.

Quant à la communication de la lettre à M. le ministre des finances, j’avoue que je n’y ai vu aucune espèce d’inconvénients, ce que la chambre aura pu remarquer aussi à la lecture qui en a été faite.

M. Desmaisières – Je dois ajouter à ce que vient de dire l’honorable préopinant, que lorsque j’ai reçu des documents diplomatiques, je me suis empressé de les transmettre à la section centrale. Je ne pense pas qu’on puisse m’accuser d’indiscrétion pour avoir communiqué à la section centrale des documents officiels. Je n’ai pas cru non plus devoir en faire mystère vis-à-vis des membres qui m’ont demandé des enseignements à cet égard.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je prie la chambre de remarquer que si j’insiste, ce n’est pas dans un intérêt personnel, mais parce que si l’antécédent passait sans observation, il pourrait nuire aux intérêts du pays en rendant moins franches et moins explicites les communications entre le chef du département des affaires étrangères et les agents du gouvernement à l’extérieur. Ces correspondances, par la force des choses, sont presque toujours plus ou moins confidentielles ; et il est très difficile d’assigner la limite qui sépare les dépêches confidentielles des dépêches qui peuvent recevoir de la publicité.

Je tenais à relever cet antécédent pour empêcher qu’il ne porte de mauvais fruits, en entravant les relations entre le département des affaires étrangères et des agents diplomatiques.

Les explications données par M. de Theux sont parfaitement satisfaisantes, je le mets donc complètement hors de cause. Mais j’ai le regret de dire que, selon moi, le précédent ministre des finances ne pouvait pas régulièrement, sans l’assentiment de son collègue des affaires étrangères, juge compétent de la possibilité de cette communication, transmettre une dépêche diplomatique à une section centrale ; celle-ci, moins encore, pouvait prendre sur elle cette publicité. Je remarque d’ailleurs que la communication n’a pas été faite seulement à la section centrale, car M. de Mérode n’en faisait pas partie, cela a donc dû faire une cascade pour arriver jusqu’à lui.

Je dis que cela est irrégulier ; je ne vois pas d’inconvénient à la publicité donné à ma dépêche, je n’ai aucune intérêt à répudier cette publicité, et ce n’est que contre l’irrégularité par laquelle cette publicité a eu lieu que j’ai cru de mon devoir de protester.

M. de Theux – Le préopinant, ayant déclaré qu’il était entièrement satisfait de mes explications, je pourrais me dispenser de rien ajouter. Mais je crois devoir dire qu’en ce qui concerne la communication à la section centrale, je n’y trouve aucun inconvénient. J’avais communiqué les dépêches dont il s’agit à mon collègue des finances avec l’intention qu’il les communiquât à la section centrale, s’il le trouvait utile, parce qu’il n’y avait rien dans ces dépêches qui pût compromettre nos agents qui s’étaient bornés à nous faire connaître la législation étrangère.

M. F. de Mérode – Je n’ai point manifesté l’intention de violenter le moins du monde l’opinion de M. le ministre des affaires étrangères. Si j’ai indiqué un espoir de concours de sa part, c’est parce qu’il a pu être témoin des effets d’un régime que l’on nous présente comme trop dur. Quant à la communication des renseignements transmis par nos agents diplomatiques, je n’y vois rien qui puisse les compromettre le moins du monde. Quels motifs aurait-on de garder secrets des règlements qui doivent être connus de chacun dans les divers pays où lesdits règlements sont en vigueur et où on sait très bien également comment ils sont appliqués ?

M. de Brouckere – Je ne m’oppose pas à la prise en considération, mais je tiens à déclarer comme j’entends la prise en considération. J’entends qu’elle ne préjuge en rien le fond de la question. Et si, dès aujourd’hui, je ne prends pas la parole sur le fonds, c’est qu’il est en quelque sorte passé en habitude que quand une proposition présente quelque possibilité d’avantage, on la laisse examiner par les sections, quelque motif qu’on puisse avoir pour s’opposer çà la proposition en elle-même.

C’est dans ce sens que je voterai pour la prise en considération.

M. Desmet – J’appuierai fortement la prise en considération de la proposition, non pas comme M. de Brouckere, afin qu’elle passe par la filière, mais vu l’importance et l’urgence de soutenir l’industrie cotonnière. Depuis cinq ans, la chambre et le gouvernement lui-même ont reconnu la souffrance de l’industrie cotonnière et la nécessité de venir à son aide. Pourquoi ne lui a-t-on pas donner alors la protection dont elle avait besoin ? parce qu’on avait promis une loi sur la répression de la fraude. Il n’y a que quelques mois qu’un projet dans ce but a été présenté, mais il n’a pas été discuté ; la section centrale n’a pas même encore fait son rapport.

Il faut pourtant commencer à songer à donner du travail à nos pauvres ouvriers, que le déplorable système suivi jusqu’à cette heure leur enlève tous les jours de plus en plus. Il faut prendre des mesures pour venir à leur secours et leur donner du pain. Cette pauvre Belgique est ouverte à tout le monde ; elle est envahie par tous les objets industriels de fabrication étrangère. L’industrie cotonnière a besoin d’avoir le marché intérieur assuré. Aujourd’hui, il est livré à tout le monde. Ce n’est pas la faute de cette industrie, si elle n’améliore pas sa fabrication. Le progrès lui est impossible dans l’état actuel des choses. Elle ne peut pas, sans une protection efficace, soutenir la concurrence avec l’industrie étrangère.

J’espère donc qu’on ne se bornera pas à la prise en considération de la proposition que nous avons présentée, sans y donner d’autre suite, mais qu’au contraire la chambre sera une fois sensible aux clameurs des pauvres ouvriers, qui se trouvent en grande partie sans travail et sans pain.

Ce qui s’est passé, il n’y a pas longtemps, a dû être vu par tout le monde comme très déplorable, il faut faire en sorte que ces terribles jours ne se renouvellent plus et que nous soignions la subsistance de l’intéressante classe des ouvriers.

Comme je le disais, il y a deux jours, jamais le pays ne s’est trouvé dans une telle misère, jamais je ne l’ai vue aussi grande, et cependant qu’on y songe, c’est à ce déplorable système, de ne pas vouloir donner à l’industrie nationale la protection dont elle a besoin et de ne pas vouloir garantir le marché intérieur de l’invasion étrangère que nous devons ce déplorable état ; il est dans notre pouvoir d’améliorer cet état, et nous pouvons, si nous le voulons, secourir nos fabriques et nos manufactures et procurer du travail aux ouvriers qui s’y trouvent.

M. de Brouckere – L’honorable préopinant appuie la prise en considération autrement que moi ; cela se conçoit ; il est l’un des auteurs de la proposition. Il pouvait donc se dispenser de nous donner ses explications, nous connaissons son opinion.

M. Desmet – J’avais bien le droit de parler !

M. de Brouckere – Je prie M. Desmet de ne pas m’interrompre. Je lui ai demandé 23 fois, parce que 23 fois par séance il interrompt les orateurs qui ne sont pas de son opinion. Maintenant j’ai recours à M. le président afin qu’il impose silence à M. Desmet.

M. Desmet – Je ne suis jamais insolent avec personne.

M. de Brouckere – M. Desmet me permet-il de parler ?

M. Desmet – Je ne suis jamais insolent avec personne.

M. de Brouckere – Messieurs, l’honorable membre prétend que l’on n’a présenté la proposition que parce qu’on n’avait pas tenu la promesse qu’on avait faite de présenter une mesure dans l’intérêt de l'industrie cotonnière. Cette mesure, promise sous le ministère de MM. de Theux et d’Huart, consistait en une modification à la loi des douanes, c’est-à-dire que l’on voulait renforcer la ligne de douane. Mais la promesse faite par M. de Theux et son collègue ne concernait nullement l’estampille. Car M. d’Huart et son collègue M. de Theux se sont toujours opposés à ce que l’estampille fût admise.

On parle des souffrances de l’industrie. A cet égard je sympathise avec ceux qui les signalent, parce que je les connais ; mais je ne sympathiserai pas avec ceux qui, rappelant les désordre de Gand, prétendent que c’était une nécessité, parce que s’il m’échappait un pareil langage, j’en aurais un tel regret que le lendemain je rétracterais ce que j’aurais eu le malheur de dire. Je laisse à la chambre à juger si j’aurais raison de me rétracter. En attendant qu’on rétracte les paroles, qu’on a prononcées, je les relève.

M. Delehaye – L’un des auteurs de la proposition et partisan dévoué de cette proposition, parce que je suis intiment convaincu que c’est le seul moyen qui puisse sauver l’industrie cotonnière ; je pense cependant que la prise en considération n’a pas d’autre but, comme l’a dit M. de Brouckere, que d’engager la chambre à examiner la proposition qui avait été faite. Sans doute, nul de vous ne peut contester les souffrances de l’industrie cotonnière. Prétendre que cette industrie abandonnée à elle-même, obligée de lutter avec l’industrie française et l’industrie anglaise, puisse se maintenir est une grave erreur. J’ai la conviction intime et elle est partagée par tous mes collègues que cette industrie sera frappée de mort si vous ne venez pas à son secours.

On a parlé des désordres de Gand, comme j’en ai été témoin, comme j’ai été constamment sur les lieux, je ne crains pas de dire que si les autorités avaient fait leur devoir, la réunion des ouvriers n’auraient jamais eu un aspect effrayant. Quand les ouvriers se sont réunis, et qu’ils se sont présentés au gouverneur, ils étaient dans leur droit, aux termes de la constitution, et cette réunion ne s’est changée en désordre que quand les autorités ont manqué à leur mission.

Quoi qu’on dise, je répète qu’il en est qui y ont manqué ; ceux qui ont été sur les lieux le savent. Si on avait laissé à la foule le moyen de s’écouler, on n’aurait pas eu de malheur à déplorer.

Je m’arrêterai là : je ne veux pas en dire davantage, mais comme Gantois et comme témoin des faits, je devais à l’assemble de l’instruire.

J’ajouterai que si vous voulez assurer la tranquillité publique, il ne faut pas laisser dans une misère permanente une population de 60 mille habitants.

M. Rodenbach – Je vous ai naguère parlé des besoins du peuple, des besoins des tisserands de toile et des fileurs. J’ai également appelé l’attention de la chambre sur les besoins de l’industrie cotonnière, mais je ne partage pas l’opinion de M. Delehaye que les ouvriers gantois avaient le droit de se réunir en meeting sur la place publique ; la constitution s’oppose à ce qu’ils se réunissent dans la rue par centaines et par milliers pour se rendre chez le gouverneur. Ce n’est pas comme cela qu’ils peuvent présenter des réclamations.

On m’a taxé d’exagération quand j’ai parlé de la misère des ouvriers. Le gouvernement, par le rapport de la commission d’enquête, sera convaincu que je n’ai pas exagéré. En 1835, j’ai combattu l’estampille ; aujourd’hui j’ai refusé de signer la proposition parce que je n’ai pas été convaincu de son efficacité. Mais comme je suis convaincu de la gêne de l’industrie cotonnière et de l’industrie linière, je pense qu’on doit prendre la proposition en considération. Nous avons plusieurs exemples de prises en considération sans préjuger sur le fond de la question. Ainsi, j’appuie la prise en considération de la proposition, bien que j’aie refuser de la signer.

M. Pirmez – Je ne veux pas refuser la prise en considération. Cependant je dois faire une observation.

On dit que cela n’a aucune portée ; moi, je trouve que cela a beaucoup de portée. Si nous disons, ici, entre nous que cela n’est qu’une espèce de politesse qu’on fait à la proposition, on ne juge pas ainsi au dehors ; car cette prise en considération fait naître beaucoup d’espérances parmi les industriels. On leur fait croire qu’il serait bien possible que, dans la proposition, il y eût un remède aux souffrance dont ils se plaignent.

On dit (c’est l’honorable M. de Brouckere qui a fait cette observation) que dès qu’on voit quelque chose dans une proposition, il faut la prendre en considération.

M. de Brouckere – Dès qu’il peut en résulter quelque avantage.

M. Pirmez – Soit ; dès qu’il peut en résulter quelque avantage. Mais si d’une proposition il peut résulter quelque avantage, il peut aussi en résulter beaucoup de mal ; et d’après cette manière de voir, quand on voit qu’il peut résulter beaucoup de mal d’une proposition, on doit la rejeter.

Pour l’enquête commerciale, lorsqu’elle a été proposée, on était loin de croire que l’on ferait parcourir le pays par des représentants pour apprécier la situation de l’industrie ; cependant, petit à petit, on en est venu à ce résultat.

La proposition de l’honorable M. de Mérode a été déjà faite en 1835. Des mesures vexatoires n’étaient pas aussi fortes alors qu’elles le sont aujourd’hui ; la question a été alors examinée sous toutes les faces et la proposition a été rejetée. On faisait croire aux ouvriers que les maux dont ils se plaignaient provenaient de nos lois de douanes ; mais il a été démontré (la chambre a repoussé la loi à une grande majorité) qu’on trompait les ouvriers en leur disant cela.

Je n’espère pas faire rejeter la prise en considération ; mais j’ai dû prévenir la chambre de l’influence que cette décision pouvait avoir.

M. Desmet – L’honorable M. de Brouckere me fait un grief de l’interrompre, comme si cela n’arrivait qu’à moi seul, cependant lui-même vient d’interrompre l’honorable M. Pirmez. J’ai deux mots à répondre à M. de Brouckere qui m’a reproché ce que j’ai dit des troubles de Gand. Jai cité un fait. Je crois qu’il doit être plus ou moins attribué aux souffrances de la classe ouvrière. Je puis m’être trompé ; mais je n’ai pas eu de mauvaises intentions. Tout à l’heure, l’honorable M. Pirmez a dit que l’estampille avait été repoussé il y a cinq ans par une grande majorité. Je crois que l’honorable membre s’est trompé et que s’il n’a pas été donné suite à la proposition, c’est parce qu’un ministre promit une loi de répression de la fraude. C’est à cause de cela qu’on a retardé la discussion. Cinq ans se sont passés et l’on n’a rien obtenu. Je demande donc qu’après la prise en considération de la proposition, le gouvernement la renvoie à l’examen des directeurs et des inspecteurs des douanes, pour savoir si ces fonctionnaires ne considèrent pas l’estampille comme indispensable pour protéger l’industrie cotonnière et pour empêcher l’introduction des fils étrangers.

M. de Theux – Je n’ai demandé la parole que pour répondre à l’observation de l’honorable M. Delehaye, sur la conduite des autorités dans les troubles qui ont eu lieu à Gand, en octobre dernier. Il est de mon devoir, et je le fais avec plaisir, de déclarer dans cette enceinte que, bien loin que les autorités civiles et militaires aient mérité quelque reproche dans cette grave circonstance, elles ont au contraire, aux vœux du gouvernement, mérité de justes éloges.

J’ai pris connaissance des rapports des autorités civiles et militaires et de tout ce qui a été publié sur ces événements, et il en est résulté pour moi la conviction entière que ces autorités ont bien rempli leur devoir. M. le ministre de la guerre, de concert avec moi, a apporté la plus grande vigilance sur ces événements. C’est grâce à son activité et à cette intervention que les troubles ont été si promptement apaisés et suivis de si peu de désordres.

Si je proclame hautement la reconnaissance qu’on doit aux autorités qui ont eu le courage de se dévouer au maintien de l’ordre, ce n’est pas que je ne porte point intérêt à la classe ouvrière. La preuve que le gouvernement portait un grand intérêt à la classe ouvrière de l'industrie cotonnière, c’est que M. le ministre des finances, longtemps avant les troubles, avait institué une commission pour s’occuper des moyens de répression de la fraude. Une seconde preuve, c’est que le département de l’intérieur a eu recours à tous les moyens qui étaient en son pouvoir pour alimenter le travail pendant la mauvaise saison. Ainsi, ni les autorités, ni le gouvernement n’ont manqué à leur devoir ; et il n’y a aucun reproche à leu faire.

M. d’Huart – Je voterai pour la prise en considération de la proposition, bien entendu sans préjuger le vote à émettre sur le fond. Il était peut-être inutile de faire cette réserve généralement sous-entendue par chacun de nous. Les auteurs mêmes de la proposition s’empresseraient d’y renoncer, s’il leur était démontré que le remède serait pire que le mal. Il n’y a pas de doute à cet égard.

Mais un point qu’il importe d’établir, c’est que les auteurs de la proposition savent fort bien qu’elle ne peut être ni discutée, ni par conséquent votée dans cette session. Il est nécessaire de bien établir ce point, car il ne fait pas que des agitateurs puissent propager des déclamations dangereuses au sein de certaines villes industrielles, après que la session sera close, dans deux ou trois mois. Il importe d’éviter soigneusement qu’il soit donné aux ouvriers qui seraient dans la gêne de fausses idées sur les faits qui se rattachent à la proposition ; il importe d’enlever à la malveillance la possibilité de dire, avec la moindre apparence de raison, à des malheureux ouvriers ; « Il avait été déposé à la chambre des représentants une proposition qui, si elle avait été admise, vous aurait maintenant placés dans une bonne position, mais le gouvernement a brutalement clos la session, de là notre misère. » (Réclamations générales.)

Plusieurs membres – Personne ne pourra dire cela.

M. d’Huart – Je n’avais pas besoin que les honorables auteurs de la proposition s’expliquassent à cet égard ; je connais mes collègues, je sais qu’il est bien loin des idées d’aucun d’eux de vouloir autoriser et bien moins susciter des troubles ; mais ce que je tiens à constater vis-à-vis du pays, et pour ôter tout prétexte, au dehors, à des tentatives de troubles, c’est que nous sommes tous unanimes pour reconnaître que la proposition ne peut être discutée avant la fin de la session (adhésion), afin que l’on ne puisse faire un grief à personne du retard que cette discussion doit subir.

Ce point bien établi, je crois que nous devons adopter la prise en considération, et statuer sur le renvoi à une commission ou aux sections, ou ordonner le dépôt de la proposition aux archives pour s’en rapporter avant tout à l’examen qu’elle soulèvera nécessairement dans la presse.

M. Manilius – Je ne comptais pas prendre la parole dans ces débats ; car, comme l’a fait observer M. de Brouckere, on sait que j’ai l’intention de soutenir la proposition, puisque je suis l’un de ses signataires. Mais je désire répondre à la crainte manifestée par l’honorable M. de Theux et confirmée par l’honorable M. Pirmez que l’empressement à prendre la proposition en considération ne fît trop espérer à l’industrie. Que les espérances de l’industrie ne vous effraient pas. Je puis vous assurer à cet égard. Depuis 10 ans elle réclame sans pouvoir rien obtenir ; elle sera donc très calme dans ses espérances. Ainsi vous pouvez, sans aucun danger, prendre la proposition en considération.

Quant à ce qu’a dit l’honorable M. d’Huart, notre intention était de n’obtenir que la prise en considération puisqu’il est raisonnablement impossible d’obtenir que la discussion ait lieu avant la fin de la session. Ainsi ce qu’a dit l’honorable M. d’Huart avait été prévu par les auteurs de la proposition.

M. de Brouckere – J’ai entendu avec beaucoup de plaisir l’honorable préopinant, l’un des signataires de la proposition. Je suis charmé que lui, en nous engageant à prendre la proposition en considération, ne vienne pas le faire avec des menaces comme a fait un de ses cosignataires.

Maintenant je déclarerai franchement à mon tour qu’il pourra résulter quelque bien, de la proposition, en ce sens qu’elle fournira l’occasion de s’occuper une bonne fois des intérêts de l’industrie cotonnière. Ainsi, quant à moi, je le déclare, jamais je n’admettrai l’estampille. Mais qu’on propose de substituer à un moyen aussi odieux tout autre moyen qui ne produise pas le même mal et qui puisse tirer l’industrie cotonnière de la position fâcheuse où elle se trouve et je l’adopterai.

Vous voyez donc que ce n’était pas sans y attacher un certain sens que je disais qu’on pouvait prendre la proposition en considération, parce que, ne dût-elle pas être accueillie, il pouvait résulter de son examen quelque avantage. Je nourris l’espoir que de l’examen dans les sections et dans la section centrale de la proposition de M. de Mérode et de plusieurs autres membres, il pourra résulter une mesure avantageuse à l’industrie cotonnière.

Du reste, je partage entièrement l’opinion de l’honorable M. d’Huart, qu’il est impossible qu’on puisse arriver à un résultat avant la fin de la session. Ce pourra être un des premiers objets à examiner lors de la rentrée des chambres ; mais cet examen est impossible aujourd’hui. Tout ce qu’on pourra faire, sera de renvoyer la proposition aux sections, qui en feront l’examen quand le moment sera venu.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, le gouvernement ne se refuse nullement à examiner la proposition qui fait le sujet du débat ; si je prends la parole c’est pour prémunir le pays contre l’idée que l’on peut concevoir de l’effet de la proposition même : à entendre certains orateurs, si les ouvriers sont malheureux, c’est qu’il n’y a pas d’estampille ; si l’estampille est adoptée, les ouvriers qu’occupe l’industrie cotonnière ne manqueront plus l’ouvrage. Cette manière de voir, messieurs, pourrait être erronée. Que l’on considère que l’estampille ne remédie pas à la détresse des ouvriers : Il y a quelques semaines, un orateur, dans une des chambres législatives de ce pays, disait qu’il y avait une classe qui dépérissait de misère, et c’était la classe ouvrière. L’estampille ne remédie donc à rien. Quoi qu’il en soit, le gouvernement se livrera à un mûr examen de la question, et à la prochaine session, il se dessinera franchement.

M. Delehaye – Un orateur, faisant allusion à ce que j’avais dit, a paru croire que j’avais fait des menaces…

M. de Brouckere – Je n’ai rien dit qui pût vous concerner, les menaces qui ont été faites émanent de M. Desmet.

M. Delehaye – M. de Theux assure que les autorités de Gand ont fait leur devoir ; je ne partage pas cette opinion ; je crois que les lois ont été foulées aux pieds : sur aucun lieu on n’a fait les sommations exigées par la loi ; toutes les garanties stipulées par la législation ont été mises en oubli. Qu’en est-il arrivé ? Des hommes ont été retenus six mois dans les prisons, ont ensuite été déclarés innocents. Si l’autorité civile eût fait ce qu’a fait l’autorité militaire, les désordres n’auraient pas eu lieu. De tous les hommes arrêtés un seul a été condamné ; c’était un homme ivre qui en a frappé un autre qu’il ne connaissait pas et qui s’est trouvé être un commissaire.

M. Willmar – D’après ce que vient de dire l’honorable membre relativement à l’autorité militaire, il serait peut-être inutile que je prisse la parole, car c’est pour la justifier que je me suis levé, et pour faire observer qu’elle n’a pas agi qu’après plusieurs jours de patience, et qu’après avoir été l’objet d’actes de violences. Dans le cas de violence et de voies de fait l’autorité militaire n’a pas besoin de sommations pour agir. Si d’ailleurs elle avait attendu que les formalités de la loi fussent accomplies, l’émeute aurait pu s’agrandir et devenir d’une importance plus funeste.

Quant aux causes du mouvement de Gand, il ne faut pas les chercher dans la misère des ouvriers ; leur misère en a été le prétexte ; mais dans tous les mouvements, aussi longtemps qu’ils ont duré, on a vu des émissaires qui sont les auteurs des troubles. Les souffrances des ouvriers sont sans doute réelles ; mais ce désordre ne saurait y porter remède.

A ce sujet, rentrons dans l’observation faite par M. de Brouckere ; je dirai que c’est une chose grave que de venir déclarer ici que si la mesure n’est pas prise en considération il y aura des désordres ; cela veut dire, à des hommes ignorants et que la misère rend facile à égarer : Si on ne vous accorde pas telle chose, vos désordres sont légitimes. C’est une sorte de prophétie que des malheureux peuvent interpréter comme une espèce d’autorisation ; je proteste de tout mon pouvoir contre un semblable langage.

Il faut ici déclarer hautement que si la mesure proposée par M. de Mérode n’est pas adoptée, ce n’est point parce qu’on ne veut pas soulager les souffrances des ouvriers, mais c’est parce qu’on serait persuadé qu’elle n’aurait pas cet effet. J’appuierai la prise en considération, afin qu’elle soit l’objet d’un examen profond et qu’il y soit donné suite si elle peut remédier au mal.

M. F. de Mérode – Tout en proposant ce projet, nous avons été convaincus qu’il ne pouvait être discuté dans la session actuelle.

M. Desmet – Je prendrai la parole pour un fait personnel. On m’a reproché d’avoir articulé des menaces dans cette enceinte ; mais j’en appelle à tous ceux qui m’entourent ; est-ce que rien de semblable est sorti de ma bouche ?

M. de Theux – Il est évident que, lorsque l’autorité militaire est attaquée à force ouverte, elle n’a pas besoin, pour agir, de somations préalables ; et ceci justifie complètement l’autorité militaire.

- La prise en considération de la proposition, développée par M. de Mérode, est mise aux voix et adoptée.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je crois qu’il conviendrait de renvoyer cette proposition aux sections qui ont examiné le projet de loi relatif à la répression de la fraude.

Pour parvenir à obtenir un système de répression complet et bien coordonné, il est indispensable que les deux projets soient examinés par les mêmes personnes et fassent l’objet d’un seul rapport.

M. de Brouckere – On ne peut adopter la proposition du ministre s’il y a des sections qui ont terminé leur travail sur le projet du gouvernement.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne comprends pas pourquoi les sections qui ont terminé leur travail sur le projet relatif à la répression de la fraude ne pourraient pas s’occuper de celui qui concerne l’estampille et la recherche à l’intérieur, d’autant moins qu’il y a, dit-on, trois sections qui n’ont pas terminé leur travail sur le projet du gouvernement. Je le répète, les mêmes sections peuvent seules combiner un projet qui présente un ensemble convenable et susceptible d’une discussion facile.

M. Mast de Vries – S’il y a des rapporteurs de sections de nommés, la proposition du ministère est inadmissible : on peut vouloir d’un projet, et ne pas vouloir de l’autre.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si les sections qui ont examiné le projet du gouvernement sont dissoutes, les membres qui les composent ne sont pas morts, et peuvent se réunir de nouveau. Si jamais deux projets ont des relations intimes c’est bien celui du gouvernement et la proposition relative à l’estampille ; ce serait introduire l’anarchie dans vos travaux parlementaires que de les séparer. Remarquez, messieurs, que l’estampille applicable aux cotons pourrait être applicable aux draps, et à d’autres tissus pour lesquels on réclamera peut-être la même protection.

La proposition de mon honorable collègue est d’autant plus opportune, que trois sections n’ont pas achevé l’examen de la proposition du gouvernement. Dès lors, messieurs, quoi de plus naturel que de renvoyez d’abord à ces trois sections la proposition de M. de Mérode, puis de convoquer les membres des trois autres sections pour qu’elles examinent également la proposition ? De cette manière la section centrale serait saisie de deux propositions qui se rattachent à la même matière, et vous ne vous exposeriez pas au grave inconvénient d’avoir deux sections centrales dont l’une viendrait proposer des conclusions dans un sens tandis que l’autre conclurait dans un sens contraire. Ce conflit, messieurs, serait très possible ; les opinions dans la chambre sont très divisées sur les moyens de répression en matière de fraude, et, je le répète, si vous renvoyiez la proposition à de nouvelles sections, vous seriez peut-être exposés à ce conflit malencontreux de deux discussions différentes produites par deux sections centrales différentes.

La proposition faite par mon honorable collègue peut offrir quelques inconvénients de forme très faciles à lever, mais les inconvénients au fond, qui résulteraient du renvoi à de nouvelles sections, sont beaucoup plus graves, et c’est bien ici le cas de dire que le fond doit l’emporter sur la forme.

M. Manilius – Messieurs, je propose formellement le renvoi du projet aux nouvelles sections et voici mes raisons : Les sections chargées de l’examen du projet du gouvernement ont déjà toutes nommé leurs rapporteurs, ces rapporteurs se sont déjà réunis et si je suis bien informé ils se sont déjà prononcés sur l’économie de la loi. Serait-ce par hasard parce que l’on connaît les dispositions de ces rapporteurs qu’on veut renvoyer la proposition de M. de Mérode aux mêmes sections ? Cela serait, selon moi, fort dangereux.

Je demande, du reste, que la chambre se conforme à son règlement, qui porte dans son article 38 :

« Si la chambre décide qu’elle prend la proposition en considération, cette proposition est renvoyée à une commission ou à chacune des sections qui la discutent et en font rapport. »

Vous voyez, messieurs, que cet article est tout à fait contraire à la proposition de M. le ministre des finances.

M. de Brouckere – Je me permettrai, messieurs, de faire remarquer que l’article invoqué par l’honorable préopinant n’est pas applicable ici ; cet article dit que la proposition est renvoyée à une commission ou aux sections ; mais, si l’on veut renvoyer aux sections, il reste à la chambre à décider quelles sont ces sections. Toutefois, quant au fond, je suis d’accord avec l’honorable M. Manilius, et je vais en deux mots prouver l’impossibilité qu’il y a de renvoyer la proposition aux sections qui ont examiné le projet relatif à la répression de la fraude ; vous savez tous, messieurs, que le rapporteur d’une section est ordinairement l’expression de l’opinion de la majorité de cette section. Eh bien, messieurs, un rapporteur a été nommé par telle section comme étant l’expression de l’opinion de la majorité de ses collègues relativement à la loi sur la répression de la fraude ; la même section s’occupe ensuite de la proposition de M. de Mérode ; la majorité n’est plus la même, le rapporteur qui a été nommé précédemment n’est plus l’expression de l’opinion de la majorité, et vous voulez que cette majorité se laisse représenter à la section centrale par un rapporteur qui n’est plus l’expression de son opinion. Cela est impossible ; une section centrale composé de cette manière ne représenterait point l’opinion des sections, et par conséquent elle ne représenterait rien.

Je me résume, messieurs, en deux mots : je suis persuadé que M. le ministre des finances n’a pas eu l’intention qui lui a été prêtée par l’honorable préopinant, d’empêcher que l’opinion véritable des sections ne parvienne à la section centrale ; il a cru qu’il valait mieux que les mêmes personnes qui s’étaient occupées de la proposition générale relative aux douanes, s’occupassent aussi de la proposition de M. de Mérode. Eh bien, je crois avoir démontré que la chose est impossible, puisque les rapporteurs qui ont été nommés pour le projet sur la répression de la fraude pourraient ne plus représenter l’opinion des sections sur la proposition de M. de Mérode.

M. d’Huart – Il me paraît, messieurs, que si la proposition qui nous occupe en ce moment, et le projet de loi relatif à la répression de la fraude, se trouvaient à présent déposés pour la première fois sur le bureau, vous trouveriez tous qu’il est nécessaire de renvoyer immédiatement les deux projets aux sections afin qu’ils soient examinés en même temps et qu’il en soit fait un tout, attendu que les dispositions de l’un se lient essentiellement à l’autre et qu’il importe toujours de coordonner en une seule et même loi des dispositions de même nature. Ainsi, messieurs, quand au fond, il me paraît évident que les deux propositions devraient faire l’objet d’un examen simultané et être fondues dans une seule loi, si tant est qu’on juge à propos d’adopter l’une et l’autre de ces propositions.

Maintenant, quant à la forme, je ne vois aucune espèce de difficulté à ce que les sections qui ont examiné le projet de loi sur la répression de la fraude soient convoquées pour examiner la proposition de M. de Mérode ; rien n’est plus facile que de faire cette convocation : on sait dans quel mois l’examen du projet relatif à la fraude a eu lieu, on connaît les membres dont se composaient alors les sections qui se sont livrées à cet examen, on pourrait donc très aisément les convoquer de nouveau, et lorsqu’elles auraient examiné la proposition, elles nommeraient de nouveaux rapporteurs, c’est-à-dire que la nomination des rapporteurs actuels seraient considérée comme non avenue.

Veuillez bien, messieurs, vous pénétrez de ceci : c’est que si vous maintenez en deux projets distincts les deux propositions, vous aurez certainement à les réunir lors de la discussion dans la chambre parce qu’elles doivent marcher ensemble, parce que vous ne devez pas faire en même temps une loi spéciale en un article, modifiant la loi des douanes, et une autre loi composé d’un plus grand nombre d’articles, qui ait le même objet.

Je dis donc, messieurs, que la proposition de M. le ministre des finances est tout à fait logique, et si vous voulez obtenir un résultat, c’est la voie qu’il a indiquée que vous devez suivre.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je le déclare de la manière la plus formelle, l’opinion des rapporteurs de la section centrale chargée d’examiner le projet de loi sur la répression de la fraude m’est complètement inconnu relativement à la proposition qui vient d’être soumise à la chambre ; j’adresse cette réponse à l’honorable M. Manilius, si c’est à moi qu’il a voulu faire allusion dans son discours. Du reste, j’entendais précisément dans le même sens que l’honorable M. d’Huart la proposition que j’ai faite ; en effet, l’opinion des membres d’une section peut être modifiée relativement au choix du rapporteur lorsqu’une nouvelle proposition vient s’adjoindre à la première, et comme la section centrale n’a pas examiné jusqu’ici le projet relatif à la fraude, qu’elle n’a fait que renvoyer les renseignements qu’elle a reçus aux sections qui les avant demandés, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’on suive la marche indiquée par l’honorable M. d’Huart. Il faut absolument que les deux projets soient examinés par les mêmes personnes et qu’ils soient compris dans un même rapport.

M. Desmaisières – Il est certain qu’il y a entre le projet présenté par le gouvernement, relativement à la répression de la fraude, et la proposition que vient de déposer l’honorable comte F. de Mérode une connexité telle qu’il est impossible de séparer l’examen et la discussion des deux propositions ; la proposition de M. le comte de Mérode n’est en quelque sorte qu’un amendement au projet de loi que j’ai présenté à la chambre, et dès lors il est naturel qu’on renvoie cet amendement aux mêmes sections qui ont examiné le projet que j’ai eu l’honneur de vous présenter. Les sections qui ont examiné ce projet ont toutes nommé leurs rapporteurs, mais je crois que, dans les six sections, il en est trois qui n’ont donné à leurs rapporteurs que la simple mission de demander que les chambres de commerce fussent consultées ; les avis des chambres de commerce ont été remis à la section centrale, et je crois savoir encore que depuis que la section centrale s’est réunie, elle a chargé les trois rapporteurs dont il s’agit de donner connaissance de ces avis à leurs sections et de prier les présidents des sections de les convoquer pour examiner le projet au fond.

Eh bien, messieurs, voilà trois sections qui ont encore à examiner le projet relatif à la répression de la fraude et auxquelles on peut dès lors, sans aucun inconvénient, renvoyer la proposition de M. de Mérode. Quant aux trois autres sections, je ne vois pas non plus d’inconvénient à ce qu’elles se réunissent de nouveau pour s’occuper de notre dernière proposition. Je crois même que c’est le moyen d’arriver à un prompt examen, que nous devons tous désirer.

M. de Brouckere – Je crois, messieurs, qu’il y a moyen de concilier toutes les opinions. Je ne puis pas admettre ce qu’a dit l’honorable M. d’Huart, que les sections, après avoir examiné le projet de M. de Mérode, pourraient en quelque sorte destituer les rapporteurs qu’elles ont nommés primitivement pour leur substituer d’autres. Quant à moi, je déclare qu’alors même que le rapporteur nommé en premier lieu ne conviendrait pas, je ne pourrais point m’associer à une espèce de destitution de ce genre.

Ce qu’il y a de mieux à faire, messieurs, pour concilier toutes les opinions, c’est de renvoyer, comme le propose M. le ministre des finances, le projet présenté par M. le comte de Mérode aux anciennes sections qui ont examiné le projet de loi sur la répression de la fraude, mais en autorisant ces sections à nommer un nouveau rapporteur pour la proposition de M. de Mérode ; la seule chose qui résultera de là, c’est que la section centrale sera composée d’un nombre double de membres, et je ne vois à cela aucun inconvénient ; je crois même que ce cas s’est déjà présenté pour la question relative à la banque ; assurément il se présentera rarement à l’examen d’une section centrale des questions plus importantes que celles que soulève la proposition de l’honorable M. de Mérode, et dès lors il n’y a que des avantages à ce que la section centrale qui s’occupera de cette proposition soit composée d’un grand nombre de membres.

Je fais donc la motion que la proposition de M. de Mérode soit envoyée à l’examen des sections qui se sont occupées du projet de loi sur la répression de la fraude, que ces sections soient invitées à nommer des rapporteurs et que les rapporteurs nommés pour représenter les sections relativement à la loi sur la répression de la fraude et ceux qui auront été nommés pour représenter les sections relativement à la proposition de M. de Mérode se réunissent en une seule et même section centrale.

M. Vandenbossche – J’appuie la proposition de l'honorable M. de Brouckere, c’est précisément cela que je voulais faire moi-même.

M. Demonceau – Je partage l’opinion de l'honorable M. de Brouckere, qu’il ne faut pas retirer à des collègues le mandat qu’ils ont reçu des sections, mais je ne vois aucun inconvénient à ce que l’on renvoie la proposition de l’honorable M. de Mérode aux sections qui ont examiné le projet de loi sur la répression de la fraude, ces sections seront libres d’étendre le mandat du rapporteur qu’elles ont nommé précédemment ou d’en nommer un autre. Toutefois je ferai une observation : un honorable collègue vient de nous dire que les chambres de commerce ont été consultées sur le projet présenté par le gouvernement ; les consultera-t-on également sur la proposition de M. de Mérode ? Il me semble que si l’on veut faire marcher les deux projets ensemble, il faudrait compléter sous ce rapport l’instruction de cette dernière proposition, car telle chambre de commerce peut donner un avis dans un sens sur le projet du gouvernement et un avis dans un autre sens sur le projet présenté par l’honorable comte de Mérode. Je voudrais donc que les chambres de commerce fussent consultées sur ce projet, et je demanderai au gouvernement s’il voudrait, lui, se charger de prendre leur avis. De cette manière, l’instruction pourrait être promptement complétée.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je demanderai s’il y a nécessité de nommer un deuxième rapporteur ; on peut fort bien étendre le mandat du premier rapporteur.

M. le président – D’après la proposition, les sections seraient « autorisées » à nommer un second rapporteur.

- La proposition de M. de Brouckere est mise aux voix et adoptée.

M. de Brouckere – Il est convenu que les deux sections centrales n’en feront qu’une.

M. Dumortier – Il ne faut pas introduire la double voix dans la section centrale ; un député pourrait avoir deux voix, tandis qu’un autre n’en aurait qu’une.

Un membre – Chaque section sera représentée à la section centrale par deux rapporteurs.

M. de Brouckere – Voici comment la proposition qui vient d’être adoptée doit être entendue : Toutes les sections sont autorisées à nommer deux rapporteurs ; on comprend qu’elles useront toutes de cette autorisation, parce que chaque section aime à être représentée d’une manière équivalente aux autres.

M. Demonceau – Je demanderai que les chambres de commerce soient consultées.

M. Mast de Vries – Si cette proposition est adoptée, je demanderai que les chambres de commerce soient consultées sur l’estampille, en général, applicable à toutes les marchandises susceptibles d’être estampillées. Aujourd’hui, c’est l’industrie cotonnière qui réclame l’estampille, plus tard ce pourra être l’industrie drapière.

M. Cools – Messieurs, il est impossible de décider dès à présent si les chambres de commerce seront consultées oui ou non ; la solution de cette question doit être réservée aux sections auxquelles le projet de loi est renvoyé. La chambre n’est saisie que d’un projet de loi émané de plusieurs membres, nous ne sommes pas encore régulièrement en discussion ; il faut d’abord que les sections se prononcent sur la question, lorsqu’elles examineront le projet de loi ; il ne s’agit maintenant que d’un renvoi.

M. Desmet – J’appuie la proposition de M. Demonceau, mais spécialement quant à l’article « coton. » Je prierai aussi le gouvernement de consulter les directeurs des douanes sur l’estampille à appliquer à l’industrie cotonnière et de communiquer leur avis à la section centrale.

M. de Theux – Messieurs, je pense qu’il vaut mieux consulter les chambres de commerce avant que les sections s’occupent du projet de loi. Si la chambre adopte la proposition de M. Demonceau, je pense qu’il y a lieu d’inviter ces corps à donner leur avis sur la question de savoir s’il convient d’appliquer l’estampille, et la recherche à l’intérieur à d’autres articles.

Il serait bon que les avis des chambres de commerce soient livrés à l’impression, de manière qu’ils acquièrent la plus grande publicité, et que tout le monde puisse s’éclairer à loisir avant la session prochaine.

M. le président – M. de Theux propose de modifier la proposition de M. Demonceau en ce sens que les chambres de commerce seraient consultées sur l’estampille en général ; je mets la proposition, ainsi modifiée, aux voix.

- Elle est adoptée.

M. le président – Comme c’est une décision de la chambre, le bureau se chargera de recueillir les avis des chambres de commerce.

M. Demonceau – C’est le gouvernement qui devrait consulter les chambres de commerce.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, dans une question d’une aussi haute importance, l’intention du gouvernement était de consulter les chambres de commerce ; il l’eût fait d’autant plus qu’il est convenu maintenant que la discussion du projet de loi est ajournée à la session prochaine, mais nous ne pouvons pas admettre que la chambre nous impose l’obligation de consulter ces corps. Il suffisait que la chambre en manifestât le désir, pour que le gouvernement demandât les avis aux chambres de commerce, et comme je viens de le dire, dans tous les cas il l’eût fait de son propre mouvement. Mais si l’on voulait une décision de la chambre, le bureau, et non le gouvernement, devrait alors se charger de l’exécution de la décision, ce qui paraît au moins irrégulier. Si l’on se contente de ma déclaration, le gouvernement consultera les chambres de commerce. (Bien ! bien !)

M. Demonceau – Je suis au désespoir d’entendre que M. le ministre de l'intérieur pense que j’ai voulu lui imposer une condition quelconque par l’intermédiaire de la chambre. Si j’ai fait une proposition, c’est parce que MM. les ministres ont gardé le silence ; si M. le ministre de l'intérieur veut se charger de consulter les chambres de commerce, j’en suis très satisfait.

Projet de loi autorisant un emprunt de 82,000,000 francs

Discussion des articles

Article 2

M. le président – D’après la décision de la chambre, la discussion est ouverte sur l’article 2 du projet.

Voici ce projet du gouvernement :

« Art. 2. Les fonds dudit emprunt seront affectés :

« 1° A la construction des lignes décrétées du chemin de fer ;

« 2° A l’extinction de 12 millions de bons du trésor, créés par la loi du 28 décembre 1839 (Bulletin officiel n°885) ;

« 3° A solder les 4,000 actions du chemin de fer rhénan, dont l’acquisition a été autorisée par la loi du 1er mai 1840.

« 4° A l’achèvement des routes pavées et ferrées, pour l’exécution desquelles des crédits ont été ouverts par les lois du 2 mai 1836 (Bulletin officiel, n°213), et du 1er juin 1838 (Bulletin officiel, n°204) :

5° A couvrir l’insuffisance des voies et moyens des exercices antérieurs à 1840, jusqu’à concurrence d’une somme de 1,500,000 francs, et à éteindre 10 millions de bons du trésor sur les 18 millions dont l’émission a été autorisée par la loi du 29 décembre 839 (Bulletin officiel, n°888) ;

« 6° Au payement du deuxième semestre de 1840 de la rente annuelle de 10,582,010 francs 58 centimes, à solder en exécution de l’article 13 du traité du 19 avril 1839, et du même semestre des intérêts et de l’amortissement de ‘emprunt de 30 millions, autorisé par la loi du 18 juin 1836 (Bulletin officiel, n°327). »

Voici la proposition de la section centrale :

« Art. 2. Les fonds dudit emprunt seront affectés :

« 1° A la continuation des lignes décrétées du chemin de fe, jusqu’à concurrence de 40,571,029 francs 88 centimes ;

« 2° A l’extinction de 12 millions de bons du trésor, créés par la loi du 28 décembre 1839 (Bulletin officiel n°885) ;

« 3° A solder le prix des 4,000 actions du chemin de fer rhénan, dont l’acquisition a été autorisée par la loi du 1er mai 1840 (Bulletin officiel, n° ).

« 4° A parfaite les dépenses autorisées pour construction de routes pavées et ferrées, par les lois du 2 mai 1836 (Bulletin officiel, n°213), et du 1er juin 1838 (Bulletin officiel, n°204) :

5° Le surplus, à éteindre, jusqu’à due concurrence, les bons du trésor émis par suite des autorisations, résultant des loi du 25 mai 1837 (Bulletin officiel, n°129), du 1er janvier 1839 (Bulletin officiel, n° ) et du 29 décembre 839 (Bulletin officiel, n°888). »

M. Demonceau, rapporteur – Messieurs, M. le ministre des finances a dit, dans le cours de la discussion générale, que les articles 5 et 6 du projet de loi présenté par le gouvernement, seraient remplacés par le numéro 3 du projet de la section centrale. M. le ministre persiste-t-il dans cette déclaration ?

M. le ministre des finances (M. Mercier) – L’observation de l’honorable préopinant est exacte, le gouvernement a consenti à la suppression des numéros 5 et 6 et à leur remplacement par le n°5 du projet de la section centrale.

M. le président – Ainsi, les paragraphes 5 et 6 du projet du gouvernement seraient remplacés par le numéro 5 du projet de la section centrale.

M. Peeters – Messieurs, en demandant la parole au commencement de cette discussion, je voulais essayer de convaincre mes honorables collègues que le moment opportun était venu pour reproduire une proposition dans le sens de celle des honorables MM. de Puydt, d’Hoffschmidt et autres, pour construction des canaux et autres voies navigables, mon opinion ne paraît pas avoir été partagée, car jusqu’ici je n’ai été secondé par personne.

Les députés des provinces oubliées dans la construction des chemins de fer ont le malheur de ne pas s’entendre.

Le gouvernement a dû vous avouer, pendant le cours de cette discussion, qu’il a été entraîné par les chambres à décréter plus de chemins de fer qu’il avait d’abord proposé.

C’est l’union des députés des Flandres et du Hainaut, qui a su obtenir ce résultat favorable pour leurs commettants ; que les députés des provinces du Limbourg, du Luxembourg et d’Anvers, s’unissent et ils obtiendront le même résultat et d’autant plus facilement que leur cause est si juste.

J’engage donc mes honorables collègues du Luxembourg, signataires de la proposition développée par l’honorable M. Zoude, de la retirer et de s’unir à nous pour reproduire une proposition analogue à celle de M. de Puydt, dont je viens de parler, en mettant dix millions à la disposition du gouvernement pour construire ou aider à construire des voix navigables dans toutes les parties du pays où le système des chemins de fer n’a pu être appliqué. Je dis dans toutes les parties du pays, en formulant ainsi la demande ; elle est générale, le gouvernement devra employer les fonds mis à sa disposition d’une manière équitable et conforme à la justice distributive. Remarquez, messieurs, que si les trois provinces que je viens de citer méritent, par leur position, l’attention tout particulière du gouvernement, il n’est pas moins vrai qu’il y a des localités dans d’autres provinces qui en ont un aussi grande besoin que nous.

Que les honorables députés de Luxembourg soient bien convaincus qu’une proposition spéciale comme celle dont il s’agit n’a pas la moindre chance de se voir couronnée de succès.

Pour ce qui regarde les routes pavées la province d’Anvers, bien autrement importante, aurait aussi ses droits à faire valoir, ainsi que j’ai eu l’honneur de vous le faire remarquer antérieurement. Cette province ne possède que 25 lieues de routes pavées faites par l’Etat, tandis que la province du Luxembourg en a déjà 79. (Voir le rapport de M. le ministre des travaux publics sur les routes pavées.)

D’ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu’il existe un fonds spécial pour les routes pavées provenant d’excédants des barrières.

Ce fonds, qui se renouvelle annuellement, met le gouvernement en état de construire successivement des routes pavées dans les pays où le besoin s’est fait le plus sentir.

Mais, pour les constructions de canaux et autres voies navigables, aucun fonds spécial n’est à la disposition du gouvernement. Il est de notre devoir d’y remédier ; les canaux, qui contribueront davantage à fertiliser nos provinces que toutes les routes que nous pourrions construire, méritent bien votre attention.

Que les députés des trois provinces, dont je viens de parler, s’unissent et se hâtent de soutenir la proposition dont je viens de parler et que j’aurai l’honneur de déposer au bureau, qu’ils en fassent une condition sine qua non pour l’emprunt en discussion, et la juste cause que nous défendons ne pourra manquer de triompher ; je dis qu’ils se hâtent, car bientôt le moment favorable sera échappé. On fermera la porte aux emprunts, et les intérêts de nos commettants seront sacrifiés.

M. le président – Voici l’amendement de M. Peeters qui formerait un paragraphe nouveau :

« Aux travaux de canaux et de canalisation, à concurrence de 10 millions de francs dans les contrées restées en dehors du système des chemins de fer. »

- L’amendement est appuyé.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs ; au premier paragraphe de l’article 2, la section centrale propose une somme de 40,571,000 francs pour la continuation des lignes décrétées du chemin de fer ; en faisant cette proposition, la section centrale reconnaît de la manière la plus formelle que la somme proposée par elle est insuffisante pour arriver à l’achèvement du chemin de fer. D’après les rectifications indiquées par l’honorable rapporteur de la section centrale, et admises comme exactes par le gouvernement, la somme nécessaire pour arriver à l’achèvement des chemins de fer, serait de 57,666,000 francs (somme ronde.)

C’est donc cette somme que nous demandons de substituer à celle de 40,571,000 francs offerte par la section centrale.

Les sommes mises à la disposition du gouvernement jusqu’au 31 décembre 1839 s’élevaient à 67,998,000 francs ; les nouvelles sommes qu’il demande, s’élèvent à 57,666,000 francs. Il en résulte que toutes les sommes employées pour la construction du chemin de fer formeront un total de 125,664,000 francs.

Si donc, messieurs, vous voulez que le gouvernement soit dès maintenant en possession de moyens efficaces pour procéder à l’achèvement du railway national, ce n’est pas 40 millions qu’il faut accorder, mais 57,666,000 francs.

A cet égard, nous sommes parfaitement d’accord avec le rapporteur de la section centrale. Or les devis qui viennent se résumer dans cette somme, les évaluations n’ont été trouvées ni exagérées ni erronées par la section centrale. Elle a adopté comme exactes les évaluations portant les besoins du chemin de fer à la somme de 57,666,000 francs. La section centrale, par l’organe de son rapporteur, n’a pas hésité à dire qu’en accordant au gouvernement une provision de 40 millions, elle n’entendait pas l’empêcher d’entreprendre des travaux pour une somme supérieure à ce crédit ; au contraire, a-t-elle dit : faites achever, parachever, les fonds qui vous manqueront vous seront fournis plus tard.

Voilà dans quelles limites larges, la section centrale place l’administration, pour l’achèvement du chemin de fer. Contentez-vous d’avoir 40 millions pour commencer les travaux, engagez le trésor pour le surplus, et nous payerons ensuite.

Si nous étions avides de dépenser, si nous ne nous faisions pas une première loi de ne dépenser les ressources du pays qu’avec une sage économie, nous pourrions accepter un mandat pareil. Jamais, on peut le dire, on n’aurait donné une telle latitude à un gouvernement. Je crois que la section centrale va trop loin, qu’il faut une limite au crédit dans lequel le gouvernement devra se renfermer. Or, ce crédit, c’est l’emprunt. Il faut qu’il soit compris, mais limité dans la loi. Pour mon compte, je reculerais devant une autorisation de dépenses illimitée.

Messieurs, quel avantage la chambre trouverait-elle à autoriser 40 millions d’emprunt et à ajourner le reste ? Quand on fait une loi, il faut qu’elle soit aussi complète que possible. Ne faites pas une loi d’attente, une loi provisoire qui mette le gouvernement en situation de venir d’ici à deux ans demander un nouvel emprunt. Remarquez que ce n’est pas seulement au gouvernement que vous laissez la porte ouverte, mais aussi et surtout aux prétentions des chambres. Déjà vous voyez combien la discussion de l'emprunt a fait naître de propositions. J’ose prévoir que si vous faites plus tard un nouvel emprunt, d’autres propositions encore seront faites pour engager le trésor public dans de nouvelles dépenses. Prenez-y garde, je le répète, si vous renvoyez à deux années les moyens de couvrir les sommes destinées à payer l’achèvement du chemin de fer, à ces sommes viendront se joindre d’autres sommes pour des chemins nouveaux, pour des routes pavées et pour des canaux.

Je crois donc, messieurs, qu’il serait très prudent de ne pas vous borner à constater les besoins du chemin de fer et à accorder le crédit, mais d’assurer dès maintenant les sommes jugées nécessaires. Cette somme si considérable de 57 millions, n’a pas été trouvée exagérée par la section centrale ; cependant d’autres membres n’ont pas partagé cette opinion, entre autres un honorable représentant de Tournay qui, tout en voulant le chemin de fer, nous a présenté un système que je ne puis admettre sur les moyens de l’achever. Cet honorable membre voudrait qu’on appliquât 40 millions à l’achèvement des lignes non commencées et qu’on ajournât les dépenses à faire sur les lignes actuellement en exploitation. Je ne puis admettre ce système. Il irait contrairement au but que l’honorable membre veut atteindre. Lui, comme nous tous, lui surtout, se porte le défenseur des intérêts du trésor, le défenseur des intérêts des mesures d’économie. Je dis que l’économie et les intérêts du trésor exigent que nous travaillions sur les lignes à faire, mais surtout sur les lignes faites ; si nous voulons que le chemin de fer produise de manière à se suffire à lui-même, il faut lui donner des moyens de production ; or, ces moyens de production sont insuffisants, surtout en présence des mesures que l’administration se propose de prendre pour amener de plus grands produits.

Ainsi, si nous voulons donner un plus grand développement aux forces productives du chemin de fer, y ramener plus de voyageurs et compléter le transport des marchandises, il faut que tous les travaux nécessaires s’exécutent. Dans les stations, nous avons besoin de clôtures, de magasins, de hangars, de gares d’évitement, et sur plusieurs lignes lorsque les transports de marchandises viendront, en se multipliant, se joindre aux transports de voyageurs, on comprend qu’ils ne pourraient s’éviter que par une double ligne. Si nous ajournons ces travaux à deux années, on ne pourra pas exploiter le chemin de fer comme je l’entends. A cette époque j’espère que notre chemin de fer touchera d’un côté à la frontière de France et de l’autre à la frontière de Prusse ; il y aura alors accroissement considérable de voyageurs, le chemin de fer ne sera pas prêt à les recevoir. Nous devons prévoir cet encombrement. L’exemple du passé doit nous éclairer sur l’avenir. Vous savez que nos prévisions ont été dépassées de la manière la plus inattendue quant au mouvement belge ; nous devons aussi nous attendre à une augmentation considérable quand le mouvement français et le mouvement allemand viendront se joindre au mouvement belge.

La prudence la plus vulgaire nous conseille de nous préparer et de faire en sorte que les travaux nécessaires soient finis dans deux ans. C’est indispensable pour recevoir le mouvement qui nous est promis.

Eh bien, pour les travaux destinés à l’exploitation on demande une somme de 13,125,000 francs, 9 millions pour les lignes et 4 millions pour les stations. En voici le détail :

Pour la ligne de Bruxelles à Anvers, 306,000 francs seront dépenses pour la construction d’un deuxième pont sur le canal de Louvain, évalué à 60 mille francs pour travaux d’art destinés à faciliter l’écoulement des eaux de la Senne.

De Malines à Ostende, 2,392,000 francs ; sur cette somme sera faite la dépense d’une nouvelle voie de Malines à Gand.

De Malines à Louvain, même objet, dépenses de terrassements, évitement pour les marchandises, paiement d’une partie des dépenses du souterrain de Cumptich, travaux d’achèvement de Gand à Courtray, ainsi que de Landen à Saint-Trond, etc. ensemble 9 millions. Pour les stations, 4 millions sont nécessaires. Si la chambre le désire, j’entrerai dans quelques détails.

Remarquez d’abord que la plupart des villes ont fait des dépenses pour les stations et qu’elles attendent que le gouvernement exécute l’engagement qu’il a pris d’y contribuer ; il est impossible d’ajourner de telles dépenses. Vous ne voudrez pas que ces villes aient fait des dépenses inutiles, car les travaux exécutés par elles seront inutiles jusqu’à ce qu’ils aient été complétés par le gouvernement. Si le gouvernement ajourne les travaux qu’il doit faire à deux ans, les villes auront exécuté les leurs deux ans trop tôt.

A Bruxelles, en vue de donner de l’extension au transport des marchandises, il faut 220 mille francs pour acquisition de terrains plates-formes, agrandissement de hangars, etc. Malines exigera une somme plus considérable, mais l’utilité n’en sera contestée par personne ; il faut des remises pour nos voitures qui sont exposées à l’intempérie des saisies, et occasionnent une perte bien supérieure à la dépense qui résultera de la construction des remises.

Il y a une convention avec la ville qui nous oblige à faire certains travaux.

A Termonde il y a 161,000 francs pour bureaux, réservoir, travaux de terrassements résultant d’une convention avec la ville et le génie militaire ;

A Wetteren, ; 262,000 francs pour remises, bureaux, plates-formes, etc ; Aeltre, 51,000 francs ; Bruges, 180,000 francs ; Ostende, 273,000 francs ; Louvain, 180,000 francs ; Tirlemont, idem.

Avec la plupart de ces villes il y a des conventions qu’il faut bien que le gouvernement exécute.

Maintenant, si nous en venons aux lignes en construction, il est demandé pour leur achèvement, stations comprises, 49,350,194 francs. Il n’y a pas de convention directe avec les villes pour l’exécution de ces lignes à construire ; il y a plus : il y a l’engagement législatif ; il y a deux lois qui prescrivent à l’administration d’exécuter ces lignes. En exécution de ces lois, le gouvernement a déjà engagé le trésor public pour une somme de 19,800,000 francs, au-delà des crédits ouverts jusqu’à ce jour, et voici comment se répartissent les principales sommes engagées :

D’Ans à la frontière prussienne : 6,000,000 francs.

De Bruxelles à Mons : 4,500,000 francs.

De Braine-le-Comte à Namur : 6,000,000 francs.

De Courtrai à Mouscron : 1,600,000 francs.

Si nous devons nous renfermer dans le crédit de 40 millions qui nous est offert par la section centrale, comme l’intention de la chambre ne peut être que le gouvernement commence partout et ne finisse nulle part, ce qui serait le système le plus ruineux, voici l’emploi que nous ferions de la somme de 20 millions 200,000 francs qui nous resteraient à dépenser :

D’Ans à la frontière prussienne : 9,000,000 francs

De Bruxelles à Mons : 2,700,000 francs

De Braine-le-Comte à Namur : 5,900,000 francs

Bâtiments provisoires et stations : 1,600,000 francs.

Total : 20,200,000 francs.

Les sommes déjà engagées s’élèvent à 19,800,000 francs.

Cela fait un total de 40,000,000 francs.

Si nous sommes forcés d’ajourner les autres travaux, voici sur quelles parties l’ajournement doit avoir lieu : de Mons à Quiévrain (les études sont faites, mais il n’y a pas encore de tracé définitivement adopté, par conséquent pas eu d’adjudication).

De Mons à Quiévrain, et de Mouscron vers Lille et Tournay : 6,400,000 francs.

Station du Nord à Bruxelles : 1,200,000 francs.

Station commerciale à Anvers : 400,000 francs.

Non-achèvement des travaux des stations : 2,000,000 francs.

Constructions provisoires à faire au lieu de constructions définitives : 3,400,000 francs.

Enfin, diminution dans les commandes de matériel, et autres réductions : 4,266,000 francs.

Total : 17,566,000 francs.

Avec les fonds qui seraient accordés : 40,000,000 francs.

Nous arrivons à la somme jugé nécessaire de 57,666,000 francs.

Il paraît que la section centrale reconnaît tout au moins la nécessité qu’un crédit soit ouvert dans la loi actuelle, si les moyens eux-mêmes ne sont pas fournis au gouvernement. Je demande, dans le cas où cette proposition serait admise, que ce crédit soit porté à 17,666,000 francs. Mais je crois devoir insister pour que vous ne vous borniez pas à ouvrir un crédit, mais que vous vous rendiez à la nécessité de le couvrir. C’est la destination de la loi.

La loi, il faut bien le répéter, n’a pour but que l’exécution de deux lois antérieures, qui ont décrété les chemins de fer, déclarant que la dépense serait couverte par un emprunt.

Nous venons vous demander l’exécution littérale de cette disposition. Ne faites pas les choses à demi : faites une loi complète ; pas de tâtonnements, pas d’ajournement. J’ai démontré qu’il était important de ne pas laisser dans la loi d’emprunt ouverture à un nouvel emprunt.

J’espère que la chambre aura compris cette raison ; de reste si nous n’avions pas en vue l’intérêt du trésor nous accepterions le crédit sans vous demander d’y pourvoir dès maintenant. Nous sommes persuadés que la chambre ne manquerait pas à l’engagement de faire face à ce crédit, mais nous croyons qu’il est d’une sage administration, d’une bonne prévoyance de fermer la porte à un nouvel emprunt. Nous mettons, vous le voyez, beaucoup de bonne foi et beaucoup de franchise dans la discussion. Nous nous disons : fermez l’issue à toutes propositions nouvelles qui pourraient venir soit du gouvernement, soit surtout de la chambre. Si vous ne suivez pas ce conseil, craignez, lorsqu’il vous sera fait une nouvelle demande, qu’elle n’excède le chiffre de 17 millions ; craignez qu’elle ne s’élève peut-être au double ; forcez l’administration à se renfermer dans les crédits demandés ; forcez-la, forcez-vous vous-mêmes à l’économie. Je sais, et la chambre peut compter sur toute ma sollicitude à cet égard, qu’il est de l’intérêt, de l’honneur du gouvernement de renfermer dans de sages limites les dépenses des chemins de fer qui, je le reconnais ont déjà coûté énormément. Telle sera notre tâche. Et je supplie la chambre de nous aider dès aujourd’hui à l’accomplir.

M. Demonceau, rapporteur – Nous avons uni nos efforts à ceux de M. le ministre des travaux publics pour donner à la chambre et au pays la certitude de ce que pourra coûter le chemin de fer entièrement confectionné. Vous avez entendu M. le ministre des travaux publics vous dire, et en cela je suis parfaitement de son avis, que le chemin de fer entièrement achevé coûterait une somme de 125,664,707 francs.

Avec la somme mise à la disposition du gouvernement au 31 décembre et les 12 millions de bons du trésor qui seront remboursés sur l’emprunt d’après la proposition de la section centrale, il faudra encore au département des travaux publics 57 millions 602 mille francs pour parfaire les travaux des chemins de fer.

Lorsque j’ai dit au nom de la section centrale que nous n’entendions en aucune manière entraver l’administration du chemin de fer, il est bien entendu que c’est jusqu’à concurrence des dépenses reconnues nécessaires pour l’entier achèvement du chemin de fer. Nous n’avons pas voulu donner au ministre des travaux publics un pouvoir plus étendu qu’il ne le demande. Je crois que nous avons été assez loin avec M. le ministre des travaux publics en lui disant : vous pouvez dépenser jusque là ; nous pensons et nous dirons à la chambre que vous devez être autorisé à dépenser jusqu’à concurrence de cette somme. Nous proposons de borner l’allocation à 40 millions, mais vous pouvez faire argent de ce que nous considérons comme pouvant rentrer au trésor.

Cependant, pour ce qui me concerne, je ne me refuserais en aucune manière à allouer à M. le ministre des travaux publics un crédit de la somme qu’il demande, s’il déclare qu’il se contente des 40 millions à prendre sur l’emprunt et s’il consent à accepter pour le reste, qui serait couvert en bons du trésor ou par les autres ressources que nous avons mises à sa disposition.

Dans la séance d’hier, j’ai dit que nous ne savions s’il y avait quelque chose de décidé quant à l’encaisse de la société générale ; vous devez concevoir cependant que s’il était possible de faire rentrer dans les caisses de l’Etat, en valeur effective, l’encaisse de la société générale, vous auriez ainsi 12 millions sur les 17 millions qui restent en arrière.

On nous a fait observer que le budget des voies et moyens sera diminué d’autant, mais si vous empruntez dix-sept millions, ils seront portés au budget de la dette publique ; ainsi, il y aura compensation.

Le principal pour moi serait de n’emprunter que ce qui est nécessaire alors que nous avons des ressources à notre disposition.

M. le ministre des travaux publics vient d’indiquer certains travaux qu’il vaudrait ajourner si l’on n’allouait que quarante millions. Si je devais être la cause du retard du chemin de fer, je vous avoue qu’il y aurait une modification dans mon opinion.

Je ne puis partager l’opinion de quelques-uns de mes collègues qui pensent qu’il serait de l’intérêt du pays de ne pas achever promptement le chemin de fer ; je ne voudrais laisser rien en arrière ; mais je voudrais aussi travailler avec la plus grande économie. Je voudrais surtout que les dépenses fussent moins élevées dans les stations ; il en est qui coûteront beaucoup d’argent sans rendre le chemin de fer plus productif. Pour les stations de Bruxelles, par exemple, le devis porte la dépense à un million 340 mille francs ; je ne sais si l’on ne peut pas en retarder l’exécution. Il est vrai qu’il serait utile d’achever d’autres stations. Mais je m’aperçois que j’entre dans des détails d’administration qu’il ne m’appartient pas d’expliquer.

Pour ce qui me concerne, je n’entends pas entraver l’administration des chemins de fer ; s’il faut un crédit au-dessus de celui que la section centrale a proposé, j’y donnerai mon adhésion. Je ne veux pas d’emprunt pour l’avenir, et si le ministre pense que les ressources complémentaires indiquées par la section centrale ne seraient pas disponibles en temps opportun, je consentirai l’augmentation de l'emprunt actuel. La Belgique ne doit emprunter que le strict nécessaire, et il ne faut pas que le germe d’un nouveau emprunt existe dans la loi.

J’ai la note des travaux ordonnés par l’ancien ministre des travaux publics ; le ministre actuel reconnaîtra que si les dépenses imputables sur l’exercice de 1840 sont fixées, il résulte des cahiers des charges que, quoique les engagements soient pris, il n’y a pas obligation de payer dans cet exercice, parce que les travaux ne sont pas terminés, ou parce qu’ils ne sont pas arrivés à tel degré.

Relativement au matériel il y a 6 millions qui ne seront nécessaires que quand le chemin de fer sera au grand complet ; je sais bien qu’il faut préparer ce matériel à l’avance, mais encore une fois, je ne crois pas qu’il faille dépenser cette somme avant 1842.

Quoi qu’il en soit, j’attends sur tous ces points les explications de M. le ministre des travaux publics ; et s’il pense qu’il ne pourra disposer des ressources de l’encaisse et des autres ressources en temps utile, je voterai pour le chiffre qu’il pétitionnera.

Il est clair que je ne parle pas au nom de la section centrale.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – M. le rapporteur de la section centrale demande si, dans l’opinion du gouvernement, les ressources qu’il indique seraient disponibles en temps opportun pour servir à la construction du chemin de fer. Je dois répondre à ces honorables membres que, me référant d’une part aux explications dans lesquelles je suis entré sur les redevances de la société générale et d’autre part aux renseignements donnés ultérieurement sur le même objet par l’honorable M. Meeus, une partie de ces ressources se trouve définitivement engagée et que l’autre partie l’est aussi, mais en projet seulement.

Quant à l’encaisse de 1830, comme il consiste en obligations belges de l’emprunt 4 p.c., si on devait mettre ces fonds publics en circulation dans un espace de temps qui ne serait pas d’assez longue durée, on s’exposerait à éprouver une grande perte pas suite de la dépréciation qui en résultera.

Ainsi, lors même que cet encaisse rentrerait promptement entre les mains du ministre des finances, on ne pourrait probablement en faire usage en temps opportun.

Indépendamment de ce qu’il serait difficile de placer ce papier et temps utile sans que le trésor en souffre directement, il est encore à craindre que la perspective de voir livrer à la circulation par le gouvernement, des valeurs considérables en effets publics belges, n’aura une fâcheuse influence sur le taux de l’emprunt à contracter.

M. de Roo – L’emprunt est une conséquence des lois par nous votées ; force est donc d’y souscrire. Cependant je demanderai au ministre des travaux publics si, dans les 57 millions qu’il pétitionne comme nécessaires pour achever les travaux décrétés, se trouveront les sommes nécessaires pour l’amélioration à faire à l’une de ces lignes ? Il doit savoir qu’un semblable projet est en étude. Si dans les 57 millions ces sommes sont comprises, j’en voterai l’emprunt, sinon je ne voterai que 40 millions.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Les sommes demandées seront appliquées aux travaux décrétés et par la loi de mai 1834 et par la loi de 1837 ; elles ne seront pas applicables à des travaux non décrétés par la chambre. Ces travaux sont l’objet d’études, et des projets de loi spéciaux seront présentés aux chambres pour obtenir les crédits nécessaires à leur exécution.

M. de Roo – Il ne s’agit pas de travaux nouveaux, mais d’améliorations à des lignes existantes.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Indiquez ces améliorations.

M. de Roo – Par de légers changements à faire à une ligne qui existe dans les Flandres, on pourrait la rendre plus profitable ; ce projet est à l’étude au ministère des travaux publics. Mais si, pour exécuter cette amélioration, il fallait un nouvel emprunt, je voterai pour le minimum de 40 millions.

M. Nothomb – Il est de mon devoir de confirmer les observations faites par M. le ministre des travaux publics.

Je dois d’abord des explications sur la dépêche du 16 avril aujourd’hui imprimée. Il y est dit que 4 millions pourraient être tenus en suspens ; et pourquoi ? Je pensais qu’il serait possible de prélever en 1842, 1843 et 1844, soit un million, , soit un million et demi, sur le budget ordinaire de l’Etat ; mais j’avoue que depuis l’ouverture des débats la possibilité d’un prélèvement de ce genre doit avoir singulièrement diminué à vos yeux comme aux miens. C’est, messieurs, sous l’emprise de cette préoccupation que je supposais dans la dépêche du 16 avril que 4 millions pourraient être ajournés, c’est-à-dire renvoyés au budget ordinaire.

Nous sommes tous d’accord, messieurs, ou à peu près, sur le chiffre qui est nécessaire pour l’achèvement des chemins de fer, tant pour les travaux d’achèvement des sections déjà en exécution que pour la construction des lignes adjugées ou en étude, en entendant cette construction dans ce sens que ces lignes seraient portées au même degré d’achèvement que le seront les lignes en exploitation lorsqu’on y aura fait les travaux projetés.

J’ai combattu dans la section centrale et je dois combattre ici de nouveau le système qui consisterait à laisser en arrière les travaux d’achèvement des lignes exploitées, et à ne construire les lignes nouvelles qu’en les portant au degré d’achèvement où vous voyez aujourd’hui les 14 lignes livrées à la circulation. Ce système, je le repousse, parce que je le regarde comme très mauvais ; ce n’est pas ce système qui suivent des concessionnaires, si excellents juges de leurs intérêts ; ceux-là se gardent bien de livrer à la circulation des lignes inachevées, des lignes où il n’y a pas de stations ; car je puis dire qu’en général nous n’avons pas encore de véritables stations ; notre matériel n’est pas abrité, les voyageurs ne le sont pas, les marchandises ne le seraient pas si le transport en était organisé comme il doit l’être ; il n’y a pas de clôtures; c’est-à-dire qu’il n’y a aucune sécurité. Evidemment une compagnie ne se hasarderait pas de commencer une exploitation dans un état aussi défectueux.

Aujourd’hui, messieurs, tous les essais sont faits, nous savons à peu près ce que nous pouvons attendre du chemin de fer, et notre conduite serait inexcusable si nous montrions la même hésitation que nous pouvions montrez pendant les premières années de l’exécution du chemin de fer. Je conçois que pendant ces premières années on ne voulait pas établir de stations définitives, je conçois qu’il y avait alors beaucoup de tâtonnement ; mais aujourd’hui retarder l’achèvement complet des sections du chemin de fer qui sont livrées à la circulation serait une chose impardonnable ; ce serait autoriser le ministre des travaux publics a venir nous dire à la session prochaine, lorsqu’on lui demanderait ce qu’on m’a demandé si souvent à moi, pourquoi tel ou tel genre de service n’est-il pas organisé ? C’est que les moyens me manquent. Voilà, messieurs, ce qu’il répondrait ; et, en effet, pourquoi le transport des marchandises n’est-il pas organisé ? Mais parce qu’il n’y a pas de stations pour les marchandises, c’est-à-dire parce qu’il n’y a ni hangars, ni magasins, ni clôtures.

A mes yeux donc, messieurs, et je ne puis assez insister sur ce point, avec M. le ministre des travaux publics, à mes yeux les travaux projetés sur les lignes livrées à la circulation, ces travaux ne sont pas des travaux d’amélioration, des travaux de luxe, ce sont des travaux d’achèvement ; je les caractériserai mieux encore ; ce sont des moyens de production.

Ces travaux, messieurs, exigent l’emploi d’un capital nouveau qui viendra augmenter la rente annuelle d’environ 600,000 francs ; eh bien, messieurs, je n’hésite pas à dire que vous augmenterez au moins d’autant les recettes du chemin de fer, je n’hésite pas à dire que si ces travaux étaient ajournés, vous vous priveriez d’un accroissement de recettes même plus considérable que cette rente nouvelle d’environ 600,000 francs.

Ce n’est donc pas d’une dépense improductive qu’il s’agit, au contraire, c’est d’une dépense destinée à donner au chemin de fer le degré de production que nous voulons tous lui voir obtenir.

Dans une de vos dernières séances, messieurs, on a soulevé une question sur laquelle l’honorable rapporteur de la section centrale est revenu aujourd’hui. En admettant comme l’opinion de la section centrale, comme l’opinion de la chambre, l’opinion qui a été exprimée par l’honorable M. Demonceau, il ne s’agirait réellement plus dans cette discussion que d’une question de forme ; le fond est décidé : quarante millions sont insuffisants ; personne ne doute qu’il ne faille cinquante-sept millions en tenant compte des deux millions qui ont été omis par suite d’un malentendu aujourd’hui parfaitement expliqué. Il faudra donc 57 millions. Voulez-vous que le gouvernement procède aux adjudications en considérant la loi comme lui ouvrant tacitement, implicitement un crédit de 57 millions en ne faisant les fonds que pour 40 millions ; ou voulez-vous, dès ce moment, non seulement ouvrir un crédit, mais aussi le couvrir en entier ?

Voilà, messieurs, la seule question qui se présente, et, pour le gouvernement, je dois le dire, ce n’est pas une question, puisque, en définitive, ses pouvoirs seraient, au fond, exactement les mêmes, il aurait l’autorisation d’engager, d’adjuger jusqu’à concurrence de 57 millions, mais il resterait dans cette hypothèse, il resterait au gouvernement, il resterait à nous, messieurs, l’embarras de trouver dans l’avenir les 17 millions ajournés. En 1842 ou en 1843 vous vous trouveriez acculés, comme nous l’avons été bien des fois, c’est-à-dire que les travaux seraient adjugés, que des engagements seraient pris envers les entrepreneurs ; la nécessité, l’urgence de satisfaire à ces engagements existeraient ; il faudrait bien trouver un moyen quelconque, fût-il même une émission de bons du trésor. Eh bien, messieurs, quand on peut prévoir l’avenir à ce point, il faut avoir le courage de faire dès à présent ce que l’avenir exige.

J’ai supposé un moment, messieurs, que nous étions d’accord sur la manière de résoudre la question de l’étendue du crédit, mais il peut y avoir des doutes à cet égard, et je vous rappellerai ce que vous a dit l’honorable M. Dumortier. La question est bien celle-ci : 40 millions seraient alloués dès à présent par la loi ; 57 millions, ou environ, sont jugés nécessaires ; quoiqu’il n’y ait que 40 millions alloués au gouvernement, est-il néanmoins autorisé à adjuger les travaux jusqu’à concurrence d’une somme de 57 millions ? L’honorable M. Demonceau, rapporteur de la section centrale, résout cette question affirmativement ; l’honorable M. Dumortier, membre de la section centrale, la résolu négativement ; moi, messieurs, je me permets de douter.

Néanmoins, si l’opinion de l’honorable M. Demonceau était adoptée (et pour ma part je l’adopterais bien volontiers), il ne resterait plus, je le répète, qu’une simple question de forme.

Je crois, messieurs, qu’il faut considérer la loi qui nous est soumise comme le complément définitif et bien définitif de l’exécution des deux lois relatives au chemin de fer, qu’il faut non pas tacitement ouvrir un crédit de 57 millions en ne fournissant cependant que 40 millions, mais qu’il faut faire dès aujourd’hui la somme nécessaire pour achever le chemin de fer.

Pour terminer je dirai un mot de l’encaisse de 1830.

On vous a dit que c’est là une question finie. Ne jouons pas sur les mots, messieurs, et je crois que l’on a un peu joué sur les mots. Il est très vrai que l’encaisse de 1830 été converti, si je ne me trompe, entièrement en obligations de l’emprunt 4 p.c., qui se trouvent déposées dans un endroit qu’on appelle la tour de la société générale. « Or quelle différence y a-t-il, s’est-on demandé, entre le dépôt de ces obligations à la tour de la société générale et le dépôt à la tour du ministère des finances, si tant est qu’il y ait une tour au ministère des finances ? » Messieurs, il y a ici une grande différence : c’est qu’à la tour de la société générale le gouvernement n’a pas le droit de disposer de cet encaisse.

M. Dumortier – C’est cela.

M. Nothomb – Je conçois que de son côté la société générale, d’après les engagements existants, n’a pas non plus le droit d’en disposer ; je conçois que c’est une affaire finie en ce sens. Mais allons plus loin, et hasardons non pas une opinion, mais une conjecture, une question. Si aujourd’hui la disponibilité de ces sommes en faveur du gouvernement était reconnue, la question s’élèverait de savoir s’il vaut vendre ces fonds, les remettre en circulation, les jeter sur la place, ou bien s’il faut considérer cette somme comme amortissant, comme éteignant plus du tiers de notre emprunt à 4 p.c. C’est là, messieurs, une question que l’avenir nous réserve peut-être.

« Que risquez-vous, nous a-t-on dit, que risquez-vous, l’encaisse se trouve déposé à la tour de la société générale parfaitement à l’abri du feu. »

Eh bien, messieurs, ce que nous aurons en définitive à décider, c’est probablement que cet encaisse servira à amortir le tiers de l’emprunt à 4 p.c. et que les obligations qui le représentent et aujourd’hui si bien à l’abri du feu, seront brûlées. (On rit.)

Un bon tiers de l’emprunt 4 p.c. serait donc amorti de cette manière ; un autre tiers de cet emprunt se trouve engagé dans les consignations, de sorte que notre emprunt 4 p.c. ne se trouverait plus entre les mains des particuliers que pour la somme peu considérable de 10 millions, c’est-à-dire, que l’on devrait considérer à peu près comme n’existant plus un de nos fonds ; il y aurait un échantillon de moins sur la liste de nos fonds.

M. Dumortier – J’avais demandé la parole, messieurs, pour faire une interpellation à M. le ministre des finances et cette interpellation avait précisément pour objet d’éclairer la question que vient de traiter l’honorable préopinant. M. le ministre des finances a dit qu’en ce qui concerne l’encaisse de 1830, il s’en référait aux explications de l’honorable député de Bruxelles. L’honorable M. Meeus a dit que mes calculs étaient inexacts dans ce sens que les 13 millions de l’encaisse, nous les avons entre nos mains.

Je désire savoir de M. le ministre des finances, avant de parler, si la Belgique a entre les mains les 12 millions de l’encaisse, de manière qu’elle puisse en disposer.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Messieurs, cet encaisse ne se trouve pas entre les mains du gouvernement belge, mais le gouvernement belge jouit des intérêts des sommes qui le composent. Cet encaisse consiste maintenant en fonds publics qui sont encore entre les mains de la société générale, mais d’après une convention spéciale, ils sont là en quelque sorte comme en dépôt, et la société générale ne peut pas y toucher.

Du reste, il existe une convention qui a été soumise à la chambre et à laquelle il n’a pas encore été donné suite. D’après cette convention, les fonds de l’encaisse devraient être mis entre les mains du gouvernement belge, moyennant une garantie en obligations du trésor ; depuis lors, dans le but de faire jouir l’Etat des intérêts de ce capital, il a été converti en fonds publics, d’abord en 5 p.c., et plus tard, par suite de diverses obligations financières, l’encaisse s’est trouvé composé uniquement de 4 p.c. belges.

M. Dumortier – Messieurs, vous l’entendez, d’après ce que vient de faire M. le ministre des finances lui-même, il est positif, comme j’ai eu l’honneur de l’avancer dans l’avant-dernière séance, que nous avons une ressource d’environ 12 millions, du chef de l’encaisse de l’ancien royaume des Pays-Bas.

Ceci, messieurs, vous prouve l’exactitude des chiffres que j’ai posés l’autre jour, car évidemment s’il avait été vrai que cette somme fût à la disposition du gouvernement, mes données étaient inexactes, mais elles sont très vraies du moment que M. le ministre des finances lui-même déclare que la somme n’est pas à sa disposition.

Maintenant je ferai remarquer qu’il serait bon cependant d’en finir un jour avec cet encaisse ; il est nécessaire aujourd’hui de prendre une résolution relativement à cet encaisse, alors surtout que nous allons contracter un emprunt, dont une partie formera précisément double emploi avec le montant de l’encaisse. Car si vous avez cette somme à votre disposition, vous pouvez réduire le chiffre de l’emprunt d’une somme équivalente. Si vous empruntez 80 millions et que dans un an, vous soyez mis en possession de l'encaisse des 12 millions, vous aurez dans les mains un total de 92 millions.

L’honorable M. Nothomb répond à cela que lorsque les 12 millions nous reviendront, nous les amortirons, et l’on nous restituera pour 10 millions de l’emprunt 4 p.c.

C’est là une question à examiner, mais en tout cas, cette opération donnerait lieu à de nouveaux frais de commission ; vous savez, messieurs, que les frais sont considérables, et je ne sais jusqu’à quel point nous avons intérêt à payer deux fois, pour le même emprunt, des frais de commission fort élevés, lorsque nous pouvons les éviter.

Je dis donc qu’au lieu de payer tous ces frais de commission, il serait beaucoup plus sage d’attendre, au moins pour cette partie de l’emprunt, jusqu’au moment où la résolution aura été prise.

Lorsque nous aurons épuisé les fonds qui résulteront de l’emprunt, nous aurons alors l’encaisse qu’on aura enfin mis à notre disposition ; alors nous saurons ce que nous avons à faire. Si les besoins sont plus considérables que ceux que nous votons aujourd’hui, nous pourrons émettre ces pièces sans commission, ou au moins avec une commission extrêmement faible, un simple courtage, et par conséquent avoir le bénéfice de l'opération à effectuer. Si nous trouvons que le taux de l’intérêt est désavantageux, il vous sera libre de convertir les pièces en une autre valeur, et alors encore nous aurions des facilités que nous n’avons pas aujourd’hui. Mais le système qu’on veut introduire est un système financier vicieux, quand je dis « système financier vicieux », j’entends parler de ce système, en tant qu’il serait suivi par le gouvernement ; car, pour telle ou telle personne qui serait chargée de l’opération, ce système peut être un très bon système financier.

Messieurs, j’arrive maintenant à la question de savoir si les 40 millions seront suffisants ou non pour les besoins actuels. Je viens déjà de répondre en grande partie à cette question, et prouver que nous aurons, dans un très bref délai, les 12 millions de l'encaisse à notre disposition. Si, au chiffre de la section centrale, vous ajoutez ces 12 millions, vous aurez un total de 52 millions, chiffre qui se rapproche déjà de celui qui est devenu nécessaire, c’est-à-dire un chiffre de 57 millions.

Mais, remarquez, messieurs, que la somme de 57 millions ne vous est pas immédiatement nécessaire, et quand vous les voteriez maintenant, le gouvernement ne pourrait pas l’avoir immédiatement à sa disposition. Tout le monde sait comment les emprunts se font : on ne fait pas les versements du jour même de l’émission : les paiements s’échelonnent de mois en mois, et cela pendant plusieurs années. Donc les derniers paiements n’auront probablement pas lieu avant deux ans, et dans deux ans vous serez nantis des fonds de l’encaisse.

Un membre – Si le gouvernement en est nanti !

M. Dumortier – Le gouvernement aura ces fonds si le gouvernement le veut, et il le veut, car le jour des illusions est passé ; et s’il ne le voulait pas, la chambre est là pour le vouloir.

Indépendamment des fonds de l’encaisse, nous avons encore à notre disposition les capitaux que j’ai signalés dans l’avant-dernière séance. Je sais, messieurs, que l’honorable M. Meeus a répondu à mon discours en prétendant que je m’étais trompé. Vous allez juger, messieurs, si mes évaluations étaient exactes. Voici comment je suis arrivé au chiffre de 25 à 30 millions dû à la Belgique par la société générale.

La société générale doit, du chef de l’encaisse, 12 millions. Elle devait ensuite payer annuellement au trésor public pour la liste civile 500,000 florins, ½ million ; et un autre demi-million annuellement pour redevance au syndicat d’amortissement ; total un million ; ce qui fait 10 millions pour les 10 années écoulées.

Or, dans cette somme de 10 millions de florins (soit 21,000,000 de francs), la Belgique entrera pour les deux tiers, parce qu’elle représente les deux tiers des biens qui ont été aliénés à la société générale. Ainsi, sur les 21 millions de francs, la Belgique aura 14 millions : ce qui, avec les 12 millions de l'encaisse, forme un total de 26 millions de francs. Mais comme je tiens à être juste dans mes calculs, et qu’il est toujours honorable de rectifier une erreur, je dirai à l’assemblée qu’un défaut de mémoire m’avait fait oublier de tenir compte des 5 millions avancés par la société générale pour la canalisation de la Sambre. Mais, messieurs, cette erreur ne porte pas à préjudice, car une pareille somme disparaîtra de la dette publique ; et, d’un autre côté, les intérêts des capitaux que la banque vous doit depuis 10 ans du chef de la liste civile et du syndicat, équivaudront à la somme dont il s’agit, de manière que dans quelques années vous aurez à votre disposition une somme de 25 millions environ.

Le calcul de l’honorable député de Bruxelles est différent : cela se conçoit facilement : Voici comment l’honorable membre a raisonné :

Quant à ce qui est de la redevance de l’encaisse, vous ne devez pas en tenir compte, puisque vous l’avez en votre main, mais M. le ministre des finances vient de déclarer à l’assemblée que le gouvernement n’a pas l’encaisse entre les mains. Ainsi, il y a, de la part de l'honorable député de Bruxelles, une toute petite erreur de 12 millions de francs.

Maintenant, pour ce qui est des 10 millions de florins restant, l’honorable député de Bruxelles en attribue la moitié à la Hollande ; or d’après les principes établis par l’honorable membre lui-même, lors de la discussion des 24 articles, la Hollande ne doit avoir qu’un tiers.

Voilà la base de la différence qu’il y a entre les calculs de l’honorable membre et les miens.

Mais quand vous tenez compte de l’existence de l'encaisse qui est toujours entre les mains de la banque, quand vous tenez compte des deux tiers que la Belgique doit avoir du chef des deux autres postes, vous voyez que nous arrivons en définitive au résultat que j’ai signalé, c’est-à-dire que la Belgique aura environ vingt-cinq millions de francs à sa disposition dans quelques années.

Eh bien, je vous le demande, messieurs, est-il prudent, est-il sage d’emprunter maintenant 80 millions, alors que nous possédons dans quelques années 25 millions ? Cela me paraît éminemment déraisonnable, et je suis étonne que MM Nothomb, Rogier, Mercier et d’autres qui ont parlé, tiennent toujours compte des besoins du pays sans jamais tenir compte de ses ressources. Je le dis encore, présenter les faits de cette manière, c’est les présenter sous un jour faux à la législature, et il ne convient pas dans des questions aussi graves d’offrir les faits sous un jour inexact. Si vous parlez des besoins du pays, tenez aussi compte de ses ressources.

Relativement aux dépenses du chemin de fer, une question se présente, c’est celle de savoir si le gouvernement a besoin dès maintenant d’avoir à sa disposition l’intégralité de toute la somme nécessaire pour l’entier achèvement des travaux du chemin de fer, ou pour parler plus exactement, s’il est nécessaire qu’il adjuge dès à présent toutes les dépenses qui restent à faire pour le chemin de fer.

Pour mon compte, je ne le pense pas. A cela, que répond-on ? On nous dit que si l’on ne pouvait disposer de la somme de 13 millions nécessaire pour le parachèvement des sections du chemin de fer en exploitation, on se priverait d’une ressource considérable. On nous dit qu’il y a dans des stations des dépenses nécessaires et considérables à effectuer ; qu’il y a des localités qui n’ont pas de stations, et qu’il faut absolument leur en donner.

Je répondrai à cette objection, en vous priant, messieurs, de jeter les yeux sur l’annexe D qui se trouve à la page 22 du rapport de la section centrale, et vous verrez que le gouvernement mettra en adjudication, le 10 juillet prochain, des travaux de construction à exécuter aux sections livrées à l’exploitation pour une somme de 1,572,000 francs répartis comme suit :

1er lot. Ligne du nord : fr. 41,000.

2e lot. Ligne de l’ouest : fr. fr. 47,000.

3° Ligne de l’est : fr. 120,000.

4° Station de Bruxelles : fr. 63,000.

5° Station de Malines : fr. 221,000.

6° Station de Malines, grand égout : fr. 75,000

7° Station de Malines, 2,000 mètres de clôture, etc. : fr. 52,000

8° Station d’Anvers : fr. 21,000

9° Station de Louvain ; fr. 163,300

10° Station de Tirlemont : fr. 107,600.

11° Station de Landen : fr. 62,000.

12° Station de Waremme : fr. 89,000.

13° Station d’Ans : fr. 39,000.

14° Station de Termonde : fr. 75,000

15° Station de Wetteren : fr. 51,000

16° Station de Gand : fr. 43,100.

17° Station de Bruges : fr. 137,000

18° Station d’Ostende : fr. 163,000

Total général : fr. 1,572,000.

Il m’a été démontré à moi et à plusieurs membres de la section centrale, que dès que cette dépense sera faite, le chemin de fer serait dans une situation satisfaisante ; mais est-il nécessaire de faire dès maintenant des dépenses énormes pour des sections qui marchent à la satisfaction de tout le monde ? C’est de la prodigalité que de faire semblables dépenses au moment d’embarras du trésor et de les couvrir au moyen de l’emprunt quand dans quelques années nous pourrons y faire face au moyen des ressources que le trésor trouvera dans la liquidation de la société générale.

On vous a dit que pour Bruxelles il est question de dépenser encore trois millions de francs. N’est-ce pas le comble de la déraison que de vouloir dépenser trois millions quand personne, ni à Bruxelles, ni à l’étranger ne songe à se plaindre ? Il faut vraiment avoir trouvé l’argent avec une extrême facilité pour faire semblable proposition, quand personne ne se plaint ; je me trompe, les ingénieurs se plaignent.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – C’est l’exécution d’engagements discutés, adoptés par la chambre pour la station de Bruxelles.

M. Dumortier – Je ne sache pas qu’il y ait eu d’engagements pris par la chambre.

M. de Brouckere – On a discuté trois jours.

M. Dumortier – La station du midi est faite.

M. Nothomb – Elle est ébauchée.

M. Dumortier – Au moyen de ce système d’ébauche, nous ferons du chemin de fer une institution impayable ; je veux que ce soit une chose payable, et je pense qu’avant de faire de nouvelles dépenses sur les lignes en exploitation, il faut exécuter les nouvelles lignes.

M. Nothomb – Il faut que les lignes exécutées soient exploitables. La station du midi n’a pas de clôture.

M. Dumortier – J’admets ce que vous dites, que le chemin de fer doit être exploitable ; et je dis que les 12 millions que vous dépenserez en plus dans les sections en exploitation, n’ajouteront rien à leur exploitabilité. Le chemin de fer transporte toutes les marchandises non encombrantes qu’il peut transporter. Que faut-il pour faire produire davantage au transport des marchandises. Une modification dans le mode d’exploitation. Au lieu de louer les waggons aux entrepreneurs, faites le transport par vous-même ; pour cela il ne faut pas de nouveaux locaux, tout suffit, ce n’est que le mode, je le répète, qu’il faut changer.

Je ne prétends pas dire qu’il ne faut pas faire ultérieurement les travaux projetés, mais aussi longtemps que vous n’avez pas mis les sections non achevées dans une position analogue à celles qui sont en exploitation, il faut suspendre dans celle-ci les dépenses de luxe et d’amélioration qu’on veut y faire.

Mais, dit-on, M. le ministre a l’autorisation d’adjuger, il adjugera. Le ministre va plus loin, il déclare que si on ne lui accorde que 40 millions, il ne fera pas les sections de Mons à Quiévrain et de Courtray à Mouscron. Je dirai d’abord que je verrais avec peine que le ministre des travaux publics ait eu l’intention d’exciter l’esprit de localité. Dans le programme le ministère a dit qu’il voulait éviter l’esprit de localité ; je verrais avec peine, je le répète, que le gouvernement commençât dès maintenant à ne pas exécuter son programme.

Je crois au ministre trop d’esprit de justice pour ne pas exécuter les nouvelles lignes et faire de nouvelles dépenses dans celles qui marchent à la satisfaction de tout le monde. Je pense que lui, qui est le premier auteur du chemin de fer, tiendra à honneur et à gloire d’exécuter les lignes décrétées avant de parachever les autres.

Pour terminer, je dirai que je suis persuadé que quand on versera tous ses capitaux, toutes ses forces dans les sections à exécuter, on retirera plus de bénéfice et par le produit de ces lignes nouvelles et par l’augmentation des voyageurs qu’elles verseront sur les lignes exploitées, qu’on n’en obtiendrait par les travaux de parachèvement.

Je pense donc que dans tous les cas la somme de 40 millions est suffisante actuellement pour le chemin de fer. Le ministre adjugera ce qu’il croira raisonnable, mais je crois qu’il tiendra compte de l'opinion de la chambre en adjugeant, et commencera par l’adjudication des lignes à l’étude, et qu’il attendra pour les dépenses ultérieures que les fonds viennent du chef de la liquidation le gouvernement pressera d’autant plus cette liquidation qu’il aura plus besoin d’argent. Si vous lui donner la somme qu’il demande jusqu’au dernier denier, il ne sera plus intéressé à la liquidation, et dans dix ans vous ne l’aurez pas ; pour moi je veux avoir cette liquidation. Puisque nous sommes certains d’y trouver plus tard les moyens de faire face aux dépenses ultérieures, je ne vois pas pourquoi nous les demanderions maintenant à l’emprunt.

Plusieurs membres – Aux voix ! aux voix !

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si on veut aller aux voix, ce n’est pas moi qui retarderai la conclusion des débats ; cependant j’aurais plusieurs observations à faire en réponse à l’honorable M. Dumortier.

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Si M. Dubus veut parler, je lui céderai bien volontiers la parole.

M. Dubus (aîné) – Dans ma section j’ai été d’avis de restreindre de beaucoup l’emprunt. J’ai écouté avec beaucoup d’attention toute la discussion, et je persiste dans l’opinion que j’avais dans ma section. Je ne puis consentir à voter un emprunt de 85 millions, quand, dans ma conviction intime, 65 millions suffisent. C’est une loi de voies et moyens que nous faisons, nous votons une augmentation d’impôt, car alors que nous votions cet énorme emprunt pour faire face aux dépenses du chemin de fer, vote qui semble ne rien coûter, parce qu’il s’agit d’emprunter, de recevoir de l’argent, quand nous feront le budget des voies et moyens de 1841, nous devrons voter les fonds nécessaires pour payer l’intérêt de l’emprunt ; comme les revenus ordinaires ne suffiront pas pour faire face à tout, on demandera des centimes additionnels. C’est donc une augmentation d’impôt que vous votez. Il n’est pas indifférent dans une pareille position de voter 65 ou 85 millions.

Venez rendre compte ici de vos ressources futures, parce que si vous ne le faites pas, quand elles arriveront, je prévois ce qui en résultera. Vous aurez accordé les 80 millions d’emprunt ; on demandera que ces ressources futures seront employées à d’autres dépenses.

A cet égard, M. Delfosse a eu raison de dire que le motif mis en avant pour faire élever le chiffre de l’emprunt, le déterminait à persister à voter pour la proposition de la section centrale, parce qu’il y voyait un moyen de restreindre aussi nos dépenses futures.

La dépense ne devra se faire qu’en plusieurs années. Sur cela, nous sommes tous d’accord. Cependant, sur le temps, on se tient beaucoup au-dessous de la réalité. On pense que tout sera dépensé en 1842. Ce n’est pas ainsi que les dépenses se paient pour les travaux publics. Nous avons l’expérience qu’en 1840 on a demandé des fonds pour des dépenses faites en 1835 et années antérieures, dont les exercices étaient clos.

Vous croyez que des dépenses de 1842 aucune partie ne pourra être payée en 1843 ; vous pouvez avoir la conviction que beaucoup ne s’acquitteront qu’en 1843 et 1844. on aura le temps de payer. Or, de quoi s’agit-il ? De voir quand il faudra payer et faire un emprunt calculé avec les ressources futures sur lesquelles nous pouvons compter, de manière à pouvoir tout couvrir. Je ne doute nullement qu’avec un emprunt de 65 millions et les ressources que nous avons devant nous, nous ne puissions faire face à nos besoins.

Je ne fais aucun doute que l’encaisse soit disponible si le gouvernement veut en disposer. A la vérité, on dit que cet encaisse a été converti en fonds publics qui ne sont pas sous la main du gouvernement. Mais la société générale ne peut, sous aucun prétexte, se refuser à s’en dessaisir.

Je sais pour quel motif elle a exigé le dépôt ; elle voulait une garantie contre une restauration possible. Voilà pourquoi elle est demeurée dépositaire. C’est parce que ce motif a blessé l’intérêt et l’honneur national, que la section centrale a été unanime pour repousser le projet, parce qu’elle ne pouvait admettre un motif qui attaquait notre nationalité. Depuis le traité, ce motif n’existe plus, on ne sait pourquoi la société générale persisterait dans son refus de dessaisir.

Une voix – Si elle persiste ?

M. Dubus (aîné) – Si elle persiste, vous avez les moyens de la contraindre ; vous n’êtes pas ministres pour rester tranquilles dans vos fauteuils et laisser les choses s’arranger d’elles-mêmes ; vous devez faire quelque chose pour les amener à bonne fin. Je ne doute pas que cet encaisse ne devienne disponible et dans un temps rapproché, si le gouvernement le veut. Mais on a indiqué d’autres ressources, des domaines dont une partie notable peut être aliénée. A cet égard, j’avais eu des scrupules en entendant les honorables députés du Luxembourg ; mais ces scrupules se sont singulièrement affaiblis quand on m’a rappelé qu’ils avaient eux-mêmes proposé, en 1836, la vente de ces mêmes domaines. Je suis convaincu que les inconvénients signalés ne sont pas très graves. Indépendamment de l’encaisse et des domaines, il y a des sommes considérables que nous doit la société générale.

La société générale devait deux redevances de 500 florins chacun par année, cela faisait un million de florins. Il est aisé d’apprécier la valeur de l’observation faite dans une précédente séance par un honorable député de Bruxelles, sur ce qui s’oppose à ce que cette redevance soit payée. Ce qui s’y oppose c’est une saisie de biens qu’elle possède en Hollande. Eh bien, il résulte de documents que j’ai examinés que le revenu de ces biens s’élève à 335 mille florins et il n’est pas malheureux pour elle que cette saisie ait eu lieu puisqu’elle prend prétexte de cette saisie de 335 mille florins pour se dispenser de payer 1 million de florins. Vous voyez qu’en définitive elle n’en souffre aucun préjudice.

Je m’explique d’après cela comment elle n’a pas mis un grand empressement à faire lever ce séquestre, car en prenant les choses sous ce point de vue, elle n’avait pas d’intérêt à le faire lever. Mais le gouvernement aurait intérêt à faire régler ce point.

Le gouvernement hollandais veut prendre ses garanties, pour ce qui lui revient dans ses redevances, il a fait saisir pour 335 mille florins de biens ; mais c’est à la Belgique que revient la majeure partie de ces redevances, car nous avions la majeure partie des biens. Quel prétexte peut-il y avoir pour qu’on n’en dispose pas. Voilà donc encore une ressource sur laquelle nous pouvons tout à fait compter ; car il est évident que la société générale ne peut se dispenser de nous payer ce qu’elle nous doit.

D’un autre côté encore je prends, moi, en considération ce qui nous reviendra en 1849. En effet, plus nous avons de ressources dans l’avenir, moins nous devons emprunter aujourd’hui, car ces ressources viendront à leur temps mettre notre trésor à l’aide. La société générale devra en 1849 20 millions de florins, qui devront être partagés entre notre Etat et la Hollande dans la proportion des bois. Dans cette proportion, il nous revient plus de 30 millions de francs, exigibles en 1849. or, neuf ans sont bientôt écoulés, car déjà neuf ans et plus se sont écoulés depuis notre heureuse révolution.

Ainsi nous avons immédiatement et nous aurons encore dans l’avenir de nombreuses ressources, mettons-nous dans la position de les appliquer à des dépenses faites, et craignons, en adoptant le chiffre de l'emprunt proposé par le gouvernement, d’appliquer ces ressources à de nouvelles dépenses dans lesquelles nous serions entraînés. J’ai cru devoir insister sur ces considérations qui pour moi sont principales. Je me réfère à ce que d’autres orateurs ont dit dans la discussion.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Je ne crois pas qu’il soit possible de laisser sans réponse les observations de l'honorable M. Dubus.

L’honorable M. Dubus s’effraie de l’idée qu’il faudra de toute nécessité créer des voies et moyens nouveaux pour couvrir les intérêts de l’emprunt à contracter. Il trouve que c’est une raison pour maintenir le chiffre de l’emprunt dans les limites les plus étroites ; et il compte, comme d’autres honorables membres, sur l’emploi de l’encaisse de la banque. Mais je prierai l’honorable membre de remarquer que s’il est fait emploi de l’encaisse de la banque pour couvrir les dépenses du chemin de fer, des voies et moyens resteront à créer ; car nous touchons les intérêts de l’encaisse. Depuis que la convention de la banque est conclue, il est régulièrement porté aux voies et moyens une somme de 5 à 6 mille francs. Il est donc parfaitement évident que si vous remettez en circulation les actions de l’emprunt 4 p.c. qui sont dans la tour de la société générale, ces 5 ou 6 mille francs disparaîtront du budget des voies et moyens ; et il faudra les remplacer ou par l’impôt ou par une économie au budget des dépenses. Dès lors, la considération qui touche l’honorable M. Dubus ne peut être d’aucun poids dans la discussion.

Je prie la chambre de remarquer que le gouvernement n’agit ni par amour-propre, ni de parti pris. Le gouvernement est ici parfaitement désintéressé. Tout le monde comprend qu’on ne peut achever les lignes du chemin de fer avec 40 millions. Tout le monde veut l’achèvement des lignes du chemin de fer. Les calculs du prédécesseur du ministre actuel sont acceptées comme irréprochables par la section centrale. Eh bien, ces points étant admis, il est évident que le gouvernement, comme l’a dit l’honorable M. Nothomb, est, quant à sa position personnelle, complètement désintéressé ; qu’il ne peut s’agir que d’une question de forme et de crédit, car si vous n’allouez aujourd’hui que 40 millions, en présence des lois de 1834 et 1837 qui décrètent l’exécution des chemins de fer, il est impossible que lorsque les 40 millions seront dépensés, vous n’accordiez pas les 17 millions que vous refusez aujourd’hui, s’ils sont nécessaires.

Je n’aurais pas demandé la parole, si je n’avais entendu l’honorable membre s’élever encore contre la convention faite en 1833 avec l’ancien caissier de l’Etat, et accuser le ministère d’alors d’avoir méconnu la dignité du pays. D’abord sous le point de vue matériel qu’il me soit permis de mettre sous les yeux de la chambre les résultats de cette convention : l’encaisse de la banque a été mis à la disposition du gouvernement jusqu’à concurrence d’une somme d’environ 13 millions. Ces 13 millions, le gouvernement n’en a pas, il est vrai, disposé comme capital, mais il en a perçu annuellement l’intérêt. Il est entré, de ce chef, dans les caisses de l’Etat, une somme de 5 millions de francs. Ajoutez à cela que l’encaisse de la banque ayant été primitivement converti en actions de l’emprunt 5 p.c. achetées à 93, et remplacé ensuite par du 4 p.c., alors que le 5 p.c. était au cours d’environ 103, le gouvernement a encore fait bénéficier, de ce chef, le trésor public d’une somme d’environ 1 million. Voilà donc 6 millions de francs qui diminuent d’autant le déficit déjà trop considérable signalé par M. le ministre des finances. Voilà quant au résultat matériel de la convention.

Maintenant, quant au point de vue moral, quant au caractère politique de cette convention, je dois exprimer le regret que jamais la discussion publique de cet arrangement n’ait permis au ministère de 1833 d’attaquer, de détruire les préjugés qu’on a propagés à ce sujet. Il n’est pas vrai (j’en appelle aux membres de la commission qui tous, sauf un, ont donné leur adhésion), il n’est pas vrai que jamais le gouvernement ait consenti à stipuler des garanties contre une restauration. La société générale, à tort ou à raison, à tort selon moi, a, de l’avis de ses conseils, consigné en toutes lettres dans la convention, cru ne pouvoir se dessaisir de la somme qui était entre ses mains avant l’époque de la liquidation entre la Belgique et la Hollande. La société générale, alors comme aujourd’hui, et toujours à tort, selon moi, a cru qu’autrement elle s’exposait à payer deux fois une partie de l’encaisse en s’en dessaisissant. Nous n’avons pas accepté la valeur de cette réserve ; nous ne nous sommes pas expliqué, mais ne l’avons pas crue de nature à porter atteinte à la dignité du pays.

M. Dubus (aîné) – Je demande la parole pour un fait personnel.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – L’honorable membre est parfaitement dans son droit lorsqu’il demande la parole pour un fait personnel ; mais je dois déclarer que je n’incrimine pas ses intentions. Je lui éviterai peut-être de prendre la parole en déclarant que tel n’est pas mon dessein.

Comme c’était principalement pour répondre à ce qu’avait dit l’honorable M. Dubus que j’avais demandé la parole, et cela parce que je ne voulais pas laisser le ministère de 1833, et l’honorable M. Duvivier spécialement, sous le coup d’un reproche que ni lui ni ses collègues n’ont mérité ; je crois devoir m’arrêter ici.

M. Duvivier – La convention a été faite au nom du ministère.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Sans doute.

M. Dubus (aîné) pour un fait personnel – M. le ministre des affaires étrangères a dit que la convention conclue avec la banque avait obtenu l’assentiment des membres de la commission moins un seul.

J’étais membre de la commission ; j’ai refusé mon assentiment à la convention en en donnant le motif à l’instant même. Ce motif était que la garantie demandée par la société générale était évidemment la demande d’une garantie contre une restauration. On avait offert à la société générale une garantie en certaines valeurs, elle les refusa en disant qu’elle ne voulait que des valeurs au porteur, qu’elle pût en cas d’événement lancer dans la circulation sans qu’on pût savoir de qui elles provenaient.

J’en appelle au souvenir des membres de la commission, au souvenir de l’honorable M. Brabant, qui faisait partie de cette commission ; c’était là, évidemment, la demande d’une garantie contre une restauration, quant à moi j’ai considéré cette stipulation comme contraire à la dignité de mon pays.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Un mot seul suffira pour démontrer que l’honorable préopinant est dans l’erreur.

L’acceptation de bons du trésor spéciaux, n’a rencontré, je crois, d’autre contradicteur que l’honorable M. Dubus. Si j’ai bonne mémoire, en effet, son opinion sur le caractère politique de ces bons, comme garantie, n’a été partagée par personne. Il est à remarquer que ces bons n’étaient pas négociables, puisqu’ils étaient sans intérêts ; je vous demande qui en aurait voulu et comment on aurait pu les mettre en circulation ? De plus, la société générale a eu soin de déclarer formellement qu’en acceptant les bons du trésor, elle ne voulait que mettre ses droits à l’abri des résultats d’une liquidation à intervenir entre les deux pays. Si elle avait d’autres intentions, c’est ce que nous ne pouvons savoir. Nous n’avions pas à scruter ses intentions secrètes, ni les arrière-pensées qu’on lui prête. Les termes formels de sa réserve n’avaient rien d’offensant pour la dignité du pays, et cela devait suffire.

De toutes parts – La clôture ! la clôture !

- La clôture de la discussion sur le chiffre à accorder pour les chemins de fer est mise aux voix et adoptée.

M. le président – La section centrale propose, pour l’affectation aux lignes décrétées du chemin de fer, la somme de 40,571,029 francs 28 centimes ; le gouvernement demande 57 millions 600 mille francs. Conformément aux usages de la chambre, c’est le chiffre le plus élevé qu’il faut mettre aux voix.

M. Dumortier – Il est inutile de mettre dans la loi le quantum relatif aux chemins de fer ; l’emprunt déterminera ce quantum. Dans le projet du gouvernement il n’y a pas de chiffre.

M. Demonceau – Je crois qu’il faut fixer un crédit pour le chemin de fer.

- Le chiffre de 57 millions 600 mille francs, mis aux voix, est adopté.

L’article 2 proposé par la section centrale est ainsi conçu :

« Art. 2. Les fonds dudit emprunt seront affectés :

« 1° A la continuation des lignes décrétées du chemin de fer, jusqu’à concurrence de 40,572,029 francs 88 centimes ;

« 2° A l’extinction de 12 millions de bons du trésor, créés par la loi du 28 décembre 1839 (Bulletin officiel n°885) ;

« 3° A solder le prix des 4,000 actions du chemin de fer rhénan, dont l’acquisition a été autorisée par la loi du 1er mai 1840 (Bulletin officiel, n° ).

« 4° A parfaite les dépenses autorisées pour construction de routes pavées et ferrées, par les lois du 2 mai 1836 (Bulletin officiel, n°213), et du 1er juin 1838 (Bulletin officiel, n°204) :

5° Le surplus, à éteindre, jusqu’à due concurrence, les bons du trésor émis par suite des autorisations, résultant des loi du 25 mai 1837 (Bulletin officiel, n°129), du 1er janvier 1839 (Bulletin officiel, n° ) et du 29 décembre 1839 (Bulletin officiel, n°888). »

- Par le vote de la chambre, le chiffre du paragraphe premier est changé, et porté à 57,600,000 francs.

M. le président – Le deuxième paragraphe de la section centrale est le même que celui qui a été présenté par le gouvernement ; s’il n’y a pas d’opposition, je le déclare adopté.

Le troisième paragraphe est aussi le même que celui présenté par le gouvernement, sauf rédaction ; et s’il n’y a pas d’opposition, je le déclare adopté.

Au quatrième paragraphe, il n’y a aussi qu’un changement de rédaction ; s’il n’y a pas d’opposition, je le déclare adopté.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Pour rester dans les proposition de la section centrale auxquelles je me suis rallié, voici comment doit être rédigé le paragraphe 5 : « à éteindre fr. 5,511,178 12 c. de bons du trésor sur les 18 millions émis sur le reste, comme au projet de la section centrale.

M. Demonceau – Il est impossible de déterminer le chiffre, et c’est pour cela que nous avons mis jusqu’à due concurrence. J’ai fait remarquer aux employés du ministère qu’au moment où le vote aurait lieu, il faudrait avoir ce chiffre.

M. Nothomb – La chambre a voté le paragraphe 2 ; cependant j’ai une observation à présenter sur ce numéro. On y dit : « à l’extinction de 12 millions de bons du trésor. » Mais une création nouvelle de 5 millions vient d’être autorisée par la chambre ; il faudrait donc dire : « à l’extinction des 17 millions de bons du trésor… » Il est évident que les 57 millions que l’on vient de voter pour les chemins de fer doivent servir à l’extinction des 12 millions de bons du trésor émis et des 5 millions à émettre pour le même objet. Du reste je n’entends que soumettre un doute à la chambre ; je sais que la proposition des 5 millions nouveaux a encore besoin du vote du sénat et de la sanction royale.

M. Desmaisières – La rectification demandée se rapporte plutôt au paragraphe premier qu’au paragraphe 2. Il faudrait dire dans le paragraphe premier : « à l’extinction des 5 millions de bons du trésor et à la continuation… »

M. Nothomb – Comme on voudra.

M. Demonceau – 57 millions pour le chemin de fer viennent d’être votés ; il y a pour le chemin de fer 12 millions de bons du trésor en circulation et les 57 millions doivent les éteindre ; de plus nous avons récemment autorisé une émission de 5 millions de bons du trésor ; mais cette autorisation n’est encore qu’un projet, et n’est pas loi ; le sénat ne l’a pas votée. Ainsi, il est impossible d’en parler actuellement. Qu’il soit bien entendu que ces 5 millions de bons du trésor, s’ils étaient émis, doivent être éteints par les 57 millions votés, et la comptabilité sera régulière.

M. Coghen – On pourrait retirer la loi relative à l’émission des 5 millions de bons du trésor.

M. de Brouckere – Il est impossible de retirer un projet voté par nous-mêmes. D’ailleurs les 5 millions seront probablement utiles : il pourra s’écouler un temps assez long avant la conclusion de l'emprunt, le gouvernement, avec les 5 millions de bons du trésor, n’en continuera pas moins les travaux.

- La séance est levée à 5 heures.