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Chambres des représentants de Belgique
Séance du mardi 17 novembre 1840

(Moniteur n°323 du 18 novembre 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à midi et demi.

M. Scheyven donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes.

« Le sieur Edouard Louis Romberg, docteur en droit, domicilié à Bruxelles, né à Amsterdam et habitant la Belgique depuis 1824, demande la naturalisation. »

- Renvoi à M. le ministre de la justice.


« Le conseil communal de Lillo demande de nouveau que la chambre s’occupe d’une loi qui indemnise des pertes causées par les inondations. »

- Sur la proposition de M. Ullens, la chambre ordonne le dépôt sur le bureau pendant la discussion du rapport.


« Des notaires de l’arrondissement judiciaire de Liége demandent que la chambre s’occupe du projet de loi relatif à la nouvelle circonscription cantonale et aux modifications à la loi de ventôse an XII. »

- Dépôt sur le bureau pendant la discussion du projet relatif à la nouvelle circonscription cantonale.


« Le sieur Theillier, agent général de la compagnie des mines de Pomeroeul, adresse des observations contre le projet de loi relatif aux réductions des droits sur les houilles françaises. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l’examen de ce projet.


Il est fait hommage à la chambre de 103 exemplaires du rapport de la commission du conseil provincial du Hainaut sur la répartition du produit des barrières, etc.

La chambre ordonne la distribution de ce rapport et son dépôt à la bibliothèque.


M. Vanderbelen annonce, par lettre datée de Louvain, 16 novembre, qu’une indisposition l’empêche de prendre part aux travaux de la chambre.

- Pris pour notification.

Projet de budget des recettes et des dépenses de l'exercice 1841

Dépôt

(Moniteur belge n°327 du 22 novembre 1840) M. le ministre des finances (M. Mercier) présente les projets de loi de budgets des voies et moyens et des dépenses de l’Etat.

Présentation générale

Messieurs, nous venons, d’après les ordres du Roi, vous présenter les budgets des recettes et dépenses de l’Etat pour l’année 1841.

Nous aurions été heureux, messieurs, de pouvoir vous proposer une diminution dans le chiffre des dépenses publiques, et par suite un allégement de charges, si, pour atteindre ce but, il n’eût fallu introduire dans notre budget, non d’utiles et sages économies que le gouvernement recherchera toujours avec sollicitude, mais des réductions nuisibles à des services qui sont intimement liés à la prospérité ou à la sécurité de l’Etat.

De nouvelles dépenses, dont la plupart étaient prévues et sont la conséquence de lois antérieures, se trouvent portées au budget de l’exercice prochain ; telles sont, entre autres, celles qui résultent de l’emprunt décrété par la loi du 26 juin dernier, de l’extension donnée aux lignes et à l’exploitation du chemin de fer, et de la création d’un service de bateaux à vapeur vers l’Amérique. Vous reconnaîtrez, nous n’en doutons pas, messieurs, que ces dépenses et d’autres résultant de quelques augmentations de crédit que nous vous demandons, ont toutes pour objet des travaux ou des institutions qui concourent au développement de la richesse publique, ou au perfectionnement intellectuel de la nation, double tâche que toute administration doit s’imposer, et à l’accomplissement de laquelle nous ne cesserons de travailler avec ardeur.

Il n’appartient qu’à des esprits superficiels de juger des charges d’un pays par le simple aperçu du montant des dépenses, sans se rendre compte des motifs et du but de chacune d’elles : rien ne serait en effet plus facile à un gouvernement que d’en abaisser considérablement le chiffre ; il suffirait pour cela qu’il se montrât plus avide d’une popularité éphémère, que soucieux des intérêts du pays. Réduire les cadres de l’armée ; abandonner des travaux d’utilité publique ; rendre à l’industrie, au commerce et à l’agriculture, une partie des allocations qui sont réclamées en leur faveur ; diminuer encore le traitement des fonctionnaires publics, déjà bien faiblement rétribués ; tels seraient les moyens de réaliser immédiatement les plus larges économies, si l’on peut donner ce nom à des réductions qui auraient pour conséquence d’enlever toute garantie d’ordre intérieur, de laisser le pays sans défense et de compromettre nos intérêts les plus précieux.

Nous n’avons pas besoin de le dire, messieurs, tels ne sont pas les principes d’économie sociale que nous voulons suivre : autant nous serions jaloux d’épargner les deniers de l’Etat quand il s’agira de dépenses qui ne seront pas commandées par l’intérêt général, autant nous mettrons de confiance à venir demander des crédits aux chambres, lorsque nous aurons acquis la conviction que la somme de bien-être qui résultera, pour la nation, de leur emploi, sera supérieure au sacrifice qu’elle devra s’imposer.

Budget des dépenses

Il serait superflu de donner ici de longues explications relativement aux budgets des dépenses, qui sont accompagnés de notes de développements qui les justifient et nous ne pourrions que reproduire. Nous allons seulement les passer rapidement en revue, pour en faciliter l’intelligence, eu égard surtout aux changements survenus dans les attributions de plusieurs départements ministériels ; nous entrerons toutefois dans quelques détails relativement au budget et de la dette publique et des dotations.

Dette publique

La dette publique, qui doit d’abord fixer notre attention, présente une augmentation de 3,106,035 fr. 79 c.

Ce surcroît de dépenses est le résultat de la balance des augmentations et diminutions renseignées à l’état des développements du budget.

Il est utile de rappeler qu’il n’a été porté en dépense, pour l’exercice 1840, que l’intérêt du premier semestre de la dette active inscrite au livre auxiliaire à Bruxelles, vu qu’on a considéré le second comme appartenant à l’exercice 1841.

Nous persistons dans l’opinion que la jouissance du capital emprunté se rapportant à un semestre, c’est le budget de l’exercice auquel appartient ce même semestre qui, en bonne comptabilité, et d’après les règles de l’économie, doit supporter la dépense des intérêts ; nous reviendrons sur cette question, qui trouvera mieux sa place lorsqu’il s’agira de fixer le chiffre de la dette flottante, puisqu’on ne peut en aucun cas porter trois semestres à charge de l’exercice de 1841 ; on se borne donc à faire figurer au budget dudit exercice les intérêts des deux semestres.

Les intérêts et l’amortissement d’une partie de l’emprunt, autorisé par la loi du 26 juin dernier, sont portés pour 3,300,000 francs. Le gouvernement a présumé que le budget de cette année n’aurait à supporter que les deux tiers environ des charges de la totalité de l’emprunt.

Vous savez, messieurs, quelles circonstances sont venues entraver la réalisation de notre emprunt, au moment où le cours élevé et ascendant des fonds publics nous faisait espérer de le conclure aux conditions les plus favorables. Un avis, inséré dans le Moniteur du 29 juin, devait avoir pour effet de provoquer la plus large concurrence, en même temps qu’il laissait intact notre crédit, que l’insuccès d’un appel direct à la voie de soumission cachetée ou de souscription publique aurait nécessairement compromis.

Des fonctionnaires supérieurs du département des finances furent envoyés à Londres et à Paris, ayant pour mission de se mettre en rapport avec les plus puissantes maisons financières de ces deux villes, afin de leur donner sur les intentions du gouvernement belge, les explications les plus étendues.

A l’expiration du délai d’un mois, fixé par l’avis dont nous venons de parler, le gouvernement devait conclure l’emprunt en adoptant le mode qui, après une information approfondie, lui eût paru préférer les avantages les plus certains pour le pays, soit la souscription publique, soit la soumission cachetée ou le marché direct ; en attendant, le gouvernement, pour assurer le succès de l’emprunt, avait pris toutes les mesures que la prudence pouvait suggérer.

Tout était ainsi disposé lorsque la nouvelle d’un traité conclu entre quatre grandes puissances pour terminer les affaires d’Orient, vint, par son influence sur tous les fonds publics, détruire les justes espérances que la situation de notre crédit nous permettait de concevoir.

Le gouvernement, quoique pressé par les besoins urgents du trésor, dans l’attente que le calme se rétablirait et que la confiance renaîtrait, fit tous ses efforts pour se soustraire à la nécessité de contracter un emprunt dans des circonstances aussi défavorables.

Vous comprendrez, messieurs, quelle a été la difficulté de notre position, en vous rappelant que l’émission de bons du trésor autorisée par la loi, devait s’élever à 35 millions de francs, et que, comme nous l’avons signalé dans le rapport qui vous a été présenté à l’appui du projet de loi sur l’emprunt, le trésor était à découvert de 4 millions de plus que le montant de la dette flottante ; qu’en outre les intérêts de la dette à transférer et de l’emprunt de 30 millions, par le système suivi d’imputer le second semestre sur l’exercice suivant, augmentaient de plus de 6 millions le découvert du trésor, qui se trouvait ainsi dépasser 45 millions.

Notre situation était effrayante, et elle eût été désastreuse si de plus grandes complications politiques étaient survenues ; les bons du trésor, dont les échéances arrivaient successivement, se renouvelaient en très faible partie ou au prix de sacrifices onéreux pour le trésor, jusqu’à ce qu’enfin il devint impossible de compter plus longtemps sur cette ressource.

Dans cet état de choses, un premier emprunt, d’une valeur nominale de 20 millions, fut contacté le 21 septembre, avec la société générale pour favoriser l’industrie nationale, au taux d’émission de 96 ½. Cependant les dépenses extraordinaires continuant toujours leur cours, cette somme, la seule qu’il fut alors possible d’obtenir à égales conditions, était bien insuffisante.

La situation politique, quoique plus rassurante, n’était toutefois pas exempte encore de toute incertitude ; dans les premiers jours de novembre, une négociation fut entamée avec la société générale et la maison de Rothschild, et le 10 du même mois une fraction de l’emprunt au chiffre de 38 millions, valeur nominale, fut contractée au taux d’émission de 97 ½. La plus simple prévoyance nous aurait fait une loi de cette mesure si l’état du trésor ne l’avait, d’ailleurs, impérieusement commandée. Le moment n’est pas venu, messieurs, d’entrer dans des explications détaillées sur les clauses et conditions auxquelles ces deux emprunts ont été conclus. Il vous en sera rendu ultérieurement un compte spécial, en même temps que les contrats vous seront communiqués.

Si des événements inattendus ne nous ont pas permis d’obtenir tout le succès désiré dans la réalisation de ces emprunts, nous sommes persuadés du moins de les avoir contractés aux prix les plus élevés qu’il était possible d’atteindre, eu égard aux circonstances. Nous croyons avoir d’autant plus à nous féliciter de ces opérations, que bientôt après la conclusion de la première, le 5 p.c. belge fut coté à 90 ; que le nouvel emprunt se négociait même beaucoup au-dessous de ce cours, et que maintenant comme nous ne pouvons prévoir quelle sera la limite de la baisse qui se manifeste dans les fonds publics en général. Du reste, en concluant une partie de l’emprunt en de tels moments, nous avons subis la loi de la nécessité que nous imposait impérieusement notre situation financière.

Le jour même de la signature du dernier contrat, notre encaisse, qui devrait s’élever constamment à 10 ou 12 millions environ, n’était que de 3,800,000 francs, bien que les recettes du mois d’octobre eussent été versées depuis quelques jours seulement dans le trésor.

Avant le 1er mars prochain, les échéances des bons du trésor s’élèveront à fr. 19,800,000.

Les payements à faire pour les travaux du chemin de fer sont approximativement de fr. 8,000,000

La dette à transférer, celle de l’emprunt 4 p.c., ainsi qu’une échéance du prix des actions du chemin de fer rhénan, à acquitter en janvier prochain, montant à 6,878,400.

Ainsi les payements à effectuer avant le 1er mars forment un total de fr. 34,678,400.

D’un autre côté, nous n’avons plus à recevoir sur la première fraction de l’emprunt qu’environ 9 millions ; il restait donc à faire face à des dépenses extraordinaires s’élevant à près de 26 millions de francs.

Un seul moyen se présentait pour retarder encore de quelques semaines la négociation de l’emprunt ; c’était de réclamer de la législature une anticipation de la contribution foncière ; mais indépendamment de ce que cette mesure a de gênant et d’onéreux pour le contribuable, elle eût été insuffisante car on ne pourrait compter, avant la fin de février, que sur une rentrée de 14 millions environ, en supposant même que l’administration peut fait les plus grandes diligences pour recouvrer l’impôt ; ainsi dans le courant de décembre, ou, au plus tard, dans les premiers jours de janvier, il eût fallu inévitablement avoir recours à l’emprunt. Quelle eût été alors notre position si, après avoir absorbé la contribution foncière, cette ressource des temps les plus difficiles, nous nous étions trouvés en présence d’une nouvelle crise politique ? Pour éviter une suspension de payement, qui eut ruiné notre crédit, et de plus grands maux peut-être, nous aurions été forcés de nous soumettre à toutes les conditions qu’on eût voulu nous imposer, quelque onéreuses et accablantes qu’elles eussent été pour le pays. Nous croyons, messieurs, avoir accompli un devoir en évitant les dangers d’une telle situation.

Les intérêts et frais de la dette flottante sont évalués à 800,000 francs, c’est-à-dire à 200,000 francs de moins que pour le présent exercice.

L’émission des bons du trésor, d’après les lois des 28 et 29 décembre 1839, combinées avec celle du 26 juin 1840 devrait être réduite à 12,961,000 francs ; mais ce chiffre était fondé sur des prévisions qui ne se sont pas réalisées.

Déjà, par notre rapport du 12 mai dernier, qui accompagnait le projet de loi d’emprunt, il a été démontré que l’insuffisance à laquelle la dette publique devait parer, était supérieure au chiffre auquel cette dette avait été arrêtée. Elle avait en effet eu pour base le chiffre de fr. 14,137,920 03 c., qui est dans la situation générale du trésor au 1er octobre 1839, présentée en novembre suivant, avait été accusé comme formant l’insuffisance de cet exercice et des années antérieures.

Un compte de la situation générale du trésor public, qui va être présenté à la chambre, prouve que cette insuffisance s’élève à fr. 18,455,806 72 c., ou, avec les 4 millions placés dans un établissement financier, à fr. 22,455,806 72 c.

Le paragraphe 5 de l’article 2 de la loi du 26 juin dernier affecte une somme de fr. 5,038,533 69 c. à l’extinction des 18 millions de bons du trésor créés pour couvrir l’insuffisance supposée de fr. 14,137,920 03 c. (soit 14 millions), ainsi que les 4 millions dont nous venons de parler, de telle sorte que cette émission se réduirait à 12,961,000 francs ; mais comme le vide réel du trésor est de fr. 22,455,806 72 c., ce serait à 17,417,275 francs que s’élèverait notre dette flottante.

Les embarras dans lesquels nous nous sommes trouvés, et qui eussent pu devenir beaucoup plus graves, ne prouvent que trop, messieurs, que, loin de rejeter sur un exercice suivant les dépenses qui, par leur nature, appartiennent à une année antérieure, un gouvernement sage et prévoyant devrait au contraire former une réserve pour en user dans les temps difficiles. Ne dédaignons pas, messieurs, la leçon que l’expérience vient de nous donner ; reconnaissons notre véritable position pour éviter désormais un écueil contre lequel le crédit public pourrait un jour venir se briser. Dans le cours ordinaire des choses, les recettes s’effectuant avant les dépenses auxquelles elles sont destinées, il peut être assez facile de faire, avec les fonds d’un exercice, l’avance de quelques dépenses appartenant à un exercice suivant, mais encore faut-il que celles-ci ne soient pas trop considérables.

Jusqu’à aujourd’hui, excepté pour 1840, nous n’avons procédé de la sorte qu’à l’égard d’une faible portion de notre dette (7,000,000 francs) qui, à cause de son peu d’importance, ne pouvait faire éprouver de gêne sensible au trésor. En serait-il de même s’il s’agissait d’acquitter chaque année, au 1er janvier, une somme de plus de 6 millions de francs (environ la dix-septième partie de notre budget), avec un solde en caisse dont la destination est déjà marquée pour d’autres dépenses qui, chaque jour, peuvent en réclamer l’emploi ? Nous croyons qu’il suffit de l’énonciation d’un chiffre aussi élevé pour que l’on soit persuadé du contraire.

C’est cependant à ce chiffre que s’élèverait la somme dont il faudrait ainsi faire l’avance, en maintenant le système qu’on a suivi cette année.

En effet, la rente à transférer s’élève par semestre à fr 5,291,005 29

Le monte de la rente 4 p.c. est de fr 600,000.

L’amortissement de cette dernière dette est, par semestre de fr. 150,000.

La somme totale à payer chaque année au 1er janvier, avec des fonds qui ont une autre destination, serait donc de 6,041,005 fr. 29 c.

Elle serait même augmentée encore, si plus tard, nous jugions utile d’établir un amortissement quelconque pour la partie de la dette qui doit nous être transférée par suite du traité de paix.

Nous avons déjà eu occasion de le faire remarquer : c’est précisément pendant les mois de janvier, février et mars que les recettes sont les plus faibles, car c’est seulement vers la fin du 1er trimestre que s’opèrent les premiers recouvrements sur les contributions directes, tandis que les dépenses se font pendant cette période sur le même pied que pour les autres mois de l’année.

Pour rendre plus évident encore le danger que nous signalons, prenons un exemple dans l’économie domestique ; que dirait-on d’un père de famille qui, ayant à acquitter le loyer d’une maison qu’il occupe depuis le 1er janvier d’une année, ne tiendrait compte, dans la balance de son revenu et de ses dépenses, que de la moitié de ce loyer, sous prétexte que le payement de la deuxième moitié ne serait exigible qu’au 1er janvier suivant ? Evidemment chacun accuserait d’imprévoyance celui qui aurait agi de la sorte, et qui, au lieu d’avoir ménagé ses ressources de manière à pouvoir s’en servir pour acquitter la partie de son loyer prenant cours au 1er juillet de la même année, devrait ou suspendre d’autres payements ou anticiper sur ses revenus de l’année suivante. En effet, l’équilibre se trouverait ainsi rompu, la gêne se ferait sentir, et elle deviendrait un embarras insurmontable à la première cause imprévue d’augmentation de dépense.

Ce qui est vrai à l’égard d’un seul citoyen, l’est aussi quand il s’agit de la société tout entière ; les règles de l’économie politique ne diffèrent pas, sous ce rapport, de celles de l’économie domestique. On doit donc être convaincu que, même dans des temps ordinaires, le trésor serait embarrassé s’il était astreint à une avance de plus de 6 millions à l’époque la plus défavorable de l’année, et que, dans des temps difficiles, une telle nécessité pourrait entraîner les conséquences les plus déplorables.

Hâtons-nous, donc, messieurs, de rétablir les choses dans leur état régulier, et ne croyons pas éviter un danger en fermant les yeux pour ne pas l’apercevoir. Reconnaissons que le semestre arriéré de la rente à transférer et de l’emprunt du 18 juin 1836, avec son amortissement, accroissent l’insuffisance des années antérieures, et doivent porter ainsi notre dette flottante au chiffre de fr. 25,458,278 29 c., soit 23,500,000 francs. Dès lors, les semestres de ces rentes figurant au budget de 1841, seront considérés comme étant ceux qui prennent cours au 1er janvier et au 1er juillet de cet exercice.

Notre situation étant ainsi clairement dessinée, il nous restera, messieurs, un devoir à remplir, celui de chercher à réduire successivement et à éteindre notre dette flottante, par une sage économie dans les dépenses et par d’autres moyens dont nous espérons pouvoir user à une époque rapprochée. C’est là une tâche que nous ne perdrons pas un instant de vue, et dont l’accomplissement fera l’objet de nos sérieuses méditations et de nos constants efforts.

Pensions

Les dispositions de la loi du 27 mai 1840, par leur effet rétroactif, ont eu pour résultat d’élever considérablement le chiffre des pensions militaires, ce qui explique la majoration du crédit demandé pour pensions autres que celles des employés du département des finances. Quant à l’augmentation relative à ces dernières, il en est rendu compte à l’état n°3, qui se trouve à l’appui des développements du budget de la dette publique. On sait que les agents de ce département subissent une retenue considérable sur leur traitement pour alimenter le fonds de pensions ; mais cette ressource étant insuffisance, un subside est accordé chaque année par l’Etat. Le crédit que nous réclamons est indispensable pour faire face aux pensions déjà existantes. Pénétrés de la nécessité d’apporter dans nos dépenses toutes les économies conciliables avec une bonne administration, nous nous empressons de déclarer à la chambre que rien ne sera négligé pour diminuer à l’avenir le chiffre de ces pensions, et qu’il ne sera admis d’employés à la retraite qu’après un sérieux examen, et lorsqu’il sera bien constaté que l’on ne pourrait les conserver dans les cadres de l’administration sans qu’il en résultât un grand préjudice pour le service. Qu’il nous soit permis, messieurs, d’appeler, à cette occasion, votre attention sur le projet de loi relatif aux pensions civiles qui vous a été présenté et qui a déjà été examiné dans les sections.

Justice

Les éléments dont se compose le budget du département de la justice, par suite des modifications apportées dans ses attributions sont les suivantes :

1° Budget de la justice pour l’exercice 1840 : fr. 6,452,577.

2° Transfert du budget de l’intérieur :

a. Dépenses relatives aux cultes : fr. 4,150,047

b. Dépenses relatives à la sûreté publique : fr. 80,000

3° Pénitentiaire de Saint-Hubert (Loi du 8 juin 1840) : fr. 100,000

Total des dépenses votées au budget de 1840 : fr. 10,832,624

Les sommes portées au budget de 1841, pour les mêmes services, s’élèvent à 11,060,737.

L’excédant est de fr. 228,113.

Dans cet excédant se trouve comprise une somme de 37,070 francs, transférée du budget de l’intérieur pour dépenses relatives au personnel, de sorte qu’il n’est en réalité que de 191,043 francs.

Les notes que renferment les développements de ce budget nous dispensent d’entrer dans de plus amples explications sur les différences qu’il présente comparativement à celui de l’exercice actuel ; je ferai remarquer seulement que les augmentations les plus considérables s’appliquent à des établissements de bienfaisance ou d’utilité publique.

Affaires étrangères

Les budgets des affaires étrangères et de la marine, par suite des changements d’attributions dans ces départements, se composent :

1° Celui des affaires étrangères :

Du budget de ce département, établi par la loi du 2 janvier 1840, moins un transfert de 12,000 francs aux travaux publics pour indemnité de logement et de loyer pour les bureaux, ci : fr. 1,124,500

2° Celui de la marine :

a. Du budget de ce département, ci : fr. 959,952

b. D’un transfert du budget des travaux publics (bacs et bateaux) : fr. 48,758

Ensemble : fr. 1,008,740 xxx

Le budget des affaires étrangères, présenté pour 1841, ne s’élevant qu’à 1,115,500 francs et celui de la marine à 960,849 francs, ils offrent ensemble une réduction de 56,861 francs. Malgré cette diminution de dépense, la somme destinée à rétribuer nos agents consulaires se trouve augmentée de 40,000 francs ; on conçoit que ces agents, dont l’influence peut être si grande sur notre prospérité commerciale, doivent être placés dans une complète indépendance, et que, si le traitement de quelques-uns d’entre eux est reconnu insuffisant, il importe de l’élever à un taux convenable dans l’intérêt de la mission qu’ils ont à remplir : on ne doit pas hésiter non plus à établir de nouveaux consuls, là où il sera démontré que leur présence facilitera l’écoulement des produits de notre industrie.

Intérieur

Le département de l’intérieur ayant également subi des changements dans son organisation, nous allons aussi indiquer les allocations de différents services dont il se compose actuellement, et celles des services qui en sont distraits :

Les crédits votés pour l’exercice 1840 sont les suivants :

Budget de l’intérieur : fr. 8 ,613,504 20

Il a été transféré du département des travaux publics, pour frais d’administration de la milice et de la garde civique, la somme de fr. 21,000

Et pour le traitement du personnel attaché à cette branche de service : fr. 11,600

Total : fr. 8,646,704 29.

Il y a lieu de déduire de ce chiffre pour transferts :

1° Au budget de la justice :

a. Personnel : 57,070

b. Cultes : 4,150,047

c. Frais de police : 80,000

2° Au budget des travaux publics :

a. Personnel : 18,800

b. Instruction publique : 1,082,148

c. Beaux-arts, lettres et sciences : 400,029

Soit au total fr. 3,768,094

Ainsi les allocations attribuées aux branches d’administration qui restent à ce département se réduisent à fr. 2,878,640 20

Tandis qu’il est pétitionné pour l’exercice 1841 fr. 3,355,676 80

Le résultat présenté donc une augmentation de 457,066 60

Toutefois, il est à remarquer que de nouveaux articles de dépenses, reconnus indispensables, absorbent une somme de 618,000 francs, et que, sans les crédits qu’ils exigent, le budget de l’intérieur, à raison des services conservés, aurait présenté une diminution de dépenses de 190,933 francs 40 c.

Les crédits nécessités par les nouveaux articles sont :

1° 100,000 francs pour amélioration des voies vicinales.

2° 6,000 francs pour chasse, répression de braconnage, etc.

3° 42,000 francs pour achèvement de construction à l’école de médecine vétérinaire.

4° 100,000 francs pour l’exposition en 1841.

5° 400,000 francs pour la navigation transatlantique (dépense autorisée par la loi du 29 juin dernier).

Total : 648,000 francs.

Guerre

Le budget du département de la guerre n’ayant pas été arrêté par la législature, pour l’exercice de 1840, nous ne pouvons établir de comparaison que sur la balance des chiffres demandés pour ces deux exercices.

Le budget présenté pour 1840 est de fr. 32,790,000.

Il n’est pétitionné pour 1841 qu’une somme de fr. 30,525,000.

Différence en moins : fr. 2,265,000.

Les différentes économies, parmi lesquelles la solde de la cavalerie et de l’infanterie, ainsi que la masse des corps, figurent pour une somme de fr. 2,304,751 59 c., s’élèvent à la somme de fr. 2,651,402 96, dont il faut déduire, pour augmentation sur d’autres services, savoir :

1° Dépôt de la guerre : fr. 11,000

2° Solde de la gendarmerie : fr. 119,160 47

3° Remonte : fr. 143,200

4° Matériel du génie : fr. 88,940

5° Traitements temporaires, dépenses imprévues, etc. : fr. 24,102 49

Total intermédiaire : 386,402 96.

Soit une différence finale de 2,265,600 .

Travaux publics

Les attributions du département des travaux publics ont reçu de notables modifications ; ainsi, au budget ordinaire pour 1840, qui s’élève à la somme de fr. 9,036,031 27 c., on doit ajouter pour transferts :

1° Des affaires étrangères (Indemnité de logement et loyer de bureaux) : fr. 12,000

2° De l’intérieur (Personnel) : fr. 18,800

3° De l’intérieur (Instruction publique) : fr. 1,082,148.

4° De l’intérieur (Lettres, sciences et arts) : fr. 400,029

Total : fr. 10,549,008 27.

Il y a à déduire de cette somme, pour transferts à d’autres départements, savoir :

1° Au budget de la dette publique (Canal de Charleroy) : fr. 661,375 65

2° Au budget de la marine (Bacs et bateaux) : fr. 48,758

3° Au budget de l’intérieur (Personnel) : fr. 11,600

4° Au budget de l’intérieur (Milice et garde civique) : fr. 21,600

5° Au budget des finances (Salaire d’un pilote) : fr. 900.

Soit un total de fr. 744,233 66

Donc la somme totale mise à la disposition du département des travaux publics, pour 1840, s’élève à fr. 9,804,774 61

Celle demandée pour faire face, pendant l’exercice 1841, à tous les services attribués à ce département étant de fr. 12,372,119 29, il en résulte que les dépenses pour l’exercice prochain sont augmentées de fr. 2,567,344 98.

Outre les développements du budget de ce département, qui font connaître quels sont les services qui ont nécessité cette augmentation, il sera donné par M. le ministre des travaux publics, sur les allocations demandées aux chapitre II,III et V, des explications qui nous dispensent d’entrer ici dans de plus longs détails à cet égard.

Finances

Le département des finances n’ayant subi aucun changement dans ses attributions, et les modifications apportées à son budget étant justifiées par des notes explicatives, nous nous bornerons à faire remarquer que l’excédant d’une somme de 442,685 francs qu’il présente sur celui qui a été voté pour l’exercice courant, comprend une somme de 330,000 francs pour achat de matière et frais de fabrication de pièces de 3 et 2 centimes, et une autre de 100,000 francs faisant partie de celle de 150,000 déjà proposée au budget de 1840, et dont l’admission n’avait été qu’ajournée par la chambre.

Telles sont, messieurs, les observations que nous avons cru devoir vous soumettre à l’égard du budget des dépenses.

Balance générale entre recettes et dépenses

Avant d’appeler votre attention sur le budget des voies et moyens, nous allons établir quelle est la différence entre le montant des dépenses et celui des recettes présumées d’après nos ressources actuelles.

Le budget des dépenses présente un total de fr. 105,632,724 31.

Le budget des recettes, d’après les voies et moyens actuels, est présumé pouvoir s’élever à fr. 101,217,507.

L’insuffisance des voies et moyens est donc de 4,415,217 31.

Il est à remarquer que cet état de chose n’existerait pas, et que nous pourrions suffire à nos besoins sans nouvelles charges, si nous avions à notre disposition des ressources extraordinaires telles que celles qui ont été portées au budget de cette année.

Comme il n’en est pas ainsi, il s’agit de trouver immédiatement, par la voie de l’emprunt, un accroissement de recette de 4 millions 415,217 fr. 31 c.

Mais en satisfaisant seulement aux plus pressantes exigences de notre situation, aurons-nous fait tout ce que l’on doit attendre d’hommes placés au timon des affaires de l’Etat ? Non assurément, l’imminence des besoins actuels nous aura seule préoccupés, et l’on pourra, avec fondement, nous accuser d’imprévoyance. Osons donc jeter un regard dans l’avenir, et voyons s’il ne faut pas dès aujourd’hui préparer des ressources plus considérables pour éviter désormais la pénible nécessité de recourir à de nouveaux emprunts.

L’équilibre de nos budgets peut être détruit par un accroissement de dépenses ou par une diminution de revenus. Nous ne pouvons nous le dissimuler, ce double résultat va se présenter à la fois dès l’année 1842, il importe donc de prendre les mesures nécessaires pour en prévenir les conséquences.

D’une part, nous aurons à supporter les intérêts et l’amortissement du complément de l’emprunt décrété par la loi du 26 juin dernier ; une augmentation provenant de l’amélioration à apporter au sort de la magistrature, les subsides qui pourront être votés en faveur des personnes qui ont souffert par suite des événements politiques ; peut-être sera-t-il jugé utile, dans l’intérêt de notre crédit public, d’établir un amortissement quelconque pour la partie de la dette qui nous sera transférée en vertu du traité du 19 avril.

D’un autre côté, nous allons, dès 1842, être privés d’une ressource qui, depuis plusieurs années, figure pour une somme considérable dans nos voies et moyens, et qui, au budget de 1841, est portée encore pour 2,240,000 francs ; il s’agit du prix de vente des domaines dont il ne restera plus à percevoir que trois à quatre cent mille francs, à l’expiration de ce dernier exercice.

Par suite de ces différentes causes, il n’y a pas d’exagération à porter de 4,415,217 fr. 31 c. à 10 millions au moins, l’insuffisance à laquelle il faudra pourvoir au budget des voies et moyens de 1842, en prenant pour point de départ l’Etat de choses actuel.

Il est vrai que l’avenir nous réserve aussi quelques ressources, telles que l’encaisse de 1830 et les redevances dues par la société générale ; nous pouvons compter également sur de nouveaux revenus à provenir de l’exploitation du chemin de fer ; mais rappelons-nous aussi qu’il nous reste une dette flottante considérable, à l’extinction de laquelle pourraient être utilement employés les excédants de recettes et les capitaux qui, plus tard, se trouveront à notre disposition.

Pour suffire aux dépenses de l’exercice prochain et nous ménager une partie des ressources nécessaires pour l’avenir, nous proposons de prélever quelques augmentations d’impôt sur les contributions directes, la douane, les accises et les droits d’hypothèques.

L’accroissement de produits qui, d’après nos prévisions, doit résulter des mesures que nous soumettons à vos délibérations ‘élèvera à 7,218,000 francs, comme il est établi dans le tableau suivant : (tableau non repris dans cette version numérisée, tableau duquel il ressort qu’à terme, l’augmentation attendue des recettes sera de 7,218,000 francs).

Mais différentes causes s’opposeront à ce que le produit de 7,218,000 francs soit atteint dès la première année ; ainsi que nous l’expliquerons tout à l’heure, on ne doit attendre des droits de douane et d’accise, pendant l’exercice prochain, qu’une portion de l’augmentation de recettes que l’on obtiendra plus tard. Nous n’avons donc porté au budget des voies et moyens, comme augmentation de produit, qu’une somme de fr. 5,251,176 francs.

L’insuffisance constatée était de 4,415,217 31.

L’excédant des recettes sur les dépenses s’élèvera à fr. 833,958 69.

D’après ce que nous avons exposé, l’insuffisance prévue des revenus du trésor, à partir de 1842, sera d’environ 10,500,000 francs, et nous proposons dès à présent d’en créer de nouveaux pour une somme d’environ 7,218,000 francs.

Avant d’indiquer les moyens d’obtenir d’autres ressources, nous allons examiner successivement, et chacun en particulier, les dispositions comprises dans le projet de loi que nous avons l’honneur de présenter à vos délibérations.

Budget des voies et moyens

Contribution foncière

Il est de notoriété publique que depuis environ 25 ans, les valeurs vénales et les prix de fermage ou de location des propriétés foncières ont considérablement augmenté. On peut, sans exagération, estimer au double la plus-value qu’elles ont généralement acquise pendant cette période.

La contribution foncière n’a pas subi d’augmentation pendant le même laps de temps. Elle fut au contraire diminuée en 1831 et 1832 (lois des voies et moyens de 1832 et 1833) d’une somme de 406,967 francs, montant des réductions alors accordées aux deux Flandres et à la province d’Anvers. Ces provinces étaient surchargées comparativement aux autres, et à défaut de bases certaines pour répartir sur ces dernières la somme de 406,967 francs, elle fut déduite du contingent total de la contribution foncière du royaume.

Aujourd’hui que la contribution foncière ne s’élève guère, comparativement au revenu, qu’à la moitié de ce qu’elle était à l’époque où elle fut établie, et que la péréquation cadastrale a fait disparaître les irrégularités de répartition qui existaient entre les sept provinces entièrement cadastrées, il ne peut être que juste de rétablir le contingent en principal de cette contribution, tel qu’il se trouvait fixé en 1831, avant les réductions accordées aux deux Flandres et à la province d’Anvers, et de répartir sur les sept provinces dont celles-ci font partie, la somme de 406,967 francs que présentent en moins leurs contingents réunis.

En présence de la nécessité d’obtenir quelques augmentations de recettes, pour mettre le budget des voies et moyens en harmonie avec celui des dépenses, il a paru opportun de ne point maintenir plus longtemps une diminution d’impôt qui n’a été introduite, il y a quelques années, que par des considérations qui ont cessé d’exister.

Et comme la contribution foncière est devenue de plus en plus modérée, par suite de l’élévation progressive des revenus, il a été jugé convenable, tant dans l’intérêt de la généralité des contribuables que dans celui du trésor, d’en augmenter le contingent proportionnellement à l’accroissement survenu dans la matière imposable, depuis la péréquation cadastrale ; accroissement qui résulte de la différence en plus que présentent les évaluations des nouvelles propriétés qui sont devenues imposables sur celles qui ont dû être supprimées, par suite de ce que les propriétés qu’elles concernaient ont dû entrer dans la catégorie des objets non imposables.

Depuis la fin de 1835, époque de la péréquation cadastrale entre les sept provinces entièrement cadastrées, le revenu imposable qui a servi de base à cette péréquation a éprouvé une augmentation de fr. 536,401 34 c. ; cet accroissement de revenu donne pour contingent proportionnel dans la contribution foncière une somme de 54,480 francs, laquelle, réunie à celle de 406,967 francs, montant des réductions accordées en 1831 et 1832 aux deux Flandres et à la province d’Anvers, forme une augmentation de contingent en principal pour 1841, comparativement à 1840, de la somme de 461,447 francs.

Il est bien entendu qu’il ne s’agit pas ici d’atteindre les augmentations de valeurs des propriétés non bâties, dues à l’industrie du propriétaire ou du cultivateur, ou résultant de toute autre cause ; ces augmentations ne pourront être atteintes que lorsque le cadastre sera soumis à une révision générale ; encore cette dernière ne pourrait-elle s’opérer que de manière à conserver au propriétaire, jusqu’à l’expiration des délais fixés par loi du 3 frumaire an VII, les avantages qui lui sont accordés par cette loi pour les améliorations de culture.

Accise sur les eaux-de-vie indigènes

L’impôt sur les distilleries a été de tout temps une source précieuse de revenus pour l’Etat. A une époque peu éloignée, on a entièrement répudié un système de législation fort productif, mais qui avait excité de vives réclamations. Ce n’est pas, cependant, que sa base ne fût équitable et savamment calculée, mais il était accompagné de nombreuses entraves, qui, tout en laissant de larges portes ouvertes à la fraude, fournissaient de fréquentes occasions de constater des contraventions, et, par une conséquence naturelle, donnaient matière à de continuelles contestations. C’était là un vice qui entachait cette législation, et qu’il importe d’éviter à l’avenir ; car, en se renouvelant incessamment, ces contestations finissent par donner aux relations entre les contribuables et les agents du gouvernement un caractère d’aigreur qui, individuel d’abord, se généralise promptement au détriment des intérêts de tous.

Ce résultat, le système précédent l’avait produit. On a donc cru devoir y renoncer, et y substituer des principes libéraux qui s’accordent davantage et avec l’esprit de nos institutions, et avec les intérêts d’une branche d’industrie intimement liée à la prospérité de l’agriculture.

Effrayée sans doute de l’extrême libéralité des bases du nouveau système, la législature a craint d’élever le droit dans la proportion que doit nécessairement atteindre un impôt de cette nature. Appréhendant la fraude, elle a voulu désintéresser le fraudeur. Elle y a réussi ; mais en sacrifiant une branche importante des revenus de l’Etat, et en nuisant à la morale publique, par suite de l’excès de consommation que le bas prix du genièvre a amené. Nous ne répéterons pas ce qui a été dit et écrit en différentes occasions pour justifier une majoration de l’impôt sur les distilleries : la nécessité en est reconnu ; il ne s’agit que d’en rechercher les moyens.

Les avis ont varié à cet égard. Les uns, préoccupés d’une crainte exagérée de la fraude, ne croient une augmentation de l’accise possible qu’en contrôlant les diverses opérations du distillateur, c’est-à-dire en rentrant d’une manière plus ou moins directe dans le système abandonné en 1833. Les autres se dépouillant trop aisément de cette crainte, s’aventureraient à porter l’accise à un chiffre fort élevé, sans ajouter aucune garantie de sécurité à la loi actuelle. Entre ces deux extrêmes, il est un moyen terme auquel le gouvernement s’est arrêté, après avoir consulté les hommes les plus expérimentés : conserver le système en vigueur et ne pas exiger de l’impôt tout ce qu’il pourrait produire avec une législation restrictive.

Notre opinion s’est fondée principalement sur l’impossibilité bien reconnue de réaliser de fortes recettes et d’affranchir en même temps la fabrication de tout contrôle. Il ne s’agit donc que d’apprécier et de ne point dépasser la limite au-delà de laquelle le distillateur peut trouver un intérêt suffisant à éluder le payement de l’accise. Ce moyen, on l’a déjà essayé avec une prudente réserve : fixée, en projet, à 18 centimes, l’accise a été portée à 22 centimes par la loi du 18 juillet 1833 et à 40 centimes par celle du 27 mai 1837.

Le succès de ces tentatives a démontré que l’on pouvait encore élever l’impôt dans une sage proportion, sans avoir trop à redouter de la fraude.

Sous l’empire de la loi actuelle, il n’est que deux manières d’éluder le payement de l’accise : frauder le droit au moyen d’un travail clandestin des matières, ou en réduire le chiffre en accélérant démesurément la fermentation. Le premier moyen, mis en pratique à toute époque, est sous tout régime, l’est indubitablement moins aujourd’hui que jamais.

Il expose le distillateur à une pénalité ruineuse, dont le taux suit la progression de l’impôt ; il l’oblige à un défaut de soins et à une précipitation dans le travail qui nuisent essentiellement aux produits ; il n’offre pas, en définitive, une compensation suffisante des pertes et des inquiétudes qu’il occasionne, car l’accise, sur un litre d’eau-de-vie de grain, n’est en réalité que de 8 centimes. Sous la législation abolie, l’accise en principal était de 25 centimes par litre.

Le second moyen trouve une limite naturelle dans l’intérêt du fabricant, l’accélération de la fermentation ne s’obtenant qu’au détriment des produits lorsqu’elle est poussée à l’extrême.

Cette limite est à peu près atteinte aujourd’hui que la plupart des distillateurs mettent en chaudière 24 heures après le débattement des matières. Il en est qui travaillent en 18 heures, d’autres en 30 heures, mais la moyenne reconnue est de 24 heures. La réduction du temps employé à la fermentation ne pourrait guère être portée plus loin, à moins d’une très forte baisse dans le prix du seigle, parce que, alors, le distillateur peut trouver dans la diminution de l’impôt, la compensation de la perte subie dans la quantité d’alcool que produisent les matières premières employées ; par conséquent, elle n’influencerait pas d’une manière sensible sur les recettes.

Ainsi, le travail clandestin est seul à craindre, et il ne sera effectué que lorsque le distillateur y trouvera un intérêt suffisant.

Au droit actuel de 40 centimes, la fraude est presque nulle ; elle le serait même au droit de 60 centimes ; car alors un litre de genièvre ne supporterait encore qu’une accise de 12 centimes, et cette augmentation ne compenserait pas, pour le distillateur, les désavantages inhérents à la fraude ; celle-ci, d’ailleurs, sera rendue plus difficile par les améliorations projetées dans le service de surveillance, qui viendront encore ajouter à la garantie de la rentrée de l’impôt. Il est à remarquer, en outre, que dans les usines dont l’existence est connue de l’administration, la fraude est peu à redouter : le rapprochement entre les quantités distillées et celle qui ont pu être fermentées dans les vaisseaux imposés, la décèlerait bientôt. Elle n’est réellement à craindre qu’au moyen de distilleries clandestines, qui, d’ordinaire, sont placées sous le nom de personnes insolvables ; mais une application rigoureuse de la disposition pénale du deuxième paragraphe de l’article 225 de la loi générale du 26 août 1822, remédiera à ce moyen d’échapper au paiement de l’amende encourue.

Ces diverses considérations semblent devoir rassurer complètement sur le résultat de la majoration d’impôt proposée dans le projet de loi ci-annexé, à titre d’essai, à la vérité, mais avec de fortes présomptions de succès. L’accise y est portée de 40 à 60 centimes par hectolitre de contenance des vaisseaux imposables selon la loi actuelle.

L’accise en principal, sur les eaux-de-vie indigènes, figure au budget de 1840 pour une somme de 2,522,727 francs. L’augmentation proposée ne peut cependant produire, pour 1841, une recette de 3,784,000 francs, ainsi que le chiffre de la majoration porterait à le penser.

Une partie des sommes créées par la majoration demandée ne rentrera au trésor qu’en 1842, parce que l’article 19 de la loi du 18 juillet 1833 ne rend les droits exigibles que par tiers, payables de trois en trois mois. La portion des droits à recouvrer en 1842 peut être évaluée à la moitié de la somme que créera l’augmentation de l’impôt ; ainsi, au lieu de produire, en 1841, une somme de 1,261,363 francs, elle ne rapportera guère au trésor que 600,000 francs.

Pour l’exercice suivant, les prévisions du budget pourront être plus fortes, parce que l’impôt sera rentré alors dans son état normal, c’est-à-dire que le restant à recouvrer sur l’exercice précédent comportera celui à reporter sur l’exercice suivant. Ajoutons à cela que si le prix des grains n’y met pas obstacle, la fabrication sera augmentée pendant la discussion du projet de loi.

A ces circonstances temporaires, qui ne permettent pas de compter, pour 1841, sur une augmentation de 50 p.c. des produits actuels, viennent se joindre des causes permanentes de diminution.

La distillation a fait de grands progrès pendant ces dernières années ; on est peut-être parvenu à extraire des matières employées tout ce qu’elles peuvent contenir d’alcool ; mais ces perfectionnements ne se sont point répandus dans toutes les usines. Il en est un grand nombre où beaucoup reste à faire sous ce rapport, et on ne peut se dissimuler que plus on obtiendra d’alcool d’une même quantité de matières premières, moins on paiera d’impôt, attendu qu’il n’est point assis sur la quantité d’eau-de-vie fabriquée, mais bien sur l’emploi des vaisseaux dans lesquels se préparent les matières.

Une observation de même nature se présente concernant l’accélération des travaux de fermentation. En ceci encore beaucoup d’usines sont arriérées, et leurs progrès influenceront nécessairement sur les recettes.

Par ces divers motifs, il ne semble pas que l’on puisse espérer, pour 1841, plus de 3,000,000 de l’accise portée à 60 centimes (3,300,000 francs, avec 10 centimes additionnels).

En augmentant l’accise sur la fabrication des eaux-de-vie indigènes, il est toutefois une précaution à prendre, précaution commandée par les mêmes considérations qui s’opposent à ce qu’on ne rende l’impôt aussi productif qu’il pourrait et devrait l’être, c’est d’empêcher que, par une augmentation simultanée de leur taxe, les autorités communales ne détruisent l’économie de la loi au détriment des intérêts du trésor. Une disposition spéciale a été insérée à cet effet dans le projet de loi.

L’article 27 de la loi du 18 juillet 1833 permet de décharger le compte de crédit du distillateur du montant des droits établis sur les quantités d’eau-de-vie qu’il exporter à l’étranger, qu’il livre par transfert à un négociant, ou qu’il dépose en entrepôt. Le montant de ces droits est évalué par l’article 9 de la loi du 27 mai 1837 à 12 fr. 50 c. par hectolitre d’eau-de-vie à 50 degrés.

Il semblerait que ce chiffre devrait être élevé dans une proportion égale à l’augmentation projetée de l’accise ; cependant, en le rapprochant de celui que nous avons établi plus haut lors de l’évaluation du coût réel de l’impôt (8 francs par hectolitre), on se convaincra que le taux de la décharge dont il s’agit doit être maintenu, et que l’article 9 de la loi du 27 mai 1837 ne doit pas être modifié.

Lors de la discussion de cette loi, la disposition n’était pas aussi saillante, parce que l’accélération de la fermentation était moins grande ; le taux de la décharge constituait bien un avantage, mais il était léger. Dans l’état actuel de la fabrication, maintenir le chiffre établi à l’article 9, c’est déjà rendre au-delà de ce que l’on perçoit ; élever ce chiffre serait établir une prime d’exportation que d’autres industries pourront réclamer avec un droit égal.

La réunion de tous ces motifs déterminera, sans aucun doute, la législature à n’apporter sur ce point aucun changement à l’état de choses actuel.

Accise sur la bière

La consommation de la bière a augmenté depuis quelques années. L’accroissement de la population et le développement de la prospérité publique ont dû nécessairement produire ce résultat.

Les recettes de l’accise sur la bière ne se sont cependant pas élevées dans la même proportion, dont il n’est pas difficile d’indiquer la cause.

La suppression de l’impôt sur la mouture a rendu indispensable l’abrogation de l’article 3 de la loi sur les bières, qui obligeait le brasseur à justifier des farines employées et à ne s’en servir que jusqu’à concurrence des deux tiers de la contenance de la cuve-matière.

Au moyen de cette disposition, on imposait la bière dans la proportion que l’on voulait atteindre, car la quantité de farine, limitée d’après le résultat d’expériences soigneusement faites, ne permettait pas de fabriquer, en bonne bière, plus que ne comportait la contenance de la cuve-matière.

Le contrôle sur les farines venant à cesser, il est tout naturel que dans beaucoup de localités les brasseurs aient augmenté la quantité des farines employées, et obtenu, sans avoir acquitté de plus forts droits, une quantité de bière plus considérable.

Par suite de cet état de choses, on a recherché les moyens d’améliorer la loi et de la rendre plus productive pour le trésor.

Un travail a été fait au département des finances, pour établir les moyens de prévenir les abus qui pouvaient résulter de la suppression du contrôle des farines : il a été démontré à toute évidence qu’il fallait, pour y suppléer, sans substituer un autre principe à celui d’ailleurs si équitable qui fait la base de la loi, qu’il fallait, disons-nous, établir un rapport entre la capacité des chaudières à bière et celles des cuves servant à la préparation des matières ; assujettir à une surveillance le nombre et la durée des ébullitions de bières, suivre enfin le détail des diverses période de la fabrication.

Ce système, quelque efficace qui pût être, offrait le grave inconvénient de rendre la surveillance minutieuse et continue, tandis que celle qu’exige la loi actuelle est peu gênante et ne soulève aucune plainte. Il eût pu être considéré comme vexatoire par les brasseurs habitués à un régime facile, et qui les met moins en contact avec les agents de l’administration. Il fournissait donc contre lui les mêmes objections qui se sont opposées à ce que, relativement aux distilleries, on ne revînt au système de 1822.

Ces considérations ont fait renoncer pour le moment à apporter aucun changement aux bases de la loi dont les dispositions peuvent être facilement appliquées, mêmes aux nouveaux procédés de fabrication que les progrès de l’art ont fait adopter.

On s’est borné en conséquence à augmenter l’accise, de manière à ce que, sans nuire à l’industrie, l’impôt sur les bières entrât pour un large part dans les moyens de subvenir aux besoins du trésor.

L’article 1er de la loi du 2 août 1822 (Journal officiel n°32) porte que l’accise est fixée à 70 cents par hectolitre de capacité de la cuve-matière :

70 cents, soit fr. 1 48 400/1000

26 centimes additionnels, fr. 38 584/1000

Somme intermédiaire : fr. 1 86 984/1000

10 p.c. de timbre : 18 698/1000

Total de l’accise pour un hectolitre de capacité : fr. 2 05 682/1000.

Le tarif annexé à l’article 18 de la loi divise les bières en trois catégories : les bières brunes, jaunes et blanches.

Parmi les premières, on range le faro, les bières brunes fortes et autres, dont la quantité, produite en un brassin, ne dépasse guère la contenance de la cuve-matière.

Dans la seconde catégorie on classe les bières d’orge et celles des Flandres, connue sous le nom d’ « uytset ». Ces bières donnent en produit une fois et demie la capacité de la cuve-matière.

Enfin, dans la troisième catégorie se trouve les bières blanches. La quantité produite par brassin n’est jamais inférieure à deux fois la contenance de la cuve-matière.

Ainsi, d’après ces données, dont l’exactitude ne peut être contestée, car elles sont le résultat d’observations fréquemment renouvelées à diverses époques, un hectolitre de capacité de cuve-matière produit, terme moyen, un hectolitre de bière brune ; et un demi-hectolitre de bière jaune et deux hectolitres de bière blanche.

Loin d’être exagérée, cette évaluation reste au-dessous de la réalité.

Il résulte de ce qui précède que, puisqu’un hectolitre de capacité de la cuve-matière est frappé d’une accise totale de 2 fr. 05 082/1000 c. ; cet impôt se répartit de la manière suivante :

Un litre de bière brune : fr. 0 02 56/1000

Un litre de bière jaune : fr. 0 01 371/1000

Un litre de bière blanche : fr. 0 01 28/1000

Une augmentation de l’accise peut donc être opérée sans crainte, pourvu qu’elle soit restreinte à un taux modéré.

Cette condition a été observée quand on a fixé le chiffre que porte le projet de loi. L’augmentation de l’accise totale, sera, pour un litre de :

Bière brune, de fr. 0 00 438/1000

Bière jaune, de fr. 0 00 292/1000

Bière blanche, de fr. 0 00 219/1000

Cette augmentation, peu sensible pour le consommateur, accroîtra cependant les revenus de l’Etat d’une manière assez considérable.

L’accise sur les bières, y compris 26 centimes additionnels, figure au budget de 1840 pour une somme de 6,865,000 francs, elle pourra être portée à celui de 1841 au chiffre de 8,326,819 francs.

Les recettes ne s’élèveront cependant pas à cette somme en 1841, d’abord parce que la fabrication sera plus active pendant les derniers mois de 1840, à cause de l’augmentation d’impôt projetée, ensuite, parce que, conformément aux dispositions de l’article 48 de la loi, un douzième environ des droits établis aux comptes sera reporté sur l’exercice 1841. Il est bien vrai que, par contre, un douzième de 1840 sera recouvré en 1841, mais il ne s’élève qu’à 572,000 francs, tandis que le premier monte à 793,900 francs, la différence sur les recettes sera donc de 121,900 francs. D’après cela, il semble que l’on ne doive évaluer les produits de cette accise, pour l’exercice 1841, qu’à 8,200,000 francs.

Accise sur le sucre

Les dispositions soumises aux délibérations de la chambre ne comprennent pas de changements essentiels dans le système de la loi en vigueur concernant l’accise sur le sucre.

Des réclamations sont parvenues au gouvernement, tant de la part des raffineurs de sucre exotique que de celle des fabricants de sucre indigène ; les premiers prétendent que le sucre de betteraves leur enlève une partie des avantages accordés par la loi à l’exportation du sucre exotique ; les seconds se plaignent de ce que, par suite du rendement trop faible déterminé pour les sucres exotiques livrés à l’exportation, ils ne jouissent pas d’une protection suffisante.

Les intérêts des deux industries rivales étant ainsi en présence, le gouvernement recherchera avec soin les moyens de les concilier autant que possible, tout en ne perdant pas de vue que la situation de nos ressources financières exige que cet impôt soit rendu plus productif pour l’Etat. En attendant, il a paru qu’il était urgent de proposer du moins le moyen de réprimer les abus dont nous allons démontrer l’existence, répression qui, d’ailleurs, est réclamée par un grand nombre de raffineurs qui se sont adressés, à cette fin, au département des finances.

Une des dispositions projetées a pour but de l’établir, tandis que celles qui la suivent sont destinées à mettre les raffineurs de sucre en possession d’un avantage que la législation en vigueur ne leur accorde pas, et qui doit contribuer à favoriser l’exportation de leurs produits.

L’art. 1er de la loi du 8 février 1838, sur le sucre (Bulletin officiel, n°4) porte que la prise en charge des droits d’accise dus par les raffineurs de sucre sera divisée en deux parts, dont l’une, montant à 1/10 des droits, ne peut être apurée que par payement et dont l’autre, montant à 9/10 des droits, peut être apurée par exportation à l’étranger des sucres raffinés.

Ce système a été adopté principalement afin de ne pas jeter la perturbation dans cette industrie, et dans la vue de réprimer progressivement les abus signalés à l’époque de la discussion de la loi.

L’honorable M. d’Huart, alors ministre des finances, a estimé que, dans ce système, l’impôt s’élèverait avec peine à 800,000 francs. Il a dépassé ses prévisions pendant la première période annale (6 derniers mois de 1838 et 6 premiers mois de 1839), mais il leur est resté inférieur pendant la seconde (6 derniers mois de 1839 et 6 premiers mois de 1840) :

Droits en principal pendant la première période : 1,117,558 francs.

Droits en principal pendant la deuxième période : 640,376 francs.

L’excédant des produits pendant la première année s’explique aisément. Les raffineurs qui, sous le régime de la loi du 27 juillet 1822, transcrivaient leur débet aux négociants exportateurs, sans leur livrer la marchandise, disposaient de leurs sucres longtemps avant d’opérer la transcription, de sorte que, au moment de la mise à exécution de la loi du 8 février 1838, ils se sont trouvés avoir un débet de droits d’accise qu’ils ont dû payer à l’échéancier, à défaut de pouvoir représenter des sucres à livrer par transcription ou à exporter.

La diminution éprouvée pendant la deuxième année est le résultat des vices dont la législation est restée entachée. On a maintenu le rendement à un taux de beaucoup inférieur à celui que les raffineurs obtiennent, et on a cru remédier au préjudice qui devait en résulter pour le trésor, en lui assurant le recouvrement d’un dixième du débet des raffineurs, et en obligeant à la livraison des sucres dont les droits sont transcrits aux négociants exportateurs.

Le remède était insuffisant.

La fabrication avait jusqu’alors employé, terme moyen, une quantité de 20 millions de kilog. de sucre brut par an. Les fabriques de sucre de betteraves devaient nécessairement amener une diminution sur cette quantité, on l’évaluait alors à 6 millions ; donc l’emploi du sucre brut exotique devait dorénavant se réduire à 14 millions. Les droits, en principal, sur cette quantité, sont de 3,739,680 francs, dont le dixième donne 373,968. C’est à cette somme que semblent devoir se réduire prochainement les recettes sur le sucre, s’il n’est apporté aucun changement à la législation actuelle. Les recouvrements opérés sur l’exercice courant, jusqu’au 1er de ce mois, ne s’élèvent en principal qu’à 458,086 francs, tandis qu’à pareille époque de l’année dernière, ils étaient de 628,492 francs.

On a cru pouvoir compter sur des recettes autres que celles opérées sur le 10e parce qu’on espérait que l’obligation de livrer les sucres transcrits mettrait obstacle à ce que l’on apurât entièrement par exportation les neuf autres dixièmes du débet des raffineurs.

Ce résultat a, en effet, été atteint dans le principe ; mais bientôt on a trouvé le moyen d’éluder l’obligation de livrer les sucres.

La plupart des raffineurs travaillant pour la consommation ont maintenant un magasin près de leur usine. Ce magasin est à la disposition de leur acheteur de droits quel qu’il soit. Les employés constatent la sortie du sucre transcrit lors de la raffinerie et le voient entrer dans ce magasin. L’opération est consommée au vœu de la loi. Après leur départ, le sucre est réintégré dans la raffinerie pour servir, autant que de besoin et jusqu’à apurement total du compte, à de nouvelles transcriptions. Les frais que ces mouvements exigent se réduisent donc à ceux de transfert du sucre de la raffinerie au magasin et du magasin à la raffinerie. Ils peuvent aisément être supportés en commun par le raffineur et par l’acheteur des droits, qui se partagent l’impôt dont le trésor est frustré.

C’est ici le lieu d’examiner en quoi consiste le bénéfice de l’un et de l’autre.

Ainsi que nous l’avons dit plus haut, la loi du 8 février 1838 ne permet d’exporter que les 9/10èmes du débet du raffineur. Elle réserve les droits du dixième restant au trésor public, ceux-ci y rentrent sans contredit ; mais le dixième réservé, joint au sucre indigène de betteraves ne pouvant suffire à la consommation du pays, une forte partie du compte des neuf autres dixièmes qui servent aussi à l’alimenter, devrait également être apurée par paiement de l’impôt, si on ne l’éludait par la vente des droits qui s’opère sous prime de 20 et 25 p.c.

Il est quelques raffineurs qui travaillent exclusivement pour l’exportation. Il en est un grand nombre qui travaillent exclusivement pour la consommation.

Les premiers achètent des droits pour pouvoir exporter les sucres que représente le dixième dont les droits sont acquis au trésor. Les seconds vendent, sans livrer le sucre, les droits formant les 9/10mes exportables.

Ici intervient le négociant exportateur. Il reprend les droits du raffineur qui travaille pour la consommation, lequel lui paie 75 francs, au lieu de 100 qui sont dus au trésor, et il achète, soit du sucre provenant de l’excédant du rendement réel sur celui qui est déterminé par la loi, soit le dixième restant à un raffineur travaillant pour l’exportation, soit du sucre indigène, afin d’avoir de quoi apurer le début qu’il a accepté, ou bien il prête son nom, moyennant commission, au raffineur exportateur qui opère pour son propre compte, mais en apurement du débet du négociant.

Quel bénéfice en ont-ils retiré ? Le raffineur pour la consommation a gagné 25 francs par 100 francs dont se compose son débet ; le négociant les 75 francs restant, moins les frais de déplacement du sucre, effectué pour simuler la transcription. Ils profitent, il est vrai, de ce bénéfice pour vendre les sucres à un prix inférieur, mais il n’en est pas moins constant que le trésor est privé de l’intégralité de ces droits.

Il est évident, d’après les détails qui précèdent, que 100 k. de sucre brut exotique que la loi impose à fr. 37 02³ c sont livrés à la consommation du pays moyennant paiement de fr. 3 70c (10e réservé). Les fr. 33 32 c. restants sont partagés entre le raffineur et l’exportateur de sucre de betteraves ou de sucre que la loi n’a pas voulu exporter (10e et excédant sur la fabrication.) Les abus signalés en 1837 se pratiquent donc aujourd’hui comme alors, seulement avec un peu plus de difficultés. Ils lèsent le trésor et nuisent à l’industrie.

La suppression de la faculté de transcription oblige le raffineur à exercer lui-même le commerce d’exportation. Ce résultat, sans conséquences fâcheuses pour les raffineurs qui exploitent en grand, parce qu’ils ont des relations directes établies avec l’étranger, en aurait de forts graves pour les raffineurs qui ne s’occupent pas de l’exportation et se bornent à livrer leurs sucres aux négociants qui en soignent le placement. Afin d’éviter cet inconvénient, et pour laisser à ces raffineurs la possession des facilités dont ils sont actuellement en jouissance, tout en préservant le trésor du tort qu’elles lui ont occasionné, le projet permet la transcription, au nom d’un négociant exportateur, des sucres que le raffineur a placés en entrepôt à fin d’exportation ultérieure et cette transcription ne peut se faire que moyennant maintien du dépôt des sucres jusqu’à exportation.

Une modification importante est proposée, quant à la faculté d’exporter des sucres pilés ou concassés, accordée au paragraphe c de l’article 2 de la loi du 8 février 1838. Cette modification a pour but de créer les moyens d’étendre davantage nos exportations de sucres raffinés.

Antérieurement à la loi du 8 févier 1838, les sucres raffinés concassés pouvaient être exportés avec jouissance de la haute décharge des droits d’accise, fixée au paragraphe a de l’article 34 de la loi du 27 juillet 1822. Les sucres raffinés pilés ne pouvaient être exportés qu’avec jouissance de la simple décharge de l’accise, fixée au paragraphe b dudit article 34, ce qui rendait impossible l’exportation des sucres pilés, attendu que, malgré la perte subie pendant le raffinage, le raffineur n’obtenait qu’une décharge égale aux droits établis sur le sucre brut.

L’administration, voulant favoriser le commerce d’exportation, consentit à accorder la haute décharge fixée au paragraphe a de l’article 34 précité, moyennant que les sucres raffinés fussent pillés dans l’entrepôt public du port de l’exportation, et sous son autorisation spéciale.

Dans le but de régulariser cette opération, la loi du 8 février 1838 permit l’exportation avec jouissance de la haute décharge des sucres raffinés, qui seraient pilés ou concassés dans l’entrepôt public ou libre du dernier port de l’exportation. Cette disposition, en vigueur aujourd’hui, n’autorise donc l’exportation que par mer.

A l’époque de la discussion de cette loi, le paragraphe c de son article 2 qui traite de l’exportation des sucres pilés ou concassés, ne souleva aucune réclamation contre l’interdiction tacite d’exporter ces sucres par terre ou par rivières. Des réclamations eussent en effet été sans but, car la Prusse venait d’établir un droit prohibitif sur l’entrée de nos sucres lumps entiers ou concassés.

Depuis, ces sucres sont de nouveau admis en Prusse. Le commerce élève donc maintenant les réclamations dont il s’est abstenu pendant la discussion de la loi du 8 février 1838.

On ne peut contester que l’ouverture des voies de terre ou rivières à l’exportation des sucres pilés et concassés, contribuerait beaucoup au développement de l’industrie du raffinage et du commerce de sucre. Il semble donc qu’il doit être satisfait aux demandes qui ont été formées à cet égard.

Cependant, tout en accédant aux vœux exprimés par les intéressés, il ne doit pas être perdu de vue que l’exportation par terre ou par rivières offre des dangers pour le trésor, que ne présente pas à un égal degré l’exportation par mer. Le parcours d’un long trajet entre le lieu de départ et celui de la sortie du royaume, les sucres réduits en poudre ou en morceaux, fournissent des facilités de substitution ou de falsification dont la fraude pourrait profiter.

Il a fallu, par cette considération, imposer quelques conditions spéciales à l’exportation par terre ou par rivières, des sucres pilés ou concassés.

Celles que contient le projet de loi ont paru devoir suffire. L’obligation de former des colis du poids brut de 180 kilog. au moins, poids ordinaire des caisses de sucre pilé, met obstacle à ce que l’on ne compose les expéditions de petits colis transportables à dos d’homme. L’empreinte d’un fer ardent sur les colis permettra de reconnaître leur origine, en cas de réimportation frauduleuse, dont la découverte pourra priver le commerçant de la faculté d’exporter des sucres pilés ou concassés. Enfin, l’obligation de vérifier la qualité des sucres avant qu’ils soient réduits en poudre ou en morceaux, sembler compléter les mesures de précaution que la prudence doit suggérer.

On a fait remarquer plus haut que la loi du 8 février 1838 ne permet l’exportation des sucres pilés ou concassés que pour autant que l’opération s’effectue dans l’entrepôt public ou libre du dernier port de l’exportation.

Le projet de loi laisse au gouvernement, sans aucune réserve, la faculté de désigner les entrepôts dans lesquels on pourra piler ou concasser des sucres pour l’exportation par terre ou par rivières ; il pourrait donc arriver que cette faculté fût accordée à une localité où l’exportation par mer de ces mêmes sucres serait interdite. Cette interdiction serait dès lors sans but comme sans motifs.

Le projet de loi la lève, mais en astreignant cette exportation aux formalités proposées pour celle qui sera effectuée par terre, attendu que le parcours du lieu de départ à la mer offre les mêmes dangers.

Au résumé, les dispositions soumises à vos délibérations, en ce qui concerne les sucres, sans avoir pour but de rendre l’impôt aussi productif qu’il devrait l’être, procureront quelques ressources au trésor public, parce qu’elles retranchent de la loi actuelle une faculté dont on ne s’est servi, en général, que pour léser ses intérêts ; elles seront utiles à l’industrie en ce qu’elles lui ouvriront un débouché nécessaire à l’écoulement de ses produits.

Droits de douane

Les droits de douane, bien qu’établis principalement en faveur de l’industrie, ont aussi quelquefois pour objet spécial d’alimenter le trésor public ; il en est même qui sont de véritables impôts de consommation ; un travail assez considérable sur un certain nombre d’articles de notre tarif occupe en ce moment les départements de l’intérieur et des finances ; toutefois, quelques temps peut s epasser encore avant qu’il soit arrivé à maturité ; nous savons d’ailleurs que les questions qui intéressent le commerce et l’industrie provoque toujours, à cause de leur importance, de longs débats dans les chambres.

L’insuffisance de nos voies et moyens nous a placés dans la nécessité de comprendre dans le projet de loi qui vous est présenté une disposition tenant à établir des droits plus élevés sur plusieurs objets de notre consommation. Bien que les intérêts de l’industrie et du commerce ne soient pas perdus de vue dans ce projet, on doit nécessairement le considérer comme ayant pour but principal de créer des ressources financières ; nous avons donc cru devoir nous dispenser de traiter à cette occasion des questions d’intérêt maritime et commercial, qui trouveront mieux leur place lorsqu’à une époque rapprochée, le travail que nous venons de faire mention sera soumis à vos délibérations. Nous allons, du reste, donner des explications particulières sur chacun des articles compris dans la disposition dont il s’agit :

Amandes de toute espèce – Ces fruits étant, par leur nature même, destinés généralement aux usages de luxe, sont susceptibles d’un impôt de consommation assez considérables. Ils sont classés actuellement au tarif en deux divisions, savoir :

Amandes au droit d’entrée de fr. 3 18 c. les 10 kilogrammes.

Amandes en coques, au droit d’entrée de fr. 2 12 c. les 100 kilogrammes.

Cette distinction a été établie sans doute parce que les secondes, avec leur enveloppe, présentent un poids d’un tiers plus élevé que les premières ; mais comme les amandes en coques sont livrées immédiatement à la consommation, tandis que celles dites dérobées sont employées dans différentes de nos industries, on propose de confondre les deux articles en un seul, sous la rubriques : « Amandes de toute espèce », en portant le droit d’entrée à 15 francs les 100 kilogrammes et celui de sortie à 5 centimes.

Les exportations d’amendes se sont élevées, en 1837, savoir :

Amandes dérobées 4,458 kil.

Amandes en coques 402 kil.

Les quantités d’amandes dérobées mises annuellement en consommation ont été, terme moyen, de 93,761 kilogrammes.

Les droits actuels de fr. 3 18 c. par 100 kil. ont produit fr. 2,981.

Les droits proposés de 15 francs produiraient fr. 14,064.

L’augmentation de cet article serait donc de fr. 11,085.

Les quantités d’amandes en coques mise annuellement en consommation ont été de 59,788 kil.

Les droits actuels de fr. 2 12 c. par 100 kil. ont produit fr. 1,267

Les droits proposés à 15 francs par 100 kil. produiraient fr. 8,968

L’augmentation serait donc de fr. 7,701

Et l’augmentation totale sur ces amandes de fr. 18,784.

Café – Un droit de consommation de 20 francs par 100 kilogrammes peut être établi sur le café, sans nuire au commerce. Il procurerait au trésor une augmentation de recettes considérable.

Il n’est pas présumable qu’un droit de 20 francs par 100 kilog. puisse diminuer la consommation de cette denrée, car il n’augmenterait que de 14 centimes environ le prix actuel du kil. de café ; or, cette augmentation serait en réalité peu sentie par le consommateur.

Un droit de douane élevé sur le café pourra, il est vrai, diminuer le commerce interlope et tout à fait de détail que la Belgique fait avec la France, la Prusse et le Luxembourg ; mais il ne peut en rien entraver les véritables opérations commerciales auxquelles cet article donne lieu ; car au moyen des entrepôts libres établis dans les principaux centres de commerce, ces opérations demeurent affranchies de toutes les charges dont la consommation du café serait grevée. Les entrepôts publics, si nombreux dans notre pays, peuvent également dans ce cas être utilement employés.

Quant au commerce interlope que nous faisons par infiltration avec la France, la Prusse et le grand-duché de Luxembourg, nous n’avons pas à craindre qu’il éprouve un préjudice notable de la mesure proposée, car il est à remarquer que le minimum du prix du café en consommation peut être estimé :

En France à fr. 1 76 le kil.

En Prusse à fr. 1 70 le kil.

Dans le Grand-Duché à fr. 1 70 le kil.

Tandis que le prix du café en Belgique serait, y compris l’augmentation de droit de fr. 1 44 c., ce qui laissera au commerce de détail dont nous avons parlé, un avantage de 26 centimes par kilogramme, sur les marchés étrangers qui lui sont le moins favorables.

Nous ne pensons pas que le droit fixe de 20 centimes par kilogramme nous expose à recevoir du café importé frauduleusement de la Hollande, ou du moins que cette fraude puisse être de quelque importance. Il est en effet hors de toute probabilité que la contrebande s’emparer d’un article qui ne lui laisserait, en cas de réussite, qu’un bénéfice de fr. 2 95 c par charge de 15 kil. ; ainsi la fraude du café se réduira à celle dite d’infiltration que l’on pratique ordinairement à l’extrême frontière, et qui échappe à tout moyen de répression.

L’augmentation des recettes sur le café qui résulterait du taux d’imposition proposé, peut être évalué comme suit :

Les quantités mises en consommation pendant les années 1836, 1837, 1838, ont été, terme moyen, de 17,640,889 kilogrammes.

A déduire pour la consommation supposée des parties cédées du Limbourg et du Luxembourg 1,470,074 kilogrammes.

Reste, 16,170,814 kilogrammes.

Ces quantités, au droit actuel de 8 francs par 100 kilogrammes représentent 1,293,665 francs.

Au droit proposé de 20 francs par 100 kilogrammes : 3,234,165 francs.

L’augmentation éventuelle en droit principal peut donc être évaluée à 1,940,498 francs.

Faisant la part d’une possibilité de diminution, soit dans la consommation, soi dans le commerce interlope, nous n’admettrons, comme prévision de recette permanente, par suite de l’augmentation du droit, qu’une somme de 1,750,000 francs en principal ; prenant en outre en considération qu’avant la mise à exécution de la loi, le commerce se hâtera de déclarer en consommation les quantités de café qui se trouvent en entrepôt, et que de fortes importations auront aussi probablement lieu avant la même époque, nous ne faisons figurer cet article au budget des voies et moyens que pour une somme en principal de 820,000 francs de plus que ne produirait le droit actuel.

On propose en outre de réduire à 5 c. le droit de sortie porté au tarif actuel de 10 c. par 100 kilogrammes.

Cannelle de Ceylan – La cannelle de Ceylan se compose d’écorces minces et faciles à rompre, et représente un poids minime sous un grand volume, ce qui en rend la fraude peu possible.

L’on propose d’en élever le droit de fr 0 42 40/100 le kilog. à celui de 2 fr., ce qui correspond à un droit à la valeur de 8 à 9 p.c. ; et de fixer celui à la sortie à 5 cent. le kilogramme.

Les exportations de 1837 se sont élevées à 657 kilogrammes.

Les quantités mises en consommation annuellement ont été, terme moyen, de 3,257 kilogrammes.

Le droit actuel de fr. 0 42 40/100 a produit fr. 1,380.

Le droit proposé de 2 francs produirait fr. 6,514.

L’augmentation serait donc de fr. 5,135.

Cannelle de la Chine et Cassia Lignea – Par les mêmes motifs que ceux déduits ci-dessus, l’on propose d’élever le droit d’entrée à 20 francs les 100 kilog., ce qui correspond à 10 p.c. de la valeur, et de fixer le droit d’entrée à 5 centimes les 100 kilog.

Les quantités exportées en 1837 ont été de 2,658 kilogrammes.

Les quantités mises annuellement en consommation, terme moyen, sont de 54,353 kilog.

Les droits actuels de fr. 8 48 c. ont produit fr. 4,609

Les droits proposés à 20 fr. produiraient fr. 10,870

L’augmentation serait donc de fr. 6,261.

Epiceries, maces, noix muscades, clous de girofles, antofles de girofles, sans distinction d’origine – Les épiceries ont paru réunir les conditions exigées pour pouvoir subir une augmentation notable dans les droits d’entrée.

En général les marchandises composant cet article sont à l’usage des personnes aisées ; elles sont de production étrangère ; le droit de 10 p.c. de leur valeur n’est pas assez élevé pour faire croire que leur introduction donne lieu à des opérations frauduleuses.

Le commerce d’exportation d’épiceries est peu considérable, eu égard aux importations ; les quantités sorties en 1837 ne se sont élevées qu’à la valeur de 3,436 francs.

Par ces motifs, l’on propose de remplacer le droit actuel de 3 p.c. par celui de 10 p.c. de la valeur et de fixer la sortie 1.4 p.c.

La valeur moyenne déclarée annuellement est de fr. 176,944.

Le droit actuel de 3 p.c. a produit fr. 5,308

Le droit proposé de 10 p.c. produirait fr. 17,694.

L’augmentation serait donc de fr. 12,386.

Fer, fonte de fer en gueuses, quelle que soit leur forme et telle qu’elle se trouve immédiatement au sortir des hauts-fourneaux – Le développement récent donné à l’industrie métallurgique en Belgique, a eu pour résultat de faire dépasser, à la production de fers de toute espèce, les besoins de la consommation du pays. Les conséquences de ce fait ont été l’encombrement du marché belge, l’avilissement du prix de vente, le ralentissement du travail des hauts-fourneaux et le malaise dont cette industrie se ressent.

Pour remédier à cet état de chose, les producteurs belges ont cherché à l’étranger des débouchés pour le trop plein de leurs usines, et il paraît que leurs démarches ne resteraient pas sans quelques résultats, si le tarif des douanes n’imposait pas leurs produits à un droit de sortie aussi élevé que celui de fr. 1 06 c. par 100 kilog. qui les frappe aujourd’hui.

Ce droit, en apparence peu considérable, représente cependant en réalité environ ¾ p.c. de la valeur de la fonte de fer, et dès lors il est trop élevé pour un droit de balance, le seul que l’on puisse convenablement faire supporter à ce produit, en cas d’exportation. Aussi, malgré la perte considérable qui en résultera pour le trésor, on croit devoir, dans l’intérêt bien entendu de l’industrie, le réduire à 5 centimes par 1000 kilog.

Mais, par contre, les motifs qui viennent d’être déduits pour justifier cette diminution doivent également justifier l’augmentation des droits d’entrée sur l’article du tarif qui nous occupe, et qui devrait être porté de fr. 21 20 c. à 30 fr. les 1000 kilog. Cette augmentation aurait en outre avantage de consolider le prohibition du transit des fers, qui est aujourd’hui éludée par le paiement des droits d’entrée et de ceux de sortie.

Les quantités mises annuellement en consommation ont été, terme moyen, de 5,562,636 kilog.

Le droit actuel de 21 fr. 20 c. par 1000 kilog. a produit fr ; 117,928.

Le droit proposé à 30 fr. produirait fr. 166,879.

L’augmentation serait donc de fr. 48,951.

Les exportations ont été , terme moyen, de 6,590,155 kilog.

Au droit actuel, elles ont produit fr. 6,986.

Au droit proposé, elles produiraient fr. 329.

La diminution serait donc de fr. 6,657.

Comme les importations de fer diminueront nécessairement par suite de l’élévation du droit d’entrée, le gouvernement ne compte que sur une assez faible partie de l’augmentation de produit que nous venons d’indiquer.

Fer (ouvrages de) fonte ouvrée – Divers réclamations, appuyées par les chambres de commerce, ayant également été admises à l’effet d’obtenir sur les ouvrages en fer de fonte une réduction dans les droits de sortie, on pense qu’il y a lieu de concéder cette réduction, et en même temps d’augmenter légèrement le droit d’entrée, ce qui serait accorder une double protection à l’une de nos plus précieuses industries.

En conséquence l’on propose de substituer au droit d’entrée de fr. 13 35 c 40/100 par 100 kilog., celui de 150 francs par 1,000 kilog., et de réduire le droit de sortie de 10 centimes 60/1000 par 100 kilog., à 5 centimes par 1,000 kilog.

Les quantités mises annuellement en consommation ont été, terme moyen, de 135,513 kilogrammes.

Les droits actuels de fr 13 35 c. 60/100 par 100 kilog. ont produit fr. 20,770.

Les droits proposés de 150 fr. par 1,000 kilog. produiraient fr. 23,327.

L’augmentation serait donc de fr. 2,557.

Par les mêmes observations que l’on a fait valoir afin de justifier les modifications dont les droits actuels sur la fonte ouvrée étaient susceptibles, l’on propose d’imposer sur les articles suivants les différents droits qui vont être indiqués.

Fer mulet, etc.

Ces fers n’ont aucune importance actuelle en douane.

Les droits d’entrée de fr. 13 35 c. 60/100 par 100 kilog., à porter à 135 francs par 1,000 kilog.

Le droit de sortie de 10 centimes 60/100 par 100 kilog. à réduire à 5 cent. Par 1,000 kilog.

La quantité mise annuellement en consommation a été, terme moyen, de 584,329 kilog.

Le droit actuel à 12 fr. 72 c., a produit, ci fr. 74,327.

Le droit proposé à 150 francs par 1,000 kilog. produirait fr. 87,649.

L’augmentation serait donc de fr. 13,323.

Clous et vis

Les droits d’entrée de fr. 13 35 c. 60/100 par 100 kilog., à porter à 150 francs par 1,000 kilog., et le droit de sortie de 10 c. 60/100 par 100 kilog., à réduire à 5 c. par 1,000 kilog.

Les quantités exportées annuellement sont, terme moyen, de 3,704,606 kilog.

Fer battu, etc.

Le droit d’entrée de fr. 21,94 c. 30/100 par kilog. à porter par 225 fr. par 1,000 kilog., et le droit de sortie de 10 c. 60/100 par 100 kilog., à réduire à 5 c. par 1,000 kilog.

La quantité importée annuellement est, terme moyen, de 424,876 kilog

Le droit d’entrée actuel a produit fr. 93,226.

Le droit proposé produirait fr. 95,597.

L’augmentation serait donc de fr. 2,371.

Fil de fer ou d’archal

Le droit d’entrée de fr. 6 89c. par 100 kilog., à porter à 100 fr. par 1,000 kilog., et le droit de sortie de 10 c. 60/100 par 100 kilog., à réduire à 5 c. par 1,000 kilog.

La quantité importee annuellement est de 174,233 kilog.

Le droit d’entrée actuel a produit fr. 12,004

Le droit propose produirait fr. 17,420.

L’augmentation serait donc de fr. 5,416.

Machines et mécaniques en fer

D’après le principe exposé à l’égard des ouvrages en fer en général, nous proposons d’élever à 150 francs par 1,000 kilog. le droit d’netrée actuel de 13 fr. 35 c. 60/100 par 100 kilog., et de réduire à 5 centimes par 1,000 kilogrammes le droit de sortie actuel de 10 centimes 60/100 par 100 kilog.

Cette augmentation sera avantageuse non seulement à nos fabricants, mais encore à nos hauts-fourneaux ; elle sera en outre productive pour le trésor.

La quantité mise annuellement en consommation est de 1,394,408 kilog.

Le droit d’entrée actuel a produit fr. 186,237.

Le droit proposé produirait fr. 209,261

L’augmentation serait donc de fr. 22,924, si la diminution dans les chiffres des importations ne devait exercer une notable influence sur ce résultat.

Figues – Ces fruits sont d’une grande consommation en Belgique, et le commerce d’exportation est peu considérable eu égard au chiffre des entrées, puisque les quantités exportées annuellement peuvent être évaluées à 24,000 kilog. Cet article, que notre pays ne produit pas, et qui est essentiellement imposable, peut donc souffrir sans inconvénients une augmentation de droits à l’importation. On propose de l’élever de fr. 2 12 c. à 5 fr. les 100 kilog., qui représentent 12 p.c. de la valeur.

Les quantités mises en consommation, terme moyen, sont annuellement de 998,845 fr., ce qui, au droit actuel de fr. 2 12 c. par 100 kilog. a fourni une recette en principal de fr. 21,176.

Au droit proposé de 5 fr. la recette serait de fr. 49,942.

L’augmentation de produits peut donc être évaluée à fr. 28,766.

Fruits vers et secs de toute espèce, autre que tarifiés – A l’égard de cet article, qui comprend, avec une foule d’autres fruits étrangers, les citrons et les oranges, il n’est pas possible d’établir une tarification ayant d’autres bases que la valeur, par le motif que, quant à ces derniers, dont les importations sont considérables, leur valeur est relative au degré de conservation dans lequel ils se trouvent au débarquement des navires à leur arrivée dans le royaume.

Le droit actuel bien que n’étant que de 3 p.c., est encore éludé en partie par la nature des marchandises qui présentent de grandes difficultés à l’application du droit de préemption. Par ces considérations, l’on propose d’élever le droit à 15 p.c ; de la valeur, à l’effet d’obtenir en réalité de 6 à 8 p.c. , et de réduire le droit de sortie à ¼ p.c de la valeur.

D’après les renseignements statistiques de 1837, les exportations de fruits vers et secs se sont élevés durant cette année à 176,063 kilog. , mais il est présumable que parmi ces quantités figurent aussi pour une grande partie les fruits indigènes, dont les exportations sont assez considérables vers l’Angleterre.

La valeur déclarée annuellement, terme moyen, est de 382,325 francs.

Au droit actuel de 3 p.c. de la valeur, les perceptions faites sont de fr. 11,470

Au droit proposé de 15 p.c., elles seraient de fr. 57,348.

L’augmentation éventuelle serait donc de fr. 45,878.

Huile d’olive – L’huile d’olive, comme comestible, est d’un usage général en Belgique parmi les classes aisées de la société, et elle paraît être employée aussi pour le graissage de certaines mécaniques, pour la fabrication des savons de toilette, parfumeries, etc.

Cet article, qui n’est actuellement imposé qu’à un droit insignifiant, eu égard à sa valeur, pourrait, sans nuire à notre industrie, supporter un droit de consommation dans l’intérêt du trésor, et l’on propose d’en élever le droit d’entrée de fr. 2 12 c. à 10 francs l’hectolitre, lequel n’excédera pas 5 p.c. de la valeur.

Le droit de sortie est réduit à un simple droit de balance de 5 p.c. l’hectolitre.

Les exportations en 1837 ont été de 2,255 hectolitres.

Les quantités mises en consommation, terme moyen, sont annuellement de 7,097 hectolitres.

Les droits actuels de fr ; 2 12 c. ont fournir une recette de fr. 15,046.

Les droits proposés à 10 francs produiraient fr. 70,970.

L’augmentation présumée serait donc de fr. 55,925.

Huiles de poisson, de baleine et de chien de mer – Les huiles désignées ci-dessus sont employées dans plusieurs de nos industries et peuvent être considérées à certains égards comme matières premières nécessaires à quelques-unes d’entre elles, telles qu’à nos corroieries. Elles servent aussi dans la fabrication du savon mou, et sous ce rapport elles peuvent être soumises à une légère augmentation d’impôt, avec d’autant plus de motifs que, contrairement au système adopté dans d’autres pays, le savon est en Belgique exempt de tout droit de consommation.

On se serait toutefois abstenu de proposer aucune augmentation sur ces huiles, si ce n’était qu’elles s’allient bien aux huiles de colza, et qu’ainsi, au moyen de mélanges, elles viennent faire concurrence à ces dernières, dont la consommation intéresse particulièrement l’agriculture.

Par ces considérations, on estime qu’il y a lieu de porter le droit d’entrée sur cet article à 3 fr. par hectolitre, ne provenant pas de la pêche nationale.

Dans le but de maintenir, en faveur de la pêche nationale, les avantages que le tarif actuel lui assure, on propose de porter à 2 fr. 12 c. par hectolitre le droit d’entrée dont seraient frappés ses produits en huiles de poissons. Ce chiffre conserve la proportion établie par le tarif en vigueur.

Le droit de sortie pour les produits de l’une et l’autre pêche est réduit, dans le projet, de53 centimes à 5 centimes.

L’exportation des huiles de poisson s’est élevée à 1,142 hectolitres.

Les quantités mises en consommation terme moyen , sont annuellement de 15,462 hectolitres, provenant de la pêche étrangère.

Les droits actuels de fr. 2 12 c. par hectolitre ont produit fr. 32,779.

Les droits proposés à 3 fr. par hectolitre produiraient fr. 77,310

L’augmentation serait donc de fr 44,371

Mercerie, quincaillerie et jouets d’enfants – La mercerie, comme la quincaillerie, se compose de tous articles manufacturés dans la valeur desquels le travail entre pour beaucoup, et qui sont cependant en partie fabriqués dans notre pays. Il y aurait donc un double motif pour élever les droits d’entrée sur ces articles : celui de favoriser la main-d’œuvre chez nous, et celui d’augmenter les recettes du trésor

En fixant le taux de l’augmentation du droit actuel, on doit toutefois ne pas perdre de vue que l’augmentation, si elle est trop forte, aura pour résultat de livrer à la fraude toute la mercerie interlope.

Par cette considération l’on a cru qu’il était prudent de ne point dépasser le droit de 10 p.c. qui ne serait dans la réalité que de 5, taux auquel les avantages ne seront plus du côté de la fraude.

Comme l’on est dans l’habitude de ranger aujourd’hui parmi la mercerie divers objets composés de fer, de cuivre ou d’acier, appartenant plus particulièrement à la quincaillerie, l’on a cru qu’il convenait d’introduire ce mot dans le tarif, afin de compléter la disposition à laquelle il se rapporte.

Il a été exposé en 1837 pour une valeur de 348,499 francs de mercerie, parmi laquelle se trouve aussi celle fabriquée dans le pays, sans doute pour une assez large part.

La valeur moyenne déclarée annuellement à l’importation est de 1,800,000 francs.

Les droits actuels à 6 p.c ; ont produit fr. 108,000.

Les droits proposés à 100 p.c. produiraient fr. 180,000.

L’augmentation présumée serait donc de fr. 72,000.

Miel – Le miel s’importe en Belgique en qualités assez considérables, soit pour être livré immédiatement à la consommation de diverses manières, soit pour être employé dans la fabrication des pains d’épices ; dans l’un et l’autre cas, il peut être envisagé comme article de luxe, susceptible de supporter un droit de consommation dans l’intérêt du trésor.

L’on propose en conséquence d’en élever le droit d’entrée actuel de 2 fr. 12 c. à 10 fr. par 100 kilog., ce qui correspond à 12 p.c. de la valeur, droit qui a paru d’ailleurs en harmonie avec celui dont est frappé actuellement le sucre.

Quantités exportées en 1837 : 5,235 kilogrammes.

Les quantités mises en consommation, terme moyen, sont annuellement de 229,208 kilogrammes.

Les droits annuels de 2 fr. 12 c. par 100 kil. ont produit une recette de fr. 4,850.

Les droits proposés à 10 francs par 100 kil. produiraient fr. 22,920.

L’augmentation présumée serait donc de fr. 18,061.

Piment – Comme toutes les épices, le piment doit être considéré comme un article de luxe, et l’on estime que le droit d’entrée actuel de cette marchandise pourrait être augmenté

L’on propose, en conséquence, de l’élever de 2 fr 12 à 10 fr. les 100 kil. correspondant de 7 à 8 p.c. de la valeur, en réduisant le droit de sortie à 5 centimes les 100 kil., et en faisant remarquer que l’on a jugé convenable de supprimer, à la dénomination du tarif, les mots « de la Jamaïque », attendu que cette marchandise nous arrive aussi d’autres provenances, et d’y comprendre également le piment d’Espagne, tarifé actuellement séparément, et qui est d’ailleurs peu en usage.

Les quantités totales exportées en 1837 sont de 3,774 kilog.

Les quantités mises annuellement en consommation sont, terme moyen, de 42,240 kilog.

Les droits actuels de 2 fr. 12 c. pour 100 kil. ont produit fr. 893.

Les droits proposés à 10 fr. produiraient fr ; 4,224.

L’augmentation serait donc de fr. 3,329.

Poivre – Le droit d’importation sur cet article, qui n’est également pas de première nécessité, quoique d’un usage général, a paru aussi susceptible d’augmentation ; mais pour éviter de gêner le commerce d’exportation du poivre, qui a été en 1837 de 7,389 kilog., l’on propose de n’élever les droits d’entrée actuels de 3 fr. 18 c. qu’à 5 francs les 100 kilog., ce qui correspond à environ 5 p.c. de la valeur.

Les quantités mises annuellement en consommation ont été, terme moyen, de 222,153 kilog.

Les droits actuels de fr. 3 18 c. ont produit fr. 7,064.

Les droits proposés à fr. 5 produiront fr. 11,108.

L’augmentation serait donc de fr. 4,044.

Prunes et pruneaux – Cet article, qui comprend aussi les brugnons importés dans de petites boîtes venant ordinairement du midi de la France, est essentiellement un objet de luxe très imposable, qui, aujourd’hui, n’est point atteint, n’étant tarifé qu’à un droit minime de 63 centimes 60/100 les 100 kilog.

Comme il s’en fait peu d’exportations (6,633 kilog. en 1837) et que dès lors il n’y a pas craindre que l’évaluation du droit puisse entraver le commerce de cette marchandise, l’on propose de le porter à 10 francs les 100 kilog., représentant 10 p.c. de la valeur, et à la sortie 5 centimes les 100 kilog.

Les quantités mises en consommation, terme moyen sont annuellement de 268,604 kilogrammes.

Les droits actuels de 63 centimes 60/100 par 100 kil. ont produit fr. 1,708

Les droits proposés de 10 fr. par 100 kil. produiraient fr. 26,860

L’augmentation serait donc de fr. 25,152

Raisins – Il est évident que les raisins, comme article de luxe qui n’est imposé qu’au simple droit d’entrée de 84 centimes 80/100 les 100 kilog. réunissent les conditions requises pour supporter une augmentation de droits, et l’on propose celui de 10 francs les 100 kilog., représentant 12 p.c. de la valeur, et à la sortie 5 centimes, tout en faisant remarquer que les exportations de raisins se sont élevées, en 1837, à 89,133 kilogrammes.

Les quantités mises en consommation, terme moyen sont annuellement de 264,471 kilogrammes.

Les droits actuels de 84 centimes 40/100 pour 100 kilog. ont amené une recette de fr. 2,243.

Aux droits proposés de 10 francs, la recette serait de fr ; 26,447.

L’augmentation peut donc être évaluée à fr. 24,204.

Raisins de Corinthe – Pour les mêmes raisons que l’on a fait valoir à l’égard des raisins, l’on propose de fixer le droit d’entrée sur cet article à 10 francs par 100 kilog., ce qui représente15 p.c. de la valeur, et le droit de sortie à 5 centimes les 100 kilog. Les exportations en 1837 se sont élevées à 14,673 kilog.

Les quantités mises en consommation, terme moyen, sont annuellement de 390,904 kilogrammes.

Les droits actuels de fr ; 2 12 c. par 100 kil. ont produit fr. 8,287.

Les droits proposés de 10 fr. produiraient fr. 39,090.

L’augmentation serait donc de fr. 30,803.

Riz – La consommation de riz en Belgique est très considérable ; elle peut être évaluée à plus de trois millions de kilog. annuellement. Le droit de 63 centimes 40/100 les 100 kil. auquel cette marchandise est actuellement imposée à l’entrée est insignifiant et paraît pouvoir être élevé à 5 fr. sans inconvénient.

Bien que le riz soit d’un grand usage dans notre pays, il ne peut cependant pas être considéré comme objet de première nécessité, et il paraît pouvoir supporter un impôt qui ne dépasserait pas 8 p.c. de la valeur, sans que la charge soit bien sensible au détail.

Ne voit-on pas d’ailleurs assez souvent, par suite des fluctuations des marchés des céréales, le riz subir des variations de prix considérables qui passent cependant inaperçues pour la généralité des consommateurs ?

Ensuite, le commerce d’exportation ne saurait éprouver de cette mesure des entraves bien sérieuses, par les avantages que lui présentent les entrepôts, et enfin la majoration proposée étant, relativement au poids du riz, beaucoup trop minime pour offrir quelque avantage à la fraude, celle-ci ne serait nullement à craindre dans l’espèce.

Le chiffre des exportations de riz, d’après les renseignements statistiques de 1837, se monte à 131,791 kilog.

Les quantités mises en consommation, terme moyen, sont annuellement de 3,285,324 kilog.

Les droits actuels de 63 cent. 40/100 par 100 kil. ont produit fr. 20,896.

Les droits proposés à 5 fr. par 100 kil. produiraient fr. 164,276.

L’augmentation serait donc de fr. 143,380.

Tissus de soie – Les dispositions particulières, littera F de la loi du 7 avril 1838, en regard de l’article « Tissus de soie de toute espèce », ont prescrit un mode tout à fait exceptionnel pour le règlement de la taxe de ces marchandises, tant à l’importation qu’au transit.

Par dérogation, à cet égard, à l’article 122 de la loi générale du 20 août 1822, et à l’article 5 de la loi du tarif, ainsi qu’aux dispositions contenues dans le n°2 de l’article 6 de la loi du 1er juin 1836 sur le transit, il n’est pas facultatif à l’importateur de tissus et rubans de soie d’en faire constater le poids net par les employés ; il n’est admis, au contraire, pour toute déduction, que la tare légale accordée pour l’emballage extérieur, de manière que le commerce se trouve ainsi, aux termes de la loi, dans l’obligation de soumettre au payement des droits, non seulement l’excédant du poids réel des caisses, mais aussi les cylindres ou planchettes en bois sur lesquelles ces marchandises sont toujours roulées, et le poids total se trouvant communément en rapport avec la marchandise dans la proportion de 33 jusqu’à 60 p.c., il en est résulté que les rubans se trouvent frappés d’un droit exorbitant, et tout à fait hors de prévisions de la loi.

Quant au transit, la stipulation que la tare intérieure des colis renfermant des tissus de soie de l’espèce ne peut pas excéder 2 p.c. du poids de la marchandise, devient également, par la même raison, une condition impossible à remplir par les intéressés, et qui équivaut de fait à une prohibition de ce mouvement. Dans cet état de choses, des plaintes nombreuses se sont élevées de la part du commerce ; l’on a prouvé l’énormité du poids des cylindres en proportion des rubans, et l’impossibilité d’apporter en fabrique des modifications dans la manière d’apprêter ou emballer cette marchandise. Il s’en est suivi que les rubans de soie sont actuellement livrés à la fraude.

Par ces considérations, l’on propose de faire rentrer les tissus de soie de toute espèce dans le droit commun du tarif, pour l’établissement de la tare, en supprimant la note litt. F. dont il s’agit.

Droit d’inscription et de transcription.

Droit d’inscription (Art. ) – Le droit d’inscription n’est actuellement que d’un pour mille du montant de la créance (loi du 3 janvier 1824, art. 1er.) Nous proposons de le porter au double. Si l’on songe à la haute importance de la formalité, à son influence dans les transactions civiles, le droit double de ce qu’il est aujourd’hui doit encore paraître modéré. On ne peut méconnaître que la conservation des créances, la sécurité des créanciers, dépendent essentiellement de la formalité obtenue à ce prix.

L’impôt ainsi majoré n’atteindrait que les créances résultant d’un titre postérieur à la loi : cette disposition, qui exclut toute rétroactivité, a déjà été consacrée en pareille circonstance par l’article 20 de la loi du 21 ventôse, an VII.

Ce droit ne devant se payer qu’une seule fois, depuis l’abrogation du renouvellement décennal, prononcée par la loi du 22 décembre 1828, est réellement moins onéreux que celui d’un pour mille qui, antérieurement, devait être acquitté à chaque période décennale.

Si, donnant suite à une proposition dont elle est saisie, la législature venait à rétablir l’obligation du renouvellement, le droit d’inscription pourrait être ramené à une quotité moins élevée, parce que la succession des perceptions sur une même créance balancerait la réduction du prix de chaque formalité. Le gouvernement s’empresserait, dans cette hypothèse, de proposer telle disposition qui serait jugée nécessaire.

Droit de transcription (Art. ) – L’article 25 de la loi du 21 ventôse an VII a fixé le droit de transcription à un demi pour cent du prix intégral des mutations d’immeubles, suivant la base qui a servi à la perception du droit d’enregistrement.

La loi du 3 janvier 1824 a réduit ce droit à demi p.c. Les besoins du trésor imposent la nécessité de l’élever, non au taux où il a été établi primitivement, mais à un pour cent. On restera donc au-dessous de l’ancien droit réglé pour une époque à laquelle la transcription était sinon ordonnée par la loi, au moins impérieusement commandée par l’intérêt de l’acquéreur puisqu’un titre translatif non transcrit était sans force vis-à-vis des tiers. On respectera, en outre, la quotité du droit existant à l’époque où les contrats ont été signés, le nouveau droit ne devant atteindre que les actes d’une date postérieure à la loi.

Il a paru qu’en majorant le droit de transcription, on pourrait modifier l’amende prononcée pour défaut du retard dans la présentation des actes à la formalité. D’après la loi du 3 janvier 1824, l’amende est d’une somme égale au droit ; on propose de fixer l’amende à moitié du droit seulement. Ainsi réduite, elle constitue une sanction assez efficace pour assurer l’exécution de la loi, alors surtout que le droit principal est exigible et que le nouveau possesseur peut être poursuivi par cela seulement que son contrat a été enregistré.

On propose ainsi d’admettre à la transcription, moyennant le droit d’un p.c., les actes emportant mutation d’immeubles, d’une date antérieure à la loi du 3 janvier 1824, qui n’ont pas été soumis à cette formalité, et qui aujourd’hui, vu l’expiration du délai qu’avait accordé ladite loi, ne pouvaient être transcrit qu’au droit d’un et demi pour cent tarifé par la loi du 21 ventôse an VII. On a lieu de croire que cette disposition sera bien accueillie et amènera des recettes importantes.

Droit de tonnage extraordinaire à Ostende

Aux termes de l’arrêté royal du 28 août 1818, n°7, pris en conséquence d’un autre arrêté du 5 avril précédent, n°9, qui autorisait le ministre du waterstraat et des travaux publics à faire exécuter, au port d’Ostende, des travaux d’amélioration dont les frais étaient évalués à une somme de 700,000 florins, le commerce de la même ville devait contribuer au paiement de ces frais en concurrence d’une quote-part de 120,000 florins (fr. 253,968 25 c). L’article 7 de cet arrêté posait en même temps le principe de l’établissement d’un « droit extraordinaire de tonnage », à percevoir à charge des navires qui entreraient désormais dans ce port, et dont les produits devaient servir d’éteindre cet emprunt, jusqu’à parfait recouvrement de la somme avancée. Un arrêté subséquent du 20 octobre 1818, litt. Ve, fixa le taux de ce droit à 10 cents par last, pour les bâtiments nationaux, et à 20 cents pour les navires étrangers, en le réduisant toutefois de moitié pour les navires arrivant sur lest ; mas par un nouvel arrêté royal du 27 mai 1821, n°194, le taux a été élevé à 15 cents (32 centimes) pour les bâtiments nationaux, et à 30 cents (64 centimes) pour les autres.

La perception, commencée au 1er janvier 1819,, a donné, depuis cette époque, jusqu’au 31 décembre 1830, un produit brut total de fr. 181,911 14 c., ou un produit moyen de fr. 181,911 14 c, par année. On pourrait, par conséquent, considérer comme nécessaire une période de sept années encore, à partir de 1841, pour atteindre le chiffre de la somme mise à charge du commerce d’Ostende.

La chambre de commerce d’Ostende a sollicité la suppression du droit de tonnage dont il s’agit ; des réclamations contre sa perception se sont aussi élevées dans le sein de la chambre.

La position toute spéciale du port d’Ostende et les charges qu’y supporte la navigation constitueraient seules des motifs assez puissants pour engager à lui accorder ce dégrèvement, favorable à sa prospérité future, si l’adoption d’une semblable mesure n’était aussi commandée par la justice, qui prescrit de placer ce port sur un pied d’égalité avec celui d’Anvers, sous le rapport des charges imposes au profit de l’Etat.

Par suite de ces considérations, le gouvernement a pensé qu’il y avait lieu de cesser la perception de ce droit extraordinaire, et vient, en conséquence, en proposer l’abolition.

Tabacs

Parmi les matières imposables qui peuvent offrir une ressource au trésor public, on s’accorde généralement à ranger le tabac, qui ne peut être considéré comme un objet de première nécessité, et qui, dans un autre pays, est soumis à des droits de consommation très élevés.

Cette plante, que l’opinion publique semble désigner comme étant particulièrement susceptible d’être frappée d’un droit de consommation, y aurait sans doute été soumise si l’on n’avait rencontré de graves difficultés que nous espérons pouvoir surmonter.

Les manipulations que subit le tabac dans les diverses préparations auxquelles le goût des consommateurs le soumet, ont donné naissance à une fabrication florissante en Belgique et dans laquelle le tabac indigène entre pour une assez large part.

La culture de cette plante en Belgique, soutenue par la protection que lui assurent les droits dont sont frappés les tabacs exotiques, est de nature à pouvoir prendre de l’extension. Il importe de lui maintenir cet avantage, et de conserver l’exportation des produits de nos fabriques de tabac.

En élevant les droits d’importation sur les tabacs étrangers, il faudrait nécessairement accorder une décharge ou restitution de droit à l’exportation ; or, le tabac indigène étant mélangé dans la fabrication avec le tabac exotique, la réduction à opérer sur la quotité du droit à l’exportation, ainsi que la surveillance des mélanges qui seront opérés, constituent les principales difficultés dont nous venons de parler.

Le gouvernement a fixé une attention toute particulière sur cet objet ; il espère parvenir à trouver le moyen de ménager l’intérêt des fabricants et des cultivateurs de tabac, tout en créant une ressource pour le trésor public.

Conclusion générale

Après avoir développé, messieurs, les motifs des dispositions du projet de loi qui vous est présenté, nous ne prolongerons pas cet exposé, déjà fort long, pour entrer dans les détails des nouveaux moyens que nous avons en vue pour former le complément de notre budget des recettes. Nous dirons seulement que le département des finances s’occupe avec activité des améliorations à apporter dans plusieurs de nos lois, telles que celles relatives à la contribution personnelle et au droit de patente, que la révision de la législation de l’accise sur le sel et le sucre, ainsi que des droits de succession, forme aussi l’objet d’études particulières et d’une instruction approfondie.

Dans les projets qui seront le résultat des travaux auxquels nous nous livrons, nous devions nécessairement prendre en considération l’insuffisance signalée dans les revenus de l’Etat, et chercher à compléter notre système financier de manière à ne plus devoir recourir à l’avenir, ni à de nouveaux impôts, ni à de nouveaux emprunts.

En venant vous proposer d’aggraver les charges publiques, nous remplissons une tâche à la fois pénible et ingrate ; peu de personnes étudient et comprennent les besoins de la société, peu de personnes se demandent si le pouvoir qui réclame de nouveaux subsides n’obéit pas aux nécessités impérieuses d’une situation qu’il doit subir, mais qu’il n’a pas créée. L’odieux des impôts retombe ordinairement sur ceux qui sont forcés de les provoquer et de les mettre à exécution ; on ne peut les établir sans froisser des intérêts, sans exciter du mécontentement. Ces conséquences nous les avons prévues, et nous sommes loin d’y être indifférents ; cependant nous ne reculerons pas devant l’accomplissement de ce que nous considérons comme un devoir, persuadés que, pour atteindre le but d’utilité générale que nous nous sommes proposés, nous n’aurons pas en vain fait un appel au concours de vos lumières et à l’amour du bien public dont vous êtes animés.

(Moniteur belge n°232 du 18 novembre 1840) – La chambre ordonne l’impression et la distribution de ces projets et des exposés de leurs motifs et les renvoie à l’examen des sections.

Projet d'adresse

M. le président – La discussion générale est ouverte. Personne ne demandant la parole, nous passons à la discussion des paragraphes

Discussion des paragraphes

Paragraphe premier

Le premier paragraphe est mis aux voix et adopté ; il est ainsi conçu :

« Sire,

« Nous sommes heureux d’apprendre que les graves différends qui menacent d’interrompre l’harmonie existant entre les grands Etats, n’ont porté aucune atteinte aux rapports satisfaisants que Votre Majesté continue d’entretenir avec les diverses puissances. »

Paragraphe 2

La chambre passe au deuxième paragraphe, ainsi conçu :

« La Belgique en se soumettant aux conditions arbitrales que les grandes puissances lui ont imposées, au nom de la paix européenne, a acquis en retour la solennelle garantie de sa neutralité. »

M. de Foere – Je propose la suppression, dans ce paragraphe, des mots : « au nom de la paix européenne. » En premier lieu, le discours du trône ne donne pas ce motif aux puissances étrangères, et, selon moi, ce n’a pas été le motif des conditions arbitrales imposées à la Belgique. Le motif n’a été autre que l’intérêt des grandes puissances elles-mêmes. Je ne puis dire que les conditions qui nous ont été imposées l’ont été « au nom de la paix européenne », d’autant plus que M. Molé, dans la discussion de la coalition parlementaire, en France, a ouvertement déclaré que, dans la conférence, on avait dû céder aux intérêts commerciaux de l’Angleterre. C’est donc l’intérêt des puissances et non la paix européenne qui a été leur mobile.

M. Dechamps, rapporteur – Je pense que l’honorable préopinant a examiné le paragraphe en discussion sous un point de vue autre que celui auquel nous nous sommes placés.

La conférence de Londres nous a imposé le traité du 19 avril au nom de la paix européenne ; il est certain que c’est là le motif que les grandes puissances ont toujours invoqué ; ce n’est pas dans le but de justifier le traité que la commission a parlé de ce motif ; c’est parce qu’elle a cru qu’il était de l’intérêt de la Belgique de le rappeler.

En effet, on nous a demandé de faire des sacrifices à la paix générale, en échange desquels la reconnaissance des puissances nous était assurée. N’est-il pas utile de nous parer de ce motif proclamé si hautement, aujourd’hui qu’il peut être invoqué au service de nos droits ?

M. de Foere – Je ne pense pas que les puissance représentées à la conférence de Londres aient exprimé le motif allégué ici pour nous imposer ces conditions arbitrales. Mais eût-il été exprimé, vous savez que derrière les paroles diplomatiques se cache l’intérêt des puissances. Il est contraire à l’intérêt du pays que la chambre des représentants (alors surtout que le discours du trône n’en parle pas) vienne dire que c’est au nom de la paix européenne que des conditions arbitrales ont été imposées.

D’après le projet d’adresse, ce serait en se soumettant aux conditions arbitrales que les grandes puissances lui ont imposées, au nom de la paix européenne, que la Belgique aurait acquis en retour la solennelle garantie de sa neutralité. Or il est reconnu que l’Angleterre n’a voulu la neutralité maritime de l’Escaut que dans son propre intérêt, que dans l’intérêt de sa prépondérance maritime. Je crois qu’il est évident que ce sont des motifs d’intérêt, et non la paix européenne qui a été le mobile des puissances. On sait d’ailleurs, je le répète, que derrière les paroles diplomatiques se cache toujours l’intérêt individuel des puissances.

M. de Puydt – Il y a aussi dans ce paragraphe une chose qui me choque, c’est qu’il nous aurait été imposé des conditions « arbitrales ».

Il est évident que nous n’avons pas été appelés à constituer des arbitres ; nous avons cédé à la force ; on pourrait rentrer dans la pensée de M. de Foere en supprimer dans le paragraphe le mot « arbitrales ». J’en fais la proposition. En effet, nous n’avons pas été appelés à défendre nos intérêts dans cette espèce d’arbitrage.

M. Dechamps, rapporteur – Je ne tiens nullement à l’expression « arbitrales. » Cependant nous ne voulons pas dire par là que nous avons accepté les puissances comme arbitres. Elles se sont posées comme arbitres. C’est un fait seul que nous avons voulu constater.

M. de Foere n’a pas saisi la réponse que j’ai eu l’honneur de lui faire. Il considère l’insertion dans le paragraphe en discussion des mots « au nom de la paix européenne » comme une espèce de justification que nous ferions du traité qui nous a été imposé. Notre pensée a été toute contraire. C’est au nom de la paix européenne, c’est en mettant en avant ce motif, ou, si vous voulez, ce prétexte, que les puissances nous ont imposé le traité. Il est de notre intérêt de le rappeler, lorsque nous parlons des garanties de cette neutralité et des engagements contactés par ces puissances ; je crois donc que l’insertion des mots dont M. de Foere propose la suppression est tout à fait à l’avantage de la Belgique.

M. Vandenbossche – Je pense qu’il n’y aurait aucun inconvénient à supprimer tout ce paragraphe, et à commencer le paragraphe suivant par : « La garantie de la neutralité que nous avons sérieusement acceptée, etc. » En effet, il est très douteux si même les puissances nous ont imposé ces conditions.

- La suppression de mots « au nom de la paix européenne », proposée par M. de Foere est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

La suppression du mot « arbitrales », proposée par M. de Puydt est mise aux voix et adoptée.

La suppression du paragraphe, proposée par M. Vandenbossche, est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

Le deuxième paragraphe est mis aux voix et adopté dans les termes suivants :

« La Belgique en se soumettant aux conditions que les grandes puissances lui ont imposées, au nom de la paix européenne, a acquis en retour la solennelle garantie de sa neutralité. »

Paragraphe 3

La chambre passe au troisième paragraphe ainsi conçu :

« Cette garantie que nous avons sérieusement acceptée, nous l’avons placée avec confiance sous la sauvegarde de l’inviolabilité des traités ; nous recevons, avec satisfaction, l’assurance donnée par Votre Majesté, que partout son gouvernement a rencontré, pour ce principe de notre existence politique, un respect aussi sincère que nous-mêmes le professons. »

M. Verhaegen – Je proposerai une interversion dans la rédaction. Au lieu de « un respect aussi sincère que nous-mêmes le professons. », je propose de dire : « un respect aussi sincère que celui que nous professons nous-mêmes. »

M. Dechamps, rapporteur – C’est une affaire de rédaction. Pour moi, je persiste à croire que la rédaction du projet est préférable. La phrase proposée est plus traînante et contient un « que » de plus, ce qu’il faut éviter autant que possible. L’honorable préopinant croit que sa phrase est meilleure que celle du projet ; c’est une affaire de goût de fort peu d’importance.

M. Verhaegen – Je n’aime pas, en réunion publique, à insister sur des questions de rédaction. Mais je crois que la phrase, telle qu’elle est, n’est pas française.

- Le troisième paragraphe est mis aux voix et adopté avec l’intervertion proposée par M. Verhaegen.

Paragraphes 4 et 5

Les quatrième et cinquième paragraphes sont successivement mis aux voix et adoptés dans les termes suivants :

« La neutralité est un gage d’indépendance pour la Belgique et l’une des conditions de l’équilibre européen. Nous aiderons, par nos continuels efforts, le gouvernement de Votre Majesté à la maintenir.

« Ces principes que nous tenons à manifester, nous remercions Votre Majesté de les avoir hautement exprimés, et de ne négliger aucun occasion de faire apprécier toute l’importance que la Belgique y attache. »

Paragraphe 6

La chambre passe au sixième paragraphe ainsi conçu :

« Il est à désirer que les difficultés qu’a soulevées l’exécution du traité conclu avec le royaume des Pays-Bas, soient promptement aplanies, sans blesser les droits de la Belgique. L’esprit de concorde qui s’est manifesté entre les deux Etats, ne peut manquer d’amener bientôt ce résultat désiré ».

M. Dumortier – Je ne trouve pas ce paragraphe complet. Je ferai d’abord remarquer qu’il ne sembla pas tendre au même but que le passage correspondant du discours du trône, et quoi est ainsi conçu :

« L’esprit de concorde et de rapprochement, dont les deux Etats ont eu naguère l’occasion de se donner un nouveau témoignage, continuera, je l’espère, à exercer une influence favorable sur les arrangements qui restent à conclure. »

J’aime beaucoup l’esprit de concorde et de rapprochement entre la Belgique et la Hollande. Je crois que les deux pays ne peuvent que gagner à ce rapprochement ; la Hollande a besoin de la Belgique ; d’un autre côté, la Belgique peut se servir de la Hollande ; nous pouvons faire nos affaires mutuellement. J’appelle de tous mes vœux le jour où ce rapprochement aura lieu. Mais est-il sage, est-il prudent de montrer un désir aussi grand d’arriver à une solution définitive, alors que cette solution peut se faire aux dépens de quelques-uns de nos intérêts ? Voilà ce dont je ne suis pas convaincu.

Dans ma manière de voir, les arrangements qui restent à conclure par suite du traité des 24 articles peuvent avoir une immense influence sur l’avenir du pays. Cette influence peut résulter principalement de négociations relatives à la dette. Il y a, dans le traité du 19 avril, des stipulations très onéreuses pour nous ; ce sont celles que nous exécutons aujourd’hui dans nos budgets. Mais il existe aussi dans le traité des dispositions dont nous pouvons tirer parti en faveur de la Belgique, il y a, dans le traité, absence de décisions sur plusieurs points de la solution desquels peut résulter un grand préjudice pour le pays. C’est ainsi qu’il n’est rien stipulé relativement à la société générale ; il y a là, cependant une question qui peut devenir d’un intérêt immense. Vous n’ignorez pas qu’une grande, une notable partie des capitaux de la société générale appartiennent à des belges. Vous savez, d’autre part, la manière dont s’est conduit le gouvernement des Pays-Bas pour tâcher de tirer le plus possible de la société générale, au moyen d’un procès qui lui a été intenté devant les tribunaux d’Amsterdam. On ne m’accusera pas d’être un trop grand partisan de la société générale. Toutes les fois qu’elle voudra, par un moyen quelconque, nuire aux intérêts de l’Etat, elle me trouvera toujours, comme par le passé, sur son chemin. Mais lorsque la société générale se trouve dans une position critique d’où il peut résulter de grands malheurs pour les fortunes du pays, je crois devoir insister pour que la chambre, dans son adresse, donne son appui au gouvernement, au sujet des négociations qui lui restent à faire.

Je ne trouve pas l’adresse assez explicite sous ce point de vue. J’aurai voulu qu’on insérât dans l’adresse une phrase où la chambre exprimerait la confiance que les droits que la Belgique tire des traités seraient respectés. Si ces droits sont respectés, comme ils doivent l’être, j’appelle de tous mes vœux les arrangements qui restent à conclure. Je repousse ces arrangements s’ils ne doivent avoir lieu qu’au prix du sacrifice de quelques-uns de nos droits. Jamais je n’admettrai que la Belgique puisse se prêter à de nouveaux sacrifices.

Plusieurs membres – Cela est dans le projet d’adresse.

M. Dumortier – Pas suffisamment, à mes yeux.

La Belgique, en se soumettant au traité des 4 articles, a fait de nombreux et douloureux sacrifices : sacrifices pécuniaires lorsqu’on nous a imposé une dette que nous ne devions en aucune manière ; sacrifice le plus douloureux de tous, celui de 400,000 de nos frères que nous avons vu séparer de la famille belge. Après de tels sacrifices, on peut bien arriver à défendre un peu ses droits.

D’un autre côté, les articles du traité relatifs à la dette belge peuvent donner matière à une amélioration considérable dans notre situation financière, si nos intérêts sont soutenus, dans cette circonstance, d’après les principes que les plénipotentiaires hollandais ont fait prévaloir lors des différends de la Hollande avec la France. Si ces principes sont admis (et la Hollande ne peut s’y opposer, puisqu’elle-même les a proclamés dans une autre circonstance), je pose en fait qu’il sera possible de réduire d’un million ou deux la rente que nous devons à la Hollande.

Vous voyez que cet objet est d’une haute importance, et qu’il est digne de toute votre sollicitude.

Je regrette, pour mon compte, qu’il ne nous ait été donné aucune espèce d’indication sur la marche des négociations. Je sais que dans les négociations il y a toujours une partie qui doit rester secrète ; car on ne peut divulguer ce qui n’est pas encore déterminé.

Mais, il est au moins des points de principe sur lesquels la chambre pourrait avoir quelques apaisements. Jusqu’ici nous n’avons pas eu la plus légère indication sur la marche que l’on se propose de suivre. J’appelle encore sur ce point l’attention de l’assemblée.

Maintenant, messieurs, il existe encore dans le pays des droits qu’il importe de maintenir : ce sont les droits des Belges sur les créances non encore liquidées lors de la séparation du royaume des Pays-Bas.

Vous savez, messieurs, que, tandis que dans les premières années du royaume des Pays-Bas, on a liquidé avec une extrême facilité toutes les créances appartenant à des sujets des provinces septentrionales, les créances appartenant à des sujets des provinces méridionales n’étaient pas encore liquidées au moment de la révolution ; ces créances s’élevaient à une somme considérable ; si ma mémoire est fidèle, 350,000 florins à peu près étaient compris dans le tableau général présenté aux états-généraux, comme étant l’import approximatif des redevances dues à des nationaux et non encore liquidées ; or ces nationaux étaient tous ou presque des habitants des provinces méridionales. Je demande ce que vont devenir ces créances. Est-ce qu’au moyen de « l’esprit de concorde et de transaction », on va sacrifier les intérêts des Belges, pour arriver à une « prompte solution » ? C’est ce que nous ne pouvons pas vouloir ; et dès lors nous devons insérer dans l’adresse un paragraphe un peu plus explicite que celui qui nous est proposé par la commission.

J’espère que le gouvernement voudra maintenir les droits du pays dans toute leur intégrité, mais alors quelques mots plus positifs donneront une nouvelle force aux négociations ; si, au contraire, il pouvait être dans la pensée du gouvernement de céder (ce que nous ignorons, puisque nous n’avons reçu aucune communication) ; s’il pouvait, dis-je, entrer dans la pensée du gouvernement de céder, alors il est de notre devoir de lui faire comprendre que nous ne voulons plus faire de concessions après toutes celles que nous avons faites.

J’ai donc l’honneur de proposer la rédaction suivante :

« Les arrangements que nécessité le traité conclu avec les Pays-Bas sont d’un haut intérêt pour la Belgique ; le gouvernement de Votre Majesté ne consentira pas à ajouter de nouveaux sacrifices aux sacrifices déjà si douloureux que nous avons dû faire. Les droits que le pays tire du traité seront respectés, soit qu’ils s’appliquent à l’Etat, aux régnicoles ou aux grandes associations nationales, dont la prospérité se lie intimement à la prospérité publique. Nous faisons des vœux sincères pour la prompte et loyale conclusion des arrangements qui restent à régler et dont la solution opérera un rapprochement international utile aux intérêts des deux pays. Déjà des témoignages récents nous donnent l’assurance que ce vœu ne tardera pas à s’accomplir. »

M. Vandenbossche – Je ne puis pas plus que l’honorable M. Dumortier approuver le paragraphe qui nous est proposé ; j’aurais voulu réduire ce paragraphe à ce peu de mots :

« Il est à désirer que les difficultés qu’a soulevées l’exécution du traité conclu avec le royaume des Pays-Bas soient promptement aplanies, sans blesser les droits de la Belgique. »

L’honorable M. Dumortier parle de la société générale, et il dit qu’il y a là un point à aplanir dans nos négociations avec la Hollande ; je pense, messieurs, que cette question doit être aplanie, en premier lieu, entre nous ; il s’agit d’un seule question, celle de savoir si le roi Guillaume a reçu les biens nationaux en qualité d’homme privé, comme il le pense ; s’il en était ainsi, nous n’avons plus rien à faire ni à dire, alors le gouvernement n’a plus qu’à lever le séquestre qu’il a mis en quelque sorte sur les redevances annuelles que la société générale paie à la Hollande ; cependant le gouvernement n’a que ce seul moyen de tirer la société générale de l’embarras où elle se trouve relativement à la Hollande. Si au contraire, comme je le soutiens, les biens dont il s’agit n’ont pas été cédés à la personne privée du roi Guillaume, ils appartiennent à la nation belge, en tant qu’ils sont situés en Belgique, et alors nous devons proclamer ce principe ; ce serait encore là un moyen de faire gagner sa cause à la société générale devant les tribunaux de la Hollande ; il faut que la législature proclame cette vérité ; c’est là le seul moyen de retirer la société générale de la situation où le syndicat d’amortissement l’a placée.

Je crois qu’au moyen de mon amendement toutes nos réserves seraient faites.

M. le président donne lecture des amendements de M. Dumortier et de M. Vandenbossche.

M. Vandenbossche – Je demande la division de l’amendement de M. Dumortier de tout ce qui suit les mots : « Aux sacrifices déjà si douloureux que nous avons dû faire. »

M. Desmet – Je dois faire observer à la chambre, ainsi qu’au cabinet, que de nouvelles difficultés se sont élevées entre la Hollande et la Belgique ; je veux parler de ce qui est relatif à la navigation par les eaux intérieures. Sous le régime français, comme sous le régime néerlandais, la navigation par les eaux intérieures de la Hollande était libre, nous ne payions pas plus que les Hollandais ; quand nous avons consenti au péage, nous avons cru que la petite navigation par les eaux intérieures continueraient à être libre, mais depuis lors les Hollandais ont élevé de nouvelles difficultés ; ils font maintenant payer aux bateaux qui naviguent dans les eaux intérieures un péage tellement élevé qui équivaut à une véritable prohibition, ce qui porte le plus grand préjudice à la navigation d’Anvers, de Termonde, de Tamise, d’Alost même ; pour les charbons, par exemple, il faut payer 4 florins par 18 hectolitres ; il résulte de là qu’il n’y a que les bateaux hollandais qui peuvent introduire du charbon en Hollande.

M. Dechamps, rapporteur – Messieurs, la commission d’adresse n’a pas cru devoir adopter un paragraphe rédigé d’une manière aussi incisive que celui qui est proposé par l’honorable M. Dumortier ; la majorité de la commission a pensé que, comme nous ne sommes pas initiés aux travaux de la commission d’Utrecht, il serait peut-être imprudent de lui prescrire une marche aussi arrêtée que celle que nous lui prescririons en adoptant la rédaction de M. Dumortier ; nous avons craint que, tout en voulant appuyer d’une manière aussi forte les droits de la Belgique, nous ne fussions arrivés à un résultat tout contraire, c’est-à-dire à arrêter les travaux de la commission d’Utrecht, ou du moins à les entraver.

Du reste, le paragraphe de la commission d’adresse rend la pensée de l’honorable M. Dumortier : dans le discours du trône, il est surtout parlé de l’esprit de concorde et de rapprochement et du désir de la Belgique de voir promptement terminer ses différends avec la Hollande ; à cette pensée, que nous avons trouvée juste, la commission a ajouté cette phrase, qui renferme bien, je pense, l’idée de l’honorable M. Dumortier : « sans blesser les droits de la Belgique » ; la pensée de l’honorable M. Dumortier est tout entière dans cette phrase, seulement elle s’y trouve exprimée d’une manière plus prudente que dans la rédaction de M. Dumortier, et de manière à pouvoir entraîner moins d’inconvénient que cette rédaction.

Une autre observation a été faite, c’est qu’il n’est pas bien de rappeler les sacrifices douloureux que nous avons dû faire ; je pense, pour ma part, qu’il n’y a aucune utilité à rappeler ce qui pourrait nous décourager et nous humilier ; tâchons autant que possible d’éloigner ces souvenirs, au lieu de saisir nous-mêmes toutes les occasions de les rappeler.

Je crois qu’il y aurait un léger changement de rédaction à adopter ; vous aurez remarqué, messieurs, que le mot « désiré » se trouve deux fois dans le paragraphe ; je crois qu’il faudrait dire : « résultat satisfaisant » ou supprimer toute espèce d’épithète, en disant seulement « ce résultat. »

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, je répondrai d’abord quelques mots à l’honorable M. Dumortier, qui a exprimé le regret que le gouvernement ne puisse pas donner quelques renseignements à la chambre sur l’état où en sont arrivées les négociations qui ont pour objet certaines parties de l’exécution du traité du 19 avril. Je comprends tout l’intérêt que porte l’honorable préopinant à s’enquérir de l’état où se trouvent ces négociations. S’il veut me faire l’honneur de venir dans mon cabinet, je m’empresserai de lui mettre sous les yeux tout ce que je connais moi-même, mais il comprendra sans doute qu’il est impossible de donner en séance publique des renseignements sur des négociations qui n’ont encore amené aucun résultat définitif. Je puis toutefois donner l’assurance que les négociations ont été commencées et suivies avec le plus grand zèle et avec la plus grande activité par les soins de mon honorable prédécesseur, et qu’elles continuent à être suivies avec un égal zèle et une égale activité sous le ministère actuel.

Je dois ajouter que, comme vient de le dire M. le rapporteur, la rédaction de la commission est de nature à éloigner certains inconvénients qui pourraient résulter de la rédaction présentée par l’honorable M. Dumortier ; au fond, ce que veut le discours de la couronne, ce que veut la commission d’adresse, ce que veut l’honorable M. Dumortier, c’est la même chose, mais le choix des expressions, dans un document où l’on parle d’un gouvernement étranger, n’est pas indifférent. Je crois, par ce motif, que la convenance, la prudence, l’intérêt même du pays exigent que nous donnions la préférence à la rédaction proposée par la commission. J’affirme cependant que nous voulons tous la même chose et qu’il s’agit ici purement et simplement de rédaction.

Je dois dire à l’honorable M. Dumortier que précisément dans l’intérêt de ces associations auxquelles il a fait allusion, des conférences ont été ouvertes à Bruxelles ; on connaît les événements qui se sont passés dans le royaume des Pays-Bas et qui ont dû naturellement interrompre ces conférences ; je ne doute pas qu’elles ne soient reprises sous peu.

En ce qui concerne la navigation des eaux intérieures, c’est un objet dont s’occupe la commission de navigation qui siège à Anvers. L’honorable M. Desmet a parlé d’un droit sur les houilles qui semblerait être une conséquence du traité ou d’une interprétation fausse du traité ; je prierai l’honorable membre de remarquer qu’il ne s’agit pas là d’un droit de navigation mais bien d’un droit de douane ; il y a à la vérité sur la navigation un droit spécial qui résulte de ce que la Belgique n’a pas de traité de commerce avec la Hollande ; ainsi les houilles qui vont en Hollande par la Meuse paient, lorsqu’elles y arrivent par bateaux belges, un droit dont elles sont affranchies lorsqu’elles y arrivent par bateaux néerlandais ; mais nous sommes, à cet égard, placés sur le même pied que la France et tous les autres pays, à l’exception de l’Angleterre et de la Prusse, qui ont des traités de commerce avec la Hollande.

M. Desmet – Je ferai remarquer à M. le ministre des affaires étrangères que le droit dont il s’agit n’est perçu que depuis que nous sommes soumis au péage. Si la Hollande nous impose un droit semblable, il serait juste qu’au moins nous prissions des mesures de représailles.

M. de Theux – Comme membre de la commission, je tiens à déclarer à la chambre que tous les membres de la commission attachent au paragraphe proposé l’idée de ne plus faire de nouvelles concessions à la Hollande dans les arrangements à prendre pour arriver à l’exécution du traité ; cette pensée est énoncée d’une manière très précise dans la paragraphe en discussion, et la phrase qui le termine : « l’esprit de concorde, etc. » n’a nullement pour objet d’atténuer ce qui précède ; cette phrase a uniquement pour objet de prendre acte d’un fait qui est rappelé dans le discours du trône, savoir : qu’à l’occasion d’un grand événement qui vient de s’accomplir dans les Pays-Bas, il a été manifesté de la part des deux Etats un esprit de rapprochement et de concorde ; la commission s’est bornée à prendre acte de ce fait, et elle en a tiré un augure favorable pour une prompte conclusion des différends qui restent à régler, mais il est bien entendu que cette conclusion ne peut blesser en rien les droits de la Belgique.

M. Dumortier – Messieurs, si nous sommes tous d’accord sur le sens qu’il faut attacher au paragraphe en discussion, la chose est bien facile à arranger ; cependant les personnes qui savent comprendre le paragraphe verront aisément qu’il y a une très grande différence entre la rédaction proposée et le sens qu’on veut y donner ; ce qui domine dans la rédaction de la commission, c’est le désir d’en finir ; on vient dire que ce désir est subordonné à la volonté de conserver dans leur intégrité les droits de la Belgique, de ne plus faire de nouveaux sacrifices ; eh bien, je le demande, qu’y a-t-il autre chose dans la rédaction que j’ai l’honneur de proposer ? Rien, absolument rien. « Mais, dit l’honorable M. Dechamps, nous ne voulons point employer des paroles incisives. » Je ne sais pas si l’honorable membre a entendu la lecture de mon amendement, mais s’il l’avait écoutée attentivement, il se serait convaincu qu’il n’y a pas l’apparence d’une parole « incisive », à moins qu’on ne regarde comme « incisifs » ces mots : « les droits de la Belgique seront respectés » ; si telle est l’opinion de l’honorable rapporteur, alors je veux bien des paroles « incisives », car je ne veux pas qu’il soit porté une nouvelle atteinte aux droits du pays.

Nous ne voulons pas, comme on l’a dit, prescrire une marche à la commission d’Utrecht ; mais, encore une fois, si l’on est bien décidé à ne pas faire de nouveaux sacrifices, il me semble qu’il n’y a aucun inconvénient à le dire ; pour mon compte je n’aime pas les rédactions qui disent tout le contraire de ce que l’on veut dire.

« Il ne faut pas, dit l’honorable rapporteur, rappeler le souvenirs des événements de l’an dernier, cela pourrait nous humilier. »

Messieurs, je ne partage pas cette opinion ; je pense que, lorsqu’il s’agit de sacrifices que l’on veut exiger de nous, nous pouvons bien rappeler ceux que nous avons dû faire ; d’ailleurs nous devons constamment avoir devant les yeux les sacrifices immenses que l’on a exigés de nous, afin d’éviter d’en venir à des sacrifices ultérieurs.

Du reste, puisque l’opinion me paraît unanime à cet égard, je consens volontiers à retirer le paragraphe que j’ai eu l’honneur de déposer sur le bureau, mais tout au moins je désire que l’on ajoute quelques mots au paragraphe de la commission, qui n’est pas assez explicite. Je proposerai donc de mettre, après les mots « sans blesser les droits de la Belgique », ceux-ci : « et sans lui imposer de nouveaux sacrifices. »

M. Dolez – Je ferai remarquer à la chambre que le paragraphe de l’honorable M. Dumortier va directement contre le but qu’il se propose ; en effet, ce paragraphe suppose que l’on peut encore mettre en question si l’on peut imposer de nouveaux sacrifices à la Belgique ; or je n’admets pas, pour mon compte, semblable possibilité ; je pense donc que la rédaction de l’honorable M. Dumortier serait beaucoup moins utile aux intérêts de la Belgique que la rédaction de la commission.

M. Coghen – Je pense avec l’honorable M. Dolez que nous ne pouvons pas supposer qu’il soit possible qu’on impose à la Belgique de nouveaux sacrifices, des sacrifices onéreux ont été faits à la paix européenne, à la tranquillité générale, nous ne devons pas élever le doute qu’il soit possible d’en faire davantage.

M. de Theux – Le désir exprimé par la commission n’est point du tout un désir empressé qui aille au-devant de nouveaux sacrifices, qui aille jusqu’à une disposition à léser les intérêts de la Belgique ; c’est un désir de voir terminer nos différends d’une manière satisfaisante, d’une manière telle que les droits de la Belgique ne soient lésés en rien. Ce désir peut être exprimé honorablement par une assemblée ; d’ailleurs il a été exprimé également dans les Pays-Bas.

M. de Foere – M. le ministre des affaires étrangères a fait observer que les droits dont nos navires sont frappés en Hollande ne sont pas le résultat du traité du 19 avril, mais bien de la législation hollandaise ; ce qui est certain, c’est que, par suite de ces droits, nos navires ne peuvent pas naviguer dans les eaux intérieures de la Hollande, que les navires hollandais peuvent seuls faire le transport de la houille.

Il me semble que si le pays frappait des mêmes droits les navires hollandais navigant dans l’Escaut par les eaux intérieures, nos navires pourraient concourir, tandis que maintenant ils sont totalement exclus. La Hollande ne pourra pas se formaliser de cet acte de réciprocité. Si nous n’agissons pas ainsi, il en résultera que la Hollande ne cherchera pas à faire cesser le statu quo, puisqu’il lui est favorable.

J’appelle donc l’attention du gouvernement sur cet intérêt qui est assez important, car la plupart des navires qui naviguent sur les eaux intérieures du pays sont dans une stagnation complète.

M. Dumortier – Messieurs, j’ai demandé la parole, pour répondre deux mots à l’honorable M. Dolez. L’honorable membre a dit que, par l’amendement que j’ai eu l’honneur de présenter, j’émettais la supposition qu’on pût céder quelque chose de nos droits. Je crois que l’honorable M. Dolez perd de vue comment se font les négociations ; s’il y réfléchissait, il verrait que son observation est contraire à tout ce qui se passe en pareille circonstance. En effet, dans les assemblées de commissaires, il y a toujours des gens disposés à tout céder, et qui peuvent céder sans demander conseil ni avis. Voilà comment se font les négociations. Ces négociations ne doivent plus être soumises à votre assentiment ; et le gouvernement pourrait, s’il le voulait (je ne dis pas qu’il ait cette intention, je pense au contraire qu’il est animé de sentiments tout différents), mais le gouvernement pourrait, s’il le voulait, abdiquer une partie des droits de la Belgique, sans que vous eussiez un mot à y dire. Vous n’auriez que le droit de vous plaindre, et rien de plus.

Messieurs, pour vous donner un exemple, je suppose que dans le cours de négociations on vienne à ne pas maintenir, comme il le faut, les droits des personnes auxquelles j’ai fait allusion et dont les titres n’ont pas été liquidés avant la séparation de la Belgique d’avec la Hollande. Qu’auriez-vous à dire si cela arrivait ? Rien.

Il me semble donc qu’il est du devoir de la législation d’insister fortement pour qu’aucun des droits de la Belgique ne soit sacrifié.

Il en est ainsi en toute chose. Prenez un à un chaque article des négociations, et vous verrez que les demandes des plénipotentiaires hollandais sont toujours opposés aux demandes des agents belges ; vous verrez que la Hollande appelle de la part de la Belgique de nouveaux sacrifices ; pour ma part, je ne veux pas que, par un désir immodéré d’en finir, on se montre disposé à faire ces sacrifices. Eh bien, de la manière dont le paragraphe de la commission est rédigé, tout le monde dira que nous voulons en finir à tout prix, et l’on deviendra d’autant plus exigeant, qu’on aura supprimé toute disposition tendant à exprimer notre ferme volonté d’arrêter, au besoin, le gouvernement dans la carrière des concessions.

Si vous voulez maintenir la rédaction du paragraphe du projet de la commission, dites au moins que vous êtes bien décidés à ne pas faire de nouveaux sacrifices.

M. Dechamps, rapporteur – Messieurs, je veux dire deux mots sur l’incident qui a été soulevé par les honorables MM. Desmet et de Foere. Il s’agit du droit différentiel qui existe sur les navires belges entrant en Hollande. Vous savez, messieurs, qu’ils sont frappés d’un droit de 2 florins par tonneau.

Si je ne me trompe, d’après la loi de 1822, il n’est pas permis au gouvernement d’adopter l’assimilation, si ce n’est sur la base d’une parfaire réciprocité ; la loi, je pense, est explicite à cet égard. Or, je le demande, d’après quel droit le gouvernement a-t-il assimilé les navires hollandais aux nôtres, tandis qu’il n’y avait pas de réciprocité de la part de la Hollande ?

Je crois qu’il y a eu là un abus de pouvoir, et j’appelle sur ce point l’attention du ministère.

M. Dumortier – Encore une concession nouvelle.

- Personne ne demandant plus la parole, on passe au vote des amendements et du paragraphe.

M. Vandenbossche a d’abord proposé le retranchement de la phrase finale, ainsi conçue :

« L’esprit de concorde, qui s’est manifesté entre les deux Etats ne peut manquer d’amener bientôt ce résultat. »

Cette suppression est mise aux voix et n’est pas adoptée.

M. Dumortier a proposé d’ajouter après les mots : « sans blesser les droits de la Belgique », ceux-ci : « et sans lui imposer de nouveaux sacrifices. »

Cette addition est mise aux voix et n’est pas adoptée.

Le paragraphe du projet de la commission est ensuite mis aux voix et adopté.

Paragraphe 7

« L’agriculture, l’industrie et le commerce ont un droit égal à la protection du gouvernement. Il reste des améliorations à introduire dans ces trois branches de la prospérité publique. »

M. Delehaye – Messieurs, il semble, d’après le paragraphe de l’adresse qui vous est soumis en ce moment, que l’industrie, le commerce et l’agriculture se trouvent dans une position telle que ces trois branches de la prospérité publique pourraient presque marcher sans recevoir des améliorations.

Messieurs, s’il y avait eu dans la commission d’adresse quelques membres appartenant à l’un ou à l’autre des deux Flandres, qui constituent le tiers du royaume, il y a lieu de croire qu’on n’aurait pas parlé aussi légèrement de l’industrie et du commerce.

Depuis notre séparation, le cabinet actuel a fait pour ces deux branches de la prospérité des Flandres tout ce qu’il lui a été possible de faire sans l’intervention de la législature. Dans le courant de la dernière session, j’ai souvent appelé l’attention du gouvernement sur ce point, et je suis heureux de pouvoir dire en ce moment que le commerce de Gand est reconnaissant envers le gouvernement de toutes les mesures d’amélioration qu’il a prises. Mais il reste beaucoup à faire. L’industrie linière est dans une position extraordinairement critique ; l’industrie cotonnière est frappée d’une stérilité complète.

Il me semble, messieurs, qu’il est du devoir de tout député, et surtout d’un député de Gand, d’attirer l’attention du gouvernement sur ces deux points importants ; et vous parviendrez à ce but d’une manière efficace en insérant dans l’adresse un amendement ainsi conçu :

« L’industrie linière et l’industrie cotonnière, autrefois la source d’une existence honnête et facile pour la clase ouvrière, ne trouvent plus dans nos lois une protection suffisante. La nation, confiante dans votre sollicitude pour son bien-être, espère, Sire, que votre gouvernement, d’accord avec les chambres, prendra, pendant la session qui vient de s’ouvrir, les mesures propres à relever d’un anéantissement presque complet ces deux branches de la prospérité publique. »

M. Fleussu – Messieurs, il faut avouer que la commission d’adresse joue de malheur. Tout à l’heure, quoiqu’elle ait pris toutes les précautions possibles pour garder saufs les droits de la Belgique dans les négociations d’Utrecht, on nous a presque accusés de les avoir abandonnés, de tendre la main à la Hollande, et d’être disposé à faire de nouveaux sacrifices.

Et comment l’auteur de l’amendement a-t-il pu nous lancer cette accusation, lui qui a assisté à la très longue discussion à laquelle la commission s’est livrée, lui qui y a appris que nos commissaires n’avaient pas le droit de trancher les questions ; qu’ils ne traitaient qu’ad referendum ; lui qui n’a pas même soumis à la commission l’amendement qu’il a proposé à la chambre, en sorte que la commission n’a pas eu à délibérer sur la question de savoir si cet amendement serait inséré dans l’adresse ?

Voilà, messieurs, comment nous avons été accusés d’abandonner en quelque sorte les droits de la Belgique.

Cette fois-ci, nous ne sommes pas plus heureux.

Nous avons dit dans l’adresse que l’industrie, le commerce et l’agriculture ont droit à des améliorations ; et voilà qu’il nous accuse d’avoir fait l’apologie de l’état actuel de l’industrie, du commerce et de l’agriculture ! Mais il n’en est rien, absolument rien.

Lisez, messieurs, la phrase finale du paragraphe, et vous verrez que nous avons signalé à S.M. et au gouvernement ce fait, que l’état de l’agriculture, du commerce et de l’industrie, avait besoin de protection. « Il reste, avons-nous dit, des améliorations à introduire dans ces trois branches de la prospérité publique. »

Il me semble que quand on tient un pareil langage, on ne cherche pas à se faire illusion sur les mesures de protection que réclame l’état actuel de ces trois grands intérêts.

Pour en venir particulièrement à l’amendement proposé par l’honorable M. Delehaye, il me semble qu’il serait fort dangereux de spécialiser les industries qui ont besoin d’amélioration. N’est-il pas vrai, en effet, que les députés de toutes les provinces seraient en droit de demander que les industries qui sont particulières à leurs localités reçoivent des améliorations.

Moi, par exemple, je demanderai au besoin que les houillères obtiennent une protection spéciale et soient l’objet de toute l’attention du gouvernement dans les négociations avec la Hollande. Je pourrai demander encore une protection toute spéciale pour les draperies, qui sont en souffrance. D’autres députés feront valoir d’autres réclamations, et vous verrez qu’au lieu d’une adresse, nous aurons une longue complainte à envoyer à S.M.

Messieurs, dans une adresse, il faut généraliser ; c’est ce que nous avons fait, et je crois que nous l’avons fait d’une manière satisfaisante pour les intérêts de toutes les provinces. Mais vouloir établir des spécialités, c’est ouvrir la porte à toutes les doléances.

D’ailleurs, n’est-il pas vrai que, pour les industries dont on se plaint particulièrement, le gouvernement a déjà fait quelque chose ? Il a nommé une commission d’enquête pour rechercher les causes de l’état de souffrance de ces deux industries, et trouver des remèdes à cette souffrance. Attendez au moins que le gouvernement nous fasse son rapport, et nous soumette quelques mesures.

Nous n’allons pas ex abrupto trancher une question très grave qui divisera peut-être la chambre. Car il paraît que si l’industrie linière est en souffrance, ce malaise doit peut-être être attribué à l’état stationnaire dans lequel cette industrie est restée.

D’après ces motifs, je pense qu’il n’y a pas lieu d’admettre l’amendement de l’honorable M. Delehaye, et qu’il faut adopter le projet de la commission.

M. Dumortier – Messieurs, je trouve fort singulier que l’honorable préopinant conteste à un membre de la chambre le droit de présenter un amendement. L’honorable député n’est pas le censeur de l’assemblée. Nous pouvons sans doute présenter des amendements, sans avoir besoin de son autorisation.

En ce qui me concerne, je dirai qu’il me paraît singulier que l’honorable préopinant trouve mauvais que j’aie fait en séance publique d’utiles observations, à cause que, dans le sein de la commission, on aurait dit telle ou telle chose. Ce que je sais, comme membre de la commission, je ne le sais pas comme député. Qu’importe que nos négociateurs d’Utrecht ne donnent leurs signatures qu’ad referendum : cela ne détruit pas ce que j’ai dit : que nous commissaires pouvaient faire des concessions contre lesquelles vous n’auriez rien à dire.

D’ailleurs, n’est-il pas singulier de venir reprocher à un député de présenter un amendement, parce qu’il ne l’a pas soumis à la commission ? Qu’est-ce que cela nous fait ? Ai-je une autorisation à vous demander pour déposer un amendement ? Mais ce qu’il y a de plus fort, c’est que j’ai proposé un amendement dans le sens de la commission. D’après cela, vous apprécierez, messieurs, la conduite de l’honorable préopinant.

M. Delehaye – J’ai dit, messieurs, que la proposition de la commission n’énonçait pas le fait de la position fâcheuse où se trouvent les deux industries que j’ai signalées. Elle met toutes les industries sur la même ligne. Or il est évident que de toutes les industries qui s’exercent dans le pays ce sont bien celles que j’ai indiquées qui sont les plus souffrantes. Je dis que, dans cette position, c’était pour nous un devoir d’appeler l’attention de la chambre et du gouvernement sur ces deux industries, et je pense qu’à cet égard j’aurai rendu un véritable service au pays. Au commencement de la session dernière, nous avons présenté nos doléances ; on a nommé les travaux de la commission. Qui vous dit qu’il ne s’écoulera pas encore une année avant que nous sachions ce qui a été fait, et alors il sera trop tard. Toutes les mesres qu’on proposerait ne produiraient plus aucun effet. Il y a donc urgence à ce que des mesures promptes soient prises.

M. Fleussu – Messieurs, en fait de conduite, je ne crains pas qu’on mette la mienne en rapport avec celle de M. Dumortier…

M. Dumortier – Et vice versa.

M. Fleussu – Mais je trouve fort étrange que l’honorable membre se soit réserver de déposer, en séance publique, un amendement qu’il n’avait pas eu le courage de présenter d’une manière formelle dans le sein de la commission.

M. le président – Je ne puis vous laisser continuer sur ce ton ; les personnalités sont interdites par le règlement.

M. Fleussu – Je veux simplement exprimer l’étonnement où je suis de voir l’honorable M. Dumortier reproduire son amendement, alors que toutes les explications qui viennent d’être données en séance publique lui ont été fournies dans le sein de la commission. Il eût été plus convenable, je pense, de soumettre l’amendement à la commission, et, en cas de rejet par la commission, de se réserver le droit de le reproduire en séance publique. C’est ce que l’honorable M. Dumortier n’a pas fait. Il nous a communiqué ses idées que nous avons discutées. Nous avons craint qu’en insérant une disposition aussi tranchante que celle qu’avait conçue M. Dumortier, il n’y eût blâme pour le gouvernement et pour les commissaires d’Utrecht, alors que nous ne connaissions pas ce qui a été fait par les commissaires. Voilà un des motifs pour lesquels nous n’avons pas admis cette rédaction.

M. Dumortier – La réponse du préopinant prouve l’inexactitude de ce qu’il a dit précédemment. De son aveu, j’ai donc présenté mon amendement à la commission. L’honorable préopinant est donc en contradiction avec ce qu’il avait allégué d’abord.

Je ne répondrai pas à ce reproche, que je n’avais pas le courage de mon opinion. J’ai toujours eu le courage de mon opinion, et j’ose dire qu’il serait à désirer que tout le monde eût, comme moi, le courage de son opinion.

M. Lys – Il me semble, messieurs, que le paragraphe tel qu’il est présenté est suffisant ; on reconnaît positivement que l’agriculture, l’industrie et le commerce ont besoin d’améliorations, et chacun de nous reconnaît que ces améliorations doivent être promptes et efficaces. Je partage l’opinion de mon honorable collègue M. Fleussu, qu’on ne peut pas introduire des indications spéciales pour l’une ou l’autre de nos industries ; sans cela, messieurs, chacun de nous réclamera pour l’industrie de sa province ou de son district, et je citerai à mon tour l’industrie drapière, qui est aujourd’hui si souffrante. Je votera donc contre l’amendement proposé par l’honorable M. Delehaye.

M. Manilius – Il y a longtemps et très longtemps que l’industrie linière et l’industrie cotonnière souffrent.

Vous concevrez facilement, messieurs, qu’il faut un terme à cet état de chose. Eh bien, je suis au regret de dire que ce terme est très rapporté ; j’ai lieu de croire qu’il sera terrible pour la population ouvrière. Voilà, je crois, ce que l’honorable M. Delehaye a eu l’intention de signaler. Faisons donc en sorte d’apporter un prompt soulagement à l’état de souffrance de ces deux industries. Il est bon que le trône ait connaissance de cet état de souffrance ; j’appuie donc fortement la motion de l’honorable M. Delehaye.

M. de Foere – Messieurs, je crois que le désir de l’honorable M. Delehaye est uniquement que la chambre témoigne sa bienveillance envers deux industries importantes qui se trouvent dans une grande détresse et qui occupent une population ouvrière immense. Voilà le désir exprimé par l’honorable M. Delehaye ; et j’appuie son amendement.

M. de Theux – Messieurs, la chambre, en diverses occasions, a manifesté un vif intérêt pour l’industrie en général, et spécialement pour les branches d’industrie dont on vient de parler. C’est ainsi que, lorsque des pétitions ont été adressées à la chambre pour lui signaler l’état de détresse de l’industrie linière, elle s’est hâtée de renvoyer ces pétitions au gouvernement. Le gouvernement, de son côté, a nommé une commission d’hommes très capables et qui se sont occupés avec le plus grand zèle, du moins sous mon administration, de l’examen des questions qui lui étaient soumises. La commission a continué à se livrer à ces travaux. Le gouvernement doit savoir à quoi en sont ces travaux, mais je ne pense pas qu’ils soient déjà arrivés à leur terme.

Il me semble donc qu’il serait imprudent de signaler dès maintenant la nécessité de prendre des mesures spéciales pour l’industrie linière, alors que cette nécessité fait l’objet de l’examen de la commission.

En ce qui concerne l’industrie cotonnière, l’honorable auteur de l’amendement, conjointement avec quelques collègues, a présenté un projet de loi à la chambre. La chambre est saisie de l’examen de ce projet. Lorsque le rapport sera fait, on jugera s’il y a lieu d’adopter cette mesure, ou tout autre qui serait utile à l’industrie cotonnière. Mais il serait imprudent d’insérer l’amendement de l’honorable M. Delehaye dans l’adresse avant qu’un rapport sur le projet de loi relatif à l’industrie linière ait présenté son travail au gouvernement, et que le gouvernement en ait fait connaître le résultat à la chambre.

- L’amendement de M. Delehaye est mis aux voix et n’est pas adopté.

Le paragraphe 7 est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 8

« La chambre des représentants, partageant, pour ces hauts intérêts, la vive sollicitude de Votre Majesté, se félicite du soulagement que les bienfaits d’une abondante récolte commencent à procurer aux classes ouvrières. »

M. de Foere – Messieurs, dans mon opinion, la loi des céréales qui nous régit est la raison pour laquelle les classes ouvrières n’ont pas profité des récoltes précédentes autant qu’elles auraient pu en profiter. Dans le paragraphe suivant, la commission d’adresse, répondant au discours du trône, dit qu’elle examinera la loi des céréales que le gouvernement a annoncée. Je demanderai au ministère s’il a l’intention de corriger les abus que la loi actuelle sur les céréales a causés, et si c’est dans ce sens que la nouvelle loi sur les céréales sera conçue, afin que l’importation des céréales, à un taux moins élevé, puisse avoir lieu. Ce n’est que dans ce sens et dans ce but que j’adopte la proposition ; car l’abondance de la récolte ne sera pas d’un grand avantage pour la classe ouvrière, si la loi actuelle sur les céréales n’est pas amendée.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Messieurs, comme la loi sur les céréales sera présenté au commencement de la semaine prochaine, et peut-être même cette semaine, je crois qu’il est tout à fait inutile d’entrer dans des développements sur les principes qui ont présidé à la conception de cette loi. Tout ce que je puis dire à l’honorable préopinant, c’est que le gouvernement a tâche de corriger dans le nouveau projet quelques imperfections que présentait la loi de 1834. Tout le monde sait que si le commerce des grains n’a pas pu coopérer à l’approvisionnement du pays, c’est parce que la loi de 1834 avait établi une gradation trop brusque.

Cette imperfection, ainsi que d’autres encore, ont disparu du nouveau projet ; nous avons cherché à y concilier les intérêts du commerce et de l’agriculture ; de sorte que nous espérons que la loi obtiendra l’assentiment de l’assemblée.

- Le paragraphe 8 est mis aux voix et adopté.

Paragraphes 9 et 10

§ 9 « Le nouveau projet de loi sur les céréales qui nous est annoncé fera l’objet de nos sérieuses méditations. »

- Adopté.


§ 10 « La chambre, toujours désireuse de donner une plus grande activité à l’industrie et au commerce de notre pays, examinera avec soin les traités de navigation et de commerce conclus avec les Etats-Unis d’Amérique, avec la Grèce et avec la Porte Ottomane, ainsi que les arrangements de navigation arrêtés avec le Saint-Siège, avec l’Espagne et avec la régence de Tunis. »

- Adopté.

Paragraphe 11

§ 11 « La position actuelle de la Belgique permet de réaliser le vœu souvent exprimé d’établir un parfait équilibre entre les dépenses et les revenus de l’Etat. Cette mesure importante, exécutée d’après les règles d’une sage économie, servira à consolider le crédit national, et nous applaudissons à la détermination prse dans ce but par votre gouvernement. »

M. Cogels – Messieurs, le paragraphe 11 de l’adresse dit que la position actuelle de la Belgique permet de réalisé le vœu si souvent exprimé d’établir un parfait équilibre entre les dépenses et les revenus de l’Etat. Il me semble que la position de la Belgique permet aussi de réparer les désastres causés par la révolution. Lorsque la loi de 1834 a été soumise à la chambre on ne connaissait pas encore l’étendue des pertes éprouvées, et on connaissait encore moins les nouveaux sacrifices qu’on aurait à faire. Maintenant que nos différends avec la Hollande sont terminés, que nous n’avons plus à redouter de nouveaux désastres de la même nature, il est temps de venir au secours des victimes qui souffrent depuis bientôt douze ans, et dont les souffrances s’accroissent chaque année.

Comme le discours du trône ne faisait pas mention de cet objet, je ne proposerai pas de paragraphe additionnel à l’adresse, mais je demanderai si l’intention du gouvernement est de proposer lui-même à la loi qui nous est soumise les améliorations que les circonstances nécessitent, car tout le monde reconnaît que cette loi n’est pas une loi d’indemnité, ni même une loi de secours, mais une loi d’aumône.

Je me permettrai de rappeler ce qui se passe dans un pays voisin. Tout le monde connaît les inondations qui viennent d’avoir lieu en France. Les désastres qu’on a à déplorer ont été causés par un fléau contre lequel toutes les puissances humaines lutteraient vainement. Chez nous, il n’en est pas de même, les désastres dont nous demandons la réparation ont été provoqués par nous ; ce sont des sacrifices qui ont été imposés à une partie du pays pour arriver à un but que la généralité du pays voulait atteindre.

Pour nous donc, il y aurait un motif plus grand d’aller au-devant des réclamations, de ces malheureux qui souffrent depuis si longtemps. En France, à peine a-t-on eu connaissance des désastres dont je viens de parler, qu’un projet de loi a été présenté et qu’on lui a donné la priorité même sur la discussion de l’adresse, malgré la position où se trouve la France de devoir faire de grands sacrifices, en présence des complications politiques dont elle ne peut pas prévoir la fin.

Je prie le gouvernement de nous faire connaître ses intentions.

M. de Foere – Je lis dans le discours du trône ces paroles : « Des mesures vous seront proposées pour remplacer des ressources qui n’étaient que temporaires, et pour établir un parfait équilibre entre les dépenses et les revenus de l’Etat. »

Dans le projet d’adresse on dit : « La position actuelle de la Belgique permet de réaliser le vœu souvent exprimé d’établir un parfait équilibre entre les dépenses et les revenus de l’Etat. »

La commission fait seulement supposer que cet équilibre sera établi. Vous avez déjà pu voir qu’il figure au budget des dépenses pour 800 mille francs d’intérêts de bons du trésor. Tous les ministères précédents ont prétendu que cet équilibre existait ; cependant, chaque année il a été démontré qu’il n’existait pas. Cet équilibre ne pourra pas exister davantage désormais, puisqu’on lèvera 16 millions de bons du trésor pour lesquels figure au budget 800 mille francs d’intérêts.

Je ne parle pas des bons levés pour la construction du chemin de fer, mais de ceux levés pour faciliter le service de l’Etat.

Aussi longtemps que vous lèverez les bons du trésor dans le sens dans lequel on les a continuellement levés jusqu’ici, jamais vous n’aurez d’équilibre entre les recettes et les dépenses. Or, cet équilibre est un principe qui doit être rigoureusement observé.

Je demanderai donc au ministre des finances si les bons du trésor qu’il se propose de lever ont une compensation dans le budget des recettes.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Les bons du trésor qui figurent au budget résultent de notre situation financière antérieure. L’insuffisance de nos ressources n’a nullement été augmentée ; le gouvernement n’a pas à sa disposition de quoi éteindre notre dette flottante. Les voies et moyens que nous avons présentés font face à toutes les dépenses, y comprises celles qui résultent de l’émission des bons du trésor. Notre intention est de les réduire et de les éteindre successivement par les économies que nous pourrons réaliser et par d’autres moyens qui seront indiqués ultérieurement.

M. de Foere – M. le ministre vient de confirmer mes observations ; s’il n’est pas possible d’établir l’équilibre entre les recettes et les dépenses, peu importe que nous subissions le résultat des exercices antérieurs, il ne faut pas dire que cet équilibre sera établi.

Il est vrai qu’il sera fait face aux intérêts qui résulteront de l’émission des bons du trésor ; mais c’est ainsi que, chaque année, nous avons augmenté notre dette. Au commencement de l’émission des bons du trésor, cette émission n’avait lieu que pour faciliter les opérations du trésor ; les bons du trésor étaient représentés par les revenus de l’Etat, par les contributions ; mais ici vous allez encore lever des bons du trésor sans les couvrir par des revenus, c’est-à-dire augmenter encore la dette publique, qui est déjà très forte.

Je le répète, c’est un principe qui doit être rigoureusement observé, que celui de l’équilibre des dépenses et des revenus d’un Etat.

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Je ne saisis pas le but de l’insistance de l’honorable préopinant, après les observations que je viens de présenter. Voudrait-il qu’aujourd’hui, dans le budget des voies et moyens, on établit une augmentation d’impôts équivalente au montant des bons du trésor en circulation ? Mais c’est là une surcharge que le pays ne pourrait pas supporter en une année. Il est impossible d’éteindre en une seule fois toute la dette flottante, qui s’élève à 23 millions de francs ? Pourrait-on augmenter les voies et moyens de 23 millions, indépendamment de ce qu’il faut pour les dépenses ordinaires ? Assurément non. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de tâcher d’avoir un excédant de recettes sur les dépenses. Le budget qui vous est présenté offrira cet excédant, et le gouvernement se réserve, en outre, de faire usage d’autres moyens qui vous seront soumis au moment opportun.

M. de Foere – Il est donc reconnu qu’il ne pourra pas être établi d’équilibre entre les recettes et les dépenses ; dès lors, je le répète, il n’est pas nécessaire de le dire dans l’adresse que cet équilibre sera établi. Ce serait contraire à la vérité. Je crois qu’on n’y parviendra que par un emprunt, moyen que je n’approuve pas. Celui auquel je donnerai mon approbation, serait une émission de bons du trésor sans échéance fixe, comme on en fait en Angleterre. Par ce moyen vous faciliteriez le service du trésor, et comme vous obtiendriez un intérêt inférieur, vous pourriez laisser la somme en circulation.

Quant à l’excédant dont parle M. le ministre, vous avez toujours remarqué que, dans le courant des exercices, quand la chambre siège on est toujours venu demander des transferts sur les articles présentant des excédants. C’est que les excédants ont toujours été absorbés ; au lieu de servir à diminuer la dette flottante, ils ont été employés à de nouvelles dépenses, au moyen de transferts que la chambre a toujours admis avec trop de facilité.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Un honorable député d’Anvers a exprimé le désir de connaître l’intention du gouvernement au sujet des indemnités. Je crois qu’il est inutile d’en parler dans l’adresse, parce qu’il y a un projet soumis aux délibérations de la chambre, et qu’il dépend d’elle de le discuter et de terminer cette affaire.

Quant à la loi, j’attendais le retour du rapporteur, M. de Mérode, pour provoquer la discussion ; et quand elle sera à l’ordre du jour, le gouvernement présentera les amendements dont il la croit susceptible. Je dirai en terminant que le chiffre des indemnités à accorder n’est pas aussi effrayant qu’on l’a cru.

M. Cogels – Si j’ai rappelé l’attention de la chambre sur la loi des indemnités, c’est parce que le discours du trône faisait mention de plusieurs projets soumis aux délibérations de la chambre et ne parlait pas de celui-là. J’ai trouvé en cela une lacune. Mais du reste, je suis satisfait des explications que vient de donner M. le ministre de l'intérieur.

M. Devaux – J’ai demandé la parole pour répondre aux observations de M. de Foere sur la phrase dont il s’agit. Je suis aussi ennemi que lui de la dette flottante. Une dette flottante me paraît un grand danger financier pour la Belgique, quand elle est étendue ; cependant je crois que la phrase de l’adresse peut subsister tel qu’elle est. Pour qu’il y ait équilibre entre les recettes et les dépenses, il suffit que d’un côté on crée des charges, de l’autre côté il y ait des ressources pour les couvrir.

Si d’un côté il y a 16 millions de bons du trésor, de l’autre il y a des ressources sur lesquelles on peut compter, et disposer plus tôt ou plus tard. Tels seraient les domaines de l’Etat dont on pourrait faire ressource au besoin. Tout en voulant restreindre autant que possible la dette flottante, je pense que la phrase proposée par la commission peut rester.

- Le paragraphe 11 est adopté.

Paragraphes 12 et 13

§ 12 « Les moyens qui nous seront proposés, pour remplacer par des ressources permanentes celles qui n’étaient que temporaires, et pour introduire dans nos lois financières les améliorations indiquées par l’expérience, fixeront toute notre attention. »

- Adopté.


§ 13. « Nous avons la confiance que les sacrifices devant lesquels nous n’avons pas reculé, pour donner à nos travaux publics une extension si remarquable, produiront bientôt tous les fruits que nous devons en recueillir. »

- Adopté.

Paragraphe 14

« La vaste entreprise du chemin de fer ne tardera plus, nous l’espérons, à acquérir sa haute utilité commerciale, par le complet achèvement des grandes lignes. Les sections nouvelles, qui doivent faire participer de riches provinces au bienfait de ces voies de communication, contribueront, par l’accroissement des revenus, à faire disparaître les charges dont cette entreprise a grevé le trésor public. »

M. de Foere – Dans le discours du trône, le ministère s’est sagement borné à dire : « Durant ces dix années, la Belgique a fait d’admirables efforts dans l’intérêt de ses voies de communication. » L’adresse va plus loin ; elle dit :

« La vaste entreprise du chemin de fer ne tardera plus, nous l’espérons, à acquérir sa haute utilité commerciale, par le complet achèvement des grandes lignes. »

Ces voies de communication ont été établies pour notre commerce avec la France et avec l’Allemagne, pour en faciliter le développement. Je demanderai aussi longtemps que le tarif de l’union allemande nous arrêtera sur les frontières de l’Allemagne, et que le tarif français nous arrêtera sur les frontières de France, je demanderai comment il sera possible d’étendre nos relations commerciales avec ces deux pays. Je soutiens que les voies de communication n’ont jamais manqué pour introduire dans ces pays les produits de notre industrie ; quel sera le moyen d’augmenter nos relations avec ces pays, d’y introduire plus de marchandises que nous n’en introduisons maintenant, si les tarifs restent les mêmes.

Si on ne donne pas d’explications satisfaisantes à cet égard, je demanderai la suppression du mot « commerciale. »

M. Dechamps – L’honorable préopinant connaît trop bien ces questions pour ne pas avoir saisi la pensée de la commission d’adresse, quand elle a parlé de l’utilité « commerciale » du chemin de fer. Il est évident que surtout c’est du transit que nous avons voulu parler. L’honorable préopinant est trop habile pour ne pas le comprendre. Il a dit souvent qu’il faut tâcher d’obtenir le plus de transit possible. Or, la ligne du chemin de fer facilitera le développement du transit. Ce n’est pas le seul moyen de la développer, j’en conviens, mais c’en est un et un efficace, dans certaines limites. C’est donc une haute utilité commerciale à laquelle nous attachons une grande importance.

Je comprends qu’aussi longtemps que les tarifs de la France et de l’Allemagne subsisteront, nos relations avec ces pays ne s’accroîtront pas ou ne s’accroîtront que peu. Mais ces tarifs ne sont pas immuables, nous ne pouvons pas perdre tout espoir de les voir modifier. Si cela arrive, le chemin de fer servira certainement à accroître nos relations, cela me paraît fort clair.

M. Delehaye – M. de Foere a envisagé le transit comme devant être utile à nos relations commerciales, mais il a envisagé la question en ce sens que d’autres institutions pourraient l’être davantage. Le chemin de fer, en ce qui concerne le transit, ne sera jamais d’une grande importance. Ce transit s’établira vers l’Allemagne, mais comment lutter pour l’économie du transport avec la Hollande qui transite d’Amsterdam à Cologne presque pour rien ? Si vous maintenez les tarifs actuels, jamais le transit ne sera productif. Je crois qu’entendre de la sorte l’opinion de M. de Foere est conforme à ce qui existe.

Vous êtes repoussés de l’Allemagne par le tarif de l’union allemande et par toute la rivalité qui existe entre la Hollande et vous. Aussi longtemps que vous n’aurez pas de traité avec l’Allemagne, la Hollande pourra toujours s’emparer du commerce de transit, ses rivières et ses canaux offrent des moyens de transport peu coûteux. On m’objectera que ces transports entraînent souvent un retard très long. Mais, pour le transport des marchandises, un retard n’est presque rien, car on connaît les époques où on a besoin des marchandises et on peut les demander de manière à ce qu’elles arrivent en temps.

M. de Foere – M. le rapporteur vient de justifier mes observations. Le terme général employé par la commission comprend aussi bien les échanges que le commerce de transit. Si la commission d’adresse s’était bornée à parler du commerce de transit, je n’aurais pas fait d’observation ; mais les termes qu’elle emploie sont généraux, comprenant toutes les branches du commerce. Il est reconnu qu’aussi longtemps que les tarifs actuels existent en France et en Allemagne, il est impossible de réaliser les autres avantages qu’on se promettait de l’établissement du chemin de fer. C’est parce que j’ai trouvé le terme trop général que j’ai pensé qu’il ne fallait pas l’adopter.

S’établira-t-il un transit entre la Belgique et l’Allemagne, c’est une question que je ne veux pas traiter. Il est certain que nous rencontrerons une grande concurrence, une grande rivalité de la part de la Hollande.

Je désirerais que le terme général fût supprimé, car la représentation nationale ne peut pas admettre une semblable proposition devant les obstacles qui ont été insurmontables jusqu’à présent.

M. Desmet – L’observation de M. de Foere contre ce paragraphe me paraît parfaitement juste. D’un côté on dit que la communication avec l’Allemagne va augmenter le revenu du chemin de fer, et d’un autre côté, on dit qu’on a l’espoir, par cette voie de communication, d’augmenter nos relations avec ce pays.

Cependant, si vous conservez le tarif actuel, votre espérance sera déçue, car le transport par eau sera toujours préféré, comme plus économique, à celui par le chemin de fer. On a donc raison de demander la suppression du mot « commerciale. »

En définitive, on dépensera beaucoup d’argent pour le chemin de fer et on sera trompé par les produits qu’on en attend.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, je n’ai pas à expliquer les intentions de la commission, en ce qui concerne l’appréciation qu’elle a pu faire de l’utilité commerciale du chemin de fer. Je crois qu’au point de vue commercial, comme au point de vue politique, l’utilité du chemin de fer n’est plus contestée par personne en Europe. Je ne crois donc pas qu’un amendement qui aurait pour but de nier cette utilité puisse avoir la moindre chance de succès en Belgique.

Nous n’avons pas à reprendre ici la discussion de 1834 sur les chances plus ou moins probables qui peuvent résulter pour le commerce de transit de l’établissement du chemin de fer. Cette question, je dois le déclarer, n’en est plus une. En Allemagne, personne ne met en doute que le chemin de fer ne soit destiné à devenir une voie de transit très avantageuse pour la Belgique et l’Allemagne. Je pense que c’est aussi l’opinion de l’immense majorité des Belges.

Quant à moi, je ne vois aucun motif pour retrancher l’épithète « commerciale » attachée au mot « utilité. » Cependant si on veut dire : « La vaste entreprise du chemin de fer ne tardera plus, nous l’espérons, à acquérir sa haute utilité, » je n’ai pas non plus de motif pour m’y opposer, car cela dira plus que si on précise l’espèce d’utilité qu’on attend du chemin de fer ; le chemin de fer doit avoir en effet d’autres utilités encore qu’une utilité commerciale.

Mais si l’épithète « commerciale » devait être retranchée, parce qu’on contesterait au chemin de fer ce genre d’utilité, je pense que la chambre ne pourrait pas s’associer à un pareil amendement.

On dit que le chemin de fer, au point de vue du transit ne réalisera pas les espérances qu’on a conçues, parce que nous ne pourrons jamais lutter avec les rivières et les canaux de la Hollande.

Voyons comment le chemin de fer est jugé en Hollande. La Hollande est en ce moment occupée à construire un chemin de fer en concurrence avec ses rivières et ses canaux. Eh quoi ! l’utilité d’un chemin de fer serait-elle mieux appréciée en Hollande, qui n’en jouit pas, qu’en Belgique, qui en jouit déjà depuis plusieurs années ! La question de savoir si nous pourrons lutter avec la Hollande pour le transit de l’Allemagne, c’est une question de tarif ; or, le gouvernement, et c’est un grand avantage pour le pays, est maître des tarifs, et il sera toujours en position de lutter contre quelque pays que ce soit en restant maître des tarifs.

Là est toute la question. Si le transit est une chose avantageuse pour le pays, si la question du transit est une question de tarif, je dis que le gouvernement reste maître du transit.

Voilà quant à l’utilité commerciale du chemin de fer dans les rapports du pays avec l’étranger.

Quant à l’utilité commerciale du chemin de fer pour l’intérieur du pays, je ne pense pas qu’il puisse entrer dans aucune tête raisonnable de la contester.

On vient encore de répéter que le chemin de fer aura entraîné le pays dans des sacrifices immenses dont il n’a pas trouvé jusqu’ici et dont il ne trouvera jamais la compensation. Ces accusations reçoivent chaque jour un éclatant démenti par le succès qu’obtient le chemin de fer dans l’opinion et par la quotité de ses produits. Mais je ne puis m’empêcher de regretter qu’une espèce de reflet de ces sombres couleurs ait trouvé place dans l’adresse que distingue d’ailleurs un esprit d’équité, de modération et de justice. On a l’air de reprocher au chemin de fer les charges dont cette entreprise nationale a grevé le trésor public.

J’ai été le premier à reconnaître, dans la discussion de la loi d’emprunt, que la construction du chemin de fer aura entraîné le pays dans des dépenses considérables. J’ai dit quelle a été la source de ces dépenses successivement introduites. Mais j’ai soutenu et je persiste à soutenir qu’en définitive le chemin de fer ne sera une charge ni pour le pays, ni pour le trésor.

Avant de juger le chemin de fer sous ce point de vue purement financier, je prierai la chambre d’attendre le rapport qui lui est dû, chaque année, sur les résultats de l’exploitation. Je la prierai surtout d’attendre l’achèvement des sections finales du chemin de fer, dont nous pressons l’exécution avec toute l’activité dont nous sommes capables. Je ne demande pas de modification à la dernière phrase du paragraphe en discussion mais, je le répète, je regrette cette espèce d’écho à des plaintes qui heureusement n’ont aucune espèce de retentissement dans le pays.

M. Dechamps, rapporteur – La commission, en insérant dans le projet d’adresse le mot « grever », n’a pas eu l’intention que lui prête M. le ministre des travaux publics. Elle a voulu seulement établir un fait, c’est que l’exécution du chemin de fer avait entraîné de grandes dépenses auxquelles le pays trouverait probablement une compensation, quand il serait achevé. Ainsi la pensée de la commission a été celle que M. le ministre des travaux publics vient d’exprimer.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Je me déclare parfaitement satisfait des explications que l’honorable rapporteur a bien voulu donner.

M. Dolez – L’intention de la commission a bien été telle que vient de l’indiquer l’honorable rapporteur. Vous voyez qu’on appelle la construction de sections nouvelles qui doivent avoir pour effet de réaliser les espérances que le pays a placées dans le chemin de fer. La commission a pensé que ce ne serait qu’après l’achèvement des sections qui restent à construire qu’on pourrait connaître les résultats réels du chemin de fer. Telle a été, je crois, la pensée de la commission comme ç’a été la mienne. Je crois même me rappeler que cette pensée a été formellement exprimée dans le sein de la commission.

M. Delehaye – Je me permettrai, sur le paragraphe en discussion, une observation qui n’est pas relative aux chemins de fer. Il existe actuellement dans les Flandres une nouvelle industrie qui fait aussi bien que l’industrie similaire en France ; je veux parler de l’industrie de la fabrication des bronzes. Cette industrie est dans la même position que la verrerie. Les globes qui ornent les pendules se font également en Belgique, mais, dans le pays wallon ; cette dernière industrie jouit d’une admirable protection ; les globes français sont prohibés en Belgique. D’un autre côté, les bronzes que l’on fait très bien dans les Flandres, et si bien que cette industrie excite la jalousie de nos voisins de France, ne jouissent d’aucune protection. J’appelle l’attention du gouvernement sur cette inégalité, avec la confiance qu’il la fera cesser.

M. de Theux – Comme vient de le dire l’honorable M. Dolez, la commission a voulu signaler l’utilité d’achever les voies secondaires du chemin de fer. C’est sur la demande d’un des membres de la commission que cette observation a été admise. Mais la commission a voulu aussi rappeler la disposition de la loi du 1er mai 1834, qui exige que les intérêts des capitaux empruntés soient couverts par les revenus du chemin de fer. Telle a été la double pensée de la commission.

- La suppression du mot « commerciale », proposée par M. de Foere, est mise aux voix ; elle n’est pas adoptée.

Le quatorzième paragraphe est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 15

« La chambre continuera de prêter son concours au gouvernement pour l’amélioration et l’extension des voies navigables. »

M. David – Cette phrase, messieurs, qu’on me passe l’expression, me paraît sinon froide, au moins trop laconique pour un aussi grand sujet.

En fait de voies navigables, messieurs, on peut aussi se permettre quelque enthousiasme. Existe-t-il ailleurs un fleuve dont l’avenir soit aussi grand et dont la navigation ait été négligée autant que cette de la Meuse ?

Dans notre réponse au discours du trône, je voudrai un mot relativement à ce fleuve, et pour l’y introduire voici, messieurs, l’addition que j’ai l’honneur de vous proposer :

Après le paragraphe : « La chambre continuera de prêter son concours au gouvernement pour l’amélioration et l’extension des voies navigables, » j’ajouterais :

« Elle comprend, comme Votre Majesté, qu’une nation qui s’est élevée si haut par l’exécution de gigantesques travaux en fait de voie de terre, ne pourrait sans s’exposer à l’accusation d’impéritie, abandonner plus longtemps ses voies navigables au rang desquelles le riche fleuve de la Meuse vient se placer en première ligne. »

Je suis convaincu, messieurs, que Sa Majesté approuvera cette manifestation de notre part.

Il n’est pas d’étranger instruit ou possédant seulement les premiers éléments de l’économie commerciale, qui, en traversant la Belgique, ne soit saisi de cette pensée : « Comment, vous avez des chemins de fer, merveilleux, féeriques, et à côté un fleuve admirable mais innavigable pendant les trois quarts de l’année. La nature s’est montrée trop généreuse à votre égard, puisque vous ne songez pas à la seconder. Vous avez donc procédé d’après la méthode de certain professeur moderne, qui consiste à aborder les difficultés en débutant. »

En effet, messieurs, il doit paraître surprenant aux yeux de tout le monde, qu’avancés comme nous le sommes pour les chemins de fer, la Meuse, cette artère du commerce, ce fleuve qui nous lie avec plusieurs royaumes, soit non seulement resté à l’état de nature, mais que chaque jour voit s’accroître les obstacles qui paralysent la navigation.

Messieurs, sous ce point de vue, la France nous a devancés. Elle améliore le fleuve en amont. Espérons que bientôt son utile exemple sera suivi par nous.

M. Dechamps, rapporteur – Je ne pense pas qu’il soit possible d’adopter l’amendement de l’honorable M. David. Les mêmes observations qui ont été faites contre l’amendement de M. Delehaye peuvent se faire contre celui de M. David. Je crois qu’il est impossible de parler, dans une adresse, des intérêts particuliers. Sans doute la question de la Meuse est d’un intérêt général. Mais si nous parlons de cette voie navigable, beaucoup d’autres intérêts pourront surgir, il pourra être fait beaucoup d’autres réclamations. Par exemple, les députés du Hainaut pourront demander la prompte exécution du canal destiné à joindre l’Escaut et la Sambre. Les Flandres pourront parler du canal de Zelzaete, etc. Je pense que dans une adresse nous devons nous en tenir à des termes généraux qui concilient tous les intérêts.

Je ne trouve pas que la phrase du projet soit froide ; elle dit, ce me semble, tout ce qu’elle doit dire : que « la chambre continuera de prêter son concours au gouvernement pour l’amélioration et l’extension des voies navigables. »

M. de Theux – Je ferai remarquer que l’honorable rapporteur, dans l’énumération qu’il vient de faire, a oublié un objet dont il a été parlé dans le sein de la commission. Je veux parler de la canalisation de la Campine, qui intéresse plusieurs provinces et qui serait d’une haute utilité. Je crois qu’il faut s’abstenir de toute énumération et se renfermer dans les termes généraux du projet d’adresse.

M. Desmet – J’appuie fortement le paragraphe proposé par la commission. Après avoir tant fait pour les chemins de fer, il est temps que l’on fasse quelque chose pour les véritables voies commerciales ; je veux parler des voies navigables. A l’énumération qui a été faite tout à l’heure, j’ajouterai la contrée qui est entre Mons et Alost, laquelle est sans communication par eau, et pour ainsi dire par terre. J’appelle l’attention du cabinet sur les besoins de cette partie importante du pays. C’est moins dans l’intérêt des localités que je parle, que dans l’intérêt du commerce, et surtout du grand commerce de houille, que l’on pourrait faire avec la Hollande. J’appelle l’attention du gouvernement sur l’exécution du canal de la Dendre, c’est-à-dire, sur une voie de communication entre la mer et Mons.

M. Raikem – Si l’on admet en principe que, dans l’adresse, on ne s’occupera d’aucune espèce de spécialité, je ne m’oppose pas à ce qu’on s’en tienne aux termes généraux du projet de la commission. Toutefois, les travaux que réclame la navigation de la Meuse n’en doivent pas moins fixer l’attention de cette assemblée. Ce fleuve a besoin qu’on y apporte des améliorations, et le gouvernement doit s’occuper de cet objet. J’espère bien (puisque la chambre n’est pas dispose à adopter des énumérations spéciales dans l’adresse) que si l’on n’en parle pas dans l’adresse, on ne perdra pas cet objet de vue dans la discussion des budgets. J’engage M. le ministre des travaux publics à continuer de s’occuper de ce fleuve important, qui réclame toute la sollicitude du gouvernement et dont la navigation a besoin d’être améliorée.

On parle, messieurs, de construire des canaux, mais nous avons, en quelque sorte, un canal naturel (si je puis m’exprimer ainsi) qui n’a besoin que de quelques travaux pour être d’un très grand avantage à tout le pays. J’espère donc que l’observation de l’honorable M. David ne sera pas perdue de vue et que la Meuse sera l’objet d’une attention toute particulière.

M. David – Je vois à regret que l’on confond ma proposition avec d’autres propositions qui ont été faites précédemment ; lorsque nous parlons de la Meuse, nous ne défendons nullement un intérêt de localité, car ce fleuve traverse tout le royaume ; ce que nous demandons est donc dans l’intérêt du pays tout entier.

M. Dumortier – Tout ce qui vient d’être dit dans cette discussion nous prouve combien nous devons être réservés dans la rédaction du paragraphe qui nous occupe en ce moment, car si nous devions exécuter tous les travaux qui viennent d’être signalés, il faudrait faire un nouvel emprunt de 100, 150 ou 200 millions. Tout à l’heure on demandait la canalisation de la Meuse, puis le canal de Zelzaete, puis la jonction de l’Escaut à la Sambre, puis la canalisation de la Sambre, puis la canalisation de la Campine ; nous aurions à la fin un pays bien canalisé, mais tellement bien canalisé qu’il serait impayable. Je crois que ce qu’il y a de mieux à faire à tous ces projets de canalisation, c’est de les laisser tomber dans l’eau.

M. d’Hoffschmidt – Je vois bien que l’amendement de l’honorable M. David n’a pas beaucoup de chances de succès, sans cela je viendrai signaler aussi, comme devant figurer dans l’adresse, un canal fort important et qui intéresse deux provinces, je veux parler du canal de Meuse et Moselle qui semble un peu oublié, et qui, cependant, répandrait de grands bienfaits dans les Ardennes, en même temps qui serait fort utile à la province de Liége. Du reste, je ne pense pas qu’il soit inutile, comme le disait tout à l’heure l’honorable M. Dumortier, de parler de l’extension de nos voies navigables. On ne dit pas, dans le projet d’adresse, que ces travaux doivent être immédiatement exécutés ; le projet d’adresse dit seulement que « la chambre prêtera son concours au gouvernement pour l’amélioration et l’extension de nos voies navigables » ; or, si dans un temps plus ou moins éloigné, nous pouvons établir des voies de communication aussi importantes, aussi utiles au commerce et à l’industrie que des canaux et des rivières canalisées, certes nous devons le faire, et je crois qu’il en est qui devront surtout attirer l’attention du gouvernement et des chambres ; dans ce nombre se trouve certainement le canal de Meuse et Moselle.

M. Raikem – Je ne contesterai en aucune manière l’utilité des travaux dont viennent de parler les divers honorables préopinants qui se sont occupé du paragraphe en discussion, mais je ferai une observation à l’honorable M. Dumortier, qui a confondu des travaux qui peuvent être utiles avec des travaux non seulement utiles, mais nécessaires, que l’on doit faire à la Meuse pour la rendre navigable en tout temps.

« Il faudrait des millions, a dit l’honorable membre, pour canaliser en quelque sorte tout le pays. Non, messieurs, j’ai déjà fait observer que nous avons dans la Meuse un canal tout naturel (si je puis me servir de cette expression) qui ne demande que quelques travaux pour être navigable dans tous les temps. C’est un fleuve dont la navigation intéresse la généralité du pays, et dont il faut s’occuper préalablement à tous les travaux qui ont été signalés.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, les observations qui viennent d’être successivement présentées à la chambre, le gouvernement les a en quelque sorte prévenues dans le projet de budget que nous vous avons soumis. Plusieurs voies navigables qui ont été signalées dans cette discussion pourront recevoir un commencement d’exécution l’année prochaine, si la chambre adopte les crédits qui ont été proposés dans le budget à cet effet. Sous ce rapport, je ne reconnais donc pas la nécessité de spécifier dans l’adresse les voies navigables dont il conviendrait que le gouvernement s’occupât.

En ce qui concerne la Meuse et la Campine, je dirai que ce sont deux points capitaux vers lesquels est particulièrement tournée l’attention du gouvernement. Quant à la Meuse, spécialement, déjà cette année, nous avons un commencement d’exécution ; des travaux peu importants à la vérité ont été entrepris, mais ils ont été entrepris à titre d’essai ; s’ils sont suivis de résultats heureux, ces premiers travaux en entraîneront d’autres plus considérables et qui feront droit, je l’espère, aux réclamations si fondées que le commerce des provinces intéressantes de Namur et de Liége ne cesse de faire sur la nécessité d’améliorer la Meuse.

M. David déclare retirer son amendement

- Le paragraphe est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 16

« L’impulsion que notre régénération politique a imprimée aux travaux de l’intelligence, continue à se faire remarquer dans les sciences et dans les lettres. Les beaux-arts surtout rappellent dignement notre glorieux passé. Nous sommes heureux, Sire, de nous être associés à la sollicitude particulière de Votre Majesté, pour tout ce qui tend à jeter de l’éclat sur notre nationalité. »

- Adopté.

Paragraphe 17

« Nous examinerons les projets de loi relatifs à l’instruction publique, avec tout le soin que réclame leur importance. »

M. de Foere – Messieurs, la commission d’adresse a passé sous silence les termes qui ont été employés dans le discours du trône. Dans le discours du trône le ministère nous invite à examiner le projet de loi sur l’instruction publique avec un patriotique esprit d’union et de conciliation. Je ne comprends pas à quel « esprit de conciliation » le ministère fait ici allusion ; la constitution a déclaré l’enseignement libre, et si, par son projet de loi, le ministère prétend envelopper tout l’enseignement du pays, ce serait, selon moi, attenter à la liberté de l’enseignement, qui est garantie par la constitution.

Le sénat s’est exprimé à cet égard d’une manière positive ; il a réclamé la liberté de l’enseignement tout entière, ainsi que les garanties que les pères de famille sont en droit d’exiger en ce qui concerne la religion et la morale.

Je ne conçois pas, dis-je, quel est cet « esprit de conciliation » auquel le ministère fait allusion, car on ne peut pas transiger sur les principes constitutionnels, on ne peut pas non plus transiger sur les principes en faveur desquels les pères de famille ont le droit d’exiger des garanties. Je demanderai à cet égard un mot d’explication au ministère.

M. Dechamps, rapporteur – Messieurs, je vous dirai quels ont été les motifs qui ont guidé la majorité des membres de la commission dans la rédaction du paragraphe de l’adresse qui nous occupe en ce moment. La commission d’adresse a cru qu’il serait imprudent de soulever d’une manière incidente et prématurée une question de cette importance, et qui pourrait devenir peut-être irritante ; elle a cru, messieurs, que pour éviter qu’une semblable question ne soit soulevée dans une discussion d’adresse, on devait se borner à employer des termes assez généraux pour qu’ils ne puisse choquer personne. Le paragraphe du discours du trône est susceptible de beaucoup d’interprétations diverses ; la commission a cru bien faire en ne calquant pas sa rédaction sur les termes employés dans le discours du trône, et en proposant une rédaction que je pourrais appeler insignifiante.

Je viens, messieurs, de vous faire connaître les motifs qui ont dirigé la majorité des membres de la commission ; quant à moi, j’aurais voulu, pour éviter une discussion irritante, reproduire dans l’adresse les termes qui avaient paru satisfaire tous les hommes raisonnables, et je vous avoue que je ne comprends pas pourquoi le gouvernement a adopté ainsi, à si peu d’intervalle, des principes qui paraissent difficiles à concilier ; je ne conçois pas non plus ce que veulent dire ces mots d’ « union » et de « conciliation », qui se trouve dans le discours du trône.

Je comprends parfaitement la conciliation lorsqu’il s’agit de personnes, je comprends la conciliation dans les questions d’administration, et lorsqu’il s’agit de transactions politiques ; mais je ne la comprends pas lorsqu’il s’agit de principes constitutionnels. Veut-on dire, par exemple, que la loi sur l’instruction publique consacrera des principes demi-vrais, demi-faux, que nous aurons une quasi liberté d’enseignement, des quasi garanties pour l’éducation morale et religieuse des enfants ? Je ne crois pas, messieurs, que telle soit la pensée du gouvernement ; mais encore est-il que ces mots-là n’expliquent rien et surtout ne concilient rien. Or, pour moi, je crois que si on avait franchement adopté les paroles du programmes du ministère, en disant que cette loi donnerait des garanties complètes pour que les principes de la liberté d’enseignement soient maintenus, et les droits des pères de famille, à l’égard de l’éducation morale et religieuse, respectés ; je pense, dis-je, qu’un tel paragraphe aurait été beaucoup plus concluant, par le motif que la conciliation qu’on doit rechercher est celle qui concilie non dans les mots, mais en fait. Or, cette phrase du programme ministériel avait concilié tout le monde, avait été acceptée avec satisfaction par les pères de famille qui sont ici les premiers en cause.

Je crains maintenant que la conciliation dont parle le discours du trône, loin d’atteindre ce but, ne fasse qu’irriter en provoquant des défiances.

Je demanderai formellement au gouvernement, si les termes qu’il a employés dans le discours du trône, ont la même signification que ceux dont il s’est servi dans le programme ministériel ; car s’il pouvait rester quelque doute à cet égard, je présenterais un amendement qui reproduirait textuellement les engagements pris par le cabinet.

M. le ministre des travaux publics (M. Rogier) – Messieurs, il est à regretter que la commission d’adresse n’ait pas cru devoir appeler des membres du cabinet dans son sein, l’interpellation qui vient de nous être faite eût été évitée. Nous n’eussions pas hésité à déclarer dans le sein de la commission ce que nous avons déclaré dès notre entrée au pouvoir, et ce que nous ne trouvons aucune difficulté à répéter dans ce moment. Notre programme est encore ce qu’il était. Il se retrouve, sinon dans le texte, au moins dans l’esprit du discours du trône ; il y a de plus, et je ne pense pas que de ce chef on puisse nous faire un grief, il y a de plus un appel à la conciliation et à la concorde pour que les principes que nous avons exprimés deviennent, autant que possible, ceux de la chambre.

Voilà ce que j’avais à répondre, au nom du cabinet, à l’interpellation de l’honorable préopinant.

Le paragraphe 17 est mis aux voix et adopté.

Paragraphe 18

« Nous ne pouvons que féliciter le gouvernement de Votre Majesté de l’intention qu’il nous manifeste d’apporter de nouvelles modifications aux lois civiles et criminelles, d’organiser les dispositions de la constitution en matière de conflits, de compléter les dispositions de la constitution en matière de conflits, de compléter notre système judiciaire et de lui donner plus de force et de consistance par des lois sur la discipline et sur la mise à la retraite des magistrats. Nous désirons, avec Votre Majesté, que l’on puisse s’occuper bientôt du sort de la magistrature, afin qu’elle continue à se composer d’hommes distingués et par le caractère et par le talent. »

- Adopté.

Paragraphe 19

« Nous le comprenons, Sire, notre indépendance doit rester forte pour être respectée, et l’un des éléments de cette force, c’est la bonne organisation, la discipline, l’instruction et l’esprit patriotique de l’armée. Elle se montre digne du haut intérêt que Votre majesté lui a constamment porté, et auquel la chambre des représentants n’est jamais restée étrangère. »

M. de Langhe – Messieurs, si par une indépendance forte on entend une indépendance fortement armée, ou disposée à l’être d’un moment à l’autre, je pense que nos ressources ne nous permettent pas une pareille indépendance.

Je crois que la grande garantie de notre indépendance consiste dans les intérêts croisés des puissances qui nous entourent dans leur jalousie, en un mot ; je ne pense pas qu’aucune de ces grandes puissances souffre que nous soyons occupés par une autre, sans voler à notre défense. Je ne crois pas que quelques milliers d’hommes et quelques canons de plus sur nos remparts puissent y faire quelque chose.

Mon intention cependant n’est pas de lier le gouvernement dans une matière aussi importance. Je crois que les circonstances peuvent être telles que peut-être une organisation armée devînt nécessaire. Je ne puis pas prévoir ces circonstances ; ainsi, je le répète, je n’entends nullement lier le gouvernement à cet égard.

Mais je le déclare à l’avance, je me montrerai très difficile à admettre des dépenses résultant de démonstrations qui auraient été vaines selon moi. Nous ne sommes pas si loin de 1839, pour savoir ce que de pareilles démonstrations produisent et ce qu’elles nous coûtent.

M. Dechamps, rapporteur – La commission est parfaitement d’accord avec l’honorable préopinant ; M. de Langhe dit qu’il pourrait surgir des éventualités qui nécessiteraient de la Belgique une neutralité forte. Or, c’est là la pensée de la commission.

M. Devaux – Messieurs, il m’est impossible de laisser sans réponse ce que vient de dire l’honorable M. de Langhe ; tout en me contentant de la phrase insérée dans l’adresse, je suis d’un avis diamétralement opposé à celui de l’honorable député.

Je ne crois pas que la Belgique doive se condamner à subir l’influence de l’étranger dans des intérêts aussi chers. Je crois que la Belgique peut être forte ; forte sans exagération, quand le moment sera venu où elle devra l’être.

M. de Theux – Messieurs, le paragraphe en discussion ne fait nullement allusion aux circonstances présentes : la commission, d’accord avec le discours du trône, a posé en principe que la Belgique aura toujours besoin d’une armée ; mais quant aux circonstances actuelles, c’est dans les premiers paragraphes de l’adresse que la commission a exprimé sa pensée.

La commission n’a pas voulu s’exprimer au sujet des armements, elle a laissé, à cet égard, l’initiative au gouvernement ; elle a pensé que c’était à lui de faire des propositions, si les circonstances actuelles les rendaient nécessaires. La commission s’est donc tenue, à cet égard, dans les termes de l’abstention, mais dans le paragraphe en question, il s’agit d’un principe permanent, la nécessité d’une armée permanente ; et c’est ce principe que nous proclamons avec le discours du trône qui s’est exprimé de même dans le paragraphe correspondant.

- Le paragraphe 19 est mis aux voix et adopté.

Paragraphes 20 et 21

« En examinant les réductions qui nous seront présentées par le département de la guerre, nous nous efforcerons de concilier, avec l’intérêt des contribuables, les droits acquis, les besoins du service et la sûreté de l’Etat.

- Adopté.


« Sire, notre nationalité, si longtemps disputée, avait besoin d’un appui, et cet appui, nous ne l’avons pas oublié la Belgique l’a trouvé dans le Roi qu’elle s’est choisi. »

- Adopté.

Paragraphe 22

« Un profond amour de notre indépendance, une grande unité de vues entre le gouvernement et les chambres, nous feront éviter les écueils que présentent les temps difficiles, et permettront d’exécuter, dans les époques de sécurité et de calme, les projets généreux que Votre Majesté a conçus pour le bonheur de notre patrie, et à la réalisation desquels nous serons heureux de concourir. »

M. d’Hoffschmidt – Messieurs, je dois dire que j’éprouve le regret que la commission n’ait pas jugé convenable de placer dans l’adresse quelques expressions de regret pour une population que nous avons dû naguère abandonner.

En effet, je crois, messieurs, qu’une adresse en réponse à un discours du trône ne doit pas se borner à répondre à ce que contient ce discours, mais qu’elle doit exprimer aussi les sentiments de la chambre sur les événements majeurs qui se sont écoulés depuis sa dernière réunion.

Or, remarquez-le bien, messieurs, c’est depuis la dernière adresse faite au Roi par les chambres, que le morcellement des deux provinces a été exécuté. Ainsi, il peut paraître étrange que, lorsqu’un fait aussi important s’est accompli dans le pays, on n’en dise pas un mot dans l’adresse que nous votons actuellement. Certes, s’il y avait un objet dont l’adresse dût parler, c’était bien d’un événement aussi calamiteux pour la Belgique.

L’honorable rapporteur a dit tout à l’heure que si l’on n’en avait pas fait mention dans l’adresse, c’était parce qu’il avait paru inutile à la commission de rappeler nos malheurs, notre humiliation.

Je serais parfaitement de cet avis s’il suffisait de ne plus parler de cet événement pour qu’il fût oublié. Mais on peut le dire en toute assurance, cet événement malheureux est toujours présent à la pensée de tous les Belges, présent au souvenir de l’Europe, et il sera certainement buriné dans l’histoire. Ainsi, que nous en parlions ou que nous n’en parlions pas, la mémoire de nos malheurs existera toujours tant qu’il y aura une Belgique.

Messieurs, je crains même que l’adresse, en nous parlant de notre neutralité comme d’un bienfait, et en gardant le silence sur nos sacrifices, n’ait l’air de dire que cette neutralité dont j’apprécie les bienfaits autant qu’un autre, est une compensation suffisante à nos sacrifices. Telle ne doit pas être la pensée de la chambre, telle ne peut pas être la pensée de la commission.

Naguère, en France, les adresses faites au roi par les chambres des députés contenaient toujours une phrase pour déplorer l’anéantissement de la nationalité polonaise. Et bien, nous qui perdons deux moitiés de province, nous n’en disons pas un mot dans l’adresse.

Je crois que c’est une lacune qui aurait dû être comblée. Cependant, comme la commission n’a pas voulu insérer une phrase sur cet objet, je ne veux pas non plus en proposer, de crainte d’élever des discussions longues et irritantes. C’est pourquoi je voterai l’adresse, sans faire de proposition.

Vote sur l’ensemble du projet

Il est procédé à l’appel nominal sur l’ensemble de l’adresse.

Elle est adoptée à l’unanimité des 62 membres qui ont répondu à l’appel ;

Cette adresse sera portée au Roi par une députation composée de 11 membres désignés par le sort.

Les membres qui ont répondu à l’appel sont : MM. Brabant, Coghen, Cools, Cogels, Coppieters, David, de Behr, de Brouckere, Dechamps, de Foere, de Garcia de la Vega, de Langhe, Delehaye, Berger, de Muelenaere, de Nef, de Puydt, de Renesse, de Sécus, Desmaisières, Desmet, de Terbecq, de Theux, Devaux, de Villegas, d’Hoffschmidt, Doignon, Dolez, Dubois, B. Dubus, Dumont, Dumortier, Duvivier, Fleussu, Jadot, Kervyn, Lange, Lebeau, Liedts, Lys, Maertens, Manilius, Mast de Vries, Mercier, Milcamps, Pirmez, Puissant, Raikem, Rodenbach, Rogier, Scheyven, Sigart, Troye, Ullens, Van Cutsem, Vandenhove, Verhaegen, Ch. Vilain XIIII, Wallaert, Leclercq, Zoude, Dedecker et FALLON.

Formation de la délégation au roi

M. le président tire au sort les membres de la grande députation.

Le sort désigne MM. de Puydt, de Terbecq, Jadot, Dechamps, Devaux, Cogels, de Theux, Manilius, Van Cutsem et Verhaegen.

Ordre des travaux de la chambre

M. le ministre des finances (M. Mercier) – Les budgets ont été renvoyés aux sections, je désirerais qu’elles s’occupassent d’abord du budget des dépenses qui a déjà été distribué il y a quinze jours environ.

M. le président – Je vais prier les présidents des sections de se réunir dans le cabinet de la présidence pour régler le travail des sections.

- La séance est levée à 4 heures.