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Chambres des représentants de Belgique
Séance du jeudi 10 décembre 1840

(Moniteur n°346 du 11 décembre 1840)

(Présidence de M. Fallon)

Appel nominal et lecture du procès-verbal

M. de Renesse fait l’appel nominal à 2 heures.

M. de Villegas donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier, dont la rédaction est adoptée.

Pièces adressées à la chambre

M. de Renesse fait connaître l’analyse des pièces suivantes.

« Les habitants de la commune de Verrebroeck (Flandre orientale) réclament un nouvel écoulement des eaux de leur commune en faveur de l’agriculture. »

- Renvoi à la section centrale chargée de l'examen de la proposition de M. Lejeune, relative au canal de Zelzaete.


« Des négociants de la ville de Saint-Hubert demandent qu’il soit pris des mesures pour empêcher les ventes de marchandises neuves par les colporteurs et les marchands ambulants. »

- Renvoi à la commission des pétitions, avec demande d’un prompt rapport.


« Des débitants de boissons distillées de la partie extra muros de Liége adressent des observations sur le projet de loi relatif à l’abonnement des boissons distillées. »

- Renvoi à la section centrale pour le budget des voies et moyens, et insertion au Moniteur.


« Des distillateurs et négociants en spiritueux de Bruxelles, adressent des observations contre le projet d’augmentation du droit sur les eaux-de-vie indigènes. »

- Même décision.


« Le sieur de Villers, saunier à Fosses (Namur), réclame contre les opérations des employés chargés de la surveillance de son usine qui lui refusent la remise du droit d’accise sur une partie de saumure qui se serait perdue par une crevasse à la chaudière. »

- Renvoi à la commission des pétitions.


Par message en date du 1er décembre, la cour des comptes transmets à la chambre, accompagnés de ses observations, les comptes généraux de 1837 et qui consistent en : 1° compte définitif des budgets de 1835 ; 2° comptes provisoires des exercices 1836 et 1837 ; 3° comptes des exercices clos ; et 4° finalement un compte de la dette publique, ainsi que le tout a été adressé à la cour par M. le ministre des finances.

- Pris pour notification.


Sur la proposition de M. Delehaye, la chambre ordonne l’impression au Moniteur de la pétition des brasseurs de Gand qui a été analysée dans la séance d’hier.

Projet de loi portant le budget du ministère des affaires étrangères pour l’exercice 1841

Discussion du tableau des crédits

Chapitre II. Traitement des agents diplomatiques

M. le président – Nous en sommes restés au chapitre II. « Traitement des agents politiques. »

Articles 7 à 12

« Art. 7. Prusse : fr. 50.000. »


« Art. 8. Turquie : de. 40,000. »


« Art. 9. Bavière : fr. 15,000. »


« Art. 10. Brésil : fr. 21,000. »


« Art. 11. Danemark : fr. 15,000. »


« Art. 12. Espagne : fr. 15,000. »

Article 13

« Art. 13. Etats-Unis : fr. 25,500. »

M. de Langhe – Messieurs, je suis de l’avis de ceux qui pensent que notre diplomatie pourrait se faire d’une manière beaucoup moins dispendieuse. Je crois que presque partout des chargés d’affaires pourraient remplir aussi utilement leur poste que des ministres. Je ne crois pas que ce soit à raison du traitement qu’on rend à l’Etat des services plus ou moins utiles. J’ai vu souvent des personnes jouissant d’un très fort traitement s’occuper très peu de leurs fonctions, tandis que d’autres moins bien rétribués s’en occupaient très bien et avec zèle.

Après cette observation générale qui s’applique à l’ensemble du chapitre, je passe à la légation des Etats-Unis. Je vois que dans le traitement du chargé d’affaires, est compris un traitement pour un secrétaire.

Je pensais qu’il n’y avait plus de secrétaire aux Etats-Unis. Le diplomate qui remplissait ces fonctions est revenu dans le pays ; il a même été nommé à un nouvel emploi dans le pays : nomination qui, si je ne me trompe, n’a pas eu de suite.

Quoi qu’il en soit, c’est une occasion que le gouvernement a pu saisir, pour supprimer une place entièrement inutile.

Je demanderai donc s’il y a encore un secrétaire aux Etats-Unis, ou si on a l’intention d’en nommer un. Si on a cette intention, je la combattrai. Je démontrerai qu’un secrétaire n’est pas plus nécessaire à notre chargé d’affaires aux Etats-Unis qu’à nos agents au Brésil et dans d’autres résidences.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, la personne qui remplissait les fonctions de secrétaire de légation à Washington a été appelée, en effet, à des fonctions administratives dans l’intérieur du pays. Mais l’intention du gouvernement est de pourvoir au remplacement de ce secrétaire.

Si l’on veut faire attention à l’importance des Etats-Unis sous le rapport commercial, si l’on veut bien remarquer que nous venons de signer un traité de commerce avec ce pays ; que tout récemment le gouvernement a essayé d’établir avec les Etats-Unis des relations de commerce directes, tentatives qui ont été entravées par les circonstances survenues depuis la dernière session, on comprendra que l’Amérique du Nord (il suffit de jeter un coup d’œil sur le mouvement de son commerce avec l’étranger) peut devenir un immense débouché pour la Belgique.

La chambre l’a si bien sentie que malgré la voie d’économie dans laquelle elle tient, et avec raison, à marcher, elle a, sur la proposition du département de l'intérieur, voté, avant de se séparer, une allocation considérable pour faciliter nos relations avec les Etats-Unis, pénétrée qu’elle était de l’importance du débouché qu’il s’agit de conquérir à notre industrie.

Eh bien, je ne pense pas qu’il faille lésiner avec un tel pays ; je crois qu’il y a beaucoup à faire aux Etats-Unis pour l’envoyé belge, qu’il y a beaucoup à explorer, et que ce n’est pas trop faire que d’adjoindre un secrétaire à notre chargé d’affaires à Washington.

Je prie la chambre de remarquer qu’alors même que le chef de cette légation n’aurait pas de secrétaire, il serait encore extrêmement difficile de toucher au traitement qui lui est alloué.

En effet, chacun sait que la vie aux Etats-Unis est à peu près aussi chère qu’en Angleterre ; c’est un fait de notoriété publique. Les Anglais qui ont importé aux Etats-Unis une population presque entière, y ont importé en général leurs mœurs et leurs usages. Personne n’ignore que la vie est extrêmement chère à Washington.

Je pensais que le chiffre de cette légation, qui a été encore inutilement attaqué l’année dernière, était enfin à l’abri de toute critique. Je m’étais trompé. J’espère que la chambre pensera qu’il n’y a rien à y retrancher.

M. de Langhe – Messieurs, les observations de M. le ministre des affaires étrangères ne m’ont pas paru concluantes. Partout, il y a plus ou moins d’affaires, et il faut espérer qu’elles augmenteront. Mais je ne crois pas que ce soit un traitement de secrétaire qui puisse faire quelque chose à cela. Je pense que notre diplomatie peut être remplie aux Etats-Unis, comme ailleurs, par un chargé d’affaires, et je ne crois pas que ce soit à la demande du titulaire qu’un secrétaire lui a été adjoint.

M. le ministre dit qu’en supprimant même le secrétaire, on devrait laisser le traitement entier au chef de la légation.

Mais je vous le demande, messieurs, peut-on considérer comme traitements égaux, un traitement sur lequel on doit payer un secrétaire à raison peut-être de 6 à 7,000 francs, et un traitement sur lequel on n’aurait rien à payer. Bien certainement, si le secrétaire est supprimé, je proposerai la suppression d’une partie du traitement ; je proposerai, par exemple, de le réduire à 21,000 francs.

M. le ministre a dit qu’il avait cru qu’on ne reviendrait plus cette année sur les observations que j’avais faites l’année dernière. Et pourquoi pas, si ces observations sont fondées ? D’ailleurs, l’état des choses depuis l’année dernière est bien différent ; le secrétaire, qui était en fonction l’année dernière, est maintenant revenu. Je crois qu’il entre dans le système du gouvernement de ne pas déplacer des personnes, de créer partout des places en quelque sorte inamovibles.

Je propose formellement que le traitement du chargé d’affaires aux Etats-Unis soit fixé à 21,000 francs et que les mots « et d’un secrétaire » soient rayés du libellé.

- L’amendement de M. de Langhe est appuyé.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, on pourrait croire que le secrétaire de la légation à Washington a été rappelé comme inutile, ou qu’il a pris lui-même le parti de quitter le poste auquel il était attaché.

Il n’en est rien : ce secrétaire a apporté ici le traité de commerce récemment conclu. On n’aime pas à confier de pareils documents aux voies ordinaires de transport quand il s’agit d’un lien aussi éloigné ; et il est d’usage que les traités de commerce soient envoyés par une personne de confiance. Or, le secrétaire de la légation a servi de courrier ; il a été payé, comme courrier, de ses frais de voyage, c’est-à-dire de la manière la plus modeste. Il était dans l’intention de retourner à son poste, lorsque l’occasion s’est présentée de le faire entrer dans la carrière administrative pour laquelle il montrait de la préférence.

Comme je l’ai déjà dit, le gouvernement se propose de lui donner un successeur dans ses fonctions de secrétaire. Je crois qu’il y a utilité à le remplacer. Je crois que ce n’est pas à la légère et pour des motifs de convenance personnelle que mon prédécesseur a envoyé ce secrétaire à Washington.

Je persiste en outre à déclarer que si l’on retranchait même le traitement de secrétaire, il y aurait justice à laisser subsister l’allocation telle qu’elle est ; car, je le répète, quiconque connaît la cherté de la vie aux Etats-Unis, sait que ce traitement est fort au-dessous de ce qu’aurait rigoureusement droit d’exiger un simple chargé d’affaires.

- Personne ne demandant plus la parole, M. le président met aux voix le chiffre de 25,500 francs, qui est le chiffre le plus élevé.

Ce chiffre est adopté.

Articles 14 à 18

« Art. 14. Grèce : fr. 15,000. »


« Art. 15. Villes libres et anséatiques de Hambourg, Brême et Lubecq : fr. 15,000. »


« Art. 16. Portugal : fr. 15,000. »


« Art. 17. Sardaigne : fr. 15,000. »


« Art. 18. Suède : fr. 15,000. »

- Ces articles sont adoptés sans discussion.

Chapitre III. Traitement des agents consulaires

Article unique

« Article unique. Traitement des agents consulaires : fr. 140,000. »

M. David – Pour mon compte, messieurs, j’appuierai avec empressement l’allocation demandée de 40,000 francs applicable aux consulats. Des consuls bien établis doivent infailliblement faire progresser notre commerce. C’est ce que l’Angleterre comprend si bien, et nous pouvons hardiment suivre sa vieille expérience. Je suis de l’avis qu’il nous faudrait, dans les pays les plus importants, des consuls généraux. Ces fonctionnaires seraient rétribués par l’Etat ; à eux appartiendraient le choix, la nomination et l’inspection des consulats non rétribués. Ce serait à la fois un moyen de simplifier la besogne du ministère et de donner plus d’ensemble et de vie à cette administration consulaire. Il suffirait alors d’une seule démission ou d’un seul changement de consul général, pour réorganiser spontanément tous les consulats d’un pays, s’il y avait lieu d’en désirer une réorganisation.

Messieurs, la Belgique a, comme tout autre pays, de grandes débouchés, mais elle ne les connaît pas bien encore, on n’est pas encore comme l’Angleterre et la France, en mesure de les exploiter. Je n’irai pas bien loin chercher un de ces débouchés, qu’il me paraît qu’on néglige généralement, c’est l’Espagne. C’est là que je voudrais voir placer un bon consul général, qui inspecterait tour à tour les grands foyers du commerce, comme Barcelone, Cadix, Santander, Bilbao, Lisbonne, Oporto, etc., places importantes qui plus tard peuvent devenir des entrepôts belges, si nos affaires y étaient sagement et loyalement menées.

Là, certainement, la navigation reprendrait une activité nouvelle, si, indépendamment des produits de la péninsule, comme laines, vins, fruits secs, etc., elle trouvait, pour compléter ses chargements, des toiles, des draps, des cotons, de la coutellerie, des armes, du verre à vitres, de la gobeleterie, de notre pays. Surtout pour nos toiles et nos draps, messieurs, il serait temps que nous cherchassions quelques moyens énergétiques dans ce pays, qui jadis nous en achetait pour de si grandes valeurs. Quel rôle joue maintenant notre belle et bonne toile des Flandres en Espagne ? Nous n’y expédions presque plus de toiles, ce sont les Anglais qui s’y sont emparé de notre commerce et de notre réputation, en y envoyant sous la dénomination de toile de Flandre, de malheureux tissus de lin et de coton. C’est à la faveur et sous le protectorat de notre vieille réputation de bonne fabrication en Espagne, que les Anglais y vendent le genre de toiles que je viens d’indiquer. Ayons donc en fin en Espagne et en Portugal un homme capable, comme consul général, pour y faire respecter et pousser à l’écoulement de nos produits.

M. le ministre des affaires étrangères est, messieurs, animé des meilleures intentions. J’apprends qu’il songe aussi à nommer quelqu’un pour le Texas. Seulement ne nous y laissons pas trop devancer par les Anglais, les Américains et les Français, qui s’emparent de tout pendant que nous hésitons.

Un pays que je signalerai encore et qui est, pour ainsi dire, au centre de l’Europe, pays vers lequel on a jusqu’à ce jour si peu jeté les yeux, ce sont la Moldavie, la Valachie et d’autres provinces y attenantes, où l’on consommerait beaucoup de nos produits s’ils y étaient connus. Aujourd’hui plus que jamais, messieurs, ces contrées sont devenues intéressantes pour la Belgique. Voyez les grandes merveilles qui s’accomplissent pour nous en rapprocher ; voyez l’ouverture de ces puissants moyens de communication, chemins de fer internationaux vers le nord et le cœur de l’Allemagne, la jonction du Rhin au Danube, la navigation à vapeur jusqu’aux quais de Constantinople, etc. Le moment est donc venu pour notre commerce d’aller explorer les contrées que je viens de citer ; mais, encore une fois, il faut pour ces missions des hommes éclairés dont je suis convaincu que le ministre ne demande pas mieux de s’entourer.

Messieurs, une bonne organisation consulaire étant l’âme et la sécurité de notre commerce en pays étranger, qu’on ne trouve pas mauvais que j’insiste ici sur la nécessité de modifier l’organisation des consulats, par la nomination d’un plus grand nombre de consuls généraux. Messieurs, toutes les administrations possibles doivent être soumises à un contrôle, et celle-ci qui par sa dispersion et son éloignement en nécessiterait un très rigoureux, est abandonnée à elle-même et presque toujours dans des mains étrangères. Cependant qu’arrive-t-il si nos agents ne s’évertuent pas à se rendre utiles au pays ? Quelle protection peut espérer un négociant ou un capitaine de marine marchande, quand celui qui est appelé à le défendre n’appartient pas à la nation qu’il représente, et qu’il est, au contraire, le compatriote de ceux contre lesquels on lui demande protection et justice ; c’est, messieurs, la position dans laquelle nous nous trouvons souvent vis-à-vis de nos consuls. Certainement, l’état de nos finances ne nous permet pas d’en avoir partout de rétribués ; cette dépense serait trop élevée pour un pays comme le nôtre, mais nous pouvons prendre un terme moyen, et ce terme moyen est celui que j’ai proposé au commencement de mes observations, celui des consulats généraux, qui n’occasionnera qu’un faible accroissement de dépense, et produira d’excellents résultats.

M. de Langhe – Messieurs, une majoration de 40,000 francs est proposée à cet article. Je ferai l’historique de cette allocation, non pas que je m’engage à faire l’historique de toutes les augmentations ; je pense que pour les autres il me suffira de les alléguer et de les montrer sur le papier, pour qu’on ne puisse pas nier qu’il y ait augmentation.

On a eu l’air de vouloir me forcer à préciser ce que j’avais dit dans une autre séance, qu’il y avait eu augmentation dans presque tous les budgets. Je le ferai. L’allocation dont il s’agit a figuré pour la première fois au budget de 1837, par une demande de 60 mille francs qui a été réduite par la chambre à 30 mille francs. L’année suivante, elle a été portée à 100 mille francs. Elle est restée stationnaire pendant deux ou trois ans, et maintenant on propose de la majorer de 40 mille francs.

Je vois que cette dépense ira toujours croissant, tant qu’on ne résistera pas aux prétentions de nos consuls qui sont déjà rétribués et de ceux qui ne le sont pas.

J’ai beaucoup voyagé, j’ai vu beaucoup de consuls, c’étaient des consuls non rétribués. J’ai vu revêtu de ces fonctions des négociants pour la plupart assez modestement logés. C’étaient des négociants de second ordre, mais qu’on m’a dit être estimés. Je ne crois pas que ce soit sur le luxe qu’on doit mesurer l’estime ; je ne crois pas que nous en soyons à ce point de respecter ceux qui nous éclaboussent.

D’après les renseignements qui nous ont été donnés, si nous cédons aux prétentions des consuls, nous n’en finirons pas, l’un veut un hôtel, l’autre voudra une voiture, un autre voudra, que sais-je ? Il y a tant de chose qu’on peut vouloir. Je ne crois pas que nous soyons en position de satisfaire à toutes ces exigences. Une bonne fois, il faudra couper court là-dessus. Je crois que les consuls non rétribués feront aussi bien nos affaires que les consuls rétribués. On dit qu’en les rétribuant, on les oblige à ne pas faire d’affaire. Mais vous ne pourrez pas, quand une affaire leur paraître bonne, les empêcher de la faire indirectement, sans que leur nom paraisse. Je crois, je le répète, qu’il faut arrêter cette dépense, car sans cela elle ira toujours croissant.

Je répéterai une observation que j’ai faite tous les ans. Je vois figurer au budget, un consul, celui de Lima, avec un traitement de 25 mille francs. Un semblable traitement pour un consul n’est pas tolérable dans la situation de nos affaires. Je proposerai de le réduire de 13 mille francs et de fixer ce traitement à 12 mille francs.

Quant aux nominations, il en a été fait jusqu’à concurrence de 103 mille francs. J’admettrai cette somme moyennant la réduction que je propose sur le traitement du consul de Lima. Je ne puis tolérer qu’un simple agent consulaire ait un traitement supérieur à celui d’un ministre et presque égal à celui du cardinal archevêque, que je trouve déjà trop élever. Je propose de fixer le chiffre à 90 mille francs.

M. Eloy de Burdinne – Je partagerais certainement l’opinion du préopinant qui a appuyé la pétition par laquelle on réclame l’augmentation du nombre de nos consuls, pour les envoyer dans différents parages, dans différents pays, si toutefois nos moyens nous le permettaient. Mais est-ce bien dans un moment où nous devons grever les contribuables qu’on peut venir vous proposer des augmentations de dépenses ? Est-ce bien quand le chiffre du budget qu’on a toujours considéré comme ne devant pas dépasser 100 millions est porté à 105 millions qu’on doit venir demander des augmentations pour salarier des consuls ? Je le sais, le commerce et l’industrie de la Belgique ne sont pas dans un état de prospérité.

Le préopinant vous a dit que l’Angleterre est parvenue à s’emparer des marchés de l’Espagne, pour y fournir des toiles au détriment de la Belgique. Personne de nous n’ignore qu’autrefois, nous avions le marché de l’Espagne. Mais l’Angleterre a trouvé moyen, par suite de l’établissement des mécaniques, de faire du beau à bon marché. On me fera remarquer que ce beau et bon marché n’est pas solide. Mais vous savez que dans le siècle où nous vivons, c’est du beau et bon marché que l’on veut.

Je crois que pour pouvoir récupérer le marché espagnol, nous devrions chercher à faire du beau et bon marché. Certes, je déplore de tout mon cœur ces moyens par lesquels on est parvenu à faire du beau et bon marché, parce que c’est au détriment des malheurs fileurs des Flandres qu’ils ont été employés. Mais qu’y faire ? On a établi ces moyens, nous devons en subi les conséquences.

On nous a parlé de l’Espagne, on nous a dit que nous avions perdu le marché espagnol sous le rapport de nos toiles. Croit-on qu’en augmentant le nombre de nos consuls, nous parviendrons à obtenir le placement de nos produits manufacturés, et faire le commerce avec les pays lointains ? Pensez-vous que l’Angleterre, qui a trouvé moyen de s’emparer des marchés étrangers, souffrira que nous venions un jour les lui enlever ? Non ; l’Angleterre saura s’y maintenir et faire pour cela des sacrifices plus considérables que nos industriels, nos commerçants et le gouvernement lui-même ne pourraient le faire. S’il faut perdre 15 p.c., l’Angleterre les perdra, nous ne pourrons pas en faire autant. Au surplus, je puis vous donner un échantillon de ce que peuvent faire les consuls. Nous perdons le marché espagnol, ce n’est pas faute d’y avoir de diplomates et des consuls.

Voici un tableau inséré dans le rapport de la section centrale, où nous voyons qu’en Espagne nous avons un consul à Barcelone, un consul à Bilbao, un consul à Cadix, un consul à Sanlucar, un consul à Séville, ainsi qu’à Malaga, Almeria, Adra, Santander, Valence, Alicante, Carthagène, Benicario et Vigo. Voilà une espèce d’armée de consuls. Malgré tout cela nous avons perdu le commerce de toiles. Si vous voulez mettre un consul, je ne dis pas dans chaque ville, mais dans chaque village, il sera possible d’acquérir un peu plus de commerce avec l’Espagne. Mais, sommes-nous à même de faire de pareils sacrifices, quand déjà nous marchons de plus en plus vers notre ruine ?

On prêche l’économie et on vient ensuite demander des augmentations de 40 mille francs.

Voulez-vous des consuls dans tous les pays du monde, dans tous les ports de mer, dans toutes les villes d’un peu d’importance ? Alors, ne parlez pas d’économie, car vous prêchez la dépense. Nous ne nous piquons guère d’être conséquents dans la conduite. N’a-t-on pas fait déjà des sacrifices pour le commerce, n’a-t-on pas, l’année dernière, voté 400 mille francs pour des bateaux à vapeur. Je crois que si on continue, nos finances et peut-être le pays s’en iront en vapeur.

Je voterai contre l’allocation.

M. de Theux – Messieurs, je crois devoir appeler votre attention sur l’article en discussion. Vous savez qu’en Hollande il n’y a pas de consuls rétribués. En France, au contraire, ils sont rétribués. Mais la dépense qui résulte de ce chef s’élève à 1,500,000 francs. Assurément il n’est pas dans l’intention du gouvernement, ni d’aucun membre de cette chambre, de proposer une dépense pareille pour la Belgique, car je n’hésiterai pas à dire que les charges dont on grèverait les principales industries pour pouvoir faire une pareille dépense dépasseraient de beaucoup les services que les consuls rétribués pourraient leur rendre.

Si vous adoptez le système des consuls rétribués, vous devriez en avoir dans tous les pays où votre commerce s’étend ; il serait nécessaire, dis-je, d’arriver à une dépense comme celle de la France. Mais une pareille dépense n’est pas supportable pour un pays restreint dans des limites aussi étroites que la Belgique.

Il restait un terme moyen à prendre entre l’abstention complète de rétribution et la rétribution générale comme elle a lieu en France. C’est ce qu’on avait fait en portant 100 mille francs au budget, pour établir dans quelques parages des consuls rétribués.

Mais remarquez qu’on vous demande une nouvelle majoration de 40 mille francs. Ce ne sera pas la seule, car d’après les considérations qui se trouvent dans les développements du budget, cette somme sera insuffisante, et les considérations nouvelles dans lesquelles vient d’entrer l’honorable député de Liége, M. David, vous prouvent qu’il ne s’agit pas seulement de 40 mille francs, mais de bien plus. Ce sera 40 mille francs cette année, et l’année prochaine il faudra une somme plus considérable pour faire face aux dépenses indiquées dans les développements du budget dans le discours du député de Liége.

Qu’arrivera-t-il de ces allocations successives ? C’est que les consuls qui, aujourd’hui, sans avoir aucun traitement, remplissent leur office avec beaucoup de zèle, renseignent le gouvernement sur tout ce qu’il lui importe de savoir, seront découragés, feront des demandes de traitement ou d’indemnité, ou menaceront de résigner leur emploi. Vous serez successivement amenés à des majorations énormes. Ce sera la conséquence de celle qu’on vous demande aujourd’hui.

Du moment qu’on verra figurer au budget une somme considérable pour rétribution des consuls, ceux qui exercent depuis longtemps leurs fonctions, comme je l’ai dit, avec beaucoup de zèle, demanderont, à juste titre, des indemnités ou un traitement.

Pour moi, je ne proposerai pas de réduire à 100,000 francs le chiffre de l’article en discussion. J’admettrai une majoration de 10,000 francs. L’article s’élèverait à 110,000 francs. Voilà quel serait l’emploi de cette somme :

Traitement des consuls nommés sous notre administration : fr. 91,000.

Traitement du consul en Suisse : fr. 12,000.

Indemnité au consul de Lerwick, pour le couvrir des frais que lui occasionne la surveillance de la pêche : fr. 1,000.

Pour un élève drogman : fr. 1,000 ou 2,000.

Pour pourvoir à des besoins urgents et imprévus : fr. 4,000 ou 5,000.

Total : fr. 110,000

Quant aux 30,000 francs demandés en sus de cette somme, j’engage fortement la chambre à ne pas les allouer. En voici un motif qui me paraît déterminant. C’est que ce serait entrer dans une voie de dépenses dont vous ne connaîtrez pas la limite. Je voudrais, quand le gouvernement croit utile l’établissement d’un consulat rétribué, qu’il appréciât la dépense résultant de ce chef, et qu’il en indiquât clairement le chiffre, comme cela se fait pour les missions diplomatiques. Toutes les missions diplomatiques sont renseignées article par article. Je sais qu’on n’a pas suivi la même voie pour les établissements consulaires. Mais les développements du budget faisaient connaître à peu près la pensée du gouvernement. Aujourd’hui qu’il est question d’élargir considérablement le cercle de la dépense, je crois que la chambre ne doit voter les nouveaux fonds demandés qu’après avoir constaté l’utilité de la dépense ; et si l’utilité d’une majoration de 40,000 francs ne me paraît pas démontrée, il faut au moins attendre que les dépenses soient proposées par spécialités à raison de chaque résidence.

Il est vrai que l’on a prétendu que cette majoration était compensée par une réduction du chiffre des missions extraordinaires. Mais ce n’est pas là une compensation. Aujourd’hui que la paix est faite, que la Belgique est reconnue par tous les Etats, que nous avons des légations permanentes près de tous les Etats où elles peuvent nous être utiles, évidemment le chiffre des missions extraordinaires devait subir une réduction. Ce n’est donc pas là une économie réelle, puisque la somme portée au budget pour l’année courante n’avait pas été dépensée.

Je propose donc à la chambre d’admettre à l’article en discussion une majoration non pas de 40,000 francs, mais de 10,000 francs ; en d’autres termes de réduire à 110,000 francs le chiffre de cet article.

M. David – Je pense que l’honorable M. Eloy de Burdinne n’a pas tout à fait saisi la portée de ma proposition ; car quand j’ai cité les services que peuvent rendre les consuls généraux, j’ai parlé surtout de la surveillance qu’ils peuvent exercer sur les consuls non rétribués que nous avons jusqu’à présent et qui paraissent si froids pour nos intérêts.

Je crois d’ailleurs que la dépense que nécessiterait la création de quelques consulats généraux ne serait pas aussi considérable que le craignent les honorables MM. de Theux et Eloy de Burdinne.

Quant à ce que l’on a appelé ma proposition, je ferai remarquer que je me suis borné à appuyé la proposition du gouvernement. Je n’ai pas l’intention d’aller plus loin. Si, plus tard, il fallait de nouveaux fonds pour la création de quelques consulats ou consulats généraux, je suis prêt à les voter ; car je crois qu’il est utile à notre commerce d’avoir des agents qui nous représentent dignement, qui, pour nos toiles, par exemple, fassent valoir leurs avantages et leu vieille réputation ; car certainement, ce ne sera pas le beau et le bon marché de l’Angleterre qui sera le plus recherché.

Il me semble que ceux qui ont l’habitude d’une consommation, qui sont habitués à faire usage de toiles des Flandres, ne voudront pas changer. Dans certains pays où l’on fabrique des toiles qui entrent en contrebande dans le pays, on demande toujours des toiles de Flandre. Je les ai vues affichées dans les magasins de la Prusse, au centre de la fabrication des toiles de Silésie.

D’ailleurs, ce n’est pas seulement des toiles que j’ai voulu parler, j’ai cité une foule d’articles de la fabrication belge qu’on exporterait avec avantage : ainsi, j’ai parlé des armes, des cotons, des draps, des verres à vitre, de la gobeleterie. Voilà beaucoup d’articles dont nos consuls pourraient favoriser l’exportation.

M. de Foere – Messieurs, je ne puis admettre l’opinion que l’honorable député de Liége vient de développer et qui tend à augmenter le nombre de nos consuls rétribués. Nous allons en sens inverse de la marche suivie par les autres nations. Il faudrait commencer par créer le commerce dans les contrées lointaines. La création du commerce lointain doit nécessairement précéder nos établissements consulaires. Sur quoi voulez-vous que nos consuls exercent leurs attributions, si dans les contrées lointaines où ils sont établis, le commerce belge n’a et ne peut avoir aucun relation suivie ? Nommez des consuls là où notre commerce est en voie d’établir des relations. Chaque année, vous avez augmenté le nombre de vos consuls, avez-vous développé votre commerce par cette multiplication de consuls ? Le pays peut vous donner une solution à cette question. Développerez-vous davantage votre commerce extérieur en augmentant le nombre de vos consuls ? Si vous ne créez pas des mesures de protection pour développer votre commerce extérieur, les consulats ne produiront pas plus d’effets qu’il n’en ont produit jusqu’à présent.

Messieurs, il est à ma connaissance un fait qui tranche ici toute la question. Au commencement de la création de la maetschappy, cette société commerciale avait établi même des comptoirs, des agents de commerce dans les principales villes océaniques, à Valparaiso, au Pérou et sur d’autres points centraux de commerce d’outre-mer, là où le pays avait aussi des consuls ; eh bien, la maetschappy a été forcée de supprimer ses agences, et pourquoi ? Elle ne parvenait pas à établir des relations fructueuses avec ces contrées lointaines ; elle ne faisait que perdre sur ses opérations. En 1827, le commerce hollandais, renseigné par ces comptoirs, signala au gouvernement la cause du non-succès de la maetschappy. La législation commerciale ne protégeait pas assez les retours du commerce national. Es 1830 le gouvernement hollandais était disposé à augmenter la protection en faveur du commerce national et surtout dans le but de stimuler l’exportation des produits de l’industrie belge. Le gouvernement hollandais a augmenté depuis la protection pour protéger les relations avec la colonie de Java. La maetschappy a fait, comme vous le savez, de brillantes affaires au moyen de cette protection.

Messieurs, si nous avions des relations de commerce régulières et suivies avec les contrées lointaines où on veut nommer des consuls rétribués, je ne m’y opposerais pas ; mais je pense que des maisons de commerce, établies dans les contrées lointaines, où nous n’avons pas encore établi ces relations, accepteront volontiers la charge de consul sans demander une rétribution. Je pense même que le pays n’en sera que mieux servi.

M. Cogels – Je ne viens pas combattre la majoration demandée par le gouvernement, au contraire, je l’appuierai ; mais je crois seulement devoir entrer dans quelques considérations sur l’emploi du crédit demandé, sur les services que nos consuls sont appelés à rendre, et sur la différence qu’il y a, sous le rapport de la position des consuls, entre notre pays et la France et l’Angleterre, que l’honorable M. David a citées. L’Angleterre et la France ont une marine marchande fort considérable, on rencontre leurs navires dans tous les parages, tandis que notre marine marchande, notre marine de long cours surtout, est de peu d’importance, et si l’on en excepte la Havane et quelques ports de la côte du brésil, il est peu de parages lointains où l’on voit flotter notre pavillon.

En Angleterre et en France, les consuls ont donc un caractère diplomatique que les nôtres ont également, mais qui est chez eux le but principal de leur institution, tandis que chez nous, il n’est que secondaire. En Angleterre et en France, on nomme des consuls pour protéger les intérêts du commerce national dans les contrés lointaines, pour y défendre les nationaux contre les vexations des autorités locales ou des indigènes, pour concilier les différends, pour juger même quelquefois des délits commis à bord, et qui, par conséquent, ne ressortissent pas de l’autorité locale. Enfin, ils remplissent en certaines circonstances les fonctions d’officier de l’état-civil. Les attributions des consuls sont suffisamment connues pour que je me dispense de les développer ici plus largement.

Cela est très bien pour le pays qui ont une marine marchande très considérable, qui voient flotter leur pavillon dans tous les pays. Mais il n’en est pas de même pour nous. Nous avons une marine marchande de très peu d’importance ; notre marine de long cours est extrêmement faible ; sauf dans les ports de la Havane et dans quelques ports du Brésil, il est bien rare de voir le pavillon belge flotter dans les ports des pays lointains.

Quel est maintenant le but principal de l’institution de nos consuls, ou plutôt quels sont les services qu’ils sont principalement appelés à rendre ? C’est d’étendre notre commerce, de chercher à ouvrir de nouvelles relations, de nous instruire sur les conditions des différents pays où nous n’avons pas encore établi de relations, sur les besoins de ces pays. Or, que faut-il pour cela ? Des hommes qui aient l’intelligence, je dire presque l’instinct du commerce.

Eh bien, messieurs, il est bien rare de rencontrer cette intelligence chez des hommes qui, pendant toute leur vie, ont été étrangers aux affaires.

C’est pour cela que je partage sous certains rapports l’opinion de l'honorable M. de Foere, que pour tous les parages où nous n’avons pas encore établi un commerce suivi, il vaut mieux avoir de simples agents consulaires, des hommes du pays ou des Belges s’il y en a, mais qui soient bien au fait des affaires, qui aient résidé longtemps dans le pays, qui en connaissent les besoins, qui puissent donner des avis exacts et complets et donner surtout ces avis avec discernement, car ces renseignements peuvent être fort utiles, mais ils peuvent aussi être quelquefois fort dangereux ; dans les pays lointains, dans les colonies, telle expédition faite pour une somme de 30 ou 40,000 francs donnera des résultats magnifiques, tandis que si elle est faite pour une somme double elle aura des résultats désastreux ; il faut consulter non seulement la nature des besoins d’un marché, mais aussi l’étendue de ces besoins, et faire en sorte que le marché ne soit jamais surchargé.

Eh bien, messieurs, la plupart des consuls rétribués peuvent-ils rendre ce service ? Je vous avoue que je crains que non, à moins qu’on les choisisse parmi les hommes qui ont déjà reçu une éducation commerciale, qui ont acquis une expérience commerciale. Maintenant nos consuls vont souvent recueillir leurs renseignements de deuxième main, et n’étant pas en état d’en apprécier l’exactitude, ils nous les adressent sans discernement, ou ce qui est arrivé déjà, ils nous envoient des renseignements que l’on est fort surpris de retrouver presque textuellement dans l’un ou l’autre dictionnaire de commerce ; c’est pour cela, messieurs, que tout en allouant l’allocation demandée, j’ai voulu attirer l’attention de la chambre et du gouvernement sur la nécessité de ne nommer des consuls qu’après avoir bien apprécié les qualités des personnes auxquelles on se propose de confier ces fonctions, et de n’établir de consuls rétribués que là où nous avons déjà des relations telles que ces consuls puissent y remplir les fonctions diplomatiques que remplissent les consuls anglais et français. Dans tous les autr sports où nous n’avons pas encore de relations, des négociants expérimentés peuvent rendre beaucoup plus de services que des consuls rétribués qui n’auraient pas l’expérience des affaires.

M. Desmet – Messieurs, si la section centrale a appuyé la majoration demandée par le gouvernement, elle l’a fait dans l’intérêt du commerce, elle a senti que, puisque le commerce est en souffrance, il faut tâcher de lui ouvrir des débouchés et lui donner toute la protection possible. On ne peut pas mettre en doute l’état de souffrance du commerce belge ; nous produisons beaucoup mais nous vendons peu, nos marchés sont extrêmement restreints, et la Belgique est dans une misère telle que l’on ne l’a jamais vue, et cela parce qu’elle manque de marché et que son commerce est sans protection.

L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit tout à l’heure que nous devions tâcher de travailler comme les autres et particulièrement comme les Anglais, qu’il ne fallait pas travailler pour faire du bon et du solide, mais du bon marché ; eh bien, je crois que nous travaillons aussi bien que les Anglais, et que si nous avions une même protection et autant de facilité dans les débouchés, comme ils ont, je n’ai point peut d’avancer que nous ne luttions facilement contre eux. Cette crise, cette maladie du bon marché et du mauvais passe comme on pouvait le prévoir, et le bon et le solide reviennent, en Angleterre même. Ils reconnaissent actuellement que, pour réussir dans la lutte industrielle, il faut faire du bon, mais à aussi bon compte que possible, c’est ce que nous pouvons faire comme eux, au moins pour plusieurs articles.

Ce même membre nous a parlé du commerce que faisaient les Anglais avec tant d’avantages ; il a dit qu’ils nous avaient entièrement remplacés pour le commerce des toiles, et il l’a attribué à ce que les Anglais y introduisaient des toiles qui sont moins bien faites que les nôtres, et qui y sont, par ce motif, préférées aux nôtres.

L’honorable membre doit cependant savoir que les Anglais, pour pouvoir vendre leurs toiles en Espagne, ont dût employer un moyen que je ne qualifierai point, mais ils ont dû prendre l’étiquette belge et faire passer leurs toiles pour des toiles flamandes. Mais j’ai appris avec beaucoup de satisfaction qu’il y a en Espagne, depuis quelques temps, de grands changements au sujet du commerce des toiles, que le consommateur et le débitant espagnols commencent à se dégoûter des toiles anglaises et irlandaises, ils commencent à apprécier la grande différence qu’il y a entre les toiles belges et les toiles anglaises ; nos négociants reçoivent actuellement des ordres positifs de l’Espagne, où l’on recommande de donner de donner de bonnes toiles faites avec de bon fil ; les mêmes recommandations se font maintenant pour le fil retors ; les fabricants de Courtray reçoivent à présent des commandes de bon fil ; on revient de ce bon marché, l’on commence à comprendre que le bon marché ne suffit pas, mais qu’il faut aussi que la marchandise soit bonne. Or, sous ce rapport, la Belgique peut lutter sans peine contre toutes les nations. Ce que je dis de l’Espagne pour le fil, je peux de même le dire pour l’Allemagne.

Je crois, messieurs, que nous devons faire toutes les efforts possibles pour augmenter nos marchés ; c’est ce que font toutes les nations, puisque partout on établit de nouvelles protections pour le commerce.

On le voit, dans ce moment, ce qu’une nation ne fait point pour se faciliter un chemin vers un marché ; elle n’a pas craint de mettre, si je peux le dire ainsi, l’Europe tout entière en feu et flammes pour arriver à son but ; elle a détruit des villes et faire des massacres pour y parvenir ; loin de moi d’admirer ces actes de vandalisme, au contraire je les ai en horreur, mais ce sont seulement des faits que je veux citer pour vous faire voir ce que l’on ne fait point pour protéger le commerce.

C’est précisément, messieurs, parce que je comprends la nécessité qu’il y a pour la Belgique de s’ouvrir de nouveaux débouchés, que j’ai demandé hier la parole lorsque M. le ministre des affaires étrangères répondait à une observation qui avait été faite par l’honorable M. de Foere, relativement à une ouverture qui aurait pu avoir pour résultat de nous ouvrir un marché du côté du midi ; je ne voudrais pas que le gouvernement laissât échapper une occasion de procurer des débouchés à notre commerce, et celui auquel je fais allusion est bien à préférer à celui du nord, je n’en dirai pas plus sur cet objet.

L’honorable M. de Langhe, par l’amendement qu’il a présenté, n’a pas voulu, je pense, amener une diminution dans le nombre de nos agents consulaires, mais il a voulu amener une réduction des traitements accordés à ces agents ; cette question n’a pas été discutée dans la section centrale.

Je ne l’ai pas non plus examinée, je ne pourrais dire si actuellement les consuls rétribués ont des traitements trop élevés, mais je sais bien qu’il y en a qui se plaignent, j’ignore si ce n’est pas à tort.

L’honorable M. de Theux a proposé de réduire le chiffre demandé à 110,000 francs, et, si je l’ai bien compris, il veut seulement accorder les fonds dont la destination est indiquée d’une manière spéciale ; l’honorable membre veut que lorsque l’on demande des fonds, l’on précise l’objet pour lequel on demande ces fonds ; ici je ne parlerai pas au nom de la section centrale, mais en mon propre nom, j’appuierai l’observation de l’honorable M. de Theux. J’ajouterai cependant que partout où l’on veut avoir des agents qui soignent nos intérêts, il faut les rétribuer ; on dit que la Hollande ne rétribue pas ses consuls, mais je crois que c’est là une marche fort dangereuse, et qu’il vaut mieux suivre, autant que possible, l’exemple de la France, qui rétribue tous ses consuls. Si vous avez des consuls qui sont en même temps négociants, vous êtes exposés à les voir soigner leurs intérêts de préférence aux nôtres, et à ne recevoir d’eux que les renseignements dont ils ne peuvent pas tirer parti pour eux-mêmes ; Je connais, par exemple, un agent qui représente la Belgique sur une place fort importante de l’Angleterre et que je ne crois pas du tout en position de pouvoir soigner convenablement nos intérêts. Je le répète, si vous voulez des consuls actifs, dévoués à vos intérêts, il faut les bien rétribuer. Car il faut les mettre dans une position d’indépendance, et que l’intérêt particulier ne puisse compromettre l’intérêt public. J’ai dit.

M. Eloy de Burdinne – Un honorable préopinant vous a dit, messieurs, qu’il ne serait pas éloigné d’accorder une majoration, parce que, dit-il, des consuls ont été nommés et qu’il faut les payer ; je crois, messieurs, qu’il serait fort dangereux d’admettre un semblable système, car lorsque nous aurons accordé des fonds pour salarier les consuls qui ont été nommés, le gouvernement sera importuné par l’industrie et le commerce qui demanderont à avoir de nouveaux consuls dans différentes localités, et alors le ministre ne pourra pas répondre qu’il n’a pas de fonds suffisants pour rétribuer ces consuls, car on lui dira : « Nommez toujours, la chambre ne refusera pas les fonds, lorsque les nominations seront faites, la discussion du budget de 1841 le prouve. »

On vous a dit, messieurs, qu’il a été fait des économies sur le budget des affaires étrangères ; on vous a dit que le chiffre des dépenses imprévues a été réduit, ainsi que celui des missions extraordinaires relatives au traité avec la Hollande, ces dépenses concernant le traité avec la Hollande, étaient nécessaires, sans doute, mais j’espère bien que nos différends touchent à leur fin, et, c’est pour cela que le gouvernement reconnaît que, pour 1841, il n’aura plus besoin, de ce chef, des fonds qu’il a demandés pour 1840 ; il est donc bien simple qu’il ait réduit ce chiffre du budget ; quant aux dépenses imprévues, le gouvernement, qui aime toujours à demander trop, de crainte de ne pas avoir assez, le gouvernement a vu qu’il avait demandé trop l’année dernière, et il est tout naturel dès lors qu’il demande moins cette année. Ces réductions prouvent donc seulement que l’on n’a pas besoin des sommes que l’on avait demandées l’année dernière pour les objets dont il s’agit, et que l’on rentre, sous ce rapport, dans un état normal ; mais il n’en est pas moins vrai que les 40,000 francs qu’on nous demande en plus sur l’article en discussion sont bien réellement une augmentation de dépenses.

Je conviens que l’établissement de consuls est une chose utile, mais il est dans le monde tant de choses utiles qu’on ne peut cependant pas se donner ; chacun de nous serait sans doute fort disposé à se donner beaucoup de choses utiles, mais quand nous consultons notre bourse, nous trouvons que nous devons y renoncer. Eh bien, le gouvernement qui est grevé de capitaux immenses, ne doit-il pas se dire : « Tout cela est très utile, mais malheureusement, je n’ai pas le sou, au contraire, j’ai des dettes et il faut commencer par payer ses dettes, c’est là aussi bien le devoir des gouvernements que des particuliers. »

Je ne veux pas, messieurs, mettre mon pays dans une situation plus désastreuse que celle où il se trouve, et c’est pour cela que je refuserai mon assentiment à toute augmentation de dépenses qui ne serait pas de la plus stricte nécessité.

Une autre considération, c’est qu’il est de la politique du gouvernement de ne pas chercher à indisposer le contribuable. Eh bien, aujourd’hui, le contribuable fait la comparaison de ce qu’il payait en temps de guerre avec ce qu’on lui demande, lorsque nous sommes entrés dans un état de paix. Chacun se dit : En vérité, il vaudrait mieux que nous eussions la guerre que la paix, puisqu’en temps de guerre nos contributions n’étaient pas portées au taux où on les porte en temps de paix.

Cette manière d’agir aliène singulièrement les populations ; elle les rend en quelque sorte hostiles au gouvernement qui vient continuellement, et dans mon opinion sans motifs graves, augmenter les impôts.

Un honorable préopinant m’a adressé une espèce de reproche, en disant que je ne l’avais pas compris. Si, dans son opinion, l’établissement de consuls-généraux pouvait diminuer la dépense des consuls, ah !, bien certainement il me trouverait prêt à appuyer ses propositions. Mais je ne vois pas que l’établissement de consuls-généraux avec une augmentation de 40,000 francs soit de nature à alléger nos charges.

Messieurs, je suis parfaitement d’accord avec l’honorable M. David que nous devons encourager le commerce et l’industrie. Mais il est des bornes à tout. Que n’avons-nous pas fait dans l’intérêt du commerce et de l'industrie ? je crois que nous avons fait jusqu’ici plus que nos moyens ne nous le permettaient. Tous les ans, on fait du nouveau. L’année dernière, j’ai eu l’honneur de vous donner le relevé des dépenses qui ont été faites dans ce but et qui s’élevaient de 3 à 4 millions annuellement. Depuis lors on a voté encore 400,000 francs pour les bateaux à vapeur. Aujourd’hui c’est une nouvelle somme de 40,000 francs. Diu sait ce qu’on demandera demain.

Messieurs, je crois vraiment que le commerce et l’industrie se trouveraient beaucoup mieux de recevoir les sommes que nous votons, que de voir le gouvernement les dépenser en leur faveur.

Messieurs, un honorable préopinant nous a dit qu’aujourd’hui l’étranger appréciait la bonne qualité de nos toiles, qu’on ne s’attachait plus seulement au bon marché, mais qu’on avait encore égard à la solidité. J’apprends cette nouvelle avec beaucoup de plaisir ; cela me rassure sur la position de nos malheureux fileurs et fileuses des Flandres. J’aime à croire qu’ils seront à même de gagner leur pain, en filant du bon, du beau et à bon marché.

Messieurs, un autre honorable collègue a argumenté d’une toute autre manière que les orateurs qui l’ont précédé n’avaient argumenté. Il vous a dit : Messieurs, des consuls capables et sans rétribution, rendront bien plus de services au pays que des consuls moins capables et rétribués.

Eh bien, messieurs, cela étant, tâchons de trouver des hommes capables à qui nous n’aurons pas à donner de traitement. Mais on me dira sans doute : l’homme ne fait rien pour rien. Eh bien, accordons-leur beaucoup de considération, beaucoup d’honneur, des croix même, s’il le faut. Le trésor et les contribuables s’en trouveront parfaitement bien. J’ai dit.

M. de Muelenaere – Messieurs, je pense que l’établissement de consuls rétribués dans certaines localités est utile et même nécessaire au pays. Cependant là, comme dans toutes les choses humaines, le mal est à côté du bien, et je crois que ce mal ira en s’aggravant, à moins qu’on ne se renferme dans certaines limites.

J’ai lu avec attention une note jointe au rapport de la section centrale sub. littera A, et je vous avoue que j’ai été quelque peu effrayé des prétentions naissantes de nos agents consulaires. A peine établis, ils demandent déjà des augmentations de traitement, sous des prétextes quelconques.

Je sens, messieurs, combien il est difficile de résister à de pareilles exigences, et je crois qu’il n’est ni dans l’intérêt du trésor, ni surtout dans l’intérêt du ministre des affaires étrangères, d’avoir pour cette institution de création toute récente dans notre pays, des fonds qui n’aient pas une destination spéciale.

Messieurs, je crois qu’il faudrait rentrer dans l’état normal, dans la règle commune à l’égard des agents consulaires, comme à l’égard des agents diplomatiques.

Après cela, je vous dirai que, pour ma part, je ne crois pas que le nombre de nos consuls rétribués soit assez considérable ; je pense qu’il y a des localités où plus tard on pourra établir, avec grande utilité pour le pays, des consuls jouissant d’un traitement sur le trésor.

Mais dans l’état actuel des choses, il me semble qu’il est de l’intérêt du trésor, et qu’il est même de l’intérêt du gouvernement de se borner à voter les sommes nécessaires pour rétribuer convenablement les consuls existants.

Si dans la suite le besoin de l’établissement de nouveaux consuls rétribués se fait sentir, le gouvernement vous exposera ses vues à cet égard ; il vous fera une demande spéciale ; et je suis persuadé que si l’établissement de nouveaux consuls rétribués peut être considéré comme utile, même comme hypothétiquement utile au commerce du pays, à nos relations à l’extérieur ; je suis persuadé, dis-je, que la chambre s’empressera de voter toutes les sommes nécessaires.

Il en résultera que le gouvernement lui-même sera mis ainsi à l’abri de ces exigences continuelles des consuls rétribués ; que le gouvernement sera plus à même de faire un choix convenable de personnes pour remplir ces fonctions, et pourra dans sa sagesse déterminer lui-même le traitement qu’il convient de leur accorder.

Dès lors, je le répète, je crois que la chambre ferait chose utile de se borner pour le moment à voter les sommes actuellement nécessaires, sauf au gouvernement, s’il le juge convenable, de faire une proposition pour l’établissement de consuls rétribués dans d’autres localités que celles où il en existe déjà.

M. le ministre des affaires étrangères (M. Lebeau) – Messieurs, pour affronter l’accueil qu’on fait à toutes les propositions d’augmentation, il faut avoir la conviction bien profonde de l’utilité et de la nécessité même de pareilles propositions.

Aussi la chambre voit avec quelle circonspection j’ai accueilli toutes les propositions qui m’ont été faites, pour augmenter le chiffre du budget des affaires étrangères. La chambre voudra bien pour être juste, remarquer qu’on ne peut guère accuser de profusion un ministre qui, sur un budget de 1,108,000 francs, ne propose qu’une augmentation de 40,000 francs, plus que compensée par la réduction qu’il propose en même temps.

Le gouvernement, messieurs, est exposé successivement et parfois simultanément à des accusations qui, pour s’entredétruire, n’en sont pas moins très vives.

Ainsi, lorsque l’attention est portée sur les intérêts du commerce et de l’industrie, de toutes parts on crie au gouvernement : « Faites donc quelque chose pour l’industrie et le commerce ; multipliez les débouchés ; allez au loin chercher des moyens d’écoulement pour nos produits qui surabondent dans nos magasins. »

Et lorsque le gouvernement cédant aux vœux exprimés par les chambres vient proposer quelques moyens qu’après mûre réflexion il croit utiles, non pas pour créer tout à coup d’immenses débouchés, mais pour étendre peu à peu le cercle d’exploitation de notre commerce et de notre industrie, alors une accusation toute contraire pèse sur lui : il est accusé de profusion, il est accusé de vouloir systématiquement grossir les budgets, et cela, je le répète, à propos d’une augmentation de 40,000 francs sur un budget de 1,108,000 francs. Voilà la double accusation à laquelle le gouvernement est successivement exposé.

Ce n’est, messieurs, qu’après avoir recueilli les renseignements les plus précis, c’est après avoir été en rapport avec des organes respectables du commerce et de l’industrie, que le gouvernement est venu vous proposer de porter à 140,000 francs le chiffre du crédit pour les consulats.

J’ai quelque lieu de m’étonner, je l’avoue, de l’opposition que cette proposition a rencontrée de la part d’un honorable préopinant. Cet honorable membre, quand il siégeait au banc des ministres, avait commencé par demander 60,000 francs pour rétribuer des consuls à l’étranger. Je ne crois pas qu’alors on ait accompagné cette allocation d’une désignation bien précise. (Je dis ceci, non comme contradicteur, mais uniquement comme narrateur.) Qu’est-il arrivé ? C’est que la somme de 60,000 francs, qui avait été demandée par cet ancien ministre, a été réduite à 30,000 francs ; la volonté de la chambre paraissant être alors de fixer ce chiffre de 30,000 francs comme maximum.

Mais quelques temps après, non seulement l’on est revenu sur la proposition des 60,000 francs rejetés par la chambre, mais on a proposé une somme de 100,000 francs, et la chambre, cette fois, a voté cette somme.

Je voudrais savoir quelles sont les raisons qui font croire à cet honorable membre qu’on a établi ainsi d’une manière inflexible le chiffre normal des consulats. Est-ce à dire que quand on a voté 100 mille francs pour cet objet, on a pensé que jamais, par l’effet de l’action du temps, par suite des efforts du ministre et de ses agents, on ne parviendrait plus à étendre les relations de la Belgique, qu’on ne parviendrait pas, par suite de renseignements reçus de nos agents diplomatiques, à reconnaître l’utilité d’établir quelques consulats, en sus du nombre que le chiffre de 100 mille francs aurait permis de nommer ?

Qui donc peut dire qu’on est arrivé au maximum des frais de consulats, quand des renseignements, venus du dehors, des sollicitations venues de l'intérieur du pays, des réclamations de la chambre de commerce d’Anvers et de maisons de commerce importantes s’accordent à établir que dans l’intérêt du commerce national l’établissement de quelques consulats nouveaux est nécessaire ? A-t-on répondu à l’argumentation si logique, si précise de la chambre de commerce d’Anvers, qui démontre à l’évidence l’utilité de rétribuer quelques consuls en Hollande ? Voilà le terrain sur lequel on aurait dû se placer. On aurait dû sortir un peu des généralités dans lesquelles on s’est tenu pour examiner ces raisons.

Le système des consuls rétribués est jugé par les deux Etats qu’on peut prendre le plus naturellement pour autorités. L’honorable M. de Theux nous a cité l’exemple de la France. La France affecte près de deux millions au traitement des consuls rétribués. L’Angleterre y consacre près de deux millions et demi. Est-ce que la Belgique s’est mise à imiter servilement ces autorités ? A-t-elle essayé d’imiter le système qui se pratique dans ces deux pays ? Non ; car sur cent cinquante-cinq consuls la Belgique en a seulement huit de rétribués.

Le même membre auquel je réponds a paru craindre que s’il y avait augmentation dans l’allocation destinée aux consulats, il ne surgît tout à coup des réclamations de la part de nos simples consuls, dont la convoitise serait excitée par les modifications introduites au budget. On sait que les simples consuls sont des habitants du pays même où ils exercent leurs fonctions. A ceux-là rien n’est accordé. Ils exercent leurs fonctions sans traitement ; ils ne perçoivent que les droits fixés par le tarif consulaire.

Les consuls rétribués sont en général des régnicoles, des hommes qui s’expatrient en quelque sorte. Voilà quels sont les consuls rétribués. Je ne comprends plus dès lors l’argumentation de l'honorable membre.

On a parlé du luxe de nos consuls, on a parlé d’hôtels, de voitures ! Eh !, mon Dieu, ceux qui ont eu l’occasion de voyager à l’étranger, et de voir la position de nos consuls, peuvent attester qu’elle est des plus modestes et que sans la plus sévère économie, plusieurs feraient des dettes, bien loin de pouvoir étaler le luxe dont a parlé l’honorable préopinant, qui paraît voir du luxe à peu près partout.

On a critiqué le traitement affecté au consulat de Lima. Je pourrais dire jusqu’à un certain point que ce n’est pas à moi à le défendre, puisque ce n’est pas sous mon ministère que ce consul a été nommé ; cependant je crois que rien n’est plus facile que de justifier cette allocation. La vie est extrêmement chère à Lima, tellement chère que c’est avec peine, et seulement à la condition d’un traitement assez élevé, qu’on a pu trouver quelqu’un qui consentît à s’y établir. Aujourd’hui ce même consul est en instance pour obtenir une augmentation de traitement.

Dans les circonstances actuelles, le gouvernement n’est pas dans l’intention de la lui accorder ; mais il justifie sa demande, pièces en mains. Si je pouvais sans manquer à la dignité de la chambre faire arriver devant elle des détails de ce genre, elle verrait qu’avec la plus sévère économie, il lui est impossible de vivre sans ajouter à son traitement une partie de ses ressources privées.

Voilà la position de cet agent. Si quelque doute pouvait s’élever sur mes paroles, elles seraient confirmées sans doute par mon honorable prédécesseur, qui certainement n’a pas attaché sans de bonnes raisons un traitement de 25,000 francs au consulat de Lima.

M. Dumortier – Je viens me prononcer contre la majoration demandée sur l’allocation qui nous occupe. Quand il s’est agi de nos envoyés diplomatiques auprès des grandes puissances, j’ai donné mon vote pour l’allocation demandée ; je n’ai pas voulu qu’on les réduisît à de simples chargés d’affaires, parce que je pense que dans l’état actuel des choses, il est de l'intérêt de la Belgique d’être bien représentée près des puissances de la volonté desquelles dépend le sort de notre pays.

Aujourd’hui de quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une allocation de 140 mille francs pour traitement des agents consulaires. Cette somme comprend le traitement de huit consuls et de quelques autres qu’on veut nommer.

Je ne pense pas que la nécessité d’agents consulaires rétribués soit suffisamment démontrée. Pour mon compte, je ne crois pas que nous en ayons besoin si ce n’est dans très peu de localités toutes spéciales. A l’appui de mon opinion je rappellerai ce qui s’est passé sous le royaume des Pays-Bas. Il n’y avait pour tout le royaume des Pays-Bas que quatre consuls rétribués. Je me trompe, quand le gouvernement des Pays-Bas présenta, en 1829, le projet de budget décennal qui a été rejeté par les états généraux, il proposait de rétribuer six consuls : à Alger, à Maroc, à Tripoli, à Tunis, aux Iles Canaries et à Elzeneur.

A cette époque, on se récriait dans les états généraux sur l’élévation du budget des affaires étrangères des Pays-Bas, qui cependant n’était pas plus élevé que le nôtre, car le budget des affaires étrangères des Pays-Bas ne s’élevait guère à un chiffre plus élevé que celui qui nous est en ce moment soumis.

On s’élevait, dis-je, contre les dépenses du département des affaires étrangères. Lorsque l’année suivant le gouvernement des Pays-Bas présenta un nouveau projet de budget décennal, il réduisit à quatre le nombre des consuls rétribués. C’étaient ceux d’Alger, Maroc, Tripoli et Tunis. Voilà les quatre consuls pour lesquels un traitement était pétitionné par le gouvernement des Pays-Bas. Quant au surplus, on laissait les soins du consulat à des négociants fixés dans les différents ports de mer.

Remarquez que le commerce maritime du royaume des Pays-Bas était bien plus étendu que le nôtre. La marine des Pays-Bas était vingt fois plus considérable que la nôtre. Vous voyez que ce qui pouvait convenir pour un commerce aussi considérable que celui du royaume des Pays-Bas, devrait aussi convenir pour le commerce de la Belgique.

Messieurs, ainsi que l’a dit un honorable préopinant, nos consuls ne peuvent pas avoir un caractère politique. Ce sont des agents commerciaux. Le libellé de l’article l’indique : « Frais des agents commerciaux. »

Remarquez encore, messieurs, qu’on a toujours soin d’en envoyer dans les localités avec lesquelles la Belgique n’a aucun commerce. Ainsi dans le chiffre de 103,000 francs indiqué comme employé, je vois figurer 25,000 francs pour un consul à Lima. Eh bien, savez-vous combien nous envoyons annuellement de navires à Lima ? Nous n’en envoyons pas du tout.

Je crois que nous avons envoyé un ou deux navires à Lima depuis la révolution. Ce qui est certain, c’est qu’il est fort douteux si la somme des produits belges introduits à Lima est aussi élevée que le traitement que l’on demande pour le consul de cette localité. Il y a moyen de justifier ce que j’avance. On n’a qu’à vérifier la statistique des entrées on verra que notre commerce est nul. Ce que je viens de dire s’applique également à Manille. Examinez le mouvement du port d’Anvers, vous verrez qu’il n’arrive pas un ou deux navires par an de Manille. Je vous le demande, n’est-ce pas un non-sens que d’avoir des agents chèrement rétribués dans des localités avec lesquelles nous n’avons aucune relation commerciale ?

Que font ces agents ? Ils envoient chaque année un petit rapport dans lequel ils disent quelles sont les possibilités de commercer avec tel pays, les marchandises qu’on consomme dans ce pays. Pour obtenir un pareil résultat, il est inutile de dépenser des sommes aussi considérables.

Vous voulez, dites-vous, le développement de l'industrie. Je le veux tout autant que vous, mais par d’autres moyens. Ce n’est pas par l’envoi d’agents rétribués que vous parviendrez à ce résultat. L’industrie, pour se développer, doit se porter sur le point où de grandes relatons commerciales sont établies avec d’autres puissances ; C’est sur les grands centres de consommation qu’il faut commencer par chercher à établir vos débouchés. (Interruption.)

Je ne répondrai pas à l’honorable interrupteur. Je suis loin de partager son opinion sur un objet dont on a entretenu la chambre hier ; je ne suis pas disposé à accéder à une réunion douanière qui aurait, quoi qu’on en dise, un caractère politique. Nous devons défendre notre nationalité et par conséquent repousser une réunion commerciale qui tôt ou tard ne manquerait pas de devenir une réunion politique.

J’en reviens aux agents commerciaux.

Messieurs, il est à la vérité des points sur lesquels la présence d’un agent commercial rétribué par le gouvernement peut avoir quelque intérêt. Ainsi, aussi longtemps que Méhémet-Ali s’est trouvé être une puissance, un souverain faisant des traités, la présent d’un agent commercial à Alexandrie pouvait être utile au pays.

Mais en pareille matière, il faut se borner au strict nécessaire et laisser pour le surplus à l’industrie à faire aussi sa part.

Je le répète, que deux puissances, la France et l’Angleterre aient des consuls résidant près de toutes les puissances maritimes, je le conçois. Mais vouloir nous grandir comme ces puissances, faire ce qu’elles font, c’est, croyez-moi, s’exposer à jouer le rôle de la grenouille qui voulait devenir aussi grosse que le bœuf. (On rit.)

Je pense donc, par les considérations que je vous ai présentées, que la somme votée l’an dernier est plus que suffisante. Je propose formellement que la chambre s’en tienne au chiffre de cent mille francs qu’elle a voté l’an dernier. Je propose ce chiffre parce qu’il a été voté l’an dernier ; mais je vous avoue que je le regarde encore comme trop élevé ; et je suis convaincu qu’il serait facile de le réduire. Que le gouvernement rappelle notre consul de Lima, puisqu’il ne peut y faire ses propres affaires. Cela fera 25,000 francs disponibles. Qu’il rappelle notre consul à Manille, où nous n’envoyons qu’un ou deux navires par année, et où un consul rétribué me paraît complètement inutile. Le gouvernement trouvera ainsi dans la somme qui a déjà été votée de quoi faire face aux dépenses.

Je ne finirai pas sans vous dire que je n’approuve en aucun manière l’établissement de consulats rétribués en Hollande. C’est une dépense complètement inutile. Autant vaut que nous ayons des consuls résidant dans nos propres ports. La Hollande est à nos portes ; on va à Rotterdam en quelques heures ; et il nous faudrait avoir dans ce port un consul rétribué. Ce serait un non-sens, une absurdité, une véritable dilapidation des deniers publics. Si nous ne voulons pas que notre avenir financier devienne trop effrayant, ne nous laissons pas aller ainsi à toutes les dépenses quelles qu’elles soient. L’honorable M. Eloy de Burdinne a dit tout à l’heure sur ce point des choses fort exactes.

Mais, dit M. le ministre des affaires étrangères, qu’est-ce qu’une augmentation de 40,000 francs sur un budget de 1,108,000 francs. Je le répète, messieurs, en raisonnant ainsi, nous augmenterons notre budget indéfiniment ; et nous finirons pas ne pouvoir obtenir cette balance des dépenses et des recettes qui nous a été promise par le discours du trône. Le jour est arrivé où il faut enfin que cette balance s’établisse. Le budget qui a été présenté ne l’établit pas. Dans le cours de l'exercice qui va s’ouvrir, nous aurons plusieurs millions de nouvelles dépenses. Deux mois suffiront pour le démontrer. Je le fais maintenant, parce qu’il n’y a pas eu de discussion générale des budgets, et que je tiens à vous éclairer sur la situation financière du pays.

Dans le budget de la dette publique que nous avons voté, l’emprunt voté de 84 millions n’est porté que pour 50 millions. Cependant, il est certain que cet emprunt sera parfait en 1841. Comme il est très présumable que les intérêts seront payés en rétroacte, il faudra faire les fonds de ces intérêts pour toute la durée, ou tout au moins pour la majeure partie de l’exercice. Vous aurez de ce chef, pour intérêt et amortissement une dépense de 3 millions que vous ne pourrez vous empêcher de voter.

En outre, nous arrivons à la dernière année où le payement des forêts est dû au trésor public. Après cette année, vous n’aurez plus à recouvrer que de petits reliquats. Vous aurez de ce chef un déficit de deux millions.

Voilà donc cinq millions de dépenses qu’il faudra couvrir par des impôts nouveaux. Ajoutez à cela les cinq millions d’impôts nouveaux déjà demandés ; cela fait bien dix millions de nouvelles charges qui pèseront sur le pays.

En présence de tels faits, je crois que nous devons éviter toute dépense qui n’est pas indispensable. C’est pour nous un devoir de faire concorder nos dépenses et nos recettes. Si nous avons des excédents de recettes, tant mieux ; cela est bien à désirer dans notre position financière. Mais tenons-nous en aux crédits votés l’an dernier. Administrons la Belgique avec les fonds qui ont suffi en 1840, et nous aurons fait chose utile et profitable au pays.

M. de Theux – Je commence par confirmer ce que vous a dit M. le ministre des affaires étrangères sur le traitement de notre consul à Lima. Ce n’est qu’après nous être entouré des renseignements les plus positifs sur l’indispensable nécessité du chiffre de 25,000 francs, qui même nous effrayait de prime abord, que nous nous sommes déterminé à le proposer à la sanction du Roi.

En ce qui concerne les observations de l'honorable préopinant sur l’inutilité du consulat de Lima et d’un ou deux autres qu’il a signalés, je dirai à la chambre que ces résidences n’ont été admises par le gouvernement que sur les indications positives du commerce. J’ai entendu d’honorables membres, plus à même que moi de donner des renseignements sur ce point, demander la parole, je suis persuadé qu’ils justifieront de la manière la plus péremptoire l’établissement des consulats généraux que l’on a critiqués.

Du reste, il est à remarquer que, quoique nous n’ayons pas un commerce très actif avec une contrée éloignée, cela n’empêche qu’il ne puisse y avoir pour nous utilité à avoir dans cet endroit un agent consulaire pour favoriser l’établissement de relations commerciales.

Mais de ce que des consulats sont établis, il ne s’ensuit pas qu’ils le soient à perpétuité. Si le gouvernement vient à reconnaître qu’un consulat est plus nécessaire dans une autre résidence, il peut l’y transporter.

Je reviens à la justification de l’amendement que j’ai présenté.

Je ferai seulement cette observation générale qu’il n’est pas rare de voir des corps, des individus solliciter du gouvernement et des chambres des dépenses nouvelles ou des majorations de dépenses qui leur semblent utiles, et combattre les moyens proposés par le gouvernement pour couvrir ces dépenses. Dans ce moment, le budget des voies et moyens est déjà l’objet de nombreuses réclamations.

Je ne blâme pas pour cela ces corps ou ces individus, parce qu’ils émettent des vues qu’ils croient utiles et qu’ils se reposent sur le gouvernement et les chambres du soin de voir si les ressources de l’Etat peuvent suffire aux dépenses qu’ils réclament. Si le gouvernement et les chambres admettent la dépense, il y a une responsabilité qui pèse sur eux : c’est celle de trouver les moyens d’y faire face.

En présence des nombreuses réclamations qui s’élèvent déjà contre les majorations d’impôt proposées, avons-nous l’assurance de pouvoir satisfaire à toutes les dépenses proposées ou réclamées ? Voilà la question. Si, après avoir accueilli les dépenses, il arrive que les ressources sont rejetées, dans quelle position les chambres seront-elles placées ? Dans quelle position auront-elles placé le gouvernement ? C’est sur ce point que nous devons porter toute notre attention.

Je remarque que l’emploi de la majoration proposée à l’article en discussion n’est qu’éventuel. Ainsi nous lisons dans une note du budget (page 58) :

« Le crédit de l’exercice courant ne laisse donc plus assez de marge pour le traitement d’un agent commercial, si l’utilité d’en établir veniat à être reconnue. Plusieurs consuls dans le Levant ont réclamé contre l’insuffisance de leur traitement ; aucune de ces réclamations n’a été accueillie jusqu’à présent, et elles ne le seront que pour autant qu’il soit bien constaté qu’elles soient entièrement fondées. »

Vous le voyez, il n’y a là que des éventualités : M. le ministre des affaires étrangères n’a pas d’opinion positive sur la nécessité de l’augmentation ; il se réserve l’examen des réclamations. Mais la somme étant votée, si le gouvernement demeure libre de ne pas l’employer, les chambres seront toujours obligées de fournir au gouvernement les ressources nécessaires pour faire face à ces dépenses.

Du reste, je le répète, je ne repousse pas d’une manière absolue l’établissement de nouveaux consuls rétribués ; je veux seulement que la chambre se réserve l’examen de la nécessité de ces établissements.

On a dit que mon honorable prédécesseur qui a parlé dans le même sens que moi, n’avait pas présenté la spécialité de ces dépenses, que moi-même j’avais proposé une augmentation sans spécialités ; cela est vrai ; mais il est vrai aussi qu’il fut donné connaissance à la chambre des indications des chambres de commerce et de l'emploi à peu près certain qui serait fait de la somme proposée. D’ailleurs les circonstances n’étaient pas alors les mêmes qu’aujourd’hui ; nous n’étions pas en présence d’une majoration considérable d’impôts, qui est déjà l’objet de vives réclamations, et qu’on assure être de nature à paralyser plusieurs branches de commerce et d’industrie extrêmement importantes.

On a fait ressortir la différence qu’il y a entre un consul rétribué, qui est un indigène, qui ne peut quitter son pays sans indemnité, et le consul non rétribué, qui n’est soumis à aucun remplacement, et qui est choisi d’ordinaire parmi les nationaux du pays où il est accrédité.

Cette observation est très vraie ; elle ne m’avait pas échappé ; nous avons été dans le cas d’en faire assez souvent l’expérience. Mais ce qui est vrai également c’est que plusieurs consuls, quoiqu’appartenant au pays où ils sont accrédités, se sont plaints du travail que leur occasionnent leurs fonctions et ont réclamé des traitements ou des indemnités. Je dis donc que si l’on majore le chiffre affecté aux consulats rétribués et que si en même temps on ne détermine pas des spécialités, on ouvre une large porte aux réclamations.

Et je le dis avec d’autant plus de fondement que les renseignements donnés par M. le ministre des affaires étrangères et l’opinion émise par M. David, annonce l’intention d’étendre ultérieurement la rétribution des consuls.

J’ai proposé le chiffre de 110,000 francs, et vous avez remarqué, messieurs, d’après les calculs positifs que j’ai établis, qu’avec ce chiffre il resterait encore disponible une somme de 4 à 5,000 francs ; d’après une observation consignée dans les développements du budget des affaires étrangères, il deviendra peut-être nécessaire d’accorder une légère indemnité à deux ou trois consuls en Hollande ; eh bien, si cette nécessité se fait réellement sentir, on pourra, au moyen de ces 4 à 5,000 francs, donner provisoirement une légère indemnité aux consuls dont il s’agit, et si le gouvernement acquiert la conviction qu’il est nécessaire de faire de cette indemnité l’objet d’une dépense permanente, il pourra faire à cet égard une proposition dans le budget prochain.

On a parlé, messieurs, de l’Espagne en ce qui concerne notre commerce de toiles, eh bien, le gouvernement a déjà fait ce qui était en son pouvoir pour s’éclairer à cet égard ; deux agents spéciaux ont été envoyés en Espagne, non point à titre de consuls, mais à titre d’agents commerciaux, chargés de recueillir sur les lieux tous les renseignements possibles, toutes les indications propres à raviver le commerce des toiles. Or, messieurs, je pense qu’un agent commercial envoyé dans certaines circonstances, à l’effet de parcourir tel ou tel pays pour recueillir des renseignements, je pense, dis-je, que l’envoi d’un semblable agent peut être encore plus utile que l’établissement d’un consulat rétribué permanent.

Par ces divers motifs, messieurs, je persiste dans mon amendement, qui consiste à fixer le chiffre de l’article en discussion à 110,000 francs.

M. le ministre de l’intérieur (M. Liedts) – Je ne m’attendais pas, messieurs, à ce que l’augmentation demandée par mon honorable collègue le ministre des affaires étrangères, et qui intéresse à un haut degré le commerce de la Belgique, rencontrât la moindre opposition dans cette enceinte.

La règle, chez nous, c’est que les consuls ne soient pas rétribués, ce n’est que par exception et par une exception fort rare qu’une rétribution leur est allouée ; la question, dans ce moment, n’est pas de savoir si l’on changera la règle, mais si l’on permettra au gouvernement, dans les cas où la nécessité s’en fera sentir, d’étendre quelque peu l’exception, qui, je le répète, reçoit en ce moment de très rares applications. S’il s’agissait de changer la règle, si notre intention n’était pas de repousser les prétentions que l’on craint de voir surgir, ce ne serait pas une somme de 40,000 francs , mais une somme dix ou vingt fois plus forte que nous demanderions.

Dans un pays comme le nôtre, qui fait tous ses efforts pour étendre ses relations à l’étranger, l’institution des consuls n’est pas seulement une chose utile, mais une chose indispensable : lorsqu’un négociant veut présenter des marchandises sur un marché où il n’a jamais été, où il n’a aucune relation établie, où il n’est connu de personne, quel est son premier soin ? N’est-ce pas de s’informer de ce qu’il peut transporter avec avantage sur ce marché, quel en est l’approvisionnement, quelles sont les conditions avec lesquelles les marchandises doivent s’y présenter pour être avantageusement reçues ? C’est ce que l’on fait pour un marché intérieur et qu’à bien plus forte raison l’on doit faire pour un marché lointain. Il est donc indispensable d’avoir dans les pays avec lesquels on veut ouvrir ou entretenir des relations, des agents qui puissent fournir au commerce des renseignements dont il a besoin. C’est précisément dans les pays avec lesquels on n’a pas encore de relations suivies que la nécessité de semblables agents se fait le plus rigoureusement sentir. J’ai donc été fort surpris d’entendre alléguer qu’il ne faut pas de consul à Lima, par exemple, parce que jusqu’ici nous n’avons pas de relations fréquentes avec cette place ; c’est au contraire dans cette circonstance que l’honorable député aurait dû trouver un motif pour établir un consul à Lima, où tout le monde doit reconnaître qu’il y a un très grand nombre de consommateurs qui peuvent prendre nos produits tout aussi bien que les produits similaires des nations qui sont nos rivales en industrie. Si l’on veut une preuve de l’utilité qu’il y a d’avoir un consul à Lima, je ferai remarquer qu’avant que nous y eussions un consul, nous ne faisions aucune affaire dans ce pays, tandis qu’en 1840, nous y avons déjà expédié 3 ou 4 navires avec des marchandises.

Un honorable député d’Anvers, a fait tantôt une courte énumération des devoirs nombreux d’un bon consul ; un bon consul doit tenir le gouvernement, et par conséquent le commerce, au courant de tout ce qui se passe sur la place où il est accrédité ; il doit transmettre le prix courant de toutes les marchandises qui se fabriquent en Belgique, et qui pourraient trouver à se vendre sur cette place, faire connaître quels sont les approvisionnements du marché, envoyer des échantillons ; tout cela, messieurs, paraît très simple lorsqu’on entend énumérer ; mais les soins avec lesquels ces devoirs doivent être remplis pour être efficaces, sont très nombreux et très fatigants. Ainsi, par exemple, l’on croit que parce que nous avons des toiles à envoyer à tel endroit, il suffit de faire connaître quelle est l’espèce de toile qui s’y porte ; pas du tout, il faut encore indiquer avec soin quel est, par exemple, l’apprêt que les nations rivales donnent à leurs marchandises, car très souvent telle marchandise, moins bonne que la nôtre, est cependant préférée, parce que la nôtre se présente moins bien apprêtée, je dirai presque avec une toilette moins bien soignée que celle des nations avec lesquelles nous sommes en concurrence.

Qu’arrive-t-il encore ? C’est qu’un consul peu instruit ou peu au courant du commerce, vous envoie des échantillons surannés ; des négociant envoient des fabricats conformes à ces échantillons, mais lorsque la marchandise arrive, elle ne trouve pas de placement, parce qu’elle est passée de mode.

Il ne suffit pas que les renseignements que transmettent les consuls soient exacts, il faut encore qu’ils soient complets, qu’ils soient envoyés avec désintéressement, car si le consul spécule, s’il a des intérêts industriels, il sacrifie souvent les intérêts de son pays à ses intérêts propres ; il enverra les renseignements dont il ne peut pas profiter, et il gardera pour lui tous ceux qui peuvent lui être utiles.

Joignez à cela, messieurs, qu’un consul doit nous renseigner tous les changements que subissent les tarifs des douanes, les lois relatives à la navigation et au commerce, dans le pays où il est accrédité, afin que nos négociants, lorsqu’ils arrivent dans un pays étranger avec des marchandises, ne soient pas surpris d’y trouver une autre législation que celle d’après laquelle ils avaient établi leurs calculs, d’y trouver des droits dont il ne connaissait pas l’existence lorsqu’ils ont fait leur expédition.

Si j’avais pu prévoir la discussion qui s’est élevée à cet égard, j’aurais pu ajouter bien d’autres détails à ceux que je viens d’avoir l’honneur de faire connaître à la chambre, mais je n’ai pas cru qu’une somme aussi faible et en même temps si utile, si nécessaire au commerce belge, pût rencontrer la moindre opposition dans cette chambre où l’on semble si disposé à ouvrir au commerce des débouchés extérieurs.

Plus les devoirs des consuls sont nombreux, plus il est juste, messieurs, que dans certaines occasions et par exception l’on reconnaisse leurs services. C’est ce que l’honorable député de Hasselt semble avoir reconnu lui-même ; car, sans adopter le chiffre dans son intégralité, il veut accorder 110,000 francs ; eh bien, messieurs, il se présente en ce moment à ma mémoire une indemnité que l’honorable membre a oublié de comprendre dans son énumération, et je suis sûr qu’il en est bien d’autres dont il n’a pas parlé ; ainsi, par exemple, nous avons un consul à Flessingue, où jamais un navire belge n’aborde, si ce n’est lorsqu’il a subi de fortes avaries en mer ; et le nombre des navires qui y abordent pour ce motif est malheureusement considérable.

Ce consul n’a donc presque aucun droit de consulat à recevoir, quoique chaque navire avarié lui donne des peines infinies, s’il veut soigner les intérêts des négociants belges dont les marchandises se trouvent sur ce navire. Eh bien, il faut que le gouvernement soit à même de pouvoir, dans certaines occasions, rétribuer la peine que ce consul doit se donner lorsqu’il veut en homme consciencieux, dévoué au pays, et toujours prêt à soigner les intérêts des négociants belges.

Qu’on ne dise pas, messieurs, que c’est ici le cas de faire usage du crédit alloué pour les dépenses imprévues, car des cas semblables ne sont pas imprévus, puisqu’il ne se passer jamais une année sans qu’il s’en présente ; d’ailleurs la cour des comptes ne voudrait pas imputer une dépense de cette nature sur les dépenses imprévues.

Je dirai en terminant, messieurs, que si nous proposons une légère augmentation sur nos dépenses, ce n’est pas de cette augmentation que naîtra la nécessité de créer de nouveaux produits pour le trésor ; si de nouvelles ressources doivent être procurées au trésor, il faut bien que je le déclare une bonne fois à la chambre, ce n’est pas nous qui avons créé les dépenses qui ont fait naître ce besoin.

L’honorable député de Hasselt a donc eu grand tort de dire que si l’année dernière il a proposé lui-même une majoration sur l’article qui nous occupe, nous n’étions pas alors dans la nécessité de contracter un emprunt. Si un emprunt est nécessaire, la chambre et le pays doivent savoir que ce n’est pas nous qui avons créé cette nécessité et qu’elle existait à notre entrée au ministère.

M. de Langhe – Messieurs, je dois d’abord faire une rectification de chiffres. J’avais vu dans la note transmise par M. le ministre que les traitements actuels de nos huit consuls rétribués atteignent le chiffre de 103,000 francs, mais j’avais perdu de vue qu’il faut ajouter à ce chiffre 1,000 francs pour la moitié d’une indemnité de 2,000 francs accordée au consul de Lerwick, pour le couvrir des frais que lui occasionne principalement la surveillance de la pêche ; le chiffre total est donc de 104,000 francs, or, je persiste à demander une réduction de 13,000 francs, de sorte que le chiffre dont je demande l’adoption est de 91,000 francs au lieu de 90,000 francs.

M. le ministre a dit que je vois du luxe partout, je lui répondrai qu’il ne voit de luxe nulle part, et entre les deux allégations, la chambre choisira celle qui lui paraîtra la véritable. Quant au traitement de notre consul à Lima, je dirai que je connais une personne qui habite ce pays et dont je tiens que la vie n’est pas plus chère à Lima que sur toute la côté d’Amérique. Du reste, si ce consul ne peut pas rester à Lima avec 25,000 francs, qu’il revienne, ce sera 25,000 francs de gagner pour le pays et le consulat de Lima sera rempli par le consul de Valparaiso comme autrefois.

Je crois que notre commerce avec Lima est très peu considérable. On dit qu’il faut le rendre plus considérable. Mais cela pourrait s’appliquer à tous les lieux où nous ne faisons pas de commerce ; or, notre état financier ne nous permet pas d’établir des consuls rétribués partout où nous ne faisons pas encore d’affaires.

Je persiste donc à demander une réduction sur le traitement du consul de Lima.

M. Coghen – Messieurs, il me reste peu de chose à dire après le discours qu’a prononcé M. le ministre de l'intérieur. Je citerai seulement quelques faits.

Messieurs, on a parlé souvent de la France et de l’Angleterre ; on a dit que la France dépensait 2 millions et l’Angleterre 2,500,000 francs pour rétribuer des consuls.

Messieurs, je conçois que ces deux pays, qui ont des flottes marchandes considérables trouvent facilement à établir des consuls ; tout ce qui m’étonne, c’est que la dépense pour cet objet y soit encore aussi forte. Dans notre pays, le nombre de navires qui font des voyages de long cours est très minime ; il ne s’élève peut-être qu’à 40. Or nos consuls ne peuvent pas dès lors compter sur un revenu quelconque provenant des droits de consulat. Par conséquent si vous voulez avoir des agents capables là où votre commerce a besoin d’appui pour ses informations, il faut nécessairement les rétribuer, ou si vous n’avez que des personnes qui acceptent les fonctions de consul gratuitement et uniquement pour l’honneur qui doit en rejaillir sur elles, vous aurez des agents qui ne feront rien.

On a parlé de la possibilité de la suppression du consul à Manille. Dans ma pensée, nous avons besoin de conserver le consul à Manille. En outre, il serait encore très utile d’avoir dans l’Océanie d’autres agents de commerce pour veiller aux intérêts belges : La place de Manille est d’une importance très grande pour le commerce : c’est là que tous les marchands chinois viennent faire leurs grands approvisionnements des produits d’Europe.

Messieurs, la majoration qui a été demandée par M. le ministre me paraît fondée, et je l’appuierai en ce sens que cela ne servira pas à des majorations de traitements, mais seulement à établir de nouveaux moyens d’aider les efforts que fait le commerce, afin de trouver des débouchés. Si c’était pour introduire du luxe dans les consulats, j’avoue que je ne pourrais pas donner mon assentiment à la somme qu’on nous demande.

Messieurs, on a parlé souvent du consul de Lima ; mais on perd de vue ce qu’il en coûte à l’étranger pour y vivre ; on ne fait pas plus avec 25,000 francs à Lima qu’avec 10,000 francs en Europe.

M. de Theux – Messieurs, je dois faire remarquer à M. le ministre de l'intérieur que ce n’est pas à notre ministère qu’on doit la dépense annuelle de 400,000 francs pour la navigation à vapeur. Je ne blâme cependant pas cette dépense amenée par suite de dispositions semblables adoptées successivement en Angleterre et en France.

Ce n’est pas non plus à notre ministère qu’on doit la charge résultant du taux onéreux auquel ont été contractés les derniers emprunts. Cette observation, je ne la fais pas en vue de blâmer ces emprunts, mais pour constater la situation.

Les majorations de dépenses proposées ne sont pas non plus notre fait.

Messieurs, il est une dépense pour laquelle je n’ai pas voté, je veux parler de la dépense qui résulte de l'adoption du système des chemins de fer. J’ai voté pour le projet primitif du gouvernement qui avait uniquement pour objet de relier la mer à l’Allemagne.

Un membre – Vous avez voté contre ce projet.

M. de Theux – J’ai voté d’abord pour ; mais lorsque le projet primitif a été complètement modifié, lorsqu’il est devenu système, j’ai voté contre. Je n’ai pas à désavouer ce vote. J’ai voté ainsi, parce que je prévoyais que l’application de ce système entraînerait des dépenses énormes pour le trésor public, dont les ressources devaient encore diminuer par la réduction du péage qu’on promettait sur les canaux du Hainaut, en compensation du bas tarif sur les chemins de fer.

M. le ministre de l'intérieur a parlé de l’utilité qu’il pourrait y avoir à accorder une rétribution au consul de Flessingue. Eh bien, sur le crédit de 110,000 francs, il y aura une somme disponible de quelques milliers de francs à laquelle on pourra donner cette destination.

- Personne ne demandant plus la parole, on passe au vote de l’article et des amendements.

Le chiffre de 140,000 francs demandé par le gouvernement est mis aux voix ; après une double épreuve, il n’est pas adopté.

Le chiffre de 110,000 francs proposé par M. de Theux, est ensuite mis aux voix et adopté.

- La discussion est interrompue pour la présentation d’un rapport.

Projets de loi modifiant des limites communales

Rapport de la commission

M. Sigart, organe d’une commission spéciale, dépose un rapport sur divers projets de loi relatifs à des délimitations de communes.

- Ce rapport sera imprimé et distribué. La discussion en sera fixée ultérieurement.

- MM. les représentants quittent leurs places.

M. le président – Avant de lever la séance, je demanderai que la chambre fixe son ordre du jour de demain.

La chambre décide qu’après le vote du budget des affaires étrangères, elle s’occupera demain du budget de la justice et de naturalisations.

La séance est levée à 5 heures.